*{ Conseil Économique du Canada. 1988 } Sous les feux de la concurrence. L'adaptation dans le secteur manufacturier. 1- Introduction. La prospérité du Canada dépend du commerce extérieur, dont le secteur manufacturier constitue un élément important puisqu'il produit les deux tiers des biens et services que nous exportons. Mais les pays industriels comme le Canada font face à l'obligation de moderniser continuellement leurs produits et leurs systèmes de production pour répondre aux pressions de la concurrence internationale. Pour être compétitif sur le marché mondial d'aujourd'hui, le Canada doit habilement gérer l'adaptation des entreprises manufacturières et des travailleurs. Pour ce faire, les Canadiens essaient de canaliser les investissements, les compétences administratives et celles des travailleurs vers les activités où ils seront les plus productifs. Ce processus de renouvellement constant pose indubitablement un problème social délicat, car il suppose ni plus ni moins la réaffectation des ressources financières et de la main-d'oeuvre. Les gens ont tendance à se refuser aux épreuves qu'entraînent de tels ajustements. C'est naturel. Ce qui est surprenant, par contre, et encourageant, c'est que les Canadiens, selon nos recherches, font preuve d'une grande faculté d'adaptation et qu'un mouvement d'ajustement continu, d'une ampleur impressionnante, est en oeuvre dans le secteur manufacturier. La présente étude a pour objet à la fois d'évaluer l'importance des changements qui se produisent et d'examiner le rôle que les gouvernements devraient jouer pour encourager l'adaptation et pour en atténuer les effets secondaires les plus pénibles. L'ampleur du phénomène d'adaptation qui s'observe actuellement reflète les défis que la concurrence oblige le secteur manufacturier canadien à relever depuis 20 ans et dont il convient ici de rappeler les grandes lignes. - Les nouveaux pays industrialisés (NPI) ont ébranlé les industries traditionnelles, en particulier celles du textile, du vêtement et de la chaussure. Parallèlement, la dynamique économie japonaise supplantait la production canadienne de certains biens, notamment l'automobile, les navires et les appareils électriques. - Les progrès rapides de la technologie obligent sans cesse les entreprises canadiennes à rajeunir leur technologie pour soutenir la concurrence étrangère. Les travailleurs doivent se recycler ou acquérir d'une autre manière de nouvelles compétences. - L'évolution dans le domaine des transports exerce également des pressions sur les industries manufacturières canadiennes. Les entreprises peuvent désormais profiter de la baisse des coûts du transport et d'un accès plus facile à la main-d'oeuvre des pays du Tiers-Monde pour s'établir ou sous-traiter à l'étranger. - En même temps, la déréglementation des transports - ferroviaire, routier et aérien - aux États-Unis à la fin des années 70 et au début des années 80, qui risquait de désavantager les gros usagers canadiens des services de transport par rapport aux entreprises américaines comparables, les a conduits à exercer des pressions sur le gouvernement canadien pour déréglementer les transports à l'intérieur du pays. - Les fluctuations du taux de change ont influencé la compétitivité du Canada par rapport à ses principaux concurrents industrialisés et ont obligé les manufacturiers à tenir compte des marchés de change dans leurs décisions quotidiennes. - L'évolution des cours mondiaux du pétrole, qui ont triplé en 1973-1974, puis doublé en 1978-1979, pour chuter ces derniers temps, n'a pas laissé aux producteurs canadiens d'autre choix que d'utiliser des méthodes de production plus souples et à faible consommation d'énergie pour pouvoir affronter la concurrence internationale. - Enfin, l'abaissement des tarifs réalisé sous l'égide du GATT durant le «Kennedy Round» (1966-1970) et le «Tokyo Round» (1979-1987) a intensifié la concurrence que font les importations - devenues moins chères - aux produits canadiens, mais, en même temps, a ouvert des créneaux pour les exportateurs en leur facilitant l'accès aux marchés étrangers. Dans le passé, on a eu tendance, au Canada, à centrer le débat concernant la politique d'adaptation sur les problèmes propres à une industrie particulière. Mais récemment, deux facteurs nous ont forcés à aborder la question dans une perspective plus large. D'une part, la conclusion de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis a sensibilisé un grand nombre de Canadiens à l'ampleur du défi que l'adaptation pose à tous les secteurs participant au commerce international. D'autre part, devant le succès enregistré par le Japon et les pays nouvellement industrialisés, désormais capables de produire des biens de qualité supérieure grâce à une utilisation efficace des nouvelles technologies, beaucoup d'entreprises canadiennes ont dû admettre que leurs concurrents seraient bientôt en mesure, s'ils ne le sont pas déjà, de mettre sur le marché de nombreux biens et services que nous produisons maintenant. Bref, le défi de l'adaptation ne cesse de se poser, et dans tous les domaines. Voilà pourquoi le Conseil a préparé un rapport de synthèse sur la politique relative à l'adaptation, qui porte sur les impératifs actuels de l'ajustement à un commerce plus ouvert entre le Canada et les États-Unis mais couvre également un champ plus large. Il ne suffit pas, pour gérer cet ajustement, de prendre conscience de la concurrence qui se profile à l'horizon. Nous devons aussi tenter de comprendre les réactions des industries, des entreprises et des employés aux exigences d'un environnement en pleine mutation et, ensuite, évaluer comment ces réactions influencent nos décideurs. Dans la section 2 du rapport, nous proposons un cadre conceptuel devant faciliter l'interprétation des réactions des secteurs privé et public aux pressions de l'adaptation. Dans les sections 3 et 4, qui résument les conclusions d'un grand nombre de nouveaux travaux de recherche entrepris par le Conseil, nous étoffons ce cadre sur deux plans distincts mais complémentaires. D'abord, nous décrivons, dans la section 3, l'adaptation réelle qui s'est produite. Étant donné que les effets des changements structurels sur le taux de chômage sont une source de graves préoccupations, nous consacrons principalement notre attention à l'examen du renouvellement des emplois (à l'initiative des entreprises) et à la mobilité de la main-d'oeuvre. Comme il se peut que les sociétés appartenant à des intérêts étrangers et les entreprises canadiennes réagissent de façon différente aux pressions en faveur du changement, nous nous attacherons aussi à déterminer si les réactions des firmes diffèrent selon que les propriétaires sont de nationalité canadienne ou étrangère. Dans la section 4, nous concentrons notre attention sur «les industries vulnérables aux échanges», c'est-à-dire les industries qui ont reçu une aide spécifique du gouvernement en raison des contraintes de la concurrence internationale. Notre analyse retient surtout l'utilisation de trois outils d'intervention: les mesures spéciales relatives aux importations, notamment les restrictions quantitatives, les subventions en capital aux entreprises et aux industries, et les politiques relatives au marché du travail. Nous examinons la façon dont ces outils ont été utilisés dans la construction navale et dans les industries de l'automobile, de la chaussure, du textile, du vêtement, et des pâtes et papiers. Les résultats présentés dans les sections 3 et 4 nous amènent à conclure que, dans l'ensemble, les politiques industrielles spéciales ont eu un rendement faible. De même, le nombre des industries jugées vulnérables (c' està-dire, en l'occurrence, celles qui ont bénéficié de programmes spécifiques d'adaptation) a augmenté avec le temps, ce qui fait que les gouvernements se sont engagés davantage dans la politique d'adaptation. Voilà une constatation importante car notre étude montre que si le changement est retardé pendant trop longtemps par une assistance sectorielle de la part des gouvernements, l'adaptation qui s'imposera au bout du compte sera d'autant plus difficile à supporter dans les industries touchées. Les conclusions et recommandations du Conseil sur la meilleure façon de gérer le processus d'adaptation sont présentées dans la section 5. 2- Les instruments de l'adaptation. Sous l'influence de la concurrence, les personnes et les entreprises procèdent à de nouvelles affectations de leurs compétences et de leurs ressources, à l'intérieur des professions, des entreprises, des industries et des régions. Cette réaction obéit à un ensemble de lois, de règlements et de coutumes élaborés par la société pour permettre le changement. Deux grands types de politiques sont à la base de ces lois et règlements: les politiques-cadres, qui sont des politiques d'application générale et couvrent tous les secteurs de l'économie, et les politiques sectorielles, qui visent des industries particulières. En général, les politiques-cadres fournissent un appui suffisant aux entreprises et aux travailleurs pour leur permettre de réagir aux impératifs de l'adaptation. Autrement dit, lorsque les travailleurs changent d'emploi, se recyclent ou prennent leur retraite, et lorsque les entreprises naissent, disparaissent, se développent, contractent leurs opérations, lancent de nouveaux types de produits, innovent, trouvent des créneaux commerciaux et exportent, leurs actions, aux uns comme aux autres, s'inscrivent dans le cadre des règles qui régissent l'économie. Dans certains cas, cependant, les pressions en faveur du changement et de l'adaptation sont si fortes que les politiques-cadres ne permettent pas d'y faire face. Le gouvernement intervient alors en adoptant des politiques conçues pour gérer le changement dans les secteurs touchés, qui sont plus précisément, dans le présent rapport de synthèse, les «secteurs vulnérables aux échanges». La figure 1, qui illustre le cadre conceptuel que nous utilisons, montre ces deux types de politiques. Politiques-cadres et choix en matière d'adaptation. Les politiques-cadres peuvent être d'envergure nationale ou internationale. On trouve au niveau national: l'assurance-chômage; les programmes de recyclage et de mobilité des travailleurs; les règles et règlements régissant les relations entre employeur et employés, y compris les négociations collectives; la politique relative à la concurrence; les lois régissant la création des sociétés, la faillite et l'accès au crédit; et enfin les politiques macro-économiques qui visent la croissance et le niveau de la production, de l'emploi et des prix (y compris les taux d'intérêt et les taux de change). A l'échelle internationale, une des plus importantes politiques-cadres est l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui est entré en vigueur le premier janvier 1948, qui a servi de cadre à des réductions multilatérales successives des tarifs et qui constitue l'institution au sein de laquelle sont élaborées les règles du commerce mondial. C'est un fait reconnu que les gouvernements jouent au Canada un rôle très utile et nécessaire dans l'élaboration des règles qui régissent le système de marché et qu'ils contribuent ainsi au développement économique du pays . Mais, les politiques-cadres ne se limitent pas à créer un climat de stabilité économique et sociale dans lequel les entreprises et les travailleurs qui se trouvent en face des occasions et des défis de la concurrence prennent leurs décisions. A certains égards - c'est là un rôle important - les politiques-cadres facilitent en effet le déplacement des travailleurs et des capitaux entre les industries à faibles taux de croissance et d'autres dont la croissance est plus rapide. En favorisant un climat propice, elles permettent aux mécanismes du marché de fonctionner de façon efficiente et efficace, de sorte que le marché indique les secteurs où les taux de rendement sont les plus élevés et les plus bas, et vers lesquels les ressources devraient donc être orientées. Par exemple, l'assurance-chômage et les programmes de formation aident la main-d'oeuvre à repérer plus facilement des domaines en expansion et à s'y intégrer. De même, les programmes destinés à diffuser l'information sur la nouvelle technologie et les créneaux commerciaux renseignent les entreprises sur les nouveaux débouchés qui s'offrent à elles. En réponse aux pressions qui s'exercent en faveur du changement, ces politiques entraînent donc l'économie vers une nouvelle combinaison de production et d'emploi qui permet de maximiser l'activité économique globale. Nous verrons maintenant comment les entreprises et les individus se comportent sous la pression du changement en tenant compte des politiques-cadres en vigueur au Canada. Pour cela, nous examinerons tour à tour trois options: l'abandon, la revitalisation et le protectionnisme. L'abandon. L'une des possibilités que les entreprises et les individus engagés dans des industries talonnées par la concurrence internationale peuvent envisager est l'abandon de l'industrie touchée. Lorsqu'une entreprise observe une chute permanente de la demande pour ses produits, avec les conséquences que cela suppose pour sa rentabilité, elle peut décider purement et simplement de quitter l'industrie. Elle a alors le choix entre deux voies de sortie: vendre ses installations à une autre entreprise ou mettre graduellement fin à ses activités. Dans le second cas, les travailleurs seront mis à pied et forcés de chercher - avec plus ou moins de succès du travail dans d'autres industries ou métiers. Lorsque la concurrence internationale se manifeste de façon soudaine, l'entreprise fait parfois faillite, ce qui constitue une forme d'abandon plutôt pénible. Mais dans des circonstances favorables, le processus d'abandon peut se faire de façon ordonnée si l'entreprise trouve le moyen d'utiliser ses ressources dans d'autres industries, ce qui est plus probable quand sa gamme de produits est déjà diversifiée. La revitalisation. La deuxième possibilité, la «revitalisation de l'industrie», consiste à rétablir la compétitivité internationale d'une industrie. L'entreprise en butte à un renforcement de la concurrence internationale peut tout d'abord choisir d'améliorer, d'une part, ses produits et, d'autre part, l'organisation de sa production et de ses ventes, de façon à réduire ses coûts et à relever la qualité de ses produits. Elle peut aussi aller plus loin et comprimer ses coûts en diminuant les taux des salaires, la rémunération versée aux investisseurs et, ou les traitements des gestionnaires. Cette mesure est applicable à condition que les employés consentent à rester dans l'entreprise et à recevoir une rémunération moindre, ce qui, en général, dépend de la possibilité qu'ils ont d'obtenir une rémunération plus élevée ailleurs. Enfin, la revitalisation peut se faire par «différentiation» ou création d'un créneau commercial: l'entreprise se spécialise dans la production de quelques-uns des articles qu'elle produit déjà, ou en développe d'autres, pour devenir plus compétitive à l'échelle internationale. Pour désigner cette possibilité de revitalisation, ainsi que la première évoquée plus haut, on emploie parfois l'expression «rationalisation». Le protectionnisme. La dernière option consiste pour l'entreprise, en général avec l'appui des salariés, à chercher une protection contre la concurrence des importations. Cette protection peut prendre différentes formes, notamment les restrictions quantitatives aux importations, les tarifs douaniers, les subventions, ou encore l'interdiction pure et simple d'importer certains produits. Toutes ces mesures font augmenter les prix relatifs des biens importés, de sorte que l'industrie locale en concurrence avec les biens visés, selon la durée et l'efficacité de la protection accordée, n'a pas à choisir entre l'abandon et la revitalisation décrits plus haut. Les groupes qui préconisent les mesures protectionnistes affirment que les politiques-cadres ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins particuliers. Les politiques sectorielles. C'est un fait que les politiques-cadres ne donnent pas toujours des résultats satisfaisants. Lorsqu'elles réussissent, on les juge souvent trop lentes ou encore trop cruelles dans leurs conséquences pour qu'on les accepte. C'est pourquoi les gouvernements réagissent de temps à autre aux demandes de différents groupes de la société en intervenant de manière plus sélective, pour aider des groupes précis de travailleurs, d'entreprises ou d'industries ébranlés par les pressions du changement. En plus des mesures protectionnistes déjà indiquées, les gouvernements peuvent adopter des programmes spéciaux d'adaptation de la main-d'oeuvre ou de sauvetage de certaines entreprises. Ces initiatives sectorielles sont généralement justifiées par des considérations d'efficience ou d'équité, mais les considérations politiques y jouent aussi un rôle important. Ces trois fondements de l'intervention gouvernementale sont indiqués dans la partie droite de la figure 1. Les fondements de l'intervention gouvernementale. Étant donné que les marchés financiers semblent généralement bien fonctionner au Canada, on ne peut guère invoqua l'efficience pour assister les entreprises. En général, les investisseurs institutionnels et les entreprises peuvent en effet diversifier leurs portefeuilles de placement et financer leurs nouveaux investissements en contractant des emprunts garantis par leurs actifs. Ils bénéficient pour ce faire de leurs propres réseaux d'information et des services des intermédiaires financiers qui leur permettent d'obtenir des renseignements sur les risques inhérents aux projets nationaux ou internationaux qu'ils envisagent. Par contre, les travailleurs, eux, ne peuvent diversifier leurs risques aussi facilement. Ils opèrent sur des marchés non pas nationaux ou internationaux, mais locaux; ils disposent d'une information beaucoup moins riche sur les possibilités d'emploi que n'en ont les investisseurs ou les entreprises sur l'état du marché ou la situation de l'investissement; ils éprouvent beaucoup plus de difficulté à emprunter pour se recycler qu'une firme qui désire financer un nouveau projet d'investissement. En outre, la formation - en particulier la formation générale - ne peut pas être obtenue facilement puisque les entreprises ne sont guère encouragées à former des travailleurs. Elles risquent en effet de perdre tous les avantages de la formation qu'elles ont dispensée lorsque d'autres firmes viennent leur enlever leurs travailleurs. Nous concluons donc qu'on peut fonder sur des considérations d'efficience l'intervention gouvernementale qui vise à fournir les services d'information, de recyclage et de soutien aux travailleurs qui désirent ou doivent trouver du travail ailleurs par suite de changements survenus dans l'économie. Le problème se pose avec une acuité particulière lorsqu'une usine d'importance établie dans une petite ville ferme ses portes, ce qui a évidemment de graves répercussions sur les possibilités d'emploi. Il devient dès lors beaucoup plus difficile pour ceux qui étaient déjà en chômage de se trouver un emploi, et cela sans qu'ils y soient pour quoi que ce soit. De tels effets externes d'engorgement limitent les possibilités d'adaptation des marchés du travail locaux et justifient une assistance spéciale. L'équité est difficile à définir et à invoquer sans ambiguïté pour justifier l'application de politiques particulières d'adaptation sectorielle. La notion est en général associée à celles de justice et d'absence de parti-pris et rejoint l'idée que se font les gens ou la société de ce qui est convenable ou correct. En ce qui concerne l'adaptation, il y a lieu de mentionner que si les bénéfices d'une modification particulière, comme une réduction des obstacles aux échanges, tendent à faire l'objet d'un vaste partage, il semblerait dans la nature des choses que les pertes, elles, soient supportées de façon disproportionnée par un groupe relativement restreint. Au Canada, le fait que les victimes du changement ont tendance à se retrouver concentrées dans certaines régions et localités défavorisées contribue à justifier l'intervention gouvernementale par le principe d'équité. Aussi affirme-t-on que le gouvernement a l'obligation morale de voir à ce que le fardeau de l'adaptation soit partagé entre tous les membres de la société car tous, enfin de compte, en bénéficient. Tout comme les considérations d'efficience, celles qui reposent sur la notion d'équité pour justifier l'aide à l'adaptation sont beaucoup plus convaincantes en ce qui concerne les travailleurs. On éprouve d'ordinaire moins de compassion pour les investisseurs qui subissent une perte par suite d'un changement, car ils sont en général mieux placés pour faire face au risque, étant donné les possibilités que leur offrent les marchés de capitaux de regrouper les risques et de les répartir. Mais cela n'est pas nécessairement vrai pour les petites entreprises, et il y a peut-être des cas où l'équité plaiderait en faveur d'une intervention destinée à empêcher que ces firmes aient à porter une partie disproportionnée du poids de l'adaptation. Finalement, les gouvernements interviennent parfois pour des raisons principalement politiques. Ils réagissent aux demandes des entreprises, des salariés et des régions. De toute évidence, les élus doivent être attentifs à ces demandes. Ainsi, pour des raisons politiques, le gouvernement peut accorder une certaine protection aux travailleurs et aux entreprises même si l'intervention ne se justifie pas par des considérations d'efficience ou d'équité. Souvent, une telle protection dure longtemps, retardant le jour où l'entreprise doit véritablement s'adapter. Le gouvernement qui prend la décision d'intervenir dans un secteur particulier par suite des pressions de la concurrence internationale le fait souvent après avoir bien pesé les considérations d'efficience et d'équité ainsi que les considérations politiques. La décision finale ne dépend pas seulement du mérite intrinsèque de chaque considération et de la vigueur avec laquelle elle est défendue au cabinet, mais aussi de plusieurs autres facteurs. Il convient de mentionner à cet égard la situation générale de l'économie, l'état des finances publiques, l'attitude sociale prédominante à l'égard du changement, la philosophie économique du parti au pouvoir, la visibilité et la transparence du mode d'intervention choisi, le précédent que l'octroi d'une assistance particulière peut constituer pour d'autres secteurs et les réactions des organisations et gouvernements étrangers. Il est certes difficile pour tout gouvernement de partir de zéro pour élaborer une stratégie optimale d'adaptation. Mais, généralement, les gouvernements jouissent d'une certaine discrétion pour décider s'ils doivent accorder une assistance sectorielle et à quelles conditions. Dans notre examen du processus et des politiques d'adaptation, nous tenterons de proposer des lignes directrices que les gouvernements pourraient suivre lorsqu'ils entendent user de ce pouvoir discrétionnaire. Les outils d'intervention. Une fois que le gouvernement a décidé d'intervenir au niveau sectoriel, il doit choisir les outils qu'il utilisera pour mettre en oeuvre sa politique. Du point de vue de leurs effets, les outils disponibles peuvent être classés suivant une échelle qui va de l'«adaptation positive» au «néo-protectionnisme». L'adaptation positive vise à rendre possible, à faciliter et à promouvoir l'ajustement aux pressions de la concurrence tandis que le néo-protectionnisme fait obstacle ou retarde les pressions de la concurrence internationale. Les considérations d'efficience et d'équité donnent à penser qu'il convient d'adopter des politiques spéciales d'adaptation du marché du travail pour encourager le réengagement des travailleurs et peut-être pour fournir à certains groupes un revenu compensatoire. S'il y a lieu de contingenter les importations à cause d'une poussée soudaine de celles-ci, il est recommandé, au nom de l'efficience et de l'équité, de ne le faire que pour un temps limité. Ces deux mesures devant faciliter l'adaptation visent à compléter les politiques-cadres, qui, généralement parlant, ont des objectifs identiques à l'échelle de l'économie globale. On peut considérer que les politiques d'adaptation du marché du travail et les restrictions quantitatives aux importations se situent, dans l'éventail des politiques, du côté de l'adaptation positive. Par contre, lorsque l'intervention se fonde sur des considérations politiques, elle est beaucoup plus susceptible de retarder l'adaptation proprement dite. Les travailleurs et les entreprises ne sont pas encouragés à quitter les industries au moment où les forces du changement les inviteraient normalement à le faire; les outils d'intervention utilisés sont moins visibles; les restrictions quantitatives aux importations sont appliquées pour des périodes plus longues; les subventions à l'investissement servent à revitaliser les industries qui, la plupart du temps, ne sont guère en mesure d'affronter la concurrence internationale, et on accorde peu d'importance au réengagement des travailleurs licenciés. Dans la figure 1, ce groupe de politiques relève du néo-protectionnisme. L'intervention sectorielle conduit donc à des résultats assez différents selon la justification acceptée, l'objectif de politique choisi et l'instrument utilisé. Les considérations d'efficience et d'équité tendent à promouvoir l'adaptation tandis que les considérations politiques tendent à la retarder. Ainsi, lorsque les gouvernements décident d'intervenir sur une base sectorielle, il est vraisemblable qu'il existe un conflit entre, d'une part, les considérations d'efficience et d'équité et, d'autre part, les considérations politiques. 3- L'expérience de l'adaptation. Nous analysons dans cette section l'adaptation à laquelle les entreprises et la main-d'oeuvre canadiennes ont dû se plier sous la pression de la concurrence internationale, en concentrant notre attention sur le secteur manufacturier. C'est en effet ce secteur qui domine dans les échanges du Canada avec l'étranger, et l'importance des importations et des exportations de produits manufacturés s'est accrue au cours des quatre dernières décennies. Les impératifs de l'adaptation dans ce secteur sont en outre suffisamment différents - à la fois en ce qui a trait à la structure économique, au degré d'ouverture du secteur à la concurrence étrangère et au traitement dont il est l'objet dans le cadre du GATT - de ceux qui se manifestent dans d'autres secteurs (comme les services et l'agriculture) pour qu'ils soient examinés avec une attention particulière. Le secteur manufacturier apporte une contribution importante à l'économie canadienne. Il fournit approximativement un cinquième de la production de biens et de services du pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, bien que son importance relative en termes d'emplois et de stock de capital ait diminué. Ces tendances divergentes reflètent l'accroissement de la productivité réalisé dans le secteur manufacturier, qui a permis de libérer des ressources au profit d'autres secteurs de l'économie. Néanmoins, la taille du secteur manufacturier, dans l'absolu, a augmenté au Canada depuis 1971, que l'on considère le nombre des travailleurs ou, plus visible encore, le volume de la production totale. Des tendances semblables ont été observées dans plusieurs autres pays industrialisés. Les graphiques 3 et 4 tracent le cadre commercial dans lequel fonctionne le secteur manufacturier. La libéralisation continue des échanges, que l'on peut mesurer en fonction de l'abaissement des tarifs douaniers, ainsi que l'importance croissante des importations et des exportations offrent aux entreprises canadiennes des occasions de vendre sur les marchés mondiaux et, parallèlement, accroissent les pressions des importations sur les producteurs canadiens. C'est sur cette toile de fond que s'inscrit l'analyse de deux aspects, d'une importance déterminante, de l'adaptation qui est en cours dans le secteur manufacturier au Canada: le roulement de la main-d'oeuvre, qui se réalise à l'initiative des entreprises ou des travailleurs; et les répercussions de la propriété étrangère. Nous présentons, pour chacun de ces deux aspects, les résultats de certaines études récemment réalisées au Conseil et ailleurs. L'adaptation et le roulement de la main-d'oeuvre. Le sort des travailleurs constitue l'une des grandes préoccupations de tous ceux qui étudient la nécessité de l'adaptation dans les industries vulnérables au commerce. De fait, comme nous l'avons mentionné dans la section 2, la justification de l'intervention gouvernementale dans le processus d'adaptation est beaucoup plus solide lorsqu'il s'agit de main-d'oeuvre que de capital. Si l'attention du public se concentre souvent sur les malheurs qui frappent les travailleurs licenciés lorsqu'une entreprise ferme une usine ou diminue l'échelle de sa production, l'embauchage des travailleurs à l'occasion de l'ouverture d'une nouvelle usine ou de l'expansion d'une usine existante ne reçoit que rarement le même traitement. Mais, comme le montre le graphique 2, l'emploi dans le secteur manufacturier a augmenté au fil des années. En raison des pressions que le changement exerce sur l'industrie canadienne, il importe de comprendre et d'évaluer dans quelle mesure le roulement et la mobilité de la main-d'oeuvre relèvent du fonctionnement normal de l'économie, dans l'ensemble du secteur manufacturier et dans certaines industries sensibles aux échanges. Le renouvellement du marché du travail. Nous adoptons ici deux approches complémentaires en vue de saisir tous les effets des changements structurels et cycliques sur le roulement de la main-d'oeuvre. La première approche porte sur le renouvellement des emplois, c'est-à-dire sur la création et l'abolition des postes dans les entreprises et les établissements du secteur manufacturier, la seconde sur le roulement de la main-d'oeuvre, soit les flux des travailleurs qui obtiennent et quittent des emplois. Cette distinction entre le renouvellement des emplois et le roulement des titulaires d'emplois est importante car elle nous donne une idée précise des réactions respectives de la demande et de l'offre de main-d'oeuvre aux variations de la conjoncture du marché. Dans ce contexte, on estime que le renouvellement des emplois est imputable à l'entreprise, dans la mesure où il reflète des variations de l'emploi qui résultent de la création, de l'expansion, de la contraction ou de la fermeture des entreprises. Les graphiques 5 et 6, qui montrent que de nombreuses entreprises ont démarré ou arrêté leurs opérations durant la décennie 1970- 1979, donnent indirectement une idée de l'ampleur du renouvellement des emplois. C'est ainsi, par exemple, que plus de 40 % des entreprises qui appartenaient en 1970 à l'industrie manufacturière moyenne avaient disparu en 1979, principalement à la suite de fermetures d'usines. Le roulement de la main-d'oeuvre, par contre, se produit quand des travailleurs entrent au service d'une entreprise ou la quittent, ou vont d'une entreprise à une autre pour des raisons diverses: licenciement, démission, grossesse, retour aux études, et ainsi de suite. Il est évident que les chiffres relatifs au renouvellement des emplois et de la main-d'oeuvre se recoupent dans une certaine mesure, en particulier ceux qui ont trait à la disparition des postes, du côté de l'entreprise, et aux licenciements permanents, du côté des travailleurs. Il est cependant improbable que ces deux séries de données puissent coïncider parfaitement. Par exemple, un grand nombre de travailleurs peuvent entrer dans une entreprise ou un établissement et en partir pendant une certaine période, tandis que le nombre réel des emplois de cette entité demeure inchangé. Dans ce cas, il y aura un roulement important de la main-d'oeuvre mais aucun renouvellement des emplois. Il importe ici d'étudier les deux types de variations car, si l'on se base uniquement sur le renouvellement des emplois, on aura tendance à sous-estimer la véritable ampleur du renouvellement du marché du travail. Ce renouvellement comporte des avantages et des coûts d'ordre économique. On peut ranger, du côté des avantages, les gains d'efficience qui résultent du remplacement d'entreprises en difficulté par des entreprises prospères et du déplacement des entreprises qui quittent les secteurs en régression pour s'établir dans d'autres en expansion. Des avantages découlent également des efforts d'auto-orientation des travailleurs pour trouver des emplois qui correspondent mieux à leurs compétences. En ce qui concerne les travailleurs, on peut citer parmi les coûts financiers du roulement découlant des licenciements effectifs ou prévus: la perte de revenu durant la période de recherche d'un emploi, les frais et débours divers auxquels ils doivent faire face à cette occasion ainsi que les coûts du déménagement. Dans le cas des propriétaires du capital, les coûts du déclin ou de la fermeture d'une entreprise comprennent les pertes résultant de la moins-value. Le renouvellement des emplois. Une adaptation considérable se manifeste continuellement dans le secteur manufacturier. La main-d'oeuvre ne cesse de se déplacer au gré des bonnes et mauvaises fortunes des entreprises, tant dans les industries en croissance que dans celles qui sont en régression. Il convient de noter, cependant, que la décision des travailleurs de quitter pour de bon l'entreprise quand leurs postes disparaissent dépend du caractère permanent ou temporaire de la baisse des activités de l'entreprise; en cas de déclin temporaire, ceux-ci doivent décider s'ils vont chercher des emplois ailleurs ou se retirer du marché du travail. Avant de tirer quelque conclusion que ce soit, nous devons nous assurer que nous disposons des mesures appropriées. On peut mesurer le renouvellement des postes en fonction des variations de l'emploi, soit au niveau de l'entreprise, soit au niveau de l'établissement (ou de l'usine). On obtiendra des résultats différents. Par exemple, si la fusion de deux entreprises donne naissance à une société unique de plus grande taille, elle n'implique pas nécessairement la création ou la destruction d'emplois, mais plutôt un simple changement de propriété des unités de production. Dans ce cas, l'utilisation de données globales nous donnerait l'impression qu'un certain nombre d'emplois ont disparu dans l'entreprise absorbée et qu'un nombre identique ont été créés dans la «nouvelle» entreprise, d'où une surestimation tant de la perte que de la création d'emplois. En raison de ce risque de surestimation du renouvellement effectif des emplois, nous utilisons des données fondées sur les établissements, qui révèlent plus précisément l'ampleur des variations réelles de l'emploi. La période étudiée est susceptible également d'influencer la mesure du renouvellement des emplois. Ainsi, un établissement peut créer des emplois au cours d'une année et les supprimer l'année suivante, tout en n'affichant qu'un très faible roulement net d'emplois sur une période plus longue. Ces variations à court terme de l'emploi sont principalement attribuables aux fluctuations cycliques qui tendent à s'annuler d'une année à l'autre. C'est ce qui explique que les estimations à court terme du renouvellement des emplois ont tendance à être supérieures aux estimations à plus long terme, car ces dernières reflètent mieux les changements structurels à l'intérieur d'une industrie. Par contre, il se peut que les données d'une période relativement longue ne reflètent pas l'ampleur effective du renouvellement qui se produit sur le marché du travail et qui résulte des hauts et des bas que connaissent les producteurs. Les fluctuations de courte durée de la production et de l'emploi donnent une idée plus précise de ce phénomène si les employés licenciés chaque année passent à d'autres entreprises durant les variations temporaires que la production enregistre d'une année à l'autre. Aussi avons-nous calculé les composantes des variations de l'emploi, tant sur une base annuelle que sur de plus longues périodes. Chaque année, une proportion importante et relativement constante d'emplois disparaissent dans le secteur manufacturier par suite du déclin ou de la fermeture d'établissements. Elle était en moyenne supérieure à 8 % pendant les années 70. Si on la calcule sur une période de cinq ans, de façon à éliminer l'effet des fluctuations de courte durée, la moyenne annuelle des pertes d'emplois s'établit à plus de 4 %; sur une période de 10 ans, elle est de 3,6 %. Ce dernier chiffre montre qu'au moins 30 % des emplois qui existaient en 1971 avaient disparu 10 ans plus tard. Le roulement de la main-d'oeuvre. On mesure le roulement de la main-d'oeuvre en déterminant directement le nombre des travailleurs qui ont quitté leur employeur. Ces cessations d'emploi sont soit temporaires, si les travailleurs retournent au même employeur dans un délai de deux ans, soit permanentes. Elles peuvent s'expliquer par deux facteurs distincts mais connexes: les déplacements et les départs naturels. On entend par déplacement la réduction d'effectifs effectuée à l'initiative des entreprises. Une analyse de données administratives fournies par le ministère de l'Emploi et de l'immigration montre que le nombre des licenciements permanents, dans une année donnée, équivaut au moins à 8 % du nombre des emplois qui disparaissent chaque année. Cela signifie que les taux annuels de perte d'emplois par établissement que nous avons observés reflètent, au niveau de l'entreprise, un comportement qui entraîne des mises à pied permanentes des travailleurs plutôt que des réductions de courte durée de l'emploi au terme desquelles les travailleurs retourneraient à la même entreprise. Le départ naturel, pat ailleurs, est une initiative du salarié (bien qu'il puisse être parfois causé par le déclin d'une entreprise, qui porte le travailleur à anticiper un licenciement et à abandonner son poste pour en chercher un autre ailleurs). Les dépens naturels sont divisés en plusieurs catégories pour des fins administratives: conflit de travail, retour à l'école, maladie ou blessure, démission, grossesse, retraite, et autres. Selon les mêmes données administratives, pour la période 1974-1982, les démissions ont représenté, sur une base annuelle, la cause la plus importante de dépens naturels. Les départs naturels sont une composante du roulement des travailleurs que ne reflètent ni nos mesures de renouvellement des emplois basées sur les chiffres des établissements ni les estimations des déplacements. Or, si un établissement peut réduire son personnel en éliminant des postes, les travailleurs peuvent également quitter leurs emplois volontairement et, ce faisant, ils contribuent au processus d'adaptation. Il est donc important de mesurer l'ampleur des départs naturels pour avoir une idée plus complète de l'envergure de la «réaffectation» qui se produit sur le marché du travail et que l'économie parvient à absorber chaque année. Les résultats que nous avons obtenus montrent que, mesurés sur une base annuelle, les départs naturels sont à peu près aussi importants que les licenciements permanents ou temporaires décidés par les entreprises. Une fois supprimée la composante temporaire dans les deux séries de chiffres, nous constatons que la somme des licenciements permanents et des départs naturels permanents représente annuellement plus de 20 % de l'emploi dans le secteur manufacturier. Une conclusion s'impose alors: un très grand nombre de personnes changent d'emploi et d'employeur dans le secteur manufacturier chaque année, que ce soit pour des motifs personnels ou par suite des variations de la conjoncture économique. La mobilité de la main-d'oeuvre. Pour apprécier pleinement le niveau d'adaptation dont font preuve les travailleurs canadiens, nous devons compléter les données globales sur le roulement de la main-d'oeuvre par des renseignements sur la mobilité des travailleurs. En effet, un roulement important des travailleurs ne prouve pas nécessairement que ceux-ci s'adaptent facilement. Si les travailleurs qui quittent un employeur entrent chez un autre qui, dans la même branche d'activité, offre du travail dans un domaine très proche, il leur sera peut-être difficile de s'adapter si l'industrie en question vient à connaître un déclin de longue durée par suite d'un changement structurel de l'économie. Par ailleurs, si des travailleurs passent assez fréquemment à d'autres industries, activités professionnelles ou régions, nous pouvons penser que l'adaptation sera moins pénible. Le degré de mobilité nous renseigne donc indirectement sur la faculté d'adaptation de la main-d'oeuvre. Nous avons étudié une masse considérable de données (provenant de sources très diverses) sur la mobilité de la population active. Les études menées sur la construction navale et les industries de l'acier, de la chaussure, du vêtement, du textile, de l'automobile et des pièces d'automobile, du matériel électrique et électronique ont porté sur les déplacements des travailleurs qui entrent dans le secteur concerné et en sortent, en tenant compte de leurs secteurs d'origine et de destination. Ces études, ainsi que d'autres, ont abordé également la question de la mobilité régionale. Pour déterminer le degré de mobilité des travailleurs d'une activité professionnelle à une autre et d'un employeur à un autre, on a retracé la carrière de certains travailleurs en particulier. Enfin, pour étudier les déplacements effectués par les travailleurs pendant leur vie active, on a distingué diverses catégories d'âge et retenu divers indicateurs tels que les variations des taux de rémunération, le temps écoulé avant qu'ils trouvent un nouvel emploi, la durée de tout emploi subséquent et ainsi de suite. Notre examen des données relatives à la mobilité de la main-d'oeuvre (qui sont présentées dans notre rapport de recherche et comprennent des données administratives, des études sectorielles spéciales et un supplément à l'Enquête sur la population active de Statistique Canada) nous porte à croire que les travailleurs, passant d'un emploi à un autre, font preuve d'une très grande mobilité, que ce soit entre les employeurs, les industries ou les activités professionnelles. On ne saurait nier, toutefois, que les problèmes d'adaptation sont vraisemblablement plus aigus dans les cas où la base industrielle est étroite et lorsque des travailleurs d'âge avancé sont particulièrement touchés. Le renouvellement dans les industries vulnérables aux échanges. Les données globales du secteur manufacturier montrent que le nombre de travailleurs sans cesse licenciés être localisés est élevé. Ces chiffres pourraient, toutefois, dissimuler des aberrations dans certains secteurs. En effet, certains secteurs sont plus susceptibles que d'autres d'être touchés par la libéralisation des échanges ou par la suppression de protections spéciales ou d'autres formes d'aide gouvernementale. On est donc en droit de se demander si le processus d'adaptation sera plus difficile pour les travailleurs de ces secteurs. Naturellement, le problème de l'adaptation aux pressions du commerce international est plus aigu pour les industries qui affrontent une forte concurrence des importations. Nous devons par conséquent savoir si la concurrence des importations a obligé un nombre disproportionné d'entreprises de ces branches d'activité à fermer leurs portes. Nous devons nous demander également si, dans ces industries, les taux de roulement des travailleurs sont particulièrement faibles, ce qui donnerait à penser qu'elles ne disposent, pour leur adaptation, que d'une marge «naturelle» relativement étroite. Pour répondre à ces deux questions, nous avons commencé par classer les industries manufacturières en deux groupes, selon qu'elles ont un taux élevé ou faible de pénétration des importations, ce taux étant défini comme le rapport des importations aux ventes sur le marché intérieur. Dans les industries à forte intensité d'importations, les fermetures d'usines réalisées par des entreprises sortant du marché ont représenté, en moyenne, au cours de la période 1970-1979, 28,4 % du nombre des usines qui existaient en 1970; le pourcentage correspondant dans les industries à faible intensité d'importations était de 29,3 %. Les indicateurs du renouvellement des postes et des travailleurs révèlent aussi une faible différence entre les deux catégories d'industries. Ces chiffres nous autorisent donc à penser qu'il n'existe aucune distinction significative entre ces deux groupes en ce qui a trait au taux de renouvellement. Dans un second temps, nous avons examiné quatre industries que l'on classe généralement parmi les plus vulnérables: le cuir, le textile, la bonneterie et le vêtement. Les indicateurs d'adaptation de la maind'oeuvre, fondés sur le renouvellement des emplois et des travailleurs, ont été calculés pour ces industries et comparés à ceux de l'ensemble du secteur manufacturier. Les résultats obtenus, dont certains figurent au tableau 2, montrent que la faculté d'adaptation des travailleurs dans ces industries vulnérables est très semblable à ce que l'on observe pour la moyenne de l'en semble du secteur manufacturier. Seule l'industrie du cuir montre des taux plus bas de licenciements et de départs naturels. Ainsi, malgré la diversité des facteurs qui influent sur les industries - progrès technologique, changements de goûts, évolution de la demande, modification des protections spéciales, et autres facteurs -, on remarque une très grande uniformité dans le degré d'acceptabilité de ces changements. Les répercussions de la libéralisation des échanges. On prétend parfois que la libéralisation des échanges entraînera de graves pertes d'emplois et d'importants bouleversements. Le Conseil étudie actuellement les répercussions du projet d'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et envisage d'autres travaux sur les négociations commerciales multilatérales. Dans son Vingt-quatrième Exposé annuel, publié en septembre 1987, le Conseil a évalué les effets potentiels sur l'emploi de la mise en oeuvre immédiate d'un accord commercial bilatéral d'envergure globale (l'accord, dont la conclusion a été annoncée en octobre et qui a été signé par les chefs de gouvernement des deux pays en janvier, est d'une portée plus limitée et sa mise en oeuvre s'étalera sur plus de 10 ans). L'analyse publiée en septembre indique que les variations du chiffre de l'emploi (tant les gains que les pertes) ne seraient pas grandes, compte tenu du niveau élevé de renouvellement des emplois et de la main-d'oeuvre que nos travaux révèlent dans le secteur manufacturier. Cette conclusion est valide, que l'on mesure le renouvellement dans le long ou dans le court terme. Cependant, il est utile de disposer d'un autre repère avec lequel on puisse mesurer les conséquences de certains changements particuliers. L'un des repères possibles à cet égard serait les pertes à long terme d'emplois attribuables au déclin ou à la fermeture d'établissements. Comme le nombre des emplois perdus constitue une mesure des effets nets à long terme des différentes forces qui influent sur les diverses unités de production, il fournit un indice des contrecoups des changements dans la structure industrielle du Canada. Notre étude montre qu'il existe une proportion relativement importante et constante d'entreprises manufacturières appelées à fermer leurs portes au cours d'une année donnée. Ce processus d'autosélection se poursuit à un taux à peu près constant, quel que soit le rythme des changements structurels, sauf quand la conjoncture s'assombrit. Pour l'ensemble du secteur manufacturier, on note que 18 % environ des emplois qui existaient en 1970 avaient disparu en 1979. Le taux à long terme de fermeture d'entreprises peut être considéré comme un taux normal (ou taux de référence) de sortie du marché, associé à un certain pourcentage de pertes d'emplois. Si la libéralisation des échanges ou la levée des quotas entraînait un taux beaucoup plus élevé de sonie d'entreprises, il faudrait ralentir les abaissements de tarifs et la suppression des quotas; en revanche, un taux de sortie beaucoup plus faible que le taux de référence permettrait d'accélérer les baisses tarifaires. Cependant, notre étude montre également qu'à long terme, les industries qui voient leur volume de ventes baisser s'adaptent et diminuent leur production; cette adaptation se fait à peu près également par une réduction des taux d'entrée et par une augmentation des taux de sortie dans les industries en question, comparativement aux industries en expansion. En outre, l'expansion d'une branche d'activité est davantage imputable à des taux d'entrée relativement élevés qu'à des taux de sortie relativement faibles. Cette adaptation est donc en partie imputable au fait que des travailleurs qui auraient normalement perdu leur emploi par suite du mouvement de déclin des entreprises se font embaucher par d'autres entreprises qui démarrent. Comme nous l'avons montré, les travailleur s, dans leur recherche d'emploi, ne sont pas confinés à un petit nombre d'employeurs regroupés dans la même branche d'activité: ils se déplacent vers d'autres branches et d'autres professions d'une façon qui dénote une forte mobilité. Toute politique avisée des pouvoirs publics dans le domaine de l'aide à l'adaptation devrait donc non pas entraver, mais faciliter ce mouvement naturel des travailleurs qui se déplacent continuellement des industries en déclin vers celles qui sont en croissance. Les données sur lesquelles nous fondons nos conclusions concernant le renouvellement de la main-d'oeuvre et des emplois ne tiennent pas entièrement compte de la récession de 1982, la pire de l'histoire économique canadienne de l'après-guerre. En effet, une grande partie de notre étude était basée sur un taux normal de sortie d'entreprises, et, par conséquent, de pertes d'emplois. Or, lorsque la conjoncture économique se détériore, nous observons un accroissement sensible du taux de sortie et des pertes d'emplois qui en résultent. Cela peut réduire la mobilité et causer certainement des difficultés considérables aux travailleurs qui sont mis à pied. Cependant, la récession de 1982 a été suivie d'une reprise de l'activité tant dans le secteur manufacturier que dans l'ensemble de l'économie, et les données dont nous disposons donnent à penser que les profils et le niveau des changements intervenus dans l'emploi sont sensiblement les mêmes qu'avant 1982. Nous pensons donc que nos résultats en matière de renouvellement sur le marché du travail et les conclusions que nous en tirons peuvent éclairer l'élaboration des politiques de la fin des années 80 et des années 90. Notre opinion se fonde sur le fait que les profils d'adaptation du marché du travail que nous avons dégagés peuvent, dans une large mesure, se retrouver ailleurs: hors des secteurs manufacturiers de l'économie canadienne et dans d'autres pays, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne de l'Ouest, en Suède et au Japon. Le phénomène est donc convaincant car il s'observe dans des pays fort différents si l'on considère les institutions, les pressions en faveur du changement et la capacité d'y faire face, les taux de chômage, les périodes étudiées et l'importance des différents secteurs dans les économies respectives. L'adaptation et l'entreprise multinationale. Il est possible que les entreprises étrangères établies au Canada ne réagissent pas aux pressions en faveur du changement de la même façon que les entreprises canadiennes, ce qui suppose des conséquences différentes quant à la rapidité de l'adaptation, au choix d'une solution et à la qualité de l'emploi (nous n'avons pas encore abordé ce dernier point). Ces questions ne sont pas sans importance pour les Canadiens en raison de la forte présence des intérêts étrangers dans le secteur manufacturier, à la fois à l'échelle du Canada et dans les différentes régions du pays. Pour faire le jour sur ces questions, nous avons commandé une analyse approfondie de l'adaptation en cours dans des entreprises multinationales au Canada. On trouvera un compte rendu exhaustif des résultats pertinents dans notre rapport de recherche et dans une étude qui sera publiée prochainement par le Conseil. Si les entreprises appartenant à des étrangers sont susceptibles de réagir différemment aux forces du changement, c'est, entre autres, parce que, quand elles doivent décider dans quel pays effectuer l'expansion ou la contraction de leurs opérations, elles ont le choix d'investir dans n'importe quelle partie du monde. Cette situation suscite diverses inquiétudes: les entreprises multinationales (EMN) peuvent être plus portées à déplacer leur production vers des pays où les coûts des facteurs sont faibles (notamment des salaires relativement bas); les EMN sont plus enclines à fermer leurs usines dans notre pays que ne le sont les entreprises appartenant à des Canadiens; les entreprises canadiennes sont sous-représentées dans le groupe des industries de recherche et développement à forte capacité de croissance où les EMN sont souvent importantes; enfin, à mesure que se lèvent les barrières tarifaires, les EMN ayant des usines au Canada opéreront une relocalisation aux États-Unis plutôt que de rationaliser leurs opérations au Canada. Les choix qui s'offrent à l'entreprise multinationale. En ce qui concerne l'adaptation, on prétend souvent que les filiales canadiennes d'entreprises multinationales adoptent à l'égard des changements relatifs à la technologie, à la concurrence internationale ou à la politique commerciale, des comportements moins favorables à l'économie nationale que celles des firmes canadiennes. Cela revient en quelque sorte à dire, comme on l'avance parfois, que l'économie du pays hôte profite rarement de l'investissement étranger. Cette préoccupation est renforcée par la peur que la pression accrue de la concurrence internationale et la libéralisation de la politique commerciale ne signent l'arrêt de mon de ces simples «usines satellites» et que le Canada ne connaisse un exode massif des usines de propriété étrangère établies à la faveur de la protection tarifaire. Les tenants de cette thèse reconnaissent que certaines formes de production ne sont pas économiquement viables au Canada en l'absence de barrières commerciales. Ils craignent cependant que, même si la production est viable, les multinationales déplaceront leurs activités vers les pays en développement ou les centraliseront dans leurs pays d'origine plutôt que de faire les investissements nécessaires au Canada. Dans notre recherche, nous nous sommes demandé si les multinationales avaient davantage tendance que les firmes nationales à déplacer vers l'étranger leur capacité de production ou à mettre fin à leurs opérations quand elles font face à des problèmes d'adaptation. La réponse à cette question n'est pas facile à trouver car les sociétés multinationales ne sont pas parfaitement comparables aux entreprises nationales. Elles ne font pas face aux mêmes contraintes ou impératifs d'adaptation; de fait, elles peuvent exercer leurs activités dans des segments différents du marché. C'est pourquoi il est peut-être futile de prétendre que les problèmes intérieurs d'adaptation seraient moins graves si les Canadiens faisaient l'acquisition des entreprises étrangères. Très souvent, pour ne pas dire dans tous les cas, ce sont les caractéristiques fondamentales du marché-technologie, coûts du transport, coûts en main-d'oeuvre, qualité de la main-d'oeuvre - qui déterminent la nature du problème d'adaptation et les caractéristiques de la propriété. La décision d'une entreprise multinationale de s'établir dans un pays donné dépend de deux facteurs de base: la viabilité économique de la production locale et la viabilité de la propriété multinationale de la production locale. La viabilité économique de la production locale dépend du prix des facteurs de production au pays ( maind'oeuvre, matières premières, énergie et capital) et de la taille du marché, du coût du transport et des obstacles au commerce qui existent dans le pays et à l'étranger. Toute augmentation du coût relatif de la production intérieure est susceptible d'entraîner à long terme une substitution de biens étrangers aux biens produits sur place. Et les entreprises étrangères et les entreprises canadiennes ont, les unes comme les autres, de bonnes raisons d'effectuer cette substitution. En ce qui concerne la viabilité de la propriété multinationale de la production locale, il y a lieu de mentionner que, si l'entreprise multinationale jouit d'un avantage concurrentiel, c'est parce qu'elle est en mesure de s'approprier les profits du transfert international d'actifs invisibles, d'actifs «propres à elle», c'est-à-dire la technologie, l'expérience et la réputation. La technologie peut être protégée de l'imitation par un brevet ou le secret; l'expérience, par la culture institutionnelle et commerciale de l'entreprise, laquelle est unique; et la réputation, par une marque de commerce. Si ces actifs perdent de leur importance durant le processus de production ou si leur transfert, au moyen de transactions purement commerciales (par exemple, des accords de licence) devient possible, les avantages de la propriété étrangère diminue. Le retrait d'une multinationale n'est donc pas imputable, dans ces circonstances, à un manque de loyauté ou d'intérêt envers l'économie locale, mais simplement à la volonté de l'entreprise de privilégier sa fonction économique fondamentale. Le retrait ne signifie pas non plus que la production intérieure n'est plus possible, mais plutôt qu'elle apparaît plus rentable pour un propriétaire national que pour la multinationale. Les résultats de nos recherches. Pour déterminer si les entreprises réagissent différemment aux pressions en faveur du changement selon leurs propriétaires, nous avons examiné plusieurs types de pressions (notamment, les réductions tarifaires et les différences entre les coûts nationaux) et deux réactions, l'abandon et la revitalisation. Puis, nous avons dépouillé la documentation sur la tendance relative des multinationales à déplacer leur production d'un pays à un autre, à rationaliser leurs activités ou à abandonner un secteur quand elles font face à la concurrence des importations. Nous avons étudié les expériences américaine et australienne ainsi que l'expérience canadienne et examiné, parmi d'autres indicateurs, la pan et les facteurs déterminants de l'activité des multinationales américaines au Canada par rapport à l'activité des multinationales américaines dans le monde, en Amérique du Nord et dans les pays industrialisés. L'étude a été faite essentiellement en considérant chaque industrie séparément, ce qui nous a permis de prendre en compte les écarts de taux de croissance des différents secteurs. Autrement dit, nous avons pu différencier les industries en expansion où le Canada veut avoir une pan croissante des activités des multinationales, des industries en régression où l'activité est moins attrayante. Voici nos conclusions. Premièrement, contrairement à la croyance populaire, les multinationales ne semblent pas plus portées que d'autres firmes à déplacer leurs opérations vers des sources étrangères de facteurs de production peu coûteuses et elles peuvent même être moins mobiles. De fait, en ce qui concerne la réaction des entreprises aux variations de prix à court terme (comme celles qui sont causées par les fluctuations des taux de change) des biens importés qui concurrencent leurs produits, nous avons observé que les multinationales sont susceptibles de constituer une source de stabilité en matière d'emploi dans le pays. Par contre, les EMN réagissent de façon beaucoup plus vigoureuse que les entreprises nationales aux modifications structurelles à plus long terme des avantages comparatifs (ou aux pressions en faveur de ces modifications), que signalent les prix relatifs des importations par rapport aux prix intérieurs. En d'autres termes, il semblerait que les EMN soient particulièrement bien placées pour faire la distinction entre les modifications permanentes (ou structurelles) et les modifications temporaires (ou cycliques). Deuxièmement, les multinationales ne semblent pas plus portées que les entreprises du pays à fermer ou à vendre leurs usines lorsque la demande intérieure diminue. Ainsi, le sombre tableau que l'on brosse souvent des sociétés étrangères, qui seraient prêtes à fermer leurs usines et à quitter le Canada dès que la conjoncture s'assombrit, n'est pas confirmé par notre étude. Troisièmement (ici, les avis sont quelque peu partagés) les entreprises étrangères établies au Canada semblent avoir rationalisé leur capacité de production en réponse à la libéralisation du commerce et à la croissance du marché de manière à peu près identique, et pratiquement dans les mêmes proportions, que les entreprises canadiennes. Quatrièmement, dans les industries qui enregistrent une croissance rapide des échanges (équipement électrique et électronique, et produits chimiques, par exemple), les filiales canadiennes de multinationales américaines ont pris de l'expansion (en termes d'exportation et d'emplois) par rapport à celles qui sont établies dans d'autres pays développés. Il s'agit souvent d'industries où la recherche et le développement occupent une place très importante (machines autres qu'électriques et produits chimiques) et qui, de l'avis de beaucoup, sont appelées à offrir aux Canadiens les emplois de premier choix qu'ils désirent. Parallèlement, les filiales canadiennes des firmes américaines ont régressé dans les industries dont la croissance ralentit. L'exemple le plus éloquent à cet égard est celui de l'industrie de l'alimentation et des produits assimilés, quoique, dans ce cas, ce soit la propriété américaine de la production canadienne plutôt que la production canadienne en soi qui semble être devenue moins attrayante, vu que la pan du Canada dans les exportations des pays industrialisés, loin de diminuer, s'est accrue durant la période 1977-1983. En ce qui concerne les autres industries manufacturières notamment le bois, le papier et le textile, - les entreprises canadiennes affiliées à des sociétés américaines ont vu décroître leur importance en termes de pourcentage de l'emploi par rapport aux filiales établies dans d'autres pays industrialisés. Ce phénomène s'explique par le fait que le Canada est devenu un lieu de production moins attrayant, car sa part dans les exportations des pays industrialisés a chuté dans cette catégorie entre 1977 et 1983. Cinquièmement, tandis que, dans de nombreuses industries, la main-d'oeuvre employée dans des filiales canadiennes à participation majoritaire de sociétés américaines a eu tendance à diminuer par rapport à celle des sociétés mères, nos recherches indiquent que la perte tend à être plus faible dans les industries où les obstacles que le Canada avait dressés contre le commerce ont le plus diminué. Ainsi, du moins si l'on se base sur l'expérience récente, la libéralisation des échanges est associée au maintien des firmes américaines au Canada, plutôt qu'à leur départ, ce qui, encore une fois, ne correspond pas du tout à ce que l'on croit généralement. Conclusion. Les résultats résumés ici montrent que l'économie canadienne est en mesure de s'adapter, et qu'elle ne manque pas de le faire, à l'intensification de la concurrence inter nationale. Le marché canadien du travail est soumis continuellement au changement. Nous avons observé que, dans une année type, 8 % des emplois disparaissent dans le secteur manufacturier à cause des fermetures d'usines et des contractions, tandis que le nombre des emplois créés par des ouvertures d'usines et des expansions augmente de 9 %. Le comportement des travailleurs ajoute une autre dimension importante au renouvellement qui se produit sur le marché du travail. Les mouvements effectués à l'initiative du travailleur touchent, dans une année type, au moins 10 % de la main-d'oeuvre utilisée dans le secteur manufacturier (sans tenir compte des mouvements temporaires). A cela le marché du travail dans les industries vulnérables ne fait pas exception. De plus, des études faites sur la mobilité des travailleurs dans des industries particulières révèlent que le changement constant est lié à la mobilité considérable qui existe entre les industries et les activités professionnelles, quoique les travailleurs relativement âgés et ceux qui vivent dans des collectivités où la base industrielle est étroite puissent connaître des problèmes d'adaptation particuliers. Certes, nous ne disposons pas de données pour mesurer les épreuves attribuables aux changements et aux pertes d'emploi, mais nos observations nous fournissent certainement un cadre à l'intérieur duquel nous pouvons nous préparer pour les changements structurels à venir. Les données recueillies indiquent aussi que les firmes canadiennes et étrangères réagissent souvent de la même façon aux impératifs du changement. Mais lorsque des différences se dégagent, la présence de fumes étrangères semble renforcer, et non affaiblir, la capacité du secteur manufacturier canadien de s'adapter aux pressions en faveur du changement. Enfin, les filiales canadiennes de sociétés américaines ont tendance à accroître davantage leurs effectifs que les filiales installées dans d'autres pays développés, dès qu'il s'agit de branches d'activité où la recherche et le développement occupent une place prédominante et où, selon plusieurs, le Canada devrait détenir un avantage comparatif. La principale conclusion à tirer de ces résultats est que l'adoption d'une politique d'adaptation distincte, basée sur la nationalité des propriétaires des entreprises, n'est pas justifiée. 4- Les politiques d'adaptation sectorielles. Nous avons vu dans la section précédente que les réactions des personnes et des entreprises aux pressions en faveur du changement engendrent dans l'économie canadienne une adaptation continuelle et d'une ampleur considérable. Si les politiques-cadres, en général, rendent possible et facilitent cet ajustement constant, on estime cependant, dans quelques cas, que les impératifs du changement imposent un fardeau intolérable à des régions, des industries ou des groupes de travailleurs particuliers. C'est alors que les gouvernements interviennent pour adopter et mettre en oeuvre des politiques sectorielles spécifiques. Ces interventions sectorielles ont-elles favorisé ou retardé l'adaptation ? Ont-elles complété ou contrecarré les politiques-cadres ? Pour répondre à ces questions, nous procéderons de façon très méticuleuse en commençant par établir une distinction qui s'impose entre les objectifs déclarés d'une politique sectorielle et sa mise en oeuvre effective ou son évolution. Nous examinons dans les pages qui suivent trois outils d'intervention qui ont été utilisés pour aider les industries sur lesquelles les pressions de la concurrence internationale ont eu une incidence néfaste: - Les mesures spéciales relatives aux importations, qui désignent ici les limitations quantitatives au volume de biens spécifiés qui peuvent être importés au Canada de l'ensemble des pays étrangers (quotas globaux) ou de certains pays (restrictions bilatérales ou limitation «volontaire» des exportations). - Les subventions aux entreprises et à l'industrie, qui visent habituellement à moderniser l'équipement d'une industrie de façon à ce qu'elle soit mieux en mesure de concurrencer les producteurs étrangers. - Les politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre, qui essaient d'encourager les travailleurs à se trouver un autre emploi en leur fournissant une assistance financière, destinée à faciliter leur formation et leur mobilité; c'est également dans cette catégorie qu'il faut classer les politiques de maintien du revenu, ayant pour but d'aider les travailleurs âgés qui ont épuisé leurs prestations d'assurance-chômage et n'ont guère de possibilité de se trouver un nouvel emploi. Les industries que nous avons retenues pour cette analyse sont celles où ces trois outils d'intervention ont été utilisés à grande échelle au cours des 10 à 15 dernières années: textile et vêtement; chaussure; automobile; construction de navires; pâtes et papiers. La figure 2 résume les principales caractéristiques de chacun de ces outils, telles qu'elles ressortent de l'utilisation qui en a été faite pour aider les cinq industries en question. Objectifs. La promotion de l'adaptation est un objectif déclaré souvent le seul objectif - de chacune des mesures de politique sectorielle que nous avons examinées. La figure 3 contient des exemples de divers objectifs de programmes, tous conformes à la politique d'«adaptation positive» que nous avons décrite dans la section. Les mesures spéciales relatives aux importations visaient à fournir à des industries en difficulté «un moment de répit», à la faveur duquel elles pourraient procéder aux ajustements nécessaires pour affronter la nouvelle concurrence internationale. En effet, une poussée soudaine des importations peut causer un tort immense aux producteurs du pays, avec les conséquences néfastes que cela suppose pour la main-d'oeuvre et le capital. L'adoption de quotas temporaires donne alors à l'industrie le temps de réagir. L'accroissement des importations, en effet, peut signifier que le Canada a perdu son avantage comparatif dans une industrie particulière. Si tel est le cas, certaines entreprises et leurs travailleurs peuvent décider de s'établir ailleurs, tandis que d'autres entreprises peuvent penser que la meilleure mesure à prendre, pour elles, est de rationaliser et de revitaliser leurs opérations pour accepter le défi que pose le nouveau contexte de concurrence. Le moment de répit qu'accordent les limitations temporaires des importations permet aux travailleurs et aux entreprises d'examiner les choix qui s'offrent à eux et de prendre les mesures appropriées. De ce point de vue, les quotas devraient faciliter une adaptation graduelle, à la fois en parant aux conséquences douloureuses sur le plan social (accentuation du chômage en particulier) que cette conjoncture risquerait d'avoir et en donnant aux entreprises et aux personnes le temps de s'adapter. Les subventions, qui constituent le deuxième outil d'intervention sectorielle, avaient en général pour but d'encourager un accroissement des investissements de sorte que les producteurs canadiens puissent améliorer leurs installations et renforcer leur compétitivité internationale. Des subventions ont été accordées, par exemple, dans les cas où la machinerie et le matériel dans une industrie canadienne étaient vétustes et inefficients comparativement à ceux des principaux concurrents étrangers. Elles visaient alors à financer une partie du coût de la modernisation de l'équipement et devaient suffire à stimuler de nouveaux investissements, permettant aux entreprises canadiennes de concurrencer les producteurs des autres pays sur le marché intérieur ou même à l'étranger. Enfin, les mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre avaient pour but d'encourager et de faciliter l'ajustement des travailleurs des industries touchées par la concurrence internationale. Les programmes adoptés dans les années 70 ont été appliqués à tous les travailleurs de certaines industries - textile, vêtement et chaussure. Par contre, quelques-uns des programmes des années 80 visaient spécifiquement les travailleurs d'industries désignées de certains marchés locaux, c'est-à-dire les industries dans lesquelles une adaptation économique importante entraînait de fortes pertes d'emplois. A la différence des désignations des années 70, qui s'appliquaient à l'ensemble du Canada et étaient fonction de la concurrence internationale, la désignation des industries ou des collectivités bénéficiaires n'était liée à aucune cause en particulier. Ainsi, les objectifs officiels des programmes d'adaptation sectoriels se situaient plutôt du côté de l'«adaptation positive» dans l'éventail des politiques et tendaient à répondre aux considérations d'efficience et d'équité sur lesquelles se fonde dans ce cas l'intervention gouvernementale. Les programmes devaient encourager et faciliter l'adaptation, être temporaires et, dans certains cas, être éliminés graduellement. Ils avaient nettement pour fonction de renforcer et de compléter les politiques-cadres. La mise en oeuvre. La réalité de la mise en oeuvre de ces politiques s'est révélée différente des intentions exprimées dans les déclarations, les communiqués de presse et les discours des ministres ainsi que dans les traités internationaux. Ainsi, au lieu de favoriser l'«adaptation positive», les programmes d'assistance sectorielle (à l'exception de ceux qui visaient l'industrie de la chaussure) ont eu tendance à retarder l'adaptation en succombant à la tentation du «néo-protectionnisme». Le moment de répit que les mesures spéciales relatives aux importations étaient censées donner aux entreprises pour encourager l'adaptation, loin d'être de courte durée, a au contraire été très long. Par exemple, bien que l'entente bilatérale de limitation volontaire des exportations d'automobiles conclue par le Canada avec le Japon ait été reconduite à quelques reprises depuis son entrée en vigueur en 1981, il n'a jamais été fait mention d'une date appropriée pour y mettre fin. C'est un peu la même chose qui s'est produite pour l'Arrangement multifibres (AMF), un accord multilatéral signé en 1974 dans le cadre du GATT, qui permet à deux pays signataires (il s'agit en général d'un producteur où les salaires sont bas et d'un pays importateur membre de l'OCDE) de conclure des ententes bilatérales sur les échanges dans le secteur du textile. Dans son Article premier, l'AMF se donne comme objectif de réaliser «l'expansion du commerce, l'abaissement des obstacles à ce commerce et la libéralisation progressive du commerce mondial, tout en assurant le développement ordonné et équitable du commerce de ces produits et en évitant les effets de désorganisation sur des marchés et sur des types de production aussi bien de pays importateurs que de pays exportateurs». Depuis son entrée en vigueur, cependant, l'AMF est devenu de plus en plus restrictif. En outre, les importations au Canada de textiles et, en particulier, de vêtements ont augmenté malgré des ententes bilatérales conclues en vertu de l'AMF. Par ailleurs, cet arrangement (qui perpétuait des mesures protectionnistes datant des années 60 contre les importations de tissus de coton) n'a pas été éliminé graduellement comme cela avait été prévu à l'origine, mais plutôt prorogé à trois reprises, et il est maintenant prévu qu'il expirera en 1991. Malgré tout, on ne saurait nier qu'il s'est produit une adaptation considérable dans ces industries pour d'autres raisons. On remarque, par exemple, que celle du textile a procédé à une importante substitution de fibres et qu'elle a augmenté son intensité de capital. Dans la pratique, les trois programmes de subventions que nous avons étudiés n'ont pas réalisé l'objectif d'encourager l'adaptation positive. Dans l'industrie de la construction de navires, le programme a été remplacé par un autre train de mesures visant à mettre l'industrie à l'abri des remous de la concurrence internationale. Même lorsque le Programme d'aide aux constructeurs de navires était en vigueur (1975-1985), le montant de la subvention, qui était censé diminuer peu à peu, a été augmenté à plusieurs reprises. Dans le cas du textile et du vêtement, le programme de subventions s'est terminé en 1986, mais la promesse d'une réduction des restrictions quantitatives n'a pas été tenue. En revanche, le Canada a donné son assentiment au renouvellement, en 1986, de l'Arrangement multifibres, qui limitait davantage les importations. Enfin, bien que le Programme de modernisation de l'industrie des pâtes et papiers ait été aboli en 1984, le gouvernement fédéral a continué de subventionner cette industrie dans le cadre d'autres programmes. Ainsi, loin de jouer un rôle de catalyseur, les subventions n'ont guère attiré de nouveaux capitaux pour moderniser les installations dans ces industries. Les politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre ont été élaborées pour résoudre les problèmes dont il a été question dans la section 3, notamment le risque élevé d'un ajustement plus difficile pour les travailleurs âgés et pour la main-d'oeuvre des régions où la base industrielle était étroite. Les programmes de préretraite et de réemploi allaient de pair avec l'intervalle fourni par les restrictions quantitatives et devaient faciliter le recyclage rendu nécessaire par la modernisation de l'équipement. Mais, comme nous l'avons vu. La mise en oeuvre de limitations des importations et des subventions, a retardé l'adaptation au lieu de la favoriser. Ainsi, les programmes d'adaptation de la main-d'oeuvre n'ont eu que très peu de possibilités de prouva leur utilité. Le seul élément positif qui ressort de notre examen de la mise en oeuvre de ces politiques a trait aux restrictions quantitatives dans l'industrie de la chaussure, qui ont été en général utilisées de façon conforme à l'objectif d'«adaptation positive». En effet, les quotas, annoncés comme des mesures temporaires, ont bel et bien été supprimés. De fait, le gouvernement avait explicitement opté pour l'élimination dans sa référence de 1984 au Tribunal canadien des importations. Le tribunal avait posé les questions qu'il fallait, entrepris l'analyse appropriée et déposé son rapport de manière pertinente et opportune. L'expérience de la chaussure est un exemple de situation où le Canada a respecté les engagements qu'il a contractés dans le cadre du GATT en ce qui concerne les procédures et le calendrier à suivre dans l'institution de quotas globaux contre les importations qui portent un grave préjudice à l'industrie du pays. De la parole aux actes. On voit donc que si les mesures spéciales relatives aux importations et les subventions, de par leurs objectifs, se situent, dans l'éventail des politiques illustré à la figure 1, du côté de l'«adaptation positive», dans leur application, en revanche, elles s'apparentent davantage au «néo-protectionnisme». Cela s'explique principalement par les revendications protectionnistes et les pressions politiques que ces revendications ont entraînées. On est alors en droit de se demander pourquoi les politiques ont si rarement été mises en oeuvre de manière conforme à leurs objectifs. Il y a deux explications possibles à cela. Premièrement, il est possible que la politique ait été mal conçue, qu'elle repose sur une analyse fausse ou encore qu'elle ne tienne pas compte d'une analyse correcte, parce que le choix que celle-ci suppose en matière d'adaptation n'est pas attrayant. Deuxièmement, il se peut qu'un programme comporte des stimulants qui favorisent sa continuation une fois qu'il est en place, et ce, de façon tout à fait indépendante des raisons pour lesquelles il a été adopté à l'origine. Nous étudions ces deux questions dans les pages suivantes. La définition du problème. Pour qu'une politique soit mise en oeuvre d'une manière conforme aux objectifs déclarés, il faut se poser les bonnes questions à la fois au sujet du problème d'adaptation et de sa solution: - Y a-t-il un problème? Dans l'affirmative, quelle en est la nature ? Comment pouvons-nous le mesurer ? Quelle en est la cause ? - L'intervention gouvernementale est-elle nécessaire ? Quelle forme devrait-elle prendre ? Quels sont les coûts et les avantages de chaque outil ou forme d'intervention ? - Quels critères devrait-on utiliser pour établir une distinction entre les diverses politiques possibles ? - Combien de temps devrait durer l'intervention ? - Quels critères devraient être choisis dès le départ pour déterminer le succès ou l'échec du programme envisagé ? A part une exception digne d'être mentionnée, les enquêtes menées sur l'industrie de la chaussure par le Tribunal canadien des importations (particulièrement si l'on considère le mandat confié en 1984 au tribunal et le rapport déposé par ce dernier en 1985), il ne semble pas que l'on ait posé les bonnes questions lorsque le gouvernement envisageait d'appliquer des mesures pour faciliter l'adaptation dans les cinq industries menacées par la concurrence étrangère. En ce qui concerne les industries vulnérables, le processus actuel d'élaboration des politiques ne semble pas encourager l'examen systématique des politiques sectorielles passées, présentes ou proposées, examen au cours duquel on pourrait poser les questions appropriées et les étudier en profondeur. La législation en venu de laquelle sont institués les programmes de subventions est souvent très vague et laisse donc une grande latitude quant à la mise en oeuvre. Dans le cas du Programme de modernisation de l'industrie des pâtes et papiers, cette latitude avait attiré l'attention de la Commission de réforme du droit du Canada, qui, après considération de l'autorisation réglementaire, avait exprimé l'avis suivant: «la formulation de l'objectif est extrêmement vague; le mandat de l'Administration est très vaste, mais les autorités n'ont que très peu de critères d'application en main». Voilà peut-être pourquoi l'industrie des machines et de l'équipement utilisés pour la fabrication des pâtes et papiers a été l'un des principaux bénéficiaires du programme. Le programme visait à encourager l'utilisation d'équipements canadiens dans les usines de pâtes et papiers en dépit du fait que l'industrie canadienne de la machinerie et du matériel avait de la difficulté à soutenir la concurrence étrangère. Dans le cas de la limitation volontaire des exportations d'automobiles japonaises, nous n'avons pu trouver aucun texte réglementaire autorisant le gouvernement fédéral à négocier des limitations particulières au commerce. Aussi est-il difficile de déterminer si un tel programme a atteint ses objectifs. Certes, le gouvernement avait confié l'étude de la question à un groupe de travail présidé conjointement par des représentants du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile et de l'Association des manufacturiers de pièces d'automobile. Mais il est difficile pour un groupe de travail composé des parties intéressées de procéder à une analyse objective quand les enjeux sont si importants. Un calendrier crédible. Lorsque le gouvernement décide, pour quelque raison que ce soit, d'aider une industrie en la protégeant contre la concurrence étrangère, les attentes que travailleurs et employeurs entretiennent à l'égard de la durée de cette assistance sont susceptibles d'influencer leurs décisions en matière d'adaptation. Si le programme a une date d'échéance clairement spécifiée et que l'on s'attend à ce que cette échéance soit respectée, l'industrie sera encouragée à s'adapter activement, car elle saura que les forces de la concurrence étrangère ne tarderont pas à se manifester de nouveau. Par contre, si les employeurs et les travailleurs s'attendent à ce que le programme soit prolongé ou réapparaisse sous une autre forme au terme de la période prévue, ils intégreront de manière rationnelle ces attentes dans leur comportement, et seront moins incités à s'adapter, ce qui retardera le processus. Dans la mesure où les fournisseurs étrangers améliorent leur efficience et réduisent leurs coûts plus rapidement que les entreprises canadiennes, l'ampleur et la portée de l'adaptation nécessaire augmenteront plutôt que de diminuer. Et cela renforcera d'autant les revendications en faveur du maintien de la protection. L'examen que nous avons fait de la mise en oeuvre des politiques sectorielles, et dont on trouvera un compte rendu beaucoup plus complet dans notre rapport de recherche et dans plusieurs études techniques, indique que les gouvernements ont un grave problème de crédibilité. Pour plusieurs industries - notamment la construction de navires, le textile et le vêtement -, le gouvernement avait annoncé, dès la création des programmes, une date ou un mécanisme pour y mettre fin. Mais ces dates n'ont pas été respectées, comme nous l'avons vu ci-dessus et comme le montre la figure 2. Dans d'autres cas (l'automobile, par exemple), le problème ne se pose même pas, car aucune date n'a jamais été fixée pour mettre un terme à la limitation volontaire des exportations de voitures japonaises au Canada. Or, il va de soi que si le gouvernement ne s'engage pas à mettre fin à des restrictions quantitatives ou à des subventions, ou si cet engagement n'est pas pris au sérieux, les travailleurs et les entreprises modifieront leurs attentes en conséquence, et l'adaptation sera retardée. Pour mettre à profit le moment de répit. Les restrictions quantitatives ont pour but d'accorder aux entreprises et aux travailleurs un moment de répit durant lequel ils ont la possibilité de s'adapter en recourant à la rationalisation ou en passant à une autre industrie ou une autre entreprise. La réussite de l'adaptation dépend d'un certain nombre de facteurs. A cet égard, nous avons déjà mentionné qu'il importe d'établir un calendrier crédible de retrait des programmes d'assistance sectorielle. Il est également important de savoir si le quota est global (s'il s'applique aux biens spécifiés, de toutes provenances) ou sélectif (s'il s'applique seulement à un ou à quelques pays). Les quotas limitent généralement le niveau des importations, ce qui a pour effet de relever le prix des biens importés. Dans le cas d'un quota sélectif, les entreprises du pays visé peuvent normalement, si leur gouvernement répartit ce quota entre elles, obtenir un taux de rendement plus élevé sur leurs exportations qu'en situation normale. Par exemple, selon les estimations, les constructeurs japonais d'automobiles, en 1984, ont réalisé sur leurs ventes aux États-Unis un bénéfice additionnel de pas moins d'un milliard de dollars US, simplement en limitant volontairement leurs exportations vers les États-Unis. Étant donné que les mesures de limitation des importations permettent aux producteurs étrangers de vendre à des prix plus élevés, ceux-ci sont en mesure de s'efforcer davantage de maintenir et d'améliorer l'avance qu'ils ont sur leurs concurrents canadiens. Il n'est alors pas impossible que les producteurs canadiens se découragent et renoncent à profiter du moment de répit devant leur permettre de revitaliser leurs opérations. Les quotas globaux risquent moins de causer ce type de problèmes. Ils sont en général accordés à des importateurs, des manufacturiers et des détaillants canadiens qui peuvent se procurer leurs marchandises n'importe où dans le monde. Par conséquent, les bénéfices provenant du relèvement des prix des importations ne vont pas à des producteurs d'autres pays mais ils peuvent plutôt revenir aux manufacturiers canadiens, qui pourront les utiliser pour favoriser l'adaptation. Les restrictions quantitatives à caractère sélectif présentent une autre faiblesse. Elles visent d'habitude les producteurs dont les coûts sont peu élevés. Or, si le prix des biens de ces producteurs augmente sensiblement sur le marché canadien, les entreprises des pays non touchés par les quotas se trouveront encouragées à produire ces biens et à les expédier au Canada. Ce phénomène peut se produire plus rapidement dans des industries comme le vêtement et la chaussure, où l'entrée est relativement facile, que dans l'industrie de l'automobile, qui exige des investissements importants. L'application d'un quota sélectif qui conduit à l'arrivée de nouveaux concurrents peut aller carrément à l'encontre des objectifs de la période de transition. Au lieu d'encourager les entreprises du pays à s'adapter, cela risque d'engendrer des revendications en faveur de restrictions bilatérales contre les nouveaux fournisseurs. C'est ce qui s'est produit dans l'industrie de l'automobile et dans celles du textile et du vêtement en venu de l'Arrangement multifibres. Si les coûts de production dans les pays non touchés par les restrictions sont plus élevés que ceux des pays touchés, et que les quotas sélectifs rendent l'exportation rentable pour les producteurs dont les coûts sont les plus élevés, on aura affaire, d'un point de vue mondial, à une affectation inefficace des ressources. Les quotas globaux, qui se limitent à fixer un plafond aux importations de toutes provenances, ne comportent pas ces lacunes. Un autre problème lié aux quotas, qu'ils soient globaux ou sélectifs, est le déplacement vers les produits haut de gamme. Quand le quota est fixé en termes de volume, comme c'est habituellement le cas, les exportateurs ont intérêt à se concentrer davantage sur les biens touchés qui leur permettent de réaliser les plus fortes marges de profit. Ce déplacement est beaucoup plus susceptible de se produire dans des industries comme l'automobile, la chaussure et le vêtement, où les marchandises sont nettement différenciées, que dans les industries qui produisent des biens relativement homogènes. La conversion aux produits haut de gamme oriente en général la production vers des marchandises plus raffinées en termes de présentation, de conception ou de technologie, ce qui a habituellement pour effet de laisser les importations pénétrer les secteurs du marché où les producteurs canadiens jouissaient auparavant d'un avantage. Par exemple, dans le cas de l'automobile, on a prétendu que l'accord conclu avec le Japon sur la limitation volontaire des exportations avait en réalité accéléré l'installation des constructeurs japonais sur le marché des voitures de taille intermédiaire, bastion traditionnel des constructeurs nord-américains. Par conséquent, les quotas, contrairement à l'objectif initial, risquent de raccourcir le «moment de répit» en augmentant le taux de pénétration des importations dans le secteur du marché où les producteurs du pays se sentaient le plus en sécurité. La question fondamentale est de savoir si les restrictions bilatérales entraînent un déplacement plus rapide que les restrictions globales vers les produits haut de gamme. La réponse à cette question dépend d'un certain nombre de facteurs, notamment l'importance des pays frappés par les restrictions sélectives, leur aptitude à orienter leur production vers le haut de gamme, le risque que les pays non visés par les quotas deviennent de nouveaux concurrents, et l'ampleur ainsi que la distribution des avantages réalisés dans le pays exportateur. Si les producteurs frappés par un quota sélectif touchent la différence résultant de la hausse des prix, sont en mesure de se convertir à une production haut de gamme et se voient concurrencés par les pays non touchés par les restrictions, la conversion aux produits haut de gamme risque de se produire plus rapidement que si l'on avait appliqué un quota global. Dans notre examen, nous avons observé que cette conversion s'est produite dans le cas de quotas sélectifs (par exemple, l'automobile), mais beaucoup moins dans celui de quotas globaux (par exemple, la chaussure). Il est assez difficile de déterminer si cela est dû à la nature du produit assujetti au quota, à la manière particulière dont le quota a été administré ou au pays visé. En tout état de cause (qu'il s'agisse de quota bilatéral ou global), plus la période d'application du quota est courte, plus le processus de déplacement vers les produits haut de gamme aura tendance à être lent. Les encouragements à l'adaptation. Qu'ils soient bilatéraux ou globaux, les quotas permettent aussi aux producteurs du pays de gonfler les prix qu'ils auraient pratiqués en l'absence de restrictions commerciales. Il va de soi qu'une fois habituées à ces prix plus élevés, les entreprises ont intérêt à les maintenir, que l'adaptation réussisse ou non. Par conséquent, peu importe comment on justifie une politique de restriction des importations (que ce soi pour des raisons d'efficience économique et d'équité ou pour des motifs politiques),une fois que l'avantage est créé, il est tout probable qu'un certain nombre de groupes, y compris les titulaires de quotas, unissent leurs efforts pour faire en sorte que se perpétue le système des quotas. Ainsi, une des raisons pour lesquelles les programmes de restrictions quantitatives tendent à se prolonger est que leur création même met en place les conditions qui plaideront en faveur de leur maintien. Conclusion. L'expérience globale de l'adaptation que nous avons examinée dans la section 3 et le bilan des politiques sectorielles que nous venons de dresser confirment notre point de vue, à savoir que l'approche de l'adaptation positive est la bonne. Certes, la réalité montre qu'il est difficile de l'appliquer en utilisant des politiques sectorielles. En règle générale, ces politiques ont non pas facilité mais retardé l'adaptation, sans compter que leur rendement a été plutôt faible. Par exemple, si la préservation de l'emploi a été un objectif fréquemment visé - bien que non déclaré - de toutes ces politiques, les résultats obtenus ont été dans la plupart des cas assez marginaux: les quotas de l'industrie de la chaussure ont fait augmenter le chiffre de l'emploi de 2,1 à 4,4 % (350 à 700 emplois); dans l'industrie de l'automobile, l'augmentation de 12 % (3 180 emplois) qui a été enregistrée de 1982 à 1985 était due à la limitation volontaire des exportations de voitures japonaises. Mais les programmes de restrictions quantitatives et de subventions fournissent aussi une aide à des entreprises et des travailleurs qui ne quitteraient pas nécessairement l'industrie si les programmes étaient graduellement abolis mais qui, selon toute probabilité, subiraient une perte de revenus imputable à l'intensification de la concurrence. C'est pourquoi - aussi paradoxal que cela puisse paraître - les programmes qui ont une incidence négligeable sur l'emploi bénéficient d'un soutien considérable auprès des travailleurs et des entreprises. Nous ne nions pas que les mesures sectorielles soient un élément valable et potentiellement utile d'une politique d'adaptation. Mais l'expérience canadienne que nous avons étudiée indique qu'un certain nombre de mesures correctives doivent être prises pour que la mise en oeuvre de la politique serve la réalisation de l'objectif d'une adaptation positive. 5- L'adaptation dans un monde imparfait. Dans cette dernière section, le Conseil formule un ensemble de principes susceptibles d'aider le gouvernement à gérer l'adaptation et, en particulier, à faire face aux revendications d'intervention engendrées par les pressions de la concurrence. Comme nous l'avons vu, les gouvernements doivent agir dans un monde imparfait; ils subissent les contraintes héritées du passé et les pressions de nombreux groupes de la société. Néanmoins, ils disposent d'une grande marge de manoeuvre pour gérer l'adaptation et les décisions qu'ils prennent ont des conséquences d'une portée considérable. Dans les sections précédentes, nous avons résumé les résultats de notre examen de l'adaptation continuelle des entreprises et des travailleurs canadiens, ainsi que nos recherches sur le fonctionnement des politiques spéciales d'adaptation sectorielle. Nos observations, qui sont étoffées dans notre rapport de recherche, nous amènent à conclure que l'on peut en général se fier au marché canadien, qui est structuré par des politiquescadres judicieuses, pour qu'il émette les signaux - évolution des prix, pénuries, excédents - qui orienteront la main-d'oeuvre et les capitaux vers une adaptation positive. Cela ne veut pas dire pour autant que le mécanisme de marché soit exempt de lacunes - la section 2 révèle par exemple des imperfections au chapitre de la formation - ou que l'adaptation s'effectue toujours sans heurts et sans douleur. Néanmoins, nos observations nous amènent à privilégier l'adaptation par le biais des politiques-cadres (qui comprennent, comme nous allons le voir, les politiques applicables au marché du travail) et à considérer les politiques sectorielles spéciales comme des exceptions, auxquelles il ne faut recourir que dans des conjonctures particulières et après avoir établi des mécanismes précis pour évaluer leurs effets. En conséquence: 1- Nous recommandons que les gouvernements fassent tous les efforts possibles pour élaborer, maintenir et renforcer des politiques-cadres qui facilitent et favorisent le déplacement des ressources des activités moins productives vers les activités plus productives, de la manière la moins coûteuse pour la société. Les politiques sectorielles spécifiques devraient, où qu'elles soient adoptées, respecter le même principe. Les politiques sectorielles. Notre analyse des politiques sectorielles d'aide à l'adaptation indique que ces politiques, dont l'objectif déclaré était pourtant de favoriser l'adaptation au changement, ont, dans les faits, retardé cette adaptation. De toute évidence, les bonnes intentions ne suffisent pas. Étant donné que les objectifs et les déclarations à l'origine de ces politiques allaient en général dans le sens de l'adaptation positive, nos propositions et recommandations visent à aligner la mise en oeuvre des politiques sur les objectifs poursuivis. Aider la main-d'oeuvre, et non les entreprises. Dans l'examen général des mérites relatifs des politiques d'aide à l'adaptation de la main-d'oeuvre et des entreprises (voir la section 2), nous avons franchement pris position en faveur de programmes qui aident les travailleurs plutôt que les entreprises. Notre analyse du fonctionnement des programmes d'aide aux entreprises dans la pratique confirme la justesse de ce point de vue. Les subventions accordées aux entreprises et aux industries pour moderniser leur équipement, en dépit des objectifs poursuivis, n'ont pas favorisé l'adaptation. Bien qu'il soit théoriquement possible d'encourager l'accroissement des investissements du secteur privé au moyen de subventions, nous en arrivons, après vérification, aux conclusions suivantes: 1) en général, les subventions à la modernisation n'ont pas encouragé les entreprises à effectuer de nouveaux investissements; 2) les programmes de subventions ne se justifiaient pas par des considérations d'efficience ou d'équité. Ces conclusions s'imposent en effet, que le programme soit administré par un ministère ou par un organisme indépendant, que l'industrie visée se trouve aux prises avec la concurrence internationale au Canada ou sur les marchés d'exportation, et, enfin, que le programme poursuive spécifiquement ou non un objectif d'accroissement des investissements. Par contre, il existe de solides arguments en faveur de l'intervention gouvernementale quand elle vise à faciliter l'adaptation des travailleurs. Les mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre que nous avons examinées sont conformes, dans leur esprit, au fondement et aux objectifs de l'adaptation positive. Si elles n'ont pas vraiment pu faire la preuve de leur utilité jusqu'ici, c'est parce que d'autres programmes sectoriels (restrictions quantitatives et subventions aux entreprises) ont en fait retardé l'adaptation. Par conséquent: 2- Nous recommandons que le gouvernement, lorsque la concurrence internationale a des effets néfastes sur une industrie ou une entreprise particulière, adopte des politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre plutôt que de subventionner l'industrie ou l'entreprise pour qu'elle modernise son équipement. Cette recommandation s'inspire du fait que les ressources sont rares et que le Canada ne peut se permettre d'adopter des programmes de subventions à la modernisation qui ont un faible rendement. Cependant, notre recommandation ne s'applique qu'aux subventions de modernisation accordées à des industries particulières qui subissent les contrecoups de la concurrence internationale. Les autres formes d'assistance gouvernementale aux entreprises (y compris le soutien à la recherche et au développement et l'aide aux petites entreprises), qui constituent la majeure partie de l'assistance aux entreprises et à l'industrie, n'ont pas été étudiées ici. Pour une utilisation efficace des quotas. Les quotas donnent à la main-d'oeuvre et au capital le temps de s'adapter. Dans la mesure où une forte augmentation des importations risque de causer un «grave préjudice» aux producteurs du pays, on est fondé à donner à l'industrie un moment de répit pour lui permettre de s'adapter. Par conséquent, nous appuyons l'utilisation des quotas qui visent à aider les industries mises en difficulté par la concurrence internationale, à condition que le Canada corrige les erreurs commises dans le passé. C'est pourquoi: 3- Nous recommandons que les quotas à l'importation soient: - globaux, et non bilatéraux; - temporaires, et non permanents; - éliminés graduellement (dégressifs), et non constants; - et qu'il y ait une date prévue pour leur levée. Ces lignes directrices découlent directement des conclusions énoncées dans la section 4 concernant le peu de sérieux que l'on accorde aux dates de retrait fixées par le gouvernement, la nécessité d'utiliser le moment de répit fourni par les quotas pour favoriser, au lieu de retarder, l'adaptation, et les avantages des quotas globaux par rapport aux quotas bilatéraux. Il convient de faire remarquer que les quotas globaux ne sont pas aussi inefficaces qu'on pourrait le croire. En effet, bien que le quota global s'applique à toutes les sources étrangères d'approvisionnement, il vise un produit particulier et même, dans certains cas, une fourchette de prix précis. Un quota global peut donc s'appliquer à une gamme choisie de produits à la condition que cette gamme ne soit pas étroite et surtout pas étroite au point que le quota remplace des restrictions sélectives. Nous tenons aussi à faire remarquer que même si notre analyse s'est limitée aux trois outils d'intervention gouvernementale qui ont été utilisés pour soutenir un groupe choisi d'industries, il existe d'autres moyens de combattre les effets perturbateurs des importations. Le Canada peut, par exemple, riposter aux exportations subventionnées en imposant des droits compensatoires ou en ayant recours, le cas échéant, aux droits antidumping. Dans le présent rapport de synthèse, nous ne traitons pas de ces mécanismes, qui sont tout à fait distincts des trois instruments que nous avons étudiés, et nous nous contentons de mentionner qu'ils peuvent servir à soulager, dans certaines circonstances, les entreprises ébranlées par la concurrence des importations. Dans les recommandations 4, 5, 6 et 7 qui suivent, nous développons les principes d'une application judicieuse des quotas, qui sont, à notre avis, l'instrument approprié pour combattre sur une base sectorielle les perturbations causées par les importations. Cependant, quelques-uns des principes énoncés ci-dessous (en particulier dans les recommandations 4 et 5) pourraient être appliqués à l'adoption d'autres politiques sectorielles - aux programmes de subventions, par exemple - si les gouvernements tenaient à les utiliser. L'énoncé du problème. Pour élaborer une politique efficace, il faut poser les questions pertinentes, évaluer les coûts et les avantages de l'intervention gouvernementale et étudier plusieurs solutions possibles. Ces démarches devraient se concrétiser dans des documents aisément accessibles aux décideurs, aux élus et au public. Une fois qu'un énoncé clair et concis du problème ainsi qu'une évaluation complète des coûts et des avantages des mesures de redressement proposées auront été intégrés au débat concernant l'adoption et la mise en oeuvre de politiques sectorielles, les partisans et les adversaires de ces politiques seront obligés de faire valoir leurs points de vue. Par conséquent: 4- Nous recommandons que les gouvernements, avant d'adopter des politiques sectorielles (en particulier des quotas à l'importation) visant à aider des industries ou des firmes victimes des effets néfastes de la concurrence internationale: - entreprennent une évaluation complète du problème à résoudre, ainsi que des coûts et avantages des autres politiques envisagées, y compris leur transparence, leur période d'application, leur nécessité et leurs répercussions sur les choix qui s'offrent à l'entreprise en matière d'adaptation; - mettent en oeuvre la politique choisie de façon à générer les renseignements nécessaires pour qu'on puisse l'évaluer de façon rétrospective; - et rendent accessibles au public ainsi qu'aux parties intéressées les documents qui résultent de l'examen initial et de l'examen rétrospectif. Si l'urgence de la situation exige une réaction rapide de la part du gouvernement, on pourra entreprendre l'évaluation après la mise en oeuvre de la politique. Ces évaluations n'auront pas seulement pour effet d'accroître la transparence du processus décisionnel; elles permettront également de prévenir l'adoption de politiques n'offrant que des perspectives de succès limitées. Un examen indépendant. Notre étude de la nature du processus d'examen requis pour mettre en oeuvre la recommandation 4 repose sur les quatre principes posés dans un précédent rapport («Rationalisation de la réglementation publique», publié en 1979): prise de décision éclairée, imputabilité, impartialité de la procédure et accès à l'information. Nous avons observé également qu'un des problèmes rencontrés par les organismes de réglementation soucieux de respecter ces principes est qu'ils deviennent fréquemment captifs de l'industrie qu'ils sont censés réglementer. Les organismes dont la compétence se limite à une seule industrie sont plus susceptibles que d'autres d'être accaparés par les préoccupations de cette industrie et par celles de sa main-d'oeuvre, et ils tireront vraisemblablement moins profit des expériences d'adaptation qui ont eu lieu dans d'autres secteurs. En conséquence: 5- Nous recommandons que l'évaluation de politique proposée dans la recommandation 4 soit entreprise par un tribunal indépendant et impartial, dont le mandat ne se limite pas à une seule industrie ou à un petit nombre d'industries. Ce tribunal tiendrait des audiences et publierait des rapports. Dans le respect des règles du GATT. Son économie étant petite et ouverte, le Canada a nettement intérêt à ce que tous les pays respectent les règles internationales qui régissent l'administration des mesures spéciales touchant les importations, et des autres mesures relatives aux échanges: droits compensatoires, dumping, politiques d'achat de l'État et subventions. Ces règles sont élaborées dans le cadre du GATT, mais leur mise en oeuvre dépend largement de l'interprétation que leur donne, en vertu des législations nationales, les tribunaux administratifs de chaque pays. Des pays vastes et économiquement puissants peuvent évidemment contourner ces règles ou les utiliser à leur profit plus facilement que les pays moins puissants. Par conséquent, ces derniers, dont le Canada fait partie, ont tout intérêt à ce que chacun respecte rigoureusement les règles. Pour encourager les autres pays dans cette voie, un des moyens qui s'offre au Canada est de respecter ces règles lui-même. En ce qui concerne les restrictions quantitatives, les intérêts du Canada lui commandent également de respecter les règles du GATT. L'Article 19 de l'Accord général constitue la principale mesure de sauvegarde - que l'on appelle parfois la «clause échappatoire» - concernant le droit, pour les gouvernements, d'aider les entreprises ou les industries qui éprouvent des difficultés par suite de la concurrence des importations, indépendamment de toute subvention étrangère ou de tout dumping. L'interprétation généralement donnée à cet article est que, si un grave préjudice (découlant d'un fort accroissement, ou «gonflement», des importations) menace les producteurs nationaux ou leur est causé effectivement, le pays touché peut relever ses tarifs, imposer des restrictions quantitatives ou prendre toute autre mesure appropriée. Toute mesure d'urgence prise en vertu de l'Article 19 doit clairement avoir une période d'application limitée - «dans la mesure et pendant le temps qui pourront être nécessaires pour prévenir ou réparer ce préjudice». Le Canada a adopté la législation lui permettant de se conformer aux dispositions de l'Article 19 de l'Accord général. C'est en vertu de cette législation que le gouvernement a demandé au Tribunal canadien des importations (TCI) de mener une enquête pour déterminer si les importations de chaussures étaient gravement préjudiciables aux producteurs canadiens et de lui présenter un rapport à ce sujet. Le TCI est un tribunal indépendant, quasijudiciaire, qui éclaire ses décisions par des recherches (les siennes propres et celles qu'il commande) et en étudiant les mémoires et les interventions d'un large éventail de groupes d'intérêts. Par exemple, les importateurs canadiens, les exportateurs, l'Association des consommateurs du Canada et le directeur des enquêtes et recherches du ministère de la Consommation et des corporations se sont exprimés durant l'enquête de 1984-1985 sur l'industrie de la chaussure. Cette participation a été très utile au tribunal pour étudier le vaste éventail de questions pertinentes que prévoyait le mandat étendu établi par le gouvernement. Au cours de notre examen de l'utilisation des restrictions quantitatives, nous avons été favorablement impressionnés par la manière dont le tribunal a mené ses diverses enquêtes dans l'industrie de la chaussure pour établir l'existence d'un grave préjudice aux termes de l'Article 19; nous avons également noté les mandats appropriés établis par le gouvernement pour ces enquêtes, particulièrement en 1984. Cette façon de faire va dans le sens de notre recommandation en faveur d'un examen exhaustif des politiques par un tribunal indépendant dont le mandat ne se limiterait pas à une industrie ou à un petit nombre d'industries. Cependant, ces examens constituent davantage l'exception que la règle. La «négociation» de la limitation des importations d'automobiles nous offre un exemple bien différent. Dans ce cas, il n'existe pratiquement aucune étude publique du lien entre l'outil d'intervention choisi et l'adaptation souhaitée, et le groupe de travail représentant l'industrie qui avait été nommé par le gouvernement n'a fait que très peu, pour ne pas dire rien, pour faire avancer le débat. La procédure pour déterminer l'existence d'une grave perturbation dans les industries du textile et du vêtement se situe généralement à mi-chemin entre l'expérience du TCI et celle du rapport du groupe de travail sur l'automobile. C'est pourquoi: 6- Nous recommandons: - qu'avant que les gouvernements n'imposent des quotas à l'importation, ils soumettent la question au Tribunal canadien des importations pour que celui-ci procède à une évaluation approfondie de la politique; - qu'après avoir imposé des quotas à l'importation, les gouvernements soumettent la question du maintien de ces quotas au TCI aux fins de réexamen dans un délai de trois ans; - et qu'avant comme après l'imposition de quotas à l'importation, le TCI tienne des audiences et publie un rapport. S'il s'agit d'un cas d'urgence, l'évaluation de la politique peut se faire une fois que des restrictions temporaires seront en place. Telle a été la politique du Canada lorsqu'il a imposé des restrictions quantitatives en vertu de l'Article 19 du GATT (dans les cas d'urgence, le gouvernement peut, dans certaines conditions, imposer une surtaxe temporaire pendant 180 jours, tandis que le TCI fait enquête, comme ce fut le cas dans l'industrie de la chaussure en 1977). Nous recommandons ici d'appliquer la procédure chaque fois que l'on se propose d'imposer des quotas. De cette façon, si le gouvernement venait à ignorer notre recommandation visant à éviter le recours à d'autres limitations volontaires des importations, les Canadiens seraient au moins assurés que la mise en oeuvre de ces restrictions serait transparente et que leurs coûts et leurs conséquences seraient convenablement documentés. Le lien entre avantages et adaptation. Les quotas à l'importation maintiennent les importations à un niveau inférieur à la normale, ce qui confère à certains de précieux avantages commerciaux, étant donné que le prix des marchandises étrangères sur le marché canadien est plus élevé que le prix mondial. Comme nous l'avons vu dans la section 4, la différence de prix va fréquemment au titulaire du quota. En somme, en imposant des quotas, le gouvernement crée ni plus ni moins des situations de monopole. Nous avons vu que des restrictions quantitatives différentes agissent différemment sur l'industrie du pays. La répartition des avantages des quotas entre Canadiens et étrangers, de même qu'entre différentes catégories de titulaires de quotas, varie également selon les modalités qui président à la répartition des quotas. Des quotas globaux imposés conformément aux règles du GATT offrent un exemple du partage des avantages. La répartition de ces quotas se fait généralement, selon les données antérieures, entre les entreprises qui ont importé dans le passé: détaillants, grossistes, fabricants et importateurs professionnels. En règle générale, tous les importateurs d'une année choisie (année de référence) ont le droit d'importer un pourcentage de leurs importations durant l'année de référence. Dans le cas de la chaussure, les produits importés peuvent provenir de n'importe quel pays. Ce sont les fonctionnaires du ministère des Affaires extérieures qui administrent les quotas: ils déterminent la répartition initiale et décident des changements ultérieurs, notamment les augmentations par rapport au niveau de référence (dont une partie peut être accordée à de nouveaux titulaires). Des modalités de répartition différentes découlent des restrictions bilatérales en vertu de l'Arrangement multifibres et des limitations volontaires des exportations d'automobiles. Dans ces cas, le Canada négocie le niveau global du quota de chaque pays pour chacune des marchandises soumises aux restrictions, bien que les règles et le cadre d'exécution soient différents chaque fois. C'est alors au pays exportateur qu'il incombe de répartir les quotas entre ses exportateurs. Ce qui caractérise, entre autres, les limitations volontaires aux exportations et les restrictions bilatérales en vertu de l'Arrangement multifibres, c'est que les quotas (et leurs avantages connexes) sont accordés à un pays en retour de son consentement à limiter ses exportations vers le Canada. Si plusieurs marchandises et plusieurs pays sont concernés, la négociation des limitations volontaires peut exiger beaucoup de temps. Le Canada peut inciter le pays exportateur à négocier de tels accords en lui offrant des avantages financiers. Dans la recommandation 3, nous disions notre préférence pour les quotas globaux, par opposition aux accords bilatéraux de limitation comme ceux qu'autorise l'AMF. Mais alors, comment devrait se faire la répartition des quotas ? Une solution de rechange par rapport au système actuel - et qui serait compatible avec les obligations du Canada dans le cadre du GATT - serait de mettre les quotas aux enchères. Le gouvernement continuerait d'établir un plafond pour les importations mais, au lieu que le ministère des Affaires extérieures dénombre les importateurs pour l'année de référence, le quota serait divisé en lots uniformes et mis aux enchères. Les quotas pourraient être établis pour une période de trois mois, d'une année ou pour une période plus longue, selon la nature de la marchandise et le cycle normal des commandes. La mise aux enchères des quotas offre plusieurs avantages par rapport à la méthode utilisée actuellement: - Il en résulte une plus grande transparence; en attachant aux quotas un certain montant en dollars - 3 $ par paire de chaussures ou 1 000 $ par automobile, par exemple -, on rend plus visibles les politiques de limitation des importations et on donne aux électeurs et aux élus une idée plus précise des coûts de ces politiques. - L'attribution de quotas aux importateurs, producteurs, détaillants et autres agents économiques se fonde actuellement sur les données antérieures en matière d'importation. Cela exclut ou décourage de nouveaux arrivants, et risque donc de réduire la concurrence dans l'industrie. Si les quotas sont mis aux enchères, les gains fortuits découlant du quota iront au gouvernement et le titulaire du quota ne pourra s'en servir comme avantage comparatif pour faire obstacle à de nouveaux concurrents éventuels. - A l'heure actuelle, les avantages des quotas globaux vont fréquemment aux importateurs et aux détaillants plutôt qu'aux fabricants et aux travailleurs qui ont besoin de s'adapter face à la concurrence. Si l'on met les quotas aux enchères, les avantages iront au gouvernement, qui pourra alors utiliser les fonds ainsi générés pour répondre aux impératifs de l'adaptation. - La mise aux enchères des quotas fournirait une indication précise de leur équivalent en termes de tarifs douaniers. Il deviendrait alors possible de convertir le quota en tarif, qui est généralement considéré comme un outil d'intervention commerciale plus efficace. Certes, on peut anticiper certains problèmes en ce qui concerne la mise aux enchères des quotas, mais aucun, selon nous, ne serait insurmontable. Premièrement, on peut être porté, en raison de la nouveauté de cette idée, à penser qu'elle n'est pas réalisable. Mais les quotas sont déjà mis aux enchères en Australie et en NouvelleZélande pour un certain nombre de marchandises et, dans le cas de certaines restrictions bilatérales en vertu de l'AMF, le pays exportateur autorise l'existence de marchés des quotas. Deuxièmement, des enchères de quotas peuvent causer des difficultés aux importateurs et aux détaillants «traditionnels». A cet égard, si l'on croit que cela constitue un problème important, on pourrait réserver, du moins dans les premiers temps, une certaine proportion du quota à certaines catégories d'acheteurs. Troisièmement, on pourrait faire valoir qu'une situation de monopole risque de s'instaurer si une seule personne ou un petit nombre de personnes contrôlent les quotas. Pour éviter ce problème, il s'agirait de fixer un pourcentage plafond pour les quotas dont une personne ou une société pourrait être titulaire. En tout état de cause, si les quotas sont provisoires et abolis graduellement, tout monopole est appelé à disparaître avant longtemps. Enfin, certains pourraient prétendre qu'il faudrait une lourde machine bureaucratique pour administrer les enchères des quotas et veiller à l'application des règles pertinentes. Nous rappelons à ce sujet que des fonctionnaires sont déjà chargés d'attribuer les quotas et de les faire respecter, et nous ne voyons pas pourquoi un système d'enchères exigerait davantage de ressources. Dans l'ensemble, nous estimons que les avantages de la mise aux enchères des quotas l'emportent sur les inconvénients. Du reste, selon un rapport préparé pour le ministère des Affaires extérieures, «Attribution de quotas globaux aux importateurs - Évaluation du système actuel et solutions de remplacement» (mai 1986), la mise aux enchères des quotas permettrait de surmonter pratiquement tous les problèmes d'ordre administratif, de répartition et d'efficacité économique que pose le système d'attribution actuel. En conséquence: 7- Nous recommandons que les droits de quotas créés dans le cadre des restrictions quantitatives, en vertu de l'Article 19 de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, soient mis aux enchères par le gouvernement canadien et que les résultats de ces ventes aux enchères soient rendus publics. Notre recommandation s'applique uniquement aux quotas globaux établis conformément aux règles du GATT. Mais on a également suggéré que les quotas mis aux enchères soient utilisés pour contribuer à l'élimination graduelle de l'AMF, qui pourrait commencer au moment de l'expiration, en 1991, de l'accord actuellement en vigueur. Somme toute, en retour de l'octroi graduel d'un accès garanti au marché canadien et à ceux d'autres pays développés au profit des fournisseurs de pays autres que ceux de l'OCDE, on permettrait à un pays développé de mettre aux enchères ses quotas pendant la période de transition mais les quotas seraient peu à peu assouplis jusqu'à perdre leur raison d'être. Alors, seuls les tarifs douaniers continueraient de protéger les producteurs nationaux. Il serait peut-être utile que le Canada et d'autres pays signataires de l'Arrangement multifibres étudient cette proposition, peut-être dans le cadre des nouvelles négociations commerciales multilatérales du GATT («Uruguay Round»). Un indice de protection. Les restrictions quantitatives ne constituent que l'un des outils d'intervention qui permettent d'aider l'industrie. Notre étude de l'aide sectorielle a révélé certains cas où un instrument de protection en a remplacé un autre. Par exemple, le Programme d'aide aux constructeurs de navires a été remplacé par les politiques d'achat de l'État et par une manipulation des droits tarifaires qui s'est trouvée, en fait, à relever la protection tarifaire. On peut donc entrevoir le risque que les gouvernements, s'ils suivent nos recommandations concernant les quotas, choisissent de recourir à d'autres méthodes de protection moins transparentes. Il serait plus probable que cela arrive si l'évaluation d'une politique proposée devait saper la justification des quotas. Mais on pourrait déceler un tel changement de méthode en menant un examen systématique de la gamme des instruments utilisés pour aider une industrie particulière (subventions, politiques d'achat de l'État, modification des tarifs douaniers, restrictions quantitatives et autres). Il faudrait communiquer à intervalles réguliers les résultats de cette étude au public, aux décideurs et aux élus. En conséquence: 8- Nous recommandons que le Tribunal canadien des importations publie chaque année, et pour chaque industrie prise individuellement: - une liste des instruments utilisés pendant cette année pour protéger une industrie contre la concurrence internationale; - une estimation de l'effet de chaque instrument, établie en calculant le tarif qui aurait été nécessaire pour remplacer cet instrument avec un degré identique de protection. De récents travaux effectués au Conseil sur les obstacles non tarifaires donnent à penser que la mise en oeuvre de cette recommandation constituerait une entreprise considérable. C'est pourquoi le tribunal devrait commencer par concentrer son attention sur une gamme étroite d'instruments: subventions à l'entreprise et à l'industrie, tarifs, achats de l'État, règles concernant la teneur canadienne et restrictions quantitatives. Il va de soi que si le gouvernement décide d'utiliser un substitut semblables à l'un de ces instruments pour éviter l'examen public, le TCI devrait en faire état. La publication d'un indice de protection soulève une question qui peut revêtir une importance stratégique pour des négociations commerciales. Si le Canada devait publier régulièrement une liste complète de toutes les méthodes directes et indirectes qu'il utilise pour protéger une industrie de la concurrence internationale, ses négociateurs se trouveraient, du même coup, désavantagés quand ils tenteraient d'obtenir des concessions équilibrées d'autres pays qui, eux, ne diffusent pas de tels renseignements. Cette préoccupation donne encore plus de poids à la suggestion qui précède et selon laquelle le TCI devrait concentrer son attention sur une gamme étroite d'instruments. Les gouvernements étrangers peuvent se renseigner assez facilement au sujet de l'utilisation de ces cinq instruments, que ce soit directement ou par l'entremise de firmes exportant vers le Canada. L'indice proposé renseignerait par conséquent les Canadiens sans affaiblir la position de nos négociateurs. Pour renforcer les politiques-cadres. Nos recommandations visant l'adoption de politiques sectorielles limitées et bien définies présupposent l'établissement de politiques-cadres. De fait une économie de marché qui fonctionne bien, dans le cadre d'un ensemble de politiques-cadres bien conçues, est susceptible de favoriser une adaptation positive. A mesure qu'on approche des taux de croissance maximums de la productivité, du revenu et de l'emploi, les demandes et la nécessité d'interventions sectorielles s'atténueront, et les travailleurs ainsi que les entreprises deviendront plus réceptifs au changement. Par conséquent, l'adaptation passe par des politiques générales appropriées, car ce sont ces politiques qui orienteront le processus vers une adaptation positive (dans l'éventail des politiques) et permettront d'atténuer les revendications en faveur de politiques sectorielles spéciales. Au cours des dernières années, le Conseil a recommandé que des modifications d'importance soient apportées aux politiques générales dans les domaines de la recherche et du développement, du progrès technologique, de la réforme fiscale et des marchés financiers. Dans «Les enjeux du progrès» ( 1983), par exemple, nous avons souligné le besoin non seulement d'accroître les ressources consacrées à la recherche et au développement, mais aussi d'accorder davantage d'importance à l'adaptation d'idées élaborées à l'étranger et à la plus large diffusion d'idées nouvelles, de nouveaux produits et de nouveaux procédés déjà commercialisés au Canada. Dans «Le recentrage technologique» (1987), nous avons évoqué les possibilités d'améliorer la diffusion de nouvelles idées à partir des centres de technologie. Nous avons fait valoir, par exemple, que «pour porter fruit, la planification et la gestion de l'innovation technologique doivent intégrer la dimension humaine et la dimension technique». Dans «Hors du labyrinthe fiscal» (1987), nous avons recommandé certains moyens de renforcer la neutralité et l'efficacité du régime fiscal, pour que les entreprises et les particuliers puissent prendre leurs décisions en fonction du marché et non des résultats après impôts. Dans «Concurrence et stabilité - L'encadrement du système financier» (1986), nos recommandations visaient à favoriser la concurrence et la souplesse, de façon à donner plus de latitude aux décisions liées au marché, tout en veillant à ce que ces décisions soient prises dans le respect de règles devant encourager la prudence et garantir la protection des consommateurs. Dans les pages qui suivent, nous rappelons l'importance des politiques macro-économiques et nous étudions de manière assez détaillée les programmes d'adaptation du marché du travail. Il convient de soumettre à un examen constant ces politiques, ainsi que beaucoup d'autres politiques-cadres, pour s'assurer qu'elles favorisent le processus d'adaptation au lieu de l'entraver. La gestion de l'économie. La gestion de l'économie nationale par une orientation appropriée des politiques monétaire et budgétaire constitue une des fonctions les plus importantes des politiques cadres. Les revendications en faveur de l'intervention des pouvoirs publics et la capacité des dirigeants d'y donner suite dépendent très largement de la mesure dans laquelle ces politiques ont réussi à assurer la santé, la vigueur et l'expansion de l'économie. Quand la conjoncture est favorable, l'adaptation se trouve grandement facilitée, car il est plus facile de trouver des emplois et les travailleurs sont plus disposés à déménager. De plus, s'il est vrai que la concurrence internationale peut ralentir le taux de croissance de la production et de l'emploi, il est peu vraisemblable qu'elle cause un recul effectif. En période de prospérité, les gouvernements ont en général les fonds nécessaires pour aider les travailleurs dans les quelques industries où la gravité des problèmes d'adaptation justifie une intervention. En période de récession, en revanche, les travailleurs éprouvent des difficultés à trouver de nouveaux emplois et hésitent à déménager tandis que les gouvernements, de leur côté, voient leur marge de manoeuvre réduite par les contraintes budgétaires. Le tableau 5 donne un aperçu de l'évolution macro-économique au Canada au cours des 20 à 30 dernières années. Tous les indicateurs donnent à penser que la conjoncture s'est nettement détériorée dans les années 70 et 80, par rapport aux années 60: la croissance de la productivité et de la production réelle a ralenti, et les taux de chômage ont atteint des niveaux très élevés où ils se sont maintenus. Malgré tout, comme nous l'avons vu dans la section 3, un vigoureux mouvement d'adaptation s'est manifesté dans le secteur manufacturier canadien durant les années 70. Dans le Vingt-quatrième Exposé annuel du Conseil (1987), les indicateurs projetés pour la période 1987-1991 montrent qu'on peut s'attendre à une certaine amélioration de la situation macro-économique: le chômage se situera à 8,5 %, contre 10,1 % en 1985-1986, et la croissance du PIB sera en moyenne de 2,8 %, ce qui est quelque peu inférieur à 1985-1986 mais dépasse néanmoins le taux du début des années 80. Aussi les revendications en faveur d'une intervention sectorielle, dans la mesure où elles sont conditionnées par la situation générale de l'économie, auront-elles tendance à s'atténuer quelque peu. Une autre série d'indicateurs, qui est présentée au tableau 6, donne une mesure de la capacité budgétaire du gouvernement fédéral de réagir à toute intensification des pressions en faveur de programmes d'aide à l'adaptation. Tous les ratios donnent à pensa, comparativement à la situation des années 60, que le gouvernement a été soumis, dans les armées 70 et 80, à des contraintes considérables qui ont limité sa marge de manoeuvre. Et si les données disponibles annoncent une amélioration de la situation budgétaire à moyen terme, ce sera seulement à l'issue d'un programme de contrôle extrêmement rigoureux qui ramènera les dépenses, de l'équivalent de 23 % du PIB qu'elles représentaient en 1985- 1986, à 20,9 % en moyenne par an pour la période 1987-1991. On voit bien que pareil climat favorisera davantage l'abolition des programmes actuels que l'instauration de nouveaux. Le présent rapport de synthèse ne constitue pas le véhicule approprié pour formuler des recommandations concernant la politique macro-économique du Canada, mais nous ne pouvons pas ignora l'importance de cette dernière en ce qui concerne l'adaptation. Notre très bref examen de la situation macro-économique et de la position budgétaire du gouvernement fédéral nous porte à croire que les ressources pouvant être consacrées au financement de l'adaptation seront sérieusement rationnées, alors que, justement, les pressions de la concurrence internationale exposeront les gouvernements à de constantes demandes d'intervention dans les industries sensibles aux échanges. Les politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre. Une des premières choses à faire quand on étudie les mesures visant à aider les travailleurs d'une industrie dont la compétitivité internationale diminue (par suite de modifications de politiques ou d'une évolution des avantages comparatifs) est de décider si un programme sectoriel lié aux échanges est approprié. Nous avons déjà fait valoir des raisons justifiant l'aide à des travailleurs âgés, déplacés par suite de la concurrence internationale, et à ceux qui ont souffert de l'engorgement du marché du travail local. Cependant, nous n'avons pas déterminé si des travailleurs appartenant aux mêmes groupes-cibles, mais touchés pour d'autres raisons (changement technologique, par exemple) devraient eux aussi recevoir de l'aide. Une réponse affirmative a cette question donnerait à penser qu'une politique générale pouvant profiter à tous les travailleurs serait plus appropriée que des mesures sectorielles réservées à la main-d'oeuvre touchée par la concurrence extérieure. Un travailleur peut tomber en chômage pour diverses raisons et dans des situations bien différentes les unes des autres, dont certaines peuvent justifier une intervention gouvernementale particulière. A première vue, si l'on s'en remet au principe de l'équité, il ne semblerait guère justifié d'adopter une politique distincte pour les travailleurs des industries vulnérables. Rien n'autorise en effet à penser que le chômage provoqué par les importations d'automobiles japonaises mérite davantage une aide spéciale que celui qui résulte d'une chute de la demande d'amiante, produit souvent considéré comme dangereux aujourd'hui. On a fait valoir, cependant, que le gouvernement est tenu de fournir de l'aide lorsque le chômage résulte de modifications de la politique commerciale, car c'est lui qui décide de modifier les règles du jeu et, par conséquent, c'est à lui de dédommager les personnes qui en subissent les contrecoups. Mais l'argument en faveur de l'adoption d'une politique distincte dans ce cas particulier n'est guère convaincant. La politique commerciale, en effet, n'est qu'une des nombreuses politiques gouvernementales susceptibles de causer des difficultés à une certaine partie de la population, mais qui ont pour objectif de profiter à l'ensemble de la société. On peut également invoquer, en faveur de programmes de portée générale plutôt que sectorielle d'adaptation de la main-d'oeuvre, la difficulté de distinguer les perturbations liées aux échanges de celles qui résultent d'autres changements. Comme nous l'avons vu dans la section 3, il y a toujours un grand nombre de travailleurs qui quittent leur emploi et en acceptent un autre. Même si nous étions en mesure de déterminer dans une industrie particulière la proportion des pertes d'emplois qui seraient dues aux modifications apportées à la politique commerciale, il serait très difficile, sinon impossible, d'identifier parmi les 1 000 travailleurs licenciés ceux qui ont été précisément victimes des pressions commerciales consécutives à ces modifications. Et encore là, est-ce que l'équité ne voudrait pas que l'on aide également, parmi les 1 000 travailleurs licenciés, ceux qui ont été mis à pied pour d'autres raisons ? En nous basant sur des considérations d'équité mais aussi d'efficacité administrative, nous concluons que la façon la plus appropriée d'aider les travailleurs victimes de la concurrence internationale est de privilégier un ensemble plus global de politiques-cadres en matière d'emploi et non des mesures qui seraient fonction des échanges et propres à un secteur. C'est pourquoi: 9- Nous recommandons que les politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre adoptées par l'État pour venir en aide aux travailleurs des industries ébranlées par la concurrence internationale s'inscrivent dans des politiques générales (politiques-cadres) visant à faciliter l'adaptation des travailleurs à une période de mutation économique. Le Canada dispose déjà d'une grande variété de politiques-cadres applicables au marché du travail, et dont un grand nombre touche au problème de l'adaptation. La plus importante de ces politiques, pour ce qui est des travailleurs concernés et des sommes consacrées, est l'assurance-chômage qui, en 1985, a fourni une assistance temporaire de plus de 10 milliards de dollars à 3,2 millions de personnes. Par ailleurs, le principal objectif du Programme de planification de l'emploi annoncé en juin 1985 et des programmes connexes est de fournir des services de formation et de perfectionnement, tandis que plusieurs autres programmes, comme le Service d'aide à l'adaptation de l'industrie, visent à favoriser l'adaptation. Nous n'avons pas tenté de déterminer dans nos recherches si ces programmes sont adéquats, la question ayant été examinée récemment par d'autres organismes et chercheurs. Ainsi, la Commission Forget a étudié la question de l'assurance-chômage; un rapport récent du Comité du Sénat, intitulé «En formation, il n'y a que le travail qui vaille» (décembre 1987), a examiné quelques aspects de la planification de l'emploi; enfin, en ce qui concerne le choix entre formation en cours d'emploi et formation systématique, un certain nombre d'études, y compris celles du Conseil, se sont prononcées en faveur d'une intensification du premier type de formation. Bien que nous ne soyons pas en mesure de faire des recommandations concernant la portée générale des politiques relatives au marché du travail, les études que nous avons réalisées sur un certain nombre de programmes particuliers visant les travailleurs touchés par les pressions de la concurrence internationale nous autorisent à faire trois propositions quant aux modifications ou améliorations qui pourraient être apportées à ces programmes. Nous nous inspirons aussi d'autres études récentes effectuées par le Conseil sur l'adaptation de la main-d'oeuvre. Programmes de prestations de préretraite. Le maintien du revenu des travailleurs âgés, assuré au moyen de prestations de préretraite, a été l'un des principaux volets des politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre dans les industries vulnérables. Les programmes des années 70 et 80 sont en voie d'être éliminés mais ils doivent être remplacés par le Programme d'adaptation pour les travailleurs âgés (PATA), qui s'apparente aux programmes-cadres et dont la création a été annoncée dans les documents budgétaires de 1986. On sait d'ores et déjà que ce programme sera une initiative fédérale-provinciale; qu'il visera à «aider les travailleurs âgés qui perdent leur emploi à la suite de congédiements massifs ou de fermetures d'usines et qui n'ont pas de perspectives immédiates de réembauchage»; qu'il s'appliquera dans les cas où il y aura «changement technologique, évolution de la demande, épuisement des ressources» et pour diverses autres raisons - en d'autres mots, quand il y aura des changements structurels. De plus, il semblerait que le PATA ne se bornera pas à maintenir le revenu des travailleurs âgés, mais les incitera également à retourner sur le marché du travail. Au cours des quatre premières années, le gouvernement fédéral prévoyait consacrer 125 millions de dollars au PATA, mais il n'a encore signé aucune entente à ce sujet avec les gouvernements provinciaux. Les détails du programme n'ont pas encore été mis au point, mais le PATA utilise comme point de départ de son action les programmes de prestations de préretraite existants. Notre examen de ces programmes indique qu'il est possible d'apporter un certain nombre d'améliorations aux critères d'admissibilité. Les programmes de prestations de préretraite visent à fournir, en dernier ressort, des prestations de maintien du revenu aux travailleurs âgés qui ont de longs états de service dans une industrie et ont peu de chances de se trouver un autre emploi. Comme on l'a vu précédemment, il y a de bonnes raisons d'aider ces travailleurs. En général, ce sont les jeunes travailleurs qui sont licenciés les premiers, tandis que les travailleurs âgés sont les derniers à perdre leur poste en raison de leur ancienneté. Dans toute industrie qui enregistre une réduction de l'emploi, ce sont les travailleurs jeunes qui sont les plus mobiles et qui ont les meilleures chances de se trouver un autre emploi; c'est naturellement le contraire pour les travailleurs d'âge avancé. C'est pourquoi la solution préférable sur le plan social est de laisser la contraction se faire en encourageant les plus jeunes travailleurs à chercher du travail dans les secteurs en croissance de l'économie et à laisser les plus âgés dans l'industrie en régression jusqu'à ce qu'ils soient licenciés par ordre d'ancienneté. De cette façon, ils continuent à être utilisés de façon productive, et leur potentiel n'est pas perdu à jamais pour la société. Au début des années 80, cependant, des changements ont été apportés aux programmes de préretraite pour permettre aux travailleurs âgés de se porter volontaire pour être licenciés tout en restant admissibles aux prestations de préretraite. En d'autres termes, si un employeur doit réduire son effectif de 60 personnes, il peut demander à des travailleurs plus âgés s'ils acceptent d'être licenciés même s'ils seraient normalement protégés par l'ancienneté. Il s'ensuit que des travailleurs plus jeunes sont encouragés à entrer et à rester dans des industries touchées par la concurrence internationale, alors qu'ils pourraient être utilement incités à aller ailleurs. Nous proposons donc que les travailleurs âgés, pour être admissibles aux prestations de préretraite, doivent avoir été licenciés contre leur gré et de façon permanente. Cette proposition marquerait un retour aux pratiques qui avaient cours avant 1982-1983. La désignation des industries et des régions admissibles aux prestations constitue un élément important des programmes de préretraite. Par exemple, une industrie et, le cas échéant, la collectivité qui en dépend peuvent être désignées si l'industrie en question traverse, à l'échelle du pays, une période d'adaptation structurelle qui cause des perturbations économiques graves dans une région particulière. De plus, il faut qu'il y ait des pertes considérables d'emplois dans l'industrie de la région en question. Dans le passé, ces désignations étaient faites à partir d'un mémoire au cabinet, sans intervention du public. Certaines régions seulement recevaient alors de l'aide. Comme nous pensons que l'administration et la mise en oeuvre de toutes les politiques d'adaptation doivent être justes et transparentes, nous proposons que les critères à utiliser pour déterminer les changements structurels, désigner les industries et les régions admissibles aux prestations de préretraite, et certifier les licenciements soient appliqués par un tribunal indépendant composé de représentants des travailleurs et du patronat et d'un président indépendant. Les décisions devraient être présentées par écrit. A l'heure actuelle, l'Office d'aide à l'adaptation des travailleurs, qui correspond à cette définition, certifie qu'un travailleur a été licencié dans une localité ou une industrie désignée, puis la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (CEIC) certifie que l'intéressé réunit le nombre d'heures et d'années de service requis dans l'industrie désignée et qu'il est admissible à des prestations égales à 60 % de ses gains hebdomadaires moyens assurables. Dans le cadre de notre proposition, ce serait l'office qui serait également chargé de désigner les industries et localités. Ces suggestions relatives au perfectionnement du Programme d'adaptation pour les travailleurs âgés (PATA) représentent de légères modifications aux programmes actuels de préretraite. Elles reflètent notre point de vue, selon lequel les programmes de préretraite sont valables dans leur principe, mais n'ont pu encore vraiment prouver leur utilité à cause de l'effet de retardement qu'ont eu les quotas et les subventions aux entreprises et aux industries. A l'heure actuelle, le retard dans la mise en oeuvre du nouveau programme est cependant devenu préoccupant car les travailleurs les plus susceptibles de répondre aux critères d'admissibilité ne peuvent bénéficier des prestations. Aussi exhortons-nous le gouvernement fédéral et les provinces à mettre en oeuvre le PATA aussitôt que possible. Les programmes de réemploi. Si l'expérience du Canada est vaste dans la conception des programmes de prestation de préretraite, elle est beaucoup moins grande en ce qui concerne les programmes sectoriels de réemploi visant à favoriser la mobilité, la réinstallation et le recyclage de la main-d'oeuvre. Les principaux programmes de réemploi utilisés pour aider les travailleurs des secteurs vulnérables aux échanges, qui sont décrits à la figure 2, étaient essentiellement des versions étoffées des programmes existants de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, complétées par une certaine forme de création directe d'emplois. La documentation disponible indique que la création directe d'emplois a principalement eu pour effet de permettre aux travailleurs de redevenir admissibles à l'assurance-chômage, tandis que les améliorations des programmes existants de la CEIC semblent n'avoir guère eu d'effet sur les industries vulnérables que sont le textile, le vêtement et la chaussure. Il faut retenir cependant que ces programmes ont été lancés durant la pire récession de l'après-guerre). Nous avons montré qu'il existe une mobilité considérable de la main-d'oeuvre au Canada entre les professions, les régions et les employeurs, même dans les industries vulnérables. Certes, cela ne veut pas dire que les travailleurs de ces industries ne connaissent pas de problèmes de réemploi qui exigent une assistance, mais il est important de s'assurer que l'assistance fournie réponde aux besoins observés dans cette catégorie de maind'oeuvre. Parmi les caractéristiques dominantes de quelques-unes des plus importantes industries sensibles aux échanges, on remarque que le niveau de scolarité des travailleurs est faible par rapport aux normes générales du secteur manufacturier et que les emplois ne sont pas spécialisés. Par exemple, 76 % des travailleurs des usines de montage d'automobiles de Ford au Canada occupent des postes non spécialisés (c'est-à-dire ceux qui exigent moins de 30 jours de formation). En 1981, la proportion des travailleurs ayant moins de neuf ans de scolarité était beaucoup plus forte (de 26 à 39 %) dans les industries du textile, du cuir, de la bonneterie et du vêtement que dans l'ensemble du secteur manufacturier (seulement 19 %). En outre, le manque de scolarité est particulièrement marqué dans l'industrie du vêtement - où la main-d'oeuvre est constituée dans une large mesure de femmes. Le Canada a peu de chances de jouir d'un avantage comparatif dans les industries caractérisées par le faible niveau de scolarité des travailleurs et par le caractère non spécialisé des tâches, car les pays sous-développés et les pays nouvellement industrialisés (PNI) peuvent en effet compter sur de vastes réservoirs de main-d'oeuvre présentant de telles caractéristiques. Et même dans les industries exigeant des investissements considérables (l'automobile, par exemple), la concurrence de quelques PNI (pensons à la Corée du Sud) pose un défi pour les producteurs canadiens. Cela ne signifie pas, cependant, que les secteurs vulnérables aux échanges ne soient pas capables de se revitaliser en utilisant une main-d'oeuvre plus qualifiée. La croissance de l'emploi au Canada est susceptible de se faire dans les secteurs qui exigent une main-d'oeuvre hautement qualifiée, de sorte qu'il importe de donner aux travailleurs la possibilité de se perfectionner et de relever leur niveau de scolarité. Comme nous l'avons souligné dans «Le recentrage technologique», le perfectionnement n'est pas seulement nécessaire dans les industries vulnérables. Dans ce rapport, nous avons formulé un certain nombre de propositions pour créer une main-d'oeuvre compétente, souple et dévouée: assistance à la formation donnée par l'employeur dans des emplois très spécialisés, création de conditions favorables à un processus continuel d'apprentissage en milieu de travail, financement et congés aux fins de formation. La politique de recyclage que nous proposions devait reposer sur les principes suivants: - confier au secteur privé le choix des axes de la formation; - appuyer les initiatives conjointes employeurs-employés; - aider les travailleurs souffrant d'un désavantage quelconque face à l'emploi; - assurer la souplesse dans la conception et la gestion des programmes; - décentraliser la prise de décisions. Ces principes sont conformes à l'orientation générale des politiques d'adaptation positive, surtout lorsqu'il s'agit d'encourager les travailleurs et les employeurs à prendre eux-mêmes les décisions relatives à la formation. Au sujet du financement par le gouvernement de la formation des travailleurs, nous avons proposé dans «Le recentrage technologique», non pas une augmentation, mais une réaffectation des fonds afin «d'encourager les employeurs et les travailleurs à faire des choix éclairés, puis à mettre au point les programmes pertinents». Cette recommandation qui, selon nous, se révélerait extrêmement rentable, va aussi dans le sens de l'adaptation positive. Les mécanismes de consultation. Dans la section 2, nous avons mentionné que l'accès des travailleurs aux renseignements relatifs aux possibilités d'emploi (sauf au niveau local) est beaucoup plus limité que l'accès des entreprises ou des investisseurs aux renseignements relatifs à la conjoncture. De plus, il est fort probable que le travailleur sera moins bien renseigné au sujet des programmes gouvernementaux qui offrent des possibilités en matière de création d'emplois, de perfectionnement ou de travail, que l'entreprise au sujet des programmes gouvernementaux d'aide financière. C'est pourquoi le gouvernement a un rôle à jouer, d'abord pour mettre cette information à la portée des travailleurs, mais aussi pour faciliter activement le processus d'adaptation de ces derniers. Ce rôle a été confié au Service d'aide à l'adaptation de l'industrie (SAAI), qui a pour objectif «d'encourager les employeurs et leurs employés à travailler de concert pour réduire les problèmes d'adaptation de la maind'oeuvre qui touchent ou pourraient toucher leurs entreprises et, grâce à la planification des ressources humaines, obtenir ou assurer une main-d'oeuvre adéquate pour l'avenir». Le patronat et les travailleurs consultent souvent le SAAI quand on anticipe des problèmes d'adaptation de la main-d'oeuvre, par exemple en cas de fermeture d'usine. Dans de tels cas, la loi oblige souvent l'entreprise concernée à déposer un préavis écrit, de sorte que le SAAI puisse être sollicité avant que les mises à pied prévues ne se concrétisent. Le patronat et les employés forment des comités conjoints qui «analysent les problèmes d'adaptation de la main-d'oeuvre, élaborent des solutions et se chargent de leur exécution». Le SAAI fournit une aide financière destinée à la création du comité consultatif conjoint et donne tous les renseignements sur la gamme complète des programmes de la CEIC et de Travail Canada. Le SAAI a fait l'objet de commentaires élogieux dans un certain nombre d'études et, comme nous l'avons mentionné dans «Le recentrage technologique», ce programme «s'est révélé être un instrument rapide, souple et peu coûteux pour résoudre divers problèmes d'adaptation sur le marché du travail et favoriser la collaboration entre la direction des entreprises et les travailleurs». Il convient de préciser ici que cette souplesse ne vaut pas seulement pour les fermetures mais également pour les ouvertures d'usines. Dans une année type, de quatre à cinq millions de Canadiens, soit un cinquième de la population en âge de travailler, perdent ou quittent leur emploi. Comme nous l'avons vu dans la section 3, un grand nombre de travailleurs décident d'eux-mêmes de changer d'emploi, mais un pourcentage considérable du roulement s'effectue à l'initiative des entreprises et conduit à des licenciements permanents. Le nombre des travailleurs qui reçoivent de l'aide du SAAI est beaucoup plus faible que celui des travailleurs licenciés, de sorte qu'il existe probablement d'autres travailleurs qui pourraient bénéficier de ce service. Nous proposons donc que le gouvernement fasse tout ce qui est possible pour renseigner les travailleurs et les employeurs sur l'existence, le fonctionnement et les objectifs du Service d'aide à l'adaptation de l'industrie. Les fermetures de grandes usines sont des événements traumatisants qui poussent les gens à utiliser les services de la CEIC et à toucher des prestations d'assurance-chômage pour la première fois. Le SAAI permet de faciliter la transition et l'obtention d'un autre emploi. Il mérite donc d'être fortement appuyé. Conclusion. Nous nous rendons compte que le Canada ne peut éviter d'adapter son secteur manufacturier face aux fortes pressions de la concurrence internationale. Nous estimons que, pour relever ce défi et gérer efficacement cette adaptation, le gouvernement doit jouer un rôle important sur deux plans: d'une part, mettre en place des politiques-cadres touchant, par exemple, la fiscalité, la concurrence et le marché du travail et, d'autre part, élaborer des politiques sectorielles pour aider certaines industries à s'adapter. Toutefois, nous considérons ces politiques sectorielles comme des exceptions; elles ne devraient s'appliquer que dans des conditions particulières et faire l'objet d'une évaluation précise. Il importe de reconnaître que les Canadiens ont fait preuve d'une très grande capacité d'adaptation. D'après nos recherches, ils changent fréquemment non seulement d'emploi, mais aussi de profession et d'industrie. L'un des rôles de l'État consiste donc à favoriser les mutations nécessaires, en aidant les travailleurs à acquérir de nouvelles compétences par des cours de formation, ainsi qu'en créant un filet de sécurité (au moyen de l'assurance-chômage, par exemple) afin d'amortir les pertes de revenu découlant de changements d'emploi involontaires. En outre, nos recherches indiquent que les entreprises s'adaptent continuellement, en ce sens qu'elles réduisent ou accroissent leur production et leurs effectifs, qu'elles s'intègrent dans une industrie ou en sortent, qu'elles fusionnent avec d'autres entreprises ou qu'elles se départissent de leurs biens, construisent des usines et en ferment d'autres. De plus, à l'aide d'un certain nombre d'indicateurs d'adaptation (comme le taux de disparition des entreprises à la suite de fermetures d'usines), nous constatons que les industries les plus vulnérables à la concurrence internationale se comportent sensiblement de la même manière que d'autres industries manufacturières. En outre, les entreprises étrangères réagissent souvent à la concurrence internationale pratiquement de la même façon que les entreprises canadiennes. Toutefois, lorsque des différences deviennent évidentes, la présence d'entreprises étrangères semble accroître, plutôt que diminuer, la capacité d'adaptation du secteur manufacturier canadien aux pressions du changement. En conséquence, nous ne voyons pas la nécessité de politiques d'adaptation qui feraient une distinction entre les entreprises canadiennes et les entreprises étrangères. Même si nous critiquons la façon dont les programmes sectoriels du gouvernement fédéral ont été appliqués dans le passé, leurs objectifs ont toujours été en grande partie axés sur l'adaptation positive. Autrement dit, ils visaient à favoriser l'adaptation en encourageant les fabricants à moderniser leurs gammes de produits et à améliorer leurs systèmes de production. Ces programmes ont aussi souvent fourni aux entreprises un moment de répit qu'elles ont pu mettre à profit pour quitter l'industrie d'une façon ordonnée. Cependant, la difficulté, dans tout ce processus, est qu'il y a loin entre la formulation des objectifs des politiques et l'application effective des programmes. Ceux-ci ont plus souvent qu'autrement découragé les entreprises de s'adapter et constituent donc des exemples de néo-protectionnisme. Mais nous ne considérons pas cela comme inévitable ou inhérent au système politique canadien, car il existe une autre voie plus transparente et plus judicieuse en ce qui touche l'utilisation des ressources. Afin de rendre la mise en oeuvre effective des programmes plus conforme à l'objectif d'une adaptation positive, nous avons mis de l'avant neuf principes qui font appel à une évaluation plus transparente et plus approfondie des choix en matière de politiques et qui mettent l'accent sur les politiques visant le marché du travail plutôt que sur les mesures d'aide aux entreprises pour leur permettre de moderniser leurs biens d'équipement. Nous avons aussi formulé des lignes directrices concernant l'imposition judicieuse de restrictions quantitatives aux importations. L'application de ces principes aidera les gouvernements à gérer le processus d'adaptation de façon à tenir compte des difficultés créées par les pressions de la concurrence, ainsi qu'à améliorer la compétitivité des entreprises manufacturières, tout en ne perdant pas de vue les intérêts des consommateurs, des travailleurs et des employeurs.