*{ (Rapport commission MacDonald 1983) } Le Canada dans l'économie mondiale: la situation actuelle. Introduction. Le Canada est entré dans les années 1980 en tant que pays industriel développé, ayant tiré profit de la libéralisation des relations économiques internationales de l'après-guerre. Le commerce canadien a bénéficié d'une baisse des droits de douane étrangers, tout en réussissant, à l'aide du capital étranger, à se constituer une solide base industrielle, consolidée par la disparition graduelle des tarifs douaniers et par une exposition progressive aux forces du marché international. Ces dernières années, le Canada a prudemment navigué entre les rives familières de sa politique protectionniste traditionnelle et le havre lointain d'un environnement économique plus ouvert, libéral et international. Au cours des prochaines décennies, cependant, le Canada ne devrait pas croire que ses politiques passées lui permettront de s'adapter aux pressions nouvelles, nées de la conjoncture mondiale, et, en particulier, des relations étroites qui l'unissent aux États-Unis. En fait, la Commission est d'avis que le Canada se trouve à un tournant de son histoire économique et à l'aube d'une ère nouvelle nécessitant la mise en place de politiques nationales et internationales innovatrices. Cette ère nouvelle obligera nos gouvernements à élaborer et à appliquer des politiques qui faciliteront l'ajustement de l'économie canadienne à un monde en mutation rapide et de plus en plus interdépendant. Le Canada a besoin de politiques qui lui donneront la souplesse voulue pour s'adapter rapidement aux influences extérieures en évolution, à défaut de quoi les Canadiens n'obtiendront pas la croissance soutenue, nécessaire au maintien de leur mode de vie actuel. Ce défi se posera pour tous les aspects de la politique économique extérieure, comme le commerce, l'investissement étranger, l'aide au Tiers monde, l'immigration et les autres secteurs. Dans tous ces domaines de l'activité économique mondiale, nous, Canadiens, devrons trouver notre place, exercer notre influence et appliquer des politiques nationales responsables. D'importance vitale, naturellement, seront nos futures politiques commerciales. Le commerce extérieur a toujours été un élément capital du développement économique canadien: c'est le lien vital qui lie l'économie canadienne au marché concurrentiel international. Les gouvernements ont tour à tour insisté sur le fait que le commerce redonne vigueur à notre économie, favorise le développement et l'expansion permanente de nos industries primaires, et nous aide à réaliser notre potentiel industriel, pour enfin occuper une position concurrentielle sur les marchés internationaux spécialisés. C'est parce que les producteurs canadiens ont été progressivement exposés aux forces du marché mondial que toute l'économie canadienne est devenue plus productive. Le commerce et la politique commerciale ont également contribué à relever le niveau de vie des Canadiens, en élargissant les marchés pour nos producteurs et, par conséquent, l'échelle économique de leurs opérations, en nous fournissant ainsi des biens importés qui auraient coûté plus cher à produire chez nous, et en améliorant la qualité de l'emploi. Sur le plan technique, la politique commerciale est la somme des lois, des règlements et des décisions gouvernementales qui s'appliquent aux exportations et aux importations de biens et de services. Ces politiques ont toutes été influencées et, dans une large mesure, déterminées par la conception que nous nous faisions de l'environnement commercial qui favoriserait le plus nos intérêts. En gros, la politique commerciale canadienne est l'art du possible. Tout au long de son histoire, elle a largement dépendu des marchés mondiaux. En règle générale, les gouvernements canadiens successifs ont essayé, par des négociations commerciales, d'obtenir les meilleures conditions d'accès aux marchés étrangers, tout en prenant les mesures appropriées pour protéger leurs producteurs canadiens. Notre politique commerciale a donc consisté à trouver un compromis entre l'objectif visant à améliorer notre accès aux marchés étrangers, et le désir de protéger les grandes industries canadiennes. Nos partenaires commerciaux doivent également tenir compte d'un ensemble de facteurs similaires pour déterminer la manière dont ils négocieront avec nous et avec d'autres pays. Un examen même cursif de la gamme de nos possibilités et de nos obligations sur le plan international nous porte de plus en plus à reconnaître que le rendement commercial du Canada est subordonné à l'ensemble de nos politiques économiques nationales. La politique extérieure et les politiques d'exportation et de commercialisation ont toutes des effets sur le rendement commercial canadien, mais il faut les considérer de pair avec les stratégies de développement économique et industriel de notre gouvernement. Nous devons tenir compte du fait que les questions nationales et internationales sont interdépendantes, et il ne faudrait pas étudier isolément les considérations de politique gouvernementale qui influent sur ces questions, mais, au contraire, les envisager comme un ensemble d'éléments qui s'appuient l'un sur l'autre. Une solide économie intérieure puissante est vitale au commerce extérieur et au rendement économique futurs du Canada. Pour devenir plus concurrentielles et plus efficaces sur les marchés internationaux, les industries canadiennes primaires, secondaires et tertiaires devront compter sur une cohérence et une coordination étroite entre la politique commerciale extérieure et les politiques nationales. Compte tenu donc de l'ensemble de ces politiques, le secteur privé canadien doit rechercher et développer des marchés nouveaux au Canada et à l'étranger. Par conséquent, les Canadiens devront convenir ensemble du cadre de politique et du soutien nécessaire pour permettre au secteur privé de planifier et de veiller à ses intérêts dans un climat de confiance. Les commissaires examinent ces politiques dans la Partie 5 de leur Rapport. Le commerce canadien des années 1980. De 1950 à 1980, le commerce international a augmenté d'environ 6 pour cent par an, plus rapidement donc que la production mondiale, à mesure que les économies nationales s'ouvraient au monde et s'intégraient. La figure 4-1 illustre cette croissance du commerce extérieur des pays industrialisés et montre que, parmi les principaux pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'économie canadienne est l'une des plus ouvertes qui soit. La nature des marchandises que le Canada importe et exporte a beaucoup changé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comme le montrent les figures 4-2 et 4-3, le commerce des produits finis a pris de l'importance, alors que celui des matières premières, des produits agricoles et de la pêche a relativement diminué. A la suite du Traité de commerce des produits pour l'automobile de 1965 (le Pacte de l'automobile) conclu avec les États-Unis, les importations et les exportations de véhicules et de pièces automobiles ont beaucoup augmenté et constituent un élément important de l'accroissement du commerce de produits finis. En 1954, ces produits, qui ne représentaient que 7,6 pour cent des importations canadiennes, ont atteint la proportion de 27,3 pour cent en 1984. Également, les pièces et les véhicules automobiles ne représentaient que I pour cent des exportations canadiennes en 1954, contre 26,4 pour cent en 1984. Au cours de la même période, les exportations canadiennes de métaux et minéraux ont relativement décliné, contrairement à nos exportations de matières énergétiques qui, elles, ont enregistré une hausse sensible. La baisse relative des exportations de matières travaillées reflète, en partie, l'importance décroissante de nos produits forestiers qui représentaient 34,8 pour cent des exportations canadiennes en 1954, contre seulement 12,5 pour cent en 1984. En même temps que la composition des marchandises canadiennes se modifiait, nos partenaires principaux changeaient également. Les figures 4-4 et 4-5 illustrent ce changement. La place de plus en plus prépondérante des États-Unis, comme partenaire commercial principal du Canada, y est évidente, comme l'est aussi l'importance croissante de nos échanges avec le Japon. Notre commerce avec le Royaume-Uni continue à décliner, par rapport à l'époque où ce pays constituait le plus grand marché d'exportation du Canada. Si l'on considère les exportations et les importations de biens et de services (y compris les transferts), l'importance relative des États-Unis et du Japon décroît légèrement. En 1984, par exemple, le produit de nos ventes de marchandises et de services aux États-Unis s'élevait à 71,4 pour cent du total des recettes. On peut comparer ce pourcentage à celui des exportations de marchandises canadiennes aux États-Unis, qui s'élevait à 76,3 pour cent du total des exportations. En matière d'importations, les États-Unis ont reçu 67,9 pour cent de nos paiements à l'étranger, comparativement à 72,4 pour cent des importations canadiennes de marchandises. Les défis de l'environnement. A l'heure actuelle, la plupart des pays cherchent activement le moyen de redonner vigueur à leur économie et de revenir aux niveaux de croissance élevés qui étaient la norme au cours de la plus grande partie de la période d'après-guerre. La lenteur de la reprise, qui a suivi la grave récession du début des années 1980, n'est pas le seul problème que confronte l'économie mondiale. Un changement fondamental, surtout de nature industrielle, se manifeste aujourd'hui, lequel réduit la stabilité et limite la prévisibilité pour les gouvernements et leurs électeurs. Les taux d'intérêt élevés dans un pays ont des effets sur le taux de change et les taux d'intérêt d'un autre pays; un taux de change élevé exerce des pressions sur les balances commerciales dont la détérioration peut, à son tour, créer des problèmes de dette internationale. Ces interactions qui exacerbent le sentiment de risque et d'incertitude, réduisent l'aptitude des gouvernements à orienter leur économie comme ils pouvaient le faire dans les années 1950 et 1960. Le Canada partage naturellement, avec le reste du monde, ce sentiment général d'incertitude et de perte de contrôle. En outre, il fait face à des défis particuliers, imputables à la situation internationale, qui risquent d'avoir des effets sur son potentiel et ses aspirations. Comme nous l'avons vu au chapitre 2, ces défis sont dus à une plus forte concurrence internationale et à la nécessité de s'y adapter, à la nature changeante des courants financiers internationaux, à l'intensification du régionalisme et à des mesures discriminatoires en matière de commerce international. La concurrence internationale. La spécialisation internationale basée sur les avantages comparatifs, qui a facilité la libéralisation des échanges juste après la guerre, a changé au cours de ces deux dernières décennies. Au début, cette libéralisation était facilitée du fait que, seuls, les pays occidentaux industrialisés participaient vraiment à ce processus. Les pays en voie de développement, dotés encore souvent d'un statut colonial, fournissaient les matières premières et ne concurrençaient que rarement les pays industrialisés dans le secteur des biens manufacturés; les pays de l'Europe de l'Est étaient en général exclus du courant commercial en raison de la guerre froide. Il était évident que l'avantage comparatif pour les pays industrialisés reposait sur les différences qui les distinguaient eu égard à leurs ressources en capital, en main-d'oeuvre et en matières premières, ainsi qu'en technologie. On pensait que les avantages comparatifs pouvaient changer, mais que cette mutation était prévisible, évolutive et suffisamment lente pour laisser aux pays le temps de s'ajuster. A l'heure actuelle, les changements rapides qui surviennent dans les courants des échanges commerciaux tendent à imposer des fardeaux beaucoup plus lourds aux vieux pays industrialisés et, par conséquent, à susciter une opposition politique interne aux importations, beaucoup plus forte qu'autrefois. Le Japon, par exemple, a, dans de nombreux secteurs, rattrapé ou dépassé les États-Unis en tant que chef de file mondial de la technologie industrielle. Sa vigueur concurrentielle est tellement grande, que les producteurs nord-américains ont beaucoup de difficultés à s'y adapter rapidement: certains d'entre eux ont vu s'effriter leurs marchés intérieurs et ont été incapables de trouver des débouchés extérieurs pour compenser leurs pertes. L'industrie manufacturière canadienne a fait face à une forte concurrence japonaise dans un certain nombre de secteurs de fabrication avancée, comme la production de véhicules automobiles et de matériel électronique. Certains de nos exportateurs ont perdu des marchés étrangers au profit des Japonais et, si leurs pertes ont été limitées, c'est parce que le Canada n'a jamais beaucoup exporté dans nombre de secteurs où les Japonais sont avancés. La perte la plus sérieuse de marchés canadiens d'exportation directe s'est produite à la fin des années 1970, à la suite des envois japonais d'automobiles à destination des États-Unis. On a tendance à dire que le protectionnisme japonais est la seule cause du déséquilibre des échanges de biens manufacturés entre le Canada et le Japon. Il est certain que ce pays a imposé des restrictions au cours des deux décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Cependant, il ne semble pas, à l'heure actuelle, que le Japon soit beaucoup plus protectionniste que les autres pays industrialisés, du moins si l'on s'en tient aux critères de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Néanmoins, de nombreux produits ont encore énormément de mal à entrer sur le marché japonais. Le défi que pose le Japon, à l'heure actuelle, est dû tant à sa politique commerciale, qu'au rendement économique concurrentiel de toute sa société. La politique gouvernementale contribue à favoriser ce rendement, mais il serait irréaliste, pour les partenaires commerciaux du Japon, d'attribuer son succès uniquement à l'intervention et à la protection du gouvernement. En même temps, le Japon subit des pressions de plus en plus fortes, pour qu'il se décide à ouvrir son économie, sans quoi il risque des représailles contre ses exportations de la part de la Communauté économique européenne (CEE) et des États-Unis. L'entrée en scène des pays nouvellement industrialisés (PNI) constitue un autre changement, survenu depuis la guerre, dans la structure des avantages comparatifs. Ce changement aura des conséquences très importantes sur l'avenir du Canada. Les PNI sont des producteurs extrêmement concurrentiels et exportent, en grosses quantités, certaines catégories de produits manufacturés, dont la fabrication n'exige pas une technologie très avancée, mais une main-d'oeuvre non qualifiée relativement abondante et un apport assez faible de capitaux et de matières premières. Les premiers secteurs touchés par la concurrence de ces nouveaux producteurs ont été le textile, l'habillement et les chaussures, mais, depuis lors, les PNI sont devenus concurrentiels dans les secteurs de la sidérurgie, de la construction navale, des pièces automobiles et des appareils ménagers électroniques. En outre, de nouveaux pays en voie de développement sont devenus des exportateurs de matières premières et concurrencent de plus en plus aujourd'hui le Canada. Les Canadiens devraient prendre soin de ne pas exagérer les conséquences passées de la concurrence des PNI. Jusqu'à présent, les importations en provenance de ces pays n'ont pas influé, sinon très peu, sur le taux du chômage dans les pays occidentaux industrialisés, du fait que l'augmentation des exportations à destination de ces pays a compensé les pertes d'emplois dans les secteurs touchés par cette concurrence. Cependant, l'épreuve de force n'a pas encore eu lieu. En 1977, seulement 8,1 pour cent des importations totales de produits manufacturés et un peu plus de I pour cent de la consommation totale de ces produits par les membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) provenaient des PNI. Ces pourcentages ont légèrement augmenté depuis 1977, mais la concurrence des PNI exerce sur la production globale de produits manufacturés et sur l'emploi dans les pays industrialisés des effets qui, s'ils sont encore relativement faibles, se sont faits de plus en plus sentir, à cause de la récession des années 1981-1982. Bien qu'en termes absolus, le volume du commerce international et l'impact mondial des PNI soient encore restreints, les problèmes de chômage, associés à la concurrence des produits exportés par les PNI, se manifestent surtout dans des secteurs tels que le textile et l'habillement, où, à cause de leur absence de qualification, de leur âge et de leurs autres caractéristiques, les travailleurs déplacés ont beaucoup de mal à trouver un autre emploi. En outre, les industries menacées sont concentrées dans certaines régions du pays, ce qui augmente la dimension politique du problème. Le défi de l'adaptation. Une politique libérale, s'appliquant à la fois aux importations et aux exportations, risque d'entraîner des coûts transitoires assez élevés aux chapitres du capital et de la main-d'oeuvre dans les secteurs touchés par la concurrence étrangère. En libéralisant davantage les importations, le Canada risque probablement de perdre des emplois dans les secteurs qui font face à la concurrence des produits importés. En outre, si cette concurrence est le fait des pays nouvellement industrialisés (PNI) et moins développés (PMD) où les salaires sont très bas, le fardeau de l'adaptation interne va probablement retomber en très grande partie, sur les travailleurs moins payés et les moins qualifiés. Les Canadiens trouveront, à juste titre, que cette situation est injuste et inacceptable. Pour exploiter pleinement les nouveaux débouchés offerts par les marchés d'exportation, certaines industries devront naturellement procéder à des ajustements structurels, qui entraîneront eux-mêmes d'autres grands ajustements inter-sectoriels au regard de la main-d'oeuvre, pour permettre aux entreprises de bénéficier des économies d'échelle et de se spécialiser. Ainsi, pourrons-nous concurrencer efficacement les autres pays d'Amérique du Nord et du monde. Par ailleurs, une libéralisation des échanges commerciaux se traduira par une croissance de la production canadienne et, par là même, créera probablement des emplois dans le secteur manufacturier. Dès lors, le défi consistera à faciliter, et non à contrer cet ajustement. Autrefois, la politique canadienne à l'égard des secteurs menacés par les importations, a surtout consisté à retarder, plutôt qu'à faciliter, l'ajustement. Pour certaines industries manufacturières, comme le textile, l'habillement et la chaussure, cette politique s'est soldée par des tarifs douaniers élevés et l'établissement de contingentements avec, en outre, l'octroi de subventions pour permettre aux entreprises de se moderniser. Les travailleurs déplacés ont eu droit à des subventions bien moindres. Ces politiques ont retardé le processus d'ajustement canadien, même en période de prospérité où la main-d'oeuvre et le capital déplacés se voyaient offrir beaucoup plus de choix que ces dernières années. Les stratégies de croissance dynamique sont issues des stratégies d'ajustement dynamique. Nous devons évaluer le succès des stratégies canadiennes d'ajustement d'après la rapidité avec laquelle elles ont permis à nos industries de s'adapter à la nouvelle conjoncture économique, et non pas d'après leur capacité à retarder cet ajustement. Cette opinion est appuyée dans un certain nombre de mémoires soumis à la Commission. Par exemple: Le protectionnisme ne constitue pas une réponse valable aux changements fondamentaux qui se produisent dans le commerce international. Des méthodes de production surannées, la protection contre les produits bon marché des PNI, la subvention d'une production et de méthodes de production très coûteuses en énergie, ne peuvent que retarder les changements fondamentaux inévitables. Le principe doit être que toute aide à des industries ou des secteurs touchés par des changements structurels soudains et importants, soit évidente et consentie suivant un rythme décroissant et un calendrier défini, limité et irrévocable. On doit faire l'unanimité sur ce point. Une économie ouverte comme celle du Canada doit devenir souple. Le secret c'est de faciliter les changements plutôt que d'y résister, d'élargir l'accès aux grands marchés d'exportation et d'éviter de trop protéger les petits marchés internes contre les importations. Les observations suivantes, tirées de l'une des études entreprises par la Commission, soulignent également l'importance de gagner le pari de l'ajustement: Il est peut-être tentant de prendre des mesures qui retardent l'ajustement. De telles mesures, contingentements ou subventions, se traduisent par un soulagement et des bénéfices politiques immédiats - mais elles enchâssent le problème. Une activité non concurrentielle dans une économie ouverte nécessite une gamme toujours croissante de mesures d'aide, comme ce fut le cas pour le textile et l'habillement. La main-d'oeuvre, la gestion, les machines et les matières premières sont toutes bloquées dans une activité marginale, privant ainsi des secteurs plus efficaces de ressources qui servent à assurer la survie d'un secteur non concurrentiel. On peut facilement justifier une aide à court terme, destinée à faciliter l'ajustement, mais trop souvent, cette aide se transforme en aide à long terme, destinée à éviter l'ajustement. Par conséquent, il faut prendre soin de concevoir et de mettre en oeuvre des politiques qui ne permettent pas de passer de l'une à l'autre. Pour les années à venir, un train de mesures d'ajustement, destinées à dédommager les Canadiens victimes de la concurrence des importations et à faciliter les changements plutôt qu'à les freiner, devra former un élément essentiel de toute politique commerciale canadienne. Une structure économique souple et adaptable est indispensable si l'on veut profiter pleinement des nouveaux débouchés créés par notre interaction avec le reste du monde. L'investissement international. Le commerce international a lieu de plus en plus entre des parties apparentées, en particulier entre des entreprises internationales et leurs filiales; ce phénomène suscite lui-même des questions quant aux conséquences de transactions internationales entre parties ayant entre elles des liens de dépendance. En outre, l'emplacement des filiales a des effets importants sur les courants des échanges commerciaux. Le lieu où se feront les investissements étrangers importants est de plus en plus déterminé par négociation entre les gouvernements et les entreprises internationales, et obéit souvent à des raisons politiques. Pour attirer l'investissement étranger, la plupart des gouvernements offrent normalement des avantages, comme des subventions directes ou des «moratoires fiscaux» (c'est-à-dire des exonérations de l'impôt sur les sociétés pendant une période définie ou indéfinie). En outre, ils imposent souvent des critères de rendement pour orienter le comportement économique des entreprises qui s'établissent sous leur juridiction. Ces méthodes stimulent la concurrence que se livrent les gouvernements en vue d'attirer l'investissement étranger. De leur côté, les entreprises internationales ont fait preuve d'une aptitude remarquable à adapter leurs décisions d'investir aux pratiques des gouvernements-hôtes et ont modifié leurs stratégies d'investissement, de façon à produire des courants d'échanges différents de ceux qui auraient eu lieu s'ils se fondaient uniquement sur les coûts de production ou l'offre et la demande. Le principe des avantages comparatifs a donc été réinterprété en fonction des stratégies modernes d'investissement. Ces avantages comparatifs dépendaient traditionnellement de l'abondance des richesses naturelles et de la lente accumulation de capitaux; ils sont déterminés de plus en plus aujourd'hui par les décisions des grands investisseurs, la recherche et le développement, et la formation des ressources humaines. Il est facile, à l'heure actuelle, d'acquérir un avantage comparatif dans un secteur particulier par manipulation, ce qui permet aux gouvernements d'influer sur les orientations de leurs propres échanges commerciaux. La composition des courants d'échanges commerciaux dépend donc davantage des politiques gouvernementales. Les signataires de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) parlent de l'hypothèse que les gouvernements adoptent en règle générale, des politiques restrictives. Le GATT tente de réglementer leurs méthodes d'application. Les politiques actuelles régissant l'investissement étranger offrent aux gouvernements un excellent moyen de créer des échanges et, à l'exception des subventions, le GATT ne réglemente pas cet aspect de l'activité économique internationale. Le degré élevé de propriété étrangère, dans l'économie canadienne, exerce une grande influence négative aussi bien que positive sur les courants et le potentiel d'exportation du Canada. Jointe à une tendance à «l'internationalisation» des entreprises, cette propriété étrangère étendue est maintenant la cause de la proportion élevée des échanges opérés sous forme de transferts à l'intérieur d'une même entreprise, c'est-à-dire de transferts de biens et de services entre filiales d'une même société multinationale. Une étude sur environ la moitié des ventes des entreprises appartenant à des étrangers, au Canada, a montré qu'à la fin des années 1970, 80 pour cent environ des exportations et des importations de ces entreprises avec les États-Unis consistaient en transactions internes. C'était en grande partie des exportations de pétrole ou des transactions faites en vertu du Pacte de l'automobile. Des statistiques précises de cet ordre n'existent pas à l'égard du commerce canadien avec d'autres régions du globe, mais il semble que les transferts internes représentent une proportion plus petite, mais néanmoins importante, de notre commerce avec les pays d'outre-mer. D'autre part, certains producteurs peuvent se voir refuser l'autorisation d'exporter-ou ne doivent vendre qu'à certains marchés-à la suite d'accords administratifs conclus avec la société mère, conformément à sa stratégie mondiale de marketing. Même des entreprises canadiennes concessionnaires de brevets étrangers peuvent être limitées à notre marché intérieur. Les exclusivités mondiales de fabrication d'un produit constituent peut-être une solution valable au problème des limitations imposées par l'étranger aux filiales manufacturières canadiennes. La politique fédérale et la politique ontarienne encouragent de telles filiales à se spécialiser dans un petit nombre de produits et à exporter une partie de leur production à l'ensemble des marchés de leur société mère. Cette méthode est destinée à remplacer celle utilisée actuellement dans les entreprises, selon laquelle la filiale fabrique toute la gamme des produits de la société-mère à une échelle extrêmement inefficace et ne peut vendre que sur le marché intérieur dont elle a l'exclusivité. En échange d'une rationalisation de la production et d'une augmentation des exportations, le gouvernement fédéral offre des avantages douaniers, permettant à la filiale ayant l'exclusivité mondiale de fabrication d'un article d'importer, à tarifs réduits, les produits nécessaires à l'élargissement de sa ligne de production. De tels programmes ne sont pas encore très courants, mais ils intéressent un nombre croissant de sociétés, qui cherchent à maximiser leur investissement au Canada. Cette technique est peut-être excellente si elle s'inscrit dans un cadre plus général de rationalisation des installations de production à l'échelle nord-américaine. Cependant, les filiales canadiennes, désireuses d'obtenir une exclusivité mondiale de fabrication, doivent toujours démontrer qu'elles sont concurrentielles. Sur le marché ouvert actuel, une société ne peut se permettre de soutenir une filiale ou une succursale non concurrentielle. Il est possible que le degré élevé de propriété étrangère - en particulier américaine - de nos industries ait contribué au manque de diversification de notre commerce d'exportation. Néanmoins, il serait erroné de considérer la propriété étrangère comme un facteur négatif. L'utilisation de la technologie de la société mère, de ses marques de commerce et de son réseau de commercialisation peuvent améliorer les débouchés d'une filiale à l'étranger et les commandes prises par la société mère sont parfois exécutées, en partie ou en totalité, par la filiale. Ce genre d'entreprises multiplient parfois les débouchés extérieurs de leurs filiales canadiennes et ce marché d'exportation est moins risqué que ceux obtenus sans lien de dépendance. Ainsi, la rationalisation et la spécialisation intensifient les échanges commerciaux, du moins au sein de l'entreprise même. Cependant, ce genre de commerce a également besoin de débouchés assurés. Le Canada, comme tous les autres pays, essaie de développer son industrie technologique de pointe. Or, la technologie, de par sa nature même, veut dire souvent que, pour pouvoir participer, le Canada devra s'associer à des entreprises étrangères. En outre, pour attirer les investissements, il doit faire concurrence aux autres pays. Ce processus permet aux sociétés étrangères de comparer les offres d'un gouvernement avec celles d'un autre. A la fin des années 1970, par exemple, le principal fabricant de véhicules automobiles d'Amérique du Nord a réussi à mettre en concurrence divers gouvernements de provinces et d'États, qui encourageaient les investissements pour la construction d'usines nouvelles, alors que l'emplacement en avait peut-être déjà été décidé. Il est évident que le coût des subventions à l'investissement étranger peut rapidement s'élever. Et pourtant, beaucoup d'indices tendent à montrer que les incitations gouvernementales ne sont pas déterminantes. Par contre, l'opinion que d'éventuels investisseurs étrangers se font du Canada joue un rôle important dans leur décision d'investir. La tendance à la régionalisation. Le système d'échanges et de paiements internationaux est basé sur le principe de non-discrimination. En pratique, ce principe veut que tous les pays membres du GATT appliquent, en matière de commerce international, les mêmes règlements et imposent les mêmes restrictions à tous leurs partenaires. Ce principe de nondiscrimination, sur lequel tout système d'échanges multilatéraux doit reposer, a été profondément compromis par la création de zones de traitement préférentiel ou de blocs commerciaux régionaux. Ces blocs ont pris de l'importance depuis les années 1950, en dépit de l'engagement de tous les membres du GATT d'accorder un même traitement à leurs partenaires commerciaux. Le plus important de ces blocs est, de loin, celui que forment la Communauté économique européenne (CEE) et ses nombreux pays associés. Il comprend maintenant un certain nombre de pays méditerranéens, ainsi que des pays en voie de développement en Afrique, dans les Antilles et dans le Pacifique. Les pays de l'Association européenne de libre échange (AELE) sont liés à la Communauté économique européenne par des accords de libre-échange dans le domaine industriel. Près de un cinquième du commerce mondial a lieu à l'heure actuelle à l'intérieur de ce système immense, axé sur la CEE et sur un traitement préférentiel. Parmi les autres régimes de commerce préférentiels, citons l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), la Communauté des Caraïbes (CARICOM), et le Système général de préférences (SGP), que la plupart des pays européens industrialisés appliquent sur une base non réciproque aux importations en provenance des pays en voie de développement. Ces systèmes favorisent tous leurs propres membres grâce à des tarifs douaniers et des barrières non tarifaires. Cette discrimination est toujours contraire à l'esprit du GATT, mais a été légitimisée, dans la plupart des cas, par des dérogations aux contraintes du GATT ou par l'application de la Section vingt-quatre de l'Accord général. Cette tendance à la régionalisation du commerce mondial est extrêmement dangereuse pour notre pays. Comme le Canada n'est membre d'aucun bloc à traitement préférentiel, il est l'un des rares pays industrialisés qui n'a pas librement accès à un marché de plus de 100 millions de personnes. Notre marché intérieur relativement restreint nous place en situation concurrentielle désavantageuse par rapport aux États-Unis, au Japon et aux pays de la CEE, dont les grands marchés intérieurs permettent de mettre au point des produits d'exportation concurrentiels. La discrimination de la Communauté économique européenne à l'encontre de fournisseurs non associés a eu des conséquences néfastes sur les exportations canadiennes vers l'Europe. Les expéditions de matières premières ont souffert le plus, car le Canada n'a jamais exporté beaucoup de produits manufacturés à destination de l'Europe. Le blé constitue un exemple notable: la Politique agricole commune (PAC) de la Communauté économique européenne a beaucoup réduit l'accès canadien aux vastes marchés d'autrefois comme celui de la Grande-Bretagne et de certains pays d'Europe continentale. Les exportations de papier journal ont également été compromises par les accords de commerce préférentiels négociés entre les pays de l'AELE et la Communauté. En outre, certains Canadiens sont préoccupés par les préférences tarifaires et non tarifaires accordées aux pays en voie de développement associés à la CEE, qui risquent de porter préjudice à nos exportations de minéraux et de produits métallurgiques. Cependant, et jusqu'à présent, il ne semble pas qu'il faille s'inquiéter, car peu de pays en voie de développement associés à la CEE produisent en quantités suffisantes les minéraux que le Canada exporte vers la Communauté. Pour le Canada, une autre conséquence économique négative de cette tendance à la régionalisation vient du fait que les États-Unis, le Japon et la Communauté économique européenne inclinent de plus en plus à résoudre les problèmes de commerce international au moyen de négociations trilatérales. Quand ces géants concluent un accord, le Canada n'a souvent la possibilité que d'exprimer une timide opinion. En outre, même s'il participe aux négociations, la formation d'unités au sein de la CEE et, à un degré moindre, de l'AELE réduit nos possibilités d'infléchir les résultats en nous alliant à d'autres pays d'importance moyenne. Parmi les petits pays industrialisés, seuls le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont isolés. On tend aussi dans ces négociations trilatérales à placer arbitrairement le Canada dans l'orbite américaine, ce qui entrave ses efforts pour faire valoir son point de vue sur les relations économiques internationales. Cette situation est alarmante, mais le Canada, en dernière analyse, ne peut faire grand-chose pour renverser cette tendance vers une régionalisation de l'économie politique du monde, parce que ce processus met principalement en cause des relations entre tiers. Cependant, cette situation devrait l'inciter à définir, sans plus attendre, le rôle qu'il entend jouer dans les échanges internationaux. Le commerce avec nos partenaires principaux. Au fil des ans, le Canada a forgé avec un certain nombre de partenaires commerciaux des liens d'investissements et d'échanges mutuellement avantageux. Pour évaluer pleinement les choix qui s'offrent à nous, nous devons trouver réponse à un certain nombre de questions. Quelle est la nature des liens qui nous unissent à nos principaux partenaires commerciaux? Le système de commerce multilatéral est-il toujours le meilleur moyen de gérer nos rapports avec un groupe de pays tellement divers? Les négociations multilatérales vont-elles à l'avenir nous permettre d'accéder, avec plus de sécurité et plus de succès, aux marchés étrangers? Le commerce avec les États-Unis. Les États-Unis et le Canada sont, chacun, le partenaire commercial principal de l'autre. Les trois quarts du commerce extérieur canadien se font, à l'heure actuelle, avec les États-Unis, pour une valeur totale, en 1984, de 156 milliards de dollars en exportations et importations. Les changements récemment survenus dans les conditions économiques - le défi d'une libéralisation des échanges, le rythme du changement technologique, la restructuration des économies occidentales, l'apparition du nouveau Japon-semblent indiquer qu'à l'avenir, les relations entre les deux pays augmenteront encore plus, au lieu de diminuer. Nous, Canadiens, sommes poussés vers nos voisins par des forces qu'il nous est difficile de contrôler. Quelles que soient nos orientations politiques, nos relations avec les États-Unis continueront d'être un élément fondamental, prédominant même, de nos politiques, qu'il s'agisse d'économie, de défense ou d'affaires extérieures. Le succès de notre renouveau économique dépendra donc principalement de nos liens avec les États-Unis. La Commission a été frappée par le nombre de Canadiens pour qui le temps est peut-être venu de redéfinir nos relations commerciales avec les États-Unis. Ces hommes et ces femmes pensent que le Canada ne peut plus compter sur les politiques et les méthodes du passé, que les liens étroits et multiples, qui unissent les deux pays ainsi que l'état de notre économie et du système de commerce international, ne laissent plus aux Canadiens une marge de manoeuvre suffisante et qu'en fait, ces liens nous rendent plus vulnérables. Le projet de loi protectionniste, dont le Congrès est actuellement saisi, démontre à quel point nous le sommes devenus. Ce projet de loi est motivé par une certaine inquiétude devant l'ampleur du déficit de la balance commerciale américaine et la hausse du dollar américain, ainsi que par le sentiment que, seuls, les États-Unis respectent les règles du jeu et qu'ils sont victimes de leur générosité passée. Les mesures protectionnistes que le Congrès des États-unis menace de prendre inquiètent particulièrement le Canada. Toute nouvelle loi protectionniste risque d'avoir de graves répercussions sur l'investissement créateur d'emplois. Même si nous ne sommes pas la première cible, nous risquons d'être la principale victime d'une vague de protectionnisme au Congrès. Aucun degré de diversification ne pourra suffisamment protéger le Canada contre une initiative unilatérale des États-Unis. Mais tout cela est plus qu'une simple menace. La législation commerciale actuelle des États-Unis permet déjà aux sociétés américaines de harceler leurs concurrents étrangers. Elle contient des dispositions qui imposent des droits de douane compensateurs sur les importations subventionnées, des droits de douane antidumping, une aide d'urgence contre les importations néfastes, des mesures de riposte contre les pratiques commerciales «déloyales», et une aide contre les importations préjudiciables à la sécurité des États-Unis. Les règles contenues dans l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) peuvent empêcher l'imposition finale de droits de douane ou de contingentements, sauf si le cas est vraiment justifié et si les procédures adéquates sont suivies. Cependant, elles n'excluent pas les plaintes fantaisistes et les fortes pressions exercées par le Congrès sur le gouvernement, pour qu'il leur donne une suite favorable. L'humeur agressive des Américains fera en sorte que les gouvernements et les exportateurs canadiens seront toujours sur la brèche pour éviter l'imposition de droits de douane ou de contingentements d'une sorte ou de l'autre. Certaines industries canadiennes se demandent si elles ont les moyens de remporter beaucoup d'autres victoires. D'autres n'ont pas eu la même chance. Notre bien-être dépend donc beaucoup de nos relations avec les États-Unis. Les possibilités ne manquent pas de réduire ou de supprimer les barrières devant les biens et les services qui franchissent la frontière, et de contenir les problèmes bilatéraux qui surgissent dans un certain nombre de domaines. Toute discorde entre le Canada et les États-Unis impose des contraintes importantes à l'élaboration de la politique canadienne; un engagement mutuel à des objectifs communs multiplierait les occasions d'échanges. Nos politiques passées ont été marquées par une tendance générale à résister aux forces qui nous rapprochent des États-Unis. L'une des raisons de cette résistance a été la conviction que les décisions politiques canadiennes pourraient et devraient être prises en vue de contrecarrer la présence américaine. Cette prise de position n'a pas tellement servi à endiguer le courant qui nous rapproche économiquement des États-Unis. Qui plus est, elle fait échec à nos tentatives de profiter des débouchés créés par ces liens étroits. Lors de ses consultations, la Commission a entendu l'opinion suivante, que partage le monde des affaires canadien: Les mesures protectionnistes se répercutent sur les coûts et sur les structures économiques et compromettent, automatiquement, notre position concurrentielle sur le marché mondial [...]. Si l'industrie canadienne peut concurrencer l'industrie américaine, on peut envisager très sérieusement une multilatéralisation des résultats. En outre, il est semble-t-il assez difficile d'évaluer jusqu'à quel point les politiques, visant à résister à l'attraction des États-Unis, ont empêché le Canada de profiter de possibilités de compensation et de coopération qui auraient été avantageuses pour lui-même ainsi que pour les États-Unis. Les commissaires estiment qu'il est indispensable de se réorienter. Nous, Canadiens, avons maintenant plus confiance qu'autrefois dans nos propres institutions et dans notre aptitude à sauvegarder les différences qui distinguent nos deux pays. Nous sommes mûrs pour un changement et nous espérons qu'il aura lieu. Le commerce avec l'Europe occidentale. La Communauté économique européenne (CEE) est l'entité commerciale la plus vaste au monde et joue un rôle-clé à la fois dans notre système de relations commerciales internationales et dans celui du GATT. Dans le passé, elle a participé activement aux négociations du GATT qui ont eu pour résultat un abaissement considérable des barrières au commerce extérieur, en particulier pour les produits industriels. Dans une large mesure cependant, la CEE est préoccupée par ses propres problèmes qui sont dus à l'élargissement de cette Communauté à d'autres pays européens que ses fondateurs et à la manière dont elle conduit ses relations avec ses principaux partenaires commerciaux européens et méditerranéens. La CEE n'est plus aussi enthousiaste que jadis à faire respecter une discipline multilatérale bien qu'elle s'efforce d'établir un ordre du jour pour de futures négociations commerciales. La dernière Commission royale sur les perspectives économiques du Canada écrivait il y a presque trente ans, à la veille de la création de la Communauté économique européenne, ce qui suit: Si un marché commun réussissait à se constituer en Europe occidentale, le rendement et la production y gagneraient, et la zone serait ainsi mieux en mesure de commercer avec le reste du monde, dont l'Amérique du Nord. Par contre, si l'entreprise ne connaissait qu'un demi-succès, elle ne serait peut-être qu'un autre moyen de désavantager les importations en provenance de la zone dollar. L'expérience montre que ces deux observations se sont avérées exactes. L'intégration économique européenne a beaucoup contribué à la croissance et à la prospérité de l'Europe occidentale, faisant de celle-ci un marché d'exportation intéressant. Cependant, la discrimination européenne a empêché les commerçants canadiens d'accéder à ce marché. Le pourcentage des exportations canadiennes à destination de l'Europe a baissé constamment depuis 1965, alors que celui destiné aux États-Unis a toujours augmenté. Dana Wilgress, l'un des principaux architectes de la politique commerciale canadienne d'après-guerre, a observé, il y a vingt ans, que les avantages que le Canada retirera de l'intégration européenne seraient intangibles et à long terme, alors que les inconvénients seraient immédiats. Et d'ajouter: Tout ce que l'on peut dire avec certitude à l'heure actuelle, c'est que les avantages à long terme semblent devoir compenser les inconvénients à court terme - quoique, si le Royaume-Uni devient membre de la Communauté, il faille des avantages à long terme considérables pour compenser la perte du régime préférentiel dont le Canada bénéficie sur le marché britannique. L'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté en 1971 a confirmé les craintes de Wilgress. En 1984, le Royaume-Uni a absorbé 2,2 pour cent seulement des exportations canadiennes, contre 41 pour cent en 1938, 27 pour cent en 1947 et 18 pour cent en 1955. L'intégration européenne a accéléré une tendance qui existait déjà dans les années 1950. La Communauté tout entière - en fait l'Europe tout entière - ne constitue pas pour le Canada le marché que le Royaume-Uni représentait il y a seulement une génération. Notre gouvernement fédéral a essayé de renverser cette tendance, il y a une dizaine d'années, en créant un «lien contractuel» avec la Communauté. Une somme considérable de bonne volonté politique et d'efforts diplomatiques a été déployée et a finalement débouché, en 1976, sur un accord-cadre prévoyant des consultations, une coopération industrielle, des échanges de technologie et d'autres techniques destinées à resserrer les liens économiques. Cet accord est assorti d'un certain nombre de mécanismes consultatifs avec chacun des États membres, y compris la France et le Royaume-Uni. Ces mécanismes et l'accord-cadre, cependant, n'ont eu que peu d'effets. Ils n'ont pas ouvert les marchés de la Communauté, ils n'ont pas donné au Canada une situation privilégiée et ils n'ont jamais suscité l'intérêt du secteur privé. En fait, ils ont surtout servi à des contacts et des consultations d'ordre bureaucratique. La distance, l'absence de liens intra et inter-entreprises et le maintien de barrières douanières élevées, qui protègent les industries de fabrication et de transformation européennes, sont autant de facteurs qui réduisent toute perspective d'expansion importante des échanges. Une évaluation réaliste de cette situation, dix ans après la signature de l'accord-cadre, laisse croire que le potentiel commercial du Canada en Europe est limité. Il n'en demeure pas moins que la Communauté est toujours le deuxième partenaire commercial du Canada et, en 1984, elle absorbait 7,8 pour cent de notre commerce extérieur. Comme dans le cas des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, le Canada dépend plus de son commerce avec la CEE que la Communauté de ses échanges avec le Canada. Il serait possible d'intensifier la coopération économique et le commerce entre le Canada et la CEE, dans plusieurs domaines importants. Dans un certain nombre de secteurs, cependant, il faudra que le Canada négocie des modifications au système d'importation de la Communauté avant de pouvoir tirer avantage d'une telle coopération. C'est particulièrement le cas pour le commerce des produits de la pêche, des matières premières semi-ouvrées et des produits finis hautement perfectionnés, comme le matériel de télécommunications. Les politiques agricoles européennes inquiètent énormément les producteurs canadiens, car elles reposent sur des subventions considérables à l'exportation, entravent nos ventes de produits agricoles en Europe en même temps qu'elles compromettent notre situation sur les marchés de pays tiers. En matière de politiques commerciales et économiques, les pays d'Europe occidentale qui ne font pas partie de la CEE ont tendance, comme ceux de la Communauté, à se préoccuper de problèmes d'intégration européenne. Les membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) sont maintenant étroitement liés à la Communauté par des traités de libre-échange dans le domaine industriel. L'Espagne et le Portugal entreront dans la CEE en janvier 1986 et la Turquie a signé un traité d'association. Ces arrangements préférentiels réduisent l'accès du Canada à ces marchés. La composition de nos échanges avec ces pays est très semblable à celle de nos échanges avec la Communauté: le Canada y exporte des matières premières et en importe des produits manufacturés et agricoles. Le volume des échanges est faible. Notre accès à ces marchés est régi par le GATT et cet Accord général sert de base contractuelle à ces relations. Pour l'Europe, cependant, le GATT ne joue plus qu'un rôle secondaire. Les accords commerciaux les plus importants dans cette région prévoient maintenant des modalités préférentielles pour les divers partenaires commerciaux européens. Le commerce avec la région Pacifique-Asie. Depuis quelques années, les Canadiens voient dans la région Pacifique-Asie, territoire ayant un potentiel économique illimité, soit une menace à la santé de nombreuses collectivités et industries canadiennes, soit enfin une région en marge de la plupart de nos principales préoccupations économiques. Nous avons eu de la peine jusqu'ici à décrire nos relations économiques avec le Pacifique-Asie sans exagérer ou minimiser l'importance de cette région, ou sans limiter étroitement notre examen à la concurrence des importations en provenance de cette région, ou aux possibilités d'exportation qu'elle nous offre. L'apparente difficulté qu'ont les Canadiens de se faire une idée claire et nette du Pacifique-Asie est surtout due à la nouveauté et à l'incertitude que cette région représente pour de nombreux Canadiens. Nous n'avons pu, à ce jour, nous former une opinion équilibrée et pondérée sur nos attaches économiques avec cette région. Nous acceptons beaucoup plus facilement, sinon instinctivement, les avantages et le prix de nos relations d'interdépendance avec nos partenaires commerciaux traditionnels; nous comprenons beaucoup plus facilement la dimension et la portée future de ces relations. La région du Pacifique-Asie est, à l'heure actuelle, la plus dynamique de l'économie mondiale. Comme le montre le tableau 4- 1, elle ne constitue absolument pas une entité homogène, mais les pays développés et en voie de développement qui la composent connaissent tous une croissance économique et commerciale rapide. Ensemble, ils ont déplacé le centre de l'activité économique internationale de l'Atlantique vers le Pacifique, et leur croissance économique risque de faire du siècle prochain «le siècle du Pacifique». Pour l'Ouest du Canada, bien sûr, et en particulier pour la Colombie Britannique et un petit nombre de grosses entreprises canadiennes, le Pacifique occupe, depuis longtemps, une place prépondérante sur le plan économique. La Colombie Britannique exporte plus de marchandises aux pays du Pacifique qu'aux États-Unis. Cependant, beaucoup de Canadiens n'ont découvert que récemment la puissance et le potentiel économiques des pays du Pacifique-Asie, qui sont également devenus des concurrents inquiétants sur notre marché intérieur et la cible de choix de la plupart des récentes mesures protectionnistes canadiennes. Les pays de la région du Pacifique-Asie diffèrent énormément entre eux par la taille, les ressources naturelles, le niveau de développement et les caractéristiques politiques, culturelles et linguistiques. Sur le plan économique, on peut les répartir en quatre groupes: le Japon, industriellement avancé, mais pauvre en ressources naturelles; la Chine ayant une économie continentale importante et peu développée, mais riche en ressources naturelles; la Corée du Sud, Taïwan, Hong-Kong, et Singapour, pays pauvres en ressources naturelles, mais qui s'industrialisent rapidement depuis peu (PNI); et l'Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie et les Philippines, pays dotés de ressources naturelles, «en voie d'industrialisation» de l'Asie du Sud-Est. Ces groupes se distinguent par d'importantes différences, mais partagent aussi des ressemblances; les VillesÉtats et les entrepôts de Hong-Kong et de Singapour, par exemple, diffèrent des économies un peu plus vastes et plus diversifiées de la Corée du Sud et de Taïwan. En dépit de ces distinctions, ces quatre économies peuvent être regroupées, non seulement à cause de leur proximité géographique, mais parce qu'elles ont enregistré une croissance économique rapide dans les années 1970 et 1980. Les pays du Pacifique-Asie, à l'exception de la Chine, ont ceci de commun: ils dépendent étroitement du commerce extérieur et de l'économie de marché. Ces dernières années, la croissance économique des pays en voie de développement du Pacifique-Asie a de beaucoup dépassé celle du Canada et des États-Unis - et du monde développé en général. Celle du Japon a également affiché des résultats supérieurs à ceux des autres pays industrialisés. A l'heure actuelle, les relations économiques du Canada avec la région du Pacifique-Asie présentent les caractéristiques suivantes: - Les pays du Pacifique-Asie sont les partenaires commerciaux du Canada dont l'importance s'accroît le plus rapidement; cette région a supplanté l'Europe occidentale pour le commerce extérieur et se classe au deuxième rang après les États-Unis. Cependant, nos relations commerciales avec la région du Pacifique, bien qu'actives, n'ont pas connu une expansion marquée. - Dans l'ensemble, la dichotomie qui a traditionnellement caractérisé nos relations commerciales avec la région Pacifique-Asie - en général, exportations de matières premières par les provinces de l'Ouest et importations de produits manufacturés qui font concurrence aux industries de fabrication du Canada central - demeure relativement inchangée. - L'investissement canadien dans la région Pacifique-Asie est dominé par un petit nombre de grosses sociétés canadiennes et il est sous-développé par rapport au profil commercial actuel du Canada dans la région. Les investissements des pays du Pacifique-Asie au Canada sont encore à l'état embryonnaire. - Les institutions financières canadiennes ont des liens étroits avec la région Pacifique-Asie et constituent une tête de pont indispensable aux exportations canadiennes. - Les relations canadiennes au chapitre de l'aide ne sont importantes qu'avec un petit nombre de pays en voie de développement de la région Pacifique Asie et, même quand elles existent, elles ne sont pas très importantes économiquement parlant - et probablement encore moins politiquement - que nos relations commerciales. Les Canadiens connaissent probablement bien la transformation économique rapide du Japon. Ils l'ont vu modifier ses exportations, principalement de petits articles manufacturés pendant les années 1950 et 1960, pour exporter des produits industriels à haute teneur en capital, comme les véhicules automobiles, l'acier et les navires, à la fin des années 1970 et pendant les années 1980. Pour les Européens ou les Nord-Américains, la restructuration économique du Japon a été rapide et s'est accompagnée d'une planification industrielle à très long terme, et aussi d'une coopération sans pareille entre le gouvernement et les entreprises. C'est l'obligation de diriger un pays pauvre en matières premières et de réduire sa vulnérabilité intrinsèque qui a entraîné cette transformation économique rapide et suivie. Elle sous-tend également l'intégration verticale croissante et l'internationalisation de l'économie japonaise, caractérisée par l'augmentation de ses investissements outre-mer dans les industries d'extraction de matières premières et dans les marchés de produits manufacturés. Cependant, la composition des importations japonaises n'a relativement pas changé; y prédominent toujours les carburants et autres produits primaires minéraux et agricoles. Les Canadiens ont été frustrés devant leur incapacité à se tailler une place sur le marché japonais pour y vendre des produits plus élaborés. En dépit des efforts importants que le Canada a déployés et des assurances du gouvernement japonais qui s'est engagé à coopérer avec le Canada sur le plan économique et industriel, les résultats tangibles sont un peu minces. De nombreux exportateurs canadiens n'ont pu franchir les obstacles japonais de types différents. Néanmoins, on entrevoit une lueur d'espoir dans certains domaines avancés, comme les télécommunications, où les entreprises canadiennes progressent sur le marché japonais. De bonnes relations commerciales avec le Japon sont plus qu'un simple problème relevant du GATT. Les effets des méthodes et des politiques commerciales et industrielles japonaises sur les autres pays, en particulier sur les États-Unis, sont eux aussi importants. Les inquiétudes américaines ne sont pas différentes de celles du Canada, mais le pouvoir américain de persuasion en matière économique aussi bien que politique est considérablement plus grand que celui du Canada. Le Japon est maintenant conscient de la frustration que ressentent les pays étrangers devant son régime d'importation et de leur mécontentement de ne pouvoir entrer sur le marché japonais des produits manufacturés et transformés. Un certain nombre de décisions récentes, prises par le gouvernement nippon, montrent que cette prise de conscience se manifeste à présent par des mesures concrètes. Quelques concessions unilatérales spécifiques en matière de commerce extérieur ont été offertes aux pressions étrangères venant surtout des États-Unis et de la Communauté économique européenne, mais le Canada n'en a pas beaucoup profité. L'éventualité que le Japon accommode les Américains par des mesures discriminatoires et préjudiciables au commerce extérieur canadien est par conséquent un sujet spécial d'inquiétude pour le Canada. Bien que le Japon se soit, en règle générale, engagé à respecter le système multilatéral, il adapte ses méthodes d'importation et d'exportation aux besoins du moment et choisit souvent de recourir à des arrangements bilatéraux pour obtenir des droits en vertu du GATT. Par exemple, il n'a jamais cherché à obtenir des compensations pour les mesures de sauvegarde prises par ses partenaires commerciaux contre ses propres intérêts, comme il n'a pas eu recours aux procédures de règlement des conflits prévues par le GATT pour résoudre ses problèmes de commerce bilatéral. Par contre, il a souvent été l'objet de plaintes de rapports de conciliation et de mesures de sauvegarde de la part du GATT. Les Japonais partagent l'opinion générale voulant qu'il faille conserver et renforcer le système multilatéral de commerce international. Cependant, leur méthode est plus directement axée sur les problèmes de commerce bilatéral qu'ils connaissent avec les États-Unis et la Communauté économique européenne. A l'occasion, ces expériences se sont traduites par une volonté accrue de mettre au point un programme concret et à long terme d'échanges multilatéraux, qui détournera l'attention des sujets de friction propres aux problèmes bilatéraux. Les Japonais n'ont formulé aucune proposition spéciale pendant les travaux préparatoires des rondes de négociations Kennedy et de Tokyo, et ils s'inspirent souvent des suggestions faites par les États-Unis, par celles de la Communauté économique européenne et du Canada. En général, le Japon traite, dans un esprit de bonne coopération, un grand nombre de sujets et repousse ses décisions finales, jusqu'à ce que l'opinion de la plupart des autres participants soit clairement définie. Nous avons par conséquent été un peu surpris, et encouragés, de voir les Japonais prendre dernièrement l'initiative de négociations multilatérales. Les relations commerciales du Canada avec la région Pacifique-Asie sont toujours dominées par notre commerce bilatéral avec le Japon: d'une part, exportation de matières premières, et, de l'autre, importation de produits manufacturés de plus en plus élaborés. Cependant, sans en exagérer l'importance absolue quant au volume, notre commerce bilatéral le plus dynamique se fait avec les PNI qui se développent rapidement et, à un degré un peu moindre, avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Ces pays ont tendance à importer une gamme de marchandises plus diversifiées, produites par un plus grand nombre de secteurs canadiens, que ne le fait le Japon. Parallèlement, les pays en voie de développement du PacifiqueAsie commencent eux aussi à exporter plus de biens de production nécessitant l'intervention d'une main-d'oeuvre qualifiée, augmentant ainsi leur gamme de produits concurrentiels sur le marché canadien. Un certain nombre de raisons laissent croire que les relations économiques actuelles entre le Canada et les pays du Pacifique-Asie se multiplieront et se diversifieront au cours des prochaines décennies. La principale raison de cette tendance est le taux de croissance relativement élevé prévu pour la région et, en particulier, pour les pays «nouvellement» ou «presque» industrialisés de l'Asie de l'Est et du Sud-Est. La croissance de la production et du commerce extérieur de ces pays continuera d'être sensiblement supérieure à celle des partenaires commerciaux traditionnels du Canada, c'est-à-dire les États-unis et l'Europe occidentale. Le dynamisme des pays du Pacifique-Asie ouvrira à la fois de nouveaux débouchés aux industries canadiennes et intensifiera la concurrence à l'égard d'une gamme plus étendue de produits. Cependant, il est moins certain que les entreprises canadiennes puissent accaparer une part majeure des marchés de la région Pacifique-Asie, et s'adapter rapidement aux nouvelles pressions exercées sur les importations au Canada. Il est néanmoins certain que la concurrence sera toujours intense. Le Canada ne commerce pas depuis longtemps avec la région PacifiqueAsie, et la plupart des autres pays industriels cherchent également à mettre le pied dans cette région dynamique, afin d'augmenter leurs exportations et d'accroître leurs emplois. Nous, Canadiens, devons, d'une part, nous familiariser avec la région et les méthodes asiatiques de commercer et, d'autre part, nous engager à développer avec le temps de solides relations commerciales avec la région: il faut bien se familiariser avec le marché et acquérir une bonne réputation pour entretenir de bonnes relations commerciales avec l'Asie. Comme élément de sa «Troisième option», de diversification, adoptée au début des années 1970, le gouvernement fédéral devait négocier de gouvernement à gouvernement l'ouverture de débouchés pour les entreprises canadiennes. A l'exception de la Chine et de Taïwan, tous les pays de la région sont membres du GATT, et cet Accord général constitue la base contractuelle de nos relations commerciales avec ces pays. Cependant, en plus du GATT, le Canada a conclu un accord-cadre avec le Japon et un certain nombre de traités de coopération industrielle avec des pays plus petits. Le Canada a signé un traité de commerce bilatéral avec la Chine, mais ne reconnaît pas Taïwan. L'objet de tous ces traités est de faciliter les contacts de gouvernement à gouvernement. Ceux-ci, à leur tour, servent de cadre de coopération au secteur privé. A plus long terme, le Canada devrait s'efforcer davantage à promouvoir ses relations commerciales bilatérales avec le Japon. Bien que la Commission n'ait pas accepté la proposition de l'économiste renommé Robert Mundell visant à conclure un traité de libre-échange bilatéral avec le Japon, les commissaires ont été extrêmement intrigués par cette notion et suffisamment intéressés pour demander conseil à leurs chercheurs. Il est possible qu'avec le temps, le Canada et le Japon multiplient leurs relations officielles ou contractuelles, dans un cadre régional ou dans le contexte de relations multilatérales. L'essentiel est de se rendre compte de l'importance de ces relations et de leur donner la priorité qui leur revient. En matière de politique donc, il est absolument nécessaire que le gouvernement du Canada et le secteur privé s'accordent et coopèrent constamment pour mieux connaître les débouchés qui s'offrent dans la région PacifiqueAsie. Les relations entre le gouvernement et les entreprises sont en général très étroites dans cette partie du monde et, souvent, les gouvernements locaux participent activement aux grands projets du secteur privé. Certains pays de la région Pacifique-Asie, comme l'Indonésie et la Malaisie, essayent de plus en plus de résoudre les problèmes de leurs balances des paiements, au moyen d'accords de commerce bilatéraux et d'accords de troc. Étant donné la nature de son régime économique et politique, la Chine, elle aussi, est portée à suivre de près les comptes commerciaux bilatéraux et le troc convient bien à ses institutions. Quoi qu'il en soit, et bien que le gouvernement canadien ait un rôle important à jouer, en fournissant des renseignements, en facilitant les contacts, en servant de «catalyseur» pour les contrats d'exportation, et en rehaussant l'image du Canada dans ces régions, il doit se rappeler que c'est finalement au secteur privé qu'il incombe de devenir concurrentiel et de tirer parti des débouchés offerts par ce marché. La politique protectionniste canadienne jouera un rôle de plus en plus important dans nos relations avec la région Pacifique-Asie, et en particulier avec les pays en voie de développement de cette région. Le Canada n'est naturellement pas le seul pays développé à avoir imposé des restrictions spéciales sur ses importations de produits manufacturés en provenance de ces pays et ces contraintes ne sont pas les plus sévères, pas plus d'ailleurs qu'il ne jouit d'un pouvoir économique égal à celui de certains autres pays industriels. Aussi, il est possible que nous perdions plus que les autres, si les pays en voie de développement décident, dans l'avenir, de s'opposer au protectionnisme des pays développés. Le Canada a déjà fait une expérience instructive lorsqu'en 1984 l'Indonésie s'opposa à une tentative canadienne de restreindre les importations d'habillement et menaça de résilier certains gros contrats d'exportation de marchandises et de biens d'équipement canadiens. Il faut des expériences semblables pour se rendre compte de l'interdépendance qui existe entre les politiques d'exportation et d'importation. Malheureusement, on l'oublie trop fréquemment; de plus, la distinction artificielle que fait la bureaucratie gouvernementale entre l'élaboration de la politique d'exportation et celle d'importation nuit à cette interaction. Le Canada confond parfois la «politique commerciale» avec la «politique d'exportation» et nos gouvernements, lorsqu'ils fixent leur politique d'importation, ne tiennent pas assez compte des répercussions qu'elle peut avoir sur l'économie et le commerce en général. Ce manque de compréhension de la nature bilatérale du commerce est particulièrement évident dans nos contacts avec nos nouveaux partenaires commerciaux, les pays en voie de développement. A l'avenir, il faudra s'attendre à ce que ces pays s'opposent plus farouchement à nos mesures protectionnistes, en particulier à celles qui les visent dans des secteurs comme le textile et le vêtement. Le commerce avec les autres pays en voie de développement. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le Canada joue, sur la scène mondiale, un rôle spécial en raison des liens qu'il a forgés avec les pays en voie de développement. Puissance moyenne, sans ambition territoriale ou militaire, le Canada passe, aux yeux des pays en voie de développement, comme un État qui veut vraiment hâter le processus de développement des pays moins développés (PMD), même si toutes les mesures qu'il a prises en matière de commerce et d'aide n'ont pas toujours confirmé cette perception. Certains Canadiens, par exemple, s'inquiètent que les PMD réclament un traitement préférentiel pour certains de nos marchés d'exportation-clé où leurs produits concurrencent les nôtres. Néanmoins, l'estime générale dont jouit le Canada auprès des pays en voie de développement reflète notre confiance dans la diplomatie tranquille, mais active, et notre désir de dialoguer avec ces pays et de les aider. Cette conception des problèmes mondiaux a poussé, ces dernières années, le Canada à participer activement au dialogue Nord-Sud. Le Canada s'intéresse au monde en voie de développement pour des raisons qui dépassent les simples considérations humanitaires. Ainsi, nos intérêts et les leurs se confondent à certains égards. Cela comprend le commerce des matières premières, la stabilité des prix des ressources primaires et le transfert de technologie. En outre, comme tous les petits pays, qui dépendent du commerce extérieur, le Canada a intérêt à ce que le système de commerce et de paiements internationaux fonctionne bien. Mais avant tout, les pays en voie de développement sont nos futurs partenaires commerciaux et, dans une certaine mesure, ils le sont déjà actuellement. Les vastes débouchés qu'ils offrent sont encore insuffisamment exploités par les exportateurs canadiens, mais ils gagnent en importance. Il est possible, donc, que nos relations actuelles avec le monde en voie de développement soient encore dominées par des considérations humanitaires, mais elles constituent les assises sur quoi reposeront des relations commerciales mutuellement profitables à l'avenir. Par rapport aux autres membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nos échanges commerciaux avec les pays en voie de développement sont limités. En 1983, par exemple, 7,5 pour cent de nos importations et 7,1 pour cent de nos exportations ont été transigées avec des pays en voie de développement non-exportateurs de pétrole, alors que, pour les États-Unis, ces proportions étaient de 28,9 pour cent des importations et de 29,4 pour cent des exportations. Cette situation s'explique en partie par le fait que le Canada est un grand exportateur de matières premières et de produits agricoles et, par conséquent, il a tendance à faire concurrence aux pays en voie de développement dans les pays tiers. Bien que cette concurrence risque de limiter quelque peu nos possibilités d'exportation vers les pays en voie de développement, elle nous permet de partager avec ces pays des intérêts communs d'ordre commercial. Le commerce canadien avec les pays en voie de développement a surtout lieu avec les régions du Pacifique-Asie et de l'Amérique latine. Nos importations en provenance de l'Amérique latine consistent surtout en carburants et en produits primaires, alors que celles qui nous viennent de l'Asie du Sud-Est et du Sud consistent en produits manufacturés. Par contre, les exportations canadiennes à destination de l'Amérique latine consistent surtout en produits manufacturés, alors que celles qui se destinent à l'Asie de l'Est sont surtout des carburants et des produits primaires. Si le montant total des exportations canadiennes vers les pays en voie de développement est relativement faible, ces pays représentent néanmoins un marché d'exportation en pleine croissance. Ceux qui se développent rapidement, en particulier les pays situés en bordure du Pacifique, offrent un potentiel considérable à nos exportateurs. Dans les prochaines années, ils fourniront de nouveaux débouchés à nos exportateurs de services dans des secteurs comme la technologie de pointe, l'avionnerie et la gestion technique. D'autres pays en voie de développement fourniront probablement des marchés à l'expertise canadienne: consultations en génie, construction de centrales électriques et nucléaires, et infrastructures de communications et de transports. L'expérience canadienne en matière d'extraction et de transformation des ressources naturelles permettra aux entreprises canadiennes d'aider les pays en voie de développement dans ces domaines. Nous sommes en mesure également de fournir des services éducatifs à ces pays. Le Canada applique, contre les pays en voie de développement, les mêmes mesures de protection qu'adoptent les autres membres de POCDE. Au milieu des années 1970, les importations canadiennes, autres que les carburants en provenance des pays en voie de développement, étaient soumises à des droits de douane pondérés moyens de 11,4 pour cent, contre seulement 6,7 pour cent pour les importations provenant des autres pays développés. Pour les importations de produits manufacturés, le tarif douanier moyen frappant les pays en voie de développement était plus du double de celui qui s'appliquait aux pays développés: 15,5 pour cent pour les PMD et 7,2 pour cent pour les autres. Les réductions de tarifs douaniers négociées lors du Tokyo Round faisaient grand cas des industries canadiennes dites «délicates», ce qui accentuait encore le parti pris à l'égard des produits où la main-d'oeuvre non qualifiée était une composante principale. Le Canada a accordé des préférences aux pays en voie de développement par l'intermédiaire du Système général de préférences (SGP), introduit au début des années 1970 par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Conformément à ce programme, les pays développés ont le droit d'accorder des préférences douanières spéciales aux produits achetés des pays en voie de développement, sans recevoir, en contrepartie, des concessions quelconques. Le Canada applique le SGP dans le cadre du Tarif général préférentiel canadien (TGPC). En pratique, cette concession a des effets limités, car elle ne s'applique pas à la plupart des textiles et des chaussures ni à certains articles électroniques. Les importations en vertu du TGPC ne s'élèvent qu'à environ 4 pour cent du total des importations canadiennes en provenance des pays en voie de développement et à 0,2 pour cent du total des importations canadiennes. Les barrières non tarifaires (BNT) contre les pays en voie de développement se sont multipliées durant les années 1960 et les années 1970 car le Canada comme d'autres pays, a adopté des politiques visant à ralentir et à contrôler l'entrée, sur son marché, de textiles, de vêtements et de chaussures en provenance de ces pays. A cet égard, une mesure importante a été l'Arrangement multifibres du GATT qui date de plus de vingt ans. Le Canada n'est certainement pas le seul pays à suivre ce genre de politiques, mais il n'a pas non plus pris l'initiative de trouver une autre solution en vue d'atténuer ce genre de protection. Les restrictions commerciales imposées à l'égard de ces articles devaient être des mesures temporaires, destinées à permettre aux industries visées de s'ajuster aux nouvelles conditions du marché. Malheureusement, cette méthode d'adaptation n'a pas été efficace et les mesures restrictives, au lieu de disparaître, ont pris un caractère assez permanent. Elles sont onéreuses pour les consommateurs canadiens et pour les pays en voie de développement qui essayent d'agrandir leurs industries manufacturières exportatrices. De nombreux pays en voie de développement plient déjà sous le fardeau d'autres dettes. Si les pays développés ont un intérêt vital à maintenir des conditions telles que les PMD pourront faire face au service de leurs dettes, les mesures protectionnistes discriminatoires qu'ils prennent sont souvent préjudiciables à cet intérêt. Elles sont également incompatibles avec la volonté des Canadiens d'aider les PMD à se développer. Une entreprise canadienne a dit aux commissaires ce qui suit: L'aide internationale aux pays du Tiers monde devrait viser à ce que ces pays puissent voler de leurs propres ailes; le Canada devrait être un marché pour les biens qu'ils produisent, à charge pour eux de fournir des débouchés pour les produits canadiens. Le Québec et le sud de l'Ontario seraient probablement les régions les plus sérieusement touchées par une libéralisation des politiques commerciales canadiennes à l'égard du monde en voie de développement. Nos gouvernements devraient, bien sûr, aider efficacement ces régions à s'adapter, à recycler et à replacer les travailleurs touchés par la suppression des mesures commerciales protectionnistes. Dans le passé, les entreprises ont reçu une aide à l'adaptation pour pouvoir se moderniser et, ainsi, garder leurs travailleurs. Un tel programme d'aide qui facilite, plutôt qu'il n'empêche, la relocalisation des travailleurs, serait finalement la meilleure solution pour améliorer nos politiques commerciales à l'égard du monde en voie de développement. Les résultats de l'aide canadienne. On considère depuis longtemps que l'aide aux pays en voie de développement, ou «l'aide officielle au développement», est un instrument important au moyen duquel les politiques gouvernementales exercent leur effet sur les pays en voie de développement. En dépit, cependant, de l'importance de cet instrument, l'aide est loin d'être le seul lien entre pays développés et ceux en voie de développement, dont les relations sont dominées par les échanges commerciaux. A quelques exceptions près, la valeur des échanges et des mouvements de capitaux commerciaux est beaucoup plus importante que celle de l'aide au développement. Les «transferts officiels» aux pays en voie de développement non producteurs de pétrole ne s'élevaient, en 1982, qu'à 11,7 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS), alors que le total de leurs exportations de biens et de services s'élevait à près de 400 milliards de dollars en DTS, ainsi que le montre le tableau 4-2. Également, les courants commerciaux entre le Canada et les pays en voie de développement dépassent de loin le montant de l'aide que nous leur accordons. En 1980, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il avait l'intention d'augmenter, en 1985, le montant annuel de l'aide canadienne aux pays en voie de développement à 0,5 pour cent du produit national brut (PNs), et de faire «tout son possible» pour atteindre un ratio aide/PNs de 0,7 pour cent en 1990. Le gouvernement actuel a annoncé que l'aide sera de l'ordre de 0,6 pour cent du PNs en 1990 et que l'objectif de 0,7 pour cent ne sera atteint qu'en 1995. Dans le passé, de tels objectifs à long terme n'étaient pas toujours pris très au sérieux. Le budget fédéral de 1984, par exemple, prévoyait que notre gouvernement utiliserait, jusqu'à concurrence de moitié, l'augmentation de l'aide future en vue de stimuler les exportations canadiennes à destination des pays en voie de développement. Devant un tel plan, on peut se demander quelle proportion de cette aide aboutira finalement dans les pays en voie de développement. La Norvège, les Pays-Bas et la Suède ont annoncé leur intention de maintenir leur montant d'aide à I pour cent de leur PNs. Étant donné que ces pays ont déjà atteint ce niveau, le monde en voie de développement croit plus en leurs promesses qu'aux nôtres. En 1975, le gouvernement du Canada s'est engagé à «délier» ses prêts bilatéraux au développement, afin de permettre aux pays visés de concurrencer les sociétés canadiennes pour les contrats accordés par l'Agence canadienne de développement international (ACDI). Il n'a pas encore appliqué cette décision. Une étude récente de l'aide canadienne au Bangladesh a conclu que les règlements «liant» l'aide constituent une contrainte opérationnelle importante sur les activités de l'ACDI dans ce pays. Ces règlements freinent les activités dans les secteurs agricole et social, tous deux considérés prioritaires au regard de l'aide canadienne. Parce que des ressources non liées ont été allouées à l'aide aux activités agricoles, plusieurs projets dans d'autres secteurs assujettis à une «aide liée» ont beaucoup souffert. Dans une étude sur le Sénégal, par exemple, on a évalué que l'efficacité des projets de l'ACDI avait été considérablement réduite par l'ingérence d'intérêts canadiens commerciaux et autres dans le choix et la conception des projets. Le soutien du public à des programmes efficaces d'aide internationale est un élément déterminant de la performance de l'aide nationale. On peut évaluer ce soutien par l'ampleur des dons privés consentis à titre volontaire aux pays en voie de développement. Le pourcentage du PNB volontairement affecté à l'aide aux pays d'outre-mer a baissé au Canada, pendant la dernière décennie, de même qu'aux États-Unis et dans tous les pays de POCDE. Par contre, une caractéristique frappante des données relatives à l'aide officielle est le fait qu'une aide gouvernementale généreuse ne fait que refléter l'aide privée. Le montant élevé de l'aide octroyée par les gouvernements hollandais, suédois et norvégien semble indiquer que leur opinion publique est plus favorable aux pays en voie de développement que celle de l'Amérique du Nord. Cette observation signifierait que, pour accroître l'aide du Canada à ces pays, il faudrait que le public prenne conscience de la nécessité de cette aide. Cet impératif a été exposé aux commissaires par l'Association canadienne pour le Club de Rome, dans les termes suivants: La politique canadienne se situe dans un contexte mondial - un contexte qui a conscience d'un monde en évolution et de son impact sur la politique et le potentiel canadiens [...]. Un élément intégral de la détermination de l'avenir dans un milieu international consiste à mettre en relief le rôle et la responsabilité du Canada qui doit utiliser ses aptitudes et ses richesses pour réduire la faim et la pauvreté dans le Tiers monde [...]. Le gouvernement fédéral et les organismes privés canadiens ont beaucoup contribué au développement international et à la création d'un ordre économique et social plus solide et plus stable, mais l'ensemble du pays ne dispose pas de la base politique nécessaire lui permettant d'accorder une haute priorité au genre de coopération qui serait de nature à concrétiser les politiques des pays industriels à l'égard du Tiers monde. Un engagement non équivoque à atteindre cet objectif ne sera pris ni facilement, ni rapidement, et exigera une ferme orientation gouvernementale et institutionnelle pour créer une base politique élargie. Le commerce avec les autres régions. Le Canada a des liens commerciaux traditionnels avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Si nos relations commerciales sont normalement régies par le GATT, elles sont encore, pour ces deux pays, teintées par les vestiges de traités préférentiels bilatéraux, négociés pour la première fois à la Conférence d'Ottawa de 1932. On a récemment renégocié le Traité avec la Nouvelle-zélande pour moderniser ses modalités préférentielles et les adapter aux méthodes commerciales actuelles. Des discussions similaires ont eu lieu avec l'Australie. Les préférences dont bénéficient encore ces deux pays sont minces, mais assez importantes quand même pour les sociétés privées canadiennes à qui elles procurent un léger avantage sur le marché par rapport à leurs concurrentes américaines et européennes. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont négocié un traité de libre-échange dont les modalités sont actuellement appliquées et qui aura des effets sur les dernières préférences dont bénéficie le Canada. D'un autre côté, si le Canada et les États-Unis cherchent à resserrer leurs liens économiques, l'Australie et la Nouvelle-Zélande feront preuve, sans doute, d'un peu de compréhension. Les relations commerciales avec les économies planifiées contribueront encore à la prospérité de régions et de producteurs particuliers, manufacturant surtout des produits finis. Le volume des échanges ne devrait pas tellement s'accroître, mais les possibilités d'expansion des exportations sont bonnes pour certains types de produits. Pour des économies planifiées, les possibilités de troc peuvent s'avérer plus prometteuses que les méthodes commerciales traditionnelles, car elles exigent une participation gouvernementale plus poussée qu'à l'ordinaire. L'Union soviétique est, depuis longtemps, un gros importateur de grain canadien et, avec les autres pays de l'Europe de l'Est, elle peut offrir des débouchés pour les biens manufacturés canadiens. Bien que le potentiel de ces marchés soit conditionné par les réalités politiques et les contraintes financières entre l'Est et l'Ouest, les occasions ne manquent pas de nouer des liens commerciaux solides, stables et sérieux avec les économies planifiées. Bien qu'un certain nombre de pays à économie dirigée soient membres du GATT, leur participation constitue une anomalie, car le GATT suppose que le commerce est principalement une affaire privée qui peut être influencée par les politiques et les méthodes gouvernementales. Il cherche à limiter les interventions gouvernementales dans les transactions privées. Par contre, le commerce extérieur est un monopole d'État dans les pays à économie dirigée; par conséquent, il repose sur une base entièrement différente. La participation de ces pays au GATT n'a pas tellement d'effets sur leur politique commerciale. Dans la plupart des cas, on ne peut entrer sur leur marché qu'au moyen de négociations intergouvernementales. Le bilatéralisme, plutôt que le multilatéralisme, continue d'être la règle dans les relations commerciales avec ces pays. Les choix qui s'offrent à nous. La récession du début des années 1980 et ses séquelles ont augmenté la dépendance du Canada envers les ÉtatsUnis, aux dépens de nos relations commerciales avec les autres pays. Les statistiques actuelles de commerce extérieur indiquent que cette tendance se maintiendra. En 1984, le commerce avec les États-Unis représentait 76,6 pour cent des exportations et 72,8 pourcent des importations canadiennes. Ces relations ont un côté positif: les États-Unis sont un client de qualité et nous achètent considérablement plus de produits manufacturés et de produits finis que nos autres partenaires commerciaux. En outre, ils sont une bonne source d'importations de qualité. Le côté négatif de ces relations, cependant, est qu'en raison des courants naturels d'exportation de nos produits manufacturés, nous dépendons énormément du marché américain et, qui plus est, des politiques commerciales du gouvernement des États-unis qui, finalement, contrôle l'accès à ce marché. La concentration du commerce extérieur - en particulier celle des exportations-peut être un sujet d'inquiétude pour un pays, comme elle le serait pour une simple entreprise. Une clientèle variée est gage de sécurité. Par contre, plus on commerce avec un partenaire et plus sûre et certaine doit être la relation avec lui. Nos rapports avec les États-Unis, cependant, ne sont ni sûrs ni certains, car, alors que les statistiques du commerce extérieur illustrent l'importance des États-Unis pour l'économie canadienne, l'inverse n'est pas tout à fait vrai. Notre pays est le plus important partenaire commercial des Américains. Il comptait pour 19,3 pour cent de leur commerce en 1983, mais il n'est pas perçu par eux comme aussi important, sur le plan de l'économie internationale, que la Communauté économique européenne (CEE) ou le Japon. Ce qu'il faut craindre vraiment, c'est que le Canada puisse être exagérément touché par une politique commerciale multilatérale des États-Unis qui aurait des conséquences pour tous ses partenaires commerciaux, mais plus particulièrement sur le Canada, à cause de notre concentration sur le marché américain. Étant donné que le Canada maintient des relations commerciales étroites dépendantes même, avec les États-Unis, nous ferions bien de nous assurer que notre politique commerciale favorise les industries qui sont concurrentielles sur le marché américain et qui peuvent y accéder sans se heurter à des mesures protectionnistes. Le Canada, étant plus petit, souffre encore de ne pouvoir soutenir la concurrence, situation que perpétue sa politique protectionniste. Le Canada a toujours eu pour objectif d'accroître ses exportations de produits manufacturés et finis, mais il n'atteindra pas facilement ce but en protégeant ses industries secondaires. Curieusement, de fortes industries sont plus le produit de marchés ouverts que de marchés protégés, car elles se consolident au contact de la concurrence étrangère. La protection du commerce est, au Canada comme dans tout autre pays essentiellement assurée par deux instruments: les barrières tarifaires et les barrières non tarifaires (BNT). En matière de tarifs douaniers, ceux du Canada et de ses principaux partenaires ne sont pas équilibrés: en 1987, les tarifs douaniers moyens américains sur les importations passibles de droits seront d'environ 4 à 5 pour cent ( 1 pour cent en moyenne pour le Canada en raison du Pacte de l'automobile et du niveau élevé d'importations de produits primaires en franchise de droits), alors que les taux moyens du Japon et de la CEE varieront entre 5 et 7 pour cent. La moyenne des tarifs douaniers canadiens sur les importations passibles de droits sera de 9 à 10 pour cent. Ce qui n'apparaît pas dans ces moyennes, c'est le fait que les tarifs douaniers sont beaucoup plus élevés pour certains produits. Les tarifs moyens sont calculés sur une base commerciale a pondérée», ce qui signifie qu'ils sont influencés par le volume commercial de chaque article; or, ce volume est généralement plus important pour les articles exonérés de droits. Pour cette raison, on a tendance à sous-estimer les effets des tarifs douaniers sur les échanges. Néanmoins, il est probable que la protection tarifaire affecte l'économie canadienne bien plus que l'économie américaine, japonaise ou européenne, non seulement à cause des niveaux moyens des droits de douane, mais aussi en raison de la nature de la protection. Ainsi, certains tarifs douaniers canadiens, en particulier sur les machines, ne s'appliquent que si les mêmes articles sont fabriqués au Canada. Cette méthode peut créer beaucoup d'incertitude pour les importateurs canadiens de produits américains, par exemple, et elle étend automatiquement la protection tarifaire aux produits nouvellement mis au point, que la protection en soit nécessaire ou pas. En d'autres termes, on risque de décider qu'un secteur manufacturier important a besoin de protection, alors qu'il n'en est rien. Le barème douanier reflète, également, l'hypothèse voulant que les entreprises canadiennes aient besoin de protection. Il est foncièrement difficile de comparer les barèmes douaniers de différents pays, mais on peut y arriver à peu près en examinant les droits de douane pour un «panier de produits». Les barèmes douaniers sont des documents destinés à servir très longtemps et, à mesure de leur évolution, ils ont fini par viser, entre autres un panier» de produits indéterminés, répartis en catégories, dans le dessein de protéger des articles qui n'ont pas encore été créés ni classifiés. Les droits frappant le a panier» fournissent ainsi une protection de base que l'on peut hausser ou, au contraire, baisser, une fois que le produit en question aura été classé. Un exemple de a tarif» figure au tableau 4-3 d'où il apparaît que les taux canadiens sont constamment et, pour certains produits, sensiblement plus élevés que les taux américains. On peut trouver des exemples semblables dans les tarifs douaniers européens et japonais. Les taux élevés du panier canadien sont un legs de la Politique nationale et reposent sur l'hypothèse que les entreprises manufacturières canadiennes ont besoin de la protection qui leur est accordée par la politique commerciale canadienne. A l'heure actuelle, cependant, où l'économie industrielle est beaucoup plus développée, une telle protection tarifaire ne sert qu'à isoler les industries canadiennes du marché mondial, même quand elles n'en ont pas besoin pour être concurrentielles. De tels tarifs douaniers pénalisent les utilisateurs industriels et les consommateurs canadiens, en permettant à nos producteurs de hausser leur prix autant que le tarif douanier le leur permet. Dans quelques secteurs, les acheteurs étrangers de produits canadiens paient moins cher que les acheteurs locaux. La protection, surtout dans pareil cas, n'est plus justifiée. Le Canada aurait donc intérêt à réduire de tels tarifs par tous les moyens, en particulier ceux qui frappent les produits manufacturés. A l'instar de la protection tarifaire, les barrières canadiennes non tarifaires (BNT) ne se comparent pas à celles de nos partenaires commerciaux. Les États-unis, la Communauté économique européenne, le Japon et le Canada utilisent des BNT, mais les trois premiers de ces pays en font usage plus que le Canada. Les États-Unis, par exemple, ont souvent recours à des droits de douane compensateurs ou antidumping, à des règlements administratifs et à des marchés gouvernementaux préférentiels, conformément à la politique Buy America. De telles BNT américaines ont plus d'effets sur le Canada et, en particulier, sur l'investissement au Canada, que nos BNT sur nos principaux partenaires commerciaux. Voici deux exemples qui illustrent clairement les effets des BNT américaines sur le Canada. Le premier a trait aux droits compensateurs, lorsque les États-unis se réservent la faculté d'appliquer des droits de douane spéciaux sur les importations de produits étrangers, qui auraient bénéficié de subventions de la part d'un gouvernement étranger. Cette méthode se veut une contre-mesure justifiée à l'égard du commerce déloyal, mais elle-même prête le flanc à des abus, surtout lorsque les entreprises américaines en profitent pour harceler leurs concurrents étrangers, en les menaçant de poursuites en compensation. L'industrie canadienne du bois d'oeuvre s'est récemment vu réclamer des droits compensateurs, et bien que le Canada ait eu gain de cause, le procès a été long et coûteux; cette même industrie est actuellement menacée de mesures envisagées par le Congrès, visant à limiter l'accès au marché américain du bois d'oeuvre canadien. L'industrie de la pêche canadienne risque de subir le même sort, puisqu'un rapport publié fin 1984 par la U.S. International Trade Commission accuse le Canada d'avoir consenti des subventions aux producteurs, en particulier dans les provinces maritimes. Le résultat en est que, à tort ou à raison, les exportateurs canadiens de marchandises à destination des États-Unis sont menacés ou font l'objet de procédures légales coûteuses qu'ils n'ont pas les moyens d'éviter. Les entreprises canadiennes ou étrangères réfléchissent donc à deux fois avant d'investir au Canada, surtout si elles veulent exporter une grande partie de leur production aux États-Unis. De telles exportations, sont bien sûr, indispensables au fonctionnement efficace de toute grosse entreprise industrielle établie au Canada. Les marchés gouvernementaux sont un autre exemple de BNT américaines qui désavantagent le Canada. Les États-Unis ont une loi générale appelée la Buy America Act, dont les dispositions ont été reprises dans divers textes de loi qui réglementent les achats des gouvernements des États ou du gouvernement fédéral. L'industrie canadienne des transports en commun, qui est internationalement concurrentielle, a particulièrement souffert de ces dispositions; en fait, pour pouvoir vendre leurs produits aux États-Unis, des entreprises comme Bombardier ont été obligées d'y installer des usines. De telles exigences réduisent nécessairement les investissements que peut faire au Canada une industrie canadienne «de classe mondiale», entraînant ainsi une perte d'emplois de haute qualité. Les États-Unis ne sont certainement pas le seul pays étranger qui impose des BNT préjudiciables aux exportateurs canadiens. En fait, les producteurs canadiens connaissent bien la menace inhérente aux méthodes américaines, étant donné l'importance du marché des États-Unis pour leur prospérité. Les barrières non tarifaires appliquées aux autres marchés ont eu assez de succès pour diminuer l'importance de ces marchés quant aux produits finis, malgré des réductions tarifaires consenties. Des BNT, comme les contingentements à l'importation, les subventions et les droits de douane variables, prévalent à l'égard des produits de la pêche et des produits agricoles et servent sur les marchés européens et japonais de boucliers contre ces produits. La Communauté continue d'insister sur des normes difficiles à satisfaire et des méthodes d'achat obscures. Le Japon est le spécialiste des barrières invisibles, difficiles à prouver et impossibles à détourner, et il réussit à frustrer les exportateurs canadiens de produits manufacturés et agricoles. Même avec des produits compétitifs, l'accès aux marchés d'outre-mer n'est absolument pas garanti. Il ressort clairement de ce bref examen des barrières tarifaires et non tarifaires que le Canada perd doublement au chapitre de la protection commerciale. Nos produits manufacturés ne sont plus concurrentiels sur le marché intérieur et l'une des causes en est notre propre protection tarifaire. Par rapport aux pays qui ont de grands marchés intérieurs, nous souffrons également d'un climat d'investissement incertain et de la perte d'investissements créateurs d'emplois. Ces deux désavantages sont amplifiés par l'utilisation de BNT à l'étranger. Le rendement manufacturier du Canada est une source d'inquiétudes supplémentaires. La balance commerciale de notre pays accusait traditionnellement un surplus d'exportations de produits agricoles, de matières premières et de produits fabriqués (c'est-à-dire semi-finis). Par contre, le Canada affiche un déficit important au chapitre des produits finis. Cependant, l'excédent au titre des matières premières et des produits finis était tel que notre gouvernement a pu se permettre une politique coûteuse de substitution des importations, conformément à sa politique nationale. A l'heure actuelle, une telle situation ne se justifie plus. La croissance réelle du commerce international est due aux produits manufacturés; comme l'a noté le Conseil économique du Canada, «[...] le commerce des aliments et des matières premières dans les économies de marché est approximativement 2,5 fois plus grand, en valeur réelle, qu'il y a deux décennies, alors que le montant correspondant de biens manufacturés est environ 5 fois [plus grand]». Durant ce temps, le Canada, lui aussi, a accru sensiblement ses exportations de produits manufacturés et finis et, bien que nous soyons toujours largement déficitaires au chapitre des produits finis, ce déficit est beaucoup plus petit qu'en 1960, considérant le commerce extérieur total du Canada pour ce genre de produits. Étant donné que le commerce mondial de produits primaires n'augmentera vraisemblablement pas au cours de la prochaine décennie, il est évident que le Canada devra augmenter ses exportations de produits manufacturés, s'il veut garder sa place sur les marchés internationaux. Il est évident qu'un pays exporte ses produits pour pouvoir importer les marchandises qu'il veut. Si nous ne réussissons pas à accroître le volume de nos exportations de produits manufacturés au cours de la prochaine décennie, nous importerons moins et, par conséquent, notre mode de vie s'en ressentira. L'économie chancelante de la Grande-Bretagne montre l'importance de l'enjeu, car la lente croissance de sa productivité et l'érosion de sa position concurrentielle internationale, depuis trente ans, ont entraîné une détérioration correspondante de son mode de vie. Ce dernier, qui était l'un des plus élevés d'Europe au milieu des années 1950, est devenu, au milieu des années 1980, l'un des plus bas des pays membres de la Communauté économique européenne. Ainsi, le rendement commercial du Canada dépendra, dans une grande mesure, de son rendement manufacturier qu'il ne sera pas facile d'améliorer. Ce secteur subit, de par le monde, une profonde transformation qui intensifie la concurrence pour tous les pays. La capacité industrielle mondiale s'est accrue et cette tendance se poursuivra dans l'avenir, à mesure que les pays en voie de développement augmenteront leur potentiel manufacturier. Dans certains domaines, la technologie moderne a entraîné des changements rapides pour des gammes de produits, dus en partie aux techniques de production, comme l'avènement de la robotique et, en partie, à l'évolution des produits eux-mêmes. Donc, l'important c'est d'innover, d'augmenter rapidement la production et de s'assurer de nouveaux débouchés. Finalement, les progrès réalisés dans le domaine des transports internationaux font que les marchés intérieurs peuvent de plus en plus être desservis par l'étranger, ce qui force les entreprises, au Canada et ailleurs, à devenir plus concurrentielles, ou à battre en retraite devant la concurrence internationale. Les circonstances actuelles donnent aux entreprises les encouragements et la capacité d'accéder aux marchés étrangers, et elles ont fait disparaître certains des éléments naturels de protection, comme les difficultés de transport qui, auparavant, contribuaient à isoler les différents marchés. Le message est, encore une fois, qu'il y a de moins en moins de refuges et que la prospérité du Canada dépend finalement du pouvoir concurrentiel futur de son économie. Le Conseil économique du Canada a déclaré que le pouvoir concurrentiel du Canada allait, en grande partie, être déterminé par la politique commerciale que choisira notre pays au cours de la prochaine décennie: Le taux de croissance à long terme de l'économie canadienne est largement déterminé par l'amélioration de sa productivité concurrentielle. Les projections actuelles suggèrent que de telles améliorations seront bien moindres pendant les années 1980 qu'à la fin des années 1960 et au début des années 1970 [...] on ne peut pas ne pas tenir compte du fait que la rigidité à la concurrence, et le sentiment et les méthodes protectionnistes ont augmenté dans l'économie ces dernières années, et freinent l'amélioration de la productivité. Les choix politiques. Les Canadiens devront faire un choix important: devront-ils poursuivre bilatéralement ou multilatéralement leur politique de commerce extérieur? Avant de décider, nous devons nous rappeler que les deux termes de cette alternative ne s'excluent pas nécessairement. Si nous prenons la bonne décision, nos choix seront complémentaires, et l'un fortifiera l'autre. Notre préférence marquée pour le multilatéralisme, qui caractérise nos politiques depuis quarante ans, est en partie une réaction contre le particularisme et le bilatéralisme des années 1920 et 1930. Certaines de ces forces sont toujours présentes et discernables, par exemple, quand nous essayons de trouver des solutions bilatérales à des problèmes difficiles d'importation, en appliquant des modalités ordonnées de commercialisation et des restrictions volontaires aux exportations. Cependant, le Canada recourt également à des politiques et à des instruments bilatéraux positifs, comme ceux qui permettent de régler des questions propres à deux pays ou bien d'ouvrir des débouchés entre deux pays, quand les autres États ne sont pas disposés à faire le pas. En fait, des instruments bilatéraux bien choisis peuvent servir de catalyseurs pour renforcer des institutions multilatérales. Au cours des cinquante dernières années, le Canada a forgé, de pays à pays, des liens profitables avec de nombreux partenaires commerciaux. Ces liens sont officialisés dans des traités bilatéraux aussi bien que multilatéraux, si bien que, lorsque les gouvernements traitent de questions d'intérêts mutuels, ils peuvent s'engager par des accords bilatéraux ou multilatéraux, ou les deux. Étant donné les pressions qui s'exercent à l'heure actuelle sur les institutions mondiales, nous pensons qu'à l'avenir les gouvernements recourront de plus en plus aux engagements bilatéraux. On a constamment entendu dire, dans les audiences publiques et dans les travaux de recherche de la Commission à quel point il importait que le Canada veille, par des accords bilatéraux sur une partie de ses intérêts, dans le cadre, bien sûr, du système multilatéral. Un chercheur, par exemple, a déclaré que l'évolution du milieu commercial international risquait de rendre le multilatéralisme moins efficace, comme instrument de politique commerciale, qu'il ne l'avait été par le passé. En particulier, le multilatéralisme peut priver le Canada des moyens propres à développer son économie interne et à faire face efficacement au nationalisme et au protectionnisme croissants des États-Unis. Le danger de la faiblesse éventuelle des institutions multilatérales est d'autant plus sérieux que, parmi tous les changements qui surviennent dans l'économie mondiale, l'attitude de plus en plus défensive de la politique américaine est celle qui risque de toucher le plus gravement le Canada. En poursuivant ses objectifs économiques au cours des vingt prochaines années, le Canada devrait surveiller cet aspect de la situation mondiale. A la suite des audiences qu'ils ont tenues dans tout le pays et de leur étude des nombreux mémoires qui leur ont été présentés, les commissaires pensent qu'il existe au Canada un consensus général sur les objectifs de la politique commerciale décrits par le gouvernement fédéral dans son document de politique commerciale de 1983. On nous a répété à satiété que notre gouvernement devrait utiliser les instruments dont il dispose pour stimuler la croissance, l'efficacité, la productivité et le pouvoir concurrentiel de notre économie, et pour favoriser un milieu commercial international plus stable et plus ouvert. Nous avons entendu dire, également, que les producteurs canadiens avaient besoin de meilleurs débouchés, plus stables et plus sûrs, dans un plus vaste marché. De nombreux intervenants estiment que le marché canadien est trop petit pour permettre les économies d'échelle nécessaires à une amélioration de la productivité et de l'efficacité. Les Canadiens ne sont pas d'accord sur la meilleure manière d'atteindre ces objectifs. Essentiellement, les arguments tournent autour de deux séries de questions: comment utiliser les instruments de politique commerciale pour obtenir une économie plus forte et plus concurrentielle? Comment obtenir de meilleurs débouchés qui soient plus sûrs sur les marchés étrangers? Ces deux questions, naturellement, ne sont pas distinctes. A une époque où l'accès au marché est largement le produit de négociations entre gouvernements, un pays doit payer le prix pour améliorer son accès aux marchés étrangers et ce, en ouvrant son propre marché au moyen d'arrangements bilatéraux ou multilatéraux. Au Canada, comme partout ailleurs, on ne comprend pas toujours cela. D'autre part, il y a d'autres raisons d'augmenter ou de réduire les mesures de protection. Comme nous l'avons noté ci-dessus, l'économie canadienne est ouverte et dépendante du commerce, et notre politique industrielle a été dominée par notre politique commerciale. Depuis longtemps, les économistes discutent des avantages du libre-échange pour les petites économies qui exercent peu d'influence sur les conditions de leurs échanges au niveau des marchés mondiaux. Un pays gagne en exportant les marchandises qu'il peut produire relativement bon marché par rapport au reste du monde. Il devrait donc se spécialiser dans cette ligne de production et utiliser le produit de ses ventes sur les marchés mondiaux pour payer ses importations. Bref, un avantage comparatif, plutôt qu'absolu, devrait déterminer l'orientation de la politique commerciale. Au fil des ans, cependant, de nombreux Canadiens se sont vivement opposés à l'idée que notre économie puisse être essentiellement axée sur la production primaire, même si nous avons toujours cru que notre avantage comparatif reposait sur nos industries primaires. Aussi, nos politiques se sont-elles, en grande partie, efforcées de jeter une base industrielle solide au Canada. Il importe plus que jamais que les Canadiens reconnaissent qu'il faut s'en remettre aux forces du marché pour déterminer l'orientation de notre développement économique. D'après un observateur bien informé: Il est grand temps qu'en tant que Canadiens nous commencions à nous concentrer sur les choses que nous faisons le mieux, les choses où nous avons un avantage naturel, à cause de notre géographie, ou de nos ressources naturelles, et que nous cessions de vouloir remonter le courant tout le temps, à grand coût [...] non seulement [pour] les contribuables, mais aussi pour notre mode de vie. Nous avons trop souvent été à contre-courant [...] et il vaudrait bien mieux, pour nous, poursuivre des objectifs qui sont naturels en raison de notre situation géographique et de notre place dans le monde. Le Canada ne tirera complètement parti de son commerce que s'il va dans cette direction. Les Canadiens doivent résister aux pressions favorables au protectionnisme économique; nous devons, au contraire, abaisser lentement nos barrières commerciales protectrices et, finalement, les faire disparaître au moyen de négociations bilatérales et multilatérales avec nos partenaires commerciaux. Certains Canadiens ont cependant déclaré à la Commission qu'il fallait augmenter la protection et encourager le développement d'une industrie secondaire par substitution d'importations. Une telle orientation ferait usage de mesures protectionnistes comme les contingentements, les exigences de contenu canadien et les tarifs douaniers élevés, pour se défendre contre les effets du niveau élevé d'investissement étranger au Canada et du protectionnisme sur les marchés étrangers. Dans son mémoire à la Commission, le professeur Abraham Rotstein, chaud partisan d'une telle stratégie de défense, a demandé que l'on cesse de se diriger vers une libéralisation des échanges, et que l'on donne une priorité absolue à l'élaboration d'une politique industrielle plus active. Le premier élément d'une telle stratégie serait, d'après lui, la substitution des importations. Les commissaires examinent le problème de politique industrielle dans une autre partie de ce Rapport. Néanmoins, sans vouloir préjuger de ce point, nous voulons affirmer que nous ne recommandons pas le genre d'intervention massive proposée dans cette autre approche, bien que nous soyons convaincus de l'importance d'une coordination étroite des politiques industrielles et des politiques commerciales. La substitution des importations serait une réaffirmation des principes de la Doliticue nationale. Elle se traduirait par une certaine croissance industrielle, surtout parce qu'elle encouragerait les sociétés étrangères à ouvrir des filiales au Canada pour éviter les barrières douanières canadiennes. De telles installations auraient probablement pour objectif de desservir uniquement notre petit marché canadien et, par conséquent, seraient inefficaces à l'échelle mondiale. Ce n'est pas la meilleure stratégie pour attirer l'investissement étranger au Canada. Si nous voulons des investissements étrangers, il faudrait que ces capitaux soient attirés par le potentiel productif de notre pays, et non par la possibilité de contourner des barrières douanières artificielles. Un élément de la stratégie protectionniste consiste à dire qu'il faut consolider l'industrie canadienne avant d'ouvrir toutes grandes les portes à la concurrence étrangère ou de chercher de nouveaux débouchés à l'étranger 11 serait logique de s'assurer qu'on est capable de soutenir la lutte, avant d'entrer dans l'arène. Néanmoins, cette forme de préparation présente beaucoup d'inconvénients. Sans concurrence étrangère, les producteurs ne sont pas particulièrement incités à rivaliser sur le marché interne. L'ajustement est par conséquent retardé ou, souvent, n'a pas lieu. En outre, on ne sait pas comment les pays choisiraient d'élever un secteur ou l'autre de leur économie à l'échelle mondiale. La rationalisation interne pose une autre difficulté, puisque l'augmentation ou la réduction d'un secteur de production ne va pas sans frais. Lorsqu'on réduit l'importance d'un secteur par un moyen quelconque (en général indéterminé), la main-d'oeuvre a moins de chance de trouver à s'employer, parce que ce processus ne permet pas de tirer profit des nouveaux débouchés étrangers. Par contre, les secteurs qui grandissent pour profiter de nouveaux débouchés mondiaux tablent sur l'hypothèse que le gouvernement finira par négocier une libéralisation des échanges. Les Canadiens croient-ils vraiment que la main-d'oeuvre et le patronat travailleront efficacement dans ces conditions? Les commissaires pensent que non Les avantages d'une rationalisation interne sont de loin plus grands, lorsque celle-ci va de pair avec une rationalisation internationale au moyen de négociations commerciales. Une politique de substitution des importations cause encore d'autres problèmes. Elle est incompatible avec la tendance vers une politique de libéralisation multilatérale des échanges, que les pays industriels poursuivent, depuis quarante ans, en vertu de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Le Canada a traditionnellement considéré que de solides institutions multilatérales comme le GATT lui sont avantageuses; c'est pourquoi, il a toujours été un fervent partisan du GATT et des efforts qu'il déploie pour libéraliser le commerce international. En outre une politique de substitution des importations dans un pays déjà industrialisé comme le nôtre provoquerait certainement des représailles, réduisant du même coup nos possibilités d'accès aux marchés étrangers, d'ici lors incertains, car nos partenaires commerciaux jugeraient que les industries et les emplois créés par substitution des importations leur ont été volés. Nous dépendons du commerce international et nous bénéficions considérablement de nos échanges avec les autres pays. Une politique canadienne de substitution des importations constituerait, par conséquent, une menace au système de commerce multilatéral et serait incompatible avec nos besoins et nos intérêts à long terme. La Commission rejette donc, sans équivoque, toute politique résolue de substitution générale des importations. Nous pensons que le Canada devrait adopter des conditions d'échanges plus libérales, dont il tirerait profit à la longue, tant à l'intérieur qu'à l'étranger. D'après les commissaires, la question n'est pas de savoir si nous devrions ouvrir notre marché, mais plutôt de se demander comment, à quel rythme et en échange de quel accès aux marchés étrangers nous l'ouvrirons davantage. Une telle approche reflète également le désir de nombreux Canadiens de transiger dans un milieu commercial international plus stable et plus ouvert. Nous avons entendu un grand nombre de propositions intéressantes et originales offrant des solutions. Pour simplifier notre analyse et notre présentation, nous les regrouperons en trois principales catégories. Le Canada pourrait: - conserver sa politique actuelle en maintenant le niveau et le genre de protection actuel, tout en faisant des efforts sélectifs pour améliorer l'accès aux marchés étrangers et en protégeant l'industrie par des mesures adaptées à chaque cas. - participer activement à une nouvelle ronde de négociations commerciales multilatérales sous les auspices du GATT, afin d'améliorer et de garantir notre accès aux marchés étrangers, d'ouvrir le nôtre, et de consolider le cadre juridique du commerce international. - prendre l'initiative pour éliminer les barrières douanières au niveau multilatéral et engager des négociations avec le gouvernement des États-unis, afin de parvenir à un accord visant à réduire sensiblement les barrières tarifaires et non tarifaires entre les deux pays. Les commissaires se rendent compte, naturellement, que le regroupement en trois catégories des choix quotidiens que les gouvernements doivent faire est un peu artificiel, car d'une part la réalité n'est jamais aussi nette et, d'autre part, il n'y a aucune raison qu'une méthode d'approche exclue tous les éléments d'une autre. Néanmoins, nous pensons que les distinctions entre ces trois solutions sont suffisamment marquées pour nous permettre d'entrevoir leurs avantages et leurs inconvénients pour le Canada, à court terme et jusqu'à la fin du siècle. La première solution consisterait donc à maintenir le statu quo. Ce serait, politiquement parlant, la plus tentante, car elle ne nécessite aucune mesure nouvelle. Elle est aussi problématique, parce qu'elle risque de laisser le Canada trop longtemps aux prises avec deux politiques commerciales incompatibles: la traditionnelle politique de protectionnisme et de développement issue de la politique nationale, par opposition à celle, plus moderne et multilatérale, de libéralisation que favorise le GATT. Le problème est que cette transition a maintenant atteint le stade où les manufacturiers canadiens sont démunis devant la concurrence étrangère, ou bien n'ont pas suffisamment accès aux marchés étrangers. Le maintien de cette politique équivaudrait à priver le Canada, à l'avenir, des avantages économiques d'un secteur d'exportations plus productif. Si nous conservons notre politique actuelle, notre économie risque de stagner. Nous pourrions, bien sûr, réduire peu à peu notre niveau actuel de protection, en continuant à participer aux négociations commerciales multilatérales, mais à défaut d'une libéralisation énergique des échanges, cette évolution sera trop lente pour nous permettre de demeurer concurrentiels. Il est difficile de se cramponner au statu quo: un pays doit relever avec succès de nouveaux défis, sinon il décline. Également, une politique commerciale de statu quo présente des difficultés d'application. Il serait difficile, en effet, de résister aux pressions protectionnistes, et déjà certains indices montrent que la résistance a faibli. En juin 1984, le gouvernement du Canada a passé la Loi sur les mesures spéciales d'importations, portant, entre autres, sur les droits de douane compensateurs, les mesures de sauvegarde d'urgence et autres BNT. L'objet de cette loi est de faciliter le recours aux mesures de protection d'urgence. Par exemple, les critères relatifs aux préjudices ont été assouplis, afin de permettre aux tribunaux de condamner plus facilement les producteurs étrangers, en invoquant pour motif des importations préjudiciables. En outre, le nombre de critères permettant l'imposition de droits de douane compensateurs et antidumping a été élargi pour protéger les producteurs du Canada aux prises avec la concurrence de produits importés. D'autres modifications ont donné au gouvernement plus de souplesse pour diriger le commerce. Tout cela aura probablement pour effet de limiter les importations étrangères. Cette loi illustre le genre de protectionnisme qui se dessine au nom de «l'équité» des échanges et qui devient possible en l'absence d'un engagement non équivoque en faveur d'une libéralisation du commerce. Finalement, comme nous l'avons noté, politique commerciale et politique industrielle sont inextricablement liées. Ceux qui préfèrent une politique commerciale plus ouverte sont généralement favorables à une politique industrielle concurrente, axée davantage sur le marché. Les commissaires sont d'avis que le statu quo pourrait nous conduire très rapidement, au cours des quelques prochaines années, à réclamer l'institution d'une économie planifiée. Ce degré d'intervention, cependant, n'est pas compatible avec l'orientation de la politique industrielle que nous avons exposée ailleurs dans ce Rapport. Nous pensons qu'une politique industrielle plus interventionniste ne se justifierait que si l'avenir s'assombrit beaucoup plus que nous ne le prévoyons. Autrement, une politique industrielle mettant l'accent sur l'efficacité et l'excellence faciliterait bien la réalisation des grands objectifs du Canada. En général, donc, et bien que le maintien du statu quo soit tentant, les avantages d'une telle solution n'en compenseraient certainement pas les inconvénients. Le statu quo risque également de se révéler un moyen insuffisant pour ouvrir aux producteurs canadiens des débouchés plus sûrs et plus lucratifs sur les marchés étrangers, en particulier le marché américain. Depuis 1947, le Canada a généralement participé à des négociations commerciales multilatérales pour obtenir des débouchés étrangers. Cette orientation a le plus contribué à améliorer et à garantir des débouchés pour nos produits et à assurer l'ordre, la stabilité et la prévisibilité de nos relations commerciales. Leur participation active au système multilatéral a permis aux Canadiens de bénéficier d'une distribution plus efficace des ressources de notre pays, à l'échelle mondiale. Une deuxième solution pour le Canada serait de s'embarquer dans une politique délibérée et énergique de libéralisation des échanges, afin de rendre notre secteur manufacturier plus concurrentiel et de multiplier nos débouchés étrangers. En raison de la protection traditionnelle liée à la politique nationale, le Canada s'est retrouvé avec une base industrielle manufacturière, dont la plus grande partie se destine au petit marché intérieur canadien. De plus en plus, sa production se révèle insuffisante pour soutenir la concurrence mondiale. Les problèmes les plus graves de l'industrie canadienne sont l'absence de spécialisation et la fabrication de produits en petites quantités. Parmi les autres problèmes, il y a l'absence d'innovation attribuable au fait que notre économie est dominée par des filiales d'entreprises étrangères. Ces problèmes de production ne sont pas nouveaux au Canada; en fait, on en parle constamment dans les rapports du gouvernement et dans les études sur notre économie. L'économie canadienne a rapidement besoin d'augmenter ses échelles de production et d'améliorer sa productivité. Les négociations commerciales multilatérales sont un moyen parmi d'autres d'atteindre cet objectif. La libéralisation des échanges entraînerait la restructuration et la rationalisation nécessaires à l'industrie canadienne, grâce à l'augmentation de la concurrence étrangère. En devenant plus concurrentiels et en accédant plus facilement aux marchés mondiaux, les fabricants canadiens seront plus aptes à survivre dans un milieu commercial mondial plus compétitif. Finalement, c'est seulement à travers une économie interne plus concurrentielle que le Canada pourra créer les emplois nécessaires pour lutter contre le chômage. L'histoire, même celle de notre pays, offre une foule d'exemples sur le pouvoir de la libéralisation des échanges. L'abolition des Corn laws en 1846 fit entrer la Grande-Bretagne dans sa période de croissance économique la plus rapide. La crise désastreuse des années 1930 a été aggravée et prolongée par le protectionnisme, alors que la croissance économique rapide des pays occidentaux industrialisés, entre le milieu des années 1950 et les années 1970, était en partie due à l'influence libéralisatrice des négociations du GATT. Bien que les commissaires ne veuillent pas trop pousser cette conclusion, ils notent, cependant, que le déclin de la croissance économique, qui a commencé en 1973, a coïncidé avec l'adoption de politiques plus protectionnistes et une baisse d'influence du GATT. Les années 1930 aussi bien que les années 1970 ont vu la «faillite», des politiques protectionnistes. Au Canada, nos secteurs les plus forts et les plus énergiques sont ceux qui sont le mieux intégrés aux marchés mondiaux, c'est-à-dire ceux qui se réclament des niveaux de protection les plus bas et font face à des barrières peu élevées sur les marchés d'exportation. Cependant, les négociations multilatérales deviennent de plus en plus compliquées et longues. On essaye actuellement de voir sur quelle base on pourrait amorcer une nouvelle ronde de négociations du GATT. Celles-ci porteraient sur l'élaboration d'un nouveau code de droit commercial international et sur la réduction des barrières au commerce international. Ces discussions seraient dans l'intérêt du Canada, mais les résultats de négociations futures du GATT ne sont pas encore pour demain. L'organisation d'une nouvelle ronde est un processus compliqué et, pourtant, elle serait principalement axée sur les intérêts de trois ou quatre grands protagonistes: les États-unis, la Communauté économique européenne (CEE), le groupe des pays moins développés et le Japon. Le Canada est un joueur important mais notre pays ne fixe pas l'ordre du jour pas plus qu'il ne détermine les résultats. Aucune question n'a rallié jusqu'ici une majorité quelconque. Une fois les négociations engagées, elles vont très lentement et ne débouchent pas nécessairement sur des solutions à des problèmes typiquement canadiens, surtout s'ils se rapportent à notre commerce avec notre partenaire commercial le plus important. Le multilatéralisme, à l'exclusion de toute autre solution, ne permettrait peut-être pas au Canada d'améliorer son accès au marché le plus important. La croissance de nos exportations à destination des États-Unis est due à notre proximité, à nos liens étroits inter et intra-sociétés, et à l'ouverture relative de ce marché par rapport à celui de nos autres principaux partenaires commerciaux: la Communauté économique européenne et le Japon. L'accessibilité même du marché américain, par rapport à celle des autres pays, signifie que les ÉtatsUnis ne devraient probablement pas élargir beaucoup plus leurs politiques multilatérales, sans s'assurer que la Communauté économique européenne et le Japon en fassent autant. Nous avons intérêt à négocier notre accès au marché américain conjointement avec ces deux partenaires amis, nous risquons également de voir l'Europe et le Japon ouvrir, à notre détriment, leurs marchés aux exportations américaines. Une troisième possibilité consisterait à essayer d'obtenir les avantages de l'approche multilatérale, de faire une politique de libre-échange bilatéral avec les États-Unis. Pareille mesure radicale prêterait le flanc à une forte controverse. Même si le public semble favoriser à l'heure actuelle une libéralisation des échanges avec les États-Unis, le Canada aurait beaucoup de difficultés à négocier un accord acceptable. D'après les commissaires, la deuxième et la troisième solutions devraient faire l'objet d'un examen très attentif. Notre propre analyse est exposée dans les deux chapitres qui suivent.