*{ Rapport Johnson-Lévesque. Les finances publiques du Québec : vivre selon nos moyens. 1993 } Introduction. En mars 1986, le gouvernement du Québec publiait un document prébudgétaire intitulé «L'urgence d'un redressement», qui dressait le constat de la situation difficile dans laquelle se retrouvaient les finances publiques du Québec et identifiait les problèmes suivants: l'accumulation d'une dette importante, dont une grande partie avait servi à financer des dépenses courantes plutôt que des investissements; des dépenses publiques nettement supérieures à celles de l'Ontario et trop élevées par rapport à la capacité de payer de la société québécoise; un fardeau fiscal trop imposant, menaçant la compétitivité de l'économie. Dans le but de redresser la situation, le gouvernement formulait alors les objectifs qu'il entendait poursuivre en matière de finances publiques au cours des années subséquentes: une restructuration du régime fiscal, de façon à le rendre plus concurrentiel et plus favorable à la croissance économique; un contrôle serré des dépenses, de façon à atteindre un niveau plus compatible avec la capacité de payer du Québec; une amélioration de la situation financière, ce qui devait se traduire par la réduction du déficit et l'équilibre du solde des opérations courantes et permettre de restaurer la flexibilité financière du gouvernement. Des progrès significatifs ont pu être accomplis au cours de la période 1985-1986 à 1989-1990, grâce à un contrôle serré des dépenses et à une progression rapide de l'économie: des améliorations importantes ont été apportées au régime fiscal pour le rendre plus équitable, en particulier à l'endroit des familles, et favoriser la croissance économique; le déficit a été réduit de moitié, passant de 3 344 millions de dollars en 1985-1986 à 1 659 millions de dollars en 1989-1990, le solde des opérations courantes a progressivement été ramené presqu'à l'équilibre et plusieurs autres indicateurs fiscaux et financiers ont aussi été améliorés. Cependant, le redressement des finances publiques n'était pas encore achevé quand est survenue la récession au deuxième trimestre de 1990. La récession de 1990-1991 et la faible reprise économique ont freiné la progression des revenus autonomes et accentué la croissance des programmes de dépenses sensibles à la conjoncture. Cette évolution, conjuguée d'une part aux mesures adoptées par le gouvernement fédéral pour ralentir la croissance des transferts aux provinces et d'autre part aux pressions accrues qui se sont exercées sur les dépenses, n'a pas été sans causer de sérieux problèmes budgétaires. Devant une telle situation, le gouvernement a opté pour une approche responsable dans la gestion des finances publiques. Cela s'est traduit par: une augmentation du déficit, de façon à absorber les impacts de la conjoncture sur les revenus et les dépenses du gouvernement; des mesures encore plus importantes de rationalisation des dépenses et une augmentation du fardeau fiscal, orientée vers les sources de revenu les moins dommageables pour l'économie (taxes sur le tabac, l'alcool, etc), pour financer les hausses de dépenses non reliées à la conjoncture. Malgré les efforts déployés, la situation des finances publiques s'est donc détériorée sensiblement à compter de 1990-1991 et certains indicateurs se sont même détériorés par rapport à leur niveau de 1985-1986. Le gouvernement doit se donner dès maintenant de nouveaux objectifs de redressement de la situation. Cette redéfinition des objectifs de finances publiques devra se faire dans le contexte d'une reprise économique qui s'avère plus lente que lors des cycles précédents. De plus, l'évolution prévisible des transferts fédéraux et la croissance structurelle du niveau des dépenses qu'on peut anticiper vont continuer d'imposer de sérieuses contraintes à l'amélioration des équilibres financiers, alors que le fardeau fiscal et le niveau d'endettement apparaissent déjà trop élevés. Sur le plan extérieur, le Québec doit composer avec des mutations profondes de son environnement économique, caractérisées par la mondialisation accrue des échanges et un redéploiement industriel majeur. Ces transformations amènent plusieurs gouvernements à repenser le rôle joué par l'État depuis l'après-guerre pour le ramener à ses objectifs fondamentaux. Les préoccupations se tournent davantage vers les conditions à mettre en place pour créer la richesse, plutôt que de mettre uniquement l'accent sur les mécanismes visant à la redistribuer. L'objectif recherché est de réussir à maintenir l'essentiel des acquis sociaux tout en facilitant l'adaptation des travailleurs et des entreprises à la restructuration de l'économie. On assiste donc à de nombreuses remises en cause de l'existence et des modalités d'opération de certains services publics. Le mouvement est particulièrement frappant dans des pays qui, comme la Suède, avaient développé considérablement le concept d'État-providence. Mais on l'observe aussi actuellement dans plusieurs autres pays. Le Québec, économie largement ouverte sur le monde, a déjà amorcé cette réévaluation nécessaire du rôle de l'État, mais le mouvement doit s'intensifier. Il faut au Québec, tout comme dans les autres pays industrialisés, s'assurer que le niveau d'intervention gouvernementale soit compatible avec la poursuite du progrès économique. Mais avant de discuter des orientations fiscales et budgétaires souhaitables pour l'avenir, il faut d'abord faire un bilan de la situation économique, ainsi que de celle des revenus, des dépenses et de la situation financière du gouvernement. Partie I. L'état de la situation. Chapitre 1. La situation économique. A- L'évolution conjoncturelle. Les années 1986-1990: des progrès significatifs. De 1986 à 1990, l'économie québécoise a connu une période d'expansion économique comparable à celle de l'Ontario et de l'ensemble de l'économie canadienne. Il s'agit d'un renversement de la tendance qu'on avait observée entre 1981 et 1985. L'économie du Québec a bénéficié durant la majeure partie de cette période de l'expansion de l'économie mondiale, notamment aux États-Unis, principal marché du Québec à l'étranger, et en Ontario, notre plus important marché d'exportation au Canada. Parallèlement à la progression des exportations québécoises, la demande intérieure a également connu une augmentation rapide. Sur ce plan, on a toutefois assisté à un redéploiement des sources de croissance. Les investissements ont notamment connu une accélération qu'on n'avait pas vue depuis la première moitié des années soixante-dix. Les investissements non résidentiels, qui n'avaient progressé que de 2,9 % par année entre 1976 et 1980 et de 0,9 % entre 1981 et 1985, s'élevèrent d'environ 10 % par année de 1986 à 1990. Ce résultat est attribuable tant aux immobilisations reliées au développement du potentiel hydro-électrique du Québec qu'aux investissements privés, notamment ceux réalisés dans le secteur de la fabrication. Dans ce secteur, les immobilisations sont passées de 40,2 % de celles observées en Ontario durant la période 1976-1980 à 53,5 % et 62,5 % au cours des deux périodes quinquennales suivantes. Elles ont en outre atteint un sommet de 85,5 % en 1990. L'accélération des investissements privés au cours des années quatre-vingt s'est accompagnée d'une intensification du rythme de création d'entreprises. Un indicateur de l'entrepreneurship, le nombre de nouvelles incorporations pour 10 000 personnes en âge de travailler, s'est en effet accru, de 36,8 en moyenne entre 1977 et 1980 à 47,4 entre 1981 et 1985 et 61,5 durant la période 1986-1990. Le secteur domiciliaire a également été très actif durant la seconde moitié des années quatre-vingt. Ainsi, les mises en chantier se sont établies à près de 58 000 unités par année de 1986 à l990, quelque 20 000 unités de plus, annuellement, que durant les cinq années précédentes. Enfin, sur le marché du travail, cette accélération de la croissance économique a permis au taux de chômage de diminuer significativement, d'un sommet de 13,9 % en 1983 à un creux de 9,3 % en 1989. Toutefois, l'entrée de l'économie canadienne et de l'économie du Québec en récession en l990 empêcha toute amélioration additionnelle. La récession de 1990-1991 et la reprise lente de 1991-1992. Une hausse importante des taux d'intérêt, l'appréciation du dollar canadien et le ralentissement de l'économie américaine ont poussé l'économie canadienne en récession au printemps de 1990. Entre le premier trimestre de 1990 et le premier trimestre de 1991, la production a ainsi reculé au Canada et au Québec, de 3,6 % et 2,6 % respectivement. La récession a donc été un peu moins prononcée au Québec que dans l'ensemble du Canada et trois fois moins forte qu'en 1982. Une analyse des récessions au Canada depuis les années cinquante montre que l'ampleur de celle de 1990-1991 se situe un peu au-dessus de la moyenne. Au printemps de 1991, une reprise s'est amorcée à la faveur d'une baisse des taux d'intérêt et d'un retour de la croissance aux États-Unis. Toutefois, au cours des dix-huit mois qui ont suivi, la progression de l'activité a été nettement inférieure au potentiel d'expansion de l'économie, au Québec comme dans l'ensemble du pays. Ainsi, après avoir reculé de 0,5 % en 1990 et de 1,4 % en l991, on estime que l'économie aura crû de seulement 0,8 % en 1992 au Québec. Au Canada, la croissance a été limitée à environ l % l'an dernier, le rythme de reprise le plus lent que l'on ait observé depuis plus de cinquante ans. Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette situation. Sur le plan extérieur: aux États-Unis, la reprise a été relativement lente jusqu'à récemment; les autres grands pays industrialisés connaissent un sérieux ralentissement économique, certains d'entre eux, comme l'Allemagne et le Royaume-Uni, ce dernier depuis maintenant deux ans et demie, traversant une récession; en Ontario, destination d'une part importante de la production québécoise, l'économie traverse une phase de restructuration sans précédent après avoir subi une récession qui fut encore plus dure que celle de 1981-1982. Sur le plan intérieur, un certain nombre de contraintes viennent également freiner l'expansion de la demande et de la production au Québec: un taux élevé d'endettement empêche une remontée rapide des dépenses des ménages; des taux d'inoccupation sans précédent continuent de freiner la construction, tant celle d'immeubles résidentiels que celle d'édifices commerciaux; la lenteur des ventes conjuguée à la baisse importante des profits forcent les entreprises à accorder la priorité à l'assainissement de leur situation financière, à privilégier les investissements qui améliorent leur compétitivité et à faire plus avec moins de personnel. Conséquence de la récession, les tensions inflationnistes dans l'économie ont à toutes fins pratiques disparu. Au Canada, le taux d'inflation s'est donc établi à 1,5 % environ l'an dernier. En 1992, la Banque du Canada a ainsi atteint, trois ans plus tôt que prévu, un niveau d'inflation qui est même beaucoup plus bas que l'objectif qu'elle s'était fixé. Le coût de la lutte à l'inflation a cependant été très élevé en terme de ressources inutilisées. Les pertes d'emplois, qui s'étaient amorcées pendant la récession de 1990-1991 se sont poursuivies en 1992, pour totaliser 159 000. Elles ont donc été moins élevées que celles de 227 000 enregistrées durant la récession de 1981-1982. Parallèlement, le taux de chômage est passé d'un creux de 9,3 % en 1989 à 12,8 % en 1992. Les mesures prises par le gouvernement pour soutenir l'économie du Québec. Bien qu'il ne puisse à lui seul contrer tous les effets d'une hausse marquée des taux d'intérêt ou de la valeur du dollar canadien, ou les conséquences d'une dégradation marquée des conditions économiques prévalant chez ses principaux partenaires commerciaux, le gouvernement du Québec a pris, au cours des trois dernières années, une série de mesures pour soutenir l'activité et l'emploi des secteurs les plus vulnérables. Le Budget 1990-1991. Au moment du Budget 1990-1991, l'impact négatif des taux d'intérêt élevés et de l'appréciation du dollar canadien se faisait déjà clairement sentir. Le gouvernement avait alors mis en place des mesures de soutien à la production et à l'emploi, notamment dans l'industrie de la construction, l'une des plus touchées: accélération des investissements publics de 279 millions de dollars; plan quinquennal prévoyant des investissements additionnels de l,7 milliard de dollars dans le réseau routier; nouveau programme de prêts administré par la SDI, Relance-PME, pour aider les entreprises éprouvant des difficultés liées à la récession. Le plan d'action du Premier Ministre - janvier 1991. En janvier 1991, alors que l'économie était en récession, le Premier Ministre annonçait d'importantes mesures conçues de manière à produire des effets rapides sur l'économie, à soutenir l'industrie de la construction et à bénéficier à toutes les régions du Québec: accélération additionnelle des investissements publics de 311 millions de dollars; nouveau programme d'aide à la construction domiciliaire, «Mon taux, mon toit»; hausse des sommes consacrées à la rénovation domiciliaire; aide additionnelle aux entreprises en difficulté temporaire par le biais des programmes de la SDI. Les mesures adoptées depuis novembre 1992. En raison de la lenteur de la reprise et fidèle à l'approche qu'il poursuit depuis trois ans, le gouvernement a, au cours des derniers mois, adopté un certain nombre de mesures additionnelles pour atténuer les effets de la conjoncture difficile chez les entreprises et les travailleurs. Ces mesures, totalisant 566 millions de dollars, sont les suivantes: réduction des taxes applicables au carburant diesel représentant 2,2 ø le litre et réduisant de 52 millions de dollars les coûts annuels de consommation de carburant au bénéfice, principalement, de l'industrie du camionnage et du transport de passagers; élargissement des modalités du Programme Reprise-PME de la SDI et bonification de 29,4 millions de dollars du Programme d'aide à l'intégration à l'emploi (PAIE); accroissement des sommes consacrées au Programme de Soutien à l'Emploi Stratégique (PSES) pour accroître l'embauche de personnel scientifique par les PME et aux programmes Synergie et Recherche-Développement - PME du Fonds de développement technologique pour renforcer la capacité d'innover du Québec; augmentation à 65 millions de dollars des fonds destinés à la rénovation domiciliaire en vertu du Programme de rénovation d'immeubles locatifs (PRIL); hausse de 25 millions de dollars des sommes consacrées au Programme d'aide financière aux infrastructures d'aqueduc et d'égout (AIDA); programme spécial d'accélération des investissements publics de 395 millions de dollars principalement dans le réseau routier et les secteurs de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Santé et des Services sociaux. La politique relative au déficit. Face à la détérioration de la situation financière causée par la conjoncture difficile, le gouvernement a choisi de retarder l'atteinte de ses objectifs en matière de finances publiques pour éviter d'empirer la récession et de retarder la reprise. Il a ainsi laissé augmenter le déficit, mais de façon limitée et seulement pour absorber les impacts temporaires de la conjoncture sur les revenus et les dépenses du gouvernement. B- Une économie en restructuration. Depuis le début des années soixante-dix, un grand nombre d'entreprises et certains secteurs industriels se sont restructurés en réaction aux bouleversements provoqués par l'accentuation de la concurrence suite à la libéralisation des échanges, à l'émergence de nouveaux pays industrialisés, l'accélération des progrès technologiques, à la mise en marché de produits innovateurs et à l'adoption par les concurrents de procédés et de méthodes de production plus efficaces. Conséquence inévitable de ces transformations, la capacité d'adaptation des travailleurs, des entreprises et des gouvernements a été sollicitée fortement, de sorte que l'économie a encouru des coûts d'ajustement importants. Ceux-ci ont été particulièrement mis en évidence au cours des dernières années par les effets de la récession. Le bilan de la restructuration. A l'instar de l'ensemble des pays industrialisés, la tertiairisation de l'économie québécoise se poursuit. Actuellement, près de trois travailleurs sur quatre oeuvrent dans le secteur des services, contre environ un sur deux il y a trente ans. En contrepartie, l'importance du secteur des biens a diminué et le secteur manufacturier a notamment vu sa contribution à l'économie passer de 30 % en 1961 à 19 % en 1990. A l'intérieur du secteur manufacturier, le tissu industriel du Québec s'est aussi profondément modifié ces dernières années. Ainsi, outre le déclin des principales industries intensives en main-d'oeuvre que sont le textile, le vêtement, le cuir et le meuble, un des traits dominants de l'évolution du secteur manufacturier au Québec a été la progression d'industries intensives en technologie et en capital. Cette évolution reflète l'émergence de firmes modernes et dynamiques, en particulier dans les secteurs du matériel de télécommunication, de l'aéronautique, de la machinerie et du matériel électrique. Le défi de la compétitivité. L'accentuation de la concurrence qui a provoqué le mouvement de restructuration des économies industrialisées est un phénomène qui, selon tous les observateurs, se poursuivra au cours des prochaines années. Une des caractéristiques de l'économie québécoise est son degré d'ouverture sur le monde. Le Québec exporte environ la moitié de sa production de biens et services à l'étranger et au reste du Canada. A titre de comparaison, un tel degré d'ouverture correspond presqu'au double de celui des pays membres du G-7. Dans un tel contexte, pour le Québec, le principal enjeu économique de la prochaine décennie concerne le relèvement de sa compétitivité par un accroissement de la productivité. Une réduction du chômage, jumelée à une progression du niveau de vie des citoyens, passe nécessairement par un relèvement de la productivité. Sans un tel relèvement, l'ajustement de l'économie se traduira par des pertes d'emplois ou par une réduction des salaires. Dans une économie industrialisée comme le Québec, la solution au problème de la compétitivité passe donc par la création continuelle d'avantages concurrentiels dans les domaines axés sur la production de biens et de services à forte valeur ajoutée, exigeant un haut degré d'expertise et reposant sur l'innovation. Malgré certains progrès, le Québec accuse encore un retard important par rapport à ses concurrents sur le plan de la productivité. En l990, l'écart atteignait 7 % par rapport à l'Ontario, qui elle-même affichait un niveau de productivité de l0 % inférieur à celui des États-Unis. Tant au Québec qu'au Canada, l'évolution de la productivité du travail dans le secteur manufacturier a été insatisfaisante depuis 1980, de sorte que l'écart par rapport aux États-Unis s'est creusé pour se chiffrer actuellement à environ 35 %. La réduction de cet écart constitue un des principaux enjeux économiques pour le Québec. L'expérience montre que dans l'environnement concurrentiel actuel, un certain nombre de conditions de base doivent être réunies pour assurer la compétitivité et la prospérité d'une économie. Il faut que les entreprises: évoluent dans un environnement macro-économique stable et supporté par une fiscalité et un cadre réglementaire propices à la croissance; aient un accès facile aux capitaux de risque pour financer leurs investissements; s'occupent de la qualité de leurs ressources humaines en investissant dans la formation continue; modernisent leurs installations afin de disposer des avantages concurrentiels fournis par des usines à la fine pointe de la technologie; investissent dans la recherche et le développement ainsi que le design, afin de donner à leurs produits un caractère distinctif; adoptent des méthodes de gestion qui font appel à l'initiative et qui favorisent un bon climat de travail. La conjoncture économique défavorable des dernières années et les taux d'intérêt généralement élevés qui ont prévalu au Canada ont freiné les investissements des entreprises à des fins de modernisation. Par ailleurs, malgré certains progrès, les entreprises québécoises accusent encore des retards importants au niveau des déterminants de la productivité. C'est ce constat qui a amené le gouvernement à recentrer sa politique économique afin qu'elle contribue davantage au relèvement de la compétitivité. A cette fin, de nombreuses interventions ont été initiées dans le cadre d'une stratégie économique basée sur la compétitivité fiscale et la mise en place de politiques cadres dans les domaines des affaires internationales, du développement de la main-d'oeuvre, du développement du Grand Montréal, du développement régional et du développement économique axé sur les grappes industrielles. La stratégie mise en place par le gouvernement pour stimuler le développement économique est d'implantation trop récente pour qu'elle ait déjà produit l'ensemble de ses bénéfices. Toutefois, grâce aux mesures introduites ces dernières années, le Québec est en meilleure posture pour corriger les retards qu'il accuse au niveau des facteurs fondamentaux de la compétitivité que sont la recherche-développement, l'utilisation de nouvelles technologies, la modernisation des équipements, la formation de la main-d'oeuvre, l'adoption de nouveaux modes organisationnels et le renforcement des partenariats et des synergies. La recherche et le développement. Avec l'accélération des progrès technologiques, les pays qui veulent se hisser au rang des économies à forte valeur ajoutée doivent investir dans la recherche et l'innovation. A ce chapitre, le sous-investissement au Québec est important puisqu'en 1990, les dépenses de Recherche-Développement y représentaient à peine 1,5 % du PIB comparativement à des taux de l'ordre de 2,5 % à 3 % dans les pays industrialisés. Dans ce contexte, le gouvernement a poursuivi, depuis 1985, une politique vigoureuse pour inciter les entreprises à investir davantage en recherche et développement. Ainsi: depuis 1983 et surtout depuis 1987, le régime fiscal québécois incite les entreprises à investir en recherchedéveloppement par d'importants crédits d'impôt. Cette approche est largement endossée par les entreprises puisque 83 % d'entre elles ont indiqué préférer les mesures fiscales, lors d'un sondage récent; le Fonds de développement technologique (FDT), doté de 350 millions de dollars, est en opération depuis 1989. Grâce aux subventions versées par le FDT, des investissements de plus de 650 millions de dollars en recherche sont en voie de réalisation; plus récemment, la Société Innovatech, dotée de 300 millions de dollars, a été créée pour financer des projets qui renforcent les infrastructures matérielles et humaines à la base du processus d'innovation du Grand Montréal. Même si ces mesures sont trop récentes pour avoir déjà produit tous leurs effets, il faut souligner que: la recherche et le développement financés par les entreprises ont progressé à un rythme annuel de 10,2 % au Québec entre 1986 et 1990, soit un taux deux fois supérieur à celui observé par exemple en Ontario (4,5 %); la collaboration entre les universités, les centres de recherche et les entreprises s'est accrue fortement en raison de la bonification du crédit d'impôt accordé aux projets réalisés avec les milieux de la recherche. La formation de la main-d'oeuvre. Au cours des prochaines années, les économies qui auront du succès sont celles qui investiront dans la formation de leur main-d'oeuvre. L'expérience montre que les entreprises qui réalisent de tels investissements sont plus rentables, plus dynamiques et contribuent ainsi davantage à la création d'emplois. Les entreprises canadiennes et québécoises investissent nettement moins que celles des autres pays industrialisés dans la formation de leurs employés. En pourcentage de la production, le retard des entreprises québécoises dans ce domaine est considérable. En effet, elles investissent cinq fois moins que les entreprises américaines qui elles-mêmes, allouent deux à trois fois moins de ressources financières à la formation que les entreprises japonaises ou allemandes. Face à ce constat, le gouvernement du Québec a posé, ces dernières années, des gestes énergiques en faveur du relèvement des compétences professionnelles des travailleurs. Parmi ceux-ci, il faut rappeler: l'instauration en 1990 d'un crédit d'impôt pour les entreprises qui organisent des activités de formation pour leurs employés. Un sondage effectue récemment montre que cette mesure répond bien aux besoins des entreprises, puisque 90 % de celles qui l'ont utilisée s'en disent satisfaites. En deux ans, et cela malgré un contexte économique peu favorable, près de 170 000 travailleurs ont reçu de la formation dans le cadre de cette mesure; la mise en place du programme SPRINT qui permet aux travailleurs qui désirent se recycler sur une base individuelle de bénéficier d'un support financier représentant 90 % de leur revenu disponible avant la formation; l'introduction de mesures visant à enrayer le décrochage scolaire. Une somme de 42 millions de dollars a été octroyée aux commissions scolaires dès cette année à cette fin; la formation professionnelle au niveau secondaire a été entièrement réformée afin de mieux répondre aux exigences du marché du travail; la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui s'est vue confier la responsabilité de gérer la nouvelle politique québécoise en matière de main-d'oeuvre. L'investissement et l'utilisation des nouvelles technologies. Pour s'adapter au nouveau contexte économique et relever leur niveau de productivité, les entreprises devront recourir davantage aux opportunités offertes par les nouvelles technologies. La modernisation des entreprises s'effectue principalement par l'investissement dans les équipements incorporant les nouvelles technologies, notamment celles fondées sur l'informatique (CAO, FAO, MOCN, robotique, etc). Au cours des dernières années, les entreprises québécoises ont considérablement augmenté leurs investissements en machines et matériel. Malgré ce revirement, la performance du Québec et du Canada demeure inférieure à celle des principaux pays industrialisés. Par ailleurs, des enquêtes effectuées pour évaluer le taux de pénétration des nouvelles technologies dans les entreprises suggèrent que le Canada et le Québec accusent un retard sur leurs principaux concurrents. En fait, leur utilisation par les entreprises ne fait que s'amorcer, comme le démontre un sondage de l'Association CAOFAO effectué au Québec en 1989 et qui révèle que 65 % des entreprises manufacturières n'utilisent aucune des technologies de productique. Il faut souligner toutefois qu'une enquête de Statistique Canada montre qu'en matière d'utilisation de technologies, le Québec ne présente pas de retard par rapport à l'Ontario. En fait, la situation contraire semble prévaloir puisque selon ce sondage, 51 % des entreprises du Québec auraient adopté au moins une technologie comparativement à 43 % en Ontario. Pour inciter les entreprises à investir davantage dans les nouvelles technologies, le gouvernement a mis en place plusieurs initiatives qui sont venues s'ajouter aux avantages que confère la fiscalité québécoise aux investissements: l'octroi d'une déduction à 100 % du coût en capital du matériel utilisé pour la fabrication et la transformation. ainsi que des fournitures informatiques et des brevets et licences; la majoration du budget du programme Innovation-PME qui supporte en partie les frais reliés au recours à des consultants lors de projets d'implantation technologique; l'augmentation des ressources financières allouées au Programme de soutien à l'emploi stratégique (PSES) qui subventionne l'embauche d'un ingénieur ou d'un technicien par une PME; le renforcement du CRIQ ainsi que des centres spécialisés des collèges comme agents de transfert et de diffusion des nouvelles technologies. Les nouveaux modes organisationnels et le partenariat. Pour les entreprises, le défi de la compétitivité ne se pose pas seulement en terme d'automatisation, de recherche, d'innovation et de formation de la main-d'oeuvre. Elles doivent également revoir leur mode de gestion, faciliter la participation de leurs employés, développer des liens synergiques et organiser leurs activités à l'intérieur d'un réseau. Pour atteindre ces objectifs, les entreprises doivent faire évoluer leur mode organisationnel en parallèle avec l'introduction de techniques de production plus efficaces. Cela signifie que les entreprises doivent inscrire leur objectif de productivité dans le cadre d'une démarche de qualité totale. Sur la majorité des sujets touchant les modes organisationnels et le partenariat, le Québec a fait des progrès importants ces dernières années. Bien que les comparaisons avec d'autres soient difficiles dans ce domaine, de nombreuses indications suggèrent que le Québec est en avance sur ses concurrents, lorsque l'on considère que: le gouvernement fait la promotion depuis plusieurs années de l'approche de la qualité totale. Actuellement, plus de 5000 entreprises ont endossé la Charte de la qualité totale; depuis le dernier Discours sur le budget, un incitatif fiscal est accordé aux travailleurs et aux PME qui conviennent de mettre en place un régime d'intéressement aux bénéfices à l'intérieur d'une démarche de qualité totale; la synergie entre les entreprises et les milieux de la recherche, notamment le milieu universitaire, est encouragée par une bonification des crédits d'impôt à la recherche; le partenariat entre le gouvernement et les milieux financiers s'est concrétisé par la mise sur pied des Sociétés régionales d'investissement qui disposent de 100 millions de dollars de capitaux de risque pour les entreprises de toutes les régions; le régime fiscal québécois est unique en ce qui a trait aux avantages qu'il confère afin de mettre en relation les épargnants et les entrepreneurs pour le financement de leurs projets et la capitalisation de leur entreprise. Parmi les mesures fiscales en faveur de la capitalisation, on peut signaler le RÉA, les SPEQ ainsi que le crédit d'impôt à la capitalisation; le développement de réseaux d'échanges entre les entreprises d'un même secteur sera favorisé par la stratégie de développement industriel basée sur le renforcement et la création de grappes industrielles. C- Conclusions. Le repli conjoncturel de 1990-1991 et la lente reprise de l'économie ont ébranlé l'optimisme et la confiance manifestés autant par les travailleurs que par les entrepreneurs québécois tout au long des sept années de croissance économique qui ont suivi la récession de 1981-1982. Face à l'inquiétude que certains manifestent quant à la capacité de l'économie québécoise de relever les défis de la restructuration, on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec la situation qui prévalait au début de la décennie précédente. En fait, les agents économiques du Québec ont fait la démonstration durant les années quatre-vingt de leur capacité à relever ces défis, pour peu que leurs actions puissent se dérouler dans un contexte macro-économique propice à la croissance et à l'investissement. Avec la reprise, l'économie québécoise apparaît mieux positionnée qu'elle ne l'était pour relever les défis sur au moins trois plans: un plus grand nombre d'entreprises sont sensibilisées à l'importance d'investir davantage dans la recherche, la formation et l'innovation; les investissements effectués durant la deuxième moitié des années quatre-vingt ont permis de moderniser des segments importants de la structure industrielle du Québec; le gouvernement s'est donné une politique structurelle qui couvre les enjeux de la restructuration de l'économie. A maints égards le Québec est en avance sur ses principaux concurrents, comme on peut le constater à la lecture des recommandations faites par plusieurs rapports d'experts remis aux divers gouvernements. L'adaptation est cependant loin d'être complétée, même si d'importants progrès ont été accomplis. Au cours des prochaines années, les travailleurs, les entreprises et les gouvernements devront continuer de composer avec les effets de la poursuite de la restructuration industrielle. Ces mutations, essentielles pour assurer la prospérité économique des Québécois, comportent toutefois des coûts d'ajustement à court terme. Pour répondre aux défis de la modernisation de l'économie, les efforts du gouvernement au cours des prochaines années devront servir à consolider les acquis en matière de fardeau fiscal comme de politique économique et industrielle, afin que le Québec assure la compétitivité de son économie. Simultanément, les efforts devront être accentués pour faire face aux besoins d'ajustement et répondre aux nouvelles priorités. Chapitre 2. La situation des revenus. A- Les revenus fiscaux. Objectifs à poursuivre. En plus de prélever les revenus nécessaires au bon fonctionnement de l'État tout en étant simple à administrer, la fiscalité devrait poursuivre deux objectifs: être équitable, c'est-à-dire exige de chacun une contribution correspondant à sa situation relative par rapport aux autres contribuables; favoriser la croissance économique. Pour y parvenir, la fiscalité doit assurer premièrement l'efficacité, soit favoriser un fonctionnement harmonieux de l'économie, et deuxièmement la compétitivité, soit imposer aux divers agents économiques une charge fiscale concurrentielle par rapport à celle des principaux partenaires commerciaux. L'objet du présent chapitre n'est pas de faire une évaluation de chacune des composantes du régime fiscal à l'enseigne de ces objectifs. Ce n'est pas au niveau de ses détails et de ses modalités que la situation des finances publiques remet en question le régime fiscal, mais bien au niveau de ses grandes caractéristiques et de sa capacité à générer des revenus suffisants pour financer les dépenses publiques. A-1 Portrait global: marge de manoeuvre réduite sur le plan fiscal. Un niveau élevé par rapport à nos concurrents les plus immédiats. Il n'existe pas de norme absolue quant à la ponction fiscale que les gouvernements peuvent effectuer dans une économie. Cependant, dans le contexte actuel de mondialisation des marchés, la charge fiscale observée dans les autres pays, et notamment chez les principaux partenaires commerciaux du Québec, est une donnée essentielle à prendre en considération. Les comparaisons internationales de fardeau fiscal doivent toutefois être considérées en tenant compte du degré de développement du secteur public, de même que de la nature des services offerts, qui peuvent varier considérablement d'un pays à l'autre. Une analyse complète exigerait qu'on évalue pour chacun des pays ce qui est demandé aux contribuables en regard des bénéfices qu'ils retirent des services gouvernementaux. Il est tout de même pertinent de situer le fardeau fiscal du Québec et du Canada avec celui de leurs principaux partenaires commerciaux. Par ailleurs, comme le contribuable fait face à des prélèvements fiscaux provenant de divers ordres de gouvernement, il est nécessaire de considérer l'ensemble des charges fiscales pour établir un constat éclairé. Le graphique suivant présente les recettes fiscales de l'ensemble du secteur public pour le Québec et les sept pays les plus industrialisés (G-7). On remarque que le Canada et le Québec prélèvent des ressources fiscales qui, en importance relative, se situent à mi-chemin entre celles prélevées par des pays comme la France et les États-Unis. Cependant, puisque les trois-quarts de son commerce international s'effectuent avec les États-Unis, il s'avère difficile pour le Québec de choisir une structure fiscale qui imposerait un fardeau beaucoup plus lourd que celui qui prévaut dans ce pays. En effet, étant donné sa proximité géographique et l'ouverture de plus en plus grande des barrières avec les États-Unis, il devient de plus en plus facile de déplacer certaines activités pour bénéficier du traitement fiscal le plus avantageux. Il en est ainsi même si les services de santé sont financés à même les impôts et les taxes, au Québec et au Canada, alors qu'aux États-Unis on a recours dans une large part à des contributions volontaires, notamment par le biais de régimes privés d'assurances, qui reflètent plus directement le coût de ces services pour les citoyens. Sans discuter l'à-propos des deux approches, il est clair que l'utilisation de la fiscalité pour financer ces services plutôt qu'une contribution volontaire suscite des problèmes qui ne sont pas négligeables. Par exemple: l'utilisation des impôts sur le revenu des particuliers pour financer de tels services soulève des problèmes de désincitation au travail pour les travailleurs à faibles et moyens revenus et par ailleurs, elle n'encourage pas les individus à hauts revenus, généralement très mobiles, à demeurer ou à s'installer au Québec; la fiscalité étant une variable importante dans le choix de localisation des entreprises, un recours trop important à celle-ci peut décourager les entreprises d'investir au Québec; l'utilisation de taxes à la consommation à des taux plus élevés qu'ailleurs peut se heurter, dans une certaine mesure, à la mobilité des consommateurs. De plus, les résultats de plusieurs études suggèrent que le coût économique pour la société de lever un dollar additionnel d'impôt ou de taxes est beaucoup plus important lorsque la fiscalité est déjà utilisée de façon intensive. Enfin, dans tous les cas, des taux d'impôt et de taxes trop élevés, en plus d'avoir des effets néfastes sur l'offre de travail, la consommation et l'investissement, favorisent des comportements de fraude (exemple: contrebande et marché noir) et d'évasion fiscale (exemple: travail au noir) qui réduisent le rendement attendu des mesures fiscales. Le développement récent du commerce illégal des produits du tabac illustre bien ce phénomène. Augmentation importante au cours des dernières années. L'examen du graphique précédent nous permet également de constater que: la ponction fiscale s'est accrue de façon importante entre 1980 et 1990 au Canada et au Québec alors qu'elle est demeurée stable aux États-Unis et dans les pays du G-7 excluant le Canada, qui constituent nos principaux partenaires commerciaux; la ponction fiscale a également augmenté substantiellement au Japon et en Italie. Dans les autres pays européens membres du G-7, l'augmentation a été moins prononcée. Le tableau suivant présente la part de l'augmentation des revenus, mesurée par le PIB per capita, qui a été absorbée par la fiscalité entre 1980 et 1990, en considérant l'ensemble des paliers de gouvernement et l'ensemble des impôts, taxes et contributions fiscales et parafiscales. Au Canada comme au Québec, l'accent a été placé sur la réduction des déficits gouvernementaux dans une plus large mesure qu'aux États-Unis, de sorte que la fiscalité a absorbé la majeure partie de l'augmentation des revenus au cours de la dernière décennie: 68,6 % au Canada et 63,9 % au Québec, comparativement à seulement 31,8 % aux États-Unis et 31,5 % pour les pays du G-7 excluant le Canada. Au Québec, l'augmentation de la ponction fiscale est venue de tous les paliers de gouvernement. Cependant, comme le montre le graphique qui suit, les augmentations enregistrées au palier provincial l'ont été principalement au cours des années 1980 à 1985: entre 1980 et 1985, le gouvernement du Québec s'est accaparé la plus forte part de l'augmentation (60,0 %) tandis que le gouvernement fédéral était responsable de l'excédent; entre 1985 et 1990, l'augmentation s'est partagée entre le gouvernement fédéral (52,2 %), le gouvernement du Québec (30,4 %), le secteur local (8,7 %) et finalement, les régimes de pensions publics (8,7 %), soit le Régime de rentes du Québec et le Régime de pensions du Canada; de 1990 à 1992, l'accroissement des recettes fiscales est attribuable à 41,2 % au gouvernement du Québec et à 29,4 % au niveau local. Le gouvernement fédéral et le financement des régimes de pensions publics se sont attribués 11,8 % et 17,6 %, respectivement. Un niveau élevé sur la base des revenus autonomes du gouvernement du Québec. L'analyse des revenus autonomes du gouvernement du Québec permet d'illustrer de façon plus concrète l'évolution de la charge fiscale imposée aux contribuables. Mesurée par habitant, la charge fiscale provinciale, en dollars de 1992, a augmenté de 622 dollars entre 1980-1981 et 1985-1986. En pourcentage du PIB, la charge fiscale provinciale a subi une hausse passant de 14,6% à l6,2%. Cette augmentation de la charge fiscale provinciale a été de seulement 395 dollars entre 1985-1986 et 1989-1990, de sorte que celle-ci a pu être maintenue constante à près de 16 % du PIB. De 1989-1990 à 1992-1993, l'augmentation de la charge fiscale a été de 161 dollars par habitant. Mais, comme le revenu national par habitant a été réduit de 1 179 dollars par la récession, la charge fiscale par rapport au revenu national est passée de 16,1 % à 17,7 %. En résumé, il ressort des analyses qui précèdent que les contribuables québécois ont dû subir une hausse importante de leur fardeau fiscal provenant à la fois du palier provincial et des autres paliers de gouvernement. Cette situation diffère de celle prévalant dans la majorité des pays du G-7. De plus, compte tenu du niveau plus faible de la ponction fiscale aux États-Unis, le principal partenaire commercial du Canada, l'effort fiscal a sans doute atteint au Québec une limite qu'il serait difficile de dépasser substantiellement sans risquer de compromettre la croissance économique future. On assiste donc, au Québec, à une réduction de la marge de manoeuvre dont disposent les gouvernements pour augmenter les impôts et taxes de la population. A-2 Structure du régime fiscal. L'autre question qui interpelle le régime fiscal québécois porte sur sa structure: est-elle équitable entre les différentes catégories de contribuables et favorable à la croissance de l'économie? Le gouvernement a procédé à de nombreuses améliorations pour rendre le régime fiscal plus favorable à la croissance économique, comme il s'y était engagé au moment de la publication de l'«Urgence d'un redressement» en 1986. De plus, il a mis en oeuvre plusieurs mesures destinées à le rendre plus équitable et plus conforme aux aspirations de la société québécoise. Amélioration considérable du soutien aux familles: introduction en 1986 d'un nouveau système d'exemptions d'impôt sur le revenu pour enfants à charge; hausse en 1986 des déductions fiscales pour frais de garde d'enfants et bonifications par la suite; introduction en 1988 et bonification par la suite d'une réduction d'impôt pour les familles; introduction en 1988 du programme APPORT pour venir en aide aux familles des travailleurs à faibles revenus; mise sur pied en 1988 et bonifications périodiques d'un régime d'allocations à la naissance. Autres mesures pour améliorer l'équité du régime: resserrements en 1988 de certaines déductions accordées à l'impôt sur le revenu des particuliers; hausses des seuils à partir desquels un impôt est exigible; élimination de plusieurs exemptions à la taxe de vente, qui bénéficiaient largement aux ménages à revenus élevés; introduction d'un crédit d'impôt remboursable à l'égard de la taxe de vente pour aider les personnes à faibles revenus. Un régime plus favorable à la croissance économique. A l'égard des particuliers: abaissement des taux marginaux à l'impôt sur le revenu des particuliers de manière à rendre le régime québécois plus concurrentiel, à augmenter l'incitation au travail et à réduire l'incitation à l'évasion fiscale; réforme du régime d'aide sociale et harmonisation avec la fiscalité pour favoriser les activités de relèvement de l'employabilité des bénéficiaires et l'incitation au travail. A l'égard des entreprises: mesures pour stimuler la recherche et développement et la diffusion de la technologie; mesures pour favoriser l'investissement dans la capacité de production des entreprises; mesures pour contribuer au développement de l'entrepreneurship; mesures pour favoriser la levée de capital de risque et renforcer la structure financière des entreprises; mesures pour soutenir l'exploration minière, l'industrie de la production cinématographique et télévisuelle et les entreprises du secteur culturel. A l'égard des particuliers et des entreprises: mesures pour encourager la formation des travailleurs dans les entreprises et ceux qui désirent se recycler de leur propre initiative; et, enfin, réforme des taxes à la consommation, dans le but d'en simplifier l'administration, de cesser de pénaliser les activités d'exportation, de réduire le coût des investissements et de favoriser la création d'emplois. La répartition des sources de revenus autonomes. En excluant les bénéfices des sociétés d'État non versés en dividendes, les revenus autonomes du gouvernement du Québec s'élèveront à 27 845 millions de dollars en 1992-1993. De ce dernier montant, 42 % est prélevé à l'impôt des particuliers, 29 % provient des taxes à la consommation et 18 % découle des impôts des entreprises, soit la contribution des employeurs au Fonds des services de santé, l'impôt sur le revenu des corporations et la taxe sur le capital. L'évolution de l'importance relative de chacune des sources dans le total des revenus autonomes du gouvernement est présentée au graphique suivant: l'impôt des particuliers a augmenté de façon importante pendant les années soixante-dix pour atteindre 49,2 % des revenus en 1980-1981. Depuis, cette proportion a diminué pour s'établir à 41,8 % en 1992- 1993; les taxes à la consommation ont chuté de 37,7 % à 25,5 % des revenus entre 1970-1971 et 1980-1981. Leur importance s'est par contre accrue au cours des années quatre-vingt et atteindra 29,3 % en 1992-1993; les impôts des entreprises, incluant la contribution des employeurs au Fonds des services de santé, l'impôt sur le revenu des corporations et la taxe sur le capital, ont connu une augmentation graduelle de leur importance depuis le début des années soixante-dix. Ils représenteront 17,8 % des revenus autonomes en 1992-1993. L'impôt sur le revenu des particuliers: ajustement au contexte international tout en préservant son caractère fortement progressif. Le gouvernement du Québec a réduit les taux marginaux supérieurs à l'impôt sur le revenu des particuliers dans un souci de plus grande compétitivité. En effet, bien que les structures de taxation soient différentes d'un pays à l'autre, il convient de souligner qu'au cours des quinze dernières années plusieurs gouvernements dans le monde, parmi les principaux partenaires commerciaux du Québec, ont réaménagé leurs régimes d'imposition en abaissant les taux marginaux maximums d'imposition sur le revenu des particuliers. Le tableau qui suit présente l'évolution des taux marginaux maximums des administrations centrales pour certains pays membres de l'OCDE. On constate que tous ces pays ont réduit leurs taux marginaux au cours des dernières décennies. Le même phénomène est observé au niveau des provinces canadiennes autres que le Québec puisque leur impôt est établi en pourcentage de l'impôt fédéral de base dont les taux marginaux ont également été réduits pendant cette période. Dans le cas du Québec, la réduction des taux marginaux maximums est plus récente. L'écart entre les taux marginaux maximums fédéraux et provinciaux du Québec et de l'Ontario s'est d'abord accentué en 1978 alors que le Québec a augmenté son taux de 28,0 % à 33,0 %. En 1982, l'écart entre les taux applicables au Québec et en Ontario avait atteint un sommet de 10,1 points de pourcentage à la suite de la baisse du taux d'impôt fédéral de base, baisse que le Québec n'a pas suivie. Ce n'est que plus tard, à partir de 1986, que le Québec a commencé à réduire ses taux marginaux maximums, si bien qu'en 1993, cet écart est presqu'éliminé. En effet, le taux québécois qui était de 32,0 % en 1985 est passé à 27,2 % en 1986 et à 24,0 % en 1989. Par ailleurs, il est important de mentionner que les écarts entre les taux marginaux maximums au Québec et aux États-Unis n'ont pas été réduits, mais plutôt accentués. En effet, en 1978, les taux marginaux aux États-Unis étaient supérieurs à ceux applicables au Québec. Depuis, les États-Unis les ont fortement réduits, de sorte qu'ils sont inférieurs aux taux en vigueur au Québec . Par exemple, la dernière réforme fiscale américaine a conduit à une réduction des taux marginaux maximums plus importante que celle qu'a connue le Québec. La nécessité de maintenir un régime fiscal compétitif découle, entre autres, du fait que les individus hautement spécialisés sont généralement très mobiles et peuvent être sensibles aux différences qui existent entre divers régimes d'imposition. Le maintien pendant plusieurs années d'un écart significatif entre les taux marginaux maximums applicables au Québec et en Ontario constitue un des facteurs qui peut avoir entraîné une plus faible croissance du nombre de contribuables à revenus élevés au Québec. A cet égard, il convient de noter que la proportion des contribuables canadiens à hauts revenus résidant au Québec qui se situait à 23,9 % en 1976 a chuté fortement pour s'établir à 18,3 % en 1985. Depuis cette date, la proportion est légèrement en hausse pour atteindre 18,8 % en 1990. Un régime fiscal progressif. Malgré la réduction des taux marginaux maximums, le régime d'imposition du Québec demeure progressif. Si on le compare avec celui de l'Ontario, on constate que le régime du Québec exige plus des contribuables à revenus élevés et moins des contribuables à faibles revenus. Dans le cas des célibataires, ceux qui gagnent moins de 15 743 dollars paient moins d'impôt sur le revenu que leurs homologues ontariens, mais l'écart est peu prononcé. Au-delà de ce revenu, les célibataires du Québec paient plus d'impôt que leurs homologues ontariens et l'écart s'agrandit rapidement au fur et à mesure qu'augmente le revenu. La comparaison pour un couple ayant deux enfants de 6 à 11 ans illustre le caractère favorable du régime fiscal du Québec à l'endroit des familles. C'est seulement à partir de 47 101 dollars qu'un tel ménage commence à payer plus d'impôt qu'en Ontario. En bas de ce revenu, ce type de ménage est relativement avantagé, l'écart en sa faveur atteignant par exemple, 1 147 dollars pour un niveau de revenu de 35 000 dollars. Une autre façon de montrer la progressivité du régime fiscal est également illustrée: en 1990, seulement 1,0 % des contribuables avaient un revenu supérieur à 100 000 dollars, leurs revenus totalisaient 6,9 % du revenu total et ils fournissaient 9,9 % des recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers. Ainsi, le régime québécois d'imposition sur le revenu des particuliers est actuellement plus compétitif par rapport aux autres provinces canadiennes qu'il ne l'était au début des années quatre-vingt et son caractère progressif a pu être conservé. Les taxes à la consommation. En ce qui a trait aux taxes à la consommation, la réforme qui vient d'être effectuée au Québec a permis d'atteindre les mêmes objectifs de compétitivité et de progressivité. En effet, elle a eu pour résultat d'accroître la compétitivité des produits québécois tant sur le marché intérieur que sur les marchés extérieurs tout en accentuant la progressivité du régime fiscal québécois. En fait, à la suite de la mise en place le premier juillet 1992, d'un système de remboursement de taxe sur les achats des entreprises, ces dernières bénéficient d'une réduction directe de leurs coûts de production estimée à plus de 850 millions de dollars annuellement. Les secteurs les plus soumis à la concurrence internationale, particulièrement le secteur manufacturier, ainsi que ceux ayant un effet d'entraînement important sur le reste de l'économie, tel le secteur de la construction, bénéficient particulièrement de cette réforme. Il en résultera à terme une augmentation permanente de 0,8 % de la production québécoise et la création de 17 000 emplois. De plus, le caractère progressif du régime fiscal a été renforcé d'une part, par l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable pour taxe de vente destiné aux individus et familles à faibles revenus et d'autre part, par l'élargissement de la TVQ aux biens et services auparavant exemptés dans l'ancien régime de taxe de vente, ce qui a mis plus fortement à contribution les classes supérieures de revenu. Le graphique suivant présente la répartition de la consommation de certains biens et services entre les 20 % de contribuables les moins fortunés, soit ceux gagnant moins de 16 300 dollars, et les 20 % les plus fortunés, soit ceux gagnant plus de 64 450 dollars. Comme les contribuables à revenus élevés consomment une proportion plus élevée des produits et services auparavant exemptés, ils se trouvent plus fortement touchés que les contribuables à faibles revenus par l'élimination de ces exemptions. Dans le cas, par exemple, de la taxe de vente sur les vêtements et les chaussures, plus de 41 % des taxes qui y sont associées, soit un montant de plus de 200 millions de dollars, sont supportées par les ménages dont le revenu excédait 64 450 dollars en 1992. A l'opposé, les ménages gagnant moins de 16 300 dollars, qui représentent une même proportion de l'ensemble des ménages québécois, ne paient que 5 % du montant total de la taxe prélevée sur ces produits, soit environ 25 millions de dollars, lequel est complètement compensé par le crédit d'impôt remboursable pour taxe de vente. Des constatations identiques se dégagent pour les services assujettis à la TVQ depuis juillet 1992. Les 20 % les plus fortunés supportent, par exemple, 40 % de la taxe sur les services de loisir, 34 % du fardeau sur les services personnels et plus de 48 % de la charge fiscale associée au transport aérien. Les impôts exigés des entreprises: concurrentiels et structurés pour contribuer au développement économique du Québec. Le régime fiscal applicable aux entreprises est un élément déterminant de leur compétitivité. Toutefois, puisque les entreprises bénéficient des services publics mis à leur disposition, il est normal qu'elles contribuent à leur financement. Il faut cependant qu'elles soient concurrentielles et qu'elles se développent car c'est la seule façon d'assurer la création d'emplois permanents et ainsi d'être en mesure de maintenir des services publics de qualité. A cet égard, l'objectif visé par le gouvernement est de maintenir la charge fiscale des entreprises comparable à celle de nos principaux partenaires commerciaux, tout en mettant en place des mesures fiscales structurantes pour appuyer celles qui investissent dans l'augmentation du potentiel de l'économie. Au Québec, le fardeau fiscal des entreprises imposé par les trois paliers de gouvernement, composé des impôts sur le revenu, des taxes sur le capital et des cotisations à la sécurité sociale, est du même ordre de grandeur, en pourcentage du PIB, que celui prélevé aux États-Unis. Il est légèrement supérieur à celui de l'ensemble du Canada. Même si en 1990, l'importance des recettes fiscales prélevées auprès des entreprises est du même ordre au Québec qu'aux États-Unis, il faut cependant noter qu'au cours des années quatre-vingt leur importance a connu une hausse au Québec comparativement à une baisse aux États-Unis. Au Québec, la ponction fiscale exprimée en pourcentage du PIB prélevée auprès des entreprises et des autres employeurs, après avoir atteint 6,1 % en 1980 et 7,2 % en 1990, a continué de croître après 1990 pour atteindre 7,7 % en 1992. L'essentiel de ces augmentations est attribuable au palier provincial comme on peut le constater au graphique suivant. Malgré l'effort fiscal de plus en plus grand qui a été exigé des entreprises au cours des années, le gouvernement du Québec a mis en place un ensemble de mesures structurantes pour les encourager à investir dans le développement économique du Québec. Par ailleurs, le régime fiscal applicable aux entreprises québécoises, soumises à une forte concurrence de la part des entreprises des régions avoisinantes, a déjà fait l'objet d'études approfondies. Celles-ci démontrent les avantages du régime du Québec quant à sa compétitivité par rapport à celui d'autres juridictions. A cet égard, il est essentiel pour le Québec de préserver le caractère concurrentiel du régime fiscal applicable aux entreprises, puisque celui-ci exerce une influence importante dans leurs décisions de localisation et dans la détermination de leur degré de compétitivité face à la concurrence étrangère. L'objectif du gouvernement à l'égard du régime fiscal des entreprises est donc double: les faire contribuer au financement des services publics tout en ayant un régime compétitif et favorable à la croissance économique. B- La tarification des services publics à l'usager. Une avenue avantageuse. Étant donné les conséquences que l'utilisation intensive de la fiscalité peut comporter sur l'efficacité et la compétitivité de l'économie, la tarification à l'usager s'avère une avenue avantageuse. Sur le plan de l'équité, la tarification permet de mettre à contribution les usagers et les bénéficiaires directs de certains services gouvernementaux plutôt que d'en répartir les coûts entre l'ensemble des contribuables, incluant ceux qui n'utilisent pas nécessairement ces services. Sur le plan de l'efficacité, la tarification des services aux usagers ne comporte pas les impacts négatifs sur le fonctionnement de l'économie que l'on note pour la majorité des sources de revenus de nature fiscale. De plus, pour l'administration publique, le fait d'être redevable directement à une clientèle via un mécanisme de prix comporte une incitation à améliorer sa performance dans la livraison du service public qu'elle fournit. Toujours sur le plan de l'efficacité, la tarification contribue à la détermination du niveau souhaitable de services publics en équilibrant la consommation des services selon leur coût, d'une part, et ce que les citoyens sont prêts à payer pour les obtenir, d'autre part. Par ailleurs, la tarification comporte certaines limites, Comme tout mécanisme de prix, la tarification peut comporter certains effets régressifs et s'avérer, en termes relatifs, plus lourde à supporter pour les usagers à faibles revenus. Afin d'atténuer ces effets régressifs et de préserver l'accès aux services aux plus démunis, il est possible d'exempter ou de compenser directement certaines catégories de la population. Ceci permet d'éviter que le maintien de la gratuité dans un secteur ne bénéficie en majeure partie à des citoyens en mesure de payer pour les services qu'ils consomment. Enfin, la tarification ne peut évidemment être appliquée qu'aux activités gouvernementales dont les bénéficiaires sont facilement identifiables. n importe également que les coûts d'administration et de perception des tarifs ne soient pas disproportionnés par rapport aux revenus attendus. Malgré ces limites, le recours accru au financement direct par l'usager constitue une source de financement fort valable: il assure un bon équilibre entre les besoins des citoyens et les coûts associés à la fourniture des services publics, tout en étant susceptible d'améliorer l'équité entre les citoyens et l'efficacité de l'économie. Efforts significatifs pour augmenter les revenus de tarification depuis 1985. C'est dans cette perspective que le gouvernement a poursuivi un effort constant au cours des dernières années afin d'accroître ses tarifs et autres revenus non fiscaux. Ceux-ci totalisaient 3,3 milliards de dollars en 1991-1992, dont 1,5 milliard de dollars en revenus perçus directement par les ministères et organismes, et 1,3 milliard de dollars perçus par les établissements du réseau de l'éducation et du réseau de la santé et des services sociaux. Généralement, c'est seulement le premier de ces éléments qui est comptabilisé aux revenus, tandis que les autres apparaissent plutôt en déduction des dépenses. Depuis 1985-1986, l'ensemble des revenus de tarification du gouvernement, en y incluant ceux provenant des clientèles non gouvernementales des Fonds spéciaux, des organismes extrabudgétaires et des établissements du réseau de l'éducation et du réseau de la santé et des services sociaux, a crû à un rythme annuel moyen de 12,7 %. Ainsi, le degré d'autofinancement de l'ensemble des services publics par les usagers est passé de 5,9 % en 19851986 à 8,5 % en 1991 - 1992 à la suite de différentes mesures tarifaires adoptées par les ministères, organismes et établissements du réseau de l'éducation et du réseau de la santé et des services sociaux pour augmenter leurs revenus. C- La gestion des sociétés d'État. A son arrivée au pouvoir, en 1985, l'actuel gouvernement a fait une priorité du réexamen de la situation et du mandat des sociétés d'État. L'un des premiers gestes posés fut de modifier, dès l'année financière 1986-1987, le mode de comptabilisation des opérations du gouvernement afin d'intégrer les bénéfices (ou les pertes) de ses entreprises dans ses propres résultats d'opération. En plus de conférer une transparence plus grande aux états financiers, la nouvelle méthode de comptabilisation constitue une raison additionnelle pour s'assurer d'une saine gestion des entreprises et accroître leur rentabilité. Par ailleurs, le gouvernement a procédé à un vaste réexamen de sa politique à l'égard de ses sociétés d'État. Celui-ci était fondé sur la conviction que dans une économie de marché de plus en plus ouverte sur le monde, l'État se devait avant tout de créer les conditions favorables au développement du secteur privé plutôt que d'intervenir directement dans la production et la commercialisation de biens et de services. Un plan d'action a donc été adopté visant trois objectifs fondamentaux: arrêter l'hémorragie de fonds publics dans le cas de certaines sociétés d'État ou de certains placements en difficultés financières chroniques; se retirer d'activités où le secteur privé est apte à prendre la relève et favoriser ainsi la consolidation et le renforcement d'entreprises québécoises; réorienter la mission de certaines sociétés d'État ayant rempli leur mandat initial. De 1986 jusqu'à aujourd'hui, 36 placements ou éléments d'actif des sociétés d'État furent ainsi privatisés. Dans l'ensemble, les privatisations réalisées ont rapporté 1 147 millions de dollars au gouvernement ou aux sociétés d'État. Cette somme a été utilisée aux fins suivantes: 244 millions de dollars ont été versés au gouvernement et ont servi à réduire ses besoins financiers nets; 903 millions de dollars sont demeurés entre les mains des sociétés d'État, soit pour rembourser des dettes, soit pour poursuivre leur mission tout en minimisant les besoins de fonds en provenance du gouvernement. Le gouvernement a aussi effectué régulièrement la revue des missions des sociétés d'État et a procédé à certaines réorientations. Ainsi, à la suite de la privatisation partielle de l'actif de SOQUEM, sa mission a été axée sur son mandat premier d'exploration. De même, le mandat de la SGF a été réévalué de façon à ce qu'elle agisse plutôt comme une société de développement de projets moteurs au Québec que comme un holding industriel impliqué de façon permanente dans des entreprises en opération. D'autres sociétés, comme Rexfor et SOQUIA, ont été axées également vers un rôle de société de développement visant à s'associer au secteur privé dans le but de générer de nouveaux investissements et de consolider de façon durable certaines entreprises. Les gestes posés par le gouvernement depuis 1986, les efforts de leurs gestionnaires et l'évolution de la situation économique ont permis d'améliorer la situation financière des sociétés d'État. Ainsi, les bénéfices nets de l'ensemble de ces sociétés sont passés de 752 millions de dollars en 1985-1986 à 1 165 millions de dollars en 1990-1991 et devraient s'élever à 1 353 millions de dollars en 1992-1993. En excluant la Société des alcools (SAQ) et Loto-Québec, qui constituent des cas particuliers, le rendement moyen sur l'avoir du gouvernement est passé de 1,3 % en 1985-1986 à 3,8 % en 1990-1991. Le ralentissement économique des dernières années a eu un effet à la baisse sur la rentabilité de la plupart des sociétés d'État, mais le redressement du bénéfice d'Hydro-Québec découlant d'un retour à la normale de l'hydraulicité aura permis d'améliorer la situation d'ensemble. Ainsi, il est prévu que le rendement sur l'avoir du gouvernement dans ses sociétés d'État, excluant la SAQ et Loto-Québec, s'élève à 5,1 % en 1992-1993. D- Les transferts fédéraux et le partage des champs fiscaux. Les diverses coupures effectuées aux transferts fédéraux depuis le début des années quatre-vingt ont amplifié le problème des finances publiques du Québec. Description sommaire et montants impliqués. Les programmes de transferts fédéraux aux provinces se divisent en quatre grandes catégories: le Financement des programmes établis, la péréquation, le Régime d'assistance publique du Canada et les «autres programmes». Les transferts fédéraux sont versés aux provinces de deux façons. Une partie est versée sous forme d'un transfert fiscal: il s'agit de points d'impôt que le gouvernement fédéral a historiquement cessé de percevoir, permettant aux provinces d'occuper l'espace fiscal laissé vacant. L'autre partie des transferts est versée sous forme d'un transfert financier. Le Québec a choisi historiquement, en vue d'accroître son autonomie fiscale, d'obtenir une plus grande partie de la contribution fédérale au titre des transferts aux provinces sous forme de points d'impôt. En conséquence, le Québec reçoit sous forme de transferts financiers une proportion moins importante des transferts totaux que les autres provinces canadiennes. Cependant, toutes les provinces reçoivent un traitement équivalent en termes de transferts totaux. Contribution décroissante aux équilibres financiers. Alors que les transferts fédéraux en espèces représentaient 28,9 % des revenus budgétaires du gouvernement du Québec en 1983-1984, ils ne comptent plus que pour 21,6 % des revenus en 1992-1993. Si la structure des programmes de transferts aux provinces n'est pas modifiée, on prévoit qu'ils ne devraient représenter que 15,9 % des revenus budgétaires en 1997-1998. Cette évolution découle des mesures prises par le gouvernement fédéral depuis le début des années quatre-vingt pour réduire la croissance des transferts aux provinces: Financement des programmes établis (FPE): réduction à plusieurs reprises de la croissance de la contribution fédérale par habitant et gel de cette contribution à son niveau de 1989-1990 jusqu'en 1994- 1995. Ces coupures résultent en un manque à gagner cumulatif pour le Québec de 8,5 milliards de dollars depuis 1982-1983, dont 1,8 milliard de dollars pour la seule année 1992-1993; péréquation: imposition d'un plafond à la croissance de la péréquation qui a privé l'ensemble des provinces bénéficiaires de 3,0 milliards de dollars à l'égard des années 1988-1989 à 1990- 1991, dont 1,8 milliard de dollars dans le cas du Québec; certains des «autres programmes» ont fait l'objet d'importantes coupures au cours des années quatre-vingt et des coupures additionnelles ont été annoncées dans l'exposé économique et budgétaire fédéral du 2 décembre dernier. Au cours des années quatre-vingt, les transferts ont favorisé les provinces mieux nanties. Depuis le milieu des années quatre-vingt, les transferts fédéraux se sont accrus plus rapidement dans les provinces mieux nanties que dans les provinces moins bien nanties. Les dernières données disponibles révèlent que de 1984 à 1990, les transferts fédéraux totaux ont affiché une croissance annuelle moyenne de: 5,9 % dans les sept provinces les moins bien nanties (c'est-à-dire celles qui reçoivent de la péréquation) et les territoires, dont 4,0 % au Québec; 6,6 % dans les trois provinces les mieux nanties, dont 7,1 % en Ontario. Cette tendance pourrait avoir été modifiée depuis le début des années quatre-vingt-dix en raison du fait qu'à compter de 1990-l991, le gouvernement fédéral a plafonné à 5 % par année la croissance des transferts au titre du RAPC versés aux trois provinces mieux nanties; pendant ce temps, la récession entraînait une augmentation substantielle de ces transferts aux provinces moins bien nanties, qui ne sont pas assujetties au plafond de 5 Par contre, suite à la récession, l'écart entre la capacité fiscale des provinces moins bien nanties et celle des provinces constituant la norme du programme de péréquation a été réduit sensiblement, de sorte que les paiements de péréquation versés aux provinces moins bien nanties ont augmenté plus faiblement qu'au cours de la deuxième moitié des années quatre-vingt. Il est encore trop tôt pour dire s'il y aura un renversement de la tendance observée au cours des années quatrevingt, alors que les transferts se dirigeaient de plus en plus vers les provinces les mieux nanties. On peut cependant anticiper que, si les programmes ne sont pas modifiés en profondeur, les transferts totaux (financiers et fiscaux) reçus par le Québec du gouvernement fédéral devraient connaître une croissance nettement inférieure à celle du PIB au cours des prochaines années. La principale cause de cette évolution est le gel, jusqu'en 1994- 1995, de la contribution totale par habitant au FPE, qui s'ajoute aux coupures effectuées depuis le début des années quatre-vingt à ce programme. De plus, l'amélioration anticipée de la situation économique entraînera une croissance moins rapide des dépenses partageables au RAPC. Enfin, comme les projections économiques ne permettent pas à ce moment-ci d'anticiper un rétablissement important de la nomme du programme de péréquation, les paiements de péréquation devraient connaître une croissance assez faible sur l'horizon de prévision. La faible croissance des transferts totaux conjuguée à la croissance prévue des transferts fiscaux résultera en une diminution en valeur absolue des transferts financiers en provenance du gouvernement fédéral au cours des prochaines années. E- Conclusions. Revenus autonomes. Les comparaisons internationales de fardeau fiscal comportent des limites puisque la taille du secteur public diffère d'un pays à l'autre et que chacun des pays a ses particularités dont on ne peut tenir compte en comparant simplement les charges fiscales. Néanmoins, force est de constater qu'au Québec et au Canada on assiste à une réduction de la marge de manoeuvre sur le plan fiscal plus importante que chez nos principaux partenaires commerciaux, et notamment aux États-Unis. Au Québec, entre 1980 et 1990, les gouvernements fédéral, provincial et municipaux ont augmenté sensiblement le fardeau fiscal puisqu'ils se sont accaparés près de 64 % de l'augmentation du revenu national. En comparaison, aux États-Unis les gouvernements ont absorbé 32 % de la hausse du revenu soit la moitié de ce qu'on a observé au Québec. A cause de ces fortes augmentations et en raison de la ponction fiscale inférieure aux États-Unis, on peut penser aujourd'hui que le niveau des impôts et taxes ne saurait être relevé substantiellement sans risquer de compromettre la compétitivité de l'économie québécoise et la croissance économique. Le gouvernement du Québec a réussi à stabiliser les revenus autonomes en pourcentage du PIB à environ 16 % entre 1983-1984 et 1989-1990. Depuis 1990, des pressions accrues sur les dépenses ont forcé le gouvernement à augmenter le fardeau fiscal de sorte qu'en pourcentage du PIB les revenus autonomes atteindront 17,7 % en 19921993. En ce qui a trait à la structure du régime fiscal, le gouvernement du Québec a adopté une série de mesures visant à la rendre plus conforme aux impératifs de compétitivité de l'économie tout en maintenant son caractère redistributif et en améliorant l'équité envers les familles. Tarification à l'usager. Malgré les efforts récents pour améliorer l'autofinancement des services publics, les revenus de tarification ne représentent que 8,5 % de l'ensemble des dépenses gouvernementales. L'utilisation de la tarification doit certes être accrue et privilégiée pour des motifs d'équité et d'efficacité. Son application reste toutefois limitée et ne peut constituer une solution à l'ensemble des problèmes des finances publiques. Sociétés d'État. Le gouvernement a procédé à un réexamen complet des sociétés d'État qui a conduit à améliorer de façon significative leur situation depuis 1985-1986, tout en consolidant ou en réorientant leur mission. Transferts fédéraux. L'évolution des transferts fédéraux au cours des dernières années a amplifié le problème des finances publiques du Québec et, sans modifications aux programmes actuels, rien ne permet d'anticiper que cette situation se modifiera sur l'horizon de prévision. Évolution des revenus budgétaires et implications pour les dépenses. Lorsque le gouvernement maintient la structure fiscale constante, ses revenus autonomes croissent à peu près au même rythme que l'économie. Les transferts financiers en provenance du gouvernement fédéral devraient diminuer au cours des prochaines années. Au total, la croissance des revenus budgétaires sera donc inférieure à celle du PIB. Une telle situation limite la croissance des dépenses que l'on peut se permettre, ce qui constitue une contrainte majeure. Ainsi, pour empêcher le niveau du déficit d'augmenter, le gouvernement devra, à chaque année, s'astreindre à un niveau important de rationalisation des dépenses. Chapitre 3. La situation des dépenses. A- L'évolution des dépenses au cours des dernières années. La structure actuelle des dépenses publiques est à bien des égards le produit de la révolution tranquille. En effet, c'est à compter des années soixante qu'ont été mis en place les grands programmes de services publics que l'on connaît aujourd'hui. Afin de combler les retards et faire du Québec un État moderne, le gouvernement a graduellement pris à sa charge les services de base à la population (éducation, santé, aide sociale) et s'est doté des outils nécessaires pour appuyer et orienter le développement économique (infrastructures routières, sociétés d'État, politiques sectorielles). L'élargissement des interventions gouvernementales s'est poursuivi de façon rapide jusqu'à la récession du début des années quatre-vingt. A compter de ce moment, la gestion du secteur public a consisté moins à développer de nouveaux services qu'à trouver les meilleures façons de gérer les services que la collectivité québécoise a voulu se donner. Les tendances observées. Pour apprécier correctement le rythme d'accroissement des dépenses, il convient de prendre en compte l'inflation et de regarder la croissance réelle plutôt que la croissance nominale des dépenses. Cette croissance réelle peut être présentée en mesurant la différence entre le taux de croissance nominale des dépenses et l'inflation. Les données du graphique suivant permettent de montrer que les grandes politiques mises en place dans la foulée de la révolution tranquille ont engendré une forte croissance des dépenses publiques jusqu'au début des années quatre-vingt. Le graphique ci-bas montre la part respective que les revenus et les dépenses gouvernementales occupent dans l'économie depuis le début des années soixante-dix. De plus, le total des dépenses y est subdivisé pour distinguer d'une part, les dépenses dites de programmes qui permettent d'offrir des services à la population et d'autre part, les dépenses d'intérêts. Ces dernières sont représentées par l'aire entre les courbes de dépenses de programmes et de dépenses totales. Les données de ce graphique illustrent que: la part des dépenses totales dans l'économie a augmenté de façon continue jusqu'au milieu des années quatrevingt; la part relative des dépenses d'intérêts s'est accrue de façon importante spécialement pendant la première moitié des années quatre-vingt; jusqu'au milieu des années quatre-vingt, les dépenses de programmes ont été supérieures aux revenus budgétaires; depuis le milieu des années quatre-vingt, suite à la croissance du service de dette, les dépenses de programmes sont inférieures aux revenus. Les dépenses du gouvernement peuvent être financées de deux façons: par les revenus ou encore par des emprunts. Si l'on décompose les sources de financement pour chaque dollar dépensé dans le budget 1992-1993, on constate que: 89,5 cents seulement sont financés à même des revenus gouvernementaux; 10,5 cents sont financés par le déficit, ce qui entraîne des emprunts de 3,9 cents pour défrayer le coût d'immobilisations, mais aussi de 6,6 cents pour les dépenses courantes appelées communément «dépenses d'épicerie». Tout compte fait, il nous faut reconnaître que, collectivement, nous dépensons plus que nous contribuons sous forme d'impôts et de taxes et que pour chaque dollar dépensé, nous empruntons 6,6 cents pour nous donner des services dont le coût devra être supporté par les générations futures. Les sources de croissance des dépenses. La croissance observée des dépenses résulte essentiellement de la combinaison de trois facteurs: la croissance structurelle des dépenses; les compressions réalisées; les effets de la conjoncture économique. Pour illustrer la dynamique de croissance qui sera examinée plus à fond dans les sections suivantes, on peut se référer à la croissance observée des dépenses au cours des dernières années. La croissance structurelle des dépenses équivaut au rythme d'augmentation des dépenses qui prévaudrait si l'on reconduisait année après année l'ensemble de l'activité gouvernementale sans effectuer de compressions. Comme il avait été mentionné dans l'annexe «E» du Discours sur le budget 1990-1991, cette croissance structurelle des dépenses s'établit historiquement à un niveau qui dépasse l'inflation d'environ 3 %. De façon plus précise, la croissance structurelle observée de 1989-1990 à 1992-1993 s'est établie à un niveau qui excède l'inflation de 3,2 %. Cette forte croissance structurelle résulte principalement des pressions dans le domaine de la santé et des services sociaux. Rien n'indique qu'elle diminuera dans les années à venir, à moins de modifier davantage la structure des programmes. Pour contrer une croissance structurelle des dépenses qui est plus élevée que celle de l'économie et de la capacité de payer des citoyens, des compressions doivent être faites annuellement. De 1989-1990 à 1992-1993, les compressions réalisées ont permis de réduire les dépenses de 1,3 % en moyenne. On aurait donc dû s'attendre normalement à ce que les dépenses croissent à un rythme égal à l'inflation plus 1,9 %. Cependant, les effets de la conjoncture économique ont entraîné une augmentation additionnelle des dépenses égale à 1,5 % en moyenne pendant les années 1990-1991, 1991-1992 et 1992-1993. Compte tenu de ces différents facteurs, la croissance observée des dépenses pendant cette dernière période a excédé l'inflation de 3,4 %. L'effet de la conjoncture sur l'évolution récente des dépenses. Le document «L'urgence d'un redressement» publié en mars 1986 concluait que le Québec vivait au-dessus de ses moyens. C'est pourquoi le gouvernement a poursuivi une politique d'assainissement des finances publiques qui était essentiellement basée sur un contrôle serré de la croissance des dépenses. Comme le montre le graphique ci-dessous, la politique de dépenses a permis de contenir la croissance budgétaire au cours des années 1986-1987 à 1989-1990: l'année 1986-1987 a été exceptionnelle: pour résorber une impasse budgétaire importante, le gouvernement a procédé à une révision significative des bases budgétaires des ministères; il en est résulté une croissance des dépenses inférieure à l'inflation de 1,1 %; au cours des trois années qui suivirent, la croissance des dépenses s'est établie en moyenne à 1,3 % au-dessus de l'inflation. Après avoir connu une croissance relativement forte et ce, pendant une de ses plus longues périodes, l'économie québécoise s'est ralentie en 1989, puis est tombée en récession au deuxième trimestre de 1990. Ce revirement de la conjoncture économique a entraîné des pressions accrues sur l'évolution des dépenses. Pour protéger les personnes touchées par la récession et soutenir l'économie, le gouvernement a choisi de laisser augmenter son déficit pour absorber des dépenses de nature conjoncturelle à compter de 1990- 1991. Ces dépenses additionnelles découlent, entre autres, des hausses de clientèles à la sécurité du revenu et dans le domaine de l'éducation ainsi que des mesures prises pour soutenir l'économie. En bref, ces données démontrent qu'une hausse des dépenses de l'ordre de 1,0 % en 1990-l991, de 1,3 % en 1991-1992 et de 2,2 % en 1992-1993 est directement imputable à la conjoncture économique. Dans le budget des dépenses 1992-1993, c'est 1,7 milliard de dollars qui est attribuable au ralentissement de l'économie. En l'absence des principaux effets de conjoncture, la croissance moyenne des dépenses au cours des trois dernières années aurait été égale à l'inflation plus 1,9 %. Ce résultat a pu être atteint grâce à des mesures de réduction de dépenses plus importantes qu'au cours des années précédentes. En plus des mesures générales imposées annuellement pour réaliser des gains de productivité, des mesures particulières ont été adoptées pour corriger de manière significative la croissance structurelle des dépenses. Il s'est agi, entre autres, du transfert de certaines responsabilités aux commissions scolaires, de l'augmentation des frais de scolarité au niveau universitaire, du gel des salaires de janvier à juillet 1992, du réaménagement des responsabilités Québec-Municipalités (exemple: transport en commun) et de mesures prises plus récemment dans le secteur de la santé (désassurance partielle des soins dentaires et optométriques, frais de 2 dollars par ordonnance, jusqu'à un plafond annuel de 100 dollars, pour les médicaments prescrits aux personnes âgées ne bénéficiant pas de la prestation maximale du programme fédéral de supplément de revenu garanti). La revue des principales mesures prises pour comprimer la croissance structurelle des dépenses. Les initiatives prises depuis 10 ans pour réduire les dépenses ont reposé sur l'un ou l'autre des éléments suivants: 1 la politique de rémunération, 2 le contrôle de l'effectif gouvernemental, 3 la sous-indexation des ressources allouées, 4 la révision de programmes, 5 la participation des clientèles au financement des services publics et la décentralisation. La politique de rémunération. La politique de rémunération du gouvernement du Québec est basée sur le principe de la comparabilité de la rémunération globale des employés de l'État avec celle prévalant sur le marché privé québécois. Dans le contexte de la récession de 1982, après avoir constaté que le niveau de rémunération des salariés du secteur public était largement en avance sur celui versé aux salariés du secteur privé, le gouvernement s'est vu contraint, à l'expiration des conventions collectives de travail, de récupérer une partie des augmentations salariales préalablement consenties. Par la suite, les conditions de travail ont été fixées en deçà des paliers atteints en 1982 et la croissance moyenne des salaires pour 1984 et 1985 a été limitée à l'inflation moins 1,5 %. De plus, à la même époque, la tâche des enseignants a été augmentée et la participation gouvernementale aux régimes de retraite a été limitée en diminuant l'indexation des rentes et en établissant un partage égal des contributions aux régimes de retraite entre les employeurs et les employés. Il s'est agi d'un redressement majeur qui a permis de réduire à terme les bases budgétaires d'un montant de l'ordre de un milliard de dollars. De 1986 à 1990, les augmentations salariales versées dans les secteurs public et parapublic ont suivi l'évolution du coût de la vie, à l'exception de certains redressements effectués aux échelles salariales pour corriger les inégalités, principalement à l'égard des corps d'emploi à prédominance féminine. Au printemps de 1991, le gouvernement du Québec et ses employés en sont venus à une entente permettant le gel des salaires pour les six premiers mois de 1992 suivi d'une hausse de 3 % des échelles salariales. Une seconde entente a permis de prolonger d'une autre année les conventions collectives. Cette entente maintenait la hausse de 3 % au premier juillet 1992 et prévoyait la suspension d'un montant forfaitaire de 1 % versée depuis le premier juillet 1991 et son intégration aux échelles salariales le premier avril 1993. Par ailleurs, en ce qui concerne la rémunération des professionnels de la santé, celle-ci est déterminée dans le cadre d'ententes qui fixent l'augmentation de la masse monétaire globale ainsi que certaines modalités de rémunération. Les augmentations d'honoraires professionnels suivent généralement la politique salariale négociée avec les employés des secteurs public et parapublic. De plus, des mécanismes particuliers ont été instaurés afin de limiter la croissance des dépenses: un système d'objectifs tarifaires: l'objectif tarifaire correspond à un revenu annuel moyen; il est négocié et sert de base à l'établissement des tarifs des actes médicaux. Le dépassement de l'objectif tarifaire est en principe récupéré sur les augmentations de tarifs accordées pour la période suivante; les plafonds: les omnipraticiens ne sont rémunérés selon les tarifs prévus à l'entente que si leurs revenus sont inférieurs au plafond déterminé pour un trimestre donné. Chez les médecins spécialistes, des mécanismes analogues ont été développés mais ils ne sont pas généralisés. Le contrôle de l'effectif gouvernemental. Depuis 1990-1991, la comptabilisation de l'effectif des ministères et organismes présenté au Livre des crédits se fait sur la base d'une enveloppe d'équivalents temps complet (ETC) qui regroupe à la fois les employés réguliers et les employés occasionnels. Le graphique suivant présente l'évolution sur base comparable de l'effectif autorisé et de l'effectif utilisé par les ministères et organismes en incluant les fonds spéciaux. De façon générale, malgré certaines fluctuations, l'écart entre l'effectif autorisé et l'effectif utilisé a tendance à demeurer constant. En ce qui concerne l'effectif utilisé, celui-ci est passé de 61 504 ETC en 1981-1982 à 63 856 en 1985-1986 et à 63 893 en 1991-1992. Depuis 1985-1986, l'effectif total utilisé est demeuré stable malgré le détachement de nouveaux employés du gouvernement du Québec pour la gestion de la taxe sur les produits et services (TPS) et les transferts d'effectifs du gouvernement fédéral au gouvernement du Québec pour l'application de l'entente CanadaQuébec sur l'accueil des immigrants. Au cours des années quatre-vingt, les efforts annuels de rationalisation ont presque toujours inclus des mesures visant à diminuer l'effectif autorisé de 1 % à 2 % par année. Cependant, les postes ainsi retranchés ont souvent été réalloués pour répondre à de nouveaux besoins ou pour réaliser de nouvelles priorités. Ainsi, de 1986-1987 à 1991-1992 inclusivement, environ 5 500 postes ont été comprimés et réalloués. Pendant cette période, les ministères qui ont vu augmenter le plus leur effectif autorisé sont dans l'ordre: la Sécurité publique (+ 970 ETC), le Revenu (+ 836 ETC), les Communautés culturelles et l'Immigration (+ 750 ETC) et l'Environnement (+ 710 ETC). La sous-indexation des ressources allouées. Depuis le début des années quatre-vingt, une façon courante de réaliser des compressions a consisté à ne pas indexer les dépenses de fonctionnement autres que les salaires et les dépenses d'intérêts. Ces dépenses de fonctionnement s'élèvent à près de 4,7 milliards de dollars en 1992-1993, soit 11,4 % du budget des dépenses. Elles comprennent les coûts d'opération des ministères ainsi que les subventions versées aux mêmes fins aux réseaux de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la santé et des services sociaux. Plus particulièrement depuis 1985-1986, les dépenses de fonctionnement des ministères ont à toutes fins pratiques été gelées, sauf pour prendre en compte des programmes ou des services de nature incompressible. Il en a été de même pour certaines années dans les réseaux d'enseignement primaire, secondaire et collégial. La sous-indexation des ressources a été également appliquée dans le réseau de la santé et des services sociaux au cours de la première moitié des années quatre-vingt. Depuis 1986 cependant, le budget global de fonctionnement du réseau a généralement été indexé, avec toutefois des réallocations entre les établissements de santé. Ce budget de fonctionnement a également été majoré de 1 % annuellement pour faire face aux coûts additionnels engendrés par le vieillissement de la population et le développement de la technologie médicale. De cette façon, il a été possible d'amener les hôpitaux à maintenir un budget équilibré et, le cas échéant, à prendre les mesures requises pour résorber les déficits accumulés. La révision des programmes. Au cours des dix dernières années, différentes méthodes ont été utilisées afin de favoriser la révision des programmes existants. A l'occasion de ces exercices de révision, les activités qui ont été carrément abolies sont peu nombreuses et de nature plutôt marginale. Cependant, l'étendue et les normes de plusieurs grands programmes gouvernementaux ont fait l'objet d'importantes révisions. Les programmes de sécurité du revenu ont été modifiés en 1989 afin de favoriser davantage l'incitation au travail et le relèvement de l'employabilité: les prestataires aptes au travail qui participent à des programmes d'employabilité reçoivent des allocations majorées. Le régime de prêts et bourses aux étudiants de niveau postsecondaire a été révisé en 1989-1990 à des fins d'harmonisation avec les règles applicables au régime fiscal et à la sécurité du revenu; le nombre de semestres où un étudiant peut profiter d'une aide financière a été limité et une remise de dette est accordée aux étudiants de 2e et 3e cycles universitaires qui complètent leurs études dans un délai raisonnable. Les programmes réguliers d'aide financière aux entreprises administrés par la Société de développement industriel (SDI) ont été complètement refondus en 1986: l'aide sous forme de subvention ou de prêt sans intérêt a été remplacée par une formule de prêt participatif consenti au taux du marché. Par ailleurs, les activités de deux autres organismes de financement, la Société de développement coopératif et l'Agence québécoise de valorisation industrielle, ont été intégrées à la SDI en 1991-1992. Les programmes d'aide aux entreprises agricoles ont été réorientés depuis 1987-1988 afin de mettre l'accent sur l'aide à l'investissement plutôt que sur l'aide au fonctionnement; les barèmes d'aide ont été diminués de façon significative. A la suite de la commission parlementaire tenue en février 1992 sur le financement des services de santé et des services sociaux, les services dentaires aux enfants de 10 ans et plus de même que les services optométriques pour les 18-40 ans ne sont plus couverts par les programmes complémentaires assurés. La participation des clientèles au financement des services publics et la décentralisation. De façon à mieux contrôler la dynamique de croissance de certains, programmes, le gouvernement du Québec a pris depuis 1986 différentes mesures destinées à accroître la visibilité des coûts pour les usagers ou bénéficiaires de services gouvernementaux. Dans certains cas, il s'est agi de faire assumer par les clientèles une part des coûts qui leur sont imputables. En 1990-1991, le moratoire sur le niveau des frais de scolarité dans les universités qui prévalait depuis 1969 a été levé. Concurremment, le régime de l'aide financière aux étudiants et le mode de calcul des subventions aux universités ont été révisés de façon à préserver l'accès aux études universitaires et à corriger le problème de sous-financement des universités. Depuis le premier avril 1992, les usagers du programme de médicaments pour personnes âgées doivent verser une contribution d'un montant de 2 $ pour l'exécution d'une ordonnance ou son renouvellement; cette contribution est cependant limitée à 100 $ par année et ne s'applique pas aux personnes qui reçoivent le maximum de supplément de revenu garanti versé en vertu de la Loi de la sécurité de la vieillesse. Dans le secteur local, le gouvernement a posé un certain nombre de gestes depuis 1990- 1991 dans le but d'instaurer une dynamique plus efficace dans la gestion des dépenses publiques en favorisant un rapprochement entre la décision d'engager des dépenses pour dispenser des services publics et la responsabilité de prélever des revenus pour les financer. Depuis 1990-1991, le financement gouvernemental de l'entretien des équipements des commissions scolaires a été remplacé par un élargissement du champ de l'impôt foncier scolaire prélevé localement. Cette modification rend plus visible les hausses de coûts, ce qui entraîne un contrôle plus direct des citoyens à cet égard. Cette mesure a été accompagnée d'une bonification du programme de péréquation destiné aux commissions scolaires moins bien nanties pour qu'elles soient mieux en mesure d'assumer les responsabilités transférées. Le nouveau partage des responsabilités Québec-Municipalités, en vigueur depuis janvier 1992, a permis de favoriser, par une plus grande responsabilité financière du secteur municipal, une gestion plus efficace des dépenses publiques. Parmi les mesures mises en oeuvre, on peut noter: la fin des subventions à l'exploitation des organismes publics de transport en commun; la plus grande partie de ces dépenses doit maintenant être financée par des tarifs ou des taxes prélevées localement; l'instauration d'une tarification des services policiers de base assumés par la Sûreté du Québec dans les municipalités qui n'ont pas de corps de police. Cette tarification varie en fonction de la taille de la population et de la richesse foncière de la municipalité; le transfert aux municipalités, à compter du premier avril 1993, de la responsabilité de l'entretien et de l'amélioration du réseau routier local. Dans un souci d'équité, le gouvernement a tenu compte de la capacité financière de chacune des municipalités à prendre en charge les responsabilités transférées. C'est pourquoi, le programme de péréquation municipale a été amélioré et divers programmes de compensation financière ont été mis en place afin d'atténuer l'impact des diverses mesures sur les contribuables municipaux. Le rendement budgétaire des mesures d'économie prises depuis 1986-1987. Le graphique suivant présente une évaluation sommaire de l'impact des mesures de réduction prises depuis 19861987. Il permet de montrer que le rendement cumulatif de ces mesures est loin d'être négligeable puisqu'il représente 3,5 milliards de dollars, montant qui équivaut à 10,2 % des dépenses de programmes en 1992-1993. B- La composition et la dynamique de croissance des grands domaines de dépenses. B-1 Composition des dépenses. Le budget des dépenses reflète une réalité qui est complexe à bien des égards. L'État québécois, avec son budget de plus de 40 milliards de dollars et ses 400 000 employés, est de loin la plus grande organisation au Québec par sa taille. Au plan des structures, on retrouve une vingtaine de ministères, quelques centaines d'organismes et l'ensemble des institutions et des établissements des réseaux d'enseignement et de la santé et des services sociaux. Au plan de ses produits, l'État québécois n'est pas une entreprise comme une autre puisque ses actions sont multiples et touchent toutes les sphères de la société, de la santé à l'éducation en passant par la culture, le système judiciaire, l'agriculture, etc. Étant donné cette complexité, il apparaît utile de fractionner le budget des dépenses par grands blocs. C'est ce que fait le tableau de la page suivante en décomposant les dépenses gouvernementales sous deux axes. L'axe vertical qui présente les grandes catégories de dépenses selon qu'il s'agit de la rémunération, des dépenses de fonctionnement ou de capital, des transferts et des dépenses afférentes aux dettes assumées par le gouvernement. L'axe horizontal qui présente les grands domaines de dépenses. Catégories de dépenses. Si l'on examine le budget gouvernemental en fonction des grandes catégories de dépenses, on constate que: les dépenses d'intérêts représentent 15,5 % du budget, en y incluant la dette subventionnée, ce qui laisse 84,5 % pour les dépenses de programmes, celles qui servent à rendre des services à la population; la rémunération et les contributions d'employeur accaparent 51,5 % des dépenses budgétaires; le reste des dépenses compte pour environ le tiers du budget, dont 17,6 % sous forme de transferts et 15,4 % pour les dépenses de fonctionnement et de capital. Domaines de dépenses Si l'on regarde maintenant le budget gouvernemental en fonction des grands domaines de dépenses, on constate que: près des deux-tiers du budget est accaparé par les grands services de base à la population: le domaine de la santé et des services sociaux qui compte pour 31,4 % du budget total et qui comprend les dépenses du ministère du même nom et celles de la Régie de l'assurance-maladie du Québec; le domaine de l'éducation qui représente 25,2 % des dépenses totales et qui comprend les niveaux d'enseignement primaire, secondaire, collégial et universitaire; le domaine de la sécurité du revenu qui compte pour 9,1 % des dépenses. 12,1 % du budget doit être alloué au service de la dette gouvernementale; il reste moins de 25 % du budget pour l'ensemble des autres programmes gouvernementaux, ce qui comprend notamment les transferts aux municipalités (3,5 %), les transferts aux entreprises (2,4 %) et le budget routier (2,9 %). B-2 Dynamique de croissance. Pour comprendre la dynamique de croissance des dépenses gouvernementales, il s'avère nécessaire d'examiner de plus près comment évolue chacun de ces grands domaines de dépenses. Pour ce faire, il est utile d'examiner leur croissance respective en distinguant deux périodes triennales: les années 1987-1988, 1988-1989 et 1989-1990 qui représentent une période de croissance économique favorable; les années 1990-1991, 1991-1992 et 1992-1993 qui reflètent l'effet du revirement de la conjoncture économique survenu en 1990. Le tableau suivant présente la croissance budgétaire observée des grands domaines de dépenses pour les deux périodes analysées. Les données du graphique suivant permettent de montrer que le repli économique survenu en 1990 a modifié de façon radicale l'évolution de certains domaines de dépenses. C'est le cas plus particulièrement des dépenses de sécurité du revenu qui progressent maintenant à un rythme égal à l'inflation plus 8,1 %. C'est le cas également, mais dans une mesure moindre, des dépenses d'intérêts sur la dette du gouvernement et des dépenses d'éducation. Tel qu'indiqué pour la période 1989-1990 à 1992-1993, le domaine de la santé et des services sociaux tend de son côté à augmenter de façon structurelle à un rythme qui dépasse l'inflation d'environ 4 %. Le domaine de la santé et des services sociaux. Dans le domaine de la santé et des services sociaux, qui compte pour 31,4 % du budget gouvernemental, les dépenses ont tendance à croître à un rythme annuel égal à l'inflation plus 4 %. Il s'agit d'une croissance qui est peu dépendante du contexte économique. Il est en effet significatif de constater que, de 1986-1987 à 19891990, seules les dépenses du domaine de la santé et des services sociaux ont eu tendance à augmenter à un rythme accéléré et ce rythme s'est maintenu de 1989-1990 à 1992-1993. Comme il a été observé dans le document publié en 1991 par le ministère de la Santé et des Services sociaux, les pressions dans ce domaine proviennent aussi bien du côté de l'offre (nombre de médecins, technologies médicales, etc) que du côté de la demande (vieillissement de la population, nouveaux phénomènes de drogue, itinérance, sida, violence et criminalité, etc). Depuis 1986-1987, le réseau de la santé et des services sociaux a fait l'objet d'ajustements budgétaires répétés, tout d'abord pour corriger les déficits accumulés et les bases budgétaires et ensuite pour tenir compte de l'augmentation ou de l'alourdissement des clientèles, du coût des nouvelles technologies ou encore pour résoudre des problèmes aigus (urgences, ambulances, santé mentale). De plus, des crédits additionnels importants ont été consentis à chaque année pour financer les dépenses de fonctionnement générées par les travaux d'agrandissement et de rénovation effectués dans les établissements de santé et l'augmentation de la contribution de l'employeur aux régimes d'assurance-chômage, de santé et de sécurité du travail et de retraite. Il a été estimé que les sommes additionnelles allouées dans le domaine de la santé et des services sociaux depuis 1986- 1987 représentent un montant d'environ 1,2 milliard de dollars dans le budget 1992-1993. Le domaine de l'éducation. Dans le domaine de l'éducation qui compte pour environ le quart du budget, l'évolution des dépenses est fonction principalement de deux variables: les fluctuations de clientèles puisque les conventions collectives déterminent le nombre moyen d'élèves par enseignant; l'évolution de la rémunération puisque cette composante représente près de 80 % du total des dépenses dans les réseaux de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Le rythme de croissance de ce domaine de dépenses, qui était à peu près équivalent à l'inflation de 1986-1987 à 1989-1990, s'est accéléré au cours des trois dernières années et dépasse maintenant l'inflation de 1,7 %. Il est à noter que ce rythme de croissance aurait été plus élevé sans les mesures de rationalisation appliquées dans ce secteur depuis 1990-1991. Cette accélération des dépenses s'explique essentiellement par l'impact de la conjoncture économique sur les clientèles étudiantes, spécialement au niveau postsecondaire et dans les programmes de formation professionnelle administrés par les commissions scolaires. Étant donné que l'évolution de ces clientèles est étroitement liée à la situation de l'emploi et que les programmes de formation s'étalent dans certains cas sur plusieurs années, il ne faut pas s'attendre à un renversement de cette tendance à court terme. On peut prévoir également que les nouvelles exigences de l'économie entraîneront une hausse permanente des clientèles à la formation professionnelle et à l'éducation des adultes. Le domaine de la sécurité du revenu. Le taux de chômage et la situation de l'emploi ont une influence directe sur le nombre de prestataires à la sécurité du revenu. De 1986-1987 à 1989-1990, une conjoncture économique favorable a permis une baisse annuelle du nombre de ménages inscrits à la sécurité du revenu. Pendant cette période, les dépenses destinées à la sécurité du revenu ont évolué à un rythme inférieur à celui de l'inflation de 3,1 %. Le repli économique survenu au début de 1990 a fait augmenter de façon rapide le nombre de ménages à la sécurité du revenu. De janvier 1990 à décembre 1992, le nombre des ménages est passé de 338 772 à 439 400, ce qui représente une hausse de 29,7 %. De leur côté, les dépenses reliées au domaine de la sécurité du revenu ont augmenté de plus de un milliard de dollars de 1989-1990 à 1992-1993. On estime qu'environ les trois-quarts de cette augmentation proviennent d'une hausse de clientèles, le solde provenant surtout de l'indexation des prestations. Les observations faites par le passé montrent que, malgré la reprise de l'économie, il faudra attendre plusieurs années avant que ne se résorbent les hausses de clientèles et les dépenses additionnelles causées par la conjoncture. Le domaine de la dette. Le redressement des finances publiques entrepris en 1986 s'est traduit par une réduction du déficit qui a permis de stabiliser la progression du service de la dette. C'est ainsi que pour la période comprise entre 1986-1987 et 1989-1990, les intérêts payables sur la dette directe et le compte des régimes de retraite ont augmenté à un rythme presqu'égal à l'inflation. A compter de 1990- 1991, le gouvernement a choisi de laisser augmenter temporairement le déficit dans le but de tenir compte de la conjoncture économique. Compte tenu de l'augmentation du déficit, la croissance des dépenses d'intérêts sur la dette directe et le compte des régimes de retraite est égale à l'inflation plus 2,8 % pendant la période comprise entre 1989-1990 et 1992-1993. Il s'agit d'un effet de la conjoncture qui se répercute en permanence sur le service de la dette. Les autres domaines de dépenses. Pour ce qui est de l'ensemble des autres dépenses, elles se sont accrues à un rythme égal à l'inflation plus 1,8 % de 1987-1988 à 1989-1990 et égal à l'inflation plus 2,8 % de 1989-1990 à 1992-1993. L'évolution de ce dernier bloc de dépenses résulte de l'interaction de nombreux facteurs. D'une part, les compressions réalisées depuis 1986-1987 y ont été relativement plus importantes que dans les domaines de dépenses analysés précédemment. D'autre part, ce dernier bloc de dépenses regroupe un certain nombre de programmes que le gouvernement a jugé prioritaires (transport, environnement, culture, développement de l'emploi...) et qui ont connu une forte croissance. C'est ce que montre le tableau suivant. C- Comment le niveau de dépenses du Québec se compare-t-il? Il faut être prudent lorsque l'on effectue des comparaisons internationales des parts du PIB affectées aux dépenses publiques puisque les écarts observés entre les pays peuvent résulter de choix collectifs différents quant à l'étendue des services dispensés par l'État. C'est le cas particulièrement des dépenses de santé qui sont essentiellement à la charge des individus aux États-Unis alors qu'elles sont assumées en grande partie par le secteur public dans certains autres pays et au Québec. Il est tout de même intéressant de constater qu'en 1990, les dépenses publiques totales de tous les paliers de gouvernement (fédéral, provincial et local) par rapport au PIB sont plus élevées au Canada et au Québec que dans la plupart des pays du G-7. A ce titre, le Québec se classe au deuxième rang et n'est devancé que par l'Italie. Par ailleurs, de 1980 à 1990, le service de la dette de tous les paliers de gouvernement, par rapport au PIB, se caractérise par une croissance beaucoup plus élevée au Québec et au Canada que dans la plupart des autres pays du G-7, à l'exception de l'Italie. Au niveau canadien, c'est avec l'Ontario, notre principal partenaire commercial, qu'il est le plus utile de se comparer: les deux économies se ressemblent et les services publics que l'on retrouve dans cette province sont semblables à ceux qui existent au Québec. Compte tenu que l'organisation des services n'est pas structurée de la même façon dans les deux provinces, il convient toutefois de consolider les dépenses des municipalités et des commissions scolaires avec celles des gouvernements provinciaux de façon à mesurer le coût de ces services sur une base comparable. Les données du tableau suivant montrent que, sur une base per capita, les dépenses du secteur public québécois sont aujourd'hui inférieures de 6 % à celles du secteur public de l'Ontario et ce, malgré le fait que les dépenses d'intérêts à supporter soient significativement plus élevées au Québec. S'il n'en tenait qu'aux dépenses de programmes, le coût des services publics québécois serait inférieur de 13 % à celui de l'Ontario alors qu'il dépassait celui de l'Ontario de 10 % en 1985-1986. Cette performance relativement favorable du secteur public québécois n'aurait pu être réalisée sans une politique rigoureuse de gestion des dépenses. La politique salariale a permis de s'en tenir à des augmentations de la rémunération qui ont correspondu généralement à l'évolution de l'IPC. La gestion serrée des dépenses a permis de limiter la croissance budgétaire en deçà de celle du PIB jusqu'au ralentissement économique survenu en 1990. Des gestes énergiques ont été pris depuis 1990- 1991 afin de contenir une croissance trop rapide des dépenses. Il faut cependant tenir compte du fait que le Québec ne dispose pas des mêmes moyens que l'Ontario. Sur la base de l'indicateur de capacité de payer que constitue le PIB, les dépenses du secteur public québécois sont encore supérieures de 14 % à celles de l'Ontario. Même après avoir considéré les sommes reçues en vertu du programme de péréquation, les dépenses du secteur public québécois étaient supérieures de 6 % à celles de l'Ontario en 1991-1992. Cet écart représente un montant total de l'ordre de 3 milliards de dollars que le secteur public québécois dépense en trop par rapport à l'Ontario. Dans l'hypothèse où l'on veut que le secteur privé québécois n'ait pas à supporter un fardeau fiscal plus élevé qu'en Ontario, il s'ensuit qu'en proportion du PIB, l'ensemble des dépenses du secteur public québécois doit être ramené, après péréquation, à un niveau comparable à celui de l'Ontario. Comme l'économie québécoise est moins riche, nous ne pouvons dans cette hypothèse nous offrir des services comparables à l'Ontario qu'à la condition de pouvoir les dispenser à moindre coût et ce, en dépit du fait que certains services publics sont plus coûteux à dispenser au Québec en raison de l'étendue du territoire et de la rigueur de notre climat (ex.: le réseau routier). D- Conclusions. Dans la foulée de la révolution tranquille, le Québec s'est donné des services qui, depuis qu'ils ont atteint leur rythme de croisière, entraînent une croissance structurelle des dépenses difficile à contenir et plus élevée que celle des revenus. Malgré les mesures d'économie prises annuellement pour comprimer la croissance structurelle des dépenses, on constate que le niveau de dépenses est comparativement trop élevé par rapport aux revenus et dépasse la capacité de payer de la société québécoise. En plus des hypothèques du passé qui affectent la capacité financière du gouvernement, il existe des facteurs structurels qui font pression sur les dépenses et qui se retrouvent plus particulièrement dans le domaine de la santé et des services sociaux, mais aussi dans d'autres secteurs. On peut mentionner, à titre d'exemple: les investissements requis pour le renouvellement ou le maintien en bon état des infrastructures publiques (routes, hôpitaux, centres d'accueil, écoles, etc); les efforts financiers à faire pour assurer notre prospérité future, notamment en ce qui a trait à la formation de la main-d'oeuvre et à l'innovation technologique; les autres dépenses encourues pour répondre à des nouveaux besoins auxquels la société québécoise donne priorité (environnement, culture, immigration, etc). La politique de gestion des dépenses suivie à partir de 1986-1987 avait permis une décélération ordonnée du rythme de croissance des dépenses jusqu'en 1989-1990. Cependant, le revirement économique survenu en 1990 s'est ajoutée à la croissance structurelle des dépenses et a mis en évidence la nécessité de réajuster plus rapidement le niveau des dépenses. Chapitre 4. La situation financière. Au problème découlant d'une marge de manoeuvre réduite sur le plan fiscal et à celui du niveau et de la croissance élevés des dépenses présentés dans les chapitres précédents, s'ajoutent les difficultés inhérentes aux niveaux élevés atteints par le déficit et l'endettement. A- Évolution de la situation financière. Amélioration de la situation financière de 1985-1986 à 1989-1990. Conformément aux objectifs que le gouvernement s'était fixés dans le document «L'urgence d'un redressement», publié en mars 1986, des progrès significatifs ont pu être accomplis de 1985-1986 à l989-1990 au plan du déficit et de la dette: le déficit a été réduit de 50 %, passant de 3 344 millions de dollars en 1985-1986 à 1 659 millions de dollars en 1989-1990; les besoins financiers nets du gouvernement ont subi une diminution du même ordre, passant de 1 671 millions de dollars en 1985-1986 à 816 millions de dollars en 1989-1990; le solde des opérations courantes (soit la mesure du recours aux emprunts pour financer les «dépenses d'épicerie»), a presque été ramené à l'équilibre, passant d'un déficit de 2 075 millions de dollars en 1985-1986 à seulement 430 millions de dollars en 1989-1990; la proportion des revenus budgétaires consacrée au paiement d'intérêts, incluant les subventions pour paiements d'intérêts versées à certains organismes du secteur public, a pu être diminuée de 17,3 % en 1985 - 1986 à 16,6 % en 1989-1990; la proportion de la dette par rapport à la richesse (PIB), en constante progression depuis 1975-1976, a pu être réduite, passant de 29,3 % en 1985- 1986 à 28,2 % en 1989- 1990. La récession de 1990 et 1991 a sérieusement affecté la situation. Cependant, depuis 1990, la récession économique a freiné la progression des revenus autonomes et accrû la croissance des programmes de dépenses sensibles à la conjoncture. De plus, la croissance des transferts fédéraux a été ralentie par les restrictions au programme de péréquation (application de la disposition plafond) et au Financement des programmes établis. Devant les impacts engendrés par la récession, le gouvernement a opté pour une approche responsable de la gestion des finances publiques. La politique fiscale et budgétaire poursuivie depuis 1990-1991 se caractérise par: des déficits plus élevés de façon à absorber les impacts de la conjoncture sur les revenus et les dépenses du gouvernement; des mesures encore plus importantes de rationalisation des dépenses qu'au cours des années précédentes et une augmentation du fardeau fiscal orientée vers les sources de revenu les moins dommageables pour l'économie (tabac, alcool, etc), de façon à financer les hausses de dépenses non reliées à la conjoncture. Conséquemment, la situation financière du gouvernement s'est sensiblement détériorée à compter de 1990-1991: le déficit a plus que doublé par rapport à son niveau de 1989-1990 et devrait atteindre 4 260 millions de dollars en 1992-1993; les besoins financiers nets devraient atteindre les 3 milliards de dollars en 1992-1993; la dette en proportion de la richesse nationale (PIB) a recommencé à augmenter, passant de 28,2 % en 1989-1990 à 35,1 % en 1992-1993; la proportion des revenus budgétaires devant être consacrée aux paiements d'intérêts est revenue presqu'au même niveau qu'en 1985-1986, soit 17,3 %; le déficit des opérations courantes a augmenté de façon importante en 1991-1992 et 1992-1993, pour atteindre près de 2,7 milliards de dollars. Il est à noter que les données budgétaires pour l'année 1992-1993 présentées au tableau qui précède sont celles de la Synthèse des opérations financières au 30 septembre 1992. Les prévisions des revenus pourraient devoir être révisées lorsque les données réelles au 31 décembre 1992 seront disponibles. En ce qui a trait aux dépenses, le gouvernement entend respecter l'objectif fixé lors du dernier Discours sur le budget et les mesures appropriées ont déjà été prises pour y parvenir. B- L'endettement. Un endettement trop élevé. La situation financière du gouvernement du Québec se caractérise aujourd'hui par une dette élevée. Le graphique suivant montre que la dette du gouvernement a augmenté beaucoup plus rapidement que l'économie depuis le milieu des années soixante-dix. Sur le plan canadien, le Québec est l'une des provinces les plus endettées: le rapport de la dette totale du Québec au PIB se situait à 33,0 % au 31 mars 1992, ce qui le place au troisième rang, après Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. La dette totale du gouvernement atteignait 51,2 milliards de dollars au 31 mars 1992. Elle se décomposait en 33,1 milliards de dollars au titre de la dette directe, c'est-à-dire la dette à long terme et les bons du Trésor (qui donnent lieu à des emprunts sur les marchés financiers), et en 18,1 milliards de dollars correspondant aux emprunts auprès des régimes de retraite des employés des secteurs public et parapublic. Conséquences de l'endettement. Le niveau d'endettement élevé atteint par le Québec s'avère problématique sur quatre plans. Premièrement, la forte croissance de l'endettement a entraîné une augmentation importante des sommes que le gouvernement doit consacrer aux paiements d'intérêts. Ainsi, en 1992-1993, pour chaque dollar de revenu, plus de 17 cents doivent être consacrés au paiement des intérêts sur la dette totale et à des subventions pour le paiement d'intérêts destinées à des organismes du secteur public. En 1970-1971, moins de 5 cents par dollar de revenu étaient alloués au service de la dette. Une autre façon d'illustrer les conséquences du recours systématique à l'endettement, est de comparer l'évolution des dépenses de programmes avec celle des revenus budgétaires. Au cours des années soixante-dix, les dépenses de programmes ont été supérieures aux revenus budgétaires, reflétant la forte croissance du secteur public, ce qui s'est traduit par une augmentation importante de l'endettement. Par contre, depuis le début des années quatre-vingt, les dépenses de programmes ont généralement été inférieures aux revenus budgétaires, ce qui reflète l'effet des mesures ayant dû être prises pour contrôler les dépenses et la part de plus en plus importante des revenus budgétaires devant être consacrée au paiement d'intérêts. Cette situation est susceptible d'entraîner l'insatisfaction de la part des citoyens, qui peuvent avoir l'impression de «ne pas en avoir pour leur argent». Deuxièmement, une partie importante de la dette a servi à financer des dépenses courantes, ce qui soulève un problème d'équité entre les générations. Le gouvernement enregistre des déficits au solde des opérations courantes depuis 1977-1978. Cette pratique budgétaire est inéquitable, puisque ce sont les générations futures qui devront défrayer, à même des hausses d'impôts, une partie du coût des services publics que nous nous offrons alors que nous n'avons pas les moyens de nous les payer. Il s'agit d'autant de ressources qui ne pourront être utilisées pour dispenser des services à la population. Troisièmement, la capacité d'emprunter du gouvernement est fortement utilisée. Les besoins de financement du secteur public québécois sont importants. Ceux-ci ont pu être comblés à des coûts satisfaisants au cours des dernières années, grâce à la bonne réputation du Québec sur les marchés internationaux, au développement de nouveaux modes de financement et à une conjoncture favorable. Toutefois, au-delà des problèmes de compétitivité et d'engagement des ressources du futur et malgré des politiques rigoureuses en matière de financement, les déficits et le recours systématique à l'endettement soulèvent le problème de la capacité d'emprunt du gouvernement sur les marchés financiers: un recours trop fréquent aux marchés financiers peut engendrer des problèmes de placement des titres sur les marchés, surtout dans un contexte où l'ensemble des gouvernements au Canada ont des déficits importants et où une partie des emprunts sert à financer des dépenses courantes; cela peut aussi entraîner une qualité de crédit inférieure, restreignant ainsi l'accès à certains marchés financiers, notamment sur le plan international; la perte d'accès à certains marchés de capitaux affecterait non seulement la vente primaire de titres mais aussi les transactions nécessaires à une gestion active et efficace de la dette. Ceci rendrait plus ardue, et dans certains cas impossible, la mise en application de certaines politiques de gestion de la dette instaurées récemment et qui se sont avérées rentables; en plus de restreindre la capacité d'emprunt, le recours excessif aux marchés financiers augmente les coûts de financement à court et à moyen terme; ces coûts additionnels seront supportés non seulement par le gouvernement mais aussi par l'ensemble du secteur public. Enfin, un endettement trop élevé peut avoir une influence négative sur les décisions d'investissement des agents économiques, et ainsi affecter le potentiel de croissance de l'économie. C- Conclusions. La situation financière du gouvernement s'est améliorée de façon sensible de 1985-1986 à 1989-1990. Ces progrès ont toutefois été annulés en bonne partie par les effets de la dernière récession. La situation financière du gouvernement se caractérise aujourd'hui par une dette élevée, qui a fortement augmenté au cours des vingt dernières années. Cet endettement élevé soulève aujourd'hui des problèmes sérieux: le service de la dette a été marqué par une forte croissance au cours des vingt dernières années: plus de 17 cents par dollar de revenu sont maintenant alloués au paiement d'intérêts; une partie importante de la dette a servi à financer des dépenses courantes, ce qui est inéquitable envers nos enfants qui devront assumer une partie du coût des services publics que nous nous sommes offerts; la capacité d'emprunt du gouvernement est maintenant fortement utilisée. Le volume et la diversité des opérations de financement et de gestion de la dette du secteur public exigent le maintien de la qualité de crédit du Québec. Continuer plus loin dans le processus d'endettement amènerait le secteur public québécois dans une situation où sa marge de manoeuvre pourrait être fortement réduite. La réduction de l'endettement du secteur public devrait donc constituer une priorité pour le gouvernement et l'ensemble de la société au cours des années à venir. Cela implique une réduction du déficit et, par conséquent, une croissance des dépenses plus compatible avec l'évolution des revenus. Partie II. Les perspectives et les orientations pour l'avenir. Chapitre 5. Les orientations fiscales et budgétaires possibles pour l'avenir. Tel qu'il ressort des chapitres précédents, la situation actuelle des finances publiques présente de nombreux défis pour le Québec et pour le gouvernement. On observe en effet: une ponction sur les ressources fiscales très élevée, en dépit d'une structure fiscale équitable envers les diverses catégories de citoyens et favorable au développement économique; un niveau d'endettement parmi les plus élevés des provinces canadiennes; un niveau de déficit considérablement augmenté depuis la dernière récession, qui devrait dépasser 4,2 milliards de dollars en 1992-1993, avec la conséquence de gonfler encore l'endettement; des dépenses encore trop élevées par rapport à la capacité de payer de la société québécoise. De plus, la dynamique de croissance des revenus est incompatible avec celle des dépenses. En effet: à structure fiscale constante, les revenus autonomes du gouvernement croissent à peu près au même rythme que le PIB; les transferts financiers en provenance du gouvernement fédéral devraient diminuer au cours des prochaines années; au total, l'ensemble des revenus budgétaires du gouvernement devraient donc croître moins vite que le PIB; pour leur part, les dépenses budgétaires ont tendance à croître à un rythme supérieur à celui des revenus, soit l'inflation plus 3 % (ce qui correspond en moyenne à la croissance du PIB), en raison notamment des pressions dans le secteur de la santé. Une telle situation, si aucun geste n'est posé, entraîne une hausse continue du déficit. Il importe donc de déterminer dans quelle mesure la reprise de l'économie qui s'annonce contribuera à résoudre les problèmes auxquels le gouvernement doit faire face. Il sera alors possible d'examiner de façon plus précise les orientations qui pourraient être suivies au cours des années à venir en matière de finances publiques. A- Les perspectives économiques. A-l La projection économique de base. L'économie en 1993. En novembre dernier, au moment où le gouvernement publiait le document «La Situation économique au QuébecFaits saillants», la présence de signes de reprise, combinée au niveau relativement bas des taux d'intérêt, au ralentissement de l'inflation et au recul du dollar canadien, amenait les prévisionnistes du secteur privé à prévoir une accélération de l'activité économique en 1993. C'est ce scénario qui a été utilisé pour les fins des analyses budgétaires et financières qui apparaissent dans ce document. Pour 1993, cette projection est fondée sur l'hypothèse que les taux d'intérêt diminueront graduellement pour retrouver les niveaux prévus avant la crise qui a secoué le dollar canadien. Elle implique par exemple, que le taux de rendement des bons du Trésor canadiens à 3 mois s'établira en moyenne à 5,7 % en 1993. Ce taux se situe actuellement à environ 7 %, après être descendu à 4,67 % au tout début de septembre dernier. Par rapport aux normes historiques, la croissance économique demeurera relativement lente pour une deuxième année consécutive. La croissance de 3,1 % prévue au Québec se compare à une moyenne historique de 4,2 % pour une deuxième année de reprise. Les tendances pour 1994-1998. La projection à moyen terme dépend d'un large éventail d'hypothèses concernant l'évolution internationale, les politiques économiques et divers autres facteurs. Voici les principales hypothèses retenues: aux États-Unis, la croissance de l'économie s'accélérera en 1993 et 1994 pour s'établir, à moyen terme, à 2,6 % par année; accélération de la croissance en Europe et au Japon à partir de 1994, rejoignant ainsi l'expansion déjà en cours en Amérique du Nord; amélioration de la compétitivité des entreprises canadiennes à la suite de la baisse du dollar observée depuis un an et d'un meilleur contrôle des coûts, notamment ceux de main-d'oeuvre; maintien des orientations actuelles en matière de politiques économiques, notamment: mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le Mexique, les États-Unis et le Canada; des taux d'intérêt réels demeurant supérieurs à ceux observés durant les années soixante et soixante-dix; des politiques fiscales et budgétaires généralement orientées vers la réduction des déficits dans la plupart des pays. Dans ce contexte, la croissance devrait s'accélérer, à moyen terme, comme cela est typique lors des phases d'expansion économique. La progression de l'économie s'établirait à 4,2 % en moyenne au Canada de 1994 à 1998 et à 3,9 % au Québec. Ces rythmes de croissance permettront de combler la majeure partie des excédents de capacité observés présentement. En 1998, ces excédents devraient avoir été réduits à 1 % environ comparativement à quelque 7 % actuellement. Étant donné les tendances démographiques prévues, la croissance de l'activité devrait ramener le taux de chômage vers 9 % en 1998, un niveau comparable à celui atteint en 1989, au sommet du cycle conjoncturel précédent. A-2 Une projection économique plus optimiste. Bien que la projection de base soit caractérisée par des rythmes de croissance moyens de quelque 4 % par année entre 1994 et 1998, cette progression de l'économie serait moins rapide que ce qui avait été observé entre 1984 et 1988. En effet, plusieurs facteurs, comme la restructuration de l'économie, le fardeau de la dette et un environnement extérieur moins vigoureux, amènent les spécialistes à prévoir une expansion économique un peu plus lente que durant les années quatre-vingt. Toutefois, il est possible d'identifier d'autres hypothèses dont la réalisation permettrait d'envisager un scénario de croissance économique plus optimiste: tout d'abord, sur le plan extérieur, l'environnement pourrait être caractérisé par un rebondissement plus vigoureux de l'activité, notamment en Europe et au Japon. En Europe particulièrement, l'émergence de nouvelles économies de marché pourrait avoir des résultats plus favorables qu'on ne l'anticipe généralement aujourd'hui; l'expansion des marchés d'exportation pourrait également bénéficier plus que prévu des accords de libre-échange signés en Amérique du Nord; sur un autre plan, les effets du virage pris par le gouvernement du Québec en matière de politiques économiques, de même que les conséquences des mesures de rationalisation adoptées par les entreprises, sont difficiles à évaluer avec précision, mais pourraient résulter en une amélioration encore plus importante de la compétitivité avec les répercussions positives qui en découleraient sur la production et l'emploi; on pourrait également assister à des efforts accrus de la part des entreprises pour s'ajuster à la mondialisation des marchés en intensifiant encore plus leurs investissements; enfin, un allégement de la réglementation en vigueur dans plusieurs secteurs pourrait contribuer à accroître l'efficacité de l'économie et renforcer la croissance. Ces divers éléments se traduiraient alors par une hausse plus rapide de la production et de la productivité que ne le suggère la projection de base ainsi que par un renforcement du potentiel de croissance de l'économie québécoise, ce qui apparaît aux deux tableaux ci-dessous. Dans la projection plus optimiste, à partir de 1994, la croissance de la production est supérieure de 0,5 point de pourcentage par année à celle de la projection de base. En moyenne, la performance économique de 1994 à 1998 serait équivalente à celle des meilleures années du cycle d'expansion des années quatre-vingt: 4,7 % au Canada et 4,4 % au Québec. Compte tenu de l'évolution du potentiel de l'économie, cette progression plus rapide de l'activité ferait passer le niveau de la production au-dessus de son potentiel en 1998, comme l'illustre le graphique ci-dessous. En outre, le taux de chômage passerait à 8,4 %, le niveau le plus faible depuis 1975 (8,1 %). Toutefois, à mesure que la production réelle s'approcherait du niveau du potentiel de production, des tensions inflationnistes commenceraient à se développer. Le taux d'inflation serait donc plus élevé en fin de période, ce qui devrait également se refléter dans les taux d'intérêt. En résumé, les perspectives économiques demeurent plutôt modérées pour la prochaine année, malgré la reprise qui s'est amorcée. De plus, bien qu'une croissance plus élevée soit anticipée pour les années subséquentes, ce n'est que d'ici quatre ou cinq ans que l'économie reviendrait à son potentiel de production. C'est dans ce contexte que nous devons nous interroger dès maintenant sur les orientations à suivre en matière de finances publiques au cours des années qui viennent. Pour alimenter la réflexion, le présent chapitre illustre deux orientations possibles: laisser augmenter le déficit ou encore adopter une approche financière stricte d'équilibre des opérations courantes dès 19931994, soit par des mesures d'augmentation des revenus, soit par des mesures de réduction de dépenses. Dans le chapitre suivant, un scénario de redressement plus graduel et plus compatible avec les contraintes auxquelles nous faisons face sera aussi examiné. B- L'approche de laisser augmenter le déficit: «vivre au-dessus de nos moyens». Certains allèguent que le gouvernement devrait se garder d'appliquer une politique fiscale et budgétaire trop restrictive au cours des prochaines années, compte tenu des effets de la dernière récession. Une façon d'illustrer cette position est de projeter la situation actuelle en faisant l'hypothèse qu'aucune nouvelle mesure de restriction de dépenses ou de hausse de revenus ne serait appliquée. La hausse des dépenses excédant la croissance des revenus serait donc financée par une augmentation du déficit. Le tableau suivant montre ce que serait l'évolution de la situation financière du gouvernement si cette approche était retenue. Les principales hypothèses à la base de cette projection sont les suivantes: le scénario de prévision des revenus est conforme à la projection économique de base présentée à la section précédente; la projection des revenus autonomes ne présume d'aucune augmentation d'impôts et taxes; à structure fiscale constante, les revenus autonomes croissent à peu près au même rythme que le PIB; l'évolution des transferts fédéraux ne présuppose aucune modification à la structure des programmes de transferts aux provinces. Sur la base de cette hypothèse, les transferts financiers en provenance du gouvernement fédéral diminueraient à un rythme annuel moyen de 2,5 % au cours des cinq prochaines années. En conséquence, le niveau des transferts fédéraux serait, en 1997-1998, inférieur de près de 1 milliard de dollars à celui de 1992-1993; au total, les revenus budgétaires enregistreraient une croissance annuelle moyenne de 3,7 % de 1992-1993 à 19971998, comparativement à 5,7 % pour le PIB; quant à la prévision de dépenses, il s'agit d'une prévision du coût de reconduction des programmes existants, sans mesure additionnelle de rationalisation de dépenses. Elle implique une croissance annuelle moyenne des dépenses de S,2 % au cours des cinq prochaines années, soit 3,1 % de plus que l'inflation. Cette approche équivaudrait à vivre au-dessus de nos moyens et entraînera t une détérioration importante de la situation financière du gouvernement: le déficit budgétaire atteindrait 6,4 milliards de dollars en 1993-1994 et continuerait d'augmenter graduellement pour s'établir à 8,9 milliards de dollars en 1997-1998; la dette totale en pourcentage du PIB passerait de 38,0 % en 1993-1994 à 47,3 % en 1997-1998. Ainsi, la dette totale par habitant atteindrait 13 400 dollars en 1997- 1998 comparativement à 7 900 dollars en 19921993, soit une augmentation de 5 500 dollars par habitant; le service de la dette totale exprimé en pourcentage des revenus budgétaires passerait de 14,1 % à 18,1 % au cours de la même période. En tenant compte des subventions pour paiement d'intérêts, le total du service de la dette en pourcentage des revenus budgétaires passerait de 18,2 % en 1993-1994 à 22,5 % en 1997-1998. Les paiements d'intérêts par habitant atteindraient ainsi 1 300 dollars en 1997-1998, ce qui représenterait une hausse de l'ordre de 400 dollars par habitant par rapport à 1992- 1993; enfin, le déficit des opérations courantes passerait de 4,7 milliards de dollars en 1993-1994 à 7,4 milliards de dollars en 1997-1998. En suivant cette voie, le gouvernement du Québec verrait sa marge de manoeuvre considérablement réduite, alors qu'un dollar sur cinq de ses revenus budgétaires devrait être consacré au service de la dette. De plus, le gouvernement pourrait faire face à d'importants problèmes de financement et de gestion de la dette, compte tenu d'un accès plus difficile aux marchés financiers et de la difficulté de réaliser des volumes d'emprunts aussi élevés. Enfin, les déficits élevés des opérations courantes impliqueraient un transfert aux générations futures du coût des services publics, ce qui nécessiterait éventuellement une hausse du fardeau fiscal ou une réduction des services rendus à la population. Est-ce que la projection économique plus optimiste changerait l'ampleur du problème ? Il est utile d'illustrer dans quelle mesure la réalisation de la projection économique plus optimiste présentée précédemment permettrait de réduire l'ampleur du problème budgétaire. Il est à noter que selon la projection économique plus optimiste, le produit intérieur réel serait plus élevé de 2,5 % en 1998 et que le taux de chômage serait plus faible de près d'un point de pourcentage par rapport à la projection économique de base. Par contre, l'inflation et les taux d'intérêt seraient plus élevés de 0,3 point de pourcentage en moyenne entre 1994 et 1998. Le tableau suivant montre que la prise en compte de ces paramètres économiques n'améliore pas la situation de façon déterminante sur le plan des finances publiques. En effet, la réduction du déficit est plutôt marginale en 1993-1994 et 1994-1995. Ce n'est qu'à compter de 1995-1996 que la réduction du déficit est plus substantielle, pour atteindre 912 millions de dollars en 1997-1998. L'amélioration sur le plan financier serait principalement attribuable a un niveau de revenus plus élevé. En effet, compte tenu de l'effet conjugué de plusieurs facteurs, les dépenses ne diminueraient pas de façon significative. D'une part, l'expérience a démontré que le nombre de ménages bénéficiaires de la sécurité du revenu demeure élevé plusieurs années après le début de la reprise économique. D'autre part, la hausse de l'inflation et des taux d'intérêt se traduirait par une augmentation des dépenses. La prise en compte de la projection économique plus optimiste montre donc que le problème budgétaire auquel est confronté le gouvernement ne pourra se résorber de lui-même. Bien que l'écart budgétaire serait moindre qu'avec la projection économique de base, la nature et l'ampleur des problèmes à résoudre restent à peu près inchangées. C- L'approche financière stricte: équilibre des opérations courantes dès 1993-1994. D'autres intervenants allèguent plutôt qu'il faut adopter une approche stricte sur le plan financier et équilibrer le solde des opérations courantes à chaque année. Certains préconisent même que le déficit budgétaire soit ramené à zéro. Le tableau suivant indique que l'atteinte de l'équilibre des opérations courantes dès 1993-1994 exigerait, en tenant compte des économies au titre du service de la dette découlant de la baisse du déficit, que des mesures de revenus ou de dépenses représentant 4,5 milliards de dollars soient prises au cours de la prochaine année financière. L'ampleur de telles mesures est considérable. A titre d'illustration, elles impliqueraient une augmentation d'impôts et taxes ou une réduction des dépenses publiques de l'ordre de 2 600 dollars par famille de quatre personnes. Par ailleurs, des mesures aussi importantes aux revenus et aux dépenses auraient un impact négatif sur l'économie, qui se traduirait par une baisse des revenus du gouvernement, contribuant à accroître le problème budgétaire à résoudre. C-1 Hausser les revenus. Selon les partisans de l'approche visant à augmenter les revenus, les contribuables seraient prêts à absorber des augmentations d'impôts et de taxes pour continuer à avoir accès aux services publics actuellement dispensés par le gouvernement. L'impact sur le niveau global du fardeau fiscal. Des mesures fiscales de l'ordre de 4,5 milliards de dollars entraîneraient une augmentation du ratio des revenus autonomes en pourcentage du PIB de 17,7 % en 1992-1993 à 20,1 % en 1993-1994. La conséquence directe de cette option serait une détérioration dramatique de la compétitivité fiscale. Pour générer 4,5 milliards de dollars de revenus additionnels, il faudrait envisager la mise en place simultanée de plusieurs mesures différentes. Les sections qui suivent en illustrent quelques unes. Hausser l'impôt sur le revenu des particuliers. Le rendement fiscal de surtaxes à l'impôt sur le revenu des particuliers. L'une ou l'autre des options suivantes engendrerait 1 milliard de dollars de revenus additionnels à l'impôt sur le revenu des particuliers. Les impacts sur les contribuables-types sont présentés au tableau qui suit: une surtaxe générale de 8,2 % de l'impôt à payer, qui toucherait de façon uniforme l'ensemble des contribuables; une surtaxe de 89,3 % sur l'impôt à payer excédant 10 000 dollars (contribuables ayant un revenu de 53 000 dollars et plus); une combinaison des deux options précédentes, soit une surtaxe de 10 % sur l'impôt sur le revenu qui excède 10 000 dollars, jumelée à une surtaxe générale de 7,3 % de l'impôt à payer. Conflit avec les objectifs de compétitivité. L'introduction de surtaxes aurait pour effet d'accroître les taux marginaux maximums applicables au Québec. Les écarts qui se creuseraient entre les taux applicables au Québec et dans certaines autres juridictions rendraient difficile d'attirer ou de garder au Québec des travailleurs hautement spécialisés, ce qui ne serait pas sans affaiblir le potentiel de croissance économique. Hausser les taxes à la consommation. Pour permettre au gouvernement, par le biais d'une hausse des taux de taxation applicables à la taxe de vente du Québec (TVQ), d'obtenir un rendement fiscal de I milliard de dollars, il serait nécessaire d'augmenter le taux de 8 % sur les biens à 9,5 % et le taux de 4 % sur les services et les immeubles à 5,5 %. Le tableau suivant illustre l'impact qu'aurait une telle mesure pour certains contribuables-types. A l'égard des taxes spécifiques, il importe de mentionner qu'il existe présentement très peu de marge fiscale au gouvernement du Québec pour accroître davantage les taux de taxation. En effet, les augmentations imposées au cours des dernières années a l'égard des carburants, des produits du tabac et des boissons alcooliques, tant par le gouvernement fédéral que le gouvernement du Québec, ont réduit l'espace fiscal disponible pour la taxation de ces produits. Aujourd'hui, les problèmes reliés au magasinage outre-frontière et à la contrebande de certains produits dont les niveaux de taxes sont élevés, illustrent les limites des augmentations importantes des taux de taxation. Le phénomène est frappant dans le cas des produits du tabac. En effet, alors qu'entre 1988-1989 et 1992-1993 les taxes fédérales et provinciales ont plus que doublé (+ 1 18 %), on estime avoir perdu au Québec près de la moitié (- 45 %) de l'assiette fiscale des produits du tabac. Hausser le fardeau fiscal des entreprises. Le niveau du fardeau fiscal des entreprises fait également l'objet de discussions. Certains avancent en effet que les entreprises pourraient supporter un fardeau fiscal plus lourd. A l'opposé, certaines associations patronales proposent plutôt de réduire les impôts des entreprises, notamment les charges fiscales fixes, pour rendre le régime fiscal applicable aux entreprises du Québec plus compétitif par rapport à celui d'autres juridictions. Illustration de hausses qui engendreraient 1 milliard de dollars de revenus A titre d'exemple, pour générer 1 milliard de dollars de rendement fiscal, il serait nécessaire d'augmenter les trois sources de revenus à l'impôt des entreprises de 16 %: surtaxe additionnelle de 16 % à l'impôt sur le revenu des sociétés; hausse de 3,75 % à 4,35 % de la contribution des employeurs au Fonds des services de santé; augmentation de 0,56 % à 0,65 % de la taxe sur le capital. Comme la ponction fiscale actuelle prélevée auprès des entreprises québécoises est comparable à celle des juridictions avoisinantes, de telles mesures menaceraient la compétitivité du régime d'imposition des entreprises ainsi que la capacité de l'économie à générer des emplois. Il n'est pas certain que notre société soit prête à assumer un tel risque. Couper dans les allégements fiscaux accordés aux entreprises et aux particuliers. Une autre proposition avancée pour procurer des revenus additionnels au gouvernement serait de sabrer dans les incitatifs fiscaux. La question qui se pose est la suivante: devrait-on abolir tous les incitatifs fiscaux ou seulement certains, et dans ce cas, lesquels ? Mesures structurantes spécifiques au Québec. Comme mentionné précédemment, le gouvernement du Québec a mis en place à l'intérieur de son régime fiscal un ensemble de mesures structurantes favorisant la croissance de l'économie, notamment pour: stimuler la recherche et le développement et la diffusion de la technologie; encourager la formation des travailleurs dans les entreprises; favoriser l'investissement dans la capacité de production des entreprises (amortissement accéléré); contribuer au développement de l'entrepreneurship; favoriser la levée de capital de risque et renforcer la structure financière des entreprises (RÉA, Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FSTQ), SPEQ, etc); soutenir l'exploration minière (actions accréditives) et l'industrie de la production cinématographique et télévisuelle (films). L'utilisation de crédits d'impôt remboursables plutôt qu'un système d'aide via des programmes de subventions répond davantage aux besoins des entreprises qui réalisent ces activités structurantes, puisque ceux-ci sont plus simples et moins coûteux à administrer. Le tableau qui suit montre l'évolution du coût fiscal pour le gouvernement de ces mesures structurantes. Celuici est passé de 321 millions de dollars en 1985 à 427 millions de dollars en 1991, cette hausse provenant essentiellement des mesures fiscales pour la recherche et le développement. Incitatifs fiscaux fédéraux-provinciaux. Le régime fiscal du Québec comporte également différents incitatifs fiscaux harmonisés aux initiatives du gouvernement fédéral. Il n'existe pas de définition stricte de ce qu'est un incitatif fiscal. Par exemple, les montants reconnus pour enfants à charge à l'impôt sur le revenu des particuliers ne sont généralement pas considérés comme tel bien qu'ils réduisent les impôts des familles. De même, les déductions pour placement dans des RÉER constituent en fait un revenu différé à l'impôt ayant pour objectif d'inciter les individus à accumuler des revenus suffisants pour leur retraite et ainsi éviter d'être financièrement dépendants des gouvernements. Par contre, le traitement fiscal des gains en capital représente un incitatif fiscal d'importance plus controversé. En 1990, le coût pour le gouvernement du Québec du traitement fiscal des gains en capital était de 421 millions de dollars. La latitude pour le gouvernement du Québec de se démarquer du traitement préférentiel accordé aux gains en capital par le gouvernement fédéral est nettement plus restreinte. Le Québec se situe à l'intérieur d'un environnement fiscal dont il faut tenir compte. En effet, le gouvernement du Québec a dû s'harmoniser en 1985 aux mesures fédérales à cet égard, afin d'éviter des planifications financières conduisant à des fuites de capitaux hors du Québec qui auraient risqué d'être plus coûteuses pour le trésor public que le coût direct de l'harmonisation à ces mesures. Toutefois, il est important de souligner que, suite à sa réforme fiscale entrée en vigueur en 1988, le gouvernement fédéral a resserré ou éliminé plusieurs incitatifs fiscaux. Le gouvernement du Québec a généralement harmonisé son régime fiscal des particuliers et des entreprises à ces mesures, ce qui a permis de réduire le coût des incitatifs fiscaux de 435 millions de dollars. Hausser le fardeau fiscal: dommageable à court et à long terme. En définitive, l'approche visant à augmenter les revenus de 4,5 milliards de dollars serait très dommageable pour la compétitivité de l'économie et ce, qu'elle soit envisagée sur une seule année, alors qu'elle pourrait avoir comme conséquence de mettre en péril la reprise économique, ou qu'elle soit envisagée de manière plus graduelle. Dans les deux cas, à terme, le Québec aurait opté pour la voie d'un fardeau fiscal élevé avec les conséquences qui viennent d'être évoquées. C-2 Réduire les dépenses. Pour équilibrer le solde des opérations courantes dès 1993-1994, il faudrait réduire les dépenses de l'ordre de 4,5 milliards de dollars. Un tel ajustement du niveau des dépenses nécessiterait l'application de mesures de rationalisation particulièrement draconiennes. Pris globalement, cela reviendrait à comprimer de 13 % les dépenses de programmes. Sous l'angle des grands domaines de dépenses, si l'on voulait payer les intérêts sur la dette et préserver les grands programmes de la santé et des services sociaux, de l'éducation et de la sécurité du revenu ainsi que le budget routier et les transferts aux municipalités et aux entreprises, il faudrait éliminer 80 % du reste du budget; en d'autres termes, des ministères tels l'Environnement, les Affaires culturelles, la Justice et la Sécurité publique se verraient amputer 80 % de leur budget. Pris sous l'angle des grandes catégories de dépenses, cela reviendrait à comprimer, par exemple, un peu plus de 20 % de l'ensemble des dépenses de rémunération. En regard du niveau de compressions réalisé par le passé, l'objectif de réduire les dépenses de 4,5 milliards de dollars en une seule année s'avérerait très ambitieux. En effet, le rendement de l'ensemble des mesures réalisées de 1986-1987 à 1992-1993 atteint 3,5 milliards de dollars, soit une moyenne de 500 millions de dollars par année. Comme on peut le constater, un ajustement immédiat de 4,5 milliards de dollars, en plus de risquer de compromettre la reprise économique, serait impraticable. Bien que possiblement souhaitable en principe, un ajustement aussi majeur du niveau de dépenses devrait, pour être réaliste, s'effectuer de façon graduelle. Chapitre 6. Un scénario de redressement graduel. Tel qu'il ressort des chapitres précédents, la situation actuelle et prévisible des finances publiques ne laisse d'autre choix que celui de remettre en question le niveau de services que la société québécoise peut se payer et les façons de les fournir à la population. Le défi consiste à effectuer le virage nécessaire tout en préservant les fondements des grands choix sociaux effectués au cours des dernières décennies. L'ampleur de l'impasse a résorber militerait cependant en faveur d'une stratégie graduelle et équilibrée de redressement. A- Orientations à l'égard de la situation financière. Financer une partie des dépenses courantes par emprunts signifie qu'une partie du coût des services publics dont bénéficie la génération présente est transférée aux générations futures. S'il est acceptable qu'un gouvernement enregistre des déficits des opérations courantes en période de ralentissement économique, puisque cela permet de laisser jouer les «stabilisateurs automatiques», il apparaît souhaitable de viser à réaliser des surplus des opérations courantes lorsque la situation économique est rétablie. Cela permet de faire en sorte qu'en moyenne, le solde des opérations courantes soit équilibré au cours d'un cycle économique complet et évite de transférer systématiquement aux générations futures une partie du coût des services publics actuels. En d'autres termes, si on accepte un déficit du solde des opérations courantes pendant un certain nombre d'années, il faudrait réaliser un surplus équivalent au cours des années qui suivent. Sur le plan financier, une telle stratégie évite une augmentation trop rapide de la dette et une croissance continue de la part des revenus budgétaires à consacrer au paiement des intérêts. Compte tenu de l'ampleur de l'écart budgétaire à résorber et du fait que la reprise économique demeure fragile, il serait risqué sur le plan économique de viser à équilibrer le solde des opérations courantes à très court terme. Un objectif plus approprié serait de rétablir l'équilibre des opérations courantes en 1996-1997 et de réaliser un surplus par la suite afin de restaurer la flexibilité financière dont le gouvernement aura besoin lors d'un prochain ralentissement économique. B- Orientations à l'égard du régime fiscal et de la tarification. Actuellement, on peut faire les grandes constatations suivantes à l'égard du régime fiscal du Québec: le niveau des impôts et taxes est élevé par rapport à celui de nos principaux partenaires commerciaux et l'augmenter davantage pourrait compromettre la compétitivité de l'économie; le régime d'imposition des particuliers est toujours très progressif et le gouvernement a posé des gestes importants pour: améliorer l'incitation au travail des personnes à faibles revenus; apporter un soutien important aux familles; améliorer la compétitivité du régime applicable, notamment à l'égard des individus hautement spécialisés et très mobiles. les charges fiscales des entreprises au Québec sont comparables à celles de nos principaux partenaires commerciaux et le gouvernement mise sur des mesures fiscales structurantes pour appuyer les entreprises qui investissent dans l'accroissement du potentiel de l'économie; la réforme des taxes à la consommation nous a donné un régime moderne adapté aux impératifs de la mondialisation des échanges tout en préservant la situation des ménages à faibles revenus; l'utilisation de la tarification a été accrue puisqu'elle permet d'améliorer l'équité et l'efficacité du régime fiscal, tout en favorisant une rationalisation des services publics. Dans ce contexte, il n'apparaît pas opportun d'envisager des réformes en profondeur de la structure du régime fiscal du Québec. Le gouvernement croit important de s'assurer de la compétitivité du régime tout en ciblant, à l'intérieur de ses moyens, les activités qu'il juge prioritaires (soutien aux familles, recherchedéveloppement, formation de la main-d'oeuvre, etc). Les orientations à l'égard du régime fiscal devraient donc être de: maintenir les grands principes d'équité et de progressivité qui caractérisent le présent régime; tout mettre en oeuvre pour que le régime demeure concurrentiel et favorable à la croissance économique; n'augmenter le niveau des impôts et taxes qu'en dernier recours et après avoir épuisé toutes les autres solutions possibles; promouvoir l'utilisation plus intensive de la tarification. C- Orientations à l'égard des sociétés d'État. Une autre façon d'augmenter les revenus du gouvernement consiste à augmenter les profits consolidés des sociétés d'État. Il est clair cependant que l'intervention du gouvernement à cet égard doit tenir compte du contexte dans lequel opèrent ces sociétés; leurs activités sont à bien des égards différentes de celles du gouvernement puisqu'elles s'exercent pour l'essentiel dans un cadre commercial et financier, en partenariat avec le secteur privé dans bien des cas. Les principales sociétés à vocation commerciale ou industrielle. La SAQ et Loto-Québec demeureront certainement au cours des prochaines années les principales sociétés d'État en termes de sources de fonds pour le gouvernement. Toutefois, elles devront vraisemblablement faire face à des contextes difficiles. En particulier, la baisse prévue du volume des ventes de boissons alcooliques forcera la SAQ à continuer la rationalisation de ses activités. Il en va de même pour Loto-Québec qui pourrait voir s'intensifier le problème actuel de saturation de son marché des loteries. Le développement de nouveaux marchés, comme celui des casinos, permettra cependant à Loto-Québec de poursuivre la hausse de ses bénéfices. Hydro-Québec devra pour sa part relever le défi de limiter au minimum ses hausses tarifaires tout en maintenant la qualité du service et sa santé financière et en assurant au gouvernement un rendement raisonnable sur son avoir dans l'entreprise. Ceci ne pourra se réaliser que par un contrôle serré des frais d'exploitation. HydroQuébec vise à cet effet à contenir la croissance de ces frais à moins de 1% par année d'ici l'an 2000 par une amélioration cumulative de productivité de 20 %. De son côté, Sidbec a connu des pertes de 1 19 millions de dollars en 1991 et de l'ordre de 50 millions de dollars en 1992. La faiblesse de l'économie, la concurrence internationale et la restructuration du secteur de l'acier en Amérique du Nord imposent de fortes contraintes à cette entreprise. Un plan de redressement est en voie de réalisation et il devrait permettre à l'entreprise de retrouver la rentabilité à compter de 1994. Les sociétés de portefeuille et de développement économique. On retrouve dans ce groupe les sociétés créées par le gouvernement dans les années soixante et soixante-dix afin de disposer d'un levier de développement économique dans certains secteurs de l'économie québécoise. Celles qui exercent encore des activités notables sont SOQUIP, SOQUIA, SGF, SOQUEM, SÉPAQ, REXFOR et SOGIC. Le gouvernement entend continuer au cours des prochaines années la réévaluation périodique de la mission et des placements de ses sociétés afin de s'assurer qu'elles répondent aux besoins de l'économie et que leurs instruments d'intervention soient appropriés. Le maintien de la présence gouvernementale dans ce type d'activités ne peut se justifier que si cette présence sert à appuyer des initiatives structurantes permettant de renforcer les entreprises québécoises face à la concurrence mondiale ou d'amener au Québec des activités durables et rentables. Le sauvetage d'entreprises et le maintien à long terme de la propriété d'une même entreprise ne devraient se justifier que de façon exceptionnelle. Par ailleurs, la situation financière actuelle de ces sociétés d'État exige un accroissement de leur efficacité et un contrôle rigoureux de leurs dépenses ainsi que des activités des entreprises dans lesquelles elles détiennent un intérêt. Dans le cadre de leurs interventions, il faudra continuer de veiller à ce que le secteur privé, aussi bien les actionnaires que les institutions prêteuses, assume une part du risque suffisante pour démontrer l'intérêt et la rentabilité du projet ou de l'entreprise. Enfin, il est clair que la situation financière du gouvernement limite au strict minimum les nouvelles mises de fonds qu'il peut injecter dans ses sociétés d'État. Ces dernières devront donc continuer à viser l'autofinancement de leurs nouvelles interventions par la vente de participations ou d'éléments d'actif lorsque cela est possible à des conditions avantageuses. D- Orientations à l'égard des transferts fédéraux et du partage fiscal fédéral-provincial. Pour une réforme en profondeur des transferts fédéraux. Devant l'évolution défavorable des transferts fédéraux depuis le début des années quatre-vingt, le Québec a demandé à plusieurs reprises une réforme en profondeur des programmes de transferts aux provinces. C'est donc avec intérêt que fut accueillie la décision du ministre fédéral des Finances d'amorcer des discussions sur une réforme des grands programmes de transferts aux provinces. Le Québec a fait valoir à maintes reprises que les transferts aux provinces devraient être mieux ciblés et viser deux grands objectifs. Le premier objectif devrait être d'améliorer la redistribution de la richesse au Canada. Il faut que l'ensemble des transferts fédéraux permettent de respecter véritablement l'engagement enchâssé dans la Loi constitutionnelle de 1982, qui est de permettre aux provinces de donner à leurs citoyens des services publics comparables, à des taux de taxation comparables. Présentement, des écarts importants de richesse persistent entre les provinces canadiennes, même après péréquation. Il faut donc s'interroger sur le niveau de disparités interprovinciales que nous sommes prêts à accepter et sur les écarts de services publics qui en découlent. Le second objectif du régime de transferts aux provinces devrait être de favoriser l'efficacité du secteur public. En effet, l'un des défis auxquels sont confrontés les gouvernements au Canada est de mettre en place les fondements d'une économie plus compétitive. Il faut donc s'assurer que les programmes de transferts aux provinces contribuent à l'efficacité du secteur public: donnent-ils aux provinces la flexibilité nécessaire pour innover et moderniser leurs interventions afin de mieux contrôler les coûts ? comportent-ils, pour les provinces, des incitations à gérer plus efficacement les programmes? Pour ce faire, il sera nécessaire entre autres de remettre en question les formules de partage de coûts puisque celles-ci: peuvent induire des distorsions dans les priorités de dépenses des provinces; découragent l'innovation lorsque les normes de partage sont trop rigides pour s'adapter aux nouvelles façons de satisfaire les besoins; favorisent les provinces dont la capacité de dépenser est plus grande. De plus, il faudra réévaluer l'application des normes nationales afin qu'elles n'empêchent pas les provinces de gérer efficacement leurs programmes. Il importe également d'envisager la réforme des grands transferts dans le contexte plus large de l'adéquation entre les responsabilités des divers ordres de gouvernement et les ressources à leur disposition. Comme l'ont montré l'Étude fédérale-provinciale sur le coût des opérations gouvernementales et la gestion des dépenses (mai 1992) ainsi que le dernier rapport annuel du Conseil économique du Canada, les pressions du côté des dépenses seront plus fortement ressenties par les provinces que par le gouvernement fédéral au cours des prochaines années. Dans ce contexte, la question du partage des champs fiscaux devra occuper une place de premier plan dans les discussions entourant la réforme des grands transferts. On ne pourra pas non plus faire abstraction de l'ensemble de l'intervention fédérale dans des domaines de compétence provinciale; une discussion en profondeur s'impose pour définir un encadrement souhaitable du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Cet encadrement devrait permettre aux deux paliers de gouvernement d'exercer leurs responsabilités de la façon la plus efficace possible: en respectant et en conciliant les priorités provinciales et nationales; en réduisant les chevauchements et duplications; en assurant un traitement équitable de chacune des provinces. Il est impératif d'effectuer une réforme des transferts aux provinces et du partage des champs fiscaux afin de jeter les bases d'une gestion plus efficace et plus équitable des finances publiques au Québec et au Canada. Des discussions à cet égard sont en cours et devraient s'intensifier au cours de la prochaine année puisque, lors du dernier renouvellement des arrangements fiscaux, l'échéance législative du programme de péréquation a été fixée au 31 mars 1994. Il est encore trop tôt pour présumer des résultats de ces discussions. Le gouvernement entend faire tout ce qui est en son pouvoir pour qu'elles conduisent rapidement à des résultats concrets. E- Orientations à l'égard de la croissance des dépenses. Compte tenu que les perspectives à l'égard des revenus budgétaires ont été révisées à la baisse depuis le dernier Discours sur le budget, l'objectif qui avait alors été fixé de laisser augmenter les dépenses au rythme de l'inflation plus 1 % devrait être revu. Si le gouvernement se donnait comme objectif d'équilibrer le solde des opérations courantes en 1996-1997 et de réaliser un surplus par la suite, il y aurait lieu d'amorcer un plan rigoureux de rationalisation des dépenses. Ainsi, en 1993- 1994, le gouvernement devrait appliquer aux dépenses de programmes des mesures de rationalisation de 1,6 milliard de dollars afin de contenir le déficit à un niveau compatible avec les orientations financières souhaitables. A compter de 1994-1995, la croissance des dépenses de programmes devrait être limitée à 1 % par année. Pour y parvenir, des mesures de rationalisation devraient être effectuées au cours des cinq prochaines années, mesures qui représenteraient un total cumulé de 7,2 milliards de dollars en 1997-1998. Selon un tel scénario, les dépenses budgétaires du gouvernement, c'est-à-dire les dépenses de programmes et le service de la dette, augmenteraient à un rythme annuel moyen de 1,4 % au cours des cinq prochaines années. Cet objectif pourrait devoir être revu s'il y avait une modification importante des perspectives économiques, notamment à l'égard de l'inflation ou des taux d'intérêt. L'adoption d'une telle stratégie de gestion des dépenses permettrait d'atteindre, à toutes fins pratiques, l'équilibre du compte courant en 1996-1997 et de réaliser un surplus en 1997-1998. De plus, cette année-là, le déficit budgétaire serait pratiquement nul. Il est important de noter que les prévisions de déficit découlant du scénario qui vient d'être illustré ne présument d'aucune mesure affectant les revenus qui pourrait être introduite au cours de cette période. Sur le plan des indicateurs financiers, une telle stratégie ferait en sorte que le ratio dette-PIB se situerait à 35,3 % en 1997-1998, soit à peu près le même niveau que celui observé en 1992-1993 (35,1 %). De plus, la part des revenus budgétaires à consacrer au paiement des intérêts sur la dette s'établirait à un peu plus de 14 % en 1997-1998 (18,8 % en tenant compte des subventions pour paiements d'intérêts), ce qui est un peu plus élevé qu'en 1992-1993. F- Qu'est-ce qui se fait ailleurs pour réduire les dépenses? Le Québec n'est pas le seul dont les finances publiques sont soumises à de fortes secousses. A l'échelle planétaire, les problèmes du Québec ne sont exceptionnels ni par leur ampleur ni par leur complexité. Un peu partout, l'État-providence éprouve des difficultés à répondre aux nouveaux besoins, voire à maintenir certains services existants. Un grand nombre de pays ont entamé des réformes en profondeur afin de revoir la dimension et les modes d'intervention de leur secteur public. Avant d'examiner les avenues qui devraient être envisagées au Québec, il apparaît utile de jeter un regard sur les tentatives faites ailleurs au Canada ou dans les pays de l'OCDE. A la lumière de ces différentes expériences, on peut dire que les approches qui ont été adoptées pour réduire les dépenses s'articulent fondamentalement autour des trois objets suivants: comprimer les ressources; améliorer la gestion du secteur public; réviser le contenu des programmes. Les approches visant à comprimer les ressources. L'approche traditionnelle des compressions paramétriques. Tout comme dans le cas du Québec, le premier moyen utilisé par les autres administrations publiques pour réduire les dépenses a consisté à comprimer les ressources disponibles de façon à contraindre l'appareil gouvernemental à réaliser des gains de productivité. Cependant, les économies que procure cette méthode dite paramétrique sont limitées puisque les gains de productivité ne peuvent se faire que graduellement et qu'on ne touche ainsi qu'à la portion du budget gouvernemental qui exclut les dépenses de transfert. Vient un moment où il n'est plus possible de comprimer les ressources sans remettre en cause la qualité ou le niveau des services rendus à la population. Le contrôle de la masse salariale. Étant donné l'importance de la rémunération dans le total des dépenses gouvernementales et le fait qu'elles représentent 80 % des dépenses de fonctionnement, la masse salariale constitue la variable la plus déterminante du contrôle des coûts de l'administration publique. Depuis le début des années quatre-vingt, les gouvernements ont, de façon générale au Canada et dans les autres pays de l'OCDE, cherché à freiner la croissance des salaires. Dans la plupart de ces pays, l'évolution de la rémunération du secteur public n'a pas dépassé l'inflation et a eu tendance à croître moins vite que dans le secteur privé. Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral canadien et l'ensemble des autres gouvernements provinciaux ont dû recourir à des mesures tout aussi sévères que celles prises au Québec. Parmi les différentes mesures adoptées, on peut citer par exemple: en Ontario: la limitation de l'augmentation des échelles salariales à 1 % en 1992 et à 2 % en 1993; le gel des budgets du personnel des cabinets ministériels en 1992; le gel des salaires supérieurs à 63 525 $ pour le personnel cadre en 1992 et 1993; le gel des salaires des députés pour l'année fiscale 1991-1992 et le gel du salaire du Premier ministre, des ministres et adjoints parlementaires pour les années fiscales 1991-1992 et 1992-1993; une compression de 2 500 postes dans la fonction publique pour les deux prochaines années. au Nouveau-Brunswick: le gel du salaire des députés pour 1991 et 1992; le gel d'un an des échelles de salaire dans les secteurs public, parapublic, péripublic et municipal; une limitation de la hausse des échelles salariales à 1 % en 1992 et à 2 % en 1993; une diminution des effectifs des secteurs public et parapublic. en Alberta: le gel pour 5 ans, de 1989 à 1994, du salaire et des allocations des députés; le gel du 21 novembre 1991 au premier mars 1993 du salaire des cadres du gouvernement et des organismes; le gel de l'embauche à compter de 1991 pour une période indéterminée; une coupure de 800 postes. au gouvernement fédéral: le gel d'une durée d'un an à compter d'octobre 1991 des salaires de tous les employés de même que des députés et ministres; le gel en 1993 et en 1994 des salaires des fonctionnaires, ministres et sénateurs; une diminution de 3 000 à 4 000 postes sur deux ans. Le gouvernement canadien estime qu'à la suite de ces mesures, les salaires réels payés dans la fonction publique fédérale auront diminué de quelque 5 % sur la période de quatre ans commençant en juin 1991. Le plafonnement des dépenses par voie législative. Un certain nombre de gouvernements ont fait adopter des législations visant à limiter la croissance des dépenses ou à réduire le déficit. Aux États-Unis, le Congrès américain a approuvé la Loi Gramm-Rudman-Hollings (Loi GRH) qui prévoyait l'équilibre budgétaire pour 1991. Cette loi n'ayant pas donné les résultats escomptés, elle a été remplacée par une nouvelle loi de finances (Budget Enforcement Act ou BEA) qui prévoit une baisse de 160 milliards de dollars du déficit américain d'ici 1995. De son côté, le gouvernement fédéral canadien a fait adopter au printemps 1992 une loi sur le contrôle des dépenses qui impose un plafond sur les dépenses de programmes pour une période de cinq ans débutant en 19911992. A quelques exceptions près, les dépassements qui peuvent survenir dans une année doivent être compensés par des réductions l'année suivante. Au niveau provincial, la Colombie-Britannique a fait approuver en 1991 une loi de protection du contribuable (Taxpayer Protection Act) obligeant à équilibrer le budget et à limiter la progression des dépenses en deçà de la croissance du PIB: cette loi a été abrogée à la suite du changement de gouvernement. Plus récemment, la législature de l'Alberta a approuvé une loi visant à plafonner la croissance des dépenses de programmes. Il n'existe pas encore d'exemples où le plafonnement des dépenses par voie législative a démontré son efficacité. Cette méthode ne permet pas non plus de solutionner le problème du choix des coupures à effectuer. Les approches visant à améliorer l'organisation et la gestion du secteur public. L'allégement de l'organisation et des structures gouvernementales. On remarque une tendance de plus en plus répandue dans les autres administrations à prendre des initiatives destinées à alléger les structures dans le but non seulement de réduire les coûts, mais aussi d'enrayer la bureaucratie et d'améliorer la qualité des services aux citoyens. Les mesures prises visent, entre autres, à réduire le nombre de ministères ou d'organismes, à limiter le nombre de paliers de gestion et à instaurer des guichets uniques pour simplifier l'accès aux services gouvernementaux par les citoyens. Exemples: L'Australie a réduit le nombre de ses ministères fédéraux de 28 à 16 au cours de la dernière décennie. Le Nouveau-Brunswick a récemment réduit la taille de son cabinet de 24 à 18 ministres. Dans le Budget 1992- 1993, le gouvernement canadien a annoncé l'abolition, le regroupement ou la privatisation de 46 organismes. La décentralisation et la dévolution de certains services publics. Au cours des dernières années, le gouvernement du Québec a procédé au transfert de certaines responsabilités vers un niveau de gouvernement plus près de la population. D'autres gouvernements ont engagé des réformes en ce sens dont celui de la Suède. Exemples: En Suède, les réformes en cours prévoient la délégation vers les instances régionales et locales de la responsabilité de la gestion du personnel et des finances au sein des cours de justice et des services du Procureur général. En Suède également, la gestion du système scolaire, y compris la fixation de la rémunération, relève désormais des municipalités qui ont en principe toute liberté dans ce domaine, sous réserve de certains objectifs éducatifs uniformes. La révision des modes de gestion du secteur public. Un peu partout dans les pays industrialisés, des réformes sont entreprises afin de remplacer le modèle de gestion bureaucratique par des méthodes de gestion qui mettent davantage l'accent sur les résultats et non plus seulement sur l'application stricte de règles. Il est de plus en plus reconnu que la mesure des résultats dans le secteur public a les mêmes vertus que l'indicateur «profit» dans le secteur privé. Elle conduit les administrateurs du secteur public à évaluer leur performance de façon continue et à se tourner davantage vers le service aux citoyens. La transition vers un système de gestion par résultats s'accompagne généralement d'une responsabilisation des gestionnaires à tous les niveaux, y incluant dans certains cas l'obligation pour les administrateurs publics de répondre devant les parlementaires de la façon dont ils s'acquittent de leur mandat. Exemples: Dans l'administration fédérale d'Australie, les gestionnaires disposent d'un budget global et intégré pour tout ce qui touche les salaires, le fonctionnement et les petites dépenses de capital. Parce qu'ils disposent d'une plus grande flexibilité dans l'allocation de leurs ressources, les gestionnaires sont incités à faire preuve de créativité pour gérer leurs opérations de la façon la plus efficiente possible. Le gouvernement britannique a créé au sein de ses ministères quelque 72 «executive agencies» qui opèrent selon un modèle qui se rapproche de celui du secteur privé. Disposant d'une importante marge de manoeuvre sur le plan opérationnel, ces agences ont pour mission de gérer des services gouvernementaux en fonction de contrats annuels de performance qui fixent les objectifs à atteindre, les ressources disponibles et les critères à respecter quant au niveau de services. Le recours plus fréquent aux mécanismes de marché et à la concurrence pour la livraison des services gouvernementaux. En plus de procéder à des privatisations parfois massives d'actifs, certains gouvernements au Canada et dans les autres pays de l'OCDE ont cherché à soumettre les services publics à la concurrence du secteur privé en utilisant la sous-traitance ou le faire-faire. La sous-traitance s'est d'abord répandue dans certains services de soutien comme l'informatique, les télécommunications, les services professionnels, l'entretien et la sécurité des édifices publics, etc. Les gouvernements de la Nouvelle-Zélande et de la Suède ont maintenant comme politique de briser les monopoles publics et de soumettre à la concurrence la production de services qui était jusque là uniquement assumée par le secteur public. Ailleurs, des services comme l'entretien des routes et la gestion des prisons ont également été donnés à contrat au secteur privé. Exemples: L'entretien des routes en Colombie-Britannique est confié par contrat au secteur privé dont une partie à des entreprises possédées par d'ex-employés du gouvernement. En Suède, le gouvernement a l'intention de remplacer ses subventions aux garderies municipales par une aide aux parents («voucher system») à qui on donnera la possibilité de choisir la garderie de leur choix. Le gouvernement du Royaume-Uni a donné à contrat la gestion d'une prison ayant une capacité de 320 détenus. Il est prévu que cette pratique sera étendue à d'autres institutions. Dans la ville de Phoenix aux États-Unis, les services municipaux ne peuvent assumer la réalisation de travaux publics qu'après avoir soumissionné en concurrence avec les entreprises privées. Les approches visant le réexamen du contenu des programmes. Devant la nécessité d'assainir leurs finances publiques, plusieurs gouvernements ont dû procéder ces dernières années à une révision en profondeur de leurs principaux programmes. Ces révisions ont eu généralement comme résultat non pas l'abolition des programmes eux-mêmes, mais plutôt des modifications visant un meilleur ciblage des clientèles, une réduction du niveau de services ou encore une diminution de la gamme des services offerts. Exemples: Le gouvernement fédéral canadien a révisé ses programmes d'allocations familiales et de sécurité de la vieillesse de façon à retirer aux contribuables à hauts revenus le bénéfice des prestations. En Suède, les deux premiers jours d'absence au travail pour raisons de maladie ne sont plus couverts par le régime de sécurité sociale et sont à la charge de l'employé. En Suède également, le gouvernement a présenté un programme de réforme de la politique agricole qui prévoit la libération des prix intérieurs et la suppression des subventions dans un délai de cinq ans. G- Comment réduire les dépenses au Québec: les avenues à considérer? Les perspectives générales. Dans la foulée de la révolution tranquille, le Québec s'est donné des services publics qui ont permis de créer une société dynamique favorisant l'égalité de chances et où les citoyens acceptent, par solidarité sociale, de partager les risques et de prendre soin des plus démunis. Après s'être doté collectivement de programmes qui sont généreux au plan social et ambitieux au plan économique, il faut reconnaître vingt ans plus tard que le coût total de ces programmes dépasse la capacité financière de notre économie. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le fait que depuis que ces programmes ont atteint leur rythme de croisière, il nous a fallu emprunter à chaque année pour payer «l'épicerie», et ce même dans les périodes de conjoncture économique favorable. La sagesse populaire le rappelle: personne ne peut vivre bien longtemps au-dessus de ses moyens. Comment pourrait-il en être autrement d'une société ou de son gouvernement La mondialisation des marchés a pour effet de mettre les appareils publics en concurrence. On se rend compte de plus en plus qu'il existe un lien direct entre l'efficacité du secteur public et les performances globales de l'économie. En raison de son importance dans l'économie, le secteur public doit être efficace et compétitif puisqu'à long terme, le coût des services gouvernementaux se répercute dans le prix des produits qui sont mis en marché par les entreprises privées. L'économie ne pourra être concurrentielle si le secteur public n'est pas efficace dans ses propres domaines d'intervention. La restructuration économique en cours force les entreprises, grandes comme petites, à réexaminer leurs priorités, à revoir la gamme de leurs produits, à devenir plus productives et à améliorer la qualité de leurs services. Le secteur public ne peut échapper à cette réalité et il ne peut se contenter de gérer ses programmes selon les modèles établis en période d'abondance. Le passé, cette fois-ci, n'est plus garant de l'avenir. De profondes réformes s'imposent si nous voulons que le Québec de l'an 2000 puisse compter sur une économie forte et des services publics de première qualité. Pour ne pas drainer indûment une partie importante des ressources de la société, il est nécessaire que les services publics soient dispensés à des coûts concurrentiels. C'est pourquoi, il nous faut viser à ce que, dans tous les secteurs, le prix de revient et la qualité de nos services publics se comparent avec ce qui se fait de mieux au monde. Tout comme c'est le cas dans le secteur privé, le secteur public doit entreprendre une démarche d'amélioration continue du rapport qualité-prix de ses produits et se donner des instruments de mesure plus systématiques pour évaluer ses résultats et sa performance. Le défi consiste à utiliser au maximum les ressources existantes en adoptant une approche davantage axée sur les résultats. Pour préserver les services de base aux citoyens, il faudra repenser notre façon de produire les services publics et réviser le contenu de certains programmes qui sont moins prioritaires face aux besoins d'aujourd'hui. Nous ne pourrons y parvenir sans conférer au secteur public une plus grande souplesse et sans faire le ménage dans ses dépenses et ses programmes. Le redressement des dépenses budgétaires exigera donc une action soutenue sur plusieurs fronts à la fois. Il faudra d'une part recentrer l'action de l'État et ses ressources sur ses rôles fondamentaux et les fonctions qui lui appartiennent en propre. Il faudra d'autre part réévaluer les interventions gouvernementales dans les autres secteurs. Il faudra enfin accepter d'explorer de nouvelles façons de fournir ou de financer les services que nous voudrons préserver. Le défi budgétaire qu'il nous faudra relever collectivement est sans précédent. C'est pourquoi on peut dire sans crainte de se tromper que l'objectif d'un équilibre du compte courant en 1996- 1997 ne pourra être atteint à moins d'actions énergiques sur les trois dimensions suivantes de l'action gouvernementale: l'organisation et la gestion des services publics; la gestion des ressources humaines et la rémunération; la révision du contenu des programmes. L'organisation et la gestion des services publics. Ici comme ailleurs, le mode d'organisation et de fonctionnement de l'appareil gouvernemental est perçu comme étant trop lourd, trop rigide et trop coûteux. C'est pourquoi les contribuables exigent de leur gouvernement d'être plus efficace avant de couper dans les services ou de songer à hausser les impôts. On veut un État plus alerte, plus flexible, plus performant. Parmi les avenues qu'entend privilégier le gouvernement pour rendre le secteur public plus efficace, il en est quatre qui méritent une attention plus particulière: la décentralisation d'activités judicieusement choisies; le recours à la tarification pour augmenter la visibilité des coûts et favoriser une consommation plus rationnelle des services; la recherche systématique des façons les plus rentables de dispenser les services; la mise en place d'un mode de gestion du secteur public davantage axé sur les résultats et l'imputabilité. La décentralisation d'activités judicieusement choisies. La décentralisation constitue l'une des voies d'avenir pour combattre la lourdeur de l'appareil gouvernemental. Une approche pragmatique voudrait que, compte tenu de l'étendue du territoire québécois et de la dispersion d'une bonne partie de sa population, un certain nombre de responsabilités soient décentralisées en faveur du niveau décisionnel et fiscal le plus près possible des usagers. Dans plusieurs secteurs, un nouveau partage des responsabilités avec les gouvernements locaux ou avec les régions pourrait permettre d'instaurer une dynamique plus efficace entre la décision de dispenser des services et la responsabilité de prélever des revenus pour les financer. Étant plus près des clientèles, les élus ou gestionnaires locaux possèdent en effet une meilleure connaissance des besoins et pourraient souvent être mieux en mesure de faire des choix, d'ajuster les services fournis aux réalités locales et de choisir des moyens moins coûteux de les rendre. C'est pourquoi il ne faut pas exclure que le mouvement de décentralisation qui a été entrepris ces dernières années doive être poursuivi. En cette matière, le gouvernement entend toutefois respecter l'engagement qu'il a pris de n'apporter aucune autre modification significative dans l'équilibre des responsabilités fiscales et financières entre les municipalités et le gouvernement pendant la durée du présent mandat, à moins que de telles modifications n'aient donné lieu au préalable à des consultations, voire à un accord explicite entre le gouvernement et les municipalités. Le recours à la tarification pour augmenter la visibilité des coûts et favoriser une consommation plus rationnelle des services. La tarification est le deuxième grand moyen qui pourrait être utilisé de façon beaucoup plus intensive pour non seulement réduire le fardeau des impôts et des taxes, mais également pour diminuer les attentes des citoyens et éviter la surconsommation de certains services. Dans les cas où les bénéficiaires de l'activité gouvernementale peuvent être identifiés avec précision, la tarification constitue la technique de financement qui permet le mieux d'éviter la surconsommation de services en faisant assumer par les usagers eux-mêmes les choix souvent difficiles à faire dans l'allocation des ressources. La tarification comporte aussi l'avantage d'inciter les dispensateurs de services à améliorer leur performance, ne serait-ce qu'en leur permettant d'évaluer de façon plus précise leurs coûts réels de production. Le gouvernement est d'avis qu'une démarche plus systématique devrait être entreprise par les ministères afin d'évaluer le coût de leurs services et d'appliquer, dans tous les cas où c'est approprié, une tarification adéquate des services ou une contribution des usagers. La recherche systématique des façons les plus rentables de dispenser les services. Il ne sera pas possible d'améliorer sensiblement l'efficacité de l'appareil gouvernemental et d'être compétitif à l'échelle internationale sans repenser profondément notre façon de dispenser les services publics. Le défi consiste à transformer l'appareil gouvernemental, souvent taxé de lourdeur et de rigidité, et d'en faire une entreprise capable de s'adapter rapidement et d'optimiser les ressources qui sont mises à sa disposition. Les services publics québécois ont été développés en privilégiant plus souvent qu'autrement des modes d'intervention de type bureaucratique pour produire les services et les dispenser à la clientèle. Les réformes mises en oeuvre dans les autres pays permettent de croire que des gains d'efficience importants sont possibles en adoptant des mécanismes plus souples d'intervention. Une fois définis par le gouvernement les objectifs et le contenu d'un programme, il s'agit de chercher la façon la plus efficace d'offrir le service plutôt que de s'en remettre automatiquement au mode traditionnel d'intervention. De vastes possibilités s'offrent pour mettre le secteur public en concurrence avec le secteur privé et confier à ce dernier certaines tâches chaque fois que cela est plus rentable. A titre d'exemple, le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle a mis en place ces dernières années deux programmes dont la gestion est pratiquement assumée par le secteur privé, le programme d'aide aux travailleurs âgés (PATA) et le programme de subvention et prêt individuels aux travailleurs (SPRINT). Dans d'autres occasions, il peut être opportun de confier certaines opérations à des organismes spécialisés du secteur public qui opèrent sur une base d'affaires et qui, dans le cadre d'une entente contractuelle d'une durée limitée, s'engagent à assumer la livraison de programmes, moyennant des objectifs de performance à atteindre et des nommes de services à respecter. Dans d'autres situations enfin, il peut s'avérer plus rentable de faire administrer certains programmes gouvernementaux par des organismes communautaires parce que ce sont eux qui connaissent le mieux les besoins de leurs clientèles et qu'ils sont en mesure de s'adapter rapidement. Le gouvernement se propose de convier les ministères à revoir systématiquement la façon dont sont dispensés leurs services afin d'identifier puis d'adopter l'approche qui est la plus rentable. Dans les cas des services qui continueront d'être dispensés par les ministères, il sera nécessaire que ceux-ci s'inscrivent à l'intérieur d'une démarche visant à améliorer constamment leur rapport qualité/prix. Pour ce faire, des conditions facilitantes devront être mises en place pour axer la gestion du secteur public davantage sur les résultats . La mise en place d'un mode de gestion du secteur public davantage axé sur les résultats et l'imputabilité. Au fil des ans, les divers gouvernements ont développé directives, nommes et procédures dans le but de s'assurer le respect d'objectifs qu'ils considéraient prioritaires. C'est ainsi que le mode de gestion qui prévaut dans le secteur public québécois continue de miser principalement sur le respect des nommes et le contrôle a priori des gestes administratifs. En raison de sa trop grande rigidité, ce mode de fonctionnement centré sur la gestion des processus administratifs ne favorise pas toujours l'efficacité et est souvent mal adapté au nouveau contexte économique. Le moment est venu de remplacer l'approche normative ou procédurière qui caractérise actuellement l'administration publique québécoise par un modèle de gestion davantage axé sur les résultats. En vertu de cette nouvelle philosophie, les ministères et organismes se verront octroyer une plus grande autonomie d'action en retour de quoi il leur faudra rendre compte de leur performance et être imputables des résultats obtenus. L'imputabilité est la clef de voûte d'une gestion axée sur les résultats. Le fait pour le secteur public d'être responsable de la gestion d'actifs ou de ressources qui appartiennent à la collectivité entraîne l'obligation non seulement d'être efficace, mais aussi de respecter deux autres critères, à savoir l'équité et la transparence. C'est pourquoi, la nouvelle philosophie de gestion axée sur les résultats devra relever le pari de «l'efficacité dans l'équité et la transparence». La gestion des ressources humaines et la rémunération. Il serait injuste d'aborder les moyens d'assainir les finances de l'État québécois sans reconnaître franchement l'effort et la collaboration que ceux et celles qui dispensent les services publics ont déjà manifestés au cours des dernières années. D'une part, grâce à la collaboration des personnes oeuvrant dans le secteur public, il a été possible d'adapter les services offerts par l'État et de faire face aux augmentations de clientèles. Les efforts de chacune d'entre elles ont permis de maintenir la qualité des services offerts aux citoyens et même, dans certains cas, de les améliorer. D'autre part, il faut souligner l'évolution positive intervenue dans les relations entre l'État et la majorité des associations représentant des personnes oeuvrant dans le secteur public. Au fil des importants travaux qui ont conduit à corriger les relativités salariales, les parties, appelées à travailler en concertation, ont développé des approches rigoureuses pour solutionner des problèmes complexes. Plus récemment, cette nouvelle maturité dans les relations entre les parties s'est manifestée dans des gestes concrets. Contrairement à ce qui a pu se passer ailleurs au Canada, le gouvernement québécois et la majorité des associations de personnes oeuvrant dans le secteur public ont été capables de prendre en compte la situation économique dans un climat positif. C'est dans ce contexte qu'ont pu intervenir deux ententes successives de prolongation des conventions collectives de six mois et d'un an. Ces ententes limitaient les hausses salariales durant cette période. A la suite de la baisse soutenue de l'inflation, ces ententes se sont avérées favorables aux salariés du secteur public québécois. Une collaboration active des ressources humaines permettrait que le redressement des finances publiques s'opère dans un climat positif et cela, en favorisant le maintien de la qualité des services offerts à la population. Cette collaboration de l'ensemble des personnes qui oeuvrent dans le secteur public est la seule garantie que le Québec pourra préserver le niveau de services publics caractéristique des pays développés. Compte tenu du défi budgétaire à relever, il nous faudra continuer de réduire les coûts au chapitre de la gestion des ressources humaines. Trois avenues existent pour ce faire: améliorer la productivité, ajuster les niveaux de la rémunération et diminuer l'effectif. Il est vraisemblable que nous devions recourir à ces trois avenues simultanément. Augmenter la productivité. La recherche de la compétitivité et l'augmentation de la productivité d'un appareil aussi complexe que celui du secteur public ne sont possibles qu'à condition que l'on s'assure d'une utilisation judicieuse des ressources humaines. Pour aller plus loin, il faudra accorder une plus grande importance à la capacité d'innover, de s'adapter et de renforcer l'efficacité. Lorsqu'on cherche à augmenter la productivité, il ne faut pas envisager les solutions uniquement en demandant aux personnes de faire davantage. Il faut aussi faire en sorte que les systèmes soient mieux gérés et mieux conçus et que les décisions puissent être prises au niveau le plus approprié. A cet effet, il est nécessaire que les parties conçoivent et conviennent notamment de règles concernant l'organisation du travail. Ces règles, de plus en plus, devraient être déterminées dans chacune des organisations plutôt que définies centralement. Au moment de s'interroger sur l'efficacité des systèmes et des nommes que nous avons adoptés au cours des années, il faudra remettre en cause nos manières de concevoir centralement des paramètres qui encadrent si étroitement la tâche qu'il devient impossible d'agir localement pour accroître la productivité. Pour mesurer le chemin parcouru dans notre recherche d'un secteur public plus productif, nous devrons préciser davantage les indicateurs qui nous permettent de savoir si nous réussissons à offrir des services publics de qualité à des coûts comparables ou à meilleurs coûts que ceux encourus par nos principaux voisins et concurrents. Cette façon de faire nous indiquera jusqu'à quel point la part de richesse que nous consacrons aux services publics est utilisée avec efficacité et efficience et dans quelle mesure nous faisons une utilisation optimale des personnes qui dispensent les services publics. La rémunération globale. Une des composantes fondamentales des coûts des services publics concerne le niveau de la rémunération des salariés du secteur public. La rémunération des salariés du secteur privé s'ajuste, selon les règles du marché, en fonction de la concurrence entre les entreprises québécoises sur le marché interne et de la concurrence avec les entreprises étrangères sur les marchés canadiens et internationaux. De tels mécanismes régulateurs n'existent pas dans le secteur public. C'est pourquoi le fondement de base de la politique de rémunération du gouvernement québécois comme employeur repose sur la «comparabilité» de la rémunération globale du secteur public avec celle du secteur privé. A ce sujet, dans son dernier rapport annuel, L'Institut de recherche et d'information sur la rémunération (IRIR) conclut: «Pour l'ensemble des emplois repères étudiés ... en ce qui concerne la rémunération globale, une avance du secteur public par rapport au secteur privé est constatée. Cette avance est de 10 points de pourcentage selon la méthode des déboursés et de 7 points de pourcentage suivant celle des coûts simulés». Un tel écart représente un montant de plus de 1,4 milliard de dollars. Il peut être utile de se souvenir que ces études ne prennent pas en compte le fait que, structurellement, la sécurité d'emploi est beaucoup mieux assurée dans le secteur public que dans le secteur privé soumis aux règles de la concurrence. Le gouvernement québécois consacre en 1992- 1993 plus de 20 milliards de dollars à la rémunération. Dans une société où on recherche une certaine équité, l'écart de rémunération entre les secteurs public et privé est un indice qui, sans être absolu, ne peut être ignoré. Pour bien comprendre la nature de cet écart de traitement, il faut chercher à mieux en cerner les sources. Selon les études disponibles, les salaires n'en sont pas l'élément essentiel. En effet, sur une base annuelle, les salariés réguliers des deux groupes peuvent compter en moyenne sur des revenus comparables. Il faut donc chercher dans les autres composantes de la rémunération l'origine du problème. Selon l'IRIR, près de la moitié de l'écart public/privé est généré par des heures régulières de travail plus nombreuses dans le secteur privé que dans le secteur public. Le reste de l'écart s'explique à peu près également par deux éléments: un ensemble de mesures de protection en cas de maladie et des régimes de retraite plus avantageux pour les salariés du secteur public. Quelles que soient les options retenues, les parties négociantes devront trouver les meilleures façons d'ajuster la rémunération versée dans le secteur public afin de rétablir une certaine parité entre les deux groupes de salariés. Au chapitre de la rémunération globale, une opération de redressement s'impose. Il faudra trouver, en collaboration avec les associations de personnes oeuvrant dans le secteur public, les moyens nécessaires pour améliorer la productivité et pour remettre en cause certains éléments de bénéfices marginaux très onéreux. Ces gains et ces économies pourraient en partie être versés sous forme d'augmentations salariales. Ceci pourrait permettre d'atteindre l'objectif de stabiliser les sommes consacrées à la rémunération globale à leur niveau actuel au cours des cinq prochaines années. Le nombre des effectifs dans la fonction publique. Il revient au gouvernement de s'assurer que le niveau de l'emploi dans le secteur public ne porte pas atteinte au caractère concurrentiel de l'ensemble de l'économie. Dans cette perspective, il a été annoncé, à l'occasion du dépôt des crédits 1992-1993, que les ministères et organismes devront réduire leur effectif autorisé de 10 % d'ici le 31 mars 1997. Pour s'assurer d'une utilisation optimale de tout le personnel, il faudra redéployer les effectifs en surplus, de façon temporaire ou permanente, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'unité habituelle de travail. Ainsi, il y aura lieu notamment de faciliter l'identification de ces personnels en surplus et de prioriser le recyclage et la formation. De plus, il faudra mettre en place des mécanismes permettant une gestion souple des mouvements de personnel afin d'assurer une priorité absolue d'affectation à ces employés. La révision du contenu des programmes. Dans les secteurs de production soumis aux conditions du marché, il arrive fréquemment que des biens ou des services disparaissent ou sont remplacés parce qu'ils deviennent non rentables. Dans le cas des activités gouvernementales, un tel mécanisme n'existe pas et c'est pourquoi il s'avère impératif de réévaluer périodiquement les programmes. Tous les ministères devront être mis à contribution afin de revoir systématiquement le contenu des programmes. Plus particulièrement dans le cas des grands domaines des dépenses, il faudra procéder à un examen plus poussé. Parmi les grands enjeux qui nécessiteront des choix collectifs, il en est un certain nombre qu'il convient de mettre en lumière dès maintenant. Le domaine de la santé et des services sociaux. Comme il a déjà été démontré, le contrôle des dépenses gouvernementales est en grande partie lié à la capacité de contenir les coûts dans le secteur de la santé et des services sociaux. Si l'on fait exception des États-Unis qui n'apparaissent pas comme un modèle à cet égard, le Québec dépense une plus grande part de son PIB dans le secteur de la santé que la plupart des autres pays de l'OCDE. Le financement de ce domaine de dépenses a amplement été débattu au cours d'une Commission parlementaire l'an dernier. La consultation effectuée au cours des travaux de la Commission a permis de dégager un consensus sur la nécessité de maintenir les grands services de base. Cependant, tous les intervenants convenaient que le maintien de ces services constituait un défi et que la croissance des dépenses du secteur de la santé et des services sociaux doit être ralentie en intervenant en priorité sur l'efficience et l'efficacité de ce secteur et en effectuant un virage vers la prévention. La poursuite de la réforme des services de santé et des services sociaux récemment mise en oeuvre favorisera la rationalisation des services. La réforme entreprise, en plus de permettre la régionalisation et le regroupement des services, vise à accorder une plus grande flexibilité dans la gestion. Pour ce faire, la collaboration et l'ouverture d'esprit de tous les intervenants, dont les associations de personnes oeuvrant dans ce secteur seront requises afin d'identifier les moyens à prendre pour atteindre ces objectifs. Ainsi, il est essentiel qu'au niveau local, on puisse adapter les règles du travail afin qu'elles correspondent à la spécificité des établissements. Parmi les facteurs qui contribuent à la croissance des coûts de ce secteur, certains comme le vieillissement de la population et le développement technologique échappent pour l'essentiel au contrôle du gouvernement. Il en est d'autres cependant sur lesquels on peut agir, comme la gratuité complète et l'universalité de la couverture. A cette fin, il apparaît légitime de demander au gouvernement fédéral de ne plus assortir ses transferts aux provinces de normes qui limitent le plein exercice de leurs responsabilités. Une demande analogue des autres provinces permettrait de lever plus facilement ces contraintes. De façon plus spécifique, la définition des services de base devrait être révisée afin notamment que certains services moins importants puissent être considérés comme services complémentaires. De même, une contribution modeste, tenant compte de la capacité de payer des citoyens, devrait pouvoir être envisagée comme source de financement des services. Ces avenues n'auraient pas pour effet de remettre en cause l'accessibilité de notre système de santé; elles constitueraient un ajustement rendu nécessaire par la situation financière et fiscale actuelle. Le domaine de l'éducation. Au début des années soixante, la société québécoise s'est mobilisée autour de l'objectif général d'accessibilité à l'éducation et à la formation. L'éducation est maintenant accessible à l'ensemble des Québécois, dans toutes les régions, à l'intérieur d'un système public gratuit jusqu'au niveau universitaire. Un effort considérable a été requis pour la mise en place des infrastructures nécessaires. Nous sommes l'une des sociétés qui dépensent le plus au monde dans l'éducation. Ce domaine est le second en importance au plan budgétaire puisqu'il accapare le quart du budget des dépenses. Malgré cet investissement majeur consenti par l'ensemble de la société, on constate que des problèmes importants restent à régler. Avec un taux de décrochage de 36 % au secondaire en 1989-1990, la situation du Québec est l'une des moins favorables par rapport à la moyenne canadienne qui est de 28 % et qui correspond à la performance de l'Ontario. D'autres questions sont également préoccupantes comme les apprentissages en formation de base, la fréquentation comparativement moins élevée dans les secteurs scientifiques et techniques, le nombre élevé de programmes courts à l'université, l'arrimage insuffisant entre les trois niveaux d'enseignement et la synergie insuffisante qui existe entre les entreprises et les établissements scolaires. La qualité de la formation dans les disciplines de base et la formation professionnelle sont identifiées clairement par tous les agents économiques comme les clés qui permettront au Québec de relever le défi de la concurrence internationale et du développement technologique. Les dépenses consacrées à la formation professionnelle, au Canada comme au Québec, sont parmi les moins élevées des pays industrialisés, tout comme la participation des chômeurs à des activités de formation. De façon générale, les entreprises canadiennes consacrent beaucoup moins d'argent à la formation professionnelle que leurs concurrents à l'étranger. En plus de relever ces défis, notre système d'enseignement devra nécessairement faire sa part pour réduire la croissance des dépenses. Les régimes pédagogiques et les conventions collectives déterminent le nombre d'enseignants requis puisqu'ils prévoient respectivement la durée des heures d'enseignement des enseignants au cours d'une semaine et les rapports maître-élèves en fonction des différents niveaux et des différentes spécialités. Même si le contexte social dans lequel doivent oeuvrer les enseignants est devenu beaucoup plus complexe avec les années, il nous faut examiner la possibilité de faire des gains en convenant de réaménager la tâche des enseignants pour qu'ils augmentent leur charge de travail et qu'ils consacrent une plus grande part de leurs activités à l'enseignement. Il va de soi que les organisations représentant les personnes oeuvrant dans ce secteur auront, notamment à ce sujet, un rôle de premier plan à jouer afin d'identifier les moyens à prendre et à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs. Tout en acceptant le fait que l'éducation constitue un des rôles les plus importants de l'État et un des investissements les plus rentables d'une société, il faut aussi reconnaître que la responsabilité du système d'éducation et de son financement ne saurait appartenir de façon complète et exclusive au gouvernement. Actuellement, le financement par le biais des taxes foncières scolaires représente un peu moins de 10 % des dépenses des commissions scolaires. Malgré les hausses des dernières années, les frais de scolarité au niveau universitaire ne comptent que pour environ 11 % des dépenses des universités: ils s'élèvent en moyenne à 1 487 $ par étudiant alors que la moyenne dans les autres provinces canadiennes est de 2 250 $. Dans ce contexte, il faudra non seulement s'assurer que les ressources déjà disponibles sont utilisées de façon optimale, mais aussi envisager le recours à d'autres sources de financement. Il pourra s'agir d'une contribution plus importante des premiers bénéficiaires, soit les étudiants, via la poursuite du rattrapage en matière de frais de scolarité, d'un apport plus grand de sources locales de financement ou encore d'une contribution plus importante des entreprises au financement de la formation professionnelle. En plus de permettre l'apport de fonds supplémentaires, de telles mesures auraient l'avantage additionnel d'inciter les gouvernements locaux à une plus grande vigilance à l'égard des dépenses encourues et de favoriser une mobilisation des étudiants et des entreprises autour des objectifs de qualité de la formation qui est offerte. Le gouvernement croit qu'il est essentiel que ces questions soient soulevées et fassent l'objet d'un large débat. Il s'agit là d'enjeux qui ne concernent pas uniquement le gouvernement mais qui, au contraire, interpellent l'ensemble de la société québécoise et, en tout premier lieu, les étudiants, les parents et les enseignants. Le domaine de la sécurité du revenu. Depuis le début de la récession de 1990, le nombre de ménages qui reçoivent des allocations de la sécurité du revenu a augmenté de 29,7 % et il s'établissait à 439 400 en décembre 1992. Depuis 1989-1990, les dépenses reliées à ce domaine ont augmenté de plus de un milliard de dollars. Ces dépenses comprennent l'aide de dernier recours et l'assistance-maladie, dont les dépenses pendant la même période ont augmenté de plus de 100 millions de dollars pour atteindre 260 millions de dollars. La hausse du nombre des sans-emploi coûte cher collectivement, puisqu'il faut non seulement supporter les dépenses reliées à la sécurité du revenu mais aussi renoncer à des revenus substantiels. Une fraction trop importante de la population dépend de la collectivité pour assurer sa subsistance alors qu'une proportion trop faible contribue à l'enrichissement collectif. La sécurité du revenu repose sur un engagement de la collectivité à redistribuer la richesse par l'entremise de l'État. A titre de fiduciaire de cet engagement, le gouvernement doit veiller à ce que l'aide soit versée uniquement à ceux qui y ont droit et à ce que les programmes en place favorisent l'intégration des bénéficiaires au marché du travail et maintiennent l'incitation à travailler. Cela a été le principe de base sur lequel a été élaborée la réforme de la sécurité du revenu qui est entrée en vigueur en août 1989. Malgré les correctifs apportés, les cas de non conformité fréquemment rapportés montrent qu'il subsiste des problèmes qu'il faudra résoudre. La hausse accélérée de la consommation de médicaments, comme celle observée pour les personnes âgées, méritera également une attention particulière. Il n'y a pas de doute que la collectivité québécoise veut continuer de venir en aide aux plus démunis de notre société. Néanmoins, puisque l'ensemble des coûts de la sécurité du revenu montent en flèche, il ne faudra pas craindre, à chaque fois que cela sera requis, de poursuivre la révision des modalités du régime pour renforcer l'incitation au travail, maintenir des contrôles étanches et éviter tout gaspillage dans le cas des services offerts gratuitement par l'assistance-maladie. En somme, devant la rareté de plus en plus grande des ressources, il faudra s'assurer que cet objectif fondamental de la collectivité d'assurer un revenu minimum aux plus démunis soit accompagné d'une obligation de plus en plus exigeante pour les bénéficiaires aptes au travail à poursuivre des activités de relèvement de leur employabilité pendant cette période de chômage, afin qu'ils soient en meilleure position pour réintégrer le marché du travail. L'aide aux entreprises. La mondialisation des marchés a entraîné une transformation radicale de l'économie. La mobilité de plus en plus grande des facteurs de production a modifié les avantages comparatifs dont dépend la richesse des pays. Dans le nouvel ordre économique, le niveau de vie dépendra davantage du savoir-faire que des ressources naturelles. Les produits à faible valeur ajoutée peuvent être fabriqués plus avantageusement dans les pays où les salaires sont bas. Pour payer des salaires élevés, les pays riches devront produire des biens ou des services à forte valeur ajoutée que ne peuvent offrir leurs concurrents. La libéralisation des échanges limite de plus en plus les possibilités de subventions directes qui ciblent des entreprises ou des secteurs industriels. Dorénavant, le rôle des gouvernements en matière de support à l'industrie devra se dérouler dans le cadre d'une approche générale qui vise plutôt à: créer un environnement et des conditions qui contribuent à rendre les entreprises plus performantes (formation de la main-d'oeuvre, infrastructures, fiscalité concurrentielle); agir comme catalyseur à l'intérieur de stratégies destinées à favoriser la recherche, l'innovation et la diffusion des nouvelles technologies. Le gouvernement a adopté ces dernières années un ensemble de mesures fiscales destinées à aider nos entreprises à devenir encore plus performantes et à mieux faire face à la mondialisation des marchés. L'approche des grappes industrielles mise en place par le gouvernement québécois agit dans le même sens. Au Québec, les programmes d'aide aux entreprises administrés par les deux paliers de gouvernement sont toujours nombreux, spécialement dans le secteur agricole. Nous n'aurons pas le choix de procéder, au cours des prochaines années, à un réexamen systématique des programmes d'aide aux entreprises. Il faudra le faire non seulement pour faire des économies, mais aussi pour préparer nos entreprises aux futures règles commerciales du GATT et de l'accord de libre-échange nord américain (ALENA). Conclusion. Ce document aura exposé la nature des défis qui se présentent au secteur public québécois et il aura évoqué quelques unes des stratégies possibles pour les relever. Le rôle et la taille du secteur public se sont accrus de façon importante au cours des années. Nous nous sommes dotés comme société de programmes généreux au plan social et ambitieux au plan économique. Or, notre capacité fiscale est inférieure à celle de nos compétiteurs et nous devons consacrer des sommes plus importantes qu'eux au service de la dette accumulée au fil des années, sans compter certaines particularités qui rendent nos services publics plus coûteux. Nous nous offrons ainsi des services que nous n'avons pas vraiment les moyens de nous payer. En effet, les impôts et taxes prélevés par l'ensemble des paliers de gouvernement représentent aujourd'hui tout près de 40 % du revenu national. A cela s'ajoutent les impôts dont la charge est transférée à nos enfants par le biais des déficits toujours présents et ce, aux deux principaux paliers de gouvernement. Cette situation ne peut évidemment pas durer indéfiniment. Personne ne peut vivre bien longtemps au-dessus de ses moyens. Mais, au moment d'examiner les avenues possibles pour redresser la situation ou simplement pour l'empêcher de se détériorer, on observe que: la progression des revenus budgétaires est inférieure à celle du PIB, particulièrement en raison des contraintes imposées par le gouvernement fédéral à l'évolution de ses transferts aux provinces; le rythme d'évolution des dépenses budgétaires a de façon structurelle tendance à dépasser l'inflation de quelque 3 % par année. Cette dynamique d'évolution des revenus et des dépenses a pour effet que, même dans une période d'expansion économique comme celle qui est présentement anticipée, une impasse financière continue de se dégager à chaque année, ce qui oblige le gouvernement à prendre des mesures d'importance pour préserver ou pour améliorer ses équilibres financiers. Non seulement les revenus, les dépenses, le déficit et la dette ont-ils déjà atteint des niveaux trop élevés, mais cette situation a de façon structurelle tendance à se détériorer, ce qui rend encore plus difficile la solution des problèmes. Plusieurs stratégies sont possibles pour les résoudre et elles sont susceptibles de toucher l'ensemble de la population. Il est donc important, au cours des travaux de cette Commission parlementaire portant sur le financement des services publics, de discuter de ces stratégies et de dégager un consensus sur les orientations de base à poursuivre. Le scénario de redressement graduel de la situation soumis dans le présent document indique qu'il y aurait lieu de: procéder à une réduction ordonnée du niveau du déficit et selon un rythme permettant de dégager des surplus des opérations courantes d'ici quelques années; éviter dans toute la mesure du possible une augmentation des impôts et taxes et accepter les implications qui en découlent sur le niveau des dépenses publiques; procéder à une opération de réévaluation du rôle de l'État pour le ramener à ses objectifs fondamentaux; intensifier l'effort entrepris pour financer une plus grande partie des services publics auprès de leurs usagers. Il est important de plus que la Commission parlementaire nous amène à préciser d'autres éléments tout aussi nécessaires à la solution des problèmes: quels seraient les moyens pour rendre le régime fiscal encore plus équitable et plus favorable à la croissance économique? quelles sont les activités moins prioritaires que le gouvernement du Québec devrait abandonner au cours des prochaines années et comment devrait-on financer les nouvelles priorités auxquelles il faudrait répondre ? quels sont les services publics qui pourraient être davantage financés par leurs utilisateurs et quelles seraient les formules permettant de protéger, malgré tout, les plus démunis? quelles sont les avenues possibles pour améliorer la performance de l'administration publique et la rendre plus compétitive? Les choix à faire seront cruciaux pour l'avenir de notre société . Il est donc d'autant plus important que tous soient conscients des conséquences des options qu'ils proposeront à la Commission. Les analyses présentées dans ce document montrent en effet que la majorité des choix à faire pourraient s'avérer exigeants pour le gouvernement, l'administration publique et tous ceux qui dispensent des services publics, ainsi que pour la population et de nombreux groupes de la société. La conviction du gouvernement est qu'en les effectuant de concert avec ceux qui y sont impliqués, non seulement aurons-nous fait comme société les choix les plus appropriés, mais nous aurons acquis la détermination pour les mener jusqu'au bout. Ainsi, nous aurons contribué à préparer un avenir à la mesure des aspirations des Québécois et des Québécoises.