*{ Rapport Tremblay. Gérald Tremblay, ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie } La stratégie de développement économique du Québec. Communiqué. «Le Québec compte déjà cinq grappes industrielles concurrentielles et huit grappes stratégiques» Montréal, le 2 décembre 1991. Les treize grappes industrielles que compte déjà le Québec illustrent bien notre situation présente en matière de compétitivité sur la scène internationale», a fait remarquer le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, Monsieur Gérald Tremblay, qui rendait publique aujourd'hui, en présence de ministres et partenaires économiques, la stratégie de développement proposée par le gouvernement du Québec à l'ensemble de la population. Les grappes concurrentielles. D'après le ministre, cinq de ces treize grappes industrielles sont déjà concurrentielles, c'est-à-dire qu'elles regroupent des entreprises déjà compétitives sur la scène mondiale et une bonne synergie existe à l'intérieur de leurs réseaux. Certaines sont plus concurrentielles que d'autres: la situation évolue constamment. L'industrie aérospatiale canadienne se classe cinquième au monde et le Québec représente 44 % de l'industrie canadienne. Trois secteurs offrent un potentiel de développement particulièrement important. Ce sont la fabrication d'avions, l'avionique et l'hydraulique. Ces secteurs réaliseront leur potentiel à la condition que les intervenants développent toute la synergie requise», a précisé le ministre. L'industrie pharmaceutique, dont la Recherche-Développement constitue le coeur de la grappe, regroupe un nombre important d'entreprises reconnues sur la scène internationale et bénéficie d'une grande synergie entre nos facultés universitaires, ainsi que nos nombreux instituts et laboratoires de recherche. On y retrouve une action très concentrée: d'une part, la recherche fondamentale, d'autre part, la recherche clinique. Dans l'industrie des technologies de l'information, tous les atouts sont en place pour que se développe une très grande synergie: produits de base, conception et fabrication, développement de logiciels et services-conseils. Ce sont les activités de fabrication qui forment le coeur de cette grappe. Cette grappe est d'autant plus prometteuse qu'elle se situe au centre du secteur tertiaire moteur. Les produits d'équipement de production, de transport et de distribution d'énergie électrique ont toujours constitué un puissant moteur de développement pour l'ensemble de l'économie du Québec. Les économies d'énergie, la cogénération et la réalisation du projet Grande Baleine influenceront profondément le rythme de développement de cette grappe et de toute l'économie du Québec. La transformation des métaux et minéraux s'appuie sur la présence d'une importante industrie reliée à l'extraction des minerais dont le Québec dispose en abondance et à la production de métaux légers. Le grand défi dans ce domaine: plus de transformation de produits au Québec. Les grappes stratégiques. Huit grappes sont stratégiques parce qu'elles offrent un bon potentiel de développement et qu'elles jouent un rôle important dans le développement de toutes les régions du Québec, même si elles ne remplissent pas encore l'ensemble des conditions requises pour être qualifiées de concurrentielles. Le transport terrestre est composé de deux grandes filières: les véhicules et pièces, et le matériel de transport ferroviaire. La réalisation d'un train à grande vitesse entraînerait un impact majeur sur cette deuxième filière. La pétrochimie et les plastiques, où l'action prend forme autour de secteurs prometteurs comme le bâtiment, les transports, les plastiques renforcés, les matériaux d'emballage, les produits électriques et électroniques, et le matériel médical. L'industrie bioalimentaire, qui offre une gamme très étendue d'activités, en partant du secteur agricole, en passant par l'activité des fournisseurs de produits d'emballage et en allant jusqu'aux circuits de commercialisation. L'habitat, qui compte quelque 30 000 entreprises, fournit du travail à plus de 200 000 personnes. C'est l'un des moteurs économiques les plus puissants sur lesquels nous pouvons compter. La mode et les textiles, dont la contribution à l'économie est également très importante. Il faudra concentrer nos efforts sur le design de mode, la promotion de Montréal comme capitale canadienne de la mode et centre international. Là aussi, il faut concevoir, fabriquer et commercialiser des produits distinctifs de qualité. L'industrie forestière, dont dépend, en bonne partie, le développement de plusieurs régions du Québec. Il faut concrétiser le plus rapidement possible des alliances stratégiques entre les entreprises du secteur. Une condition de succès: investir massivement dans la modernisation des unités de production qui respectent les normes environnementales, dans la RechercheDéveloppement et dans la formation de la main-d'oeuvre. Et surtout, ajouter de la valeur à nos produits. Les industries reliées à la protection de l'environnement offrent un potentiel de développement considérable. Le succès dans ce domaine repose essentiellement sur des investissements importants en Recherche-Développement. Le gouvernement du Québec a créé à cet effet, le Fonds de développement technologique/Environnement pour assurer l'émergence de nouvelles technologies environnementales. Au Québec, nous avons fait le choix de l'environnement. C'est à nous qu'il appartient de profiter des immenses possibilités que recèle ce domaine, non seulement au Québec, mais aussi dans le monde entier. La grappe des industries culturelles est le reflet de notre identité et la consécration de nos talents québécois. Il s'agit de 2 500 entreprises qui oeuvrent dans la production de films, d'émissions de télé, de vidéos, de disques, de spectacles, d'oeuvres artisanales, et l'édition de livres. Ces entreprises fournissent plus de 25 000 emplois. Ces industries sont jeunes et elles s'inscrivent dans un secteur en développement rapide à l'échelle mondiale. Nos entreprises consolident leurs positions sur le marché intérieur et réalisent des percées importantes à l'exportation. Le développement de ces industries devient maintenant le défi à relever, en améliorant notamment la capitalisation, la gestion, la formation des ressources humaines et la commercialisation de produits distinctifs de qualité. «Telle est la situation au Québec», a conclu le ministre Tremblay, qui a fait remarquer que: «Certaines grappes stratégiques deviendront des grappes concurrentielles en maximisant la synergie de leurs réseaux et de nouvelles grappes industrielles naîtront sans doute, dans un contexte économique en évolution constante». Vers une société à valeur ajoutée. Allocution de monsieur Gérald Tremblay Ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie lors de sa conférence de presse annuelle, Hautes Études Commerciales, Montréal, le 2 décembre 1991. Pendant combien de temps encore accepterons-nous de vivre dans un contexte de ralentissement économique permanent? Voilà La question fondamentale à se poser si nous voulons maintenir et améliorer notre qualité de vie. A court terme, le Gouvernement peut tempérer les choses. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait en accélérant les investissements publics, en investissant dans le développement économique régional et la rénovation des immeubles locatifs, et en annonçant de nouvelles initiatives telles "Mon Taux, Mon Toit" ainsi que l'opération «Relance PME" - des mesures à la limite de nos moyens financiers totalisant plus de 1,2 milliard de dollars. Certaines personnes et associations exigent davantage. Quelques suggestions sont réalistes et il est peut-être possible d'en faire un peu plus. Par contre, les solutions miracles n'existent pas. Ceux et celles qui connaissent la situation financière du Gouvernement comprennent que nous sommes rendus tant au niveau de la taxation et du déficit, qu'au niveau des dépenses et des investissements, à la limite du raisonnable. Je dirais même que poursuivre plus longtemps des politiques à court terme ne ferait que retarder encore une fois des échéances, créer davantage d'iniquités et rendre une partie plus importante de la population cynique et désespérée. Les problèmes sont collectifs, les solutions doivent l'être aussi. Au cours des trente dernières années, nous avons individuellement et collectivement contribué à bâtir une société avec des forces indéniables. D'ailleurs, notre fierté repose sur ces réalisations passées. Mais le monde change et évolue rapidement. Aujourd'hui, nous n'avons plus de richesses à distribuer, nous devons donc gérer le développement. Les prévisions informatisées identifient la création de 328 000 emplois d'ici l'an 2000, et un taux de chômage d'au moins 11% (onze pour cent). Une telle situation est inacceptable, d'autant plus qu'elle engendre des coûts sociaux très élevés et ne permet pas de rétablir l'équilibre des finances publiques. Un taux de chômage de 8% requiert la création de 515 000 emplois et un taux de chômage de 7% nécessite la création de 550 000 emplois. Des changements d'attitude et de mentalité ainsi qu'une nouvelle direction s'imposent pour créer, d'ici l'an 2000, les 200 000 emplois additionnels qui assureront l'édification d'une société plus juste et prospère. Notre réussite collective passe maintenant par la transition rapide d'une économie de production de masse a une économie à valeur ajoutée. Ajouter de la valeur à nos produits, c'est d'abord assurer la transformation secondaire de nos richesses naturelles. Il faut transformer notre bois, nos lingots d'aluminium, notre minerai de fer et vendre nos produits finis au monde entier. La valeur ajoutée découle aussi d'une gestion efficace de l'information, nouvelle matière première de l'économie mondiale en mutation. Et c'est possible, si encore une fois avec fierté, nous décidons individuellement et collectivement, dans une vision globale à moyen et à long termes de notre développement, de prendre les décisions et faire les sacrifices qui s'imposent. Nous aimerions partager avec vous cette vision: une stratégie que nous allons bonifier ensemble et qui assurera pour les travailleurs et les travailleuses des emplois permanents de qualité. Le Gouvernement privilégie toujours une approche d'entreprise et contribue depuis de nombreuses années avec ses partenaires économiques à la mise en place des variables essentielles à son succès. Une capitalisation saine permet à l'entreprise d'investir en fonction d'un plan d'affaires à moyen et à long termes: dans la qualité de ses ressources humaines qui est son actif le plus important; dans des équipements à la fine pointe de la technologie; dans le design dès la conception et tout au long du processus de fabrication d'un produit; dans un climat de travail favorable à l'implantation de la qualité totale, soit bien faire du premier coup, à tout coup, partout; dans la conquête des marchés; et, le développement de l'entreprise dans le respect de l'environnement. Il s'agit d'un défi de taille, mais essentiel à la conception, la fabrication et à la commercialisation d'un produit distinctif de qualité, au meilleur coût possible, condition indispensable dans un contexte de mondialisation des marchés. L'élément clé de la réussite, c'est la synergie qui doit exister entre toutes ces variables essentielles. Le Gouvernement et ses partenaires économiques continuent leur rôle d'éducateurs et de complices en facilitant l'accès au capital de risque, en instaurant des mesures fiscales compétitives pour diminuer le coût de capital, en encourageant la formation des ressources humaines, la recherche et le développement, la protection de l'environnement et en renouvelant ses programmes d'aide financière et d'accès aux marchés extérieurs. Les résultats positifs obtenus nous permettent aujourd'hui de mettre de l'avant une stratégie globale du développement économique du Québec à moyen et à long termes. La dynamique qui sous-tend l'approche des grappes industrielles aidera nos entreprises à devenir encore plus performantes et à mieux faire face à la mondialisation des marchés. Une grappe industrielle, c'est l'expression consacrée qui représente un ensemble d'industries d'un même secteur d'activités qui interagissent, se recoupent et se concurrencent entre elles, pour accroître leur compétitivité et accélérer leur croissance. C'est de cette façon que nous avons réussi à bâtir, au Québec, des secteurs porteurs où certaines de nos entreprises ont déjà une reconnaissance sur la scène mondiale et participent au développement de PME dans toutes les régions du Québec. En poursuivant dans cette voie, nous favorisons l'émergence d'entreprises de calibre international qui s'alimentent à des réseaux de sous-traitance capables de contribuer à l'implantation de la qualité totale et du "juste-à-temps". De cette façon, nous actualisons notre immense potentiel de création d'emplois permanents de qualité qui assureront aux Québécois et aux Québécoises l'avenir auquel ils aspirent dans le monde le plus compétitif que l'histoire ait jamais connu. Le Québec compte maintenant treize de ces grappes industrielles: cinq d'entre elles sont déjà concurrentielles, c'est-à-dire qu'elles regroupent des entreprises compétitives sur la scène mondiale et une bonne synergie existe à l'intérieur de leurs réseaux. Bien sûr, l'aérospatiale et l'industrie pharmaceutique sont plus concurrentielles aujourd'hui que les technologies de l'information, les équipements de production, de transport et de distribution d'énergie électrique et la transformation des métaux et minéraux. La situation évolue constamment. Les huit autres grappes industrielles sont stratégiques parce qu'elles offrent un bon potentiel de croissance et qu'elles jouent un rôle important dans le développement régional, même si elles ne satisfont pas encore à l'ensemble des conditions requises pour être qualifiées de concurrentielles. Malgré le fait que nous comptions une ou plusieurs entreprises de calibre international dans certaines de ces grappes, nous n'avons pas encore atteint une renommée mondiale dans ces domaines, ou encore leurs réseaux n'ont pas développé toute la synergie voulue. Il s'avère donc impérieux d'actualiser le potentiel de développement du transport terrestre, de la pétrochimie et des plastiques, de l'industrie bioalimentaire, de l'habitat, de la mode et des textiles, de l'industrie forestière, de l'environnement et des industries culturelles en raison de leur importance pour le maintien et la création d'emplois dans toutes les régions du Québec. Cette vision du développement économique se veut évolutive et dynamique. C'est à nous de la bonifier ensemble. D'autres grappes viendront possiblement s'ajouter à celles qui existent déjà, à la condition que nous mettions en commun nos connaissances, nos ressources, nos moyens en créant des alliances stratégiques. Aujourd'hui, l'information représente un avantage compétitif majeur. Les banques de données existantes seront, dans un avenir rapproché, intégrées et accessibles de façon interactive à tous les partenaires économiques qui doivent travailler à la réussite de cette stratégie de développement économique. D'autres politiques déjà annoncées et à venir viendront confirmer sans équivoque les priorités gouvernementales en matière de développement régional, du Grand Montréal-Métropolitain, de la conquête des marchés et de la formation continue des ressources humaines. Un très grand nombre de moyens sont déjà en place pour créer des conditions propices au développement et accroître la compétitivité des entreprises. Le défi est de rendre ces moyens plus adéquats en améliorant l'admissibilité, la transparence, les mécanismes de décision et les délais afin de répondre aux besoins réels des clientèles. Oui, implantons la qualité totale le plus rapidement possible dans le secteur public. L'ampleur du défi et l'urgence de la situation nécessitent un travail d'équipe et une meilleure complicité entre tous les intervenants. Le gouvernement ne peut plus répondre à toutes les attentes, aussi légitimes soient-elles. L'État joue un rôle de catalyseur, assure un environnement concurrentiel et favorise le regroupement des forces économiques pour créer une société plus forte et porteuse d'avenir. Le rôle des entreprises est d'accroître leur compétitivité et de développer entre elles le maximum de synergie, afin de créer des emplois permanents de qualité. Le plan d'action fait le point sur la priorité de l'approche d'entreprise et sur les treize grappes industrielles. Une stratégie a été arrêtée dans les secteurs avec les décideurs et sera bonifiée dans les mois à. venir. Les résultats escomptés ont été clairement définis. Nous allons vous informer et vous impliquer et ceci, dans toutes les régions du Québec, pour que cette vision devienne la toile de fond de votre propre vision du développement de votre entreprise ou de votre région en fonction de ses avantages comparatifs. La mobilisation de toutes nos ressources afin d'assurer la transition rapide d'une économie de production de masse à une économie à valeur ajoutée, assurera notre réussite. La stratégie des grappes industrielles repose sur la prémisse suivante: dans un monde de plus en plus compétitif, le succès ne sera plus jamais le fruit d'efforts individuels déployés pour atteindre des objectifs à court terme, mais il découlera dorénavant de la mise en commun de nos efforts. Le maintien et l'amélioration de notre qualité de vie dépendent de notre volonté de changer les choses le plus rapidement possible. Nous devons développer une nouvelle complicité entre les secteurs public et privé, afin de redonner de l'espoir à tous ceux et celles dont la contribution est nécessaire pour relever le défi très exigeant de la mise en place, au Quebec, d'un nouveau contrat social, condition indispensable à l'édification d'une économie d'avenir. Notre réussite dépend de nous et de personne d'autre. L'introduction. Notre réussite collective passe par la transition rapide d'une économie de production de masse à une économie à valeur ajoutée. Ajouter de la valeur à nos produits, c'est d'abord assurer la transformation secondaire de nos richesses naturelles. Il faut transformer notre bois, nos lingots d'aluminium, notre minerai de fer et vendre nos produits finis au monde entier. La valeur ajoutée découle aussi d'une gestion efficace de l'information, nouvelle matière première de l'économie mondiale en mutation. La clé: accroître notre productivité en misant sur les activités qui ajoutent le plus de valeur à nos produits, dans tous les secteurs de l'économie. La stratégie agir maintenant dans une perspective à moyen et à long termes. Le résultat: des emplois permanents de qualité. Le test ultime: notre succès à l'exportation. Les valeurs essentielles d'une économie à valeur ajoutée. Le gouvernement du Québec et ses partenaires adoptent une approche d'entreprise. Assurer d'abord la capitalisation. C'est le fondement même d'une entreprise. C'est l'élément qui lui permet d'investir en fonction d'un plan d'affaires à moyen et à long termes dans les variables essentielles à son succès, soit celles qui suivent. La qualité de ses ressources humaines représente l'actif le plus important d'une entreprise. D'où la nécessité de l'éducation et de la formation continue. L'enjeu: apprendre à apprendre. Une main-d'oeuvre qualifiée doit avoir accès à des usines modernes et à des équipements à la fine pointe de la technologie. Le défi technologique implique la recherche, le développement et l'innovation afin de concevoir un produit distinctif de qualité. Le design doit être intégré dès la conception du produit et, par la suite, tout au long du processus de fabrication. L'entreprise et ses partenaires doivent développer un climat de travail propice. L'ampleur de l'effort requis exige la conjugaison de toutes les forces de l'entreprise afin de relever le défi: c'est-à-dire vaincre la concurrence. Motivation, mobilisation, partage de valeurs communes, voilà le climat de travail nécessaire. Ce n'est qu'à partir de ce moment que la qualité totale peut devenir une réalité dans l'entreprise. Parce qu'il faut bien faire du premier coup, à tout coup, partout, tous les intervenants doivent être mobilisés vers la conception, la production et la commercialisation d'un produit distinctif de qualité, au meilleur coût possible. Lorsqu'on se donne les moyens requis pour concurrencer les meilleures entreprises au monde, l'exportation devient une réalité de tous les jours. Pour assurer un avenir à long terme, une économie à valeur ajoutée doit se développer dans le respect de l'environnement. L'approche des grappes industrielles. L'élément dé de la réussite, c'est la synergie qui doit exister entre toutes ces composantes. Au sein de chaque entreprise bien sûr, mais aussi entre toutes les entreprises qui contribuent à bâtir notre force dans les grands secteurs d'activités. Et surtout, là où nous avons de bonnes chances de concurrencer sur la scène internationale. La dynamique qui sous-tend l'approche des grappes industrielles aidera nos entreprises à devenir encore plus performantes et à mieux faire face à la mondialisation des marchés. Une grappe industrielle, c'est l'expresslon consacrée qui représente un ensemble d'industries d'un même secteur d'activités qui interagissent, se recoupent et se concurrencent entre elles, pour accroître leur compétitivité et accélérer leur croissance. C'est de cette façon que nous avons réussi à bâtir, au .Québec, des secteurs porteurs, où certaines de nos entreprises ont déjà une reconnaissance sur la scène mondiale et participent au développement de PME dans toutes les régions du Québec. En poursuivant dans cette voie, nous favorisons l'émergence d'entreprises de calibre international qui s'alimentent à des réseaux de sous-traitance capables de contribuer à l'implantation de la qualité totale et du juste-à-temps. De cette façon, nous actualisons notre immense potentiel de création d'emplois permanents de qualité qui assureront aux Québécois et aux Québécoises l'avenir auquel ils aspirent dans le monde le plus compétitif que l'histoire ait jamais connu. Le Québec compte maintenant treize de ces grappes industrielles: cinq d'entre elles sont déjà concurrentielles, c'est-à-dire qu'elles regroupent des entreprises compétitives sur la scène mondiale et une bonne synergie existe à l'intérieur de leurs réseaux. Bien sûr, certaines sont plus concurrentielles que d'autres. La situation évolue constamment. Les huit autres sont stratégiques parce qu'elles offrent un bon potentiel de croissance et qu'elles jouent un rôle important dans le développement. de toutes les régions du Québec, même si elles ne satisfont pas encore l'ensemble des conditions requises pour être qualifiées de concurrentielles. Cette vision du développement économique se veut évolutive et dynamique. D'autres grappes viendront possiblement s'ajouter à celles qui existent déjà parce que notre économie s'ajuste constamment à la nouvelle réalité mondiale. Les grappes concurrentielles. L'aérospatiale. L'industrie aérospatiale compte des entreprises compétitives sur la scène mondiale et est remarquablement structurée. Le coeur de cette grappe: les maîtres d'oeuvre, soit des entreprises qui fabriquent ou assemblent des produits complets. Par exemple: Bombardier-Canadair, Bell Hélicoptère, Spar Aérospatiale, Pratt & Whitney. Ces maîtres d'oeuvre s'appuient sur des équipementiers qui sont des fabricants de sousensembles, tels que Héroux, CAE, Marconi, Dowty. Les interrelations entre ces entreprises sont capitales: c'est l'ensemble qui livre un produit distinctif de qualité. La synergie est donc nécessaire au succès collectif. Les sous-traitants, des PME provenant de toutes les régions du Québec, forment le réseau de fournisseurs. Une bonne partie de la valeur ajoutée dépend d'eux. Par exemple: Incubateurs SPAR, Hochelaga Aérospatial, FRE Composite. Des fabricants de produits spéciaux complètent l'ensemble. Ce sont par exemple: Innotech, Minicut International, Howmet Cercast. Ces fabricants de produits spéciaux contribuent souvent au dynamisme d'autres grappes. La RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT et la formation æ trouvent au centre de cette grappe, grâce à notre leadership dans ce domaine et à notre réseau intégré de formation L'aérospatiale au Québec, c'est - 44 % de la production canadienne; - 3 milliards de dollars de livraisons; - 150 établissements; - 32 400 emplois; - 70 % de la production exportée; - 15 % du volume d'affaires en RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT. Le Canada se classe 5e au monde. Un potentiel de croissance très élevé: 165 milliards, en 1993, aux États-Unis seulement La dé du succès: la synergie. Voilà pourquoi 2 + 2 font beaucoup plus que 4. Les trois secteurs qui offrent le meilleur potentiel de développement: la fabrication d'avions, l'avionique et l'hydraulique. Une condition cependant. que les intervenants développent toute la synergie requise. L'industrie pharmaceutique regroupe un noyau important d'entreprises: Merck Frosst. BrystolMyers Squibb, Sandoz, Ciba-Geigy, les Laboratoires Abbott, Marion Merrell Dow, Burroughs Wellcome, Rhone Poulenc-Rorer. La présence de ces entreprises s'explique par le leadership au Québec dans l'aide à la RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT, l'action en faveur de la protection des droits intellectuels, le réseau de chercheurs et d'établissements de recherche. Le coeur de cette grappe: la RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT, soit 2 000 chercheurs, des investissements de l'ordre de 1, j milliard de dollars d'ici l'an 2 000 et plusieurs dizaines d'établissements. Une action très concentrée: d'une part, la recherche fondamentale et, d'autre part, la recherche clinique. Les intervenants de l'industrie travaillent actuellement à la création d'un institut de recherche spécialisé dans les nouvelles technologies de l'administration des médicaments. Mais surtout, une grande synergie entre nos quatre facultés de médecine, deux facultés de pharmacie, divers instituts, dont l'Institut de recherche clinique de Montréal, l'Institut de recherche en biotechnologie, l'Institut de cardiologie, l'Institut sur le cancer, l'Institut de neurologie, le Projet Endorecherche de l'Université Laval et Schering Plough, ainsi que les laboratoires de recherches privés. Les technologies de l'information. Tous les atouts sont en place pour développer une très grande synergie produits de base, conception et fabrication, développement de logiciels et services-conseils. Le coeur de cette grappe: les activités de fabrication représentées, entre autres, par des entreprises comme IBM, Matrox, Circo Craft, Northem Telecom, Les Entreprises Bell Canada, Philips, CGI, DMR, LGS, IST, Videotron, Videoway. De multiples interrelations existent déjà entre ces entreprises innovatrices. Au total, 200 entreprises et 20 500 personnes dans le seul secteur de la fabrication. Cette grappe est particulièrement prometteuse parce qu'elle se situe au centre du secteur tertiaire moteur et qu'elle est créatrice d'emplois permanents de qualité. Elle sert de catalyseur à l'ensemble du développement de notre économie. Les équipements de production, de transport et de distribution d'énergie électrique. Hydro-Québec a toujours été un puissant moteur de développement pour l'ensemble de l'économie du Québec. Les retombées de son action se font sentir dans plusieurs secteurs. Encore là, ce qui compte, c'est La synergie qui s'établit entre tous les intervenants, ce qui permet d'obtenir un maximum de développement. Les économies d'énergie, la cogénération et la réalisation du projet Grande Baleine influenceront profondément le rythme de développement de cette grappe et celui de toute l'économie du Québec. La transformation des métaux et minéraux. Cette grappe s'appuie sur La présence d'une importante industrie reliée à l'extraction des minerais dont le Québec dispose en abondance. De nouvelles technologies s'avèrent de plus en plus prometteuses, telles que celles de Noranda. Nous misons sur l'aluminium parce que c'est un métal d'avenir relié, entre autres, à l'industrie du transport. Avant même que le plein potentiel de l'aluminium ne soit atteint, nous travaillons déjà sur le magnésium. Le grand défi que nous avons à relever dans ce domaine, c'est la transformation des produits au Québec. Dans une économie à valeur ajoutée, nul doute que c'est là que se situe notre avenir. Les grappes stratégiques. Abordons maintenant les grappes stratégiques, dont il est impérieux d'actualiser le potentiel de développement, en raison de leur importance pour le développement économique de toutes les régions du Québec. Le transport terrestre. Les véhicules et pièces, ainsi que le matériel de transport ferroviaire en composent les deux grande filières. Le noyau de la filière des véhicules et pièces compte, à lui seul, environ 400 entreprises, dont GM et Hyundai, et fournit de l'emploi à 21000 personnes au Québec. Les transformations profondes qui secouent cette industrie engendrent de nombreuses occasions d'affaires pour les sous-traitants et la fabrication de pièces. L'allègement des véhicules, le resserrement des normes de sécurité et d'environnement ainsi que l'implantation des systèmes d'approvisionnement juste-à-temps contribuent à multiplier ces occasions d'affaires pour les soustraitants. Le matériel de transport ferroviaire se greffe naturellement à cette grappe. Bombardier est déjà fortement positionnée dans le domaine de la fabrication d'équipement de métro et de trains à haute vitesse. ASEA Brown Boveri possède elle aussi un savoir-faire intéressant dans ce domaine. La réalisation d'un train à haute vitesse entre Québec et Windsor entraînerait un impact majeur sur cette filière. La pétrochimie et les plastiques. Tous s'accordent pour reconnaître que ce domaine éprouve des besoins évidents de redéploiement. Ce secteur manifeste un besoin vital d'approvisionnement stable en liquides de gaz naturel pour se développer. Voilà pourquoi le projet Soligaz est si important. L'action prend forme particulièrement autour de secteurs prometteurs comme le bâtiment, le transport, les plastiques renforcés, les matériaux d'emballage, les produits électriques et électroniques, et le matériel médical. L'industrie bioalimentaire. Il s'agit de l'une des activités économiques les plus importantes au Québec. En y incluant la production agricole, cette activité représente près de 4 % du PIB du Québec. C'est aussi une des grappes les plus ramifiées. En partant du secteur agricole, en passant par l'activité des fournisseurs de produits d'emballage et en allant jusqu'aux circuits de commercialisation. La déréglementation en cours sur les marchés mondiaux et la rationalisation très poussée qui s'opère dans ce domaine posent de nombreux défis à nos entreprises. L'habitat. Cette grappe exerce un effet d'entraînement extrêmement important sur l'ensemble de notre économie. Trente mille entreprises et plus de 200 000 emplois: c'est l'un des moteurs économiques les plus puissants sur lesquels nous pouvons compter. Cette industrie a été aux prises avec des problèmes de formation importants. Toutefois, la mise en application de recommandations du rapport Sexton-Picard contribuera à accroître la synergie de l'ensemble. La mode et les textiles. Voici un secteur qui offre une grande diversité d'activités. Là aussi, la contribution à l'ensemble de l'économie est très importante. Il faudra concentrer nos efforts sur le design de mode, la promotion de Montréal comme capitale canadienne de la mode et centre international. Ce qui est vrai pour tous les secteurs s'applique particulièrement à la mode: il faut concevoir, fabriquer et commercialiser des produits distinctifs de qualité. Les mots clés: innovation et stratégie offensive. L'industrie forestière. Le développement régional du Québec dépend, en bonne partie, des succès de cette industrie. Une grande urgence: concrétiser des alliances stratégiques entre les entreprises du secteur. La condition sine qua non de succès: investir massivement dans la modernisation des unités de production qui respectent les normes environnementales, dans la RECHERCHEDÉVELOPPEMENT et dans la formation de la main-d'oeuvre. N'exporter que des produits à l'état brut ou à peine transformés doit devenir chose du passé. Le virage à prendre: ajouter de la valeur aux produits de l'industrie. L'environnement. Voilà un secteur qui offre un potentiel de développement considérable. Le succès dans ce domaine repose essentiellement sur des investissements importants en RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT. Le gouvernement du Québec a créé à cet effet le Fonds de développement technologiqueEnvironnement pour assurer l'émergence de nouvelles technologies environnementales. Nous sommes également engagés dans le renforcement de la production des équipements de services. Au Québec, nous avons fait le choix de l'environnement. A nous de mettre en place les moyens afin de profiter des immenses possibilités que recèle ce domaine, non seulement au Québec, mais aussi dans le monde entier. Les industries culturelles. Cette grappe est le reflet de notre identité et la consécration de nos talents québécois, 2 500 entreprises qui oeuvrent dans la production de films. d'émissions de télé et de vidéos, de disques, de spectacles, d'oeuvres artisanales, et l'édition de livres, et plus de 25 000 emplois. Chaque secteur possède son propre distribution et de commerce de détail. Ces industries sont jeunes et s'inscrivent dans un secteur en développement rapide à l'échelle mondiale. Nos entreprises consolident leurs positions sur le marché intérieur et réalisent des percées importantes à l'exportation. Le développement de cette industrie devient maintenant le défi à relever, en améliorant notamment la capitalisation, la gestion, la formation des ressources humaines et la commercialisation de produits distinctifs de qualité. Conclusion. Cette politique industrielle globale témoigne d'une vision stratégique de notre économie, à moyen et à long termes. Cette vision est partagée par l'ensemble des partenaires économiques. Les moyens sont déjà en place pour créer des conditions propices au développement et accroître la compétitivité de nos entreprises. Le rôle de l'État est d'assurer un environnement concurrentiel et de favoriser le regroupement des forces économiques pour créer une société plus forte et porteuse d'avenir. Le rôle des entreprises est d'accroître leur compétitivité et de développer entre elles le maximum de synergie afin de créer des emplois permanents de qualité. Le plan d'action exige la mobilisation de toutes nos ressources afin d'assurer la transition rapide d'une économie de production de masse à une économie à valeur ajoutée. La stratégie des grappes industrielles repose sur la prémisse suivante: dans un monde de plus en plus compétitif, le succès ne sera plus jamais le fruit d'efforts individuels déployés pour atteindre des objectifs à court terme. Le succès découlera dorénavant de la mise en commun de nos efforts. Le maintien et l'amélioration de notre qualité de vie dépendent de notre volonté de changer les choses le plus rapidement possible. Il faut développer une nouvelle complicité entre les secteurs public et privé, afin de redonner de l'espoir à tous ceux et celles dont la contribution est nécessaire pour relever le défi très exigeant de la mise en place, au Québec, d'un nouveau contrat social, condition indispensable à l'édification d'une économie d'avenir. Notre réussite dépend de nous et de personne d'autre. Source: Ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie 2 décembre 1991. Cote: +CA2QU I52 A1 S75 La stratégie industrielle du gouvernement du Québec: rétrospective et perspectives. Septembre 1992. Ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Tout d'abord un bref rappel du contexte dans lequel cette stratégie a été élaborée et est en voie de se développer. Avant de mettre de l'avant cette stratégie, le gouvernement du Québec a pris quatre initiatives: A. Il s'est arrêté à l'évolution récente de l'économie mondiale et aux défis que la restructuration des économies développées posait à une économie comme celle du Québec qui est ouverte mais de taille relativement moyenne. Nous faisons ici référence à des phénomènes tels la globalisation croissante des marchés et de la production, l'accélération du rythme de l'innovation et du transfert technologique, les exigences accrues des consommateurs et des donneurs d'ordres, la nécessité d'une meilleure adaptation et d'un recyclage de la main-d'oeuvre en matière de formation professionnelle, l'évolution rapide des modes de fabrication d'un système de production de masse à un système de production flexible ainsi que le rôle accru et de plus en plus présent du secteur des services dans l'évolution des économies, notamment sur le plan de la création d'emplois; enfin, le fait qu'un fort pourcentage des produits que nous consommerons dans l'avenir prévisible n'existent pas encore sur les marchés. Or, face à cette évolution, certains diraient révolution, qui se joue dans un espace économique très dynamique, le Québec, qui n'est pas au centre d'un grand marché et dont les avantages comparatifs traditionnels sont de moins en moins des avantages compétitifs, doit donc s'assurer de bien se positionner sur l'échiquier et donc, disposer d'une stratégie industrielle nécessairement bien ciblée et centrée sur la compétitivité. B. Ensuite, on a regardé comment l'économie du Québec avait évolué au cours des années 80 et quelles transformations majeures s'y étaient produites. Les transformations de l'économie québécoise au cours des années 80. Bien que ce soit pratiquement devenu un cliché que d'affirmer que l'économie québécoise a connu de profondes mutations au cours des années 80, quelques faits témoignent des changements enregistrés, expliquent l'évolution, concomitante de la stratégie industrielle du MICT et témoignent aussi de certains des résultats obtenus. Comme cela s'est produit dans l'ensemble des pays industrialisés, les années 80 ont vu l'économie québécoise se tertiariser davantage au détriment du secteur primaire et du secteur de la fabrication. Nous ne voulons pas aborder ici ce débat sur la portée réelle de ce phénomène non plus que celui sur la signification réelle des statistiques qui le documentent. Si on ne peut nier que les liens entre les secteurs secondaire et tertiaire sont de plus en plus importants, certaines études récentes ont montré cependant que l'effet de la production de biens sur la demande de services est supérieur à l'effet de production de services sur la demande de biens et c'est à ce titre que l'importance de l'industrie manufacturière dans notre économie doit nous préoccuper. Voyons donc comment l'industrie manufacturière québécoise s'est comportée au cours des 10 dernières années et quels sont les défis qui se posent à elle. Au cours de cette période, la production industrielle québécoise s'est redeployée vers les industries en croissance de sorte qu'en fin de période une part plus faible de la production se retrouvait dans les industries matures et dans celles qui sont reliées à nos richesses naturelles, la valeur des livraisons des premières ayant progressé de 8 % pendant que celle des autres industries diminuait de 2,4 % et de près de 6 % respectivement. Par contre, au cours de cette période, la position concurrentielle de notre industrie manufacturière s'est dégradée sous le double effet d'un ralentissement de la croissance de notre productivité et d'une croissance plus rapide de la rémunération horaire, notamment vis-à-vis notre principal partenaire, les États-Unis; les industries liées aux ressources ont d'ailleurs été les plus affectées à cause de la baisse de prix des produits de base, conséquence de la concurrence plus vive exercée par de nouveaux fournisseurs de ressources naturelles et par le remplacement de ces produits par des matériaux artificiels de pointe, ainsi que par les variations importantes de notre taux de change. Malgré cela, il faut noter la progression constante des exportations dans les livraisons totales de nos manufacturiers qui sont passées de 23~ l % du total en 1980 à 26,1 % en 1990. Les années 80 ont également vu l'émergence de nouvelles industries prometteuses où le Québec s'est particulièrement distingué par la place qu'il a su occuper au plan de la production spécialisée: on ne peut passer sous silence les succès remportés dans les industries de l'aéronautique, du matériel spatial, du matériel de télécommunications et de l'équipement de transport urbain guidé sur rail non plus que l'implantation et l'expansion des activités reliées à la production du verre, du magnésium et des produits pharmaceutiques. Notons également l'augmentation du poids dans la structure manufacturière (de 17 % à près de 25 % des livraisons) des industries du matériel de transport, des produits électriques et électroniques et des produits chimiques. Dans la même veine et pour faire ressortir encore mieux le fait que l'économie du Québec s'est transformée sensiblement durant les années 80, constatons que les dix premiers produits que nous exportions en 1980 et qui représentaient 50,2 % de toutes nos exportations n'en constituaient plus que 37,8 % en 1990 alors que dix produits constituaient toujours plus de 50 % (51,6 % pour être précis) de nos exportations. La liste comparative que nous avons établie ne laisse aucun doute quant à la progression de nos exportations de produits finis malgré le fait que nos exportations de papier journal et d'aluminium et d'alliages occupent toujours les deux premiers rangs de la liste. La mutation observée dans le tissu industriel du Québec au cours de la dernière décennie s'est traduite aussi par le dynamisme remarquable des dépenses d'immobilisation manufacturières qui ont crû au rythme annuel moyen de 14,6 % entre 1979 et 1989 au Québec alors que la progression en Ontario était de 8,8 %. Ces dépenses d'immobilisations via lesquelles s'effectue le redéploiement de l'industrie ont été particulièrement vigoureuses dans des industries comme les métaux primaires avec un taux annuel moyen de croissance de 26,3 % et les produits électriques et électroniques avec un taux de 21,5 % pour ne mentionner que les industries qui se sont particulièrement signalées. La formidable poussée des investissements a aussi résulté en une utilisation de plus en plus intensive des nouvelles technologies de fabrication telles, par exemple, la CAO-FAO, les systèmes informatisés de gestion ou l'automatisation des activités de stockage. Le Québec a mis les bouchées doubles et a ainsi pu rejoindre l'Ontario en termes de pénétration de technologies. Cet effort a été largement partagé, peu importe le type d'industries considéré. Il reste qu'au Canada même, nous sommes toujours en retard par rapport à l'industrie américaine sur ce point alors que le U.S. Council on Competitiveness estimait dernièrement que les ÉtatsUnis tirent eux-mêmes de l'arrière en ce qui concerne les technologies de conception, la plupart des équipements de commandes de processus et la gestion de la qualité totale. Indissociablement liées aux investissements et à l'utilisation de nouvelles technologies, les activités de recherche et de développement du secteur manufacturier ont également connu une croissance particulièrement forte . environ 13 % en moyenne annuelle entre 1980 et 1990. Depuis 1981, la proportion des dépenses de RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT manufacturière suit une très nette tendance à la hausse. Il s'agit d'une forme d'investissement essentielle pour le maintien de la compétitivité de nos industries. Vous savez toutefois que nous sommes encore à la traîne parmi les pays industrialisés à cet égard. Donc, de bonnes performances, un avenir qui dépend de notre capacité à s'adapter rapidement, à consolider et à rationaliser des secteurs clés (forêt, acier, etc) et à se diversifier dans des créneaux à potentiel qui peuvent subir avec succès la sanction du marché. C. Après l'analyse du contexte international et de l'évolution de notre économie, une évaluation a été faite de l'action que le MICT avait menée au cours de cette période et les approches qu'il avait retenues pour faire face aux défis que suscitaient les transformations de notre environnement. Pour les fins de cet exposé, il ne serait pas utile que soient présentés en détail les ajustements auxquels nous avons procédé mais il est tout de même pertinent sinon important de traduire quelles furent les grandes préoccupations du MICT durant les deux sous-périodes 1980-1985 et 1986-1990 entre lesquelles plus ou moins arbitrairement, la dernière décennie écoulée a été partagée. 1980-1985. En ce qui concerne la première moitié de la période considérée, alors qu'émergeaient les facteurs de changement que nous allions apprendre graduellement à mieux cerner, l'approche ministérielle du soutien au développement économique s'est articulée autour des trois axes suivants: l'amélioration des fonctions de gestion de l'entreprise, le soutien à l'adaptation des secteurs traditionnels et la promotion des investissements étrangers au Québec. L'amélioration des fonctions de gestion de l'entreprise représentait un élargissement du champ traditionnel d'intervention du MICT qui avait été surtout, tout au cours des années 70, le support à l'investissement. C'est ainsi qu'on mit en place des instruments destinés à aider l'entreprise à améliorer la gestion de ses finances et de sa production, à développer ses capacités de marketing, à accroître sa RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT et à gérer efficacement ses ressources humaines. Ce qu'on résuma alors sous le vocable d'approche-entreprise». La première moitié des années 80 fut également la période où le MICT intervint spécifiquement pour favoriser l'adaptation des secteurs traditionnels de notre économie qui étaient d'importants pourvoyeurs d'emplois et qui avaient vu leur vulnérabilité s'accroître en raison du déplacement de la production mondiale vers les nouveaux pays industriels. A noter au plan des interventions majeures de l'époque, les programmes Innovation-meubles et Innovation-chaussures, Modernisation des industries du Textile, de la Bonneterie et du Vêtement en plus des programmes réguliers de la SDI qui favorisaient toujours les "entreprises à technologies modernes" et "les plus dynamiques" de leur secteur. Enfin, le MICT développa ses efforts de promotion du Québec auprès d'investisseurs étrangers en vue d'attirer au Québec, dans la foulée de l'énoncé de politique économique Bâtir le Québec et de son plan d'action Le virage technologique, des industries de grand gabarit pour lesquelles l'énergie hydro-électrique constituait un attrait important. L'action en ce domaine porta sur des entreprises de secteurs en croissance et faisant appel à des technologies avancées. Cette période fut donc marquée principalement par le soutien à la consolidation de la structure industrielle mais ce fut aussi celle qui nous força à tirer certaines leçons de la récession de 1982 et à graduellement nous réorienter vers une nouvelle approche fondée sur la capitalisation des entreprises, le partage de risque et le recours croissant aux incitatifs fiscaux. 1986-1990. Sous la pression de l'accélération des changements de l'environnement économique (appréciation subite de la valeur du dollar canadien, libéralisation du commerce, chute du prix des matières premières et déclin de la productivité manufacturière relative), le gouvernement s'engagea résolument dans le support à la modernisation de la structure industrielle du Québec. L'approche entreprise ne fut pas délaissée car on visait encore l'amélioration de l'efficacité industrielle, ce qui impliquait le support à la gestion, la facilitation de l'accès des entreprises au financement, l'implantation de la gestion de !a qualité et de l'automatisation, le développement de l'innovation et du design. Mais on cibla aussi le renforcement de la structure industrielle et l'appui au développement des secteurs porteurs, en croissance et à technologies avancées comme les industries des véhicules et pièces, des produits de l'aérospatiale, de la micro-électronique, des technologies de l'information, de la transformation des plastiques, des produits pharmaceutiques et des bioindustries de la santé et des matériaux énergivores. Le MICT accentua sa promotion des investissements dans les champs stratégiques de la politique industrielle et dans les domaines liés à une utilisation importante de l'énergie, le tout, dans la perspective d'assurer une plus grande diversification et un meilleur équilibre de la provenance du capital étranger. Enfin, on privilégia l'expansion des marchés en vue de créer les conditions propices au maintien et au développement des opérations hors-Québec des entreprises québécoises et on favorisa l'attribution et le développement de «missions mondiales» aux filiales de multinationales établies au Québec et oeuvrant dans des secteurs porteurs. Ces "Orientations et stratégie d'intervention" ne donnèrent pas lieu à un exposé de politique mais elles furent véhiculées dans un document interne du ministère. Parallèlement, le gouvernement du Québec déployait une importante panoplie d'instruments et de programmes d'aide à la RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT tant en milieu universitaire qu'en industrie et privilégiant le partenariat entreprise-université, (FDT, FRSQ, FCAR, SPEQ-RD), etc. ? travers toutes ces stratégies donc, maintien d'une approche entreprise; développement de la présence en région, du rôle conseil et déconcentration de la décision quant à la gestion des activités et des programmes; mise au point de nouveaux programmes, notamment Amitech et PSES; révision des programmes de la SDI (prêts participatifs) recentrage du rôle du CRIQ et de la SGF et fusion, pour une action plus homogène et intégrée du financement, de la SDI, de la SDC et de l'AQVIR. Et surtout, une constatation double: la nécessité de redéployer encore plus notre économie vers des activités à plus forte valeur ajoutée; et la nécessité de soutenir les entreprises dans leur quête d'une plus grande productivité. Pourquoi? Parce que ces deux facteurs sont les clés d'une économie que l'on veut à moyen terme plus compétitive. Comment y arriver? D'abord en s'assurant que certaines conditions de base sont satisfaites: 1) Il faut des entreprises bien capitalisées pour leur permettre de mener à bien leur plan d'affaires à moyen ou long terme; nos entreprises sont mieux capitalisées que lors de la crise de 82. 2) Il faut maintenir et développer la qualité des ressources humaines via, notamment, la formation continue. 3) Il faut favoriser l'accès à des équipements et disposer d'usines à la fine pointe de la technologie pour répondre adéquatement aux besoins du marché. 4) Il faut stimuler la recherche, le développement et le design nécessaires à l'innovation, à la conception et à la fabrication de produits de qualité et, sur certains plans, distinctifs. 5) Il faut aussi un climat de travail propice qui favorise une organisation du travail qui permette aux entreprises de vaincre la compétition. 6) Il faut pouvoir compter sur des activités économiques bien intégrées dans la structure industrielle et en mesure de susciter des retombées sur plusieurs plans (sous-traitance, contrats de recherche, etc). Donc, une bonne capacité de prospection des investissements et de promotion industrielle. 7) Il faut aussi être en mesure d'agir en pensant à moyen terme: se donner une vision et planifier les conditions de son développement économique et technologique. 8) Il faut enfin ne pas craindre de faire preuve de transparence et cerner les vrais problèmes qui agissent sur l'évolution de notre environnement économique interne. Autrement dit, accepter de reconnaître nos faiblesses les plus fondamentales et les plus stratégiques. C'est dans cette perspective qu'à l'automne 90 le ministre Tremblay entreprit d'alerter la communauté d'affaires à certaines de ces faiblesses: il dénonce la faible croissance de notre productivité, la faiblesse relative des efforts de formation de la main-d'oeuvre par les entreprises, la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre qualifiée pour combler des milliers de postes vacants alors que sévit un taux de chômage élevé, la difficulté qu'éprouve notre régime de formation de base à préparer notre jeunesse aux exigences des emplois nouveaux, le taux effarant du décrochage scolaire au niveau secondaire, la trop faible qualité de plusieurs de nos produits et services, l'insuffisante proportion de notre valeur ajoutée manufacturière, etc, autant de symptômes qui incitaient alors le MICT à revoir sa stratégie. Et ceci nous amène au quatrième exercice réalisé avant d'annoncer notre stratégie axée sur les grappes industrielles. D. Repenser nos modes de réflexion en matière de politique industrielle et axer l'action sur des approches mobilisatrices. Nous nous sommes inspirés de tout un ensemble de travaux dont ceux de M E Porter, de Lester Thurow, George C Lodge ou Robert E Reich, qui reposent sur un postulat bien documenté proposant que le succès industriel est rarement isolé, qu'il dépend du succès de fournisseurs compétitifs, d'une infrastructure de recherche et de formation d'avant-garde, d'une demande éclairée et d'une saine émulation à l'intérieur d'un secteur d'activité. C'est en ayant à l'esprit l'ensemble des problématiques qui se dégageaient de cette analyse que le MICT a cherché, au cours des derniers mois, à se donner une vision globale de l'économie lui permettant de bien identifier les forces et les faiblesses de l'économie du Québec, de comprendre la synergie qui existe entre différents secteurs d'activités et de cibler les "potentiels" susceptibles de renforcer son économie et de la redéployer. L'outil des grappes industrielles est alors apparu comme le plus susceptible de favoriser une telle approche afin de mobiliser et de responsabiliser les autres partenaires du gouvernement. La stratégie axée sur le développement des grappes industrielles. Cette stratégie de développement a été axée sur les grappes industrielles car c'est un concept éprouvé, simple, facile à comprendre. De nombreux intervenants peuvent s'y identifier, qu'ils soient dans le secteur de la fabrication, de la formation, de la RECHERCHEDÉVELOPPEMENT ou dans les services plus spécialisés tournés vers l'entreprise. C'est un concept qui peut aussi avoir une assise régionale et susciter une réflexion et une action commune sur les rôles complémentaires, les enjeux et les choix à faire pour évoluer vers une économie à plus forte valeur ajoutée. Autrement dit, nous avons trouvé qu'il représentait un bon instrument de conceptualisation et de visualisation des systèmes de production surtout si on le couplait d'une grille d'analyse stratégique pour identifier les forces, faiblesses et potentiels de l'économie québécoise. Mais avant d'entrer dans le détail de l'exposition de cette stratégie, effectuons un bref survol de la littérature économique qui porte sur le concept des grappes industrielles, car nous sommes conscients que dans certains milieux on a pu se questionner sur son à-propos. Nous disons "bref" car nous n'avons pas la prétention d'avoir couvert le sujet sous toutes ses facettes mais suffisamment pour en justifier la pertinence. Brève revue de la littérature. Considérons d'abord le système productif et ses représentations. La paternité du terme système productif doit être attribuée à Wassili Léontief (1949), le créateur des modèles input-output, et à François Perroux (1962), qui y a intégré le rôle des agents économiques et de leurs interactions à travers les effets d'entraînement et les effets de domination. Le rôle des concepts théoriques (branches, secteurs, filières, grappes, mésosystèmes) est alors de structurer les données et de leur donner un sens. Les filières. Le raisonnement en termes de filières apparaît comme une des spécificités de l'Économie Industrielle Française; le concept lui-même n'a d'ailleurs pas d'équivalent simple en anglais, même si certains y associent le terme «industrial complex». Pourtant, il est d'usage généralisé en France au moins depuis 1975, probablement à cause de la mise en place là-bas de la planification indicative, et de la réflexion alors rendue nécessaire quant aux liaisons entre les secteurs amont, aval et entre les différentes industries. L'idée générale à la base de la filière est celle d'une suite nécessaire d'états intermédiaires d'un bien ou même d'un service. Le concept a été à l'époque (1977) repris par l'Office de planification et de développement du Québec (OPDQ) dans le cadre de ses travaux sur l~ développement régional. Des travaux importants avaient, par exemple, été réalisés pour identifier les filières des ressources minérales, des ressources forestières et des ressources agricoles. En France même, plusieurs conceptions de la filière ont été proposées, dépendamment de la dimension qui était privilégiée. L'une d'entre elles conçoit la filière comme une modalité de découpage du système productif; la démarche consiste alors à étudier les réseaux d'échanges interindustriels à l'intérieur desquels se dégagent des filières, «caractérisées par des relations plus fortes entre les branches qui les constituent qu'avec les branches situées en dehors de ce sous-ensemble». L'analogie avec le concept de grappes est manifeste même si ce terme apparaît inexistant là-bas, et qu'on n'y dénote aucune référence aux travaux de Czamansky (1974) à cet égard. On évoquera les "grappes technologiques" dans un document publié en 1984 par le Groupe d'Étude des stratégies technologiques: mais c'est un concept davantage relié à la stratégie d'entreprises qui incorporent la technologie dans la conception de leurs produits pour en optimiser la valorisation. Les grappes industrielles. Le concept de grappe, en sciences économiques, est relativement récent. C'est Czamanski qui en 1974 pour le compte du Département de commerce américain, en a donné une définition reprise plus tard par les professeurs Boyer, Dagenais et Martin de l'Université de Montréal (1980): «Une grappe industrielle («Industrial cluster» dans le texte original) comprend un sousensemble d'industries qui ont, entre elles, des liens plus forts que ceux qu'elles entretiennent avec le reste du système économique». Ce type de représentation s'obtient alors par une utilisation particulière du modèle interindustriel où un algorithme de sélection filtre les liens qui unissent les différents secteurs industriels et ne retient que les plus significatifs de manière à déterminer le contour d'une grappe. L'OPDQ (1977) s'était aussi référé à Czamanski pour proposer les concepts de «complexe» et de «grappes». Quoiqu'il en soit, l'identification de grappes industrielles n'a fait l'objet que de peu de tests empiriques, la plupart à partir de tableaux input-output. Les résultats obtenus ont toujours été relativement peu analytiques, à cause du trop faible niveau de désagrégation permis et du caractère «ad hoc» des méthodes d'identification préconisées ou encore à cause de leur caractère trop désincarné de la réalité industrielle; si bien que l'appellation était un peu tombée en désuétude. Les "industrial clusters" de M E Porter. C'est à la suite de la parution du dernier livre de Michael E. Porter "The competitive advantage of nations" ainsi que des articles qui y ont fait écho dans Fortune, dans Harvard Business Review et dans bien d'autres revues que le terme de «grappe industrielle» a retrouvé une certaine faveur. Or, le concept de grappe véhiculé par Porter sans être aussi rigoureux que le concept original de Czamanski réfère aussi aux tableaux input-output à la Léontief; c'est une approche beaucoup plus heuristique, destinée à illustrer le profil des avantages compétitifs de la structure industrielle d'un pays. Après avoir subdivisé l'ensemble du secteur industriel en 16 grappes prédéterminées, et les avoir classées dans trois grandes catégories, Porter a examiné la compétitivité de chacune d'entre elles ainsi que celle de leurs fournisseurs de matières premières, de machineries, d'inputs spécialisés et de services associés, sur la base de critères issus de la théorie des avantages comparatifs révélés. Au-delà de l'envergure de l'étude portant sur 10 pays, l'originalité de Porter résulte essentiellement du constat qu'il a posé à l'effet que les industries compétitives d'un pays étaient dans la plupart des cas soutenus par un réseau de fournisseurs, de sous-traitants et de services eux-mêmes compétitifs; poussant plus loin s~ recherche, il a ensuite imaginé le paradigme d'un losange concurrentiel pour expliquer de manière plus détaillée la dynamique de la compétitivité de ces grappes. Les critères statistiques utilisées par Porter n'ont donc pas servi à identifier le contour des grappes mais bien à repérer les secteurs qui étaient concurrentiels à l'intérieur de ces grappes. Les méso-systèmes productifs. Ce concept a été avancé par Jacques De Bandt, du Groupe de recherche en Économie Industrielle du CNRS en France, pour extensionner la notion de filière, conçue comme une succession de stades de fabrication reliés par des flux d'échange, et mettre davantage l'accent d'une part sur les modalités d'organisation de l'ensemble des relations entre les agents et d'autre part sur le fait que le méso-système est l'espace stratégique dans lequel s'affirment et se confrontent les stratégies des acteurs. En d'autres termes, le méso-système est un système organisé de relations, qui déborde le cadre des échanges de produits et au sein duquel interviennent d'autres agents. C'est un sous-système productif concret, c'est-à-dire un ensemble d'agents ou d'unités, qui existent concrètement dans un espace d'activité spécifique, le préfixe «méso» correspondant à un stade intermédiaire entre la «micro» et la «macro». Les districts industriels et réseaux manufacturiers. Le concept de district industriel est surtout utilisé pour caractériser le développement de certaines régions du nord de l'Italie. Ces districts sont constitués d'une présence importance de petites et moyennes entreprises formant de "véritables systèmes autonomes caractérisés surtout par un mode propre d'interrelation entre l'économique, le social et le culturel" mais combinant leurs ressources pour produire des machines-outils, des motocyclettes, des automobiles, des vêtements etc. Ce sont Michael Piore et Charles Sabel (1984) du MIT qui ont surtout analysé ces phénomènes, ainsi que G. Beccatini. Le modèle de réseau manufacturier, inspiré du succès des districts italiens, a été popularisé par C. Richard Hatch (1988, 1990) qui s'en est fait le propagandiste aux États-Unis par l'entremise du CED (Corporation for Enterprise Development) après avoir contribué à son implantation comme stratégie de développement au Danemark en 1989; après 18 mois d'expérimentation, plus de 3 000 des 7 300 entreprises manufacturières danoises étaient activement impliquées dans ces réseaux. Un réseau manufacturier, c'est un groupe d'entreprises qui coopèrent pour être compétitif; cette coopération peut revêtir diverses formes, de l'échange d'information stratégique aux alliances pour le développement ou la commercialisation d'un produit. Un réseau peut n'impliquer que quelques firmes ou encore plusieurs, de grandes firmes ou de petites firmes. Les "keiretsu" japonais constituent de tels réseaux manufacturiers, horizontaux quand ils associent de petites firmes, comme les districts, pyramidaux quand ils relient les grands assembleurs aux petits fournisseurs dans une relation de collaboration à long terme (Loveman et Piore (1990)). E. La stratégie industrielle du Québec. Suite à toutes ces considérations, le MICT a donc retenu le concept de grappe industrielle et s'est donné une définition du concept de grappe suffisamment générale pour s'adapter aux différentes réalités de son secteur industriel. Une grappe industrielle, c'est un ensemble d'industries d'un même secteur d'activités qui interagissent, se regroupent et se concurrencent entre elles, pour accroître leur compétitivité et accélérer leur croissance. Les représentations schématiques qui ont été dressées par notre équipe d'économistes, en collaboration avec ceux d'autres ministères lorsque plus d'un était impliqué, l'ont été à partir de techniques autant qualitatives que quantitatives, en ce sens qu'elles procédaient de l'expertise accumulée au ministère au sein des différentes directions générales. Nous croyons que la procédure utilisée, celle de la consultation d'experts, présente un intérêt au moins aussi grand que celles qui privilégient la considération de critères exclusivement statistiques, ou encore l'utilisation de modèles input-output. Elle nous a permis d'utiliser un vocabulaire qui parle à l'industrie et d'introduire au sein de chacune le rôle croissant joué par l'ensemble des secteurs de services et des secteurs non commerciaux, c'est-à-dire les centres de formation, les centres de recherche ou de design. Elle nous a aussi permis de mener un exercice d'analyse stratégique de l'état de la compétitivité de chacune, car c'était là l'un des objectifs essentiels de cette démarche. Nous avons donc synthétisé dans une représentation simple la structure du système productif de chacune des grappes industrielles, son niveau de compétitivité et les potentiels de développement qui s'y trouvaient, tout en sachant très bien que le portrait que nous en tirions était appelé à se modifier étant donné le contexte évolutif et dynamique des économies modernes. Dans ce contexte, treize (13) grappes ont donc été élaborées, cinq (5) étant dans des secteurs d'activités où le Québec a déjà atteint un certain niveau de compétitivité. Ces grappes dites concurrentielles sont des grappes bien structurées, largement concurrentielles sur les marchés internationaux, où on dénote la présence d'entreprises de classe mondiale: l'aérospatiale, l'industrie pharmaceutique, les technologies de l'information, les équipements de production, de transport et de distribution d'énergie électrique, et la transformation des métaux et minéraux. Huit (8) autres grappes dites stratégiques ont également été retenues parce qu'elles présentent, à certains égards, un bon potentiel de croissance. Ces grappes stratégiques sont des grappes qui présentent des besoins évidents d'adaptation ou de redéploiement, mais qui recèlent aussi des potentiels de développement qu'il est impérieux d'actualiser en raison notamment, de leur importance en termes d'emplois ou de présence régionale ou encore, c'est le cas de l'environnement, parce qu'il s'agit d'un domaine qui s'inscrit dans la dynamique de développement d'une économie moderne. Ce sont: le transport terrestre, la pétrochimie et la plasturgie, l'industrie bioalimentaire, l'habitat et la construction, la mode et les textiles, l'industrie forestière, l'environnement et les industries culturelles. Notre objectif est double: 1) bâtir des secteurs d'activités porteurs où émergeront des entreprises de calibre international s'alimentant ici à des réseaux de sous-traitance, favorisant le développement des PME dans toutes les régions du Québec et stimulant la création d'emplois permanents et de qualité (500,000 et plus d'ici l'an 2000); 2) ramener le taux de chômage québécois à 8% au Québec en l'an 2000. En tenant compte de l'évolution de la population active, ça veut dire la création nette de 515 000 emplois; à 7%, on parle de 550 000 emplois à combler. C'est ce qu'on a mis de l'avant le 2 décembre dernier. Depuis, qu'est-ce qu'on a fait et avonsnous les moyens de nos politiques? Nous pensons que oui. Outre de nombreux programmes déjà existants et qui sont performants, le gouvernement du Québec s'est donné récemment un certain nombre de moyens qui sont susceptibles de soutenir sa stratégie des grappes industrielles. D'abord, on a complété nos outils d'intervention. Par exemple: renouvellement de l'entente auxiliaire sur le développement industriel (300M$); plan d'action pour le développement du Grand Montréal (415M$ dont 300M$ pour Innovatech); politique de formation de la main-d'oeuvre (partenariat); plan d'action en matière d'affaires internationales, notamment meilleure prospection des investissements à l'étranger, meilleure capacité d'informations stratégiques provenant des délégations et veille technologique; mise sur pied des programmes Synergie et RECHERCHE-DÉVELOPPEMENT-PME mis de l'avant respectivement par le MESS et le MICT, dans le cadre du Fonds de développement technologique (50M$); une fiscalité très compétitive que nous ajustons année après année et qui produit de très bons résultats. Le récent budget a de plus annoncé diverses nouvelles mesures en appui au développement économique ainsi qu'en soutien à l'innovation technologique et à l'automatisation. Appui à la création d'un réseau de sociétés régionales d'investissement (accès à des capitaux de 100 millions aux PME en région); Création d'un fonds d'aide aux entreprises (15 millions de dollars, prêt non garanti); Mise sur pied d'un nouveau programme INNOVATION-PME (24 millions de dollars sur 3 ans); et renouvellement du PSES (12 millions de dollars sur 3 ans); Stages pour travailleurs dans les centres spécialisés; Création de 3 nouveaux centres spécialisés en appui aux grappes et développement de volets complémentaires à 2 centres existants (2.5 millions de dollars); Acquisition et modernisation des équipements des centres spécialisés (5,5 millions de dollars). Outre ce soutien financier, on s'est aussi donné quelques éléments de planification et de mobilisation afin de susciter l'adhésion au sein du gouvernement et chez nos partenaires, soit: sensibilisation de l'ensemble des ministères et organismes (propositions spontanées de collaboration), et des principaux intervenants économiques (CDPQ, CIDEM, etc). On aura ainsi rencontré d'ici fin juin près de 2 500 personnes directement intéressées et impliquées dans cette stratégie; tournée ministérielle régionale (15 régions et 2 000 personnes); comité de coordination interministériel de l'ensemble de la stratégie économique sous l'égide du CMPDE (22 ministères à vocation horizontale et verticale); mise sur pied de tables de décideurs reliées à chacune des grappes; mise au point d'un fichier informatisé groupant des informations mises à jour périodiquement sur chacune des grappes (en cours de réalisation). F. Attentes vis-à-vis les entreprises. Mais quelles sont les attentes du gouvernement du Québec vis-à-vis les entreprises à l'égard de cette stratégie? Dans son discours de décembre dernier, le ministre Tremblay disait ceci: "Le rôle des entreprises est d'accroître leur compétitivité et de développer entre elles le maximum de synergie afin de créer des emplois permanents de qualité (...) afin d'assurer la transition rapide d'une économie de production de masse à une économie de valeur ajoutée". Nous avons déjà spécifié les attentes que le ministre avait exprimées envers les entreprises prises individuellement; elles font appel dans bien des cas à un changement profond de la culture industrielle de nos entreprises et de nos syndicats, plutôt en fait de nos patrons et de nos travailleurs. Le développement d'un maximum de synergie au sein des grappes industrielles fait aussi appel à une nouvelle manière de faire les affaires: celui du développement de complicités, de réseaux. Or le succès des Italiens, des Japonais, des Allemands, de Silicon Valley repose sur le fait que les industriels de ces régions ont trouvé une troisième voie, celle des réseaux d'entreprises, celle qui consiste à entretenir d'étroites relations entre elles et à s'appuyer sur les institutions locales, les universités, les associations industrielles, les consultants spécialisés, le capital de risque. Il faut donc que nos entreprises apprennent à tirer profit de ce nouveau type d'organisation industrielle et qu'elles développent de nouveaux réseaux à l'intérieur de leur grappe industrielle. Or, comme il a été mentionné plus tôt, pour être efficace, un réseau doit s'appuyer sur des fournisseurs, des clients, des concurrents et sur une infrastructure de soutien. Prenons le cas des liens à entretenir avec les fournisseurs: de nombreuses entreprises sont en train de réduire le nombre de fournisseurs avec lesquels elles font affaire. GM et FORD ont, par exemple, considérablement réduit le nombre de leurs fournisseurs de pièces. Alors qu'elles craignaient auparavant de leur conférer un trop grand pouvoir de marché, elles leur confient maintenant des responsabilités accrues dans la mise au point de nouveaux matériaux, de nouvelles pièces; ce qui nécessite toutefois un processus de conciliation stratégique important ainsi que l'établissement de moyens nouveaux de gestion. Les entreprises québécoises preneuses d'ordre et donneuses d'ordre doivent réagir à cette réorganisation industrielle et se positionner en conséquence. Les liens aval avec les clients doivent aussi être soignés. Sous l'influence des processus de gestion de la qualité totale, les circuits de distribution, les relations avec la clientèle sont en train de se transformer. L'entreprise doit distinguer ses clients occasionnels et ses clients principaux de façon à adapter sa stratégie aux besoins exprimés ou latents des clients qui sont essentiels pour son développement. D'ailleurs, c'est souvent à travers cette relation privilégiée que l'entreprise innovante perfectionne son produit. Le développement des réseaux implique aussi la formation d'alliances stratégiques avec des concurrents ou avec des fabricants de produits complémentaires. Si cette mentalité est encore peu répandue en Amérique du Nord, il reste que ces alliances peuvent prendre diverses formes: entreprises en participation, ententes de mise en marché des produits de l'autre partie, accords technologiques. Contrairement aux fusions et acquisitions, les alliances engagent les partenaires de façon limitée et progressive, réduisant de ce fait les risques et les investissements requis. Ces réseaux doivent aussi pouvoir compter sur une infrastructure de soutien qui contribue à accroître leur compétitivité: des écoles et centres de formation qui soient sensibles aux besoins des entreprises et qui ne se contentent pas de former les travailleurs mais leur confèrent la capacité d'utiliser leurs connaissances et de les actualiser constamment; des centres de recherche qui développeront un savoir spécialisé et qui axeront leurs travaux dans des domaines qui intéresseront l'industrie; des centres spécialisés de services techniques, de tests et d'essai qui agiront sur l'efficacité technique des opérations de nos entreprises et qui diffuseront les technologies d'usage le plus largement possible au sein des grappes. Le succès de cette réorganisation industrielle est aussi dépendant dans une bonne mesure, de l'adhésion qu'elle suscitera chez les travailleurs et les organisations syndicales. On parle ici de transparence, de consensus, de partenariat et d'un cheminement entre patrons et représentants de travailleurs. Quoiqu'il en soit, nous sommes conscients que cette stratégie a suscité bien des espoirs et que le danger d'un retour du balancier nous guette si ceux-ci ne sont pas satisfaits aussi rapidement qu'on le voudrait. Ce que le gouvernement a fait jusqu'à maintenant, c'est d'instaurer un climat propice à la concertation et à l'expérimentation d'un échange productif entre les agents économiques; mais comme le disait monsieur Tremblay, il faudrait cesser de concerter notre concertation pour arriver à identifier de nouvelles façons de faire, ce qui pourrait prendre la forme de la mise sur pied d'un certain nombre de réseaux au sein même des grappes industrielles. Il est possible qu'un certain nombre d'initiatives risquent d'échouer mais notre rôle consistera alors à souligner les réussites afin de les offrir en modèle aux autres car nous croyons que c'est à cette condition que nous pourrons assurer notre réussite dans ce nouveau contexte concurrentiel international. En résumé, le gouvernement du Québec veut: Susciter le développement des synergies porteuses (fabricants - fournisseurs - sous-traitants, centres de formation - centres de recherche - universités - entreprises); Favoriser un développement industriel durable; Créer les conditions d'un climat de confiance persistant entre les parties (contrat social); Faire reconnaître aux intervenants du développement économique que la solidarité et la cohésion sont essentielles au développement d'une petite économie dans un monde en changement. Autrement dit, le message que le gouvernement veut véhiculer via sa stratégie industrielle, c'est que nous avons une vision stratégique à proposer, que nous avons identifié des grappes industrielles où le Québec a une chance de concurrencer sur la scène internationale et que nous voulons valider notre diagnostic, identifier un certain nombre de problèmes et d'éléments de solution par secteur d'activités, convenir d'une stratégie commune et si possible, d'un plan d'action. C'est donc un message qui interpelle l'ensemble des acteurs économiques pour bonifier cette stratégie et participer à l'implantation du plan d'action qui est nécessaire pour la réaliser.