*{ Marc-Yvan Côté, ministre de la Santé et des Services sociaux. La politique de la santé et du bien-être. 1992 } La politique de la santé et du bien-être. Préface. Trois événements majeurs ont précédé, depuis dix-huit mois, le dévoilement de la politique de la santé et du bien-être que je rends publique aujourd'hui, au nom du gouvernement du Québec. Dans une première étape, j'ai d'abord annoncé une réforme du système de santé et de services sociaux et pris une série d'engagements sur lesquels l'édifier. Cet énoncé se retrouve dans le document Une réforme axée sur le citoyen, publié en décembre 1990 et dont le plan d'implantation a été diffusé en mars 1992. Dans une seconde étape, une mise à jour complète de la législation sur les services de santé et les services sociaux a été entreprise, puis complétée en août 1991 avec l'adoption de la nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux (1991, chapitre 42). Tous les partenaires connaissent maintenant les responsabilités particulières qui seront les leurs dans ce nouveau cadre juridique et se préparent à les exercer. Conformément aux engagements que j'ai pris, la loi précise en même temps qu'elle renforce les droits des usagers et leur participation aux décisions. Elle définit les devoirs et les fonctions de ceux et celles qui ont à orienter, à organiser ou à fournir les services de santé et les services sociaux. Elle met en place de nouveaux partenariats qui agiront dans un cadre décentralisé. Ce cadre vise à rapprocher les décisions de l'action et à impliquer davantage les communautés locales et régionales dans l'adaptation des services à leurs besoins. Enfin, dans une troisième étape, nous n'avons pas craint, comme gouvernement, de poser le problème du financement des dépenses de santé et de services sociaux et de rechercher les meilleurs moyens à prendre. Sur la base du document «Un financement équitable à la mesure de nos moyens», paru en décembre 1991, et à la lumière des points de vue entendus en commission parlementaire, j'ai fait connaître les choix retenus par le gouvernement pour faire face à la situation. Nos décisions ont été prises dans le double souci de préserver les éléments de base de notre système public et de protéger les plus démunis. Ce souci est parfaitement légitime s'il s'accompagne d'une égale volonté de rationaliser la croissance des dépenses du secteur, d'alléger le poids qu'elles font peser sur les finances publiques et de maximiser l'efficacité des interventions pour éviter d'hypothéquer les générations futures. Mais il manquait une pièce importante au tableau. C'est celle que j'ai le plaisir de livrer aujourd'hui: la politique de la santé et du bien-être. Dans quelles directions devons-nous nous engager, maintenant que notre cadre d'action est fixé, que nous connaissons l'ordre de grandeur des moyens financiers à notre disposition et que nous sommes plus conscients que jamais des contraintes mais aussi des possibilités nouvelles qui s'offrent à nous dans la recherche d'une plus grande efficacité? C'est ce à quoi répond la politique de la santé et du bien-être en proposant des choix qui visent à s'attaquer le plus efficacement possible aux problèmes qui affectent le plus la population. Qu'il s'agisse d'adaptation sociale, de santé physique, de santé publique, de santé mentale ou d'intégration sociale, il nous faut résolument être plus efficaces dans l'atteinte du seul résultat global qu'il convient maintenant de viser: la réduction significative des problèmes de santé et des problèmes sociaux au sein de notre société. A partir d'une analyse fine de ces problèmes spécifiques importants qui interpellent, chacun à leur manière, la collectivité autant que le réseau de services, la politique fournit à tous des lignes directrices. Sous forme d'objectifs précis et de stratégies simples, elle indique le cap sur lequel doivent converger tous les efforts, à tous les niveaux, d'ici dix ans, et pour chaque problème. Elle précise les précautions à prendre et les grands moyens à privilégier à cette fin. Après avoir démontré que le réseau de services ne peut permettre à lui seul l'atteinte de ces objectifs, elle ouvre de nouvelles perspectives pour la contribution des autres secteurs de la vie collective à la création de conditions propices à la santé et au bien-être. Toile de fond, cadre de planification et d'évaluation, appel à la mobilisation, instrument de sensibilisation, projet de société, la politique de la santé et du bien-être est tout cela à la fois. Mais elle devra surtout être la source du renouvellement d'un engagement profond qu'il incombe à nous tous de prendre, à tous les niveaux, afin de faire mieux et plus pour notre santé et notre bien-être. Plus de deux cents personnes ont participé à l'élaboration de la politique. Cette collaboration des milieux de la recherche, de l'intervention, de la gestion et des affaires publiques représente, pour moi, un pas important dans cette direction. Introduction. Depuis 1970, la société québécoise, à l'instar de tous les pays industrialisés, a mis l'accent sur le développement des services de santé et des services sociaux. Graduellement, l'opinion selon laquelle l'amélioration de l'état de santé et de bien-être de la population dépendait essentiellement de la somme des services accessibles s'est imposée. Le système de santé et de services sociaux remplit aujourd'hui de multiples fonctions, que l'on peut résumer par les termes suivants: prévenir, guérir, traiter, aider, compenser, soutenir, favoriser la réadaptation et l'intégration sociale. Et comme le système occupe une place centrale dans la société, ses façons de faire, sa manière d'aborder les problèmes déterminent dans une large mesure les choix collectifs en faveur de la santé et du bien-être. Les nombreuses analyses des dernières années ont confirmé l'importance de réviser l'orientation du système de services et de consolider la portée de son action. La Commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux, qui déposait son rapport en février 1988, a mis en évidence les problèmes occasionnés par l'absence d'objectifs communs centrés sur l'amélioration de la santé et du bien-être, et particulièrement: la difficulté d'arbitrer les demandes entre les régions, les établissements, les secteurs d'activité; la prééminence du service, davantage perçu comme une fin en soi plutôt que comme un moyen de maintenir et d'améliorer la santé et le bien-être; l'absence de collaboration et de concertation orientées vers les personnes à aider, la population à desservir. La Commission déplorait le fait que les politiques sociales ne soient pas mieux coordonnées avec les politiques de services, que les villes, les employeurs et les établissements du réseau de la santé et des services sociaux ne se concertent pas davantage, par exemple, pour faciliter l'intégration sociale. Afin de corriger la trajectoire, la réforme instaure un nouvelle organisation des services, précise les rôles et les fonctions des nombreux acteurs au sein du système de santé et de services sociaux. Les activités sont maintenant régionalisées et la population participe davantage aux décisions. Par ailleurs, le gouvernement spécifiait récemment les règles qu'il entend désormais suivre en matière de financement afin, d'une part, d'assurer le développement harmonieux du système de services et, d'autre part, de maintenir une fiscalité concurrentielle et de ne pas compromettre l'évolution des autres secteurs de la vie collective. La politique de la santé et du bien-être s'inscrit dans ce contexte. Elle répond à deux questions, fondamentales pour l'avenir de la société québécoise: Quels choix sociaux offrent les meilleures possibilités aux individus, aux groupes et à la collectivité de maintenir et d'améliorer leur santé et leur bien-être? Comment le système de santé et de services sociaux peut-il le mieux contribuer à prévenir et à réduire les problèmes, et agir efficacement en faveur de la santé et du bien-être? Ces questions doivent être considérées ensemble. Elles exigent de replacer la santé et le bien-être au coeur du développement social et économique, et non plus de les aborder seulement comme un domaine spécialisé réservé à un secteur d'activité. Mais elles commandent d'abord de modifier l'orientation actuelle et les interventions du système de services. Le but de la politique. La politique propose dix-neuf objectifs afin de réduire les problèmes de santé et les problèmes sociaux qui affectent le plus la population. Ces objectifs de résultat obligent à choisir les moyens et les stratégies d'action les plus efficaces au sein du système de santé et de services sociaux. Ils associent un ensemble d'actions des autres secteurs d'activité de la vie collective. Trois convictions. Les objectifs et les stratégies d'action de la politique reposent sur trois convictions. Une interaction entre l'individu et son milieu. La santé et le bien-être résultent d'une interaction constante entre l'individu et son milieu. La santé et le bien-être ne sont plus perçus aujourd'hui simplement comme l'absence de maladie et de problèmes sociaux; ils désignent plutôt «la capacité physique, psychique et sociale d'une personne d'agir dans son milieu et d'accomplir les rôles qu'elle entend assumer, d'une manière acceptable pour elle-même et pour les groupes dont elle fait partie.» (Loi sur les services de santé et les services sociaux, 1991, chapitre 42). Selon cette optique, la santé et le bien-être sont considérés d'abord et avant tout comme une ressource de la vie quotidienne. Les actions destinées à améliorer la santé et le bien-être doivent tenir compte à la fois des capacités de la personne et des ressources du milieu. Elles permettront à l'individu d'exercer son pouvoir de décision sur les différents aspects de sa vie, et à la famille de jouer son rôle essentiel; elles favoriseront le dynamisme des milieux de vie et la solidarité. Des responsabilités partagées. Le maintien et l'amélioration de la santé et du bien-être reposent sur un partage équilibré des responsabilités entre les individus, les familles, les milieux de vie, les pouvoirs publics et l'ensemble des secteurs d'activité de la vie collective. Cette position réconcilie deux perceptions qui se sont longtemps opposées: d'un côté, les tenants de la responsabilité individuelle conféraient au citoyen toutes les vertus ou lui imputaient tous les torts quand les choses se gâtaient; de l'autre, la société devenait responsable de tous les problèmes. L'idée selon laquelle la santé et le bien-être sont des responsabilités partagées fournit une appréciation plus juste de la réalité. Les services agiront toujours comme soutien complémentaire, sans se substituer aux personnes, aux familles ou aux milieux de vie. Un investissement. La santé et le bien-être de la population représentent a priori un investissement pour la société. Pour l'individu, la santé et le bien-être constituent une ressource importante, qui lui permet de retirer une satisfaction de la vie et d'exercer pleinement ses rôles. Pour la société, des citoyens et des citoyennes en bonne santé représentent un gage de dynamisme et de progrès. Les sommes et les énergies que la collectivité consacre à l'amélioration de la santé et du bien-être doivent donc être considérées a priori comme un investissement, non comme une dépense de consommation. Mais, comme tout investissement, il doit être dirigé vers les solutions les plus efficaces. Il est maintenant reconnu que la surexpansion du système de services peut avoir des effets négatifs non seulement sur la prospérité, à cause des sommes de plus en plus importantes que les services canalisent, mais également sur la santé et le bien-être de la population. En effet, bien que les services de santé et les services sociaux forment eux-mêmes un secteur d'activité économique imposant, un investissement mal contrôlé pourrait se révéler ici contre-productif. Si, par exemple, la société affectait des sommes trop importantes au développement des services, l'expansion d'autres secteurs pourrait s'en trouver compromise. L'éducation, la formation professionnelle, la protection de l'environnement, l'économie, particulièrement les secteurs en croissance créateurs d'emplois et générateurs de production, représentent autant de domaines qui exercent une influence déterminante sur la santé et le bien-être de la population. Le contenu de la politique. La politique comprend trois parties. La première dégage les enjeux actuels. Elle retrace brièvement l'évolution de l'état de santé et de bien-être au cours des dernières années et dresse un bref bilan des problèmes qui affectent le plus les Québécois et les Québécoises; elle met en parallèle l'action du système de services, ses modes d'intervention; enfin, à la lumière de l'avancement des connaissances sur l'origine des problèmes, elle donne une nouvelle direction à l'action. La deuxième partie énonce les dix-neuf objectifs de réduction de problèmes. Chaque problème est analysé et les interventions actuelles sont évaluées. Cet examen permet de retenir des voies d'action prioritaires, pour chaque objectif. La troisième partie énonce les stratégies adoptées pour atteindre l'ensemble des objectifs de la politique et améliorer la santé et le bien-être de la population. Ces stratégies engagent non seulement le système de services mais l'ensemble de la société. La politique de la santé et du bien-être est beaucoup plus qu'un simple énoncé. Elle est conçue pour être un guide souple qui évolue en fonction du progrès réalisé, des résultats atteints, des nouveaux problèmes à résoudre et de l'avancement des connaissances. La politique s'inscrit dans un mouvement international amorcé par l'Organisation mondiale de la santé. Ce mouvement entraîne actuellement une réflexion sur l'orientation des systèmes de santé partout en Occident. Au Québec, la réforme du système de services constitue un moment privilégié pour réexaminer les choix faits jusqu'à maintenant en matière de services de santé et de services sociaux. La politique adopte une nouvelle orientation qui permettra véritablement de replacer le citoyen, la personne, au centre de toutes les actions en faveur de la santé et du bien-être. I. Les enjeux. Comment les problèmes de santé et les problèmes sociaux de la population ont-il évolué au cours des dernières années? De quelle façon le système de services est-il intervenu pour prévenir et traiter ces problèmes? Les modes d'intervention privilégiés sont-ils vraiment efficaces, compte tenu des connaissances actuelles sur l'origine des problèmes? Les réponses à ces questions font ressortir les enjeux qui se posent à la société québécoise en matière de santé et de bien-être. Une meilleure santé, mais de nouveaux problèmes et des écarts qui persistent. La santé des Québécois et des Québécoises s'est grandement améliorée au cours des trente dernières années. Aujourd'hui, les femmes peuvent escompter vivre en moyenne 80,2 ans et les hommes 72,8 ans. Le Québec se situe à ce chapitre dans la moyenne des pays les plus industrialisés. Ces gains sont associés en grande partie à une baisse sensible de la mortalité périnatale et de la mortalité causée par des traumatismes et certaines maladies: maladies hypertensives et vasculaires cérébrales, cancer de l'estomac, de l'utérus, anomalies congénitales... Ainsi, le taux de mortalité infantile s'élevait à 31,5 pour 1 000 naissances vivantes en 1961; il s'établit aujourd'hui à 6,3, parmi les plus bas au monde. La mortalité par maladie cardio-vasculaire a diminué de 30 % depuis le début des années 70 et les décès dus aux accidents de la route, de 50 %. Ces gains sur la maladie et sur la mort sont attribuables à plusieurs facteurs, dont l'instauration du régime d'assurance-maladie en 1970. Mais ils témoignent surtout du progrès qu'a connu le Québec depuis le début des années 60. L'histoire se répète: les améliorations les plus spectaculaires de l'état de santé et de bien-être ont toujours correspondu, pour une large part, à une augmentation de la prospérité. Le développement rapide de la société québécoise a amené des conditions de vie plus saines et de meilleures conditions de travail. Il a permis l'adoption de politiques sociales et créé un environnement plus favorable à la santé et au mieux-être général de la population. L'évolution rapide de la société a par ailleurs entraîné des transformations sociales importantes, dans un laps de temps très court. Elle s'est accompagnée d'un bouleversement des valeurs, de l'affirmation des droits, de l'éclatement de la famille traditionnelle, d'une baisse fulgurante de la natalité. De plus, la population québécoise est de plus en plus multi-ethnique. Toutes ces mutations ont eu des répercussions sur la santé et le bien-être. Mortalité et morbidité: le tableau change. Le portrait de la mortalité et de la morbidité a changé au cours des trois dernières décennies, au Québec comme dans l'ensemble des pays industrialisés. En même temps que la durée de vie moyenne s'allongeait, les maladies chroniques dégénératives augmentaient considérablement. Les Québécois et les Québécoises vivent en meilleure santé plus longtemps qu'auparavant: l'espérance de vie en bonne santé a même augmenté de plus de quatre ans depuis la fin de la décennie 70. L'incapacité affecte cependant encore les femmes pendant onze ans en moyenne, les hommes pendant huit ans. Les plus importantes sources d'incapacité sont les maladies cardio-vasculaires, les traumatismes, les maladies mentales et les problèmes ostéo-articulaires. Au total, près de 800 000 Québécois et Québécoises ont une incapacité, soit une personne sur neuf, une proportion légèrement inférieure à la moyenne canadienne. Les maladies dites «de civilisation» ont pris de l'ampleur: les maladies du système respiratoire, le cancer du poumon, les maladies transmissibles De sexuellement... De nouveaux problèmes sont également apparus, le sida par exemple. D'autres, même s'ils ont connu une baisse parfois importante, causent encore un grand nombre de décès. C'est le cas notamment des maladies cardio-vasculaires, des cancers et des traumatismes. Changements sociaux: problèmes nouveaux? Les problèmes sociaux qui peuvent affecter l'individu varient généralement selon les étapes de la vie. Ils proviennent soit de difficultés familiales, soit de problèmes de fonctionnement ou d'intégration sociale reliés à des situations et à des conditions de vie: pauvreté, faible scolarisation, difficulté d'accès au travail, troubles de comportement, maladie ou incapacité. Certains problèmes sociaux sont intimement associés à l'évolution des valeurs. Ainsi, les difficultés d'adaptation liées aux bouleversements survenus dans la famille expliquent en partie la hausse de certains problèmes sociaux chez les jeunes: abus, négligence, délinquance, toxicomanie. La transformation du marché de l'emploi et les carences de la formation professionnelle représentent d'autres facteurs qui limitent les possibilités d'intégration sociale pour certains groupes, notamment les jeunes et les personnes qui ont une incapacité. La société actuelle est plus sensible à certains comportements déviants, qu'elle tolère de moins en moins. Ainsi, la sensibilité sociale à l'égard de la violence a changé au cours des ans: les cas d'abus et d'agressions à l'endroit des enfants sont maintenant davantage signalés aux Directions de la protection de la jeunesse. Par ailleurs, le mouvement féministe a contribué à mettre au jour et à dénoncer les diverses formes de violence dont les femmes sont victimes. Les revendications des personnes qui ont des incapacités ont mis en lumière les situations de handicap que la société leur impose. Ces limitations sont source de difficultés d'intégration sociale. Le problème s'est accentué avec l'augmentation des maladies chroniques. La société adapte graduellement ses structures et ses services de manière à favoriser la participation active de tous ses membres à la vie collective. Mais cette adaptation représente encore un défi, particulièrement avec le vieillissement de la population. Des écarts... Des inégalités persistent entre les hommes et les femmes, entre les groupes socio-économiques et entre les territoires, au regard de la santé et du bien-être. Certains écarts se sont même creusés davantage récemment, avec l'émergence de nouvelles formes de pauvreté: celle des familles monoparentales, des jeunes en chômage, des itinérants par exemple. Ces inégalités entre les groupes sociaux se remarquent à tous les âges de la vie. ...entre les hommes et les femmes. L'espérance de vie des hommes est de sept ans inférieure à celle des femmes, et les hommes courent davantage que les femmes le risque de mourir prématurément, notamment à cause de certains comportements. Les accidents, les suicides et les cancers des voies respiratoires sont, dans une très large mesure, des problèmes masculins. La consommation d'alcool représente également un autre problème important chez les hommes; elle est souvent associée aux accidents, à la violence, au suicide. Les femmes vivent en général en moins bonne santé que les hommes, du moins si l'on se fie à la mesure de l'état de santé global. L'affirmation vaut pour tous les groupes d'âge, à l'exception des moins de 15 ans, et pour tous les groupes socio-économiques. Les femmes sont plus nombreuses parmi les groupes défavorisés et les écarts entre les deux sexes y sont même très marques. Parmi les dix principaux problèmes de santé relevés par l'enquête Santé Québec, réalisée en 1987, neuf touchent davantage les femmes. On retrouve en tête de liste l'arthrite et les rhumatismes, les maux de tête et les troubles mentaux. Ces problèmes affectent en fait deux fois plus de femmes que d'hommes. Également, les femmes souffrent davantage de dépression grave et de détresse psychologique élevée. Dans ce dernier cas, le problème atteint des proportions inquiétantes chez les jeunes filles de 15 à 19 ans et chez les femmes âgées qui vivent en milieu très défavorisé. La violence conjugale, les agressions sexuelles et les abus sexuels affectent surtout les femmes. Toutes ces formes de violence ont des répercussions sur la santé mentale, souvent pendant très longtemps. ...entre les groupes socio-économiques. Quelques chiffres suffisent pour illustrer le fossé qui sépare les pauvres des autres groupes. Les gens de milieu défavorisé âgés de 45 à 64 ans présentent un état de santé comparable à celui des gens aisés de plus de 65 ans. Les pauvres meurent en moyenne neuf ans plus tôt que les riches. La mortalité par maladie cardiaque, par traumatisme et par cancer du poumon explique la majeure partie des années potentielles de vie perdues entre les riches et les pauvres. Les gens de milieu défavorisé fument encore dans une proportion de 46 %, comparativement à 23 % pour les gens aisés; ils font moins d'exercice physique et consomment davantage de médicaments, notamment des tranquillisants. On retrouve deux fois plus de personnes obèses dans les milieux défavorisés. L'enquête Santé Québec révèle que la pauvreté fait courir un double risque: être soumis à un grand nombre d'événements stressants, et les ressentir plus durement. Elle note une relation entre l'insatisfaction face à la vie sociale et un indice élevé de stress. L'enquête révèle que les individus ayant vécu dans un milieu familial perturbé dans leur jeune âge courent un plus grand risque de connaître des événements stressants et de les vivre plus difficilement. Or, on remarque que les mauvais traitements infligés aux enfants, la négligence, la délinquance, l'abandon scolaire, le placement d'enfants se rencontrent plus fréquemment en milieu défavorisé. Le nombre de grossesses à l'adolescence y est également bien supérieur à la moyenne. ...entre les territoires. Les écarts les plus importants de santé et de bien-être sont relevés dans les villes entre d'une part les quartiers populaires et les centres-villes, et d'autre part les quartiers de banlieue. A Montréal, l'espérance de vie en bonne santé est de quatorze ans moindre dans les quartiers pauvres; les problèmes psychologiques et mentaux y sont également beaucoup plus répandus. On note d'autres écarts importants entre les villes de ressources (activité minière ou forestière, industrie de première transformation) et les villes de services. L'espérance de vie est parfois même de dix ans inférieure dans certaines villes de ressources. Dans quelques villages de l'arrière-pays, la situation est parfois dramatique: on y relève un taux d'incapacité deux fois supérieur à celui que l'on remarque en milieu rural périurbain, et une consommation de médicaments très élevée. Enfin, on observe des différences parfois appréciables entre les régions. En périphérie, les taux de mortalité par maladie cardio-vasculaire, par cancer du poumon, par maladie respiratoire et par traumatisme sont plus élevés. Les populations des régions centrales rencontrent des problèmes particuliers comme l'itinérance, la toxicomanie et le sida. Le système de santé et de services sociaux: ses succès, ses limites. Le système actuel de services de santé et de services sociaux a été créé en 1970 pour répondre à deux grands objectifs: protéger tous les citoyens et citoyennes, sans égard à leur revenu, des risques liés à la maladie et aux problèmes sociaux; améliorer la santé et le bien-être de la population. Le système québécois a permis de lever les barrières financières à l'accès aux services, ce qui représente un acquis considérable. L'intégration des services de santé et des services sociaux au sein d'une seule administration constitue une particularité reconnue par plusieurs experts comme fort pertinente et originale. Elle a permis de mieux tenir compte des interactions entre les problèmes de santé et les problèmes sociaux. Enfin, le mode de financement public a permis de bien contrôler les coûts, comparativement à d'autres sociétés. Le système québécois affiche aujourd'hui une performance enviable à plusieurs égards. Au chapitre de la «mortalité évitable» (décès évités grâce à l'intervention du système de services, dans le cas par exemple des maladies respiratoires ou des maladies hypertensives et vasculaires cérébrales), le Québec partage les meilleurs rangs avec la Suède et il devance le reste du Canada, le Japon, la France, l'Angleterre et les États-Unis. La mortalité évitable compte pour environ 5 % de l'ensemble des décès chez les moins de 65 ans. Par ailleurs, plusieurs lacunes ont été relevées ces dernières années. Certaines ont conduit à la réorganisation du système de services. D'autres exigent une correction de trajectoire importante: c'est l'orientation fondamentale du système de services qu'il faut modifier. Le service: un enjeu. Le service n'est plus toujours considéré seulement comme un moyen; on lui attribue une valeur en lui-même. Le vieillissement de la population et l'augmentation des maladies chroniques, le développement technologique, l'émergence de nouveaux problèmes, de nouvelles attentes manifestées par certains groupes, tous ces éléments ont accru les pressions sur le système pour augmenter la quantité de services offerts. L'accent qui a été mis sur le développement des services entraîne des conséquences sur le système lui-même et sur la société: Les décisions au sein du système sont soumises aux pressions de la population, des groupes professionnels, des groupes d'intérêt et des établissements, ainsi qu'aux aléas de la conjoncture. Puisqu'il n'y a virtuellement aucune limite au développement des services et qu'il se révèle quasi impossible d'établir des priorités, le système est continuellement soumis à des forces inflationnistes. Les forces inflationnistes qui agissent au sein du système ont un impact sur l'ensemble du développement social et économique. En effet, le gouvernement ne s'étant pas doté de moyens sûrs d'évaluer la contribution des services à l'amélioration de la santé et du bien-être, il doit s'en remettre aux pressions de la demande. Comme les services ont reçu beaucoup d'attention de la part du public au cours des dernières années, leur importance a graduellement augmenté dans le budget de l'État, parfois au détriment d'autres secteurs d'activité. Le système: seul responsable de la santé et du bien-être? Comme les solutions se trouvent toujours à l'intérieur du système, selon la conception actuelle, les autres secteurs de la vie collective ne sont pas encouragés à considérer la santé et le bien-être comme une de leurs responsabilités. Le système de services doit parfois assumer les conséquences de décisions qui ont entraîné des problèmes dans la population ou chez certains groupes. De la même façon, les gestionnaires et le personnel du réseau de services ont peu d'incitatifs à rechercher les solutions qui proviennent de l'extérieur. L'accent sur les contrôles et les normes. Le ministère de la Santé et des Services sociaux et, avant lui, le ministère des Affaires sociales, n'ont pas toujours exercé le leadership nécessaire en matière de planification et d'évaluation des services. Les systèmes d'information restent aujourd'hui parcellaires ou inappropriés. L'accent a été mis sur la production de services, sur les normes et les contrôles. Certains domaines ont par ailleurs souffert d'un manque de coordination. C'est le cas notamment de la protection de la santé publique et, de façon générale, de la prévention. L'individu: un «bénéficiaire»? Comme le système est d'abord perçu comme un dispensateur de services, les individus en deviennent les «bénéficiaires». Cette conception a occulté graduellement une évidence qu'il est nécessaire de rappeler: l'individu, les familles et les milieux de vie sont les premiers acteurs de leur propre santé et de leur bienêtre. ? la lumière de tous ces éléments, il n'est pas surprenant de constater que le système de santé et de services sociaux a été jusqu'ici peu en mesure d'agir véritablement sur les causes des problèmes. Voilà actuellement le grand défi à relever. Les facteurs à l'origine des problèmes: les connaissances et les valeurs évoluent. Un problème, une solution: l'équation est dépassée. La science nous a trop longtemps habitués à interpréter un problème sous l'angle d'une relation simple de cause à effet: pour le praticien, il s'agit d'identifier la cause puis de l'éliminer ou, à tout le moins, d'en contrer les effets. Ce modèle continue de marquer aujourd'hui le fonctionnement du système de santé et de services sociaux. Avec la montée des maladies de civilisation et des problèmes sociaux, l'équation «un problème, une solution» se révèle la plupart du temps inappropriée; l'explication repose plutôt sur un «faisceau» de facteurs. Les connaissances sur les facteurs qui sont à l'origine des problèmes de santé et des problèmes sociaux ont fait des progrès considérables au cours des vingt dernières années. Leur large diffusion dans les médias a favorisé l'émergence d'une nouvelle culture de la santé, qui s'est imposée graduellement. Cette nouvelle «conscience» a suscité des revendications pour un meilleur environnement et des produits de consommation plus sains. Pour diverses raisons, mais notamment parce que la recherche dans ce domaine a progressé très rapidement et qu'elle a reçu beaucoup d'attention, les habitudes de vie et les comportements reliés à la santé ont occupé l'avant-scène. A l'échelle de la population, des progrès parfois spectaculaires ont été enregistrés. Dans l'ensemble, les habitudes de vie et les comportements reliés à la santé se sont nettement améliorés. Cependant, des habitudes comme le tabagisme, la consommation d'alcool, des comportements sexuels non sécuritaires augmentent actuellement chez certains groupes. L'accent mis sur la prévention a entraîné des besoins neufs auxquels ne répondait pas la médecine traditionnelle. Les nouveaux thérapeutes ont ainsi foisonné au cours des dernières années, répondant à une demande de plus en plus forte. Un aspect à ne pas négliger: les facteurs socio-économiques. La diffusion par les médias d'une abondante information sur les habitudes de vie et les comportements, à partir du début des années 70, s'inscrivait dans un courant social qui s'est imposé par la suite, au Québec comme partout en Occident. Ce courant mettait l'accent sur la primauté de l'individu. Les déterminants socio-économiques de la santé et du bien-être, c'est-à-dire les facteurs qui relèvent des conditions de vie (revenu, logement, scolarité, emploi) et de l'environnement social, n'ont pas reçu la même attention. De plus en plus, on met en évidence les liens multiples que les facteurs économiques, sociaux et culturels entretiennent avec les autres déterminants de la santé et du bien-être, et l'influence qu'ils exercent selon les situations. Ces facteurs apparaissent désormais prépondérants. Conditions de vie, biologie, habitudes de vie: des liens étroits. L'avancement des connaissances permet de mieux mesurer les liens entre les mécanismes biologiques, d'une part, et les émotions et les fonctions mentales, d'autre part; ces dernières affecteraient les mécanismes de défense de l'individu et influenceraient directement son bien-être physique. Certaines études sur des personnes qui venaient de perdre un conjoint ont montré que celles-ci étaient plus susceptibles, à cause d'un affaiblissement de leurs mécanismes de défense, de contracter une maladie au cours de l'année suivant le décès. Diverses expériences ont également révélé comment le stress causé par la difficulté de composer avec certaines situations augmente la vulnérabilité à la maladie. La baisse des défenses immunitaires due au stress toucherait davantage les personnes qui ont le sentiment d'avoir peu de contrôle sur leur vie et qui subissent beaucoup de pressions de l'environnement social. ? l'inverse, la qualité du réseau social aurait un effet immunitaire sur l'individu, particulièrement lorsqu'il traverse des situations difficiles: elle amoindrirait les symptômes provoqués par les difficultés d'adaptation découlant d'un événement stressant. Il est maintenant admis que l'influence du patrimoine génétique se ferait sentir surtout au stade précoce de la vie. Au fur et à mesure que l'on avance en âge, l'influence cumulative des facteurs sociaux, économiques et culturels s'accroîtrait graduellement. Des études sur le développement du cerveau permettent ainsi de mieux comprendre la relation entre le développement de l'enfant, sa capacité dès le jeune âge à faire face aux situations, et son état de santé une fois qu'il est parvenu à l'âge adulte. En outre, on sait depuis longtemps que les habitudes de vie et les comportements ne dépendent pas strictement de choix individuels. L'être humain est influencé par des circonstances, des valeurs, des croyances, il est soumis à certaines conditions... Bref, les choix individuels relèvent d'une série de facteurs psychosociaux qui résultent de l'interaction entre l'individu et son milieu. La santé et le bien-être: une seule réalité. Ces quelques illustrations indiquent que les facteurs socio-économiques doivent désormais recevoir beaucoup plus d'attention qu'ils n'en ont reçu jusqu'à maintenant dans les interventions en faveur de la santé et du bienêtre. Elles démontrent également, hors de tout doute, que la santé et le bien-être entretiennent des liens très étroits, qu'ils représentent en quelque sorte les deux faces d'une seule et même réalité. Trois constats se dégagent de l'analyse qui précède: La santé et le bien-être des Québécois et des Québécoises se sont, dans l'ensemble, beaucoup améliorés au cours des vingt-cinq dernières années. L'accessibilité universelle aux services n'a cependant pas permis au système de santé et de services sociaux d'éliminer, ni parfois même de réduire, les écarts de santé et de bien-être. Le système doit agir avec d'autres secteurs d'activité pour que l'on puisse réaliser des gains additionnels en matière de santé et de bien-être. Compte tenu du stade de développement du système, on ne peut obtenir des gains supplémentaires qu'en fixant des objectifs précis, orientés vers la réduction de problèmes spécifiques. L'adoption d'objectifs de résultat modifie la dynamique du système de services. Les moyens sont choisis, non plus seulement pour leur qualité intrinsèque, mais en fonction de leur contribution à prévenir, à réduire ou à résoudre un problème, à compenser, à soutenir ou encore à favoriser la réadaptation ou l'intégration sociale. II. Les objectifs. L'examen de l'état de santé et de bien-être de la population permet d'identifier les dix-neuf problèmes qui affectent le plus les Québécois et les Québécoises. La sélection de ces problèmes repose sur les critères suivants: le nombre de personnes touchées (incidence, prévalence et évolution temporelle et spatiale); les effets néfastes sur l'individu (décès, incapacité, maladie, souffrances physiques et psychologiques); la sensibilité populaire au problème (ce qui est socialement acceptable); la disponibilité de solutions efficaces. Les problèmes retenus sont répartis en cinq groupes. L'adaptation sociale. Les abus sexuels, la négligence et la violence à l'endroit des enfants. Objectif 1. D'ici l'an 2002, diminuer les cas d'abus sexuel, de violence et de négligence à l'endroit des enfants, et atténuer les conséquences de ces problèmes. Le nombre réel de cas d'abus, de violence et de négligence à l'endroit des enfants est méconnu. Il n'y a également aucun moyen de savoir si ces problèmes sont plus fréquents ou plus graves aujourd'hui que par le passé. Ce qui est clair, c'est qu'ils se manifestent dans un nouveau contexte social marqué par la diversité des modèles familiaux, la pauvreté des mères seules et des jeunes parents, l'isolement et la solitude de certains parents. Pour l'année 1990, les données des centres de services sociaux révèlent que 9 435 situations d'enfants ont été prises en charge par les Directeurs de la protection de la jeunesse pour négligence, dont 1 271 pour abus physiques et 1 550 pour abus sexuels. Précisons que ces chiffres ne tiennent pas compte des signalements non retenus, des cas où les parents se signalent eux-mêmes, et des enfants dépistés mais qui n'ont pas été signalés aux Directions de la protection de la jeunesse. Le nombre de signalements ne constitue pas une mesure objective de l'ampleur du phénomène, puisqu'il peut varier selon la sensibilité sociale du moment. Les signalements retenus ne reflètent que les cas les plus graves et peuvent varier suivant l'évolution des règles explicites ou implicites qui guident le travail de ceux et celles qui doivent les évaluer. Toutefois, le nombre de signalements peut être une mesure utile. Ce nombre aurait plafonné depuis quelques années, pour se situer autour de 50 000 par année. Par ailleurs, les données disponibles ne permettent pas de dégager des écarts significatifs entre les régions. L'objectif de diminuer les cas d'abus sexuel, de violence et de négligence à l'endroit des enfants devrait, en pratique, se traduire par une baisse de 20 % du nombre de signalements retenus par les Directions de la protection de la jeunesse au cours des dix prochaines années. Les facteurs explicatifs. Les causes de ces problèmes sont nombreuses, complexes et mal connues. Il faut au départ distinguer les problèmes d'abus sexuel des problèmes de violence et de négligence. L'abus sexuel en milieu familial est attribuable surtout au manque d'attachement père-fille, à l'immaturité affective et sexuelle des adultes impliqués; il est plus fréquemment le fait d'un parent substitut. La violence et la négligence sont plus souvent associées à la pauvreté et à la misère que l'abus sexuel. Néanmoins, la plupart des familles pauvres réussissent à fournir un contexte approprié à leurs enfants, malgré des conditions difficiles. Une étude québécoise montre qu'à pauvreté égale, les secteurs les moins à risque sont ceux où l'environnement offre le plus de soutien social: réseaux d'entraide, garderies, rapports professionnels satisfaisants. L'isolement social semble être une caractéristique commune aux familles touchées par l'abus sexuel, la violence et la négligence. Fait important, ces divers problèmes se reproduisent d'une génération à l'autre. Les abus sexuels, la négligence et la violence compromettent sévèrement le développement et l'intégration sociale des enfants qui en sont victimes. Ceux-ci seront plus nombreux à éprouver des difficultés d'adaptation à l'âge adulte et à devenir plus tard eux-mêmes des parents violents, négligents ou abuseurs. Les groupes les plus touchés. En matière de violence et de négligence, les écarts entre les milieux socio-économiques sont très marqués: les cas retenus par les Directions de la protection de la jeunesse sont de six à sept fois plus nombreux dans les milieux défavorisés que dans les milieux aisés chez les francophones de l'île de Montréal. L'abus sexuel en milieu familial touche davantage les filles. La négligence et les abus physiques et sexuels semblent à la hausse dans certaines communautés inuit. Les interventions actuelles. Trois rapports ont été rendus publics récemment au Québec concernant les besoins des jeunes et le développement des services: Un Québec fou de ses enfants (rapport Bouchard), La protection sur mesure, un projet collectif (rapport Harvey II), La protection de la jeunesse, plus qu'une loi (rapport Jasmin). A la lumière de ces rapports et de l'avis des milieux concernés, la Loi sur la protection de la jeunesse, en vigueur depuis 1979, a porté fruit; le Québec dispose actuellement d'un excellent système de signalement. Le système d'évaluation de la gravité des cas signalés s'est aussi nettement amélioré depuis l'implantation des mesures découlant du Rapport sur l'analyse des activités de réception et de traitement des signalements, d'évaluation et d'orientation en protection de la jeunesse (rapport Harvey I). D'autre part, le taux de placement n'est pas plus élevé au Québec que dans les autres provinces canadiennes, si l'on tient compte des différences dans la compilation des statistiques d'une province à l'autre. Cependant, des améliorations pourraient être apportées, particulièrement au chapitre de l'organisation du travail et de la «non-judiciarisation» des interventions. Ainsi, bien que la protection des enfants soit bien assurée, les services et le soutien offerts à la famillemesures de répit, aide matérielle, conseils se révèlent plus faibles. Les interventions ont trop souvent pour effet de disqualifier la compétence des parents, de sorte qu'après un placement temporaire il devient difficile de réinsérer l'enfant dans sa famille. Par ailleurs, les interventions s'étalent sur une longue période, souvent plus de deux ans. Or, après dix-huit mois, elles ont perdu beaucoup de leur efficacité. C'est l'intensité des interventions déployées dans les premiers mois, davantage que leur durée, qui détermine leur efficacité. L'application de la Loi sur la protection de la jeunesse a entraîné une certaine «déresponsabilisation» chez les personnes et les organismes qui travaillent auprès des jeunes, en particulier l'école et les centres locaux de services communautaires (CLSC). L'ambiguïté des rôles des CLSC, des centres de réadaptation pour mésadaptés socio-affectifs (devenus les centres de réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation) et des Directions de la protection de la jeunesse, ainsi que le manque de concertation, occasionnent des chevauchements et nuisent à la continuité des services. La Loi sur la protection de la jeunesse n'a pas complètement atteint son objectif de non-judiciarisation: le tribunal devrait être un instrument de dernier recours, dans l'immense majorité des cas. Certains changements méritent par ailleurs d'être apportés au système judiciaire pour l'humaniser davantage. Enfin, le concept de prévention n'a pas encore vraiment pénétré l'univers de l'enfance en difficulté. Les ressources humaines dans ce domaine, bien qu'elles soient compétentes et motivées, sont dépassées par l'ampleur et la difficulté de la tâche. Non seulement ne parvient-on pas à prévenir l'apparition des problèmes, mais on n'arrive pas à développer des interventions susceptibles de réduire la récidive en rétablissant des contextes de vie adéquats. Les voies d'action prioritaires. 1- Mieux cibler les actions préventives pour réduire les problèmes a la source. C'est là le plaidoyer central du rapport «Un Québec fou de ses enfants» et le virage souhaité par de nombreux spécialistes. Une stratégie préventive dirigée vers les milieux et territoires comptant le plus de familles à risque, et qui combine une diversité d'interventions individuelles et de mesures sociales plus globales, a les meilleures chances de succès. ? cette fin, il faut: Privilégier résolument le soutien aux familles plutôt que de recourir au placement. Appuyer davantage les initiatives actuelles issues du milieu, telles que les Maisons de la famille, les Maisons de parents, et favoriser le dynamisme communautaire. Élaborer des stratégies sur la base de territoires plutôt que de familles ou d'individus, afin d'éviter la stigmatisation sociale. Le Québec pourrait par exemple s'inspirer du programme ontarien «Partir d'un bon pas pour un avenir meilleur», qui regroupe un ensemble d'interventions prometteuses sur les territoires les plus à risque et les plus motivés à participer à l'expérimentation. Il s'agit d'implanter graduellement plusieurs programmes de prévention, en commençant par les territoires de CLSC les plus pauvres et où l'on relève les plus haut taux de signalements retenus. Mettre en oeuvre des moyens qui viseront à augmenter, chez les parents susceptibles d'avoir un comportement abusif, l'estime de soi et le sentiment de compétence, ainsi qu'à développer une plus grande sensibilité aux besoins de l'enfant. 2- Revaloriser et mieux soutenir le rôle de parent. Cette voie d'action est une corollaire de la première. Dans le contexte social actuel, beaucoup de parents se sentent isolés et désemparés quand leur enfant éprouve des difficultés graves. Il importe de revaloriser leur rôle, de leur apporter le soutien de toute la collectivité et, en particulier, de responsabiliser les pères. ? cette fin, il faut: Soutenir le développement et le maintien du lien d'attachement parent-enfant et de la compétence parentale, de façon intensive et précoce, durant la première année de vie, notamment par l'accompagnement prénatal et le répit post-natal et les programmes de stimulation infantile. Améliorer le soutien aux familles par un accès accru aux garderies, particulièrement en milieu défavorisé, par la création de lieux de loisir et de convivialité, et par des mesures de répit et de dépannage; plus largement, diminuer l'isolement, réduire le chômage et la dépendance sociale. 3- Améliorer l'efficacité des opérations quotidiennes de protection et de prise en charge. Cette voie d'action est amplement documentée dans les rapports La protection sur mesure, un projet collectif et la protection de la jeunesse... plus qu'une loi. Il ne s'agit pas de réformer ce secteur de fond en comble mais on ne doit plus investir davantage dans les systèmes de protection avant d'en avoir amélioré l'efficacité et l'efficience et d'avoir instauré une meilleure concertation entre tous les partenaires. ? cette fin, trois mesures s'imposent: Réorganiser les opérations quotidiennes, particulièrement en développant des mécanismes souples de supervision clinique plutôt qu'administrative et en favorisant une meilleure concertation entre les intervenantes et intervenants concernés. Réallouer les ressources de façon à permettre des interventions plus intensives au début du processus et étalées sur une période moins longue. Diminuer considérablement le recours au tribunal: en affectant à chaque cas une intervenante ou un intervenant principal; en utilisant un plan de services individualisé; en formant les travailleuses et travailleurs sociaux, placés en situation d'autorité lors de leurs interventions, à la médiation; en valorisant davantage les mesures volontaires. La recherche. Améliorer les systèmes d'information et développer la recherche évaluative pour les services à la jeunesse. Une recherche évaluative doit notamment accompagner l'expérimentation de tout nouveau modèle d'intervention afin de réorienter rapidement au besoin des actions dont l'efficacité serait limitée ou nulle. Entreprendre des études épidémiologiques longitudinales pour améliorer les connaissances et les interventions. Les troubles de comportement des enfants, des adolescents et des adolescentes. Objectif 2. D'ici l'an 2002, réduire les troubles de comportement les plus graves chez les enfants, les adolescents et les adolescentes. Le problème. Les troubles de comportement les plus graves se traduisent par la consommation abusive de drogues et d'alcool, la prostitution, les tentatives de suicide et les fugues du milieu familial. Le retrait social caractérise souvent la conduite des enfants, des adolescents et des adolescentes qui présentent des troubles de comportement. Au cours des trois dernières années, ces jeunes étaient représentés dans près du quart (23,4 % ou 3 800 enfants et adolescents) des situations de prise en charge par les Directeurs de la protection de la jeunesse. Les troubles de comportement doivent être distingués des autres difficultés vécues par les jeunes: violence, abus, négligence, délinquance, itinérance. Il serait ainsi inacceptable de les associer totalement à la délinquance et de les aborder sous le seul angle de la Loi sur les jeunes contrevenants. On ne peut également considérer de la même façon les jeunes qui vivent des troubles de comportement et ceux qui sont victimes d'abus, de négligence ou de violence de la part de leurs parents, bien que ces facteurs puissent être à l'origine de troubles de comportement. Les facteurs explicatifs. Plusieurs facteurs conduisent certains jeunes à développer une piètre estime d'eux-mêmes, notamment la pauvreté, l'accumulation des échecs scolaires, les dislocations et recompositions familiales, la violence et la toxicomanie des parents. Ces expériences augmentent le risque de troubles de comportement, d'abandon scolaire, de délinquance, de toxicomanie; dans certains cas, elles peuvent même conduire au suicide. Il faut aussi considérer le contexte dans lequel sont placés les jeunes au moment de leur adolescence. Il est souvent marqué par: la compétition et la promotion de l'excellence, qui font peu de place à la notion de développement optimal du potentiel de chacun et aux différences dans les styles et les capacités d'apprentissage; l'insécurité et l'incertitude quant aux chances de se trouver un emploi stable; la dévalorisation des programmes de formation professionnelle, qui en sont toujours à rechercher la bonne manière de préparer les élèves à des métiers et à des techniques; une préparation insuffisante à la sexualité et à la vie de famille, qui commence parfois très tôt pour plusieurs jeunes filles; l'isolement social et l'absence de ressources de soutien ou encore d'endroits et d'occasions d'écoute, d'expression de soi; le désespoir chez certains jeunes qui auront vu leurs rêves personnels de connaître une famille qui les aime et un milieu accueillant brisés. Enfin, on sait que, dans la moitié des familles où l'on intervient à la suite d'abus physiques ou de négligence grave, un enfant présentera plus tard des troubles de comportement ou des problèmes de délinquance. Les enfants gravement négligés ou durement traités qui n'auront pu compter très tôt sur un adulte compatissant pour les soutenir développeront des sentiments de haine, de frustration; ils en viendront à se dévaluer, certains consommeront régulièrement des drogues et quelques-uns iront même jusqu'à mettre un terme à leur existence. Les groupes les plus touchés. Les jeunes ayant des troubles de comportement et dont la situation est prise en charge par le Directeur de la protection de la jeunesse proviennent majoritairement de milieu défavorisé. Des études longitudinales révèlent un important phénomène de reproduction intergénérationnelle des difficultés d'adaptation sociale. Plusieurs jeunes qui éprouvent de telles difficultés assumeront plus difficilement leurs responsabilités de parents. Leurs enfants risquent donc plus d'être négligés et abusés, et de développer à leur tour des difficultés d'adaptation. Les tensions sociales et intergénérationnelles que l'on remarque dans les communautés autochtones ainsi que dans les familles nouvellement immigrées affectent gravement les jeunes qui en font partie: ils présentent des taux de décrochage scolaire élevés et des problèmes de comportement. Les interventions actuelles. Les mêmes constats que pour l'intervention dans les cas d'abus sexuel, de violence et de négligence s'appliquent ici, soit: la qualité du système de signalement et d'évaluation; certaines faiblesses dans l'organisation du travail; la non-judiciarisation des interventions; l'intensification des interventions; et, enfin, la nécessité d'accroître la prévention. Les voies d'action prioritaires. 1- Agir sur le climat de l'école secondaire afin d'en faire un milieu de vie stimulant, un lieu de développement autant que d'apprentissage. Il faut prévoir une action d'ensemble plutôt que de cibler les interventions uniquement sur les enfants les plus «dérangeants» ou les plus «troublés» et ainsi les stigmatiser. Les travailleuses et travailleurs sociaux, les psycho-éducatrices et psycho-éducateurs et les conseillères et conseillers en orientation doivent être plus nombreux, particulièrement dans les territoires de CLSC défavorisés, et doivent avoir pour mission, en plus de celle d'aider les jeunes en difficulté, de contribuer à l'amélioration du climat de l'école par des moyens comme un journal étudiant et d'autres activités de groupe, une campagne anti-violence, un programme d'éducation sexuelle, etc. 2- Prévenir le décrochage scolaire. Comme les troubles de comportement sont étroitement associés au décrochage scolaire, leur prévention est nécessairement liée à la prévention du décrochage scolaire. Les parents et tous les agents sociaux doivent donc unir leurs efforts pour contribuer à cet objectif, retenu aujourd'hui comme prioritaire par le ministère de l'Éducation et son réseau. Spécifiquement, la prévention des troubles de comportement nécessite, d'une part, une concertation accrue entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère de l'Éducation et, d'autre part, une alliance entre le CLSC, le centre de protection de l'enfance et de la jeunesse (auparavant centre de services sociaux), et l'école. La prévention du décrochage scolaire doit commencer dès l'école primaire et même auparavant, au moment de la préparation de l'enfant à l'école. Les troubles de comportement observés chez les élèves du primaire constituent en effet des signes précurseurs du décrochage scolaire au secondaire. La recherche. Évaluer les programmes d'intervention et les services de façon systématique. Effectuer des études épidémiologiques longitudinales pour améliorer les connaissances et les interventions. La délinquance. Objectif 3. D'ici l'an 2002, diminuer la prévalence et la gravité de la délinquance. Le problème. Le nombre de jeunes délinquants ne semble pas avoir augmenté au cours des dix dernières années. Mais les gestes qu'ils posent seraient aujourd'hui plus graves, particulièrement à Montréal. Les crimes contre la propriété tels le vol à l'étalage et le vol par effraction diminuent pendant que le port d'armes et les crimes contre la personne s'intensifient: voies de fait, agressions sexuelles, tentatives de meurtre, meurtres. Le nombre de voies de fait ou d'agressions sexuelles a d'ailleurs augmenté du simple au double entre 1986 et 1989: 1 896 comparativement à 3 517. Si l'on replace ces données dans l'évolution des trente dernières années, la hausse des crimes contre la personne se révèle importante et représente une caractéristique particulière de la délinquance contemporaine. Le nombre total de jeunes appréhendés en 1989-1990 s'est élevé à 25 325, soit environ 4,6 % des jeunes âgés de 12 à 17 ans. Le nombre de situations d'enfants prises en charge par les Directeurs de la protection de la jeunesse a totalisé 10 865. Les facteurs explicatifs. Un portrait type du délinquant peut être établi. Il est en troisième secondaire, vit dans un milieu pauvre avec une mère monoparentale; le père a fui ses responsabilités. La pauvreté constitue un facteur de risque important, même si la plupart des jeunes issus des familles pauvres s'en sortent bien. A pauvreté égale, les jeunes qui vivent les situations suivantes présentent plus de risques: la toxicomanie, l'alcoolisme, des difficultés antérieures d'adaptation scolaire des parents, en particulier de la mère, le jeune âge des parents à la naissance de l'enfant, et la dislocation de leur famille. Les principaux facteurs à l'origine de la délinquance peuvent être regroupés de la façon suivante: Facteurs individuels: tempérament difficile, capacité biologique et cognitive déficiente, personnalité égocentrique, problèmes d'adaptation scolaire, expérience d'exclusion sociale, fréquentation de pairs: délinquants, pratique d'activités non conventionnelles. Facteurs familiaux: famille démembrée au moment de l'adolescence, mère jeune (moins de 21 ans lors de la naissance de l'enfant) et monoparentale, problème de santé mentale, alcoolisme, toxicomanie, criminalité chez les parents, faible attachement parents-enfants, conflits conjugaux, méthodes disciplinaires inconsistantes et inadéquates, absence du père. Facteurs scolaires: manque de préparation à la scolarisation, écoles déficientes, absence de vie étudiante, faiblesse de l'éducation morale et civique, absence de diplôme secondaire, manque de dépistage précoce des troubles d'apprentissage. Facteurs communautaires: désorganisation sociale, faiblesse des équipements sociaux, de loisir et culturels, présence d'un milieu criminel et de bandes antisociales. Facteurs sociaux: pauvreté, hétérogénéité ethnique, insuffisance des services de santé et des services sociaux, inefficacité de la dissuasion juridique, faiblesse des contrôles sur les substances illicites, fréquentation scolaire trop courte, protection inadéquate des biens et des personnes. Les groupes les plus touchés. La délinquance est souvent considérée comme une activité de garçon. Bon an mal an, on dénombre dix garçons pour une fille dans les statistiques policières. Les recherches révèlent que la plupart des garçons commettent au moins une fois un acte délinquant. Certains présentent cependant plus de risques que d'autres de récidiver. Cependant, depuis 1980, la délinquance des filles augmente plus rapidement que celle des garçons. Mais le genre d'infractions qu'elles commettent reste différent, étant davantage lié à leur statut de mineure: fugue, incorrigibilité, immoralité. Une grande proportion des délits graves et des délinquants se concentrent dans certains quartiers des villes et dans les communautés les plus défavorisés. C'est également dans ces milieux que l'on retrouve le plus de bandes délinquantes. L'importance de la classe sociale se révèle toutefois nulle en ce qui concerne la délinquance mineure: les petits vols, le vandalisme et les bagarres entre adolescents. Selon les statistiques officielles, les variations quantitatives de la délinquance entre les régions apparaissent, somme toute, assez mineures. Cependant, Montréal serait le théâtre des délits les plus graves. Certaines communautés ethniques de quartiers défavorisés sont aux prises avec des problèmes importants de délinquance parmi leurs jeunes. Dans certaines communautés autochtones, les jeunes de 12 à 17 ans sont vingt fois plus nombreux que les autres jeunes du Québec à être suivis par les services sociaux, à la suite de comportements délinquants. Les interventions actuelles. L'esprit de la Loi sur les jeunes contrevenants est d'accorder un statut spécifique aux jeunes âgés de moins de 18 ans qui commettent un délit, de manière à les aider à résoudre leurs problèmes de mésadaptation sociale et à prévenir la récidive. Le Québec s'est donc doté également d'un tribunal de la jeunesse, qui voit notamment aux décisions relatives à la Loi sur la protection de la jeunesse. Le tribunal de la jeunesse s'est considérablement adapté aux besoins particuliers de sa jeune clientèle au cours des dernières années: les juges sont mieux formés, les délais ont été abrégés, le point de vue des travailleurs sociaux serait plus respecté. Toutefois, on se plaint encore des délais: entre l'arrestation et l'application de sanctions, il s'écoule souvent plus de huit mois, ce qui favorise la récidive et «déresponsabilise» le jeune impliqué et sa famille. Cette lenteur serait attribuable aux délais que prennent les policiers, les travailleurs sociaux, les avocats et les juges à s'entendre sur des «mesures de rechange» et de réhabilitation, par exemple les travaux communautaires. Les services des centres de réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation ont été améliorés au cours des dernières années, cependant la société québécoise investit trop dans ces institutions de grande taille. En 19891990, le budget total de ces centres s'élevait à 320,4 millions de dollars (dont environ 25 % pour les jeunes contrevenants et le reste pour des services liés à la Loi sur la protection de la jeunesse et à la Loi sur les services de santé et les services sociaux). La même année, le ministère de la Santé et des Services sociaux dépensait au total 601,4 millions pour les jeunes en difficulté. Plus des deux tiers des bénéficiaires des centres de réadaptation sont des garçons. Or, les évaluations montrent que ce service n'atteint pas toujours les objectifs de réadaptation et de réinsertion sociale poursuivis. Plusieurs sociétés modernes auraient, davantage que le Québec et depuis longtemps, entrepris de réduire la taille de ces établissements. Actuellement les services sociaux s'efforcent de répondre surtout aux urgences. Les situations les plus urgentes, davantage encadrées par la loi, sont généralement le fait des garçons qui commettent des actes délinquants. Les filles dérangent moins et intériorisent davantage leurs difficultés. Aussi, leurs problèmes se traduisent souvent par l'échec scolaire, une sexualité précoce, la grossesse, la négligence à l'endroit de leurs enfants. Mais les services sociaux s'occupent relativement peu des filles, alors que les études sont unanimes à montrer que l'adaptation psychosociale des mères est d'une importance capitale pour le développement de leurs enfants. Les voies d'action prioritaires. 1- Responsabiliser davantage les pères et raffermir les liens d'attachement père-enfant. 2- Agir au sein du milieu scolaire. Tous les intervenants et intervenantes, qu'ils appartiennent au système judiciaire ou aux services sociaux, doivent se rapprocher de l'école, de manière à pouvoir non seulement mieux suivre les adolescents en probation, mais aussi contribuer à améliorer le climat de l'école. 3- Privilégier les interventions souples, dans le milieu. Investir davantage dans des ressources souples d'hébergement dans la communauté. Inciter les psycho-éducateurs et psycho-éducatrices à travailler davantage dans le milieu, particulièrement avec les CLSC et les écoles. Accroître les mesures de répit pour les parents en difficulté. 4- Rechercher un meilleur équilibre dans les investissements consacrés aux garçons et aux filles en difficulté et accorder une attention particulière aux filles de milieu défavorisé. la réalité contemporaine de la monoparentalité nous enseigne que les mères ont encore aujourd'hui plus d'importance que les pères dans l'éducation des enfants. En s'occupant de manière intensive des jeunes filles qui rencontrent des problèmes d'adaptation sociale tels que le décrochage scolaire, la grossesse à l'adolescence, des troubles de comportement, on améliore les chances de briser la chaîne père absent - mère en difficulté - fils délinquant. Il faut même viser à agir très tôt: auprès des enfants de moins de 5 ans, avant même que les premières difficultés d'adaptation sociale ne se manifestent. 5- Procéder à des ajustements de façon à améliorer l'efficacité des interventions menées en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Adapter les interventions des tribunaux de manière à favoriser la participation des parents. Réorganiser des procédures afin de raccourcir les délais et accentuer le recours aux mesures de rechange. Former les travailleuses et travailleurs sociaux, placés en situation d'autorité lors de leurs interventions, à la médiation. Réajuster des techniques de probation. La recherche. Entreprendre des études longitudinales sur le développement et la prévention des difficultés d'adaptation sociale. Poursuivre l'évaluation des programmes et des interventions. Étudier les effets de programmes d'aide à l'adaptation sociale destinés aux jeunes, en accordant la priorité aux filles et à leur famille. La violence faite aux femmes. Objectif 4. D'ici l'an 2002, diminuer les cas de violence faite aux femmes en milieu familial. Le problème. La violence conjugale est un phénomène de plus en plus documenté. Elle peut revêtir plusieurs formes: menaces, intimidation, coups, brûlures, violence sexuelle. La violence affecte gravement la santé physique et mentale des victimes. Dans certains cas, elle conduit même à l'homicide; d'après une enquête effectuée en 1989, des membres de la famille immédiate étaient impliqués dans plus du tiers des homicides résolus au Canada. La situation la plus fréquente: une femme est victime de son conjoint. Les données actuelles sur la violence conjugale au Québec ne sont que des estimations; la prochaine enquête Santé Québec fournira cependant un indicateur raisonnablement fiable de la prévalence de la violence conjugale physique, verbale et sexuelle. On sait toutefois déjà que le phénomène est important, par le nombre de personnes qui utilisent les services sociaux, judiciaires et communautaires. Par exemple, trois appels sur cinq reçus par la police ont trait à des querelles familiales. La violence conjugale toucherait de 10 % à 15 % des femmes vivant en couple, soit quelque 200 000 Québécoises. Une enquête canadienne a montré que 18 % des hommes mariés ou vivant en union de fait, âgés de 18 ans et plus, admettent avoir commis au moins un acte de violence à l'endroit de leur conjointe au cours de l'année et 10 % avouent avoir commis un geste pouvant entraîner des blessures graves. Les enfants témoins de cette violence en sont aussi gravement affectés. Ils sont également davantage susceptibles de reproduire le même schème à l'âge adulte. La violence subie par les jeunes femmes au cours des fréquentations est un autre phénomène qui attire de plus en plus l'attention des milieux de recherche. L'objectif de diminuer la violence faite aux femmes en milieu familial devrait se traduire par une baisse de 10 % du nombre de cas. La prochaine enquête Santé Québec permettra de suivre de façon précise l'évolution de ce problème. Les facteurs explicatifs. Les recherches ne peuvent démontrer de liens stricts de cause à effet entre la violence conjugale et les nombreuses variables qui y sont associées. Certains facteurs socio-culturels favorisent la violence, notamment la croyance en l'idée que les femmes ne sont pas égales aux hommes, la tolérance sociale à l'endroit de la violence faite aux femmes, l'isolement. D'autres facteurs individuels exacerbent la tendance aux comportements violents, comme la consommation d'alcool, le stress ou l'expérience personnelle de la violence. Les groupes les plus touchés. Le problème touche toutes les classes sociales et l'enquête canadienne précitée suggère que les hommes des générations plus jeunes sont aussi susceptibles, ou peut-être davantage, de violenter leur conjointe que les plus âgés. En ce qui concerne les communautés autochtones, les données ne fournissent pas de mesure précise, mais la violence conjugale est identifiée comme un problème social «grave» ou «plutôt sérieux» dans les deux tiers des communautés. Les interventions actuelles. Le Québec se compare avantageusement à d'autres pays sur le plan des politiques relatives à la violence faite aux femmes et des services d'aide aux victimes offerts par les organismes communautaires et par les établissements du réseau de la santé et des services sociaux. L'action des maisons d'hébergement est en général très appréciée par les femmes qui y ont recours. Les centres pour femmes sont reconnus comme un complément important à ces services par leur intervention ainsi que par leur action de sensibilisation et d'accompagnement auprès des femmes qui ne sont pas prêtes à recourir directement aux maisons d'hébergement. En effet, on estime que ces services ne rejoignent actuellement que 10 % des femmes victimes de violence. L'appréciation des services aux conjoints violents est également positive, en I raison notamment des efforts qui ont été faits pour harmoniser leurs . interventions, selon une approche commune, avec celle des services offerts aux victimes par les CLSC et les maisons d'hébergement, approche qui situe le phénomène de la violence comme une stratégie de contrôle de l'homme sur sa conjointe, stratégie appuyée sur l'inégalité sociale entre les sexes. Malgré tous les efforts déployés, le manque de concertation doit toutefois être relevé, en particulier entre le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de la Justice et le ministère de la Sécurité publique. Cette situation limite l'efficacité des interventions auprès des victimes et des agresseurs et se traduit par des lacunes quant à l'accueil et l'accompagnement des femmes dans le processus judiciaire, point sur lequel le Québec se compare moins bien aux autres pays. Dans les milieux d'intervention, on constate que l'action combinée des mesures sociales et judiciaires constitue une condition essentielle d'efficacité. Une approche nouvelle fait l'objet d'expériences-pilotes dans certains centres de protection de l'enfance et de la jeunesse, notamment au Bureau de service social de l'Est à Montréal: l'intervention intégrée auprès de tous les membres des familles touchées par la violence conjugale, tant les adultes que les enfants qui en sont témoins; on reconnaît maintenant de plus en plus que ces derniers sont aussi gravement affectés par de telles situations que lorsqu'ils sont eux-mêmes victimes de mauvais traitements. L'intervention intégrée est une approche fondée sur la protection de la sécurité de la victime; elle consiste à offrir aux membres de la famille des services complémentaires, si possible dans un même lieu d'accueil. Dans les cas où les lieux d'accueil sont différents, une action cohérente et concertée est nécessaire; on envisage par exemple des expériences de jumelage entre une maison d'hébergement et un centre d'aide aux conjoints violents. La prévention et le dépistage représentent un autre aspect pour lequel le Québec fait mauvaise figure. Par exemple, en dépit de certains progrès, peu de médecins savent dépister les femmes victimes de violence conjugale alors qu'ils sont de loin les mieux placés pour agir à cet égard. La sensibilisation et la formation des médecins devraient donc être considérées comme prioritaires. Les campagnes de sensibilisation du public comme celle mise en oeuvre en concertation par la Fédération des maisons d'hébergement, les gouvernements provincial et fédéral et la Chambre des notaires sont importantes et doivent être poursuivies. La diminution de la violence conjugale exige des changements culturels profonds, qui ne surviendront qu'au prix d'efforts de long terme, à tous les niveaux. Les voies d'action prioritaires. 1- Se concerter davantage pour être plus efficace. Accentuer la concertation en premier lieu au niveau interministériel pour mieux protéger et soutenir les victimes à l'intérieur du processus judiciaire. Examiner l'ensemble des politiques et des programmes ayant un impact négatif sur les femmes qui décident de quitter leur conjoint, et les aider à améliorer leur situation sociale et économique. Assurer la protection des victimes et la cohérence des interventions auprès de toutes les personnes touchéesvictimes, agresseurs, enfants témoins de violence - au moyen des tables régionales ainsi que par la mise en place d'une approche intégrée. 2- Sensibiliser les intervenants et les intervenantes, et la population. Sensibiliser prioritairement et former le personnel du réseau de la santé et des services sociaux, en particulier les médecins, et celui du secteur judiciaire. Poursuivre la sensibilisation de l'ensemble de la population pour atteindre le «point de tolérance zéro», comme on tente de le faire, par exemple, avec l'alcool au volant. 3- Soutenir plus adéquatement le réseau communautaire. Assurer un financement suffisant aux ressources communautaires qui interviennent auprès des femmes victimes de violence: maisons d'hébergement, centres pour femmes, centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Reconnaître formellement les ressources pour conjoints violents, tant dans le réseau judiciaire que dans le réseau social. La recherche. Développer les indicateurs actuels de recours aux services auprès des maisons d'hébergement, et mieux mesurer le recours au système judiciaire, aux services de santé et aux cliniques médicales. L'indicateur de prévalence fourni par l'enquête Santé Québec représentera un autre acquis important en ce sens. Poursuivre l'évaluation de l'efficacité des programmes d'aide aux victimes et aux agresseurs, et évaluer les programmes de prévention. L'itinérance. Objectif 5. D'ici l'an 2002, prévenir l'itinérance et, particulièrement à Montréal et à Québec, atténuer ses conséquences, et favoriser la réinsertion sociale des itinérants. Le problème. L'itinérance est un véritable problème social qui a pris place au Québec. Il touche un grand nombre d'individus et connaît une croissance considérable. Il s'étend à des populations autrefois peu touchées: les femmes et les jeunes. Il n'est pas facile de quantifier le nombre de personnes sans abri au Québec, faute de définition opérationnelle reconnue. Toutefois, sur la base d'une année, on évalue qu'il y aurait à Montréal entre 10 000 et 15 000 personnes qui n'ont pas, à un moment ou un autre, de domicile pour dormir. Toujours sur une base annuelle, Québec, on estime à environ 400 personnes la population des itinérants. L'itinérance est un phénomène difficile à circonscrire. L'absence de domicile fixe en constitue la dimension la plus apparente. Il importe de décrire l'itinérance selon trois catégories principales et de ne pas laisser entendre que la situation de la population itinérante chronique correspond à celle de l'ensemble des itinérants. Les itinérants chroniques ne représentent que 10 % à 15 % de la population itinérante. La durée et la fréquence de la situation permettent de distinguer: les sans-abri chroniques, qui n'ont pas connu de logement stable depuis une longue période (généralement plus de douze mois); les sans-abri épisodiques ou cycliques, qui vont et viennent entre un logement et la rue; les sans-abri «situationnels ou transitoires» qui, pour une raison ou l'autre, se trouvent momentanément sans logement, alors qu'ils sont généralement logés. Ces distinctions selon le statut résidentiel permettent une approche plus fine du phénomène. D'autres conditions sont par ailleurs associées à l'itinérance. Selon le Comité des sans-abri de la ville de Montréal, une personne itinérante présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes: elle n'a pas d'adresse fixe et n'est pas assurée d'un logement stable, sécuritaire et salubre pour les soixante jours à venir; elle dispose d'un très faible revenu; elle n'a pas le même accès aux services que tous les citoyens à cause d'attitudes discriminatoires dont elle est l'objet; elle a des problèmes de santé mentale, d'alcoolisme, de toxicomanie ou de désorganisation sociale; elle n'a pas de groupe d'appartenance stable. La situation de nombreux sans-abri situationnels ou transitoires se détériore souvent, et de plus en plus rapidement. Plusieurs rejoindront ainsi les rangs des sans-abri chroniques. Les trois quarts des personnes sans abri ont une maladie physique quelconque. Les problèmes de santé les plus souvent mentionnés sont les maladies du système circulatoire et du système respiratoire. La prévalence du sida y est particulièrement élevée. La présence de maladies mentales sévères, parmi les itinérants de Montréal, est importante: environ 40 % souffrent d'une maladie mentale, dont 10 % d'un trouble sévère comme la schizophrénie. Mais peu d'itinérants bénéficient d'un suivi médical; beaucoup rencontrent des obstacles d'accessibilité aux services sociaux et aux services de santé. Les facteurs explicatifs. La pauvreté et les problèmes liés au logement constituent les causes socio-économiques de l'itinérance. Parmi les facteurs qui se révèlent déterminants, on relève le manque de cohésion familiale, l'éclatement de la famille, l'augmentation du taux de divorce, la séparation des enfants de leur famille (le placement), la faible scolarisation, le taux de chômage, la surconsommation de drogues ou d'alcool. Trois personnes sur quatre parmi la population itinérante de Montréal ont un trouble relié à la consommation de substances psychotropes: alcool et drogues, 44,5 %; drogues uniquement, 9,9 %. Les groupes les plus touchés. Les personnes qui risquent le plus de connaître l'itinérance sont: les jeunes, particulièrement ceux de 14 à 18 ans qui ont été l'objet de placement; les femmes en difficulté, en particulier celles qui sont victimes de violence conjugale; les personnes sortant d'une institution: prisonniers, déficients intellectuels, ex-psychiatrisés. Les jeunes. La proportion de jeunes de moins de 30 ans parmi la population itinérante est élevée. Même si l'on ne dispose pas de données précises, le rajeunissement de la clientèle fait consensus. Selon les études, le pourcentage de jeunes varie entre 25 % et 46 %. Les jeunes ont davantage de problèmes liés à la consommation de drogues que leurs aînés (69 % contre 53 % chez les 30 à 44 ans et 12 % ou moins chez les 45 ans et plus). On constate d'ailleurs que l'augmentation de la prévalence des problèmes liés à la consommation de drogues chez les sansabri est liée au rajeunissement de la clientèle. Le passé familial des jeunes itinérants est sombre. La moitié ont vécu dans un milieu familial où l'on retrouvait au moins un des problèmes suivants: alcoolisme, maladie mentale, violence physique. La moitié ont été placés en famille ou en centre d'accueil, et ce à plus de quatre reprises pour la majorité d'entre eux. Le tiers des jeunes femmes itinérantes ont été victimes d'inceste. Bien que les jeunes itinérants proviennent de tous les milieux socio-économiques, on retrouverait chez plusieurs une histoire d'abandon. Les femmes en difficulté. Le phénomène des femmes sans abri, même s'il est moins visible, n'est pas précisément nouveau. De tout temps, il y aurait eu à Montréal des femmes sans domicile fixe. Quand elles recevaient de l'aide des organismes de charité, c'était sous une étiquette autre que celle de sans-abri ou d'itinérante: femme dans le besoin, mère célibataire, prostituée. Les femmes itinérantes sont plus jeunes que les hommes: 37,5 ans contre 42,8 ans pour les hommes. Elles ont eu accès au marché du travail dans une proportion moindre: 1 3 % tiraient un revenu d'un emploi comparativement à 24 % chez les hommes. La moitié des femmes ~53,8 %~ ont des enfants alors que la plupart des hommes (70,3 %~ n'en ont pas. Si la majorité des itinérants masculins vivent seuls, on observe le contraire chez les femmes qui fréquentent les refuges pour femmes sans abri de Montréal. Un grand nombre de femmes (entre 30 % et 50 %) s'adressent aux refuges après avoir connu une rupture avec un conjoint, la violence conjugale, ou après avoir pris la décision de quitter un conjoint alcoolique ou toxicomane. L'évaluation de l'ampleur du phénomène de l'itinérance féminine se trouve donc compliquée par le fait qu'elle est liée en partie à la problématique des femmes victimes de violence. Les personnes sortant d'une institution. Compte tenu du manque de lieux de transition entre l'institution et le réseau de dépannage pour personnes itinérantes, il n'est pas étonnant d'observer une grande vulnérabilité à l'itinérance chez les personnes qui sortent d'une institution. Toutefois, la désinstitutionnalisation n'explique que partiellement l'augmentation des sans-abri. Il semble plutôt que de nombreux malades psychiatriques, prisonniers ou déficients intellectuels, à leur sortie des grandes institutions, ont d'abord trouvé à se loger à prix modique et qu'ils furent par la suite victimes de la revalorisation des centres-villes, au même titre que les autres personnes sans domicile fixe, évincées elles aussi des maisons de chambres et des logements bon marché. Les interventions actuelles. ? Montréal et à Québec, divers organismes s'occupent des itinérants chroniques, mais la prévention et la réinsertion sociale souffrent de lacunes. Les communautés religieuses et les groupes communautaires qui viennent en aide à la population itinérante Font preuve d'une grande ténacité. le réseau d'hébergement pour itinérants et le plan d'action adopté conjointement par la ville de Montréal et le ministère de la Santé et des Services sociaux permettent également de mener des actions satisfaisantes. Il faut toutefois être vigilant afin de ne pas diriger toutes les interventions vers le dépannage. Les voies d'action prioritaires. De façon générale, la prévention et la réinsertion sociale doivent être accentuées. Le ministère de la Santé et des Services sociaux et son réseau ne pourront par ailleurs à eux seuls prévenir l'itinérance; d'autres secteurs doivent également s'engager en ce sens. 1- Soutenir les familles. Agir auprès des familles qui vivent des tensions afin d'éviter que les jeunes quittent le milieu familial ou soient mis à la porte. Les jeunes itinérants de 14 à 18 ans doivent recevoir une attention particulière. Ils se cachent pour ne pas être signalés à la Direction de la protection de la jeunesse. Il deviennent alors très vulnérables et certains «protecteurs» leur offrent une sécurité douteuse. Pour plusieurs de ces jeunes, la rue apparaît parfois plus sécuritaire que la maison; elle représente à leurs yeux la meilleure stratégie de survie qu'ils aient pu trouver. 2- Favoriser la réinsertion sociale. Éviter d'ouvrir à Montréal d'autres portes d'entrée à l'itinérance, mais plutôt offrir davantage de portes de sortie, de solutions de rechange. Dans l'ensemble du Québec, les autorités concernées doivent se préoccuper de prévenir l'itinérance et prévoir, lorsque les besoins s'imposent, des mesures de réinsertion sociale: on ne doit plus inciter, implicitement ou explicitement, les itinérants à aller vivre à Montréal ou à Québec. Le réseau d'hébergement pour itinérants de Montréal ne peut devenir un lieu de référence pour les hommes en difficulté provenant de toutes les régions du Québec. Continuer à soutenir et à développer des maisons d'hébergement pour les jeunes en rupture familiale ou encore en phase de réinsertion sociale à la suite d'un séjour dans un établissement de réadaptation . Continuer à soutenir les ressources communautaires d'hébergement pour femmes en difficulté, en particulier pour les victimes de violence, et prévoir un réseau tampon équivalent pour les hommes. Il n'existe pas pour les hommes vivant des difficultés personnelles ou familiales de ressources d'hébergement qui peuvent assurer la transition entre le domicile, ou l'institution, et le monde de la rue. Il faut donc créer davantage de milieux de transition. Ces lieux doivent comporter des ressources humaines en mesure de proposer des mesures de suivi et de réadaptation. Offrir des logements sociaux tels que des chambres et des logements à bas prix gérés par des organismes sans but lucratif, non seulement à Montréal, mais partout où les besoins se font sentir. De plus, le ministère de la Santé et des Services sociaux et son réseau doivent offrir aux municipalités les ressources humaines nécessaires pour que les logements sociaux remplissent leur mission de transition et de réinsertion sociale. Bonifier et rendre plus attrayante la formation destinée aux jeunes adultes sous-scolarisés: écoles pour «raccrocheurs», collectifs d'alphabétisation . Un effort analogue doit être fourni pour développer les habiletés des jeunes au travail tout en valorisant l'intégration professionnelle telle que l'alternance entre l'école et des stages en milieu de travail. Pour réussir, les interventions doivent être accompagnées d'un bon suivi. Un ratio minimum de trois intervenants pour trente personnes est reconnu efficace pour une action de réinsertion sociale. Un autre facteur de réussite consiste à offrir des services sur place, dans le milieu de vie; par la suite, on peut orienter les personnes itinérantes vers le réseau officiel de services. Améliorer l'accessibilité et l'adéquation des services sociaux et des services de santé offerts aux personnes itinérantes. Mener une véritable lutte à la toxicomanie et mieux coordonner les services de désintoxication, de logement et de santé mentale. La recherche. Effectuer des recherches afin de savoir pourquoi l'état de santé et de bien-être de plusieurs nouveaux itinérants se détériore de plus en plus vite. Poursuivre le suivi épidémiologique de la population itinérante. On dispose déjà d'un instrument permettant ce suivi à Montréal et à Québec. Il faut aussi mettre en place des mécanismes provinciaux assurant le monitorage du phénomène avec la collaboration des organismes qui offrent le gîte et le couvert. Évaluer les expériences de réinsertion sociale. L'alcoolisme et l'usage abusif de psychotropes. Objectif 6. D'ici l'an 2002, réduire de 15 % la consommation d'alcool, de 10 % la consommation de médicaments psychotropes chez les personnes âgées et chez les bénéficiaires de l'aide de dernier recours, et augmenter le nombre de personnes qui ne consommeront jamais de drogues illégales Le problème. L'alcool, les médicaments sédatifs et hypnotiques, le cannabis et la cocaïne comptent parmi les psychotropes les plus utilisés. Leur usage peut être occasionnel, sporadique ou régulier. Au Québec, l'usage et l'abus de psychotropes sont considérés comme des problèmes majeurs. Des données statistiques récentes confirment l'usage répandu de psychotropes illégaux ou légaux. Même si on note une baisse graduelle de la consommation d'alcool depuis la fin des années 70, l'alcool demeure le psychotrope le plus répandu. Le Québec affiche une consommation d'alcool supérieure à celle des provinces de l'Atlantique mais inférieure à celle des autres provinces; 6,3 ?/O des Québécois de plus de 15 ans auraient un problème sérieux d'alcool. C'est l'un des psychotropes dont la consommation est fréquemment associée à de graves problèmes. L'alcoolisme se retrouve parmi les quatre principales causes d'invalidité et de mortalité: tous les ans, l'abus d'alcool est directement ou indirectement responsable de 4 000 décès. L'espérance de vie de la personne alcoolique est réduite de douze à quinze ans; elle risque trois fois plus que les autres de mourir avant 55 ans. Chaque année, sur les routes, environ 500 décès et 8 000 blessures sont imputables à l'usage abusif d'alcool. la consommation d'alcool serait présente dans environ 30 % des cas d'abus à l'endroit des enfants, et 50 % des victimes d'inceste appartiendraient à des familles touchées par l'alcoolisme. L'abus d'alcool est également reconnu comme un problème grave et omniprésent dans les communautés autochtones, bien qu'il soit difficile d'en mesurer l'ampleur. Il est souvent associé à la violence familiale et aux morts accidentelles: il affecterait davantage les adolescents et les jeunes hommes. La consommation de médicaments psychotropes croît sensiblement avec l'âge, chez les deux sexes; 25 % des personnes âgées utilisent des somnifères. En 1987, 5 % des Québécois et Québécoises déclaraient avoir consommé des tranquillisants dans les deux jours précédant l'enquête Santé Québec. la consommation de médicaments psychotropes (anxiolytiques et hypnotiques) est presque deux fois plus élevée chez les femmes. ? partir de 65 ans, 23 % des femmes et 17 % des hommes consomment des tranquillisants. En centre d'accueil, un bénéficiaire sur trois consomme au moins huit médicaments et plus par jour; trois sur quatre prennent des tranquillisants. La consommation des médicaments est en hausse constante dans la population. Les médecins prescrivent davantage de médicaments, surtout des tranquillisants, aux personnes âgées et aux femmes. Plusieurs d'entre elles font de plus en plus un usage abusif de substances multiples. En 1987, les personnes âgées ont reçu en moyenne 24,6 ordonnances de médicaments chacune, soit cinq de plus qu'en 1983. Certains stimulants et tranquillisants représentaient près du tiers des ordonnances: sur le territoire canadien, c'est au Québec que l'on émet le plus d'ordonnances de tranquillisants mineurs. D'après les estimations de Santé Québec, environ 20 % des gens auraient consommé des drogues illégales au moins cinq fois durant leur vie, dont au moins une fois durant les douze mois précédant l'enquête. Depuis 1985, le nombre d'usagers de la cocaïne et du cannabis aurait plus que doublé. Les usagers de drogues illégales, dont le nombre est en hausse, commencent à consommer de plus en plus jeunes. De 20 % à 30 % des jeunes consommeraient des drogues illégales. En général, ils commencent à prendre des drogues entre 12 et 15 ans. Les conséquences, trop souvent, sont fort coûteuses sur les plans humain, économique et social. La dépendance physique et psychologique, la dégradation de la qualité de vie, la pauvreté, la criminalité, l'itinérance, la prostitution, le chômage, la maladie, le sida, la violence conjugale, la négligence parentale et les abus physiques, les suicides, les accidents routiers sont très fréquemment associés au phénomène de la drogue. De plus, la coexistence de plusieurs psychopathologies menace nombre de toxicomanes. Le «surconsommateur» de psychotropes devient souvent un surconsommateur de services gouvernementaux, ses problèmes ayant des répercussions légales, financières, médicales et psychologiques pour lui et son entourage. Les facteurs explicatifs. Il n'existe pas d'explication unique au phénomène de la consommation et de la surconsommation de psychotropes. Il paraît illusoire de rechercher une seule cause, qu'elle soit de nature génétique, psychologique ou sociale. La substance, les modalités de son usage, l'état physique ou mental de l'usager et le milieu où il consomme sont autant de facteurs qui influent sur les effets et les conséquences de la consommation d'un psychotrope. Des facteurs physiques, telles une certaine vulnérabilité physiologique et des douleurs physiques, ainsi que des facteurs psychologiques, comme la baisse de l'estime de soi, le stress et l'anxiété, la souffrance morale, expliqueraient la consommation ou la surconsommation de psychotropes. Des facteurs sociaux, comme la présence de problèmes familiaux, certaines conditions de vie et de travail, la pression sociale incitant à la consommation contribueraient aussi à l'explication du phénomène. C'est donc tout un ensemble de facteurs personnels ou sociaux qui sont susceptibles d'intervenir dans la consommation de psychotropes, et surtout dans l'établissement des modèles de consommation. Les groupes les plus touchés. La surconsommation de psychotropes ne se limite pas à quelques populations bien ciblées. Elle se retrouve dans toutes les couches de la société et à tout âge. Les données actuelles permettent tout juste d'identifier certains groupes plus susceptibles de développer des comportements toxicomanes à l'endroit de substances précises. Ainsi, selon les recherches récentes, les personnes âgées et les femmes de 35 à 64 ans sont plus susceptibles d'abuser de médicaments psychotropes. Les hommes de 20 à 50 ans courent de plus grands risques de vivre des difficultés liées à la consommation d'alcool. La personne divorcée ou séparée, sans emploi ou retraitée peut plus facilement développer un usage abusif de multiples substances. Les jeunes de 15 à 24 ans constituent un groupe très important parmi les utilisateurs de drogues illégales. Les jeunes de 12 à 15 ans représentent aussi un groupe plus vulnérable. Les interventions actuelles. En toxicomanie, la prévention interpelle différents acteurs, et plus spécifiquement le réseau socio-sanitaire, le réseau de l'éducation et le secteur de la sécurité publique. La coordination intersectorielle est requise. Depuis quelques années, des efforts ont été accomplis en prévention et en promotion de la santé. Un budget a été accordé à chacune des régions socio-sanitaires afin de permettre la mise en place d'un programme de prévention et la nomination d'un coordonnateur régional de la prévention. Plusieurs écoles organisent des activités à l'intention des étudiants. La préoccupation d'intervenir précocement en toxicomanie s'est développée récemment, mais il existe peu de programmes systématiques de dépistage et aucun outil uniformisé n'est utilisé. Le dépistage précoce s'effectue par des initiatives isolées. Les milieux de travail ont développé des programmes d'aide aux employés, en particulier les grandes industries et la Fonction publique. Les services de réadaptation sont actuellement dispensés dans les centres de réadaptation et dans certains centres hospitaliers de soins de courte durée. Ils sont offerts à l'interne, lorsque l'hébergement est nécessaire, ou en externe, lorsque la personne peut demeurer dans son milieu naturel pendant la période d'intervention. Il existe aussi des ressources intermédiaires qui assurent un milieu de transition protégé. Un réseau de centres privés s'est développé au cours des dernières années. Ces centres hébergent, la plupart moyennant rémunération, des personnes qui ont des difficultés reliées à la surconsommation. Le réseau a besoin d'être consolidé afin d'assurer une plus grande accessibilité aux services dans les régions et ce, particulièrement pour les jeunes. Au cours des dernières années, l'accent a été mis surtout sur les interventions en milieu de vie naturel. Des personnes significatives de l'entourage sont de plus en plus engagées. Des ressources bénévoles et des groupes d'entraide se développent et leur contribution est de plus en plus importante dans les centres de réadaptation. Les recherches faites jusqu'à maintenant s'intéressaient, entre autres, aux modèles de consommation de groupes particuliers, aux causes de la consommation et aux résultats des interventions de réadaptation auprès de personnes alcooliques. Malgré l'évolution des connaissances sur les différents aspects de la toxicomanie, le phénomène est loin d'être circonscrit. Les efforts déployés sont insuffisants eu égard à l'ampleur des problèmes associés à la consommation et à la surconsommation des psychotropes. Les voies d'action prioritaires. La diminution de la consommation d'alcool per capita et de la consommation de drogues illégales. 1- Stimuler les activités de prévention et de promotion de la santé, en mettant l'accent sur les services destinés aux jeunes et en y associant leur famille. La diminution de la consommation abusive de médicaments. 2- Poursuivre le questionnement sur les ordonnances de médicaments, particulièrement à l'égard des personnes âgées et des femmes, et réviser en conséquence le programme d'assurance-médicaments administré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. 3- Stimuler le développement de solutions alternatives à l'usage des médicaments. La recherche. Promouvoir la recherche sur les caractéristiques des consommateurs et sur l'efficacité des interventions, en accordant une attention spéciale à la coordination et à la concertation de l'ensemble des efforts consentis. La santé physique. Les naissances prématurées ou de poids insuffisant et les anomalies congénitales ou génétiques. Objectif 7. D'ici l'an 2002, réduire à moins de 5 % les naissances prématurées et à moins de 4 % les naissances de bébés de poids insuffisant, et diminuer l'incidence des anomalies congénitales ou génétiques. Le problème. Le Québec enregistre des taux très bas de mortalité périnatale et infantile: respectivement 6,9 et 6,3 pour 1 000 naissances de 28 semaines de gestation et plus, en 1990. Il n'est devancé sur ce plan que par trois pays. 11 affiche par contre un retard par rapport à l'Europe au chapitre de la prématurité (moins de 37 semaines de gestation) et de l'insuffisance de poids à la naissance (moins de 2500 grammes). Selon les années, entre 8 000 et 9 000 enfants naissent avec un poids insuffisant ou prématurément. La prématurité augmente depuis dix ans (5,7 % en 1980, 6,6 % en 1990) et les naissances de bébés de poids insuffisant ne diminuent que très lentement (6,5 % en 1980, 5,9 % en 1990). Pendant ce temps la France, avec un programme énergique, faisait passer son taux de prématurité de 6,8 % en 1981 à 4,8 % en 1988-1989. La Suède maintient quant à elle à 4 %, et ce depuis plus de vingt ans, le taux de naissances de bébés de poids insuffisant. On estime que près de 3 000 enfants (3 %) naissent avec des anomalies congénitales graves. Cependant, un nombre considérable d'anomalies à composante génétique, présentes chez le jeune enfant, ne se manifestent que plus tard dans la vie. Les nouveau-nés de poids insuffisant, prématurés ou qui présentent une anomalie congénitale sont beaucoup plus susceptibles d'avoir à supporter des conséquences à long terme sur leur santé, leur qualité de vie et leur survie: séjour hospitalier trois fois plus long pendant le premier mois de la vie, réhospitalisations, perturbation du développement physique, intellectuel ou moteur, troubles respiratoires, visuels, auditifs ou de langage. Ces enfants sont plus difficiles, donc plus susceptibles d'être victimes d'abus ou de négligence. Un enfant né très prématurément sur deux souffre, vers l'âge de 8 ans, de problèmes plus ou moins importants d'apprentissage. L'apparition en cours de vie des symptômes à composante génétique peut, selon leur gravité, influer de façon importante sur la santé des individus atteints, la qualité et la durée de leur vie. Les femmes ou les couples à risque élevé de mener à terme un enfant présentant une ou plusieurs de ces anomalies envisagent généralement avec hésitation le projet d'avoir un enfant. Près de 70 % des enfants qui meurent avant l'âge de 28 jours sont nés prématurément, avec un poids insuffisant ou une anomalie congénitale. Les facteurs explicatifs. Certains facteurs de risque sont connus, surtout pour l'insuffisance de poids à la naissance. Beaucoup d'incertitudes subsistent quant aux causes de la prématurité et des anomalies qui se manifestent à la naissance ou plus tard dans la vie. La prématurité et l'insuffisance de poids résultent souvent du cumul de plusieurs facteurs. Certaines femmes risquent davantage de donner naissance à un enfant de poids insuffisant. Les principaux facteurs en cause sont biologiques (maigreur avant la grossesse, petite taille, mère âgée de moins de 20 ans, grossesse multiple, antécédents de mortinaissance), pathologiques (maladie chronique ou maladie pendant la grossesse, anomalie congénitale du bébé), socio-économiques (revenu, scolarité, statut matrimonial, isolement social), liés à des habitudes de vie (tabagisme, mauvaise alimentation ou sous-alimentation, alcoolisme, toxicomanie) ou à l'inaptitude du système de soins à répondre aux besoins de certaines femmes (suivi prénatal tardif et peu intense, limites culturelles ou socio-économiques à l'accessibilité). En dépit de facteurs socio-économiques et médicaux connus, la prématurité demeure encore, dans la majorité des cas, un phénomène inexpliqué et difficilement prévisible. Elle est reliée aux antécédents de prématurité, d'avortements spontanés et de mortinaissance, à l'âge de la mère (moins de 20 ans et plus de 35 ans) et à la consommation de cocaïne. L'impact du travail sur la prématurité et l'insuffisance de poids est encore mal connu et controversé. Certaines études montrent des liens évidents, d'autres moins nets. On met en cause certaines conditions de travail difficiles: lourdes charges à soulever, fatigue, horaires contraignants, station debout prolongée, stress... Les anomalies peuvent être liées à un arrangement chromosomique désordonné, à des facteurs biologiques (hérédité, mère âgée de plus de 35 ans, maladies chroniques de la mère comme le diabète), à de mauvaises habitudes de vie (surconsommation d'alcool ou de drogues), à des facteurs environnementaux (agents infectieux, pharmaceutiques, chimiques). Mais, dans la plupart des cas, l'origine de ces problèmes est inconnue. Le premier trimestre de la grossesse constitue la période où le foetus est le plus vulnérable aux facteurs tératogènes. Les groupes les plus touchés. Les mères pauvres, peu scolarisées et chefs de famille monoparentale ont plus de risques de donner naissance à un bébé de poids insuffisant ou prématuré, notamment parce qu'elles cumulent plusieurs risques. Au Québec, un enfant sur cinq naît de parents vivant sous le seuil de la pauvreté. En 1990, on enregistrait pour les mères ayant moins de onze années de scolarité un taux de 7,7 % de naissances de bébés de poids insuffisant et de 7,8 % de naissances prématurées alors que chez celles qui avaient dix-sept années et plus de scolarité le taux de naissances de bébés de poids insuffisant s'établissait à 4,2 % et le taux de prématurité à 5,5 %. Les femmes qui accouchent à un âge assez élevé et les femmes ou les couples dont l'histoire familiale démontre des antécédents d'anomalies chromosomiques, monogéniques ou multifactorielles, courent un risque élevé de donner naissance à un enfant atteint d'une anomalie. Les écarts interrégionaux sont manifestes tant pour la prématurité (de 5,9 % à 7,7 % en 1990) que pour l'insuffisance de poids (de 5,4 % à 6,9 %), les régions de Kativik et de la Baie James faisant exception avec le plus bas taux de naissances de bébés de poids insuffisant (2,8 %) et le plus haut taux de prématurité (7,8 Les interventions actuelles. La très bonne performance du système curatif québécois a amélioré de façon importante les chances de survie des nouveau-nés, mais le Québec affiche des retards notables dans la prévention de la prématurité et de l'insuffisance de poids à la naissance. Pour prévenir l'insuffisance de poids et mieux soutenir les familles de milieu défavorisé, plusieurs CLSC, en collaboration avec les départements de santé communautaire, ont commencé à offrir un suivi prénatal individuel intégré, basé sur une approche ou une combinaison d'approches prometteuses: programme intégré de prévention périnatale «Naître et grandir égaux», approche du Dispensaire diététique de Montréal, soutien alimentaire OLO (oeuf, lait, orange), approche psycho-dynamique... Les médecins sont par ailleurs trop peu nombreux à identifier ou à diriger vers les CLSC les femmes et les familles qui ont besoin d'un soutien psychosocial ou nutritionnel accru. En ce qui concerne le suivi de grossesse, peu d'interventions spécifiques sont menées dans le but d'identifier et de soutenir les femmes les plus susceptibles de donner naissance à un enfant prématuré. Les parents porteurs d'une anomalie ou qui ont déjà eu un enfant né avec une anomalie grave ont besoin d'une information complète pour prendre une décision éclairée quant à une éventuelle grossesse. L'accessibilité des conseils génétiques et du diagnostic prénatal n'est pas optimale dans toutes les régions du Québec, et elle est inégale selon le type d'anomalie. Devant un diagnostic prénatal d'anomalie grave, la grande majorité des parents optent pour l'interruption volontaire de grossesse. En l'absence d'un diagnostic précoce, ou lorsque les parents désirent poursuivre la grossesse, les implications individuelles et familiales sont lourdes. Les enfants et leur famille manquent actuellement de soutien, les interventions sont trop peu nombreuses et le suivi n'est pas à la mesure de leurs problèmes. Enfin, le réseau québécois de médecine génétique offre un dépistage efficace et rentable, particulièrement pour quelques maladies. Les voies d'action prioritaires. La capacité du système de services à prodiguer des soins aux enfants nés vulnérables est plus développée que celle visant à permettre à ces enfants de naître en santé, à terme et de poids suffisant. Le virage essentiel consiste donc à accentuer la prévention, sans sacrifier une génération d'enfants. La réduction de la prématurité et de l'insuffisance de poids à la naissance. 1- Diminuer la pauvreté et ses conséquences chez les jeunes familles. Il faut soutenir prioritairement les parents de milieu socio-économiquement défavorisé par une approche individuelle intégrée et respectueuse de leurs valeurs. Traduite dans les programmes intégrés de prévention périnatale, cette approche consiste à offrir aux parents un soutien intense, continu et personnalisé, de façon à répondre le plus possible à un ensemble de besoins physiques, psychologiques, sociaux et matériels; les programmes doivent inclure un volet nutritionnel important inspiré de l'approche du Dispensaire diététique de Montréal. 2- Poursuivre l'action visant à favoriser durant la grossesse une alimentation adéquate, la réduction du tabagisme, de la consommation d'alcool, de la consommation de cocaïne et d'autres drogues illégales. 3- S'assurer que les femmes enceintes disposent d'une information appropriée, afin qu'elles soient en mesure de reconnaître les signes précurseurs du travail prématuré. 4- Améliorer la qualité du suivi prénatal de l'ensemble des futures mères en identifiant systématiquement les facteurs de risque et les signes précurseurs du travail prématuré, et en repérant et en dirigeant vers les CLSC les familles à plus haut risque sur les plans psychosocial et nutritionnel. En plus d'améliorer la qualité de vie, une réduction de la prématurité et de l'insuffisance de poids réduira la pression sur les unités de néonatalogie et de pédiatrie dans quelques années. La réduction de l'incidence des anomalies congénitales et génétiques. 5- Diffuser de l'information sur les agents délétères ou toxiques et sur les habitudes de vie nocives et assainir les milieux de vie. 6- Assurer une disponibilité accrue du counselling et du suivi des parents à haut risque génétique. 7- Préserver la liberté de choix des parents de se soumettre aux tests de dépistage, assurer une accessibilité accrue du diagnostic prénatal, en particulier pour les femmes âgées de plus de 35 ans, et assurer au besoin un accès rapide à des services d'interruption de grossesse pour les anomalies graves dépistées. La recherche. Évaluer l'efficacité des mesures préventives. Identifier les signes précurseurs et les facteurs de risque du travail prématuré ainsi que l'impact des différents éléments de la visite prénatale sur la prématurité. Mesurer l'impact du retrait préventif et l'influence du travail sur la prématurité, sur l'insuffisance de poids à la naissance, sur les anomalies congénitales et sur la santé de la mère, afin d'élaborer des solutions souples, efficaces et acceptables pour les femmes et les employeurs. Mesurer l'incidence des anomalies génétiques et des malformations congénitales. Les maladies cardio-vasculaires. Objectif 8. D'ici l'an 2002, réduire de 30 % la mortalité par maladie cardio-vasculaire. Le problème. Les principales formes de maladies cardio-vasculaires sont les maladies ischémiques du coeur (ou coronariennes), les maladies vasculaires cérébrales et les maladies hypertensives. Ces maladies constituent la première cause de mortalité au Québec; elles comptent pour 40 % de tous les décès et pour 20 % de la somme des années potentielles de vie perdues. C'est la maladie coronarienne qui est de loin la plus importante: elle est responsable de près de 80 % de tous les décès par maladie cardio-vasculaire. Les maladies cardio-vasculaires représentent également la principale cause d'hospitalisation et la seconde cause d'incapacité de long terme chez la population résidant à domicile. Chez cette dernière, c'est près d'une personne sur dix qui déclare être atteinte d'une maladie cardio-vasculaire. Depuis le début des années 60, la mortalité par maladie cardio-vasculaire est en baisse constante. Le Québec se situe actuellement dans la moyenne internationale à ce chapitre, mais bien en deçà des pays qui enregistrent les meilleurs taux, soit le Japon et la France. Bien que la mortalité soit en diminution, la prévalence de ces maladies ne varie cependant guère depuis la fin des années 70. Les facteurs explicatifs. Les facteurs de risque à l'origine des maladies cardio-vasculaires sont multiples. Le développement de la lésion athérosclérotique est le résultat de l'action simultanée ou successive des facteurs de risque et s'aggrave tout au long de l'enfance, de l'adolescence et de la vie adulte. Les principaux facteurs de risque de la maladie coronarienne sont le tabagisme, l'hypertension et l'hypercholestérolémie. Un seul facteur double le risque de maladie, deux facteurs le multiplient par quatre et trois le multiplient par huit. Au Québec, on estime qu'environ 70 % de la population âgée de 18 à 74 ans présente au moins un de ces trois facteurs de risque. L'obésité et la sédentarité favorisent aussi l'hypertension et l'hypercholestérolémie. Le diabète peut également accroître les risques de maladie cardio-vasculaire. Par ailleurs, les antécédents familiaux de maladie cardio-vasculaire prédisposent à la maladie. De plus, on reconnaît une contribution indirecte de l'usage des anovulants, et surtout de l'usage combiné des anovulants et du tabac, sur la maladie cardio-vasculaire. Enfin, certains aspects de l'organisation du travail, comme l'autonomie de décision, la possibilité d'exercer ses compétences et l'absence de stress élevé sont favorables à la santé du coeur. Les groupes les plus touchés. La mortalité par maladie cardio-vasculaire touche davantage les hommes, mais la maladie est plus répandue chez les femmes. La mortalité et la prévalence s'accroissent rapidement avec l'âge. Le taux de mortalité par maladie cardio-vasculaire est beaucoup plus élevé en milieu défavorisé; ce fait explique 25 % des écarts d'années potentielles de vie perdues entre les pauvres et les riches. La maladie frappe aussi plus durement les régions de l'Outaouais, de l'Abitibi-Témiscamingue et du Saguenay- LacSaint-Jean, davantage les femmes dans ce dernier cas. Les interventions actuelles. Les interventions médicamenteuses et chirurgicales (pontages coronariens, angioplastie...) peuvent accroître l'espérance de vie et la qualité de vie des personnes affectées par une maladie cardio-vasculaire. Elles sont toutefois palliatives. En outre, il faut signaler des problèmes reliés à la coordination des services, à la dispersion des cardiologues sur le territoire et au manque de relève dans cette profession. On assiste par ailleurs à la multiplication de cliniques et de laboratoires sur l'hypertension artérielle, les maladies lipidiques et les arythmies. Les cliniques de lipides sont de niveau très inégal et auraient avantage à se regrouper. Il faut saluer certaines initiatives de prévention auxquelles participent le gouvernement, le milieu universitaire, le secteur de la santé communautaire et le secteur privé: enquête sur la santé du coeur, programmes d'exercice pour les personnes âgées en CLSC, Acti-menu, étiquetage santé, etc. Mais de façon générale, l'action sur les facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires reste peu valorisée. La prévention affiche ainsi un retard comparativement à d'autres pays. On constate aussi une dispersion des efforts sur les plans préventif, diagnostique et thérapeutique: divers programmes se recoupent. Les ressources en place - en industrie, dans les CLSC, les centres de recherche, les associations à but non lucratif - sont insuffisamment exploitées. Les voies d'action prioritaires. 1- Intervenir efficacement pour diminuer les facteurs de risque: tabagisme, hypertension et hypercholestérolémie. Privilégier les projets globaux d'intervention préventive, particulièrement en milieu défavorisé, et en évaluer la faisabilité et l'efficacité. Promouvoir chez les enfants l'acquisition précoce de saines habitudes de vie au moyen d'interventions adaptées. 2- Améliorer la qualité et l'accessibilité des services de chirurgie cardiaque et favoriser l'utilisation optimale des ressources. Regrouper et consolider en priorité les activités dans certains centres en fixant un seuil minimal de chirurgies cardiaques par centre. Élaborer un guide d'évaluation et d'établissement des priorités pour les cas de chirurgie. Mieux gérer les listes d'attente et concrétiser les ententes intervenues entre les régions de manière à rendre plus équitable l'accès aux services. 3- Coordonner l'action des intervenants dans la lutte aux maladies cardio-vasculaires. Ces intervenants sont: le réseau de la santé publique, la Fondation des maladies du coeur et d'autres organismes communautaires, les professionnels de la santé, les instituts et centres de recherche. La recherche. Favoriser la recherche sur les facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires, en particulier chez les enfants, sur les anomalies génétiques prédisposant à l'athérosclérose, sur des médicaments plus efficaces contre l'angine et l'ischémie, et sur le traitement de l'angine instable et de l'infarctus du myocarde. Le cancer. Objectif 9. D'ici l'an 2002, stabiliser le taux de mortalité par cancer du poumon et réduire de 15 % la mortalité par cancer du sein. Le problème. Le cancer constitue la seconde cause de mortalité et de mortalité prématurée au Québec. Il est responsable de près de 30 % des décès et de presque 30 % des années potentielles de vie perdues. Depuis 1970, la mortalité par cancer enregistre une hausse de 10 % chez les hommes contre une diminution de 6 % chez les femmes, bien que depuis 1982 la tendance soit aussi à la hausse chez les femmes. De toutes les formes de décès par cancer, c'est le cancer du poumon qui domine très nettement chez les hommes, devant le cancer du côlon-rectum. Chez les femmes, le cancer du sein occupe la première place, devançant légèrement les cancers du poumon et du côlon-rectum. Depuis 1970, la mortalité par cancer du poumon a crû des deux tiers chez les hommes alors qu'elle a plus que triplé chez les femmes. La mortalité par cancer du sein, pour sa part, a régressé de moins de 5 %. La mortalité par cancer est plus élevée au Québec que dans l'ensemble du Canada. Les taux québécois de décès par cancer du poumon sont plus de deux fois supérieurs à ceux de la Suède et du Japon, alors que la mortalité par cancer du sein est de 25 % supérieure à celle de la Suède. Le cancer constitue une maladie extrêmement éprouvante, physiquement et émotivement, pour la personne atteinte et ses proches. L'annonce d'un cancer est généralement source de crise, d'une forte anxiété. L'évolution de la maladie est douloureuse et son traitement, associé à des effets secondaires non négligeables; des interventions chirurgicales importantes peuvent également porter atteinte à l'intégrité du corps. Les facteurs explicatifs. Le tabagisme représente le plus important facteur de risque du cancer; on lui associe le tiers de tous les décès par cancer et la majorité des décès par cancer du poumon. Les effets de l'alimentation, de l'embonpoint et de la consommation d'alcool sont aussi bien connus; les habitudes alimentaires sont notamment reliées au cancer colorectal et, probablement, au cancer du sein. D'autres facteurs interviennent également: le milieu de travail (exposition aux poussières ou aux vapeurs toxiques), l'environnement (pollution de l'air et exposition excessive au soleil), le stress, certains facteurs hormonaux comme l'activité cyclique ovarienne, dans le cas du cancer du sein. Les groupes les plus touchés. Le cancer du poumon est plus répandu en milieu défavorisé alors que le cancer du sein est réparti plus également entre les milieux pauvres et les milieux aisés. Le cancer du poumon est plus fréquent chez les hommes au Saguenay-Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord, dans l'Outaouais et en Abitibi-Témiscamingue, et, chez les femmes, dans l'agglomération de Montréal. Le cancer du sein, pour sa part, est plus répandu dans les régions centrales. Les interventions actuelles. Au chapitre de la prévention, beaucoup d'énergies ont été consacrées à l'information sur les bienfaits de saines habitudes de vie. Des mesures législatives ont également contribué à cet effort de prévention. Par contre, il faut déplorer le manque d'études sur l'impact des différentes campagnes d'information, sur les comportements et les disparités culturelles. Par ailleurs, on dispose de données intéressantes sur l'efficacité du dépistage systématique, notamment pour le cancer du sein. Cependant, les connaissances et l'expertise sur les méthodes requises pour mettre en place des programmes de dépistage systématique restent parcellaires. De plus, une plus grande cohérence s'impose dans l'application de certaines épreuves, par exemple les cytologies vaginales, et dans l'atteinte des groupes cibles. Actuellement, l'accent est mis davantage sur l'usage, parfois abusif, de la technologie perfectionnée; les traitements répondent aux meilleurs standards reconnus. Il faudrait par ailleurs s'ouvrir aux approches nouvelles (ou alternatives), accorder une plus grande importance à la qualité de vie. Dans le domaine de la réadaptation, on dénote une meilleure prise de conscience de la dynamique psychosociale, un intérêt croissant pour l'amélioration de la qualité de vie. On dispose également d'un bon système de services à domicile. La sensibilisation doit cependant être poursuivie. Il faudrait notamment accorder une place plus importante à la réadaptation dans la formation des professionnels de la santé et, subséquemment, développer une approche davantage intégrée dans les suites à donner aux traitements en milieu hospitalier (soins à domicile adéquats, rôle accru des bénévoles). Du côté des soins palliatifs, les unités actuelles fournissent de très bons services aux malades et à leur entourage. L'approche est toutefois récente et il faut chercher à l'améliorer, tout particulièrement en accordant une plus grande importance aux soins palliatifs dans la formation des professionnels de la santé et en augmentant le budget consacré à ces soins. Les voies d'action prioritaires. 1- Agir en priorité sur les facteurs de risque: tabagisme, mauvaise alimentation, embonpoint, consommation abusive d'alcool, mauvaises conditions de travail, risques environnementaux. 2- Renforcer le dépistage précoce. Améliorer les services actuels de dépistage précoce du cancer du sein, en particulier chez les femmes de 50 à 69 ans. Il est en effet reconnu qu'un dépistage précoce (auto-examen, mammographie et examen médical tous les deux ans) réduit de façon substantielle la mortalité par cancer du sein chez ce groupe. Encourager, pour d'autres formes de cancer également, le dépistage précoce lorsqu'il peut avoir un impact significatif sur l'incidence et la mortalité. C'est le cas, par exemple, du cancer du col de l'utérus, pour lequel un programme de dépistage bien organisé pourrait réduire jusqu'à 60 % de l'incidence et de la mortalité. 3- Mieux coordonner les activités de prévention, d'information, de dépistage, de traitement et de recherche. Faire participer les groupes cibles à des activités de dépistage. Suivre plus facilement l'évolution de la maladie dans la population. Améliorer l'efficacité de l'intervention, notamment en adoptant des protocoles de traitement plus uniformes. Le Ministère est en voie d'adapter les systèmes de production des données du Registre des tumeurs aux plus récentes recommandations faites par le Comité ministériel sur l'organisation des services en cancérologie au Québec. 4- Examiner la pertinence et l'efficacité des diverses modalités thérapeutiques et leur impact sur la qualité de vie et la durée de vie des personnes. 5- Soutenir la personne atteinte et ses proches. Le cancer demeure une maladie pour laquelle, au delà d'un certain seuil, la médecine se révèle impuissante. Il importe alors de soutenir la personne atteinte et ses proches vers la mort imminente. Encourager la formation d'équipes multidisciplinaires qualifiées dans la dispensation de soins palliatifs à domicile ou en établissement. Soutenir davantage les associations bénévoles et les groupes d'entraide de ce secteur. La recherche. Évaluer l'impact des campagnes de promotion de la santé, des programmes de dépistage et des modalités thérapeutiques. Plus spécifiquement: explorer les barrières culturelles et comportementales que rencontrent les campagnes de promotion de la santé; favoriser les essais cliniques sur le dépistage précoce; approfondir les dimensions liées à la qualité de vie des personnes atteintes de cancer. Accentuer la recherche sur les modèles de programme de soins à domicile pour la réadaptation des personnes atteintes de cancer. Favoriser la recherche sur les soins palliatifs, notamment sur les dimensions psychosociales. Les traumatismes. Objectif 10. D'ici l'an 2002, réduire de 20 % la mortalité et la morbidité dues aux traumatismes qui surviennent sur la route, à domicile, au travail et lors d'activités récréatives ou sportives. Les traumatismes constituent la principale cause de mortalité prématurée. Ils comptent pour près de 6 % de l'ensemble des décès. Ils sont également responsables de 10 % des journées d'hospitalisation et de 20 % des incapacités de long terme à domicile. La mortalité due aux traumatismes a augmenté à partir du début des années 30 jusqu'aux années 70, puis elle a chuté pour retrouver son niveau initial. Le vieillissement de la population laisse toutefois entrevoir un accroissement de 10 % de la mortalité par traumatisme d'ici une dizaine d'années, si l'on applique le taux enregistré en 1987 en fonction de la structure d'âge. Les traumatismes routiers représentent la principale cause de mortalité chez les moins de 30 ans. Ils surviennent surtout chez les occupants de véhicules à moteur. Plusieurs piétons, motocyclistes et cyclistes en sont également victimes. Les traumatismes qui surviennent à domicile peuvent être causés par des chutes, des incendies ou encore par l'ingestion de produits toxiques; environ 460 décès leur étaient attribuables en 1987. On enregistrait plus de 200 000 traumatismes à la suite d'accidents du travail en 1987; 131 avaient entraîné la mort. La même année on dénombrait plus de 200 000 blessures survenues lors d'activités récréatives, 93 noyades et 23 décès dus à des accidents de véhicules tout-terrain. Les facteurs explicatifs. Les accidents ont longtemps été considérés comme des événements imprévisibles, dus à la malchance ou à l'imprudence. Mais on connaît mieux maintenant la contribution de nombreux facteurs liés au mode de vie, au milieu social et à l'environnement. Ainsi, des facteurs mécaniques reliés, par exemple, aux normes de construction et à l'équipement de sécurité des véhicules, et des facteurs individuels, en particulier la présence de l'alcool dans 30 % à 40 % des accidents mortels, sont souvent associés aux traumatismes routiers. Par ailleurs, des facteurs environnementaux, par exemple des surfaces glissantes ou un éclairage insuffisant, ainsi que des facteurs liés aux maladies et aux incapacités sont fréquemment à l'origine des traumatismes à domicile, les chutes notamment. Enfin, des facteurs liés au milieu, à l'organisation, à l'équipement, à la tâche et à l'individu sont souvent associés aux traumatismes qui surviennent au travail. Les groupes les plus touchés. Les moins de 30 ans, particulièrement les jeunes hommes, sont davantage victimes de traumatismes routiers, alors que les personnes âgées et les enfants de moins de 15 ans sont plus souvent affectés par les traumatismes qui surviennent à domicile. Les traumatismes sont aussi nettement plus fréquents sur la Côte-Nord, dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, en Abitibi-Témiscamingue et dans les communautés autochtones. Les interventions actuelles. Parmi les points positifs en matière de prévention des traumatismes, il faut signaler l'identification des sites dangereux, la sensibilisation à l'importance du coussin gonflable, le bannissement des trimotos, la mobilisation autour du contrôle des armes à feu. En outre, diverses interventions ont été réalisées, notamment pour la prévention des traumatismes qui surviennent à domicile ou encore lors de la pratique d'un sport ou d'une activité récréative. D'autres ont permis de sensibiliser les piétons et les cyclistes. Par ailleurs, le personnel concerné du réseau de la santé et des services sociaux et celui d'autres secteurs ont reçu une formation adaptée à la prévention des traumatismes. Un ouvrage de référence est maintenant à leur disposition. Par contre, on a peu réussi à mobiliser les intervenants et intervenantes du réseau ou à formaliser des accords intersectoriels, non plus qu'à prévenir efficacement les traumatismes au travail et à domicile. Il reste aussi à convaincre le ministère des Transports de reprendre à son compte les études sur les sites dangereux. L'adoption de règlements sur les coussins gonflables en équipement standard et sur l'usage des véhicules hors-route tarde également. Enfin, des actions ont été récemment entreprises pour offrir de meilleurs traitements aux victimes de traumatisme, pour favoriser leur réadaptation et leur réinsertion sociale. Toutefois, de nombreuses lacunes subsistent, notamment l'absence de catégorisation des centres hospitaliers en fonction de leur capacité d'intervention, l'absence de protocole de tri, d'intervention et de transfert des personnes accidentées. L'intervention précoce en réadaptation est également peu intégrée à la pratique en milieu hospitalier. Les voies d'action prioritaires. La réduction des traumatismes repose avant tout sur une action préventive énergique, qui exige la collaboration de plusieurs secteurs, tout particulièrement le ministère des Transports, la Société de l'assurance automobile, le Solliciteur général, les municipalités, la Régie de la sécurité dans les sports et le ministère de la Santé et des Services sociaux. La réduction des traumatismes routiers. 1- Améliorer la sécurité des véhicules et les habitudes de conduite. Accroître le port de la ceinture de sécurité à l'arrière du véhicule. Munir les véhicules neufs de coussins gonflables. Corriger les sections de route jugées dangereuses. Renforcer les initiatives visant à réduire la conduite en état d'ébriété. 2- Améliorer la sécurité pour les piétons et les cyclistes. Favoriser un meilleur partage de la route entre ses divers utilisateurs. Créer des refuges médians pour les piétons sur les voies larges. Augmenter le port du casque protecteur chez les cyclistes et le nombre de pistes cyclables. La réduction des traumatismes à domicile. 3- Mieux identifier les risques de chute liés aux conditions de logement. Les intervenants et intervenantes qui se rendent au domicile de personnes plus vulnérables doivent être sensibilisés à ce problème. 4- Créer un réseau social de surveillance pour les personnes à risque. 5- Instaurer un programme de modification des logements visant à en accroître la sécurité pour les personnes âgées. 6- Exiger l'installation d'avertisseurs de fumée et d'extincteurs automatiques dans les résidences, notamment dans les établissements occupés par des personnes dont la mobilité est restreinte. La réduction des traumatismes au travail. 7- Continuer de promouvoir l'intervention à la source, c'est-à-dire la réduction ou l'élimination des facteurs de risque environnementaux. La réduction des traumatismes qui surviennent lors d'activités récréatives. 8- Resserrer les règlements et les mesures de sécurité. S'assurer du respect des règlements promulgués par la Régie de la sécurité dans les sports. Exiger le port du vêtement de flottaison lors d'activités nautiques. Exiger un permis et fixer un âge minimal pour la conduite d'une embarcation motorisée ou d'un véhicule horsroute; augmenter l'âge minimal à 16 ans dans le cas des véhicules tout-terrain et des motoneiges. L'augmentation de la rapidité et l'amélioration de la qualité du traitement aux traumatisés. 9- Implanter un système de soins intégrés en traumatologie, qui facilitera notamment l'intervention précoce en réadaptation. La recherche. Élaborer de nouvelles stratégies pour réduire les traumatismes à domicile et au travail. Élaborer des méthodes d'évaluation adaptées aux différentes formes de traumatismes. Évaluer l'impact de la correction des sites dangereux et de l'utilisation des coussins gonflables. Les maux de dos, l'arthrite et les rhumatismes. Objectif 11. D'ici l'an 2002, réduire la prévalence des maux de dos de 10 % et diminuer la durée de l'incapacité liée à l'arthrite et aux rhumatismes. Les maux de dos, l'arthrite et les rhumatismes constituent la principale cause d'incapacité, avec 26 % du total des journées d'incapacité de long terme. Ces affections touchent plus de 15 % de la population. Si les maux de dos semblent à la hausse, la prévalence de l'arthrite et des rhumatismes reste stable depuis le début des années 70. En plus de la souffrance qu'elles génèrent, ces maladies ont des répercussions sur le bienêtre psychologique et peuvent limiter les personnes dans l'exercice de leurs rôles sociaux, comme le travail. En 1988, près de 2 % de la main-d'oeuvre a obtenu au moins une journée d'indemnisation pour compenser un mal de dos, la durée moyenne d'incapacité étant de quarante et un jours. Entre 2 500 et 3 000 travailleurs et travailleuses ont été particulièrement affectés, devant s'absenter pendant plus de six mois pour cause de maux de dos. Les maladies rhumatismales, en particulier l'ostéo-arthrose et les symptômes articulaires qu'elle génère, sont aussi responsables d'une forte proportion des incapacités temporaires ou permanentes au travail et dans les activités de la vie quotidienne. Les facteurs explicatifs. Les maux de dos se manifestent dans la vie de tous les jours, à la maison, à l'école, dans les activités de loisir et au travail. Ils peuvent être d'origine accidentelle, survenir à la suite d'un effort excessif, d'une chute, d'un traumatisme ou du soulèvement d'une charge. Ils peuvent aussi s'installer graduellement, à la suite de gestes répétitifs, de postures statiques ou inconfortables, ou encore parce que le corps a été souvent soumis à des vibrations. L'origine de l'arthrite et des rhumatismes est encore mal connue. L'hypothèse la plus probable est celle d'une interaction entre plusieurs facteurs reliés à la personne, comme l'âge, le sexe, des prédispositions génétiques, ou encore associés à la géographie, au climat, à des agents infectieux ou toxiques, interaction qui entraînerait une réponse immunologique inadéquate. Les groupes les plus touchés. Les femmes sont davantage affectées par l'arthrite et les rhumatismes. Ces problèmes de santé s'accroissent rapidement avec l'âge. Quant aux maux de dos, ils touchent dans une proportion similaire les hommes et les femmes au sein de la population active. Des conditions de travail stressantes et des contraintes liées à la production augmentent la vulnérabilité aux maux de dos. Certaines professions sont davantage touchées: main-d'oeuvre forestière, emplois manuels de l'industrie des produits métalliques, manutentionnaires, travailleurs et travailleuses du transport, de la construction, personnel infirmier, préposés aux malades. On relève davantage de ces affections dans l'Outaouais et les Laurentides. Les interventions actuelles. Pour les maux de dos, il existe plusieurs services publics et privés d'évaluation diagnostique et d'intervention en milieu de travail; on retrouve également des programmes de soins spécialisés pour les cas chroniques ou en réadaptation. Cependant, des personnes ne bénéficient pas toujours de ces interventions, du moins pas au moment opportun, c'est-à-dire quand la chronicité s'installe. Du reste, peu sinon aucun de ces services n'a été évalué avant ou après sa mise en place. En outre, les résultats de l'évaluation, subventionnée par l'Institut de recherche en santé et en sécurité du travail, de méthodes d'intervention ergonomique, clinique, diagnostique et de coordination des soins ne sont pas encore connus. Plusieurs traitements comme le repos au lit, les manipulations et autres apportent des bienfaits mais il n'a pas été démontré qu'ils modifient l'histoire de la maladie. En ce qui concerne l'arthrite et les maladies rhumatismales, l'intervention est limitée puisque l'origine de ces problèmes est inconnue et que seul un traitement symptomatique peut être offert. Toutefois, pour ce qui est de l'ostéo-arthrose, il est possible d'adopter certaines mesures préventives, notamment pour éviter une aggravation. Les voies d'action prioritaires. La prévention de l'apparition de maux de dos. 1- Mieux informer la population sur l'importance d'une bonne posture et d'une bonne condition physique. La participation et l'engagement du milieu scolaire, du milieu sportif, des entreprises, des municipalités permet l'élimination de certains risques et incite à la vigilance. En milieu de travail, les approches ergonomiques et l'utilisation d'équipements appropriés donnent des résultats intéressants dans le cadre d'une démarche concertée. Une telle démarche passe d'abord par la reconnaissance des situations à risque et de leur influence sur la nature évolutive des lésions au dos. La prévention de la chronicité des maux de dos et de l'incapacité qui en découle. 2- Coordonner les soins et les modalités thérapeutiques et réaliser des plans de traitement multidisciplinaires. La prévention de l'arthrose liée à des traumatismes et de l'aggravation de certaines formes de la maladie. 3- Supprimer les facteurs causals en milieu de travail. 4- Favoriser la diminution du poids corporel par une meilleure alimentation. Le soulagement de la douleur et la réduction des conséquences de l'arthrite et des rhumatismes. 5- Compléter le traitement pharmacologique par des traitements de physiothérapie et d'ergothérapie. 6- Adopter une approche éducationnelle structurée. Une telle approche permettra de fournir de l'information sur la maladie, le traitement, l'alimentation; elle favorisera l'apprentissage d'exercices adaptés, de techniques de protection articulaire et de conservation d'énergie, de techniques de résolution de problèmes ainsi qu'une meilleure connaissance des différentes thérapies. Il importe d'encourager la diffusion de cette approche par l'intermédiaire des groupes d'entraide. Les intervenants et intervenantes du réseau agiront alors davantage comme personnes-ressources. La recherche. Étudier les facteurs psychosociaux, médicaux, professionnels et autres qui sont associés au développement des maux de dos chroniques. Élaborer des programmes d'évaluation et de coordination des interventions cliniques et ergonomiques pour les cas de maux de dos chroniques. Rechercher des moyens efficaces pour diagnostiquer les maladies arthritiques et rhumatismales de façon précoce. Déterminer les mécanismes physio-pathologiques sous-jacents à ces maladies. Les maladies du système respiratoire. Objectif 12. D'ici l'an 2002, réduire de 10 % la mortalité par maladie du système respiratoire. Le problème. Les principales maladies du système respiratoire sont les affections aiguës des voies respiratoires telles que la pneumonie et la grippe, les maladies pulmonaires obstructives chroniques telles que l'asthme, la bronchite, la bronchite chronique et l'emphysème, ainsi que les pneumoconioses et autres maladies professionnelles. Ces maladies sont responsables de 8 % des décès, de 10 % des hospitalisations et des consultations médicales et de 7 % des incapacités de long terme. L'asthme, par exemple, affectera de 5 % à 10 % des gens à un moment ou l'autre de leur vie. Les infections du système respiratoire représentent la principale cause d'absentéisme au travail et à l'école. Depuis 1980, l'incidence de ces maladies est en hausse ainsi que la mortalité qui leur est associée. Les facteurs explicatifs. Le tabagisme est sans contredit le principal facteur de risque des maladies respiratoires. Il est directement relié à la bronchite chronique et à l'emphysème de même qu'aux pneumoconioses, dont l'incidence augmente de façon importante chez la main-d'oeuvre exposée simultanément aux poussières professionnelles et au tabac. Il est également à l'origine de plusieurs troubles respiratoires, même chez les non-fumeurs lorsqu'ils sont exposés à la fumée. Par ailleurs, la pollution de l'air accentue les risques d'affection, même s'il s'agit d'un facteur beaucoup moins important que le tabagisme. En ce qui concerne les infections, ce sont les micro-organismes qui sont en cause et ce, surtout chez les groupes les plus vulnérables. Les groupes les plus touchés. Les maladies du système respiratoire affectent davantage les hommes que les femmes et, tout particulièrement, les enfants de moins de 14 ans et les personnes âgées. Toutefois, ces maladies s'accroissent actuellement à un rythme plus rapide dans la population féminine. Elles sont également plus fréquentes chez les groupes à faible revenu et chez les autochtones. Enfin, certaines régions sont davantage touchées: l'Outaouais, l'Abitibi-Témiscamingue et le Saguenay-Lac- SaintJean. Les interventions actuelles. La diminution du tabagisme est en grande partie attribuable à un ensemble de mesures qui ont créé un climat de réprobation sociale autour de l'habitude de fumer: activités d'éducation, publicité antitabac, hausse des taxes sur les produits du tabac, protection des non-fumeurs dans les lieux publics, etc. Des efforts louables ont été réalisés pour diminuer la pollution en milieu de travail. Les industries lourdes et les grandes entreprises ont adopté des moyens de prévention axés sur des normes d'exposition assez strictes. Cependant, ce contrôle de l'environnement est moins évident au sein des petites et moyennes entreprises (garages de peinture automobile, nettoyage au jet de sable...) et en agriculture. Les traitements actuels pour le contrôle de l'asthme sont efficaces. La difficulté provient souvent du fait que cette maladie n'est pas diagnostiquée assez tôt et avec précision, et que le suivi des malades n'est pas toujours adéquat. Il existe des vaccins efficaces contre l'influenza et les pneumococcies. Toutefois, le programme annuel de vaccination contre l'influenza souffre d'un monitorage inadéquat. De plus, le vaccin anti-pneumococcique n'est pas inclus dans le programme québécois d'immunisation. Les voies d'action prioritaires. La prévention des maladies du système respiratoire. 1- S'attaquer au tabagisme et aux multiples formes de pollution. 2- Intensifier les mesures d'assainissement de l'air, en milieu de travail notamment, ainsi que le dépistage des personnes exposées et la surveillance médicale. L'amélioration du traitement des personnes atteintes de l'asthme, de la bronchite chronique et de l'emphysème. 3- Améliorer le diagnostic de la maladie et assurer un meilleur suivi des personnes atteintes. 4- Favoriser l'approche multidisciplinaire pour les services spécialisés de soins respiratoires à domicile, de façon à permettre le maintien à domicile des personnes ayant une insuffisance respiratoire chronique. L'amélioration de la prévention des infections comme la grippe et la pneumonie. 5- Accroître la couverture vaccinale contre l'influenza et la pneumonie à pneumocoque chez les individus identifiés comme faisant partie des groupes à risque élevé de mortalité. La recherche. Développer de concert avec le secteur pharmaceutique des agents antiviraux. Identifier les facteurs génétiques en cause dans l'asthme et le cancer bronchique. Identifier les facteurs environnementaux et la cascade inflammatoire de l'asthme. Axer les études cliniques sur le traitement de l'asthme. Les maladies transmissibles sexuellement et le sida. Objectif 13. D'ici l'an 2002, réduire l'incidence du virus du sida et des maladies transmissibles sexuellement ainsi que leurs complications, et stabiliser les infections résistant aux antibiotiques classiques. Le problème. De nombreux agents infectieux, bactéries, virus, champignons ou parasites, sont à l'origine des maladies transmissibles sexuellement. Ils peuvent se propager par contact sexuel ou par voie sanguine ou encore se transmettre de la mère au bébé durant la grossesse, lors de l'accouchement ou durant la période d'allaitement. Si certaines MTS ont régressé ces dernières années, l'ampleur de certaines autres reste importante: la chlamydiose et les condylomes et, dans une moindre mesure, la gonorrhée et l'hépatite B. Certaines formes de MTS résistant aux antibiotiques usuels sont apparues récemment et se développent rapidement. Les conséquences des MTS sont nombreuses, principalement celles de la chlamydiose, asymptomatique chez plus de 60 % des femmes infectées. Chez les adolescentes sexuellement actives, la prévalence de la chlamydiose pourrait s'élever à 20 %. Les salpingites, les infections pelviennes, les grossesses ectopiques qui découlent des MTS constituent une cause importante d'infertilité. Le virus de l'hépatite B se transmet également par contact sexuel et par l'échange d'aiguilles et de seringues souillées. Il y aurait actuellement 30 000 personnes porteuses du virus au Québec. Le Québec est la seconde province canadienne la plus touchée par le sida avec un total de 1 841 cas cumulatifs diagnostiqués au 15 janvier 1992; 90 % des personnes atteintes sont des hommes. On estime que près de 11 000 personnes sont infectées par le VIH, dont 8 000 environ dans l'agglomération de Montréal. La moitié des sujets infectés par le virus développeront la maladie dans les dix années suivant le début de l'infection et la plupart des malades mourront moins de deux ans après le début de la maladie. D'après les dernières projections, il est possible que la progression des cas de sida commence à ralentir. Les facteurs explicatifs. La propagation des MTS est associée à de nombreux changements sociaux, comme l'instabilité des unions et la multiplication des partenaires, le fait que les relations sexuelles commencent plus tôt, la généralisation de la contraception orale. Elle est liée également à de nouvelles problématiques sociales telles que la consommation de drogues, la prostitution et l'itinérance. La propagation des MTS résulte aussi de facteurs biomédicaux, comme la résistance aux antibiotiques usuels, l'absence de traitement curatif pour certaines MTS d'origine virale (herpès), l'absence de symptômes chez beaucoup de personnes atteintes de chlamydiose, de condylomes..., le caractère transmissible de la maladie de la mère à l'enfant et, enfin, la complexité de l'approche médicale dans le diagnostic et le traitement. Quant au VIH, il se transmet lors de contacts sexuels non protégés dans 80 % des cas, par l'échange d'aiguilles ou de seringues contaminées, et de la mère à l'enfant. La transmission par transfusion sanguine ou lors de dons d'organe ou de sperme est maintenant, à toutes fins pratiques, inexistante. Les groupes les plus touchés. Ce sont surtout les adolescents et adolescentes et les jeunes adultes qui sont les plus concernés par les MTS. Une étude montre que près de la moitié des jeunes de 16 ans ont eu leur première relation sexuelle et que 15 % d'entre eux ont eu plus de cinq partenaires depuis. Bien que le VIH et le sida puissent frapper toutes les couches de la population, certains groupes sont plus atteints, par exemple les personnes homosexuelles et celles qui utilisent des drogues injectables. Les hommes de 30 à 39 ans sont les plus touchés. Les groupes les plus vulnérables sont d'abord les homosexuels (68 % des cas) et les personnes originaires de régions endémiques (11 % des cas). Au Québec, l'épidémie se caractérise par sa fréquence élevée dans la population hétérosexuelle et celle qui utilise des drogues injectables. En conséquence, la proportion de femmes et d'enfants infectés est supérieure à celle que l'on relève dans le reste du Canada. La plupart se retrouvent sur l'île de Montréal. Pour l'ensemble des MTS, les taux de cas déclarés sont nettement plus importants dans l'agglomération de Montréal, sur la Côte-Nord et chez les autochtones du Nord. Les interventions actuelles. Les campagnes médiatiques ont permis de sensibiliser l'opinion publique à l'importance des MTS et du sida. Si la plupart de ces actions médiatiques obtiennent un haut taux de notoriété, sensibilisent et informent, elles réussissent moins bien à modifier les comportements, souvent parce qu'elles ne sont pas suffisamment relayées, appuyées par des activités de communication interpersonnelle, dans le milieu. Les interventions dans les écoles secondaires et les collèges sont insuffisantes. Une éducation sexuelle adéquate devrait d'abord reposer sur le développement d'attitudes et l'adoption de comportements faisant valoir l'importance de la dimension affective dans la sexualité, ainsi que les responsabilités individuelles et familiales qui s'y rattachent, avant d'aborder la question des dangers liés à certains comportements. L'importance du problème de santé publique que représente la chlamydiose est mésestimée. La nécessité du dépistage n'est pas assez affirmée. L'accès aux tests n'est pas assuré partout au Québec, ni même dans les grands centres. Des clientèles à risque, notamment les jeunes des centres d'accueil, ne bénéficient pas toujours d'un test de dépistage facilement accessible. En ce qui concerne la gonorrhée, l'implantation de cellules souches résistant à la pénicilline cause aussi des problèmes économiques, puisque le traitement est devenu beaucoup plus dispendieux depuis que des médicaments de troisième ligne sont prescrits d'emblée. Il n'y a pas de programme standardisé d'immunisation contre l'hépatite B. La vaccination est effectuée de façon très inégale pour les groupes considérés à risque: bébés de mères infectées, stagiaires de la santé, personnes homosexuelles, utilisateurs et utilisatrices de drogues injectables. Le Québec a fait des progrès significatifs dans l'implantation d'un système de dépistage des personnes porteuses du VIH, tout en préservant l'anonymat, et dans la lutte contre la discrimination dont sont victimes les gens infectés par le VIH. On doit maintenir les programmes actuels d'éducation et de prévention. L'accès aux traitements, plus particulièrement à des soins à domicile adaptés pour les personnes atteintes du sida, n'est pas encore suffisant. Il faut également déplorer l'absence de programme provincial de lutte contre les MTS. Enfin, le programme actuel de recherche de contacts est déficient. Les voies d'action prioritaires. 1- Renforcer les activités éducatives. Maintenir les campagnes médiatiques en mettant davantage l'accent sur les comportements à risque. Ces campagnes doivent, comme par le passé, viser toutes les MTS, incluant le sida, et prévenir les réactions négatives à l'endroit des personnes séropositives ou sidéennes. Orienter l'éducation sexuelle dans les écoles sur le développement des connaissances et sur l'adoption d'attitudes et de comportements sains et responsables. Éviter de mettre uniquement l'accent sur la protection contre les MTS. Mettre en place des cliniques-jeunesse mobiles d'intervention. 2- Renforcer les activités de diagnostic et de dépistage. Implanter des protocoles diagnostiques accessibles aux personnes à risque. Implanter et évaluer un programme de dépistage pour la gonorrhée, la syphilis et la chlamydiose. Évaluer le mode actuel de recherche de contacts dans la perspective d'élaborer le programme standardisé. 3- Renforcer les activités préventives. Installer des distributrices de condoms dans les écoles secondaires, dans les cégeps et collèges. Prévoir un plan de vaccination contre l'hépatite B en ciblant mieux la clientèle. Consolider l'action directe auprès des personnes utilisatrices de drogues injectables. 4- Améliorer la qualité de vie des personnes séropositives ou sidéennes et adapter les services à leurs besoins. Supporter les groupes communautaires et travailler plus étroitement avec eux. Accroître les services psychosociaux ainsi que l'accessibilité à des résidences spécialisées et à des services à domicile adaptés aux personnes atteintes du sida. Faciliter l'accès aux médicaments en améliorant les processus de cheminement et d'élaboration des dossiers dans le cadre des programmes d'exception de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Coordonner les interventions dans la lutte contre le sida. La recherche. Améliorer les connaissances sur les comportements sexuels, sur le dépistage, la surveillance et le traitement des MTS. Étudier l'évolution dans la population des cas d'infection pelvienne et de grossesse ectopique, de gonorrhée et de Neisseria gonorrhoeae producteur de pénicilliase. Évaluer les interventions éducatives et la recherche de contacts. Réaliser des recherches-actions longitudinales auprès de cohortes de jeunes sur la modification des comportements sexuels. Pour le VIH et le sida, évaluer l'efficacité des interventions auprès des toxicomanes et identifier les mesures à prendre auprès des détenus toxicomanes. Poursuivre la recherche fondamentale et clinique, plus particulièrement en rétrovirologie. Favoriser la recherche évaluative portant sur les modèles de soins, notamment le comportement des médecins relativement aux soins à donner aux personnes séropositives. Les maladies infectieuses. La chute spectaculaire des maladies infectieuses au cours des cinquante dernières années a laissé croire qu'il s'agissait d'un problème résolu, ou presque. Or, en 1989, plus de 10 000 personnes étaient touchées par une épidémie de rougeole; 5 sont mortes des suites de la maladie. Par ailleurs, à l'automne 1990, on enregistrait la plus forte incidence de coqueluche depuis 1971: 1 500 personnes étaient affectées. Les facteurs explicatifs. La couverture vaccinale pour ces maladies est faible chez certains groupes; elle atteint à peine 60 % chez les élèves de la fin du secondaire. Les moins de 5 ans sont par ailleurs mieux protégés. La gestion des produits immunisants, les normes de pratique et la surveillance des cas se révèlent également déficientes. Les groupes les plus touchés. Le couverture vaccinale est particulièrement faible chez les jeunes de la région de Montréal. Les interventions actuelles. Au cours des ans, le programme québécois d'immunisation et d'éradication des maladies infectieuses s'est révélé efficace. Certaines lacunes ont toutefois été mises en évidence par un groupe de spécialistes des Centers for Disease Control d'Atlanta. Outre le faible niveau de couverture vaccinale, surtout chez les jeunes d'âge scolaire, au secondaire et au collégial, on a également relevé: du laxisme dans la gestion des produits immunisants, dû surtout à l'absence d'imputabilité quant à leur utilisation; l'absence de normes de pratique, de pouvoir réglementaire et de politique d'immunisation, de coordination centrale et de critères d'évaluation et de surveillance du programme. Les voies d'action prioritaires. 1- Relever le taux de couverture vaccinale. Informer la population sur les avantages de la vaccination. Consolider l'actuel programme d'immunisation et en faire la base d'une stratégie de réduction des maladies infectieuses. Revoir périodiquement le programme afin de l'adapter à l'évolution des maladies, des agents immunisants, etc. Prévoir des efforts additionnels auprès des jeunes enfants de milieu urbain. Mener des activités de rattrapage auprès des jeunes nés avant 1976, date à laquelle fut systématisée l'application du calendrier régulier d'immunisation, et auprès des adultes, en milieu de travail. 2- Appuyer les efforts de surveillance tant dans la déclaration obligatoire des maladies que dans la couverture vaccinale. Maximiser le rendement du fichier des maladies à déclaration obligatoire. Instaurer des systèmes de surveillance plus actifs, notamment au moyen d'études par échantillonnage et en utilisant des médecins sentinelles. 3- Renforcer les normes de gestion du matériel immunisant. La recherche. Améliorer les vaccins actuels et en développer de nouveaux contre certaines infections courantes comme le Rotavirus et la méningite virale. Développer la recherche épidémiologique et évaluative afin de mieux comprendre le mode de dissémination des maladies infectieuses. Les problèmes de santé dentaire. Objectif 15. D'ici l'an 2002, réduire de 50 % le nombre moyen de dents cariées, absentes ou obturées chez les enfants de 6 à 12 ans et abaisser à moins de 5 % le taux d'absence de dents chez les adultes de 35 à 44 ans. Le problème. La carie, la parodontopathie (maladie des tissus de support des dents) et les malocclusions sont les principaux problèmes dentaires qui affectent la population. Bien qu'ils mettent rarement la vie en danger, ils peuvent avoir des conséquences physiologiques, psychologiques ou sociales considérables. L'indice CAO, qui mesure le nombre de dents cariées, absentes ou obturées, s'établissait à 3 en 1990 chez les jeunes de 12 ans au Québec, soit environ le double de l'indice relevé la même année chez les jeunes du même âge en Ontario et aux États-Unis. Les affections de la gencive, relativement rares chez les jeunes (environ 5 % des adolescents en souffrent), tendent à augmenter en fréquence et en intensité avec l'âge. Au delà de 35 ans, la parodontopathie est généralement la principale cause de perte des dents. Les malocclusions affectent à des degrés divers un grand nombre de jeunes. Pour quelques milliers d'entre eux, elles sont si graves, sur le plan esthétique ou fonctionnel, qu'elles constituent un véritable handicap. L'édentation complète affectait, en 1990, 14 % des personnes de 35 à 44 ans et 62 % des personnes âgées; en Colombie-Britannique, par comparaison, les taux s'établissaient respectivement à 1,1 % et 10 %. Bref, environ la moitié de la population québécoise adulte porte des prothèses, le plus souvent des prothèses complètes. Dans les départements hospitaliers de gériatrie, 27 % des admissions sont attribuables à des problèmes digestifs et 42 % des médicaments non prescrits sont reliés à des symptômes gastro-intestinaux. Toutefois, chez les personnes privées d'un appareil masticateur fonctionnel, la consommation de ces médicaments et la présence de ces symptômes sont deux fois plus élevées. Néanmoins, l'état de santé bucco-dentaire de la population québécoise s'améliore graduellement. Cependant, d'importants écarts subsistent par rapport au reste de l'Amérique du Nord. La prévalence de la carie et de l'édentation demeure environ deux fois plus élevée au Québec. Les facteurs explicatifs. La carie est étroitement liée aux habitudes alimentaires, particulièrement à la consommation excessive de sucre. Elle est également attribuable à une piètre hygiène buccale: la moitié des enfants ne se brossent pas les dents ou le font irrégulièrement; l'usage du fil de soie dentaire est encore rare. Quant à la parodontopathie, elle est favorisée par une hygiène buccale déficiente et une alimentation non équilibrée. Les fluorures, sous forme topique ou systémique, sont insuffisamment employés. Seulement 8,5 % de la population québécoise peut bénéficier d'une eau fluorée comparativement à 55 % de la population américaine et à 75 % de la population ontarienne. Le recours aux services dentaires contribue au maintien d'une bonne santé dentaire. Or, le taux moyen de participation des enfants au programme gratuit de soins dentaires plafonne à 60 %. Il est plus bas, et de façon notable, chez les plus jeunes, dans les milieux défavorisés et dans les régions périphériques. Dans plusieurs territoires de CLSC, le programme public de services dentaires préventifs n'est pas appliqué, ou ne l'est que partiellement, en l'absence d'un nombre suffisant d'hygiénistes dentaires. Les groupes les plus touchés. C'est dans les milieux défavorisés que la santé dentaire laisse le plus à désirer. On y utilise moins les services, l'hygiène dentaire y est plus déficiente et l'alimentation, plus cariogène. Les enquêtes ont mis en lumière le fait qu'une importante minorité d'enfants ne suit pas le progrès général. Ces enfants à risque constituent le quart de la population de leur groupe d'âge et cumulent les trois quarts des besoins de traitement. Il y a des enfants à risque dans tous les territoires de CLSC. L'indice CAO moyen est plus élevé dans les zones rurales ainsi que sur la Côte-Nord et en Abitibi-Témiscamingue. La situation des jeunes autochtones du Nord québécois est déplorable: leur indice CAO est deux fois plus élevé que celui des autres enfants québécois. Le taux d'édentation est associé au niveau de revenu: 54 % des personnes dont le revenu annuel est inférieur à 20 000 $ portent une prothèse complète, comparativement à 27 % des personnes dont le revenu dépasse 40 000 $. Une association similaire peut être faite en ce qui concerne le niveau de scolarité. Les interventions actuelles. Des activités préventives ont cours dans les écoles, les CLSC, les cabinets de dentistes: instructions d'hygiène, application de fluor, conseils diététiques. Les services aux adultes ne sont pas assurés par le régime d'assurance-maladie. Ils sont cependant gratuits pour les prestataires de la Sécurité du revenu. Les mesures préventives sont essentiellement destinées aux enfants. Peu d'efforts sont dirigés vers la prévention de la parodontopathie, associée à la perte de dents chez les adultes et les personnes âgées. Les voies d'action prioritaires. 1- Renforcer l'éducation à la bonne alimentation et à de saines habitudes d'hygiène buccale dans l'ensemble de la population. 2- Accroître l'usage des fluorures, particulièrement des fluorures systémiques: eau fluorée, sel fluoré, etc. 3- Consolider les services dentaires préventifs et les activités éducatives dans les territoires de CLSC socioéconomiquement défavorisés et chez les autochtones du Nord. Augmenter les ressources afin que les enfants à risque puissent profiter pleinement des mesures préventives et curatives nécessaires. Adapter les actions de prévention et d'éducation aux conditions particulières des jeunes autochtones. 4- Améliorer la surveillance de la santé bucco-dentaire et accentuer la prévention dans les centres de soins de longue durée. La recherche. Maintenir une bonne connaissance épidémiologique de l'état de santé bucco-dentaire de l'ensemble de la population. Encourager la recherche sur trois aspects spécifiques de la problématique bucco-dentaire: les conséquences pour la santé de la perte des dents; les mesures préventives; les croyances et les attitudes au regard de la santé dentaire en milieu défavorisé. Poursuivre la recherche quant à l'impact de la fluoration de l'eau de consommation sur la santé et sur l'environnement. La santé mentale. Les problèmes de santé mentale. Objectif 16. D'ici l'an 2002, diminuer les problèmes de santé mentale. L'équilibre psychique d'une personne s'apprécie, entre autres, par son niveau de bien-être subjectif, ses capacités mentales et la qualité de ses relations avec son milieu. Une personne sur cinq connaîtra un problème de santé mentale au cours de sa vie. L'enquête Santé Québec a mis en évidence les liens entre l'état de santé, les conditions socio-économiques et l'environnement social. Elle révèle que les trois quarts des Québécois et Québécoises sont en bonne forme psychologique, pendant que 20 % ont un seuil de détresse psychologique élevé. Selon l'enquête, le bien-être psychologique est fonction du revenu familial, de la santé globale et de l'accumulation d'événements stressants. La détresse psychologique réfère plutôt à des états dépressifs ou anxieux et à certains symptômes d'agressivité et de troubles cognitifs. L'échelle de détresse psychologique ne témoigne pas d'un diagnostic précis; elle permet toutefois d'estimer la proportion de gens dans la population qui ont des symptômes suffisamment nombreux ou intenses pour avoir besoin d'une intervention. Les problèmes psychologiques sévères diffèrent selon l'âge et le sexe. Le problème le plus souvent déclaré chez les enfants est la déficience mentale et chez les personnes âgées, la confusion et les pertes de mémoire. La «dépression» et la «grande nervosité et l'irritabilité» affectent surtout les femmes de 25 à 64 ans. Parmi les adultes, les 15 à 24 ans constituent le groupe d'âge pour lequel le taux des cas déclarés est le plus faible. Les facteurs explicatifs. La compréhension de la santé mentale et des facteurs qui l'influencent a beaucoup évolué au cours des dernières années. Les définitions les plus récentes mettent en évidence le caractère dynamique de la santé mentale, résultat de l'interaction entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Les études du Comité de la santé mentale du Québec soulignent la constante évolution de ces facteurs et le fait que la santé mentale est liée tant aux valeurs dominantes dans un milieu donné qu'aux valeurs propres à chaque personne. Elle est influencée par des facteurs multiples et interdépendants tels que les conditions économiques, sociales, culturelles, environnementales et politiques. C'est dire que toute condition qui nuit à l'adaptation réciproque entre la personne et son milieu, par exemple la pauvreté ou la discrimination, constitue un obstacle à la santé mentale. A l'inverse, toute condition qui facilite cette adaptation réciproque, par exemple la distribution équitable de la richesse collective, l'accès à une éducation de qualité ou à un environnement sain, favorise et soutient la santé mentale. Les groupes les plus touchés. Les personnes qui vivent seules, celles qui sont peu scolarisées, celles qui ne travaillent pas à l'extérieur, les personnes âgées isolées, les réfugiés et les immigrants privés d'un soutien dans leur groupe d'origine se révèlent les plus vulnérables. La détresse psychologique est plus élevée chez les femmes. Elle est également deux fois plus fréquente chez les personnes défavorisées que chez celles qui jugent leur revenu suffisant. Les interventions actuelles. La politique de santé mentale, adoptée en 1989, propose un encadrement des interventions et une coordination des services destinés aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Il semble que les moyens opérationnels mis en oeuvre, particulièrement les plans régionaux d'organisation de services en santé mentale, sont prometteurs comme démarche dynamique de planification d'une gamme de services et d'intégration des activités autour des besoins des personnes, dans le respect des particularités régionales. Parmi les problèmes qui demeurent, l'accès aux services reste parfois difficile pour les personnes qui cumulent plusieurs problèmes et qui requièrent la contribution de plusieurs ressources. De plus, ces personnes sont souvent à la fois pauvres, peu scolarisées, isolées socialement et ne parviennent pas toujours à obtenir l'aide dont elles ont besoin. Il arrive qu'elles se retrouvent prises en charge par d'autres milieux ou un seul, le réseau judiciaire par exemple, ce qui peut avoir pour effet de les priver des services nécessaires et d'accentuer leurs problèmes de santé mentale. La compréhension des exigences liées à la réadaptation des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale demeure également imparfaite. En plus, l'éventail des moyens de réadaptation reste insuffisant, particulièrement dans le domaine du travail. La prévention et la promotion de la santé mentale font l'objet du second objectif fixé par la politique de santé mentale, à savoir «favoriser le maintien et le développement optimal de la santé mentale de la population». Cependant, il n'y a encore qu'une amorce de réflexion en ce sens. Le Comité de la santé mentale du Québec a été mandaté pour travailler sur les thèmes prioritaires qui ont été retenus dans la politique: pauvreté, travail, vieillissement, communautés autochtones, communautés culturelles, rapports hommes-femmes. Les voies d'action prioritaires. Il faut adopter une perspective d'ensemble de la santé mentale et déterminer des stratégies d'action sur les différents facteurs déterminants. 1- Adopter une philosophie d'action axée sur le milieu. La politique de santé mentale met l'accent sur l'amélioration des services destinés aux personnes ayant un problème important de santé mentale. Elle prévoit une série de mesures qui se fonde sur les grandes orientations suivantes: la primauté de la personne, la qualité des services, l'équité, la recherche de solutions dans le milieu de vie des personnes et le partenariat. Il faut par ailleurs: Améliorer l'accès aux services pour les personnes qui cumulent des situations difficiles et adapter ces services aux conditions de vie des populations à desservir. Accroître les efforts d'intégration dans le milieu et mieux répondre aux besoins de réadaptation. Préciser les objectifs à poursuivre et clarifier les responsabilités et les contributions en prévention et en promotion de la santé mentale, en incitant les communautés et les personnes à développer leurs propres solutions. 2- Agir en priorité sur les conditions de vie. Intégrer toutes les actions de prévention et de promotion de la santé mentale aux autres politiques sociales. Soutenir les communautés locales, reconnaître leur potentiel et favoriser leur participation aux décisions. La recherche. Développer des indicateurs de santé mentale. Étudier la prévalence et l'incidence des différents troubles mentaux dans la population ainsi que les facteurs de risque qui leur sont associés. Élaborer des modèles d'intervention précoce auprès des clientèles à risque, particulièrement auprès des mères vulnérables et des très jeunes enfants. Améliorer les connaissances sur les déséquilibres psychologiques d'origine professionnelle. Mieux documenter les facteurs de fragilisation et de protection de la santé mentale. Élaborer des modèles d'évaluation de l'efficacité des modes d'intervention. Élaborer des modes d'intervention en réadaptation. Le suicide. Objectif 17. D'ici l'an 2002, réduire de 15 % le nombre de suicides et de tentatives de suicide. Le problème. La problématique du suicide englobe les idées suicidaires, les tentatives de suicide et les suicides comme tels. Le suicide est la troisième cause de mortalité prématurée au Québec. Le taux de suicide a augmenté jusqu'en 1985 pour se stabiliser par la suite et enregistrer une légère baisse en 1989. Pour chaque suicide complété il y aurait, selon une estimation conservatrice, cinquante tentatives de suicide; 10 % des gens avouent avoir pensé à se suicider au cours de leur vie. Les comportements suicidaires d'une personne ont en outre un impact important sur son entourage; les proches éprouvent alors des sentiments variés et ambivalents qui vont de la tristesse profonde à l'incompréhension, l'impuissance, la peur, la colère et l'agressivité. Les facteurs explicatifs. Les facteurs associés au suicide sont nombreux. La première catégorie regroupe les déterminants familiaux. On constate le taux de suicide le plus élevé chez les gens séparés ou divorcés, et le taux le plus bas chez les gens mariés. La relation entre le suicide et l'isolement social a maintes fois été démontrée. Le chômage est également associé au suicide. Au Québec, les attentes face au travail sont élevées et le chômage est à la hausse, particulièrement chez les jeunes. Les maladies chroniques seraient le principal facteur de risque dans tous les groupes d'âge, mais particulièrement chez les personnes âgées. On relève également une plus forte prévalence de maladies mentales chez les personnes qui se suicident. Le lien entre l'usage abusif d'alcool et de drogues et les comportements suicidaires est bien étayé; l'usage abusif faciliterait le passage à l'acte en enlevant toute inhibition à l'individu qui pense au suicide. Les personnes qui vivent plusieurs événements stressants présentent aussi plus de risques de se suicider. Le risque de suicide augmente également selon le nombre de tentatives antérieures. L'accès trop facile aux armes à feu et à certains médicaments constitue un autre facteur de risque. Les groupes les plus touchés. C'est chez les 15 à 24 ans que l'on relève la plus forte prévalence de tentatives de suicide et d'idéations suicidaires. On a noté ces dernières années un accroissement très rapide du taux de suicide chez les hommes jusqu'à l'âge de 24 ans. En 1987, 78,5 % des suicidés étaient des hommes. Chez les femmes, les taux de suicide les plus élevés se retrouvent entre 35 et 54 ans. Dans les communautés autochtones, le taux de suicide est trois fois supérieur à la moyenne québécoise; chez les 15 à 24 ans, la proportion atteint six fois. En milieu très défavorisé, 19 % des hommes et 14 % des femmes de moins de 30 ans ont déjà fait au moins une tentative de suicide. Les interventions actuelles. Le Québec offre de bons services de gestion de crise et de suivi après crise. Mais l'accessibilité à la gamme des services offerts par les centres de prévention du suicide varie d'une région à l'autre et il est plus difficile d'intervenir en amont sur les déterminants. On note aussi un manque de continuité et de complémentarité dans les services (services de police, hôpitaux, centres de prévention, «centres de crise»). Les services d'intervention téléphonique de crise ne seraient pas accessibles à toute la population. Certains centres de crise pour malades psychiatriques refusent de traiter les crises suicidaires. Il y a manifestement un manque de coordination provinciale et régionale des activités de prévention primaire et secondaire. Les intervenants et intervenantes de la santé et des services sociaux, de la sécurité publique et de l'éducation ne sont pas assez sensibilisés à certains symptômes précurseurs ni préparés à détecter et à orienter efficacement les personnes qui ont des idées suicidaires. La prévention primaire est insuffisante: soutien à la famille, lutte au décrochage scolaire et à la toxicomanie, amélioration des conditions de vie. Les voies d'action prioritaires. 1- Améliorer les capacités psychosociales des individus et des familles. 2- Prévenir les crises familiales. Favoriser l'engagement du père. Soutenir les familles en difficulté. Prévenir les abus et la violence familiale. 3- Adopter une approche sociale de prévention du suicide. Intégrer la prévention du suicide aux objectifs de promotion en santé mentale. Décourager le sensationnalisme qui accompagne souvent les cas de suicide. Réduire l'accessibilité aux instruments de suicide, notamment les armes à feu et les médicaments. 4- Améliorer l'intervention lors de situations de crise. Sensibiliser les parents, les éducateurs et éducatrices et les intervenants et intervenantes de première ligne à la problématique du suicide. Favoriser le soutien des jeunes en appuyant les centres de prévention du suicide et les programmes en milieu scolaire: services de consultation téléphonique, programmes d'entraide ou d'aide par les pairs. La recherche. Évaluer l'efficacité des modes d'intervention, plus particulièrement auprès des jeunes. Il est nécessaire notamment de mieux connaître les modes actuels de diffusion de l'information sur le suicide dans les écoles. Standardiser les statistiques en provenance de différentes sources. L'intégration sociale. Les obstacles à l'intégration des personnes âgées. Objectif 18. D'ici l'an 2002, éliminer les obstacles à l'intégration sociale des personnes âgées. Le problème. Alors que le Québec compte une proportion de plus en plus importante de personnes âgées de plus de 65 ans, et que toutes les prévisions démographiques laissent entrevoir que cette proportion ira en augmentant, les aînés sont encore trop souvent mis à l'écart. Cette distance entre les différentes générations se manifeste de plusieurs façons. Malgré une amélioration importante des mesures de sécurité du revenu, une partie des aînés vivent encore dans une situation de dépendance financière. Bien que le revenu de l'ensemble des personnes âgées ait augmenté depuis une dizaine d'années, 57 % des femmes âgées vivant seules se retrouvent encore sous le seuil de la pauvreté. Parmi les problèmes sociaux qui touchent les personnes âgées, une partie est liée aux pertes successives et aux deuils répétés qui accompagnent le grand âge et qui affaiblissent le réseau familial et social. Le décès du conjoint, celui de l'homme la plupart du temps, affecte particulièrement le niveau d'intégration sociale des plus de 65 ans. La mauvaise santé et les incapacités peuvent aussi amener des problèmes psychosociaux et contribuer à l'isolement des personnes âgées. L'enquête Santé Québec a mis en évidence le lien étroit qui existe entre les problèmes de santé et les difficultés d'adaptation sociale, en particulier chez les personnes âgées. Les problèmes chroniques les plus fréquents sont l'arthrite et le rhumatisme, l'hypertension artérielle, les troubles mentaux et les troubles digestifs. Les principales causes d'incapacité sont les problèmes ostéo-articulaires (26 %), les maladies cardio-vasculaires (16 %), les accidents (11 %), les maladies respiratoires (7 %) et les troubles mentaux (5 Le rapport du Groupe d'experts sur les personnes aînées, intitulé Vers un nouvel équilibre des âges (1991), a dégagé sept problèmes qui affectent particulièrement ce groupe: la dépression et ses conséquences; le suicide; la consommation de médicaments, et particulièrement de psychotropes; les problèmes d'alcoolisme et leurs conséquences; les abus et la négligence; les problèmes cognitifs réversibles et leurs conséquences; les situations de handicap liées aux pertes auditives ou visuelles. De plus, même si le vieillissement est normal, il reste souvent perçu comme une source de maladies et d'incapacités. Pourtant, la majorité des personnes âgées sont en bonne santé et, en dépit de problèmes temporaires ou permanents de santé, 65 % à 70 % d'entre elles demeurent autonomes et n'ont besoin d'aucun service particulier. Il existe enfin une problématique très préoccupante, celle des travailleuses et travailleurs vieillissants, particulièrement dans les milieux où les conditions de travail sont difficiles. Cette main-d'oeuvre vieillit très vite et, jusqu'à présent, les employeurs - appuyés en cela par les pouvoirs publics ont appliqué des politiques visant à hâter la retraite. Contrairement au reste de la population québécoise, les personnes de 50 ans ou plus ont vu leur taux d'activité diminuer au cours des trois dernières décennies. Certains pays ont développé des pratiques de gestion qui tiennent compte de cette réalité: gestion des postes (Renault en France), gestion de la mobilité (Japon), gestion de la formation en cours d'emploi (Allemagne). Les facteurs explicatifs. Ce n'est pas le vieillissement en soi, mais plutôt le vieillissement mal préparé, au niveau individuel comme à l'échelle de la collectivité, qui peut transformer la vieillesse en fardeau. Le problème majeur provient en réalité de l'attitude de la société à l'endroit des personnes vieillissantes et du manque d'adaptation du milieu aux besoins particuliers des aînés. L'isolement, la dépendance sociale et l'insatisfaction causée par la perte de tout rôle social sont étroitement liés à l'exclusion sociale des personnes âgées. Dans cette perspective, la retraite occupe une place fondamentale: une retraite forcée, inadaptée ou mal préparée peut jouer un rôle déclencheur ou accélérateur dans l'apparition de problèmes de santé physiques ou psychiques. Les groupes les plus touchés. Les femmes, sans doute parce qu'elles vivent plus vieilles, se retrouvent souvent seules, isolées, et ont à subir plus de deuils et de pertes de toutes sortes. Elles sont également plus pauvres. Les personnes très âgées, dont la majeure partie sont des femmes, voient leurs risques d'éprouver des problèmes de santé chroniques augmenter considérablement. La moitié des aînés de 75 à 84 ans déclarent une incapacité. Après 85 ans, cette proportion atteint 77 %. Les interventions actuelles. La recherche de stratégies permettant d'adapter la société au vieillissement est récente au Québec. Cependant, depuis plusieurs années déjà, les associations d'aînés ont sensibilisé la collectivité aux intérêts des personnes âgées mais aussi à l'importance de mieux comprendre les besoins liés au vieillissement. Des progrès dans plusieurs domaines - rentes, habitation, santé - ont permis d'améliorer la situation des personnes âgées. Cependant, des efforts beaucoup plus importants doivent être faits puisque le véritable impact du vieillissement de la population reste à venir. Les réponses offertes par les différents services contribuent souvent à mettre à l'écart les aînés et ne considèrent parfois que les besoins associés aux incapacités physiques. Mais, et c'est sans doute là le plus grand problème, ces réponses ne prennent généralement pas assez en compte les capacités des aînés, leurs acquis - ceux de toute une vie - et la nécessité de maintenir leur intégration sociale. Au cours des vingt dernières années, les aînés aux prises avec des problèmes de santé chroniques ont souvent été institutionnalisés et donc marginalisés, ce qui a sans doute contribué à accroître leur dépendance. Le réseau de la santé et des services sociaux du Québec, comme celui de bon nombre de pays industrialisés, a traditionnellement été orienté vers le traitement des problèmes médicaux aigus, laissant peu de place aux dimensions psychosociales, qui jouent pourtant un rôle déterminant dans l'apparition et l'évolution des problèmes de santé. Les voies d'action prioritaires. Le Groupe de travail pour les personnes aînées était porteur de deux grands messages: d'une part, l'importance d'assurer aux personnes âgées les moyens de maintenir leur intégration à la société; d'autre part, la nécessité d'amorcer dès maintenant les virages qui feront en sorte que la société s'adaptera à ce nouvel équilibre des âges qu'implique le vieillissement démographique. 1- Adapter la société au vieillissement de la population. Mettre en place un environnement socio-économique favorisant le maintien de l'intégration sociale des aînés. Privilégier l'approche intersectorielle dans l'action en faveur des personnes âgées. Pour une action efficace, plusieurs secteurs d'activité doivent travailler en collaboration: la sécurité du revenu, l'habitation, la sécurité publique, le transport, la santé et les services sociaux. Favoriser l'accès à un logement adéquat qui offre la possibilité d'échanges intergénérationnels, à des moyens de transport adaptés, diversifiés, accessibles, et mettre en place des conditions favorisant la mobilité des personnes âgées. Réduire les obstacles au maintien de l'intégration sociale des aînés. Diminuer la pauvreté des femmes seules en poursuivant la bonification des mesures de soutien du revenu. 2- Réorienter les services socio-sanitaires de façon a fournir aux personnes âgées les moyens nécessaires pour maintenir le plus longtemps possible leur intégration à leur communauté, avec des conditions de vie adéquates pour elles-mêmes et pour leurs proches. Réorganiser les services, pour les personnes âgées qui éprouvent des problèmes chroniques, de façon à mettre à contribution l'ensemble des ressources pour assurer l'intégration des aînés à leur communauté et pour leur permettre de demeurer le plus longtemps possible dans leur milieu de vie habituel. Une telle réorganisation exige non seulement des services de maintien à domicile suffisants, mais également une gamme de services qui s'inscrivent tous dans une perspective de maintien de l'intégration sociale des aînés et ceci, quel que soit leur milieu de vie. 3- Favoriser la participation des aînés dans les actions de prévention et de promotion de la santé et du bienêtre, tant lors de leur élaboration que lors de leur implantation, particulièrement pour les sept problèmes qui affectent le plus les personnes âgées. La collectivité québécoise et en particulier le réseau de services qu'elle a mis en place pour les personnes âgées devront opérer un changement de cap décisif vers le maintien de l'intégration sociale des aînés, quels que soient leur état de santé et leur milieu de vie. La recherche. Développer la recherche en gérontologie et en gériatrie. Développer la recherche sociale sur les conditions de vie liées au vieillissement à partir des diverses disciplines des sciences humaines et des sciences sociales. Les situations de handicap chez les personnes qui ont des incapacités. Objectif 19. D'ici l'an 2002, diminuer les situations qui entraînent un handicap pour les personnes ayant des incapacités, quelles que soient l'origine et la nature de ces incapacités. Le problème. Les maladies, les traumatismes et les anomalies congénitales peuvent causer diverses déficiences (intellectuelles, psychiques, locomotrices, visuelles, auditives, organiques) susceptibles d'entraîner une diminution des capacités. Ces incapacités se manifesteront dans l'apprentissage, les comportements, les soins personnels, la mobilité, les communications ou les tâches domestiques. Les personnes qui ont des incapacités rencontrent souvent des obstacles dans l'environnement physique et social. Ces obstacles leur imposent des désavantages dans l'accomplissement de leurs rôles sociaux. Elles doivent donc vivre des situations qui représentent des handicaps. Quelque 800 000 Québécois et Québécoises ont des incapacités, soit plus de 11 % de la population, un taux légèrement inférieur à la moyenne canadienne. De ce nombre, 40 % présentent des incapacités légères, 35 % des incapacités modérées et 25 % des incapacités graves. On pourra probablement ralentir le taux de croissance des incapacités ou en diminuer la gravité; les deux buts pourraient même être atteints. Mais, avec le vieillissement de la population, une grande proportion de gens seront un jour ou l'autre confrontés à des limitations d'activités temporaires ou permanentes. La réduction des incapacités n'est donc pas le seul enjeu important; il faut aussi maintenir la population touchée dans une vie socialement et économiquement active. Diverses causes sont à l'origine des déficiences: anomalie congénitale, maladie, traumatisme physique ou psychologique. Les déficiences sont aussi fortement reliées au vieillissement. Il faut cependant nuancer l'importance de l'âge. D'abord, les personnes de 65 ans et plus forment un groupe très hétérogène. En outre, la santé générale de la population s'améliorerait: d'après certaines études longitudinales réalisées en Suède, il semble que les groupes plus jeunes soient en meilleure santé au même âge que leurs aînés. Enfin, la prévalence des incapacités chez les travailleuses et travailleurs vieillissants dépend tout autant de l'organisation du travail et des politiques de mobilité et de recyclage du personnel que de l'augmentation des pertes d'autonomie fonctionnelle qui accompagnent le vieillissement biologique. L'augmentation anticipée des incapacités apparaît également comme le résultat des succès de la médecine, qui ont accru les chances de survie à la naissance ou à la suite d'une maladie ou d'un accident. Les groupes les plus touchés. Les incapacités augmentent avec l'âge. Ainsi, 5 % des enfants de 0 à 14 ans ont des incapacités; la proportion atteint 9 % chez les 15 à 64 ans et 39,7 % chez les personnes âgées. Le taux d'incapacité est légèrement plus élevé dans la population féminine, bien que l'écart devienne moins évident avec l'avancement en âge. Les limitations dans l'accomplissement des activités de la vie quotidienne sont inégalement réparties entre les territoires. Les proportions sont plus élevées dans l'Outaouais, les quartiers populaires de Montréal et l'arrière-pays. En raison de leur handicap, deux groupes sont ainsi placés dans une situation de vulnérabilité importante: les personnes qui, à cause d'une incapacité intellectuelle ou mentale grave, ne peuvent assumer seules la défense de leurs intérêts et de leurs droits; les personnes qui, en raison de déficiences multiples, ont un accès limité aux services généraux offerts à l'ensemble de la population. Par ailleurs, plusieurs personnes qui ont des incapacités éprouvent des difficultés d'intégration sociale: en 1986, 62 % des adultes de ce groupe étaient inactifs contre 26 % pour l'ensemble des adultes sans incapacité; plus de 20 000 enfants de 5 à 14 ans n'étaient pas intégrés au réseau scolaire régulier et 28 % d'entre eux vivaient dans des familles pauvres; enfin, près des trois quarts des personnes qui présentent des incapacités avaient un revenu annuel inférieur à 15 000 $. Parmi la population en âge de travailler, 72 % des femmes et 45 % des hommes ayant une incapacité n'avaient aucun revenu d'emploi. Les interventions actuelles. Des progrès importants, mais... Sur le plan international, le Québec est généralement considéré comme une société à l'avant-garde pour son action à l'égard des personnes qui ont des incapacités. Depuis 1984, il dispose d'une politique gouvernementale d'ensemble axée sur la prévention des déficiences et l'intégration sociale. Cette politique repose sur le principe que le potentiel des individus doit être développé au maximum. La conception de cette politique a suivi l'adoption, en 1978, de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, qui prévoyait notamment la création de l'Office des personnes handicapées. Le Québec semble donc en bonne position, si l'on considère la qualité des services de santé et des services sociaux accessibles aux personnes ayant des incapacités. On constate toutefois beaucoup de résistance dans l'application des orientations de cette politique. Le cloisonnement reste de rigueur. Adaptation-réadaptation: un modèle en évolution. Le Québec a réalisé d'importants progrès dans le domaine de la réadaptation, particulièrement en réadaptation physique. Le modèle prédominant en réadaptation semble tout à fait adéquat quand il s'agit d'interventions de courte et moyenne durée ayant principalement pour but la restauration de l'autonomie fonctionnelle d'une personne présentant une incapacité temporaire. Il s'agit le plus souvent d'interventions dans des institutions spécialisées, réalisées par des professionnels spécialisés. Le modèle est au contraire peu adapté ou insuffisant lorsqu'il s'agit d'actions de réadaptation destinées aux personnes qui ont des incapacités permanentes. Ici, les actions devraient viser ultimement la récupération du maximum d'autonomie dans les activités quotidiennes, l'amélioration de la qualité de vie et la participation sociale. Pour les personnes qui présentent une déficience intellectuelle, les pratiques ont été davantage développées selon un modèle institutionnel. L'orientation actuelle d'intégration sociale nécessite que l'on adopte des approches d'intervention permettant de développer les compétences de ces personnes dans leur milieu. Cette perspective différente oblige à remettre en question, de façon globale, les pratiques de réadaptation basées principalement sur une approche institutionnelle et professionnelle ultra-spécialisée. L'accent est encore trop souvent mis sur les faiblesses à corriger plutôt que sur les forces de la personne. L'intervention professionnelle est dirigée principalement sur la personne elle-même, sans lien avec la famille, l'entourage, et tous ceux qui interviennent quotidiennement auprès d'elle. De plus, il y a un manque de continuité entre les différents niveaux d'intervention. Cette nouvelle perspective remet également en question les secteurs de la formation et de la recherche, encore trop traditionnels et techniques dans leur conception de la réadaptation et qui jouent un rôle déterminant sur le plan des valeurs professionnelles, des comportements, des outils. Les besoins en formation et en recyclage sont criants pour les professionnels des établissements qui doivent intervenir auprès des personnes dans leur milieu naturel. La compensation des incapacités. Il subsiste des disparités importantes sur le plan de la compensation des incapacités selon l'origine de l'incapacité. Ainsi la compensation est beaucoup plus importante quand l'incapacité résulte d'un accident du travail, d'un accident de voiture ou d'un acte criminel. Plusieurs services ne sont couverts que par les régimes d'assurance. Il existe aussi des écarts selon l'âge. Par exemple, les critères d'accès aux programmes subventionnés d'aides techniques pour les personnes présentant une déficience visuelle rendent accessibles ces aides à environ 93 % de ces personnes de moins de 50 ans. Ce pourcentage tombe à 10 % après 50 ans. De leur côté, les services de maintien à domicile destinés à compenser les incapacités ont connu une amélioration importante. Ils ont démontré leur pertinence comme moyen de retarder ou d'éviter l'hébergement, même pour des personnes ayant de fortes limitations d'activités. Ils ont également permis de créer de nouveaux liens entre les établissements. Par contre, la famille et l'entourage participent peu à l'élaboration du plan de services individualisé. Les services intensifs de maintien à domicile représentent enfin un progrès important pour le maintien de l'intégration sociale. École et travail. L'intégration scolaire est une autre preuve que des gains ont été faits mais qu'un bon bout de chemin reste à faire. Ainsi, on constate une intégration croissante des enfants d'âge scolaire présentant des déficiences de toute nature dans les écoles et classes régulières et une forte diminution des écoles spéciales. Il semble cependant que les résultats soient plus concluants pour l'intégration de ces enfants que pour leur réussite scolaire. L'école est peu outillée. Les déficiences de diverses natures appellent des contenus pédagogiques et des processus d'apprentissage très différents. Le problème de l'intégration scolaire est encore sujet à des débats émotifs entre associations de parents, commissions scolaires et syndicats d'enseignants et se tranchent trop souvent devant les tribunaux. Avant d'implanter une législation aussi radicale qu'aux États-Unis par exemple, il faudra d'abord multiplier et mettre en évidence les expériences. L'intégration au marché du travail reste dans une large mesure à réaliser. Les politiques d'intégration au travail, qui se voulaient incitatives, n'ont pas donné tous les effets escomptés. L'intégration est grandement facilitée par le niveau de formation ainsi que par la qualité et l'adéquation des processus d'apprentissage. Les Américains ont fait des pas de géant dans ce domaine, particulièrement pour les personnes présentant des déficiences intellectuelles moyennes ou même sévères. L'American Disability Act, adopté en 1990, a créé notamment l'obligation d'adaptation du travail. Les voies d'action prioritaires. Il faut être particulièrement attentif aux situations de handicap de façon à réduire les obstacles à une vie socialement et économiquement active, par la compensation des incapacités. Cet objectif concerne plusieurs secteurs tels le logement, le transport, la sécurité du revenu et l'éducation, ainsi que les politiques d'embauche. La compensation des incapacités implique des actions qui permettent d'agir sur les incapacités elles-mêmes et sur l'environnement immédiat par divers moyens: aides technologiques, soutien à domicile, adaptation du domicile, du transport, du poste de travail, du soutien en milieu scolaire et au travail... Pour réduire les situations de handicap, quatre voies d'actions privilégiées. 1- Accentuer l'intégration scolaire et l'intégration au marché du travail. L'autonomie financière est et demeure la principale forme d'autonomie. Elle passe par le cheminement scolaire en classe régulière et par l'intégration au marché du travail. L'ensemble des interventions en amont devraient se situer dans cette perspective, qu'il s'agisse de la réadaptation fonctionnelle, de l'adaptation sociale, de l'intégration scolaire et postsecondaire, du contenu des apprentissages et des différentes formes de compensation des incapacités (transport adapté, aides techniques...). Pour l'ensemble de la société, il s'agit d'un enjeu social et économique majeur. 2- Offrir une compensation équitable aux personnes qui ont des incapacités. Il faut éliminer les écarts existant entre différents systèmes quant à la compensation des incapacités. Différents travaux sont en cours pour évaluer la faisabilité, les coûts et les bénéfices d'un régime d'assurance-incapacité qui compenserait les coûts supplémentaires entraînés par les déficiences, les incapacités et les situations de handicap. Il ne s'agirait pas d'un système de revenu minimum garanti, qui semble privilégié à l'extérieur du Québec, mais plutôt d'un système qui combinerait l'accès à certaines compensations financières ainsi qu'à certains services. 3- Accroître le soutien aux familles et aux ressources de la communauté qui interviennent auprès des personnes ayant des incapacités. Le maintien de l'intégration sociale des personnes implique le développement des différents types de soutien dans la communauté et notamment un soutien professionnel nettement accru auprès des aidantes et aidants naturels, des services à domicile en nombre plus important ainsi qu'une disponibilité de ressources légères de répit et de dépannage. 4- Améliorer la formation pour les professionnels qui oeuvrent auprès des personnes ayant des incapacités. Les programmes de formation doivent diffuser une vision moins technique de l'intervention, et plus centrée sur l'intégration sociale de la personne, sa valorisation, sa qualité de vie et celle de son entourage. La recherche. Développer un secteur de recherche destiné à soutenir l'objectif de participation sociale des personnes qui ont des incapacités. Ce développement implique des investissements dans des infrastructures de recherche alliant les universités et les lieux de pratique et offrant un volet de réduction des situations de handicap. Plusieurs champs de recherche doivent être développés: la recherche évaluative et les études longitudinales sur l'évolution de l'état de santé en milieu de travail, la recherche prospective sur le vieillissement et l'organisation du travail, la recherche sur les technologies susceptibles de compenser les incapacités ainsi que la recherche sur les obstacles physiques et sociaux à la participation sociale des personnes qui ont des incapacités. III. Les stratégies. La compréhension des problèmes de santé et des problèmes sociaux révèle d'une part que des facteurs se retrouvent invariablement associés à h plupart de ces problèmes, et d'autre part que certains groupes de la population sont davantage affectés. Des facteurs communs à l'origine des problèmes. Les facteurs déterminants de la santé et du bien-être peuvent être répartis en six groupes: les facteurs biologiques; les habitudes de vie et les comportements reliés à la santé, comme le tabagisme, la consommation d'alcool, l'activité physique, l'alimentation, les comportements sexuels; les milieux de vie, c'est-à-dire la famille, l'école ou le milieu de travail, et l'environnement social, plus spécifiquement le réseau social et les rapports hommes-femmes; l'environnement physique; les conditions de vie, c'est-à-dire le revenu, la scolarité, le logement, l'emploi; le système de services. Ces facteurs déterminants influencent de diverses manières la santé et le bien-être. A titre d'exemple, mentionnons l'impact largement connu du tabac sur la prématurité et les naissances de poids insuffisant, sur les maladies cardio-vasculaires, sur le cancer, sur les maladies du système respiratoire. Soulignons également l'impact de l'alcool sur la violence conjugale, la détresse psychologique, le suicide et même le cancer. L'abus et la négligence à l'endroit des enfants, la violence conjugale, les troubles mentaux, le suicide, la mortalité et la morbidité infantiles, les incapacités, l'itinérance, les traumatismes et plusieurs cancers, sont tous des problèmes qui illustrent les liens étroits entre de mauvaises conditions de vie et la santé et le bienêtre. La qualité du milieu familial, du milieu scolaire, du milieu de travail, du réseau social ainsi que les rapports entre les hommes et les femmes sont reliés à tous les problèmes sociaux précédemment signalés mais ils sont également de plus en plus associés à des problèmes de santé tels que la prématurité et les naissances de poids insuffisant, aux maux de dos, aux traumatismes et aux maladies du système respiratoire. Pour agir efficacement, il faut dorénavant considérer le caractère commun de plusieurs facteurs à l'origine des problèmes, de façon à diriger les investissements vers les actions les plus susceptibles d'améliorer la santé et le bien-être de la population. Des groupes cumulent un ensemble de problèmes et de facteurs de risque. L'analyse permet également de constater que certains groupes sont davantage affectés par plusieurs problèmes: les maladies cardio-vasculaires, le cancer, les traumatismes, les naissances de bébés de poids insuffisant; des problèmes sociaux comme la violence et la négligence, les troubles de comportement, l'itinérance; des problèmes de santé mentale et d'intégration sociale. Ces groupes cumulent également un ensemble de facteurs de risque, en raison notamment de leurs conditions de vie souvent précaires. Des stratégies d'ensemble. Des voies d'action prioritaires spécifiques ont été retenues pour chacun des problèmes analysés. Ces voies d'action permettront d'intervenir sur les facteurs de vulnérabilité, les facteurs de protection, auprès de certains groupes plus touchés, et ce pour chaque objectif poursuivi. Des gains seront certes réalisés en agissant ainsi problème par problème. Mais des gains supplémentaires seront obtenus en ciblant davantage l'action: sur les facteurs déterminants de la santé et du bien-être; auprès des groupes vulnérables. Dans cette optique, il est nécessaire d'adopter une démarche intégrée qui repose sur des stratégies d'ensemble. La politique en retient six: Favoriser le renforcement du potentiel des personnes; Soutenir les milieux de vie et développer des environnements sains et sécuritaires; Améliorer les conditions de vie; Agir pour et avec les groupes vulnérables; Harmoniser les politiques publiques et les actions en faveur de la santé et du bien-être; Orienter le système de santé et de services sociaux vers la recherche des solutions les plus efficaces et les moins coûteuses. Pour certaines questions, les connaissances restent parcellaires et doivent être développées. Pour d'autres cependant, les évidences permettent d'adopter une orientation générale et des moyens d'action précis. C'est en tenant compte de ces deux éléments qu'il faut aborder les stratégies présentées ici. Première stratégie. Favoriser le renforcement du potentiel des personnes. Les capacités personnelles représentent des facteurs de protection ou de vulnérabilité à plusieurs problèmes, ou encore aux limitations qui en découlent. L'analyse des problèmes permet de dégager trois composantes des capacités personnelles, vues sous l'angle de la santé et du bien-être: les caractéristiques biologiques de l'individu; ses habitudes de vie et ses comportements; ses capacités psychologiques et sociales. Les facteurs biologiques. Mieux comprendre les mécanismes biologiques et leurs interactions avec les autres déterminants. Depuis la découverte du code génétique, des progrès spectaculaires ont été réalisés dans la connaissance du fonctionnement du corps humain et particulièrement des systèmes nerveux, immunitaire et endocrinien. Ce développement permet de mieux comprendre aujourd'hui le fonctionnement interne de mécanismes physiologiques et certaines réactions de l'organisme lorsqu'il est soumis à des conditions particulières. Les progrès de la biologie et de la génétique moléculaire permettent d'expliquer un grand nombre de maladies. Mais l'importance des déterminants biologiques dans l'origine des problèmes de santé et des problèmes sociaux, même si elle apparaît de jour en jour plus évidente, reste encore difficile à mesurer avec précision. On sait que les anomalies génétiques font leur apparition à différents stades de la vie. La proportion des décès attribuables à des causes génétiques par rapport à l'ensemble de la mortalité infantile est en hausse, probablement parce que la recherche a mis en lumière l'influence des gènes. On sait également que les anomalies génétiques peuvent être causées par des désordres chromosomiques, par l'existence d'un gène délétère (anomalies monogéniques ou mendéliennes) ou encore par une combinaison de facteurs génétiques et de facteurs liés aux habitudes de vie, aux conditions de vie et à l'environnement physique. Les connaissances sur la contribution respective de ces différents facteurs à l'apparition de problèmes de santé et de bien-être et sur leur influence mutuelle dans ces circonstances évoluent rapidement. Afin de contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes biologiques et de leurs interactions avec les autres déterminants, le Ministre entend: promouvoir le développement des connaissances sur les mécanismes biologiques et particulièrement sur la contribution des gènes à l'apparition des maladies; promouvoir la recherche portant sur les interactions entre, d'une part, les facteurs biologiques et, d'autre part, les autres facteurs déterminants de la santé et du bien-être. Respecter des exigences éthiques, sociales, scientifiques et juridiques dans le développement et l'utilisation des connaissances. Le développement des connaissances sur les mécanismes biologiques individuels et leur utilisation dans un contexte de services ont cependant des implications majeures pour l'individu et la société. En améliorant ses connaissances sur les mécanismes biologiques, l'être humain acquiert la capacité d'influer sur ce qu'il est. Cependant, ses capacités d'intervention dans ce domaine dépassent maintenant largement sa compréhension. Il importe donc que la production et l'utilisation de ces connaissances, particulièrement celles qui portent sur la contribution des gènes à l'apparition des maladies, respectent des exigences à la fois éthiques, sociales, scientifiques et juridiques. Ainsi, l'emploi des tests à des fins de dépistage, par exemple, doit respecter les critères généralement reconnus, notamment en ce qui a trait à leur validité, leur valeur prédictive, leur application à des groupes cibles bien identifiés, leur pertinence quant aux possibilités d'accès à des interventions efficaces et acceptables. La définition de telles exigences requiert la participation de tous les intervenants et intervenantes concernés par les questions éthiques, sociales, scientifiques et juridiques que soulèvent le développement et l'utilisation des connaissances sur les mécanismes biologiques. ? cette fin, le Ministre entend: travailler de concert avec le Conseil d'évaluation des technologies de la santé, le Fonds de la recherche en santé du Québec, le Conseil québécois de la recherche sociale, le personnel du réseau de services ainsi que les utilisateurs et utilisatrices, afin d'élaborer des protocoles de décision qui orienteront l'utilisation de ces connaissances, notamment pour les services de counselling et de dépistage. Les habitudes de vie et les comportements liés à la santé et au bien-être. On connaît depuis longtemps les effets du tabagisme, de la mauvaise alimentation, du manque d'activité physique et de certains comportements sexuels sur la santé et le bien-être. La consommation abusive d'alcool, de drogues illégales et de médicaments fait également partie des habitudes de vie considérées comme néfastes. Elle n'est cependant pas abordée ici, ayant déjà été traitée à l'objectif. Réduire la consommation de tabac. Chaque année, on relève environ 8 000 décès imputables au tabagisme. Le taux de mortalité chez les fumeurs est 1,7 fois supérieur à celui que l'on enregistre chez les non-fumeurs. L'habitude du tabac est reconnue comme un facteur de risque important dans le cas des maladies cardio-vasculaires, du cancer du poumon et des maladies respiratoires. L'exposition à la fumée du tabac est également nocive pour la santé des non-fumeurs, particulièrement celle des enfants: elle constitue aujourd'hui la principale source de pollution dans les maisons. Chez les fumeuses, l'usage d'anovulants entraîne également des risques pour la santé. Or les deux tiers des jeunes filles qui fument prennent également des anovulants. La proportion des 15 ans et plus qui fument est passée de 50 % chez les hommes et 40 % chez les femmes, en 1978, à 35,3 % et 31,6 % respectivement dix ans plus tard. Par ailleurs, à l'échelle canadienne, c'est encore au Québec que l'on fume le plus. Le tabagisme touche davantage qu'hier les femmes et les enfants, même si les hommes restent les plus grands fumeurs. C'est que l'on commence de plus en plus tôt à fumer et, parmi les jeunes fumeurs habituels, les filles sont maintenant plus nombreuses que les garçons. En vue d'augmenter la proportion des non-fumeurs de 60 % à 80 %, le Ministre entend: encourager les actions de sensibilisation aux effets du tabac sur 1 santé, prioritairement auprès des jeunes d'âge scolaire. Favoriser une alimentation suffisante et équilibrée. Une mauvaise alimentation serait à l'origine de 30 % des cas de diabète, de cancer et de maladie cardiovasculaire. Une bonne alimentation, dès la naissance, protège mieux l'individu contre le stress, les infections et leurs conséquences; et s'il est malade, il retrouvera plus vite la santé. Le poids de l'enfant à la naissance a un effet sur son développement physique et mental. Or, les liens entre l'alimentation durant la grossesse et le poids du bébé à la naissance sont maintenant connus. Mais le régime alimentaire est parfois intimement lié aux moyens financiers. Le revenu dont disposent certaines familles ne leur permet pas toujours de manger suffisamment chaque jour. Le nombre d'enfants qui souffrent de la faim a ainsi augmenté ces dernières années. Une mauvaise alimentation peut se traduire par un excès ou une insuffisance de poids. L'obésité touche 15 % des gens, deux fois plus dans les milieux défavorisés et davantage les femmes: chez les 45 à 64 ans, on dénombre deux fois plus de femmes que d'hommes obèses. Or, on sait que l'excès de poids augmente les risques de morbidité et de mortalité. Par contre, 11 % des gens ont un poids insuffisant. Qui plus est, le quart des adolescentes de 15 à 19 ans qui se retrouvent dans ce groupe désirent maigrir davantage. Enfin, des personnes âgées qui ont développé de mauvaises habitudes alimentaires souffrent de malnutrition. Les habitudes alimentaires se sont en général grandement améliorées au cours des dernières années. Certains produits néfastes demeurent cependant très populaires: le sucre, les boissons gazeuses, les pâtisseries et les matières grasses. Les enfants québécois en consomment davantage que les autres enfants canadiens. Pour favoriser une alimentation équilibrée, contribuer à corriger l'insuffisance alimentaire et lutter contre le problème de la faim, le Ministre entend: favoriser la disponibilité d'aliments sains dans les lieux publics comme la garderie, l'école et le travail; encourager les initiatives communautaires de soutien alimentaire comme les repas à domicile pour les personnes âgées, les banques d'aliments et les repas communautaires pour les individus et les familles; supporter financièrement le soutien alimentaire aux femmes enceintes de milieu défavorisé. Augmenter la pratique régulière de l'activité physique. L'activité physique contribue à prévenir plusieurs problèmes de santé: maladies cardio-vasculaires, hypercholestérolémie, diabète, maux de dos, obésité, cancer. Elle ralentit également la dégénérescence physique causée par le vieillissement. Enfin, en réduisant la tension et l'anxiété, elle prévient la dépression et, de façon générale, concourt à une bonne santé, aussi bien physique que mentale. La sédentarité augmente avec l'âge et varie selon le revenu. Par ailleurs, les femmes sont moins actives que les hommes et les célibataires le sont davantage que les gens mariés, séparés ou divorcés. En 1987, seulement 12,9 % des Québécois et Québécoises étaient considérés actifs, c'est-à-dire qu'ils s'adonnaient à au moins trois séances de trente minutes d'activité physique par semaine. Par ailleurs, 25,2 % étaient évalués moyennement actifs, 18,9 % peu actifs et 24 % sédentaires. Deux ans plus tôt, une étude comparative plaçait le Québec au dernier rang des provinces canadiennes quant à la pratique de l'activité physique. Pour augmenter la proportion de la population qui pratique régulièrement une activité physique, le Ministre entend: promouvoir la régularité et la constance plutôt que l'intensité dans la pratique de l'activité physique; promouvoir l'activité physique en milieu scolaire et en milieu de travail; favoriser la collaboration du réseau de la santé et des services sociaux avec le milieu municipal pour la conception et la réalisation des activités physiques récréatives destinées aux groupes les plus vulnérables. Favoriser une sexualité saine et responsable. Les conséquences de certains comportements sexuels sont devenus une importante question de santé publique. En 1987, c'est chez les 15 à 19 ans que l'on relevait la plus forte augmentation des infections à chlamydia et des cas de gonorrhée. En 1989, 20 % des personnes atteintes du sida avaient entre 20 et 29 ans; elles avaient donc probablement été infectées par le virus lors de leur adolescence. Pour les jeunes filles qui deviennent enceintes, les risques pour la santé sont importants. Lorsque la grossesse est menée à terme, elle signifie le plus souvent l'abandon scolaire. Plusieurs adolescents et adolescentes ont des relations sexuelles non protégées. C'est le cas particulièrement des jeunes du secondaire qui ne sont pas inscrits au programme régulier, des décrocheurs et des jeunes de la rue. Les relations sexuelles non protégées ont entraîné une augmentation des maladies transmissibles sexuellement au cours des années 80. Les grossesses précoces sont également en hausse: le taux de grossesses chez les 14 à 17 ans a augmenté de 38 % au Québec au cours de la dernière décennie alors qu'il diminuait dans les autres provinces. Pour favoriser une sexualité saine et responsable, le Ministre entend: supporter les activités éducatives qui favorisent le développement de rapports affectifs et sexuels sains et responsables en milieu scolaire et dans les autres milieux de vie des jeunes; fournir aux parents et aux jeunes toute l'information requise sur les moyens de prévenir les grossesses non désirées et de contrer les maladies transmissibles sexuellement; s'assurer que les services de planification des naissances soient mieux adaptés aux besoins particuliers des jeunes garçons et filles; consolider ces services dans les milieux défavorisés et accorder une attention particulière aux jeunes qui ont quitté le milieu scolaire, aux jeunes de la rue et à ceux qui vivent dans les centres d'accueil et les ressources intermédiaires. Poursuivre la sensibilisation à de saines habitudes de vie. Depuis le début des années 70, plusieurs campagnes de sensibilisation et de nombreuses activités éducatives ont été consacrées à l'amélioration des habitudes de vie. Afin de poursuivre ces efforts de sensibilisation, le Ministre entend: réaliser au moins une campagne sociétale par année; cette campagne prendra appui sur des relais régionaux et locaux. Les capacités psychologiques et sociales. Renforcer les capacités psychologiques et sociales. La plupart des problèmes d'adaptation psychosociale, certains problèmes de santé physique, les problèmes de santé mentale, la capacité de maîtriser des situations de handicap, l'acquisition d'habitudes de vie et de comportements liés à la santé, la participation à des milieux de vie sains sont en partie reliés aux capacités psychologiques et sociales innées et acquises aux différentes étapes de développement et de socialisation de l'individu. La qualité de la relation parent-enfant, dès la grossesse et la naissance, et la qualité du soutien offert par les personnes qui entourent l'enfant sont des sources d'identification et de renforcement des capacités psychosociales qui permettent de prévenir plusieurs problèmes. Plusieurs autres facteurs contribuent à renforcer les capacités individuelles: un milieu de vie stimulant, des expériences de succès à l'école primaire, mais aussi avec les amis et dans les activités de loisir, l'exercice de rôles valorisants à l'adolescence. ? l'inverse, les problèmes de santé et les problèmes sociaux associés aux milieux de vie et aux conditions de vie provoquent chez les personnes des réactions psychiques et affectives et des comportements sociaux qui influent sur l'évolution de leur situation. Les capacités psychologiques et sociales sont déterminantes pour l'individu: elles lui permettent de faire des choix et d'exercer un contrôle sur les événements de sa vie. Les forces psychologiques et sociales des personnes qui ont des incapacités constituent le plus souvent la source de leur autonomie sociale et économique ou au contraire de leur dépendance. Le véritable enjeu pour ces personnes n'est pas tant la réduction de leurs incapacités que la récupération, le maintien ou l'acquisition de leur autonomie sociale et économique. Graduellement, la recherche et l'intervention en sont venues à considérer séparément les caractéristiques biologiques et les habitudes de vie de l'individu, sans égard toujours à ses capacités psychologiques et sociales. La politique poursuit le but de replacer le développement du potentiel des personnes, envisagé sous l'angle de leurs capacités psychologiques et sociales, au centre de toutes les interventions. Afin de renforcer les capacités psychologiques et sociales, le Ministre entend: soutenir les actions qui visent le développement des liens parents-enfants, en particulier dans les familles où un ou des enfants manifestent des difficultés d'adaptation psychosociale, et dans les familles où les parents présentent des difficultés marquées sur les plans physique, psychologique et social; soutenir les actions qui visent à maintenir et à développer les capacités des personnes qui vivent des situations de handicap et miser sur leurs habiletés sociales. Deuxième stratégie. Soutenir les milieux de vie et développer des environnements sains et sécuritaires. L'individu exerce ses activités au sein de divers milieux qui conditionnent en grande partie son mode de vie, ses habitudes et son comportement, et qui déterminent ses conditions de vie. Ces milieux de vie immédiats sont la famille, l'école et le milieu de travail. Le réseau social, la nature des rapports entre les hommes et les femmes et les caractéristiques physiques de l'environnement exercent aussi une influence sur sa santé et son bien-être. Les milieux de vie. Soutenir le milieu familial. Les lacunes d'un milieu familial perturbé, associées à des conditions de vie difficiles, peuvent parfois entraîner chez les parents ou les enfants des problèmes sociaux comme la toxicomanie, la délinquance, les troubles de comportement, le décrochage scolaire et le suicide. La conduite de certains parents compromet parfois le développement de leurs enfants, victimes d'abus et de négligence. Le taux élevé de ruptures conjugales, les tensions et les conflits qui les entourent souvent ainsi que les difficultés d'ajustement ultérieur à une nouvelle situation sont la source de plusieurs problèmes de santé et d'adaptation sociale vécus par les ex-conjoints et surtout par les enfants. Le regard que l'on porte sur la famille doit tenir compte des nombreux bouleversements qu'elle a vécus. La cellule familiale traditionnelle a éclaté au cours des vingt dernières années, les modes de vie familiaux se sont diversifiés, et les familles comptent beaucoup moins d'enfants. Pour la majorité des gens, la famille demeure un lieu privilégié; c'est là que les enfants apprennent les règles de la vie en société, qu'ils entreprennent leur marche vers l'autonomie. C'est également dans la famille que beaucoup d'adultes remplissent leurs rôles les plus importants et vivent leurs relations les plus intenses. Afin de mieux soutenir le milieu familial, le Ministre entend: privilégier l'intervention précoce et intensive auprès des familles qui risquent de connaître des problèmes sociaux, et particulièrement une situation de violence; soutenir les familles dont un membre présente des difficultés psychologiques, psychiques ou sociales importantes; accroître les ressources de répit et d'entraide destinées à soutenir les familles; collaborer avec le Secrétariat à la famille à la promotion de comportements pacifiques en milieu familial. Le Ministre entend également apporter une contribution particulière au plan d'action gouvernemental Familles en tête, particulièrement pour les mesures suivantes: identifier et promouvoir les actions favorisant un meilleur partage des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes; soutenir les représentants des personnes âgées dans le développement de projets d'aide destinés aux parents de jeunes enfants. Soutenir le milieu scolaire. Les changements sociaux et les problèmes vécus dans plusieurs familles se répercutent nécessairement à l'école. Celle-ci doit souvent compenser la pauvreté de plusieurs enfants; elle doit intégrer des jeunes qui ont des incapacités, d'autres qui proviennent de foyers violents ou brisés. De plus, l'école accueille aujourd'hui des enfants de cultures de plus en plus diverses. Après la famille, l'école représente le milieu de développement le plus important pour l'enfant. Il doit y poursuivre l'apprentissage de son autonomie, y connaître des expériences de succès, y acquérir la conviction qu'il peut résoudre des problèmes et créer des solutions, y recevoir un message clair qu'il est important et aimé. L'école est un milieu propice au développement des compétences et à l'acquisition de modes de vie sains. La collaboration entre l'école, les parents et les autres milieux de vie des jeunes représente aussi un facteur de continuité et d'intégration de leurs apprentissages. Afin de contribuer au renforcement du milieu scolaire, de soutenir le personnel enseignant dans ses relations avec les parents et d'aider les jeunes qui vivent des situations de handicap ou des difficultés d'adaptation sociale, le Ministre entend: soutenir les initiatives du milieu scolaire qui visent à améliorer le climat de l'école, particulièrement celles qui favorisent l'acquisition d'habiletés pour résoudre pacifiquement les conflits; collaborer avec le ministère de l'Éducation afin d'inciter les dirigeants scolaires à multiplier les interventions d'aide pour les jeunes qui vivent une situation familiale difficile, et à leur fournir de l'information sur les ressources du milieu. Soutenir le milieu de travail. On connaît l'importance actuelle des maladies professionnelles. Le tiers des traumatismes surviennent en milieu de travail. Plusieurs maladies sont attribuables à l'exposition prolongée à certaines substances comme le plomb, et aux vapeurs toxiques. Environ 20 % des cancers seraient associés à l'exposition à des produits chimiques en milieu de travail. Certains métiers semblent plus néfastes que d'autres pour la santé,- ceux des secteurs du bois, de la métallurgie et de la construction en particulier. C'est par ailleurs chez les manoeuvres, la main-d'oeuvre agricole, les ouvrières et ouvriers non qualifiés que l'on enregistre les plus hauts taux de mortalité. Les travailleuses et travailleurs manuels seraient quatre fois plus susceptibles que les cadres de connaître des problèmes cardiaques. Les conséquences de situations de travail pathogènes sur la santé mentale sont aujourd'hui démontrées. Les conditions de travail qui présentent le plus de risques sont également bien connues: tâche répétitive dans un environnement toxique, contrainte de temps, surcharge de travail, manque d'autonomie, faible soutien social et surcharge administrative. Au Québec, 30 % des journées d'absence au travail sont dues à des problèmes de santé mentale; le tiers de ces problèmes sont reliés au travail. La prévention est toutefois possible. L'expérience des entreprises les plus productives le démontre: elles favorisent davantage l'autonomie décisionnelle, le soutien social au travail et la réduction des tensions. Le milieu de travail peut contribuer à maintenir ou même à améliorer la santé, physique et mentale, et le bienêtre, particulièrement s'il représente une source de réalisation personnelle et qu'il donne à l'individu le sentiment d'exercer un certain contrôle sur l'organisation du travail. Afin de renforcer les facteurs de protection et de sécurité du milieu de travail reliés à la santé et au bienêtre, le Ministre entend: soutenir les actions qui permettent: l'identification et la suppression des facteurs de risque de maladies tant physiques que mentales; l'information sur ces facteurs de risque; une organisation du travail favorisant la participation des travailleurs et travailleuses à la prise de décision; une organisation du travail favorisant l'exercice des responsabilités parentales. L'environnement social. Renforcer le réseau social. On connaît bien les effets pathogènes de l'isolement. L'absence de soutien social constitue un facteur de risque majeur pour la santé et le bien-être, aussi important par exemple que le tabagisme ou l'hypertension. Les nombreuses études sur l'isolement social, sur les conséquences du chômage, sur le climat de travail, sur le divorce ou encore sur le développement de l'enfant démontrent toutes l'importance du réseau social (parents, amis, voisins, collègues, groupes d'entraide) comme facteur de protection pour la santé physique et mentale. La qualité du tissu social, la force des solidarités et des réseaux d'entraide protègent les individus contre les effets cumulatifs du stress reliés à des conditions de vie difficiles. Le soutien social produit un effet immunitaire amoindrissant les symptômes provoqués par des difficultés d'adaptation à des événements stressants. Le renforcement du réseau social des personnes présente un potentiel inestimable pour la prévention des problèmes de santé et des problèmes sociaux, et notamment la violence, la négligence, le suicide et les problèmes de santé mentale. Afin de contribuer au renforcement du réseau social, le Ministre entend: s'associer à ses collègues afin que les politiques et les interventions publiques protègent et renforcent le réseau social; soutenir les initiatives issues du milieu qui font appel à la solidarité, notamment chez les groupes les plus vulnérables. Favoriser une plus grande équité dans les rapports sociaux entre les hommes et les femmes. On connaît mieux aujourd'hui les effets de la division sociale des rôles entre les sexes sur la santé et le bien-être. D'une part, la socialisation particulière des hommes et des femmes les conduit à adopter des comportements différents au regard de leur propre santé et de celle de leurs proches. Ainsi, les hommes développent des attitudes qui les amènent à adopter des conduites plus dangereuses, à moins se soucier de leurs problèmes de santé et à rechercher plus tardivement l'aide médicale ou sociale nécessaire. Quant aux femmes, elles sont encore les premières responsables des soins aux jeunes enfants et aux personnes âgées ou malades dans la famille; elles développent dans l'exercice de ce rôle des comportements plus favorables à la protection de la santé mais elles supportent aussi les effets de ces charges non partagées. Cette situation explique en partie les profils différents de longévité et de morbidité chez les hommes et les femmes. D'autre part, la position que les hommes et les femmes occupent dans la sphère publique, sur le marché du travail et dans la famille est encore une source de grandes inégalités sociales et économiques. Elle explique que plus de femmes que d'hommes vivent dans la pauvreté ou dans des conditions précaires et sont ainsi davantage exposées à la maladie et à l'incapacité. Ces inégalités contribuent aussi de façon significative à perpétuer les différentes formes de violence à l'endroit des femmes. Les rapports entre les hommes et les femmes sont en train de se transformer. De nombreuses études ont démontré qu'une division plus équitable des rôles et du pouvoir renforce l'autonomie des individus, améliore la qualité de vie affective, les rapports familiaux et professionnels et, de façon générale, favorise le mieux-être. La réduction des écarts sociaux et économiques entre les sexes constitue une priorité. Afin de favoriser une plus grande équité dans les rapports sociaux entre les hommes et les femmes, le Ministre entend: o soutenir les initiatives qui permettent: de s'attaquer au problème de l'appauvrissement des femmes, en particulier des mères seules, notamment par des mesures d'équité en emploi et une organisation du travail mieux adaptée aux responsabilités familiales; d'agir sur l'évolution des rapports entre les hommes et les femmes à ces périodes de la vie qui offrent les meilleures perspectives de redéfinition des rôles, c'est-à-dire la petite enfance et l'âge scolaire, le début de la vie sexuelle et amoureuse, la période entourant la naissance; soutenir les actions communautaires qui favorisent des changements individuels et collectifs tant chez les hommes que chez les femmes, dans le sens d'une plus grande égalité et d'un mieux-être; promouvoir, en particulier chez les hommes et chez les jeunes garçons, des attitudes pacifiques et des comportements protecteurs par rapport à leur santé et à celle de leurs proches. L'environnement physique. Promouvoir la sécurité de l'environnement physique. La qualité de l'environnement a des répercussions évidentes sur la qualité de vie des êtres humains. La pollution de l'air, par exemple, est associée aux maladies respiratoires. Les problèmes respiratoires sont plus nombreux dans certaines zones polluées. L'ozone peut causer une irritation ou même une inflammation des voies respiratoires et des poumons. La qualité de l'air intérieur est également importante, si l'on considère que les citadins passent environ 80 % de leur temps à l'intérieur. Les principaux polluants de l'air intérieur sont la fumée de tabac, l'oxyde de carbone et certains aéroallergènes. L'eau peut également être contaminée par les sous-produits de la chloration ou encore par les activités agricoles et industrielles. La contamination par des micro-organismes d'origine animale ou humaine est fréquente et l'association avec des gastro-entérites est bien démontrée. Des polluants, le mercure par exemple, se retrouvent dans la chaîne alimentaire. Des sols utilisés pour l'agriculture sont parfois contaminés par l'utilisation abusive d'engrais et de pesticides, par les activités minières et industrielles et par la pollution de l'air. On peut s'interroger sur les effets à long terme de cette contamination des aliments. L'activité humaine se répercute dans l'environnement. Elle se traduit aujourd'hui par une accumulation de produits toxiques, la dégradation des sols, la contamination de la chaîne alimentaire par les résidus de pesticides et de métaux lourds, le déboisement, la perte de terres arables, la diminution de la couche d'ozone, les précipitations acides et autres. Le développement urbain entraîne également certains problèmes: accumulation de déchets, eaux usées, pollution de l'air, difficulté d'approvisionnement en eau potable. Le ministère de la Santé et des Services sociaux et son réseau doivent s'associer au mouvement pour le développement durable, qui préconise une exploitation des ressources et un développement économique compatibles avec la protection et la promotion d'environnements sains et sécuritaires pour le bénéfice des générations actuelles et futures. Afin de promouvoir la sécurité de l'environnement physique, le Ministre entend: s'associer aux travaux interministériels sur la connaissance de l'impact sur la santé de ces différents éléments et notamment de la contamination de la chaîne alimentaire par les résidus de pesticides ou de métaux lourds et de la disposition des déchets domestiques ainsi que sur le choix d'actions et de méthodes propices à contrer les effets de ces éléments sur la santé; collaborer avec le ministre de l'Environnement pour améliorer l'accès à l'information sur l'environnement et la santé environnementale, et pour améliorer la diffusion de l'information sur les risques pour la santé liés à l'environnement et sur les moyens à prendre pour s'en prémunir; soutenir les activités d'information et de mobilisation des communautés locales incitant les individus et les groupes à adopter des comportements favorables à la création d'environnements sains et sécuritaires; améliorer la gestion de la santé environnementale en collaboration avec les ministères concernés, notamment par la mise en place de banques de données sur les facteurs environnementaux, de centres d'expertise en santé environnementale, d'équipes d'intervention pour les situations d'urgence et de services d'enquête sur les plaintes concernant les problèmes de santé environnementale; surveiller, de façon stricte, le respect des normes dans la gestion des déchets biomédicaux. Troisième stratégie. Améliorer les conditions de vie. La santé et le bien-être sont largement déterminés par le revenu, la scolarité, les conditions de logement et les chances d'accès au marché de l'emploi. Le revenu. S'attaquer au problème de l'insuffisance de revenu. Les privations financières ont des effets directs et indirects sur la santé et le bien-être. L'analyse du problème fournit de nombreuses illustrations de la superposition de problèmes sociaux et de problèmes de santé découlant de la vie en milieu défavorisé. L'important stress qu'engendre la pauvreté est responsable, en bonne partie, du peu de succès des mesures visant à corriger de mauvaises habitudes, telles que le tabagisme, la consommation d'alcool et de drogues. L'insuffisance de revenu influence certains choix qui affectent la santé. Par exemple, plusieurs familles à faible revenu doivent consacrer plus de 30 % de leur budget au logement. Elles sont très souvent dans l'obligation de couper sur l'alimentation et n'ont souvent que la télévision pour loisir. Un revenu suffisant procure un important sentiment de contrôle sur sa vie lorsqu'il permet de satisfaire adéquatement ses principaux besoins: se loger, se nourrir et, à l'occasion, avoir des loisirs. Au Québec, l'insuffisance de revenu est relative, puisqu'elle est définie par rapport au niveau de bien-être d'un milieu social donné. ?tre pauvre signifie une insuffisance d'accès à des biens et à des services de base ainsi qu'à des possibilités qui sont communément offertes aux groupes plus favorisés de la population. La pauvreté se traduit par le peu de représentation auprès des pouvoirs publics et souvent par la marginalisation, l'exclusion, la discrimination, la désapprobation et la honte. Plusieurs facteurs ont entraîné récemment une recrudescence de la pauvreté: les deux récessions économiques que le Québec a connues, comme d'ailleurs tout l'Occident, depuis le début des années 80; l'éclatement de la famille et la hausse de la monoparentalité; l'écart qui s'est agrandi entre les qualifications demandées par les employeurs et la formation de plusieurs aspirants au travail; la multiplication des emplois précaires. De nouvelles formes de pauvreté sont ainsi apparues, plus visibles. Au cours de la dernière décennie, la situation de certains groupes, en particulier les enfants, s'est détériorée. Plus largement, la situation générale du Québec s'est dégradée par rapport à celle des autres régions canadiennes. Il se retrouve aujourd'hui au dernier rang quant à l'indice global de pauvreté. Le taux de pauvreté des ménages atteignait 22,6 % en 1988, par rapport à 13,1 % en Ontario, à 17,7 % dans les Prairies et en Colombie-Britannique et à 18,4 % dans les provinces de l'Atlantique. Le Québec occupe le dernier rang des provinces canadiennes quant à l'indice de pauvreté des personnes seules et le huitième rang, devant Terre-Neuve et la Saskatchewan, en ce qui concerne la pauvreté des familles. Alors que la population québécoise représente le quart de la population canadienne, le Québec compte le tiers des ménages pauvres du Canada. D'autres statistiques récentes sont révélatrices: un bébé sur cinq naît dans la pauvreté et un sur dix dans la misère; 23,1 % des ménages comptant trois enfants ou plus sont pauvres, comme d'ailleurs 41 % des familles monoparentales et près du tiers des ménages dont le chef a moins de 24 ans. Beaucoup de familles monoparentales, et particulièrement celles qui sont dirigées par une femme, vivent en fait dans des conditions précaires: à la Sécurité du revenu, ce sont elles qui doivent être soutenues financièrement le plus longtemps; deux enfants sur trois qui appartiennent à des familles monoparentales sont pauvres - et la moitié très pauvres comparativement à 13 % des autres enfants. Pour s'attaquer au problème de l'insuffisance de revenu, le Ministre entend: s'associer à ses collègues des autres ministères et organismes concernés par la pauvreté et la dépendance sociale qui en découle, afin de préparer au cours des prochains mois un plan d'action gouvernemental de réduction de la pauvreté visant prioritairement les familles ayant de jeunes enfants. La scolarisation. Augmenter la diplomation chez les jeunes du secondaire selon l'objectif fixé par le ministre de l'Éducation. L'analyse de plusieurs problèmes a mis en évidence des liens étroits entre d'une part, la scolarité, et d'une part, la santé et les problèmes d'adaptation et de dépendance sociale. On sait par exemple que les gens plus scolarisés ont davantage accès aux services, peuvent plus facilement faire valoir leurs droits et sont plus autonomes. Une scolarité avancée va bien sûr de pair avec un bon revenu, un emploi valorisant et l'accès à la culture. A revenu égal, les gens scolarisés affichent même un meilleur état de santé et de bien-être. Quels que soient son âge et son sexe, la personne plus scolarisée bénéficie davantage des biens et des services, elle participe et contribue plus activement à la vie collective. En 1986, près du quart de la population n'avait pas complété une neuvième année. Dans certains quartiers montréalais, la proportion atteignait même 50 %. Environ 10 % des gens étaient analphabètes et 18 %, analphabètes fonctionnels. A ce chapitre, le Québec se classe à l'avant-dernier rang des provinces canadiennes, juste avant Terre-Neuve. Selon le ministère de l'Éducation, le diplôme d'études secondaires représente le minimum à viser au chapitre de la scolarisation. Il constitue le point d'appui pour l'acquisition de compétences professionnelles ou encore pour la poursuite d'études supérieures au collège et à l'université, condition déterminante de la qualification de la main-d'oeuvre et de la vitalité de la société. Or, selon les données les plus récentes, on estime que la probabilité d'obtenir un diplôme d'études secondaires était de 64,7 % en 1989-1990. La proportion des jeunes qui ont abandonné l'école secondaire sans avoir obtenu un diplôme s'est maintenue depuis trois ans à plus de 35 %. C'est dire que des 90 000 élèves qui quittent l'école secondaire chaque année, quelque 30 000 n'ont pas achevé leurs études, soit un élève sur trois. Au Québec comme ailleurs, les milieux défavorisés enregistrent des taux d'abandon scolaire plus élevés. Les risques d'échec scolaire des enfants issus de familles à faible revenu sont deux fois supérieurs à ceux des autres enfants. Ce sont d'ailleurs les enfants de milieu défavorisé qui présentent le plus de problèmes d'adaptation sociale et de problèmes de santé. Les principales conséquences de l'abandon des études au niveau secondaire et de l'analphabétisme sont la privation de savoir et de liberté, de moins bonnes chances de se trouver un emploi, une mobilité professionnelle réduite, et un revenu inférieur à celui des diplômés. En outre, les personnes moins scolarisées dépendent davantage de l'État, sont plus exposées aux problèmes sociaux et aux problèmes de santé et, par conséquent, occasionnent des coûts sociaux considérables. Le Ministre souscrit à l'objectif de son collègue de l'Éducation de réduire l'abandon scolaire et, en ce sens, il entend: accroître le soutien offert aux parents en milieu défavorisé pendant les premières années de vie des enfants afin de prévenir les difficultés d'adaptation sociale qui sont souvent à l'origine de l'échec scolaire; supporter la ministre responsable de l'Office des services de garde à l'enfance dans l'amélioration de l'accès aux garderies, particulièrement pour les familles vivant en milieu défavorisé; L'expérience internationale nous enseigne que la fréquentation régulière et en très bas âge de garderies éducatives par les enfants de milieu défavorisé prévient de nombreux problèmes d'adaptation sociale et scolaire. instaurer, en concertation avec ses collègues des ministères et organismes concernés, des programmes de stimulation des enfants âgés de 2 à 4 ans, prioritairement en milieu défavorisé; intensifier les services courants des CLSC en milieu scolaire. Le logement. Améliorer l'accessibilité au logement à prix modique afin de réduire le nombre des ménages qui consacrent plus de 30 % de leur revenu au logement. La vie dans un logement détérioré, mal chauffé, mal aéré affecte particulièrement la santé des enfants et des personnes âgées. Les maladies infectieuses, les grippes, les rhumes, les otites y sont plus fréquents. On remarque également que les tensions, les sources de conflit et le niveau de stress augmentent dans les familles lorsque celles-ci vivent dans des appartements trop petits, mal insonorisés. De plus, le coût du logement apparaît capital pour l'organisation familiale. Si l'alimentation, l'habillement et les loisirs subissent continuellement des coupures radicales à cause du prix du logement, la qualité de la santé physique et mentale en sera affectée. Habiter un logement, c'est avant tout vivre dans un milieu social. Une forte densité de circulation, une exposition plus grande aux substances toxiques, un milieu propice à la criminalité et un manque d'installations récréatives sont tous des facteurs qui accroissent les risques de développer des problèmes sociaux ou des problèmes de santé. Par contre, on a observé qu'à pauvreté égale, un quartier où les liens sociaux sont encore très vivants présentera moins de problèmes de santé et moins de difficultés d'adaptation sociale. Afin d'améliorer la qualité de l'habitat des ménages à faible revenu, le Ministre entend: appuyer son collègue responsable de la Société d'habitation du Québec dans ses efforts visant à: améliorer l'accessibilité au logement à prix modique, particulièrement pour les familles monoparentales pauvres; développer les formules de logements sociaux de type coopératif et de soutien au revenu de façon à favoriser la stabilité des familles à faible revenu et la protection de leur réseau social. L'emploi. Accentuer la création d'emplois stables et améliorer l'accès au marché du travail. Les effets du chômage sont bien connus: les écarts de santé physique et de santé mentale entre les gens qui occupent un emploi et les chômeurs s'accroissent au fur et à mesure que la période de chômage se prolonge. Plusieurs problèmes affectent davantage les chômeurs: troubles psychologiques, désordres physiques comme l'hypertension, maladies cardiaques. Les variations du taux de chômage se répercutent dans une proportion similaire sur le taux de suicide. Enfin, une hausse du chômage s'accompagne généralement d'une montée de la délinquance et de la criminalité. Par ailleurs, le soutien social constitue un facteur de protection important chez les chômeurs. En plus de fournir un revenu, le travail procure l'autonomie, l'intégration sociale, la satisfaction, et le sentiment d'exercer un contrôle sur sa vie. Depuis le début des années 80, le taux de chômage se maintient autour de 10 %. Les jeunes sont particulièrement touchés et, de façon globale, certaines régions comme le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la Côte-Nord et le Nord du Québec. Il faut également signaler une augmentation importante des emplois précaires chez les jeunes et les femmes. Le marché du travail comporte encore beaucoup d'obstacles à l'intégration des personnes ayant des incapacités. L'accès à l'emploi pour ces personnes représente pourtant une condition essentielle d'intégration sociale. Afin d'accentuer la création d'emplois, le Ministre entend: appuyer les efforts de ses collègues des autres ministères et organismes concernés visant à augmenter la création d'emplois stables et à améliorer l'accès au marché du travail; sensibiliser davantage les principaux acteurs des secteurs public et privé à la nature des obstacles à l'emploi pour les personnes qui ont des incapacités, et aux moyens de réduire ces obstacles; inviter ses collègues des autres ministères et organismes à relancer le programme gouvernemental d'intégration à l'emploi des personnes handicapées dans la Fonction publique; poursuivre, dans les établissements de santé et de services sociaux, la réduction du nombre d'emplois occasionnels en augmentant de 40 % à 60 % la proportion d'emplois réguliers pour le personnel infirmier; encourager la mise sur pied de groupes de soutien pour les chômeurs. Certains groupes sociaux cumulent de nombreux problèmes et présentent un plus grand nombre de facteurs de risque: habitudes de vie néfastes, environnements sociaux perturbés, difficultés économiques. Selon les problèmes et les facteurs de risque envisagés, les groupes sociaux les plus affectés appartiennent à l'un ou l'autre sexe, à un groupe d'âge, à une culture ou à un milieu géographique. D'autres doivent vivre avec une incapacité. Enfin, le niveau socio-économique ressort, la plupart du temps, comme un élément majeur. Or, on constate que l'appartenance à ces groupes sociaux comporte des implications multiples dans l'existence des personnes qui en font partie, et qu'elle façonne même leur vision de la santé et du bien-être. Le choix d'agir pour et avec les groupes vulnérables est fondé sur la conviction que les actions, pour être efficaces, doivent être élaborées à partir des perceptions propres à ces groupes, de leurs valeurs, se traduire dans leur langage, mettre à contribution leur dynamisme, leurs forces et celles du milieu. Quels sont les groupes vulnérables? Le sexe et le groupe d'âge auquel un individu appartient déterminent certaines spécificités biologiques, des étapes de développement et des processus physiologiques distincts. Mais ils déterminent également une position particulière dans l'organisation sociale, des rapports de pouvoir et de dépendance qui modulent profondément les conditions de vie et les capacités d'agir de l'individu. Les jeunes, les personnes âgées et celles qui ont une incapacité, même s'ils vivent des problèmes fort différents, ont en commun un faible niveau d'intégration sociale, la non-reconnaissance de leur apport à la vie collective, et à certains moments des besoins importants de soutien et d'aide. Les conditions économiques et l'environnement social qui reproduisent la violence à l'endroit des femmes, des enfants et des personnes âgées représentent aussi une dimension importante chez ces groupes. Bien que la situation économique et l'état de santé des communautés culturelles soient dans l'ensemble plutôt bons, ces communautés sont composées de sous-populations très hétérogènes polarisées aux deux extrêmes de l'échelle socio-économique. Certaines sont plus favorisées et scolarisées que la moyenne québécoise, d'autres sont très défavorisées et sous-scolarisées. Les communautés de petite taille implantées récemment se retrouvent davantage dans ce dernier groupe. L'expérience d'immigration est en elle-même une source importante de stress. Les premières années s'accompagnent souvent de difficultés d'intégration sociale et professionnelle. Les réactions de la communauté d'accueil ont aussi un impact déterminant sur la santé mentale et l'adaptation des individus à moyen et à long terme. Les communautés autochtones, pour leur part, sont aux prises avec une situation socio-économique précaire sur tous les plans et affichent un profil de santé très défavorable, autant sous l'angle de la mortalité, de la morbidité que des problèmes sociaux. La culture et le mode de vie des nations autochtones ont été profondément bouleversés depuis une trentaine d'années. La sédentarisation et la transformation des valeurs ont engendré des tensions intergénérationnelles qui affectent les réseaux familiaux et communautaires et produisent une nette détérioration du tissu social. Enfin, la démonstration des problèmes que rencontrent les gens de milieu défavorisé n'est plus à faire. Certaines grandes régions sont plus touchées par la pauvreté, comme le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, l'Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et le Nord du Québec. On peut également observer les plus fortes concentrations de problèmes sociaux et de problèmes de santé dans les vieux quartiers des centres-villes, par opposition aux banlieues, et dans les villes de ressources, dont l'activité repose sur l'exploitation des ressources minières et forestières. Les populations de certains villages de l'arrière-pays sont également défavorisées au regard de la santé et du bien-être. Les conditions économiques et le tissu social se conjuguent donc aux caractéristiques physiques de chaque milieu pour déterminer son profil socio-sanitaire. Ces divers groupes sociaux cumulent un grand nombre de facteurs de vulnérabilité. Mais, tenant compte du fait qu'ils se recoupent aussi entre eux et qu'en réalité les mêmes personnes appartiennent simultanément à plus d'un groupe, on peut arriver à définir des populations bien circonscrites auprès desquelles les efforts doivent être intensifiés. On en arrive ainsi à identifier les groupes vulnérables, que l'on peut répartir de la façon suivante: Sur le plan individuel les jeunes de milieu défavorisé, principalement en ce qui a trait à l'amélioration des milieux de vie, au soutien du rôle parental et des réseaux d'aide naturels, à la promotion de la santé mentale et de la santé sexuelle, à la promotion de meilleures habitudes de vie et de comportements protecteurs au regard de la santé et du bien-être; les femmes âgées défavorisées et qui vivent seules, principalement en ce qui a trait au maintien de leur autonomie et de leur intégration sociale, préférablement dans leur milieu naturel de vie, et à l'amélioration de leur niveau socio-économique; les personnes qui ont une incapacité modérée ou grave, principalement en ce qui a trait au maintien et au développement de leur intégration sociale. Sur le plan familial. les familles avec enfants qui vivent une situation de violence, principalement en ce qui a trait à la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes, au renforcement du lien d'attachement parents-enfants, au soutien du rôle de parent, ainsi qu'au dépistage et à l'aide aux victimes et aux enfants témoins de violence; les familles monoparentales à faible revenu, principalement en ce qui a trait à la prévention des maternités précoces, à la lutte à la pauvreté et à l'isolement social, au soutien dans le soin des enfants, à la protection de la santé mentale et à l'adaptation consécutive aux ruptures. Sur le plan des communautés. les populations récemment immigrées, principalement en ce qui a trait au soutien à l'intégration sociale et professionnelle, à l'accès à une information et à des services culturellement adaptés; les communautés autochtones, principalement en ce qui a trait à l'action communautaire, à l'«autochtonisation» progressive et à la prise en charge des services sociaux et des services de santé par les communautés; les populations des quartiers défavorisés, des villes de ressources et de plusieurs villages de l'arrière-pays, principalement en ce qui a trait au respect des spécificités et à la reconnaissance des dynamismes locaux. Pour être efficace, l'action dirigée vers ces groupes vulnérables doit s'inscrire dans des approches adaptées à leurs réalités, qu'ils s'agisse de prévention ou de soins curatifs. Cela suppose une bonne connaissance de ces groupes, qui va au delà de l'information sur leur état de santé et de bien-être. Le développement de pratiques et l'élaboration d'outils appropriés, la formation des intervenantes et intervenants avec qui ils sont en contact constituent également des éléments essentiels. Afin de réduire les problèmes et les facteurs de risque en agissant pour et avec les groupes vulnérables, le Ministre entend: allouer les ressources de manière à intensifier l'action dans les communautés et les territoires où sont concentrés les groupes vulnérables; adapter les services aux valeurs et aux styles de vie de ces groupes; soutenir les actions visant à améliorer les conditions de vie et la qualité des milieux de vie de ces groupes; intensifier et diffuser la recherche permettant d'améliorer la compréhension de la problématique des groupes vulnérables, de leurs problèmes sociaux et de leurs problèmes de santé; v évaluer l'impact des interventions auprès de ces groupes; voir à ce que la formation de base et la formation en cours d'emploi du personnel intègrent la problématique des groupes vulnérables. Cinquième stratégie. Harmoniser les politiques publiques et les actions en faveur de la santé et du bien-être. Les problèmes de santé et les difficultés d'adaptation et d'intégration sociales d'une partie de la population coûtent très cher à la société sur le plan financier mais surtout sur le plan humain. Ces problèmes entraînent une dépendance sociale et l'ensemble de la collectivité doit assumer les coûts des mesures de compensation et des services qui deviennent alors nécessaires. De plus, les clientèles qui cumulent de nombreux problèmes sociaux et problèmes de santé sont souvent les mêmes que celles pour qui les autres secteurs de l'activité gouvernementale développent une multitude de mesures et de services. Une plus grande mise en commun des efforts et des objectifs destinés à ces groupes vulnérables aurait certainement un impact beaucoup plus considérable. Cinq grandes priorités d'action ressortent comme essentielles pour atteindre les objectifs de la politique: le renforcement du milieu familial; le renforcement du milieu scolaire; le développement et le renforcement des réseaux sociaux; l'accès au travail; la réduction de la pauvreté. Ces champs d'action relèvent en bonne partie de secteurs autres que celui de la santé et des services sociaux. Même si plusieurs de ces priorités sont déjà partagées par d'autres acteurs gouvernementaux, elles ne doivent pas être abordées de manière sectorielle. Pour être efficace, l'action doit être coordonnée au niveau gouvernemental et trouver ses applications à tous les échelons d'intervention. Deux niveaux d'action sont nécessaires pour relever ces défis: la coordination des interventions des pouvoirs publics et le développement des dynamismes locaux et régionaux. Les interventions des pouvoirs publics. Harmoniser les politiques publiques. Le manque d'harmonisation des politiques publiques, leur rigidité, contribuent parfois à affaiblir certains milieux ou encore à perpétuer les inégalités. Il faut éviter, par exemple, d'adopter des mesures qui, même si elles permettent des économies dans un secteur donné, ont pour effet d'augmenter les dépenses dans un autre, à cause des conséquences sociales qu'elles entraînent. Les politiques sociales doivent être harmonisées entre elles, et intégrer davantage la perspective de la santé et des services sociaux. Elles prendront en considération et tenteront de corriger certaines lacunes du développement qui ont des répercussions importantes sur la santé et le bien-être. Les bénéfices à court terme ne peuvent estomper les effets à moyen et à long terme. Les politiques et les programmes touchant en particulier les familles et les groupes vulnérables doivent recevoir une très grande attention. Mais les politiques publiques ne sont pas destinées uniquement à réduire les conséquences des problèmes. Plusieurs permettent d'orienter le développement. Ces politiques peuvent ainsi favoriser la mise en place de conditions favorables à la santé et au bien-être et, ce faisant, de conditions favorables au développement social et économique. Afin de favoriser l'harmonisation des politiques publiques et des interventions, le Ministre entend: s'associer à ses collègues des autres ministères et organismes publics concernés pour mettre en oeuvre des plans d'action intersectoriels qui viseront à contrer la dépendance sociale selon les cinq priorités énoncées ci-haut. Le dynamisme local et régional. Miser sur le dynamisme local et régional. Tout individu s'identifie à un milieu. Il y développe des liens, y tisse un réseau social qui façonne son appartenance. Parfois, il peut également faire partie de diverses organisations, de réseaux de soutien ou encore de groupes d'entraide. Les gens s'identifient généralement à leur quartier, à leur village, à leur municipalité, puis à leur région. C'est donc à l'échelle locale que se développe d'abord la conscience de la qualité de vie et des éléments qui la composent: la santé, l'économie, la prévention des problèmes sociaux, l'environnement, la sécurité. Les municipalités sont appelées à devenir des partenaires plus importants pour l'amélioration de la santé et du bien-être. Leur champ de juridiction leur permet d'agir sur les facteurs déterminants de la santé et du bienêtre (qualité de l'eau, de l'air, gestion des déchets, aménagement, loisirs...~; elles possèdent une connaissance fine des besoins particuliers de leur population; elles constituent d'importants agents de concertation; avec la réforme de la santé et des services sociaux, elles peuvent désormais participer à l'orientation des services puisqu'elles occupent une place dans les conseils d'administration des régies régionales de la santé et des services sociaux. L'affirmation des régions s'est accentuée graduellement depuis la Révolution tranquille des années 60. Aujourd'hui, elles affichent une personnalité propre qui constitue un moteur de dynamisme pour la société. La décentralisation annoncée par la réforme vise justement à favoriser le dynamisme local et régional. C'est à ce niveau que la population est le mieux en mesure d'agir pour orienter les décisions et se donner les services qui correspondent le mieux à ses besoins particuliers. C'est également sur le terrain que la coopération intersectorielle peut trouver ses meilleures assises. La politique réaffirme l'importance de reconnaître aux nouvelles régies régionales, aux établissements et aux organismes concernés toutes les responsabilités nécessaires pour qu'ils puissent traduire les objectifs en fonction des besoins de leur milieu et adopter les mesures qui s'imposent. Afin de favoriser le dynamisme au niveau local, le Ministre entend: soutenir au niveau municipal le développement des initiatives en faveur de la santé et du bien-être et notamment le réseau «Villes et villages en santé»; favoriser le renforcement des réseaux sociaux par le soutien aux groupes d'entraide et aux organismes communautaires, particulièrement dans les milieux les plus vulnérables. Afin de favoriser le dynamisme au niveau régional, le Ministre entend: inciter les régies régionales à travailler avec les différents intervenants de la région, tout particulièrement ceux dont l'action a un impact sur la santé et le bien-être de la population. Sixième stratégie. Orienter le système de santé et de services sociaux vers les solutions les plus efficaces et les moins coûteuses. Les objectifs, les voies d'action prioritaires et les stratégies de la politique commandent au système de santé et de services sociaux: de considérer la production de services comme un moyen et non comme une fin en soi; de considérer les individus, les groupes et les communautés comme des acteurs dans la recherche de solutions à leurs problèmes et non seulement comme des bénéficiaires de services; de s'ouvrir à la collaboration à l'intérieur même du système et avec des partenaires extérieurs. Considérant ces impératifs, et sur la base des responsabilités et des compétences des différents acteurs du système, le Ministre entend: veiller à la mise en oeuvre et à l'ajustement progressif des voies d'action prioritaires et des stratégies de la politique en fonction des objectifs fixés. Cet engagement suppose la consolidation de quatre fonctions explicitement reconnues par le législateur: la conception des programmes au niveau national; la régionalisation de l'organisation des services et de l'aménagement des ressources pour mettre en oeuvre les programmes; la répartition équitable des ressources; l'évaluation des résultats. De plus, la réussite de la politique est conditionnelle à la mobilisation que le Ministère et son réseau susciteront autour des buts qu'elle poursuit et au développement de la politique elle-même. La conception des programmes et la régionalisation des services. Organiser et gérer les interventions en fonction des clientèles à rejoindre et des problèmes à résoudre. Actuellement, la gestion du système de services se fait essentiellement par catégorie d'établissements ou encore par groupe de professionnels. C'est donc principalement par rapport à l'unité de production que l'organisation des services est conçue. On a souvent dénoncé le cloisonnement, la rigidité, le chevauchement et l'inefficacité des interventions qui peuvent résulter d'un tel mode d'organisation. De plus, l'imputabilité au sein du système porte davantage sur le respect de l'enveloppe allouée et des règles budgétaires que sur l'atteinte de résultats exprimés en termes de réduction de problèmes. Pour organiser et gérer les interventions en fonction des objectifs et des stratégies de la politique, le Ministre entend: utiliser comme base d'organisation des activités les cinq grands champs suivants: l'adaptation sociale; la santé physique; la santé publique; la santé mentale; l'intégration sociale. Ces cinq champs d'activité regroupent l'ensemble des problèmes prioritaires auxquels fait face la clientèle du réseau des services de santé et des services sociaux. A l'intérieur de ces champs d'activité, le Ministre entend: définir les orientations et les priorités et identifier les résultats attendus en lien avec les objectifs de la politique de la santé et du bien-être; concevoir les programmes de façon à intégrer l'ensemble des activités destinées à une clientèle ou à une problématique particulière pour lesquelles sont consenties des ressources humaines, matérielles et financières; demander aux régies régionales d'organiser l'ensemble des services requis en fonction de ces orientions, priorités, objectifs et ressources, en assurant un équilibre et une intégration de la gamme des interventions: prévention, promotion, diagnostic, traitement, protection, réadaptation, compensation, intégration sociale; organiser un système de reddition de comptes en fonction des résultats obtenus et conçu pour chacun des niveaux de décision (établissement, organisme local, régie régionale, ministère). Ce nouveau cadre d'organisation et de gestion des activités du système orientera progressivement l'allocation des ressources humaines, matérielles et financières ainsi que le développement des systèmes d'information. Pour le champ d'activité spécifique de la santé publique et conformément aux mandats confiés par le législateur, le Ministre entend: s'appuyer sur les responsabilités régionales visant à: informer la population de l'état de santé général des individus qui la composent, des problèmes de santé prioritaires, des groupes les plus vulnérables, des principaux facteurs de risque et des interventions jugées les plus efficaces; identifier les situations susceptibles de mettre en danger la santé de la population et voir à la mise en place des mesures nécessaires à sa protection; assurer le développement d'une expertise en prévention et en promotion de la santé au bénéfice de l'ensemble des programmes confiés à la régie régionale; prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé publique. Deux secteurs d'activité commandent une attention particulière dans l'organisation des services et l'aménagement des ressources: la promotion et la prévention, et les services de base. Accentuer les activités de prévention et de promotion de la santé et du bien-être. La prévention et la promotion de la santé et du bien-être sont au coeur des voies d'action prioritaires et des stratégies de la politique. Elles doivent donc être intégrées aux orientations ministérielles par champ d'activité, aux programmes et aux plans d'organisation de services élaborés en vertu de ces programmes. Enfin, elles seront supportées à tous les niveaux de décision du système de santé et de services sociaux. La prévention vise essentiellement la réduction des problèmes de santé et des problèmes sociaux par l'action sur les facteurs de risque et de vulnérabilité. La promotion de la santé et du bien-être vise plutôt à renforcer les facteurs de protection par des actions qui misent sur le potentiel des personnes et des groupes. La prévention est étroitement liée au développement des connaissances pour chaque problème particulier. Elle englobe toutes les mesures destinées à agir avant l'apparition ou dès les premières manifestations d'un problème. La promotion de la santé et du bien-être fait appel à diverses activités dans le but de permettre à des groupes de participer activement à l'amélioration de leur santé et de leur bien-être. Ce sont l'éducation pour la santé, le développement communautaire, le marketing social, la communication . Ces deux fonctions centrales supposent: la disponibilité d'une information précise sur les facteurs déterminants et sur les groupes vulnérables; la surveillance continue de l'évolution de l'état de santé et de bien-être de la population; la possibilité de détecter les premières manifestations des problèmes. Afin de mieux soutenir la prévention et la promotion de la santé et du bien-être à tous les échelons du système de services, le Ministre entend: consacrer à ces activités un minimum de 20 % de l'ensemble des budgets de développement déjà prévus pour l'implantation de la réforme; mettre en place, dans les plus brefs délais, le Centre d'expertise en prévention et en promotion de la santé et du bien-être prévu dans le cadre de la réforme. Accroître et consolider l'accessibilité aux services de base. Depuis les années 70, des efforts importants ont été consentis pour éliminer les obstacles à l'accès aux services. Mais l'accroissement de l'accessibilité a souvent correspondu au développement des solutions les plus sophistiquées et les plus coûteuses pour la société. ? titre d'exemple, on remarque que près de 50 % des Québécois et des Québécoises utilisent les services d'urgence hospitalière comme premier point de contact avec le système de services. Pour l'ensemble du Canada, cette proportion est de 30 % et pour l'Ontario, de moins de 25 %. Seulement 5 % des personnes utilisent les CLSC à cette fin. La plus grande accessibilité possible aux services doit demeurer une préoccupation de première importance. Elle doit par ailleurs être balisée par deux éléments: l'implication étroite des personnes, des groupes et des communautés dans les interventions qui leur sont destinées ainsi que le recours aux solutions les plus simples et les plus efficaces. C'est dans cet esprit que la priorité est accordée à la consolidation et au développement des services de base dans les champs d'activité de l'adaptation sociale, de la santé physique, de la santé publique, de la santé mentale et de l'intégration sociale. Pour accroître l'accessibilité aux services de base et donner le plus de place possible aux solutions développées pour, avec et par les communautés, et en continuité avec la réforme des services de santé et des services sociaux, le Ministre entend: consolider le CLSC comme établissement de première ligne, accroître la disponibilité des services qui y sont offerts et en faire un lieu privilégié de concertation au niveau local; augmenter les subventions aux organismes communautaires selon les proportions et le rythme prévus lors de la réforme, et favoriser leur participation à la prise de décision et à la concertation au sein du réseau. La répartition équitable des ressources. L'organisation des activités du système de santé et de services sociaux en fonction d'objectifs de résultat modifie la façon actuelle d'allouer les ressources, essentiellement orientée sur l'offre de services. La nouvelle répartition des ressources doit reposer sur une information précise quant à l'évolution des problèmes de santé et des problèmes sociaux dans la population et chez les groupes, par territoire. Elle doit permettre de corriger les disparités actuelles et d'atteindre, le plus efficacement possible, les résultats escomptés. Enfin, elle doit s'appuyer sur le principe que les gestionnaires ne sont pas seulement responsables de l'équilibre budgétaire de leur organisation, mais également de l'atteinte des résultats exprimés en termes de réduction de problèmes. Conséquemment, le Ministre entend: répartir les ressources humaines, matérielles et financières par champ d'activité et par programme; répartir ces ressources entre les différentes régions en fonction essentiellement des bassins de population à desservir et des caractéristiques des populations; s'assurer que la répartition intrarégionale des ressources s'effectue selon ces mêmes éléments et incite à recourir aux solutions jugées les plus efficaces et les plus appropriées; tenir compte tout particulièrement des territoires où les groupes les plus vulnérables sont concentrés. L'évaluation. Le système de santé et de services sociaux doit utiliser ses ressources de la façon la plus judicieuse possible. La réforme et la nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux contiennent diverses mesures visant à améliorer l'efficience du système de services. L'adoption d'objectifs de résultat inscrit la recherche de l'efficience au coeur même de toutes les activités du système. Monitorer les activités et évaluer les interventions. Deux instruments sont essentiels pour pouvoir apprécier la contribution du système à l'atteinte des résultats et permettre le choix des moyens les plus efficaces, soit le monitorage et l'évaluation: Le monitorage s'appuie sur un ensemble d'indicateurs fiables. Il permet de suivre dans le temps et dans l'espace l'évolution de la situation eu égard aux buts recherchés, par exemple la réduction d'un problème, son évolution chez certains groupes, la répartition équitable des ressources humaines, matérielles et financières. Ces indicateurs attirent l'attention sur des résultats inadéquats pouvant justifier une intervention correctrice. Les systèmes d'information «clientèle» et «population», et les données d'enquête sur l'état de santé et de bien-être de la population représentent ici des éléments essentiels. L'évaluation vise à porter un jugement sur la pertinence, l'efficience, l'efficacité, la qualité et l'impact de l'ensemble des interventions dans le système. Elle permet de repérer la pertinence des interventions pour atteindre les résultats recherchés auprès d'une clientèle donnée. L'évaluation permet enfin de redessiner l'organisation et le fonctionnement des ressources en fonction d'une clientèle ou d'un problème particulier, pour en améliorer la performance. Le monitorage comme l'évaluation sont des instruments de gestion essentiels à chacun des niveaux de décision: ministère, régie régionale, organisme local et établissement. Pour suivre l'évolution des objectifs de la politique et des activités réalisées par le système de santé et de services sociaux, le Ministre entend: développer des indicateurs fiables de l'état de santé et de bien-être de la population et des communautés qui la composent et ce, particulièrement dans le domaine social; n reconduire tous les cinq ans l'enquête Santé Québec; consolider le développement des systèmes d'information «clientèle» et «population», en fonction des champs d'activité et des programmes; évaluer systématiquement, et de manière continue, la qualité et l'efficacité des interventions, des technologies et, plus largement, des services de santé et des services sociaux; réviser périodiquement la gamme des services assurés en fonction des besoins, de l'efficacité des interventions et des résultats obtenus. L'implantation et le développement de la politique. La politique de la santé et du bien-être est un guide dynamique. Il est essentiel d'assurer sa mise à jour constante, d'en faire un outil de développement et de partage des connaissances. Le suivi de la politique repose sur la participation de la population et du milieu de la recherche, des intervenants et intervenantes du réseau de la santé et des services sociaux et des autres secteurs d'activité, des gestionnaires et des organismes communautaires. L'implantation de la politique. Pour l'implantation de la politique, le Ministre confie dès maintenant aux régies régionales le mandat de: traduire les objectifs et les stratégies de la politique en fonction, d'une part, des caractéristiques sociosanitaires de la population de leur région et, d'autre part, du résultat visé pour l'ensemble du Québec; mettre en oeuvre un plan d'action pour rencontrer les objectifs et les stratégies fixés, en concertation avec les établissements et les organismes du milieu. Ce plan d'action sera approuvé par l'assemblée régionale et il sera révisé à tous les trois ans. Le développement des connaissances. Malgré l'avancement accéléré des connaissances en matière de santé et de bien-être et un appui constant des activités de recherche au moyen de divers programmes (Fonds de la recherche en santé du Québec, Conseil québécois de la recherche sociale, subventions à la recherche en santé communautaire), certains champs demeurent encore inexplorés ou sous-développés. C'est le cas notamment de la recherche qui porte sur les déterminants de la santé et du bien-être et sur les groupes vulnérables, et de la recherche clinique, notamment celle qui vise à développer et à apprécier les outils diagnostiques et les modalités thérapeutiques destinées à accroître la durée ou la qualité de vie des personnes. La recherche doit être orientée vers l'analyse des différentes problématiques sociales, du rôle des conditions de vie, des habitudes et des comportements reliés à la santé et au bien-être. Elle doit enfin permettre d'accroître le savoir-faire et l'efficacité en milieu clinique et auprès des groupes vulnérables. Dans cette optique, le Ministre entend: développer la recherche sur les facteurs de protection et de promotion de la santé et du bien-être, ainsi que sur la situation des groupes vulnérables; développer la recherche évaluative, notamment sur l'efficacité et la qualité des interventions; soutenir la recherche-action, réalisée dans les milieux de vie et en collaboration avec ces derniers. Le développement des ressources humaines. Des dizaines de milliers de personnes qui oeuvrent dans le secteur de la santé et des services sociaux - les membres de conseil d'administration, les bénévoles, les gestionnaires, les professionnels et tout le personnel du réseau de services - auront un rôle crucial à jouer dans la réalisation de la politique de la santé et du bien-être. La formation de base et la formation en cours d'emploi des ressources humaines doivent être adaptées pour intégrer les nouveaux choix: la gestion par résultats, l'intégration dans la pratique des connaissances sur les déterminants de la santé et du bien-être, la priorité aux interventions les plus efficaces, l'intervention auprès des groupes vulnérables, le contrôle de la qualité, l'évaluation des résultats. La coopération à tous les niveaux, du gestionnaire au praticien, entre les institutions d'enseignement et les établissements de santé et de services sociaux doit également être accentuée, notamment pour définir le contenu des programmes et multiplier les stages pratiques. Enfin, toutes les personnes concernées doivent être préparées à participer activement à l'orientation et à l'organisation des services. Dans cette optique, et en harmonie avec les mesures adoptées lors de la réforme, le Ministre entend: s'associer au ministre de l'Éducation et à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science afin de traduire les objectifs, les voies d'action et les stratégies de la politique ainsi que l'évolution des connaissances qui y sont associées à l'intérieur des programmes de formation des futurs professionnels et gestionnaires de la santé et des services sociaux; inviter les établissements et les régies régionales à harmoniser les plans annuels de développement des ressources humaines avec la politique de la santé et du bien-être et les plans régionaux d'organisation de services; soutenir les efforts visant à préparer les membres des conseils d'administration à remplir pleinement leur rôle; poursuivre le rattrapage en matière de financement de la formation, de manière à ce que les sommes allouées pour le perfectionnement dans le réseau de la santé et des services sociaux soient comparables à celles dont bénéficient le réseau de l'éducation et 1 Fonction publique. Le développement continu de la politique. De façon à favoriser le développement continu de la politique de la santé et du bien-être, et pour appuyer la mobilisation de tous les agents sociaux autour des objectifs qu'elle poursuit, le Ministre entend: faire part annuellement au gouvernement et à la Commission parlementaire des affaires sociales des principales mesures adoptées par son ministère pour favoriser l'atteinte des objectifs et l'adhésion aux stratégies d'action de la politique; faire en sorte que les régies régionales lui fassent part annuellement, et rendent compte à tous les trois ans à la Commission parlementaire des affaires sociales, de l'état d'avancement du plan d'action régional pour rencontrer les objectifs et les stratégies de la politique; solliciter les avis du Conseil de la santé et du bien-être sur l'implantation de la politique et sa mise à jour; s'associer au Conseil de la santé et du bien-être afin de tenir, à tous les trois ans, un forum national, dans le but d'évaluer les progrès réalisés, de partager les connaissances, de faire état des expériences réalisées dans différents milieux et d'informer la population. Conclusion. Pour le développement social et économique du Québec: miser sur l'amélioration de la santé et du bien-être de tous les groupes de la population. Depuis une vingtaine d'années, les questions de santé et de bien-être ont été souvent ramenées à un débat sur l'expansion du système de services: d'un côté, les demandes du public, des établissements, des groupes professionnels et des syndicats pour accroître les services et les ressources; de l'autre, l'inquiétude du gouvernement quant au rythme de croissance des dépenses. La santé et le bien-être sont ainsi devenus objets de revendication autant que de contrôle. La politique adopte une vision moins restrictive et replace la santé et le bien-être dans leur contexte véritable: la société. Elle réaffirme au fond une évidence, que l'Histoire nous avait maintes fois confirmée: les améliorations de la santé et du bien-être les plus spectaculaires sont largement associées à de meilleures conditions de vie, à la qualité de l'environnement social et, de façon générale, à un accroissement de la prospérité. Certes, la collectivité a fait le choix de protéger tous ses membres contre les risques individuels de connaître la maladie. D'un autre côté, nous savons que beaucoup de risques ne sont pas le fait du hasard; ils se retrouvent invariablement dans certaines couches sociales, au sein de groupes spécifiques. En définitive, tous les indices nous commandent aujourd'hui de déborder le cadre strict du système de services et de considérer les mesures sociales qui peuvent affecter la santé et le bien-être. Le défi: offrir les «bons services» au «bon endroit» et au «bon moment». Au cours des dix prochaines années la société québécoise devrait investir, en tenant compte de la capacité de payer des contribuables, plus de 130 mil liards de dollars en valeur d'aujourd'hui dans les services de santé et les services sociaux. Ces ressources considérables doivent être gérées de la meilleure manière possible. Aucune analyse ne permet actuellement de penser qu'il faut encore accroître les services pour améliorer la santé et le bien-être de la population. Le défi actuel consiste plutôt à offrir les «bons services» au «bon endroit», et au «bon moment», ceux qui permettront d'atteindre les objectifs fixés. Ce défi engage toute la société puisque de nouvelles pressions pourraient s'exercer sur le système de santé et de services sociaux si des investissements dans l'éducation, la famille et l'emploi n'étaient pas considérés. Des retombées positives pour le développement social et économique. La politique de la santé et du bien-être s'inscrit dans le prolongement de la réforme du système de services. Elle définit la nouvelle orientation qui doit désormais guider l'organisation et le fonctionnement du réseau de la santé et des services sociaux. Mais, élément encore plus fondamental, si elle mobilise suffisamment et permet une diminution de la prévalence et de l'ampleur des principaux problèmes de santé, d'adaptation et d'intégration sociales, on peut émettre l'hypothèse suivante: la politique aura des retombées positives pour le développement économique et social du Québec. La dépendance sociale: des coûts énormes. Lorsqu'on parle de la compétitivité de l'économie québécoise par rapport à d'autres économies, les coûts de la dépendance sociale doivent forcément entrer en ligne de compte, comme charge directe ou indirecte sur les profits ou la masse salariale des entreprises, ou sur les revenus des particuliers. Les économistes expriment souvent les coûts de cette dépendance sociale en perte de productivité potentielle ou déficits sociaux. Pour l'année 1990, on évaluait, pour le Canada, à 25 milliards de dollars la production et le revenu national perdus en salaires non versés, en profits non réalisés, en impôts sociaux. Les problèmes sociaux et les problèmes de santé de la population: un frein au développement du Québec. Les difficultés d'adaptation et d'intégration sociales ainsi que les problèmes de santé qu'éprouve une partie trop importante de la population constituent un handicap certain au développement du Québec. Non seulement fautil en assumer les coûts, mais il faudra continuer à le faire pour les prochaines générations. Alors que la population du Québec devrait cesser de croître au tournant du millénaire et que le vieillissement s'accentuera, l'utilisation optimale de la main-d'oeuvre s'imposera comme une obligation. Signalons qu'en 1986 chaque personne âgée était soutenue par près de cinq membres de la main-d'oeuvre active; en 2011, cette proportion diminuera à quatre, puis à deux en 2031. Cette importante évolution se réalisera sur une période assez courte, soit quarante ans. La main-d'oeuvre, moins nombreuse, devra donc être plus productive, plus innovatrice et plus compétente afin de permettre à la société de prospérer. On prévoit en effet qu'au tournant du siècle, la persistance du problème de la pauvreté chez les enfants, combinée au vieillissement de la population, exacerbera les problèmes structurels de l'économie. Les problèmes suivants sont pointés: une main-d'oeuvre restreinte et insuffisamment formée; une baisse du niveau de vie; de graves inquiétudes concernant la préservation des programmes sociaux et des régimes de retraite. La force fondamentale d'un peuple: sa main-d'oeuvre. Il est reconnu aujourd'hui que le capital, les biens, les services, les technologies industrielles traversent de plus en plus librement les frontières. Un élément n'est cependant pas interchangeable, la main-d'oeuvre, qui constitue la force fondamentale d'un peuple. Or, le Québec éprouve actuellement beaucoup de difficulté à intégrer et à maintenir dans l'univers productif une proportion croissante de sa population: jeunes décrocheurs, chômeurs, femmes responsables de famille monoparentale, toxicomanes, personnes qui ont des problèmes de santé mentale, des incapacités, prestataires de la Sécurité du revenu, itinérants. L'avenir des enfants et des jeunes aux prises avec de nombreuses difficultés d'adaptation et d'intégration sociales est préoccupant. Comment réussiront-ils, une fois devenus adultes, à joindre les rangs d'une main-d'oeuvre de plus en plus spécialisée? Si la pauvreté se maintient au niveau actuel chez les enfants et que ceux-ci continuent à connaître leur lot de problèmes sociaux et de problèmes de santé, il sera impossible pour le Québec de rester compétitif sur le plan économique. Briser la reproduction intergénérationnelle des difficultés d'intégration sociale et des problèmes de santé En somme, il faut briser le cycle de la reproduction intergénérationnelle des difficultés d'intégration sociale et des problèmes de santé qui conduisent très souvent à la pauvreté ou qui en découlent; voilà le premier gain à escompter de l'atteinte des objectifs de la politique. Le second bénéfice sera en quelque sorte une conséquence du premier, soit une intensification du développement du Québec. La politique de la santé et du bien-être propose des actions qui concernent l'ensemble de la collectivité: la population, les pouvoirs publics comme le secteur privé. Si le sens de l'équité et de la justice sociale ne suffit pas à motiver l'adoption des mesures mises de l'avant dans la politique afin de réduire l'ampleur des difficultés d'adaptation et d'intégration sociales de même que les problèmes de santé vécus par plusieurs Québécois et Québécoises, peut-être l'intérêt général y parviendra-t-il. Par l'ampleur des changements qu'elle annonce, la politique de la santé et du bien-être revêt donc une importance considérable pour l'avenir de la société québécoise. Elle fait le pari de la mobilisation autour des objectifs et stratégies qu'elle propose: c'est là une exigence pour le développement social et économique du Québec, en d'autres mots, une condition essentielle de progrès.