*{ Gouvernement fédéral canadien. Budget Fédéral 1981 } Introduction. Madame le Président, chaque discours du budget est plus long et plus complexe que le précédent. Je me propose de renverser cette tendance. Je désire ce soir m'adresser de façon pressante et directe au Parlement et, par son intermédiaire, à tous les Canadiens. Je déposerai un ensemble complet de documents budgétaires qui développent tous les propos que je tiendrai ce soir. Les deux derniers mois ont été marqués par la conclusion d'accords avec les trois provinces productrices de l'Ouest. La semaine dernière, une entente est intervenue au sujet de la constitution. Deux questions génératrices de divisions considérables ont été résolues, et les Canadiens ont démontré une fois de plus leur capacité de collaboration. Les progrès de la production et de l'emploi ont été plus marqués cette année que je ne l'avais prévu lors de mon dernier budget. Cependant, des défis importants restent à relever sur le plan économique. Nous sommes confrontés à une inflation rapide et à des taux d'intérêt extrêmement élevés. A leurs niveaux actuels, l'inflation et les taux d'intérêt entravent la croissance économique et entraînent des iniquités graves entre les Canadiens. Les taux d'intérêt élevés ont des répercussions concrètes et négatives sur les propriétaires, les petites entreprises et les agriculteurs. Toutefois, ils sont la conséquence d'une inflation rapide, et l'on ne peut espérer d'amélioration marquée ou durable avant que l'inflation ne soit résorbée. Nous ne pouvons espérer nous isoler de la politique menée en matière de taux d'intérêt dans d'autres pays, à moins d'avoir une inflation moins rapide que chez eux. Au cours des réunions internationales auxquelles j'ai assisté depuis un an, j'ai été frappé par la conviction de plus en plus répandue dans le monde qu'il était impossible de soutenir la croissance sans diminuer fortement l'inflation. L'évolution des derniers mois m'a rendu encore plus sensible au problème du chômage. Cependant, nous créerons moins d'emplois, moins d'expansion et plus de chômage si nous essayons de nous accommoder de l'inflation, au lieu de décider une fois pour toutes de la résorber durablement. Le budget s'articule autour de trois thèmes: restrictions, équité et renouveau économique. Le premier est la nécessité des restrictions - et pour le gouvernement et pour tous les Canadiens. Pour notre part, j'estime que nous devons diminuer sensiblement notre déficit et nos besoins d'emprunt - encore plus que je ne l'avais proposé il y a un an. Cela diminuera les tensions sur les marchés financiers, favorisera la baisse des taux d'intérêt et fera de la place aux emprunteurs dans le besoin. Le contrôle de la masse monétaire par la Banque du Canada est un élément essentiel de notre stratégie de lutte contre l'inflation, mais il convient de l'appuyer par un renforcement des restrictions financières. La hausse de nos recettes au titre de l'énergie contribuera notablement à cet objectif, mais j'ai été obligé de chercher des recettes supplémentaires du côté de l'impôt des particuliers et des sociétés, bien que ce budget comporte pour la grande majorité des Canadiens une diminution des impôts ou leur maintien au niveau actuel. Fondamentalement, nous sommes résolus à limiter la croissance de nos dépenses, au cours des prochaines années, à un rythme inférieur à l'expansion de l'économie, tout en continuant d'assumer nos responsabilités de guidage et d'aide. Cependant, nous faisons également appel à tous les Canadiens pour qu'ils relèvent le défi des restrictions, de manière à résorber l'inflation, à faire baisser les taux d'intérêt et à relancer la croissance le plus tôt possible. Je reconnais que les prix ne ralentissent pas sur de nombreux marchés et que les revenus n'ont pas enregistré la même flambée qu'en 1974 et 1975. Les Canadiens prouvent par leur comportement qu'ils savent bien que la hausse des prix de l'énergie et les autres augmentations de coûts réels doivent être absorbées et ne peuvent être compensées automatiquement. Il faudra toutefois diminuer chaque année les revendications de revenus monétaires si l'on veut voir baisser l'inflation. L'expérience de tous les jours prouve que des revendications excessives de revenus pour ceux qui ont un emploi privent les autres d'emploi. Nos projections économiques montrent que des revenus monétaires supérieurs n'ajoutent pas grand-chose ou rien, à court terme, aux revenus réels des personnes ayant un emploi et qu'à plus long terme ils compromettent les chances d'élévation du niveau de vie de tous. Je pense que les Canadiens comprennent. Le problème consiste à s'assurer que le comportement qui sert l'intérêt collectif de tous les Canadiens n'entraîne pas des gains injustes pour ceux qui refusent de restreindre leurs revendications, ou des pertes injustes pour ceux qui se restreignent. Cela me paraît être, en fait, de la responsabilité du gouvernement. Aussi le deuxième thème de mon budget est-il l'équité. Je me consacrerai, ainsi que ce gouvernement, à maintenir un sens fondamental de la justice dans notre société au cours des années à venir. Dans cet esprit, je propose une refonte importante de l'impôt personnel. J'annonce également un ensemble de mesures d'allégement pour les propriétaires, les petites entreprises et les agriculteurs les plus menacés par les taux d'intérêt élevés. Si les deux premiers thèmes de ce budget sont la restriction et l'équité, le troisième thème doit être le renouveau. Tout le but de ma stratégie budgétaire est de jeter les bases d'une croissance soutenue de l'économie à l'avenir en la débarrassant d'une inflation et de taux d'intérêt trop élevés. La décennie 80 offre des possibilités exceptionnelles pour renforcer et diversifier la croissance dans toutes les régions du Canada. Des marchés mondiaux en expansion, de grands projets d'exploitation des ressources comportant des retombées importantes pour l'industrie manufacturière et les transports, et une nouvelle révolution industrielle sous l'impulsion des technologies de pointe nous promettent de grandes possibilités de développement. Les politiques et programmes du gouvernement national sont des outils de première importance pour gérer et exploiter ces possibilités de développement et veiller à ce que les avantages en soient partagés équitablement. La mobilisation des ressources de l'économie est une entreprise nationale qui englobe mais dépasse les intérêts des régions ou des secteurs particuliers. Je déposerai ce soir un important document d'orientation sur le développement économique du Canada dans les années 80. Le gouvernement se propose de consulter les provinces, les entreprises et les travailleurs dans les cinq domaines prioritaires de la politique de développement économique exposée dans ce document: le développement industriel, le développement des ressources, les transports, la promotion des exportations et les ressources humaines. Dans cette décennie d'expansion, nous devrons collaborer afin de renouveler les conditions du juste partage des richesses et des chances qui assure notre cohésion en tant que Canadiens. Équité et incitations dans le régime fiscal. Madame le Président, j'aimerais exposer maintenant mes propositions fiscales. Nombre de Canadiens trouvent notre régime fiscal injuste, et je suis d'accord avec eux. Ils savent bien que les impôts sont nécessaires pour financer les services gouvernementaux importants, mais ils ont l'impression que les taux d'imposition sont trop élevés. Ils ont le sentiment que d'autres, les astucieux ou les riches, paient souvent moins d'impôt qu'ils ne le devraient. Une étude, que je dépose ce soir, des préférences fiscales sélectives offertes aux particuliers montre que les déductions, exemptions et exonérations fiscales sélectives entraînent une perte massive de revenus. Plus de $ 47 milliards de revenus personnels échappaient à l'impôt en 1979. Si ces préférences avaient été éliminées, les taux d'imposition auraient pu être abaissés de moitié sans que les recettes fédérales ne s'en trouvent diminuées. Certaines personnes à revenu supérieur arrivent à payer beaucoup moins d'impôt que les Canadiens à revenu modeste. Certains arrivent à ne pas payer d'impôt du tout. Cela est inacceptable. Une réduction des préférences fiscales permettra d'abaisser les taux d'imposition. Il est bien évident, Madame le Président, que si la moitié seulement du revenu est imposée les taux doivent être deux fois plus élevés pour produire les mêmes recettes. Un abaissement des taux d'imposition renforcera les incitations à travailler, à épargner et à investir. Ces incitations seront directes, faciles à comprendre et accessibles à tous. Des taux d'imposition plus bas réduiront aussi la tendance des contribuables à gaspiller efforts et argent pour trouver des manières astucieuses d'échapper à l'impôt. C'est pourquoi je propose de mettre fin à un certain nombre de préférences fiscales particulières, d'en limiter d'autres et d'abaisser les taux d'imposition. Plus précisément, je supprime les reports d'impôt permis par les rentes à versements invariables et les réserves de gains en capital; je supprime aussi le calcul général de la moyenne. Je remplace ces dispositions par un nouveau mécanisme d'étalement sur les années ultérieures. Je prends des mesures pour qu'un certain nombre d'avantages sociaux tels que les prêts à faible taux d'intérêt et les automobiles fournies par l'employeur soient convenablement imposés Je réduis le report d'impôt associé aux revenus de placement courus qui ne sont pas reçus avant une longue période. De plus, je supprime la déduction des frais financiers qui dépassent les revenus de placement correspondants. Les documents budgétaires donnent plus de détails sur ces mesures et d'autres changements, qui touchent principalement les personnes à revenu élevé. Les recettes apportées par ces changements me permettront de réduire les taux d'imposition sur une vaste gamme de revenus imposables pour 5,8 millions de Canadiens. Les taux d'impôt diminueront pour tous ces revenus dépassant $ 11 120. Pour les revenus les plus élevés, le taux marginal de l'impôt fédéral sera abaissé à 34 pour cent. Cela signifie, Madame le Président, que l'impôt maximum sur chaque dollar supplémentaire de revenu. sera d'environ 50 cents en moyenne selon la province, comparativement à 64 cents à peu près pour le moment. Cela limitera le taux maximum effectif d'imposition des gains en capital à 25 pour cent. Je propose aussi des réductions d'impôt qui bénéficieront aux familles à revenu modeste. Pour cela, je modifie le dégrèvement fédéral. Ce dégrèvement spécial est actuellement de 9 pour cent des impôts, avec un minimum de $ 200 et un maximum de $ 500. Il sera désormais fixé à $ 200 pour tous, mais les contribuables mariés pourront réclamer $ 200 de plus pour leur conjoint à charge. Cela signifie que, pour plus de 620 000 familles à revenu modeste, le dégrèvement fédéral sera doublé pour passer à $ 400. L'indexation du régime des particuliers sera maintenue. Ainsi, les exemptions personnelles pour une famille de quatre personnes passeront de $ 7 230 à $ 8 110 l'an prochain. Le crédit d'impôt pour enfants passera de $ 261 à $ 293 par enfant. Dans l'ensemble, l'indexation bénéficiera à tous les particuliers et leur permettra d'économiser plus de $ 3 milliards d'impôt l'an prochain. Grâce à l'indexation et aux mesures annoncées, une famille type de quatre personnes pourra gagner environ $ 15 000 en 1982 sans payer aucun impôt fédéral. L'effet net des réductions de préférences fiscales et de l'abaissement des taux d'imposition sera d'accroître les recettes fiscales. Cependant, cette hausse des recettes proviendra des personnes qui sont les plus en mesure de payer. Elle se concentrera parmi ceux qui bénéficiaient des dispositions que je propose de supprimer. La majorité des autres contribuables verront leurs impôts diminuer, d'une manière sensible dans bien des cas. Le secteur des sociétés doit lui aussi contribuer à la réduction du déficit fédéral, dans la lutte contre l'inflation. Une inflation moins rapide et des taux d'intérêt moins élevés permettront d'assainir le climat des affaires au Canada. Les principaux changements intéressant les sociétés sont une réduction de la déduction pour amortissement pendant l'année d'acquisition du bien et une prorogation de la surtaxe frappant les grandes sociétés pour deux ans. La surtaxe sera toutefois ramenée à 2,5 pour cent en 1983. Même avec ces changements, la fiscalité canadienne comportera des encouragements importants à l'investissement et continuera de se comparer avantageusement à celle des autres pays industrialisés. Outre ces changements, je propose plusieurs mesures pour tenir compte des problèmes particuliers des petites entreprises. Je les exonère de la surtaxe sur les sociétés. Je porte également à $ 200 000 le plafond annuel donnant droit au taux réduit d'imposition des petites sociétés, et je rends plus accessibles les avantages spéciaux offerts aux petites sociétés de fabrication. Je propose aussi de faire passer la taxe fédérale de vente sur les fabricants au niveau du gros et de réduire en conséquence le taux général de la taxe. J'aimerais aussi annoncer une réduction des taux de primes d'assurance-chômage. Les primes baisseront de $ 1,80 à $ 1,65 pour $ 100 de gains assurables pour les employés, et descendront à $ 2,31 pour les employeurs. En bref, les changements que je propose ce soir permettront d'améliorer sensiblement notre régime fiscal. Ils apporteront les recettes nécessaires à la résorption du déficit fédéral, assureront un partage équitable du fardeau fiscal entre tous les Canadiens et atténueront l'effet nuisible des taux d'intérêt élevés sur le bon fonctionnement de notre économie. Ce sont là, je pense, des objectifs auxquels tous les Canadiens peuvent souscrire. Allégements pour les plus touchés par les taux d'intérêt. Au-delà du rétablissement de l'équité et des incitations dans le régime fiscal, Madame le Président, et des réductions d'impôt qui bénéficieront à des millions de Canadiens grâce aux changements que je propose, je désire offrir des allégements supplémentaires aux secteurs les plus touchés par les taux d'intérêt élevés. Des taux d'intérêt anormalement élevés ont des effets particulièrement nuisibles pour de nombreuses petites entreprises. Je propose par conséquent de prolonger d'un an la disposition relative aux obligations des petites entreprises, à l'intention des sociétés en difficulté financière. Ce programme sera également offert aux agriculteurs, aux pêcheurs et aux petites entreprises non constituées en société. Cette mesure procurera un allégement à l'égard des frais d'intérêt dépassant 6 pour cent. Elle s'ajoute aux autres mesures fiscales annoncées qui bénéficieront aux petites entreprises. Les agriculteurs dont l'exploitation ne peut survivre avec les taux d'intérêt actuels pourront obtenir de la Société du crédit agricole des prêts au taux spécial de 11,75 pour cent, soit 5 points de moins que le taux débiteur normal de la SCA. J'ai prévu $ 50 millions pour permettre à la SCA d'accorder ces prêts supplémentaires et de financer cette réduction d'intérêt. Je suis également très préoccupé par la situation des propriétaires qui doivent renouveler leur hypothèque résidentielle à des taux d'intérêt plus élevés, ainsi que par la pénurie de logements à loyer. J'ai cherché des façons d'honorer l'engagement pris par le gouvernement de protéger les personnes qui en avaient le plus besoin. J'annonce ce soir que le gouvernement a réservé $ 350 millions de plus pour financer les mesures qui suivent. Les propriétaires qui ont déjà investi un montant appréciable dans leur logement pourront obtenir un allégement en différant une partie des frais d'intérêt plus élevés. Le gouvernement est disposé à garantir les intérêts reportés, dans certaines limites, lorsque les paiements hypothécaires dépassent 30 pour cent du revenu brut. Les propriétaires dont la dette hypothécaire deviendrait trop élevée en raison du report des intérêts ont besoin d'une aide supplémentaire. Dans leur cas, le gouvernement se propose de payer une partie ou la totalité des intérêts différés. Pour stimuler la construction de logements locatifs, le gouvernement offrira des prêts sans intérêt allant jusqu'à $ 7 500 par logement pour 15 000 unités affectées aux marchés où la situation est tendue, dans tout le Canada. Mon collègue, le ministre responsable de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, donnera sous peu des détails sur ces programmes. Il présentera également au Parlement un projet de loi demandant l'autorisation législative d'appliquer ces mesures et d'apporter d'autres changements à la Loi nationale de l'habitation. Je veux que les institutions financières, en particulier les banques, fassent plus. Je désire notamment qu'elles veillent à ce que des fonds suffisants soient mis à la disposition des petits emprunteurs, moyennant la marge la plus faible possible par rapport aux taux créditeurs versés par les banques aux déposants. Autres priorités de dépenses. Il existe d'autres domaines où les dépenses, Madame le Président, doivent être augmentées. Nous sommes disposés à fournir des sommes substantielles pour faire face aux besoins hautement prioritaires. En présentant notre stratégie de développement économique pour les années 80, nous déposons le plan d'orientation du renouveau économique qui est l'hypothèse de départ de ce budget. Nous nous proposons, Madame le Président, de voir à ce que les ressources nécessaires soient disponibles à l'appui de ces priorités et de leur réalisation. Les augmentations importantes des dépenses de la Défense et de l'aide à l'étranger découlent de nos engagements internationaux. A mon avis, il serait imprudent et imprévoyant de revenir sur ces engagements au nom des restrictions budgétaires. Dans le cas de la défense, nous nous sommes engagés envers l'OTAN à accroître de 3 pour cent notre budget réel de la défense afin de renforcer la sécurité de l'Alliance. Vu la hausse rapide des coûts, cela signifie que le budget de la défense augmentera de 17 pour cent cette année et de plus de 18 pour cent l'an prochain. Dans le cas de l'aide à l'étranger, nous avons rappelé aux réunions récentes au Sommet notre engagement d'atteindre l'objectif de 0,5 pour cent du PNB d'ici 1985. Nous devons tenir compte, non seulement de l'aide que des soucis humanitaires nous commandent d'apporter aux pays les plus pauvres du Tiers-Monde, mais aussi du fait que l'aide à l'étranger sert nos propres intérêts, à plus long terme, dans un monde de plus en plus interdépendant. Les arrangements fiscaux fédéraux-provinciaux. Dans d'autres domaines toutefois, nous avons cherché à faire des économies pour atteindre notre objectif de restriction financière. Il convient d'appliquer quelques restrictions à nos transferts aux provinces de façon qu'ils n'augmentent pas plus vite que l'ensemble de nos dépenses. Certains ont prétendu, Madame le Président, que j'étais sur le point de compromettre la survie de nos établissements d'enseignement supérieur ou de détruire l'assurance-maladie, qu'en qualité de ministre de la Santé et du Bien-être social, j'ai présentée et fait adopter à cette Chambre. Ces craintes sont sans fondement. Les propositions que je déposerai ce soir nous permettront de réaliser les économies souhaitées sans toucher aux contributions fédérales au financement des programmes provinciaux d'assurance-maladie, de soins hospitaliers et d'enseignement postsecondaire. Je propose d'éliminer le dédommagement relatif à la garantie de recettes de 1972, compris dans les accords de Financement des programmes établis de 1977. Je propose un système revu et amélioré de péréquation pour remplacer les dispositions qui expireront le 31 mars 1982. Je souligne de nouveau que les transferts aux provinces, au cours des cinq prochaines années, devraient encore augmenter au moins aussi vite que le reste de nos dépenses. De plus, les changements fiscaux que j'ai proposés accroîtront automatiquement les recettes provinciales, et je pense bien que les provinces conviendront avec moi que les propositions sont souhaitables. En fait, la hausse des recettes provinciales pendant les deux premières années des nouveaux accords compensera à peu près la diminution des transferts due à la suppression du dédommagement de la garantie de recettes de 1972. J'ai bon espoir que les provinces et les milieux intéressés trouveront mes propositions équitables. Dans la poursuite des restrictions, je ne demande pas plus aux provinces que ce que j'ai imposé au gouvernement du Canada. Autres domaines d'économies possibles. Dans le nouveau système de dépenses, les enveloppes sont fixées dans l'hypothèse que la plupart des programmes nouveaux devront être financés par des économies sur les activités existantes. J'aimerais cependant mentionner des domaines précis où nous envisageons des économies appréciables. Nous avons réussi à diminuer la somme prévue pour l'enveloppe de l'Énergie avons remis à plus tard certaines dépenses du Fonds de développement de l'Ouest. La majeure partie de ce Fonds reste incorporée à l'enveloppe du Développement économique et sera consacrée à l'amélioration du réseau de transports dans l'Ouest. Le reste du Fonds a été transféré à l'enveloppe des Affaires sociales, afin de servir à l'amélioration du logement et des chances économiques des autochtones. Le 16 octobre, le ministère des Postes devenait une société de la Couronne. La nouvelle société a reçu le mandat d'éliminer le déficit postal d'ici 1985-86. La hausse des tarifs postaux qui a déjà été annoncée engagera ce processus. D'autres augmentations seront vraisemblablement nécessaires, mais le rôle principal devrait être joué par l'amélioration des services et de l'efficacité. Nous sommes évidemment très conscients de la nécessité de réduire les frais de l'administration. Un pas sera fait dans cette direction avec l'élaboration d'un meilleur système de gestion des immobilisations fédérales, comme les terrains et les immeubles. Nous demandons aussi au Conseil du Trésor de chercher à réduire de $ 100 millions les frais généraux. Cela renforcera la recherche permanente d'une plus grande efficacité, dont témoigne le fait que les effectifs autorisés de la fonction publique sont plus faibles cette année qu'en 1975-76. J'indiquerais enfin que nous nous attendons à un ralentissement très marqué de nos frais d'intérêt, dont la hausse devrait passer de 38 pour cent cette année à moins de 5 pour cent en 1985-86. C'est là un des principaux avantages des efforts entrepris pour réduire notre déficit. Résumé du plan financier. J'aimerais maintenant déposer les documents budgétaires suivants: - Le plan complet du budget. - Documents budgétaires et Avis de motions des voies et moyens. ¨ La situation actuelle de l'économie canadienne et ses perspectives à court et à moyen terme. ¨ Les arrangements fiscaux dans les années 80 - Propositions du Gouvernement du Canada. ¨ Analyse des dépenses fiscales fédérales destinées aux particuliers. ¨ Le développement économique du Canada dans les années 80. Je procéderai de la façon habituelle à la présentation des projets de loi modifiant la législation fiscale. Je demande à la Chambre l'autorisation d'inclure au Hansard le tableau habituel présentant les projections de la situation financière du gouvernement. Les nouveaux objectifs de dépenses présentés dans ce budget accusent une hausse moins rapide que l'ensemble de l'économie. En proportion du PNB, les dépenses projetées passeront de 20,6 pour cent en 1981-82 à 19,2 pour cent en 1985-86. Dans des conditions comparables, les nouveaux objectifs de dépenses représenteront chaque année une proportion du PNB plus faible que prévu dans le dernier budget. Cela montre bien que les restrictions se sont intensifiées. Il y en aura pour prétendre que nous dépensons encore trop. Cependant, il n'est pas logique de réclamer des restrictions plus sévères et de s'opposer simultanément à la diminution de dépenses précises. Les nouvelles taxes en matière d'énergie, qui sont prévues dans les Avis de motions de voies et moyens déposés ce soir, rapporteront en 1982-83, $ 900 millions de plus et, en 1983-84, $ 1,5 milliard de plus que les recettes énergétiques prévues dans le budget de l'an dernier. Les modifications des impôts directs que j'ai annoncées ce soir accroîtront nos recettes de $ 1,4 milliard en 1982-83 et d'environ $ 2 milliards en 1983-84. Il y a un an, je prévoyais que notre déficit en 1980-81, mesuré par nos besoins financiers, serait de $ 12,2 milliards; en l'occurrence, il s'est élevé à $ 10,1 milliards, soit environ $ 2 milliards de moins. Je m'attends maintenant à ce que le déficit du présent exercice, 1981-82, soit également nettement plus faible, de $ 9,8 milliards au lieu des $ 11 milliards prévus il y un an. Dans une large mesure, ces résultats plus favorables que prévu sont dus à une croissance de l'économie plus vigoureuse que nous l'avions escompté. Je me suis maintenant fixé pour tâche de réduire le déficit au cours des deux prochains exercices, ce qui sera plus difficile du fait que l'économie progresse plus lentement. Plus précisément, je me propose de ramener nos besoins financiers à $ 6,6 milliards en 1982-83 et à $ 5,5 milliards en 1983-84. Conclusion Madame le Président, j'estime que la stratégie économique présentée dans le budget est la réponse la plus sûre et la plus juste aux problèmes économiques auxquels nous sommes confrontés. Elle n'apportera pas d'amélioration instantanée; il n'existe pas de solution magique. Seuls le souci des autres, la détermination et la persévérance nous permettront d'atteindre nos buts économiques et sociaux. Cependant, nous pouvons désormais espérer raisonnablement une baisse graduelle de l'inflation par rapport aux sommets atteints cet été. Depuis quelques semaines déjà, les taux d'intérêt diminuent. Nous pouvons envisager une poursuite de cette baisse, à mesure que l'inflation se ralentira. Voilà la solution fondamentale aux problèmes auxquels font face les propriétaires, les agriculteurs et les petites entreprises, encore que les mesures particulières d'allégement que j'ai proposées ce soir doivent jouer un rôle utile dans la période de transition. Pendant cette période, la croissance sera vraisemblablement plus faible et le chômage plus élevé que nous le voudrions. Cependant, seule une diminution de l'inflation et des taux d'intérêt peut offrir des chances de croissance renouvelée et soutenue à l'avenir. Je sais évidemment que nous vivons dans un monde d'incertitude. Nos résultats pourraient être pires que je l'ai prévu, pour des raisons totalement indépendantes de notre volonté ou parce que les revendications de revenu plus élevé, vouées à l'échec, deviennent plus intenses. Je suis certain que nos résultats seraient pires si nous cessions de vouloir lutter contre l'inflation. Non seulement cet abandon entraînerait une inflation et des taux d'intérêt plus élevés, mais il compromettrait nos perspectives de croissance économique soutenue à l'avenir. Certains m'ont pressé de moins me soucier de l'inflation et de m'occuper du chômage et de l'expansion. Ces propositions ont un pouvoir de séduction qui risque fort de nous entraîner sur la mauvaise voie. Nous pourrions aussi enregistrer des résultats bien plus favorables que je ne l'ai prévu. L'inflation pourrait diminuer plus rapidement si les prix internationaux baissaient et si les gains de productivité étaient plus marqués. Les résultats seraient certainement meilleurs si les Canadiens étaient prêts à se contenter d'une augmentation plus faible de leurs revenus monétaires, soit dans l'attente d'une hausse moins rapide des prix ou pour garder leur emploi. Des revendications excessives de revenus peuvent de toute évidence rendre la tâche plus difficile aux employeurs qui veulent maintenir leurs activités en période de fléchissement des marchés. Nous commençons à voir des cas où l'on préserve les emplois en renonçant à certains avantages contractuels. Cela me semble être une façon plus juste de partager le fardeau. Cependant, tout le monde s'en trouverait mieux si l'on avait fait preuve de plus de restrictions au début. Certains m'ont pressé de recourir au contrôle des revenus et des prix pour résorber l'inflation, ainsi qu'au contrôle des changes pour empêcher la dépréciation de notre monnaie. Je suis cependant convaincu que les Canadiens ne veulent pas d'une intervention aussi poussée du gouvernement dans leurs affaires, sauf en cas d'urgence. Le contrôle des changes ne fonctionnerait tout simplement pas. Beaucoup de gens considéreraient fatalement le contrôle des prix et des revenus comme injuste et, par conséquent, comme incompatible avec mon engagement de maintenir l'équité. Les contrôles de la CLI ont contribué à résoudre la situation d'urgence de l'année 1975, mais ils n'ont pas réglé les problèmes de fond. Nous avons maintenant besoin d'une solution plus durable. La clé de l'avenir est une modification de nos attitudes et de nos attentes. Nous parviendrons plus rapidement à une croissance non inflationniste si la conviction se répand dans le pays que nous sommes en voie de revenir à la stabilité des prix et à des taux d'intérêt moins élevés. Les choses iront beaucoup mieux si tous ont le sentiment d'être traités équitablement. C'est la raison pour laquelle j'ai autant insisté sur l'équité dans la restriction. J'ai également insisté sur la promesse d'un renouveau. Nous avons devant nous de grandes possibilités à exploiter. Il est temps de surmonter nos inquiétudes et de reprendre confiance. En nous-mêmes et dans le Canada.