*{ Conseil Économique du Canada. 1992 } Les nouveaux visages de la pauvreté. La sécurité du revenu des familles canadiennes. 1- Introduction. La situation économique et sociale au Canada s'est transformée radicalement au cours des dernières décennies. Certains changements ont été bénéfiques mais d'autres ont exercé une pression de plus en plus grande sur le régime de sécurité du revenu des Canadiens dans le besoin. Vu l'escalade des coûts et les énormes déficits publics certains observateurs ont préconisé des réductions budgétaires qui pourraient compromettre sérieusement la sécurité du revenu d'un grand nombre de Canadiens. En fait certains des changements apportés récemment au régime ont déjà entraîné une baisse des prestations. Les programmes gouvernementaux de sécurité du revenu font partie de la réalité quotidienne au Canada. Aujourd'hui les personnes âgées sont dans une bien meilleure situation que ne l'étaient leurs parents lorsqu'ils ont pris leur retraite. A l'heure actuelle la situation financière des travailleurs qui subissent des interruptions d'emploi est davantage assurée que celle des chômeurs d'il y a 30 et 40 ans. En outre les familles qui ont des enfants ont accès à différents programmes de supplément du revenu. De plus tous les citoyens jouissent d'une éducation de base de soins de santé et au besoin d'autres services sociaux et ce gratuitement en général. Si les Canadiens peuvent s'enorgueillir de leur régime d'aide sociale et des progrès réalisés ils ne doivent pas se satisfaire de la situation actuelle sur le plan de la sécurité du revenu; en effet le régime permet à peine de répondre aux besoins. Le nombre de personnes sans emploi ou à faible revenu ne cesse d'augmenter. Par conséquent bon nombre des programmes de lutte contre la pauvreté subissent de fortes pressions budgétaires. Un grand nombre d'individus et de familles éprouvent des difficultés à accéder ne serait-ce qu'à un minimum d'autonomie financière. Il y a trop de décrocheurs scolaires chez les adolescents et même les diplômés ont du mal à dénicher un emploi. De plus en plus de chômeurs canadiens dont bon nombre ont des enfants à charge essaient tant bien que mal de trouver du travail; d'autres doivent luter pour subvenir aux besoins de leur famille souvent en exerçant un emploi à temps partiel ou en occupant un poste peu rémunéré. La situation de l'emploi est particulièrement difficile pour beaucoup de mères qui doivent élever seules leurs enfants. Les indicateurs actuels donnent à penser que la situation pourrait s'aggraver dans les années 90 au lieu de s'améliorer. Dans son rapport de synthèse intitulé «L'emploi au futur» (1990) le Conseil économique a noté une diminution du pourcentage d'emplois au niveau moyen de rémunération et une augmentation aux niveaux élevé et peu élevé de rémunération. Or rien ne laisse présager que les disparités dans cette polarisation des revenus s'atténueront. Le présent rapport a pour objectif de déterminer les façons dont l'évolution des structures économiques et sociales touche les Canadiens les plus défavorisés. Nous tentons de mieux faire comprendre les problèmes actuels et d'évaluer l'efficacité des programmes de sécurité du revenu. Ces préoccupations soulèvent d'importantes questions. Quel est le niveau de vie minimal à assurer aux personnes démunies? Quel est le rôle de l'État dans la prestation de services d'aide pour faciliter une plus grande autonomie financière? Dans quelle mesure les programmes actuels de transferts gouvernementaux sont-ils efficaces eu égard à l'évolution constante du contexte social et économique? Le fait d'accroître le quantum du revenu à redistribuer aux pauvres réduit-il l'efficacité de l'économie? Ces questions soulèvent la controverse parce qu'elles nous forcent à réexaminer nos valeurs et à évaluer la faisabilité de différents choix. Elles touchent au coeur même de problèmes fondamentaux qu'il n'est pas facile de résoudre notamment la mesure dans laquelle les individus et les familles devraient assumer la responsabilité de s'adapter à des situations difficiles (par exemple la perte d'un emploi ou l'éclatement de la famille). L'examen de ces questions se complique du fait qu'il faut déterminer qui est pauvre. Même si le pauvre peut se définir comme étant celui qui n'a pas les ressources nécessaires pour jouir des nécessités de base on ne s'entend pas sur la façon de mesurer avec exactitude les «moyens» et les «nécessités de la vie». Par exemple l'eau courante constitue toujours un luxe pour de nombreux habitants du Tiers-Monde tandis que pour la vaste majorité des Canadiens il s'agit maintenant d'une nécessité de la vie. Étant donné le caractère subjectif de la pauvreté on ne saurait la mesurer sans tenir compte des valeurs de la collectivité où elle se trouve. Au cours des deux dernières décennies diverses définitions ont été préconisées au Canada et il y en aura certainement d'autres. Bien que chacune puisse avoir son utilité il serait peut-être plus pertinent de se demander non pas laquelle est la plus juste mais plutôt si nos conclusions varient selon les mesures employées. La mesure de la pauvreté la plus utilisée au Canada consiste dans un ensemble de «seuils annuels de faible revenu» établis par Statistique Canada dans les années 60. Ces seuils varient suivant le nombre de membres d'une famille et suivant la taille de la collectivité où habite cette famille. Chaque seuil ou mesure du revenu familial est fixé de façon à ce que les familles dont le revenu lui est inférieur en moyenne consacrent au moins 60 % de ce revenu aux nécessités de base que sont l'alimentation l'habillement et le logement. Comme ces mesures sont reconnues et qu'elles se situent à mi-hauteur dans l'échelle des méthodes de dénombrement des pauvres nous les avons employées dans notre évaluation de l'étendue de la pauvreté au Canada. Par ailleurs nous avons également examiné si l'utilisation d'autres mesures de la pauvreté modifierait sensiblement l'évolution des taux de pauvreté. Le Conseil économique s'est déjà penché sur la question de la pauvreté dans son Cinquième Exposé annuel publié en 1968. Depuis lors la pauvreté a connu des changements spectaculaires. Dans l'ensemble l'incidence de la pauvreté chez les Canadiens est beaucoup plus faible qu'à ce moment-là. En outre la situation des pauvres est moins désespérée qu'il y a 20 ans à en juger d'après la «gravité» de la pauvreté (c'est-à-dire la mesure dans laquelle le revenu moyen se situe sous le seuil de la pauvreté). Cette amélioration traduit surtout l'importante réduction de l'incidence et de la gravité de la pauvreté chez les personnes âgées résultat de la mise en place de meilleurs programmes de sécurité du revenu destinés aux 65 ans et plus. Pour ce qui est des autres groupes cependant les progrès n'ont pas été aussi impressionnants. Même si dans les années 70 et au début des années 80 on a observé une baisse modeste de l'incidence de la pauvreté chez les personnes d'âge actif (c'est-à-dire les individus vivant dans une famille dont le chef est un adulte âgé de moins de 65 ans) presque aucun progrès n'a été réalisé depuis lors. L'incidence de la pauvreté chez les personnes seules (y compris les mères célibataires) est particulièrement élevée. Par conséquent nous nous sommes concentrés sur le problème de la pauvreté chez les Canadiens en âge de travailler et leurs enfants ainsi que sur les risques auxquels ils font face. Le présent rapport ne vise pas à traiter de tous les aspects de la pauvreté au Canada ni à proposer tout un éventail de solutions possibles. Ainsi nous n'avons eu ni le temps ni les ressources nécessaires pour examiner la question des personnes âgées qui sont pauvres. Nous n'avons pas abordé non plus les différents besoins des personnes qui souffrent de handicaps physiques ou mentaux ni l'augmentation du nombre de banques alimentaires et d'autres services en nature offerts aux pauvres. Par ailleurs le manque de données précises sur la situation économique des autochtones nous a empêchés de faire une étude détaillée de ce groupe. De plus nous n'avons pas considéré la pauvreté chez les enfants comme une question distincte car il s'agit surtout d'un problème d'ordre familial qui doit être abordé au niveau de la famille. Il faut donc trouver les solutions à la pauvreté chez les enfants principalement dans les programmes qui aident les familles à se tirer d'affaire sur le plan financier et les parents à devenir autonomes. Le Comité permanent de la santé et du bienêtre social des affaires sociales du troisième âge et de la condition féminine a publié récemment un rapport spécial intitulé «Les enfants du Canada - Notre avenir», dans lequel il traite de ces questions. Notre recherche comprend trois volets: - les tendances de la pauvreté chez des familles appartenant à différents groupes d'âge et ayant certaines caractéristiques; - la dynamique de la pauvreté - c'est-à-dire la structure des mouvements d'entrée et de sortie; - l'efficacité avec laquelle les programmes de transferts gouvernementaux permettent de faire face à la pauvreté et l'efficacité avec laquelle les services reliés à l'emploi aident les pauvres à devenir financièrement autonomes. Une bonne partie de notre analyse se fonde sur une nouvelle source de renseignements élaborée avec le concours de Statistique Canada laquelle nous a permis de tirer un échantillon de Canadiens et de les suivre pour déterminer l'évolution de leurs revenus pendant un certain nombre d'années. Grâce à ces données «longitudinales» nous avons pu examiner les variations des revenus de toutes les couches de la population canadienne et nous pencher en particulier sur la dynamique de la pauvreté. Les données semblent indiquer que le tiers peut-être des Canadiens sont ou seront pauvres au moins une fois pendant leur vie professionnelle - et non pas seulement pendant leurs études et qu'ils risquent d'avoir besoin d'une aide de l'État pour traverser ces périodes difficiles. Nous avons également examiné d'après une autre série de données longitudinales fournie par Statistique Canada la mesure dans laquelle les personnes qui ont eu recours à maintes reprises à l'assurance-chômage en sont devenues dépendantes. Par ailleurs nous avons établi des modèles de simulation visant à analyser les programmes d'aide sociale et à évaluer leurs effets d'incitation ou de désincitation. Nous avons constaté que ces programmes constituent souvent un obstacle pour un grand nombre de personnes aptes à travailler qui autrement seraient disposées à s'intégrer au marché du travail. A notre avis les transformations constantes de la pauvreté nécessitent un nouvel examen de l'ensemble du régime de sécurité du revenu. Nos conclusions s'inspirent non seulement de données nouvelles et de notre analyse de la pauvreté mais encore des conclusions d'études connexes effectuées ces dernières années. Au nombre de ces dernières figurent les rapports de la Commission royale d'enquête sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada (Commission Macdonald) de la Commission d'enquête sur l'assurance-chômage (Commission Forget) de la Commission de révision de l'aide sociale de l'Ontario (Commission Thompson) de même que les déclarations de groupes comme le Conseil national du bien-être. Nous avons été guidés dans la formulation de nos recommandations par trois principes qui sont à notre avis généralement admis: - presque tous les Canadiens aspirent à l'autonomie; - il incombe aux pouvoirs publics de mettre en place de façon efficace des mesures de protection sociale pour ceux qui éprouvent de la difficulté à devenir autonomes; - l'État a un rôle général à jouer pour aider tous les Canadiens à devenir autonomes. 2- Réduire la pauvreté: possibilités et contraintes. Au Canada les forces du marché jouent un rôle important dans la répartition du revenu. Il n'est pas surprenant que dans les pays où la répartition du revenu du marché est très inégale on constate habituellement qu'un nombre important de personnes sont pauvres et ont besoin d'une aide financière. Par contre dans les pays où la répartition du revenu du marché est moins inégale les mesures visant à redistribuer le revenu d'une manière plus équitable sont généralement moins nécessaires. Le taux de croissance et la répartition du revenu du marché - revenus provenant du travail ou de placements jouent un rôle fondamental dans la détermination de la faisabilité de la redistribution du revenu. De façon plus précise la croissance des revenus réels du marché en particulier l'extrémité supérieure de l'échelle des revenus rend généralement plus acceptables les augmentations d'impôt nécessaires pour financer l'élargissement des programmes de transfert. Cependant la stagnation du revenu chez les grands groupes leur donne généralement l'impression de supporter un fardeau fiscal trop lourd et suscite une forte résistance à toute redistribution supplémentaire des revenus. Eu égard à la façon dont le revenu réel du marché est réparti sa croissance peut donc réduire la nécessité de mesures de redistribution tout en augmentant les ressources dont on dispose à cette fin. Dans l'examen de la répartition du revenu du marché au Canada nous comparons la situation actuelle à celle des décennies antérieures; nous comparons également la répartition du revenu observée au Canada à celle enregistrée dans un certain nombre d'autres pays. Nous envisageons ensuite ce que le marché nous réserve pour la prochaine décennies. A cette fin nous évaluons les perspectives d'augmentation du revenu réel par habitant et les possibilités de variation de sa répartition. Nous examinons également ce que les pouvoirs publics ont fait pour redistribuer le revenu aux personnes dans le besoin encore une fois par rapport à ce qui s'est fait par le passé et à ce qui se fait dans d'autres pays. Enfin nous analysons les possibilités et les contraintes concernant toute redistribution ultérieure du revenu aux personnes nécessiteuses. La répartition du revenu du marché. Le revenu du marché est essentiellement le revenu privé que les familles (y compris les personnes seules) tirent de leur travail ou de placements. Une partie de ce revenu provient de régimes privés de pension et d'autres économies. Par conséquent il convient dans le cadre d'une analyse des questions de sécurité du revenu d'utiliser un concept de revenu du marché qui comprend à la fois le revenu courant des facteurs (par exemple le salaire net) et les produits courants d'éléments différés du revenu (par exemple les prestations de régimes privés de pension). Ce n'est que depuis le début des années 70 qu'on dispose de données nationales uniformes sur la répartition des revenus du marché que touchent les familles canadiennes. Cependant des données indirectes notamment la prédominance marquée des familles composées de deux adultes à un seul revenu de faibles taux de chômage et l'accroissement du nombre de syndiqués depuis la Seconde Guerre mondiale donnent à penser que la répartition des revenus privés au Canada a tendu vers une plus grande égalité au cours de cette période. On observe cependant de plus en plus de signes d'un revirement de cette tendance à long terme et une disparité croissante des revenus du marché. Nous avons déjà signalé la polarisation accrue des gains des Canadiens depuis le début des années 70. En outre le taux de chômage a été élevé tout au long des années 80 et depuis le début des années 90 par rapport aux décennies précédentes. Ces facteurs ont sans doute eu des répercussions sur les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle des revenus. La figure 1 illustre pour la période allant de 1973 à 1981 une tendance à la baisse de la proportion des familles canadiennes dont le revenu du marché était inférieur aux seuils de pauvreté que nous avons retenus. Cependant cette baisse a été entièrement neutraliste par les événements qui se sont produits au cours des trois années qui ont suivi immédiatement la récession de 1981 de sorte que l'incidence de la pauvreté calculée d'après le revenu du marché a en fait augmente passant de 32 % en 1973 à 33 % en 1984. Malgré une certaine réduction des taux de pauvreté pendant la deuxième moitié des années 80 l'incidence de la pauvreté calculée d'après le revenu du marché en 1989 était encore bien supérieure au niveau de 1981. Il semble donc que la polarisation croissante des revenus tirés du travail et les taux de chômage plus élevés aient effectivement contribué à l'augmentation du nombre de personnes dont le revenu du marché était inférieur aux seuils de pauvreté que nous avons retenus. En outre si des statistiques sur l'incidence de la pauvreté étaient disponibles pour 1990 et 1991 elles révéleraient probablement des chiffres plus élevés qu'en 1989 étant donné la récente récession. Comment la répartition du revenu du marché au Canada se compare-t-elle à la situation dans d'autres pays? Dans une étude sur la répartition des revenus dans sept pays industrialisés - Canada États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne de l'Ouest, Suède, Norvège et Israël - on a constaté que le revenu courant des facteurs (c'est-à-dire sans les pensions d'un régime de retraite professionnel) était réparti plus également au Canada au début des années 80 que dans quatre des six autres pays. Seule la Suède affectait une plus forte part du revenu courant des facteurs à la tranche inférieure de 20 % (quintile) de la population classée selon le revenu familial total (alors que la part du revenu courant des facteurs en Norvège était plus faible chez le quintile inférieur elle était également plus petite dans le quintile supérieur; par conséquent la répartition des revenus pourrait également être considérée comme plus «égale» qu'au Canada). De plus la comparaison du ratio des parts du revenu courant des facteurs dans les quintiles supérieur et inférieur porte à croire qu'à l'exception de la Suède le Canada affichait la répartition la plus égale du travail et du capital entre ces sept pays à ce moment-là. Depuis lors les tendances du marché du travail au Canada ont contribué à un élargissement de la disparité dans les revenus du marché familial. Des données fragmentaires semblent indiquer une tendance semblable dans d'autres pays. Par conséquent notre pays est peut-être toujours l'un des pays industrialisés où les revenus sont répartis le plus uniformément. En résumé les revenus du marché au Canada sont de plus en plus répartis inégalement ce qui pourrait entraîner avec le temps un accroissement progressif du nombre de pauvres et une augmentation correspondante de la demande de redistribution du revenu. Même si les revenus du marché au Canada sont peut-être encore répartis plus uniformément que dans de nombreux autres pays de plus en plus de pressions risquent de s'exercer pour contrebalancer ces tendances. Il nous faut donc nous demander s'il est possible non seulement de réduire la pauvreté actuelle mais aussi de faire face efficacement à l'évolution des besoins. Cependant ce qui compte en dernière analyse pour les consommateurs c'est le revenu disponible. La redistribution du revenu. Au cours des années qui ont suivi la guerre (jusqu'au début des années 80) il y a eu une tendance de plus en plus forte à la redistribution des revenus comme en font foi l'adoption et l'établissement des programmes de paiements de transfert. L'assurance-chômage et les allocations familiales ont été instaurées dans les années 40 le régime universel de pensions de vieillesse est entré en vigueur au début des années 50 et les prestations d'aide sociale pour les personnes nécessiteuses ont été intégrées au Régime d'assistance publique du Canada (RAPC) dans les années 60. Ces mesures ont été suivies de l'adoption du Régime de pensions du Canada (RPC) et du Régime de rentes du Québec (RRQ) de même que du Supplément de revenu garanti (SRG) pour les personnes âgées. Pendant les années 70 on a assisté à un élargissement important du Régime d'assurance-chômage de même qu'à une augmentation des prestations versées aux enfants et aux personnes âgées. Dans les années 80 les initiatives gouvernementales mettaient davantage l'accent sur les services reliés à l'emploi comme la formation et le perfectionnement professionnels. Par ailleurs certaines modifications ont été apportés aux programmes souvent au détriment de certaines personnes. Par exemple les allocations familiales ont été partiellement désindexées et tout comme les prestations du Programme de sécurité de la vieillesse (PSV) ont fait l'objet d'une récupération fiscale totale dans le cas des familles à revenu élevé. De plus dans la plupart des régions du Canada les conditions d'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage ont été resserrées et les périodes de prestations raccourcies. Ces tendances se sont poursuivies pendant les années 90; par exemple plus de fonds de l'assurance-chômage ont alors été affectés à la formation professionnelle et les allocations familiales ont été supprimées. Les données disponibles sur les dépenses publiques au titre de l'assistance financière au cours du dernier quart de siècle fournissent des indications plus précises de cette expansion continue. En 1968-1969 par exemple les dépenses publiques au titre des principaux programmes de sécurité du revenu s'établissaient selon les estimations à 5,2 % du produit intérieur brut (PIB). Cette proportion a atteint environ 6,8 % en 1973-1974 et 10 % en 1982-1983. Depuis lors les dépenses relatives au titre de ces programmes sont demeurées pratiquement stables. Il existe des programmes d'aide financière à tous les paliers de gouvernement. Les principaux programmes de transfert comprennent les prestations aux personnes âgées (RPC, RRQ, prestations du PSV, SRG, allocations au conjoint et suppléments provinciaux connexes) le soutien du revenu pour la population en général ( assurancechômage, indemnisation des accidentés du travail, assistance sociale et autres prestations connexes) et les transferts pour les enfants (allocations familiales,crédits d'impôt pour enfants et suppléments provinciaux connexes). Dans notre analyse nous n'avons pas tenu compte des crédits non remboursables d'impôt sur le revenu ni des crédits d'impôt fédéral visant à compenser le fardeau des taxes à la consommation. Comme le montre la figure 2 ce sont les programmes destinés aux personnes âgées qui ont enregistré les hausses les plus importantes de dépenses publiques. Les principaux transferts aux personnes âgées sont passés en proportion de l'ensemble des dépenses de sécurité du revenu d'environ 39 % en 1968-1969 à environ 44 % en 1987-1988 par suite de l'augmentation appréciable de la proportion des personnes âgées dans la population ainsi que de l'enrichissement des niveaux des prestations. Cette augmentation des transferts de revenus a effectivement compensé l'inégalité croissante des revenus du travail observée dans «L'emploi au futur». Les analyses de la répartition du revenu familial total au Canada (c'est-à-dire revenu du marché et transferts) ne révèlent guère de changement depuis 20 ans dans la part du revenu national total de chacun des quintiles de la population. L'autre aspect de la redistribution du revenu concerne les différents impôts sur le revenu des particuliers (y compris les charges sociales) qui sont perçus pour financer les transferts de revenu. Bien que certains de ces impôts soient clairement liés à certains programmes de dépenses (par exemple les prestations d'assurance-chômage du RPC et du RRQ) la majeure partie des dépenses au titre de la sécurité du revenu est financée sur les recettes publiques générales. En outre certains impôts qui ne touchent pas les particuliers (par exemple la contribution des employeurs aux charges sociales) sont affectés aux fonds de la sécurité du revenu. Comme il est d'usage pour ce genre d'analyse nous avons supposé que tous les impôts sur le revenu des particuliers mais non les autres impôts étaient des mesures redistributives (bien que d'autres impôts influent dans une certaine mesure sur la redistribution des revenus nous n'avons pas effectué les travaux considérables qui auraient été nécessaires pour évaluer cet impact). En réalité on pourrait soutenir que tous les impôts sur le revenu des particuliers constituent jusqu'à un certain point la mesure de la redistribution des revenus sous forme de services publics tels que la santé, l'éducation, la défense, etc. Par conséquent nous avons défini la redistribution du revenu comme étant la différence entre la répartition du revenu du travail et la répartition du revenu disponible après l'impôt sur le revenu et les transferts pécuniaires. La figure 1 illustre également l'effet combiné des impôts et des transferts sur l'incidence de la pauvreté pour la période 1973-1989. De toute évidence les diverses mesures gouvernementales de redistribution ont considérablement réduit le taux de pauvreté au Canada. L'ampleur de cet impact s'est accrue graduellement au cours des années 70 et au début des années 80. Par exemple l'incidence moyenne de la pauvreté calculée d'après le revenu disponible se situait à 16 % entre 1973 et 1989 comparativement à 30 % si on la calcule en fonction du revenu du marché. En 1973 une fois les impôts pris en compte il y avait environ 10 % de moins de familles pauvres qu'il n'y en aurait eu sur la seule base du revenu du marché. En 1984 ce pourcentage était passé à 17 %. Cependant l'impact du système des impôts et des transferts sur les taux de pauvreté au cours de la deuxième moitié des années 80 a très peu varié. Ces variations tiennent principalement à l'augmentation sensible depuis 20 ans des dépenses de sécurité du revenu au titre des personnes âgées. Alors que le taux de pauvreté calculé selon le revenu du marché n'a baissé que de 8 points pour ce groupe entre 1973 et 1989 la baisse du taux de pauvreté calculé d'après le revenu disponible a constitué un changement plus spectaculaire pendant cette période en raison des variations des impôts et des transferts et surtout de la hausse des niveaux de transferts de l'État. C'est ainsi que la proportion de ménages âgés dont le revenu disponible se situait sous les seuils de pauvreté retenus a diminué brusquement - passant de 43 % en 1973 à 9 % en 1989. Les taux de pauvreté chez les familles dont le chef est d'âge actif ont également baissé au cours de cette période mais dans des proportions bien moindres. Comme l'indique la figure 4 l'incidence de la pauvreté calculée selon le revenu du marché chez ce groupe a diminué d'un peu moins de 4 points entre 1973 et 1980 (les effets de la récession de 1981 sont encore plus évidents pour ce groupe). Par ailleurs on a constaté une amélioration de la mesure dans laquelle les variations des impôts et des transferts ont réduit les taux de pauvreté chez ce groupe. Cette hausse minime du revenu du marché et ces légères améliorations des mesures de redistribution des revenus ont contribué à une baisse du taux de pauvreté calculé d'après le revenu disponible pour les familles de ce groupe qui est passé de 18 % en 1973 à 12 % en 1989. Cependant tous les progrès réalisés dans la redistribution des revenus aux pauvres d'âge actif l'ont été dans les années 70 et au début des années 80. Depuis lors l'impact des impôts et des transferts sur la pauvreté chez les personnes en âge de travailler a légèrement diminué. Comme il a été mentionné plus haut les revenus du marché étaient répartis plus également au Canada au début des années 80 que dans quatre des six pays ayant fait l'objet d'une analyse comparative des revenus au début des années 80. Malgré le fait que les efforts de redistribution au Canada aient contribué à combler encore plus l'écart dans les revenus ils n'ont pas été aussi poussés ou du moins pas aussi efficaces que ceux de certains des autres pays. Par conséquent le Canada a «perdu du terrain» par rapport à la Norvège au Royaume-Uni à l'Allemagne de l'Ouest et à l'Israël sur le plan du revenu disponible. Plus précisément le Canada est passé du deuxième au cinquième rang pour ce qui est de la part du revenu des facteurs dont dispose le quintile de 20 % le plus pauvre de la population. Dans une étude connexe portant sur dix pays (l'Australie, les Pays-Bas et la Suisse venant s'ajouter aux sept précédents) le Canada se classait au sixième rang en ce qui concerne l'égalité de la répartition du revenu disponible corrigé (c'est-à-dire après prise en compte des impôts des transferts et de la composition des familles). La Suède, la Norvège, l'Allemagne de l'Ouest, le Royaume-Uni et la Suisse présentaient dans l'ordre les répartitions les plus égales pendant cette période. Or rien ne permet de croire que la position relative du Canada ait changé depuis lors. Nous reconnaissons que ces comparaisons internationales des mesures de redistribution ne prennent pas en considération les nombreux avantages «en nature» tels que les soins de santé universels et l'éducation publique dont bénéficient les Canadiens. Cependant des services semblables sont offerts dans la plupart des autres pays étudiés si bien que les comparaisons donnent une certaine idée de la position relative du Canada en matière de redistribution des revenus aux fins d'assurer un niveau de vie de base à tous les citoyens. Le retard qu'accuse le Canada sur les autres pays industrialisés en matière de redistribution du revenu national apparaît également dans les comparaisons internationales des recettes fiscales globales de même que des dépenses au titre des programmes de sécurité du revenu. Le tableau 2 montre les dépenses du Canada au titre de la sécurité du revenu et des programmes connexes en 1985 par rapport à celles de 18 autres pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Bien que certains des écarts observés puissent être attribués à des différences dans la composition par âge et l'organisation des régimes de pension il est clair que même si bon nombre de Canadiens ont l'impression de supporter un fardeau excessif sur le plan des impôts et des transferts le niveau de redistribution du revenu est beaucoup plus modeste au Canada que dans bien des pays européens. Par ailleurs dans l'ensemble le Canada déploie un peu plus d'efforts que son principal partenaire commercial les États-Unis bien qu'il y ait des différences appréciables dans les systèmes de sécurité du revenu des deux pays. Ces conclusions sont confirmées par la figure 5 qui compare les recettes fiscales totales au Canada et celles de ses 23 partenaires de l'OCDE en 1989. Bien que seulement une partie de ces recettes soit consacrée aux programmes de sécurité du revenu le classement du Canada en matière de recettes fiscales correspond grosso modo à son classement sur le plan des dépenses au titre de la sécurité du revenu. Tout compte fait ces comparaisons donnent à penser que les transferts de revenu à des fins de redistribution au Canada sont modestes en regard de ceux d'autres pays industrialisés. Bien que les décisions concernant la redistribution des revenus doivent traduire les valeurs canadiennes il n'en demeure pas moins que la redistribution du revenu est plus importante dans bien d'autres pays industrialisés notamment ceux où le taux de croissance de la productivité a été beaucoup plus rapide qu'au Canada au cours des dernières années. En fait il nous semble qu'il n'y a aucune corrélation évidente entre une performance économique supérieure et les dépenses au titre des programmes sociaux. Quelles sont alors les occasions et les contraintes qui jouent en ce qui concerne les efforts supplémentaires à déployer pour réduire la pauvreté dans le cadre de programmes d'impôts et de transferts? Le contexte macro-économique. Les recherches effectuées par le Conseil et par d'autres organismes révèlent clairement les liens qui existent entre les taux de pauvreté et la performance macro-économique. Ils ont constaté qu'entre 1971 et 1984 on pouvait s'attendre qu'une hausse du PIB par habitant se traduise par une réduction de la pauvreté au Canada et qu'une augmentation du taux de chômage débouche dans la plupart des cas sur une augmentation de la pauvreté. Dans son Vingt-huitième Exposé annuel (1991) le Conseil a prévu la possibilité d'un taux de croissance annuel moyen de l'économie de l'ordre de 3 à 4 % pour les années 90 pourvu que les Canadiens et leurs gouvernements s'adaptent à l'évolution du contexte économique. La clé d'une croissance réelle du revenu se trouve dans une augmentation de la productivité. Cette perspective est marquée au coin d'un optimisme prudent après presque deux décennies au cours desquelles les taux de croissance de la productivité ont été faibles et à la baisse particulièrement pendant la période de reprise qui a suivi la récession de 1981. Cependant malgré la croissance modeste des revenus du marché après la récession les taux de pauvreté ont très peu diminué à la fin des années 80. Cette faible baisse s'explique peut-être en partie par l'impact de la polarisation des revenus. Néanmoins une performance macro-économique supérieure réduirait presque certainement la pauvreté chez les Canadiens aptes au travail - ce qui réduirait les coûts des transferts gouvernementauxet permettrait par ailleurs d'offrir plus d'aide aux personnes qui seraient encore dans le besoin. L'arbitrage entre l'égalité et l'efficience. On tente depuis longtemps dans la littérature économique de montrer que le fait de réduire les disparités des revenus entre les membres d'une société accroît le bien-être de celle-ci. En termes simplifiés à l'extrême on laisse entendre que le fait de prélever des impôts sur les revenus d'une personne très riche pour les transférer à une personne très pauvre permettrait de répondre davantage aux besoins humains. Cependant deux arguments militent contre cette théorie. Le premier c'est qu'il est difficile sinon impossible de prouver que «l'utilité» ou la satisfaction que tire une personne d'un revenu supplémentaire donné est plus grande que la perte «d'utilité» résultant de la perte de revenu d'une autre personne. Le second argument est que même si cette théorie pouvait être prouvée il n'en découle pas nécessairement qu'une telle redistribution du revenu est juste (par exemple pour simplifier de nouveau à l'extrême il se peut que la personne riche ait travaillé d'arrache-pied pour acquérir sa richesse et que la personne pauvre n'ait pas travaillé du tout). Décider de ce qui est «équitable» équivaut à porter des jugements de valeurs et les opinions divergent à juste titre d'une personne à l'autre à cet égard. En outre réduire les disparités par une redistribution du revenu suppose généralement des augmentations des impôts et, ou des transferts qui peuvent avoir pour effet de réduire les incitations financières à gagner un revenu. Même si des recherches effectuées récemment pour le Conseil confirment cette hypothèse elles indiquent également que l'impact (c'est-à-dire une réduction des gains) n'est peut-être pas aussi important que ce qu'on croyait auparavant. Quoi qu'il en soit la possibilité d'une réduction de la production économiques n'est pas le seul facteur qui restreint l'élargissement du système de sécurité du revenu au Canada. A l'heure actuelle les déficits et les taux d'endettement élevés des gouvernements limitent en pratique les nouvelles initiatives en matière de dépenses. Contraintes croissantes de la fiscalité. Dans une large mesure le développement du régime d'assistance sociale au Canada à la fin des années 60 et au début des années 70 a coïncidé avec une période de «dividendes» fiscaux et d'excédents budgétaires. Ces excédents ont sans aucun doute facilité la création d'un régime universel d'assurance-maladie l'élargissement du Régime d'assurance-chômage et le renforcement des programmes de sécurité du revenu pour les retraités. Les décideurs de cette époque n'avaient aucune raison de soupçonner que les niveaux relativement faibles de chômage et les taux élevés de croissance du revenu réel (du moins comparativement à la situation actuelle) ne se maintiendraient pas. Les faibles taux de croissance du revenu réel et les déficits budgétaires considérables des années 80 et du début des années 90 ont complètement transformé le contexte fiscal. D'aucuns soutiennent que c'est précisément l'expansion à long terme des programmes sociaux (et dans une certaine mesure le fait que les gouvernements n'ont pas augmenté les impôts dans la même mesure) qui ont entraîné ces déficits. Cette conclusion est trop simple et ne tient pas compte de tous les autres facteurs qui influent sur les recettes et les dépenses publiques. Il est évident que les pressions financières qui continuent de s'exercer sur tous les paliers de gouvernement constituent un obstacle de taille à toute réforme de la sécurité du revenu. Geler partiellement ou totalement les prestations et laisser l'inflation rétablir l'équilibre entre les impôts et les transferts ne sont pas à notre avis la seule solution à envisager. Il faut procéder à une étude plus approfondie de la nécessité et du financement des mesures de redistribution pour pouvoir réaliser des progrès importants dans la réduction de la pauvreté. En outre compte tenu de ces contraintes les Canadiens ne doivent pas négliger la possibilité d'améliorer l'efficacité du régime actuel de prestations de sécurité du revenu par le biais de la réaffectation des revenus. Conclusion. Notre analyse indique que même si le taux de pauvreté calculé d'après le revenu du marché pour l'ensemble de la population a diminué entre 1973 et 1981 il n'était inférieur en 1989 que de moins de 4 points à son niveau de 1973. Par ailleurs les revenus du marché étaient répartis plus également au Canada que dans quatre des six autres pays industrialisés étudiés. Pour l'ensemble de la population l'incidence de la pauvreté calculée d'après le revenu disponible a accusé une diminution attribuable surtout aux progrès considérables réalisés dans la réduction de l'incidence et de la gravité de la pauvreté chez les personnes âgées. Par conséquent il faudrait redoubler d'effort pour réduire au minimum les difficultés économiques des Canadiens en âge de travailler et de leurs enfants; l'incidence et la gravité de la pauvreté chez ce groupe sont maintenant beaucoup plus élevés que chez les personnes âgées. Une croissance économique vigoureuse devrait être un élément important de toute stratégie visant à réduire la pauvreté au Canada. Une demande forte augmente les niveaux d'emploi et partant réduit directement les niveaux de pauvreté. Elle améliore également la situation financière des gouvernements et accroît les possibilités d'élargir notre régime actuel de mesures de redistribution. La réduction de la pauvreté au cours des années 90 et au prochain siècle ne sera pas une mince tâche. Eu égard aux disparités de plus en plus grandes dans la répartition des revenus il se pourrait bien que nos ressources soient à peine suffisantes pour maintenir le système actuel de répartition du revenu disponible (par des impôts et des transferts supplémentaires) donc insuffisantes pour réduire davantage la pauvreté. A court terme la situation financière des gouvernements constituera le principal obstacle à une plus grande redistribution du revenu. Tant que les déficits publics ne seront pas sensiblement réduits toute dépense supplémentaire risque de faire l'objet d'une vive résistance. Cependant une fois que la situation financière actuelle se sera améliorée et que la dette se sera stabilisée à un niveau acceptable les gouvernements jugeront peut-être bon de prendre des engagements plus importants dans ce domaine. 3- L'évolution des besoins en matière de sécurité du revenu. La diminution spectaculaire de la pauvreté chez les personnes âgées a été le fruit de décisions politiques prises il y a 25 ans; on estimait alors que l'ampleur des difficultés économiques chez ce groupe n'était plus tolérable. Que cet objectif ait été atteint sans augmenter la pauvreté dans le reste de la population peut être considéré comme une réalisation majeure. Cependant, le fait que relativement peu de progrès aient été réalisés au cours des deux dernières décennies dans la réduction de la pauvreté chez les Canadiens d'âge actif et leurs enfants continue de susciter de vives préoccupations. Les bouleversements de l'économie mondiale - et l'évolution du marché du travail canadiendonnent à penser que les perspectives de ce groupe sont peut-être encore plus sombres pour les années 90. Quel impact les changements qui se sont produits sur le plan social et économique ont-ils eu sur les besoins en revenus de la population en âge de travailler? Nous présenterons d'abord de nouvelles données sur le degré d'instabilité des revenus familiaux pour tous les niveaux de revenus, qui confirmeront qu'une grande proportion des Canadiens se trouvent dans une situation précaire sur le marché du travail. Nous examinons ensuite un élément important de la situation économique et sociale qui contribue à cette instabilité: l'évolution de la structure familiale (le marché du travail, autre facteur qui contribue à cette instabilité, fera l'objet d'un examen plus loin). La dynamique des revenus familiaux. Selon des études de la répartition annuelle du revenu au Canada, celle-ci a relativement peu varié au cours des dernières décennies bien qu'on ait assisté à une érosion progressive de la classe moyenne ainsi qu'à une légère diminution du nombre des pauvres. Par ailleurs, des données révèlent qu'il se pourrait fort bien qu'un important mouvement annuel des familles tant vers le haut que vers le bas de l'échelle de la répartition des revenus soit en train de se dessiner. Jusqu'à tout récemment il était impossible d'obtenir une mesure exhaustive de cette dynamique. Les recherches du Conseil montrent cependant que, sous la surface relativement calme de la répartition des revenus, se dissimule une turbulence considérable. Un grand nombre de familles connaissent chaque année des fluctuations importantes de leurs revenus. Nos recherches s'inspirent de la nouvelle «base de données administratives longitudinales» établie par Statistique Canada, qui réunit des données tirées des déclarations d'impôt et de certains programmes provinciaux d'assistance sociale pour la période 1982-1986. Notre analyse a été effectuée par famille - c'est-à-dire que nous avons tiré un échantillon de particuliers et avons ajouté à leurs revenus les revenus d'autres membres de la famille, le cas échéant. Nous avons corrigé ces revenus familiaux pour tenir compte des écarts attribuables à la taille et au lieu de résidence de la famille en les divisant par le seuil de faible revenu applicable à la taille et au lieu de résidence en question. Les résultats sont révélateurs. Un peu plus de la moitié des familles comprenant au moins un adulte âgé de 64 ans ou moins en 1986 ont vu se modifier sensiblement leur situation relative dans l'échelle de la répartition des revenus familiaux depuis 1982. Lorsque nous avons examiné chaque quintile de cette répartition, nous avons constaté que la proportion des adultes qui ont passé d'un quintile à un autre après cinq ans (après correction pour tenir compte des écarts dans la taille de la famille) variait de 39 % environ à 64 % approximativement selon le quintile. En outre, presque tous (94 %) ces mouvements comportaient d'importantes variations des revenus. Il convient de noter que ces données ne comprennent pas ceux qui ont quitté un quintile et qui y sont revenus au cours de cette période de cinq ans. En fait, nous avons observé des mouvements spectaculaires dans les revenus familiaux pour chaque année de cette période. Le phénomène le plus significatif ici, c'est que l'instabilité des revenus familiaux s'est étendue aux personnes qui constituent la principale préoccupation de la présente étude: les familles qui se trouvent aux échelons inférieurs de l'échelle des salaires. Quelque 39 % des personnes qui se trouvaient dans le quintile inférieur en 1982 avaient accédé à un quintile supérieur en 1986. Par contre, 40 % des personnes qui se trouvaient dans le quintile inférieur en 1986 occupaient un quintile supérieur en 1982. Les fluctuations importantes des revenus familiaux traduisent deux influences distinctes. L'une concerne la variation des salaires et autres revenus de chacun des membres de la famille. L'autre est l'effet des changements dans la composition de nombreuses unités familiales. Pour distinguer ces effets, nous avons divisé la population d'âge actif en deux catégories: les familles dont la structure a changé (par suite d'un mariage, d'une séparation, d'un divorce, de la naissance d'un enfant et ainsi de suite) entre 1982 et 1986, et celles dont la structure n'a pas changé. La situation familiale de la majeure partie de la population en âge de travailler (63 %) n'a pas varié entre 1982 et 1986. Comme l'illustre la figure 8, 47 % de ces familles stables ont passé dans un quintile différent au cours de la période de cinq ans. Il est également évident que les changements familiaux ont eu des répercussions importantes sur les variations des revenus. Parmi les personnes dont la situation familiale a changé, 32 % ont accédé à un quintile supérieur, et 30 % ont régressé dans un quintile inférieur entre 1982 et 1986. On ne s'étonnera pas de constater que ce sont les personnes qui se sont mariées ou qui ont divorcé qui ont vu leurs revenus varier le plus (figure 9). La répartition de la population a faible revenu. Comment cette dynamique modifie-t-elle le tableau de la répartition annuelle de la population à faible revenu? La figure 10 illustre la répartition des adultes d'âge actif dans les familles à faible revenu en 1982 en fonction des revenus du marché. L'examen des données de 1982 révèle qu'un peu moins de 5 % des adultes d'âge actif étaient «indigents», car ils n'avaient touché aucun revenu du marché (c'est-à-dire privé) pendant cette année. En outre, 6 % de ces personnes étaient des «travailleurs marginaux» (c'est-à-dire que leurs revenus représentaient jusqu'à 50 % des seuils de faible revenu), tandis qu'environ 8 % étaient des «petits salariés». De plus, 11 % de ces personnes étaient juste au-dessus du seuil de pauvreté (c'est-à-dire que leurs revenus représentaient jusqu'à 150 % des seuils de faible revenu ou se situaient juste au-dessus de 24 000 $ après impôts et transferts, pour une famille de 4 habitant dans un grand centre urbain). Ces personnes peuvent se caractériser comme étant «à la limite de la pauvreté». Nous pouvons améliorer notre perception des besoins des Canadiens en matière de sécurité du revenu en ajoutant un élément temporel à notre analyse. A cette fin, nous classons les adultes en âge de travailler figurant dans la base de données administratives longitudinales en fonction du revenu du marché annuel le plus élevé qu'ils ont touché dans une année donnée entre 1982 et 1986. La figure 10 illustre également la répartition de la population à faible revenu au fil du temps selon ces «strates» de revenus du marché. Par exemple, nous voyons moins d'adultes de familles qui sont pauvres sur plusieurs années (2 % par rapport à 5 % annuellement), et plus de familles dont au moins un membre fait partie de la population active. En fait, environ 98 % des familles comptaient des membres qui avaient été sur le marché du travail à un moment ou à un autre au cours de cette période. Ce dernier groupe comprenait les personnes qui travaillaient toujours pour un salaire minimum ou à temps partiel et celles qui travaillaient de façon intermittente, parfois pendant quelques semaines d'affilée et, pendant certaines années, pas du tout. En résumé, ces données indiquent qu'un grand nombre de personnes se trouvent dans une situation précaire sur le marché du travail; pour plus de 16 % des familles, par exemple, le revenu du marché le plus élevé qu'elles ont touché au cours d'une année donnée pendant la période de cinq ans n'a pas excédé 1,5 fois le seuil de faible revenu. Un certain nombre de facteurs contribuent sans doute à cette précarité, dont l'un des plus importants est la transformation de la structure familiale. L'évolution de la structure familiale. Les questions de sécurité de revenu portent habituellement sur la capacité de gains et les revenus de la famille, étant donné que la famille est généralement considérée comme la cellule de prise de décisions en ces matières. L'évolution constante de la structure familiale a été marquée par l'émergence d'un nombre relativement important de personnes seules, de familles monoparentales, de familles à deux revenus, de personnes vivant en union libre et de familles moins nombreuses. Depuis 40 ans, les taux de nuptialité ont décliné, sauf pendant les années 60; par ailleurs, les taux de divorce ont augmenté de façon spectaculaire par suite des modifications apportées en 1968 à la législation sur le divorce, d'où un accroissement du nombre de personnes seules et de familles monoparentales. La figure 12 montre de façon plus détaillée et sur une plus longue période la variation relative du nombre de familles monoparentales (en proportion de l'ensemble des familles ayant des enfants). Il est intéressant de noter que la proportion de familles monoparentales s'établissait à 12 % il y a environ 50 ans et que le chef des deux tiers d'entre elles environ étaient un veuf ou une veuve. Depuis lors, cependant, ce groupe a diminué proportionnellement, pour être remplacé, dans les années 70 et 80, par une proportion croissante de parents séparés, divorcés ou célibataires. Le nombre de familles monoparentales s'est accru de plus de 50 % entre 1961 et 1986, la vaste majorité d'entre elles étant dirigées par des femmes et, de plus en plus, par de jeunes femmes. Quant aux familles restées intactes, elles comptent de plus en plus depuis vingt ans sur le revenu de deux personnes. De 1971 à 1986, par exemple, la proportion de ces familles (avec ou sans enfants), où les femmes faisaient partie de la population active, est passée de 36 % à près de 58 %. En dépit de cette augmentation spectaculaire du nombre de familles à deux revenus, l'incidence de la pauvreté chez les familles intactes n'a baissé que modérément. Bien que l'incidence de la pauvreté chez les familles ayant des enfants ait diminué, c'est le sort des enfants qui continue d'inspirer le plus de pitié dans presque tous les débats sur l'arbitrage entre l'équité et l'efficience. Les effets physiologiques et psychologiques à long terme de la pauvreté sur les enfants sont graves. Il existe un rapport certain entre le revenu et la santé. Les Canadiens pauvres vivent moins longtemps et moins bien que les mieux nantis. En outre, les enfants pauvres ne réussissent pas aussi bien à l'école que les enfants plus riches. Comme il existe un lien certain entre la scolarité et le bien-être économique ultérieur, les enfants élevés dans la pauvreté sont grandement défavorisés lorsqu'ils commencent leur vie professionnelle. Comme en témoigne les enfants du Canada, un nombre disproportionné d'enfants provenant de familles à faible revenu sont des «récidivistes». Même si la scolarité moyenne des Canadiens a considérablement augmenté, le taux d'abandon scolaire chez les jeunes ne cesse d'inquiéter. Comme l'a souligné le Conseil dans son récent rapport de synthèse intitulé les chemins de la compétence, 30 % des élèves ne terminent pas leur secondaire. Même si le nombre moyen d'enfants par famille diminue depuis les années 60, des données portent à croire que cette tendance se stabilise. De toute évidence, la question de la pauvreté des enfants devrait continuer d'être au coeur du débat sur la pauvreté. En résumé, la structure familiale diffère sensiblement aujourd'hui de ce qu'elle était au cours des dernières décennies. Les familles (y compris les personnes seules) ont augmenté en nombre, elles sont de taille plus petite, leurs liens sont plus lâches et elles comptent moins de personnes à charge. Par conséquent, une plus forte proportion de la population est indépendante et, dans la plupart des cas, souhaite travailler. Les tendances que nous avons observées donnent à penser que l'instabilité actuelle en matière de formation et de dissolution des familles se poursuivra dans un avenir prévisible. Les liens importants qui existent entre l'évolution de la structure familiale et l'instabilité des revenus familiaux ajoutent à l'effet de ces changements sur la précarité de la situation de nombreux Canadiens sur le marché du travail. Conclusion. Le présent examen de la répartition de la population à faible revenu et des tendances de la structure familiale nous amène à tirer un certain nombre de conclusions sur l'évolution des besoins des Canadiens d'âge actif en matière de sécurité du revenu. Seule une petite partie de la population est réellement pauvre et n'a pratiquement aucune possibilité de parvenir à un certain niveau d'autonomie. Cependant, il y a un grand nombre de Canadiens dont les perspectives de toucher un revenu sont précaires. Il s'agit notamment des familles dont les revenus sont marginaux, des petits salariés et des personnes à la limite de la pauvreté. Alors que presque toutes ces familles ont fait partie de la population active à un moment ou à un autre, la majorité d'entre elles se trouvent dans une situation difficile parce que cette participation à la population active est ténue (chômage de longue durée, occasions d'emploi à temps partiel et ainsi de suite). Ce groupe est probablement beaucoup plus important, toutes proportions gardées, aujourd'hui qu'il ne l'était il y a deux, trois ou même quatre décennies, comme en témoigne l'augmentation: - du taux et de la durée du chômage; - du nombre d'emplois non standard; - et de l'instabilité des familles. Les données présentées ici indiquent clairement qu'il y a un profil des personnes dans le besoin. Par ailleurs, le fait qu'un grand nombre de Canadiens soient, par exemple, indigents une année et touchent des revenus qui se rapprochent du seuil de pauvreté l'année suivante indique qu'il y a une très grande instabilité dans les revenus des pauvres. 4- La pauvreté au Canada. Les statistiques qui aident à expliquer la nature et l'étendue de la pauvreté au Canada sont bien connues des chercheurs qui travaillent dans ce domaine. Elles sont fondées sur les données recueillies par Statistique Canada sur le revenu des familles au cours des dernières décennies. Des comparaisons de ces données d'année en année révèlent de nettes variations au fil du temps, comme les tendances de l'incidence de la pauvreté de 1973 à 1989, dont il a été fait état plus haut. Ces statistiques ne nous brossent cependant pas un tableau complet de la situation des pauvres. D'après ces seules données, par exemple, il est difficile de comprendre pourquoi il y a de plus en plus de banques alimentaires au Canada. Les données ne nous donnent pas beaucoup d'informations sur l'ampleur de l'entrée dans la pauvreté et de la sortie de la pauvreté ou n'aident pas à établir les caractéristiques de ceux qui restent pauvres et de ceux qui sortent de la pauvreté. En examinant la mesure dans laquelle les Canadiens qui deviennent pauvres restent dans cette situation, nous avons pu acquérir de nouvelles connaissances sur la gravité relative de la pauvreté. Avant de présenter les résultats de notre étude, cependant, nous analyserons d'abord certaines des questions relatives à la mesure de la pauvreté et nous examinerons de façon plus détaillée certaines des tendances. Une question de mesure. Dans l'introduction, nous avons souligné que le pauvre peut se définir comme étant celui qui n'a pas les ressources nécessaires pour jouir des nécessités de la vie et que la définition de la pauvreté dépend dans une large mesure de jugements de valeur concernant les «moyens» et les «nécessités de la vie». Il n'y a pas de consensus sur la façon exacte de mesurer les ressources ni sur les éléments qui doivent être inclus dans les nécessités de la vie. En ce qui concerne les nécessités de la vie, on a préconisé un certain nombre de méthodes, allant de la composition et du coût d'un «panier de provisions» à des mesures fondées sur le niveau de vie du citoyen moyen (c'est-à-dire la personne qui touche le revenu moyen). Dans la deuxième méthode, le seuil de pauvreté se définit comme une partie - mettons 50 % - du revenu moyen. Dans un cas comme dans l'autre, tout comme pour les méthodes qui combinent essentiellement ces deux approches de base, il faut également tenir compte d'une question connexe, soit les ajustements à apporter aux seuils de la pauvreté, au fur et à mesure de l'évolution des conditions (par exemple les prix et les valeurs sociales). Le revenu courant sert habituellement à mesurer les ressources; cependant, plusieurs questions se posent quand il s'agit de mesurer ce revenu. Par exemple, s'agit-il seulement du revenu monétaire ou devrait-on y inclure les différentes rentrées en nature (par exemple les avantages provenant de la valeur nette réelle d'une maison)? De qui devrait-on mettre en commun les revenus et sur quelle période? Finalement, devrait-on mesurer le revenu du marché, le revenu total ou le revenu disponible (après impôts)? Les seuils de faible revenu de Statistique Canada que nous avons retenus pour mesurer la pauvreté correspondent à un juste milieu méthodologique. Dans notre étude, nous avons utilisé les seuils après impôts de 1978, qui sont fondés sur les dépenses des familles au titre de l'alimentation, de l'habillement et du logement engagées cette année-là, corrigées de la variation des prix depuis lors selon l'indice des prix à la consommation et calculées en fonction du revenu disponible des familles. En 1991, la valeur de ces seuils, exprimée en fonction du revenu disponible, variait de 8 328 $ pour une personne seule vivant dans une région rurale à 33 413 $ pour une famille de sept personnes habitant dans une grande agglomération urbaine. Le même seuil pour une famille de quatre personnes vivant dans une grande agglomération urbaine s'établit à 23 756 $. Il faut noter que la plupart des publications de Statistique Canada font état de seuils avant impôt et mesurent les faibles revenus à partir du revenu total. Cependant, nous avons choisi de retenir le revenu disponible, étant donné l'impact des impôts et des transferts sur la répartition du revenu et, partant, sur la partie du revenu disponible pour la consommation. Par ailleurs, nous n'avons pu tenir compte de la valeur des diverses composantes en nature à cause des limites des données. Les tendances de la pauvreté. Nous avons déjà fait état de la diminution spectaculaire, chez les personnes âgées, de l'incidence de la pauvreté calculée d'après le revenu disponible, entre 1973 et 1989. D'autres groupes, en revanche, ont moins bien réussi, comme l'indique la figure 13. En général, les taux de pauvreté ont diminué dans tous les groupes pendant cette période. Cependant, dans le cas des personnes seules de moins de 25 ans, l'incidence de la pauvreté calculée selon le revenu disponible a régressé pendant les années 70, a connu une forte augmentation pendant les années 80 et était légèrement plus élevée en 1989 qu'en 1973. Les écarts considérables de l'incidence de la pauvreté entre ces groupes revêtent plus d'importance, car les taux chez les jeunes, les familles monoparentales et, dans une moindre mesure, toutes les autres personnes seules, ont continué d'être beaucoup plus élevés que la norme. De plus, les taux de pauvreté des femmes seules, avec ou sans enfant, étaient quelque peu plus élevés que ceux des hommes dans la même situation. Malgré ces écarts, les couples mariés, avec ou sans enfant, comptent encore pour 44 % de la population pauvre à cause de leur nombre élevé. Le tableau 4 illustre l'évolution de la gravité de la pauvreté pour la population d'âge actif ainsi que les écarts de gravité pour les divers groupes qui la composent. En règle générale, la diminution de l'incidence de la pauvreté au cours des deux dernières décennies s'est accompagnée d'une baisse de sa gravité. Pourtant, il faut souligner que la gravité de la pauvreté demeure élevée. En moyenne, le revenu disponible des familles pauvres est de 34 % inférieur aux seuils de faible revenu. Quant aux écarts entre les groupes retenus, les taux élevés de pauvreté chez les personnes seules se doublaient d'un degré de gravité plus important, indice de difficultés économiques encore plus grandes chez ces Canadiens, notamment les jeunes personnes seules. Le tableau 5 montre qu'en 1989 l'incidence de la pauvreté au Canada était la plus élevée dans les provinces des Prairies, et la moins élevée en Ontario, les autres régions se trouvant à mi-chemin, soit environ 14 %. Les écarts étaient beaucoup plus petits, cependant, pour ce qui est de la gravité moyenne de la pauvreté des personnes pauvres. Le Québec et les provinces de l'Atlantique affichaient les ratios les plus faibles, alors que les provinces des Prairies avaient les plus élevés. Le niveau d'instruction a aussi un effet important sur le risque de devenir pauvre. Les Canadiens ayant un niveau d'instruction peu élevé risquent beaucoup plus d'être pauvres lorsqu'ils sont adultes que ceux qui fréquentent l'école plus longtemps. En 1988, par exemple, de toutes les familles dont le chef était en âge de travailler (à l'exclusion des jeunes personnes seules, dont plusieurs fréquentaient encore l'école) et avait moins de neuf ans de scolarité, plus de 20 % étaient pauvres. De plus, d'autres données de recherches du Conseil donnent à penser que les résultats scolaires des enfants de familles pauvres ou victimes de circonstances socioéconomiques défavorables (par exemple l'absence de parents) sont de beaucoup inférieurs à la moyenne. Dans la mesure où il existe un cercle de la pauvreté, le moyen d'en sortir pourrait bien être de faire en sorte que tous les Canadiens reçoivent une instruction de base. La dynamique de la pauvreté. Bien que cette évolution de la pauvreté reflète la variation nette annuelle du nombre et des caractéristiques des pauvres, elle ne nous apprend rien sur la nature et l'ampleur de ces mouvements annuels d'entrée dans la pauvreté et de sortie de la pauvreté. Conformément à nos constatations sur la dynamique des revenus des familles à tous les paliers de la répartition du revenu, nous avons découvert que les pauvres d'âge actif ne peuvent être enfermés dans une catégorie sociale. De 1982 à 1986, plus de 27 % des Canadiens qui étaient pauvres au cours d'une année donnée - environ 410 000 adultes en moyenne - n'étaient plus pauvres l'année suivante. Par ailleurs, à peu près le même nombre de personnes (environ 400 000 en moyenne) devenaient pauvres chaque année. Ces fluctuations sont demeurées à peu près inchangées de 1982 à 1986, malgré la reprise qui a suivi la récession de 1981. Parmi ceux qui ont échappé à la pauvreté au cours d'une année donnée pendant cette période, 21 % sont redevenus pauvres l'année suivante. Parmi ceux qui n'ont pas retombé dans la pauvreté pendant deux ans ou plus, une proportion décroissante est redevenue pauvre au cours de chaque année ultérieure. De même, parmi ceux qui dont devenus pauvres au cours d'une année donnée, 49 % ont échappé à la pauvreté l'année suivante alors que le taux annuel moyen de sortie de la pauvreté s'établissait à 27 %. Parmi ceux qui sont restés pauvres au cours d'une année donnée, une proportion décroissante ont échappé à la pauvreté chaque année suivante. A première vue, ces tendances semblent corroborer l'hypothèse que la capacité d'échapper à la pauvreté est influencée négativement par sa durée. Par exemple, selon la croyance populaire, les gens qui sont pauvres pendant une longue période risquent de dépendre trop des prestations qu'ils touchent dans le cadre des programmes de transferts gouvernementaux (par exemple, l'aide sociale), et il leur devient pratiquement impossible de sortir de la pauvreté. Bien que les résultats de notre recherche ne contredisent certes pas cette hypothèse, ils sont loin de la confirmer. A cet égard, les données longitudinales que nous avons utilisées ne nous permettent pas d'identifier toutes les caractéristiques des personnes vivant sous le seuil de pauvreté et qui ne peuvent pas travailler, ce qui pourrait influer sur nos résultats. Par exemple, nous savons d'après d'autres sources que parmi les personnes ayant vécu dans la pauvreté pendant une longue période, un grand nombre ne sont tout simplement pas en mesure de devenir autonomes, à cause d'un handicap physique ou mental grave. D'autres peuvent choisir de ne pas travailler, étant des parents seuls qui doivent rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants en bas âge. Dans un cas comme dans l'autre, il ne convient pas de soutenir que ces personnes demeurent pauvres simplement parce qu'elles ont perdu l'habitude de l'autonomie et en ont oublié les caractéristiques. D'autres données jettent plus de lumière sur la question. Par exemple, les recherches qu'a effectuées le Conseil ces dernières années indiquent que les personnes qui deviennent chômeurs (abstraction faite en général des personnes ayant un handicap grave) et qui ne trouvent pas un emploi pendant les premiers mois de chômage ont peu de chances d'en trouver un dans les mois suivants. En outre, selon l'analyse présentée plus loin, certains travailleurs ont tendance à devenir tributaires des prestations d'assurance-chômage, d'où la possibilité qu'ils passent de longues périodes sous le seuil de la pauvreté, bien que tous les travailleurs qui deviennent tributaires de ces prestations ne soient pas pauvres. Il est donc réaliste de croire que certaines personnes pauvres ont tendance à dépendre d'un programme quelconque de sécurité sociale et à perdre la capacité ou le désir de devenir autonomes. Cependant, les données dont nous disposons ne nous indiquent pas l'importance de cette dépendance. En résumé, nous ne pouvons pas déterminer sans données ou analyses supplémentaires si la probabilité de demeurer sans emploi ou pauvre est fonction de la durée passée dans cet état et, ou d'un certain nombre d'autres facteurs. A partir des données utilisées ici (et d'études américaines), nous ne pouvons que présumer que le taux auquel les gens vont grossir les rangs des pauvres de longue durée est assez faible. Jusqu'ici, nous avons réparti les pauvres en deux groupes dont l'un demeure pauvre, tandis que l'autre ne l'est que pendant de courtes périodes. Cependant, les données portent à croire que cette division de la population pauvre du Canada est trop simple. Certaines des personnes qui sortent de la pauvreté n'y retournent pas, du moins à court terme. Par ailleurs, certaines personnes retombent dans la pauvreté à certains intervalles. De 1982 à 1986, 15 % des pauvres en moyenne ont connu deux, voire trois, épisodes de pauvreté au cours de cette période de cinq ans. Par exemple, parmi ceux qui ont échappé à la pauvreté en 1983, près de 40 % ont retombé dans la pauvreté dans les trois années qui ont suivi. En résumé, une partie de la population est toujours dans le besoin, qu'il s'agisse d'indigents ou de per sonnes qui sont pauvres à un moment ou à l'autre. L'effet cumulatif de ces mouvements d'entrée et de sortie des Canadiens sur le plan de la pauvreté peut se résumer par le fait que près de deux fois plus «d'adultes» ont connu au moins une année de pauvreté (en un ou plusieurs épisodes) pendant la période quinquennale observée (25,1 %) que de personnes qui étaient pauvres au cours d'une année donnée (13,8 % en moyenne). En outre, ces résultats donnent à penser que ce risque de pauvreté s'accroît en proportion de la longueur de la période - et qu'un Canadien sur trois court peut-être ce risque au cours de sa carrière. L'analyse ci-dessus repose sur les seuils de pauvreté que nous avons retenus. Bien entendu, il existe de nombreuses autres mesures de la pauvreté. Comme nous l'avons déjà mentionné, presque toutes ces mesures révèlent la même tendance. Par exemple, les personnes qui ont droit à l'aide sociale dans leur collectivité pourraient être considérées comme pauvres. Au moyen de la base de données administratives longitudinales, nous avons pu examiner l'instabilité et la durée de la pauvreté chez les personnes qui touchent des prestations d'aide sociale au Québec et en Nouvelle-Écosse (des données de ce genre n'étaient pas disponibles pour les autres provinces). Comme les niveaux des prestations d'aide sociale et le fonctionnement des programmes varient sensiblement d'une province à l'autre, il faut faire preuve de prudence lorsqu'on applique les résultats de cette analyse aux autres provinces. Comparativement aux mesures de la dynamique de la pauvreté décrites ci-dessus, les pourcentages correspondants de personnes qui sont devenues ou ont cessé d'être bénéficiaires de l'aide sociale étaient quelque peu inférieurs, même si les tendances étaient généralement semblables au fil du temps. Par exemple, le taux de sortie annuel moyen de l'aide sociale dans les deux provinces était de 12,6 % pendant cette période, par rapport à 27,5 % pour ceux qui étaient pauvres au cours d'une année donnée. Cependant, parmi les personnes qui venaient de cesser de toucher de l'aide sociale, une proportion beaucoup plus forte que la moyenne redevenaient bénéficiaires l'année suivante. Parmi celles qui continuaient de ne plus toucher de l'aide sociale pendant deux ans ou plus, une proportion décroissante redevenaient bénéficiaires au cours de chaque année subséquente. Cette tendance est très semblable au rapport existant entre la longueur de la période de non-pauvreté et les taux d'entrée dans la pauvreté. Cependant, pour ceux qui venaient de commencer à recevoir de l'aide sociale, les taux de sortie ont augmenté pendant la deuxième année pour ensuite diminuer chez ceux qui touchaient encore de l'aide sociale au cours de la troisième année. Cette tendance, bien que quelque peu différente de celle observée pour ceux qui venaient de devenir pauvres tend à accréditer la thèse d'une moins grande instabilité chez les «plus pauvres des pauvres». La durée de la pauvreté. La durée de la pauvreté est un élément important de sa gravité relative; les problèmes sociaux et économiques des personnes qui sont pauvres année après année diffèrent sensiblement de ceux des personnes qui ne connaissent qu'un bref épisode de pauvreté. En outre, la durée constitue un moyen utile servant à mesurer la dynamique complexe de la pauvreté que nous venons de souligner. Il y a un certain nombre de façons d'examiner cet aspect de la pauvreté. L'une d'entre elles consiste à regrouper ceux qui n'ont connu qu'une période de pauvreté à un moment donné entre 1982 et 1986 selon le nombre d'années de pauvreté. Nous avons constaté qu'au moins 8,3 % de tous les Canadiens en âge de travailler avaient été pauvres pendant seulement un an durant cette période, et que 5,9 % l'avaient été pendant les cinq années. Même si un grand nombre d'entre eux auraient été pauvres pendant plus de cinq ans, la durée moyenne de la pauvreté observée était d'environ trois ans. Tout porte à croire que toutes ces proportions seraient quelque peu plus élevées si l'on avait pu suivre cette population pendant plus longtemps. Une autre façon de mesurer la durée de la pauvreté consiste à compter ceux qui étaient pauvres au cours d'une année donnée de la période 1982-1986 et à les répartir ensuite selon la durée de leurs périodes de pauvretépar exemple ceux qui étaient pauvres pendant un an seulement, durant une période de deux à quatre ans et pendant les cinq ans et les personnes qui ont connu plusieurs épisodes de pauvreté; la figure 20 présente ces données pour chaque année entre 1983 et 1986. Nous remarquons que, pour n'importe quelle année, entre 42 et 45 % de la population pauvre était constituée de gens qui étaient pauvres pendant les cinq années; les 55 à 58 % restants comptaient des gens qui étaient pauvres pendant diverses périodes, dont ceux qui ont connu plusieurs épisodes de pauvreté pendant la période. La gravité relative de la pauvreté, mesurée selon sa durée, varie énormément d'un groupe familial à l'autre. Comme l'indique le tableau 6, les risques de pauvreté de longue durée ou chronique étaient plus élevés chez les familles monoparentales et les personnes seules plus âgées; environ le quart des personnes de ces deux groupes étaient pauvres pendant les cinq années de la période 1982-1986, comparativement à 5,9 % du total de la population d'âge actif. Par contre, la pauvreté de courte durée était plus répandue chez les personnes seules jeunes et les familles monoparentales. Par exemple, 12,6 % des personnes seules âgées de moins de 25 ans ne sont restées pauvres qu'un an, comparativement à 8,3 % de tous les adultes en âge de travailler. Sauf en ce qui concerne les familles monoparentales, dont le chef est une femme dans la plupart des cas, cette dynamique et les données sur la durée qui en résultent ne varient pas beaucoup entre les hommes et les femmes. De plus, étant donné leur nombre important, les couples mariés (avec ou sans enfant) représentaient encore 31 % des pauvres de longue durée. Facteurs de risque de la pauvreté. Quels sont les principaux facteurs de risque liés à ces mouvements d'entrée dans la pauvreté et de sortie de la pauvreté? Étant donné que les salaires sont, de loin, la principale source de revenu des Canadiens et que la pauvreté est calculée à partir du revenu familial, il n'est guère étonnant de constater que les événements majeurs liés au travail (par exemple la perte d'un emploi) et à la structure familiale (par exemple la formation d'une famille) ont un effet appréciable sur la probabilité de devenir pauvre ou de cesser de l'être. Nous examinerons maintenant les variations de la probabilité de devenir pauvre ou de cesser de l'être relativement à ces événements majeurs. Pour déterminer l'effet d'une variation du nombre de soutiens de famille ou de l'état matrimonial sur la probabilité de devenir pauvre ou de cesser de l'être, nous avons d'abord calculé cette probabilité pour certains groupes de la population d'âge actif (par exemple les familles comptant un ou deux soutiens, les couples mariés avec enfants, etc). Ces taux de «référence» des entrées dans la pauvreté et des sorties de la pauvreté figurent au tableau 7. Celui-ci montre, par exemple, qu'une famille comptant un soutien et qui n'était pas pauvre au cours d'une année donnée entre 1982 et 1985 avait 4,6 % des chances de devenir pauvre l'année suivante. De même, une famille comptant un soutien et qui était pauvre au cours d'une de ces années avait 49 % des chances de sortir de la pauvreté l'année suivante. Examinons d'abord le côté gauche de la figure 21, intitulé «entrée dans la pauvreté». Comme il a été mentionné plus haut, le faux de référence des entrées dans la pauvreté pour une famille ayant un seul soutien s'établit à 4,6 % de toutes les familles non pauvres de cette catégorie (les taux de référence sont indiqués dans la figure pour permettre de comparer le taux d'entrée des familles dont le nombre de soutiens change et celui des familles dont le nombre de soutiens ne change pas). Si la famille perd son soutien, la probabilité de devenir pauvre grimpe à 26,9 %. Si une famille comptant deux soutiens en perd un, cette probabilité augmente beaucoup moins. Le côté droit de la figure 21 compare les a sorties de la «pauvreté». Nous pouvons constater que la probabilité de sortie augmente beaucoup (au-dessus du taux de référence) si un premier ou un second soutien est ajouté, l'effet étant plus important dans le cas d'un second soutien. L'impact d'un changement dans la structure familiale est encore plus marqué. Entre 1982 et 1986, la probabilité d'échapper à la pauvreté à l'occasion d'un mariage ou d'une union libre était beaucoup plus forte que le taux de référence. Par contre, pour les non-pauvres, la probabilité de devenir pauvre lors d'une rupture de la famille était plusieurs fois supérieure au taux de référence. De fait, la proportion des personnes ayant des enfants qui tombaient dans la pauvreté était environ douze fois supérieure au taux de référence (37,6 % contre 3,1 %). Conclusion. La population pauvre n'est ni stable ni homogène. Il ne fait aucun doute qu'un grand nombre de Canadiens sont victimes de pauvreté chronique. Une grande partie de ces pauvres de longue date sont totalement handicapés, mais les familles monoparentales et les travailleurs âges (dont certains sont partiellement handicapés) constituent également une forte proportion de ce groupe. Cependant, l'instabilité est autant une caractéristique de la pauvreté que la persistance. Le taux annuel d'entrée dans la pauvreté et de sortie de la pauvreté s'établit à environ 27 %. Un grand nombre de ceux qui échappent à la pauvreté y retournent après une période relativement courte. Dans l'ensemble, près d'un Canadien sur trois risque de connaître la pauvreté au moins une fois au cours de sa carrière. Le risque de devenir pauvre s'accroît sensiblement à la suite d'un divorce ou d'une diminution du nombre de soutiens dans une famille (surtout par suite de la perte d'un emploi). De même, le mariage ou une augmentation du nombre de soutiens sont des événements importants qui font augmenter de manière appréciable la probabilité de sortir de la pauvreté. Ces résultats mettent en lumière le rapport important qui existe entre le risque de pauvreté et certaines des grandes décisions prises dans la vie. Cette dynamique complexe de la pauvreté fait partie du phénomène plus vaste de l'instabilité à tous les niveaux de revenu, qui reflète les fluctuations permanentes de la conjoncture économique, du marché du travail et des structures familiales. Par conséquent, il faut examiner - et réformer s'il y a lieu - le système de sécurité du revenu pour qu'il permette de faire face de la manière la plus efficiente et la plus efficace possible à l'évolution de la pauvreté. 5- Le rôle du marché du travail. Les traitements et salaires représentent de loin la principale source de revenus des familles canadiennes. Par conséquent, tout changement structurel sur le marché du travail peut, en modifiant la rémunération relative attachée à différentes professions, branches d'activité ou régions, avoir un effet important sur le bien-être économique des familles. A cet égard, la transformation spectaculaire qui s'est produite sur le marché du travail au cours des dernières décennies semble créer chez de nombreux Canadiens une insécurité sur le plan du revenu. Le régime d'assurance-chômage a atténué un grand nombre des effets négatifs de ces changements et d'autres sources de pertes d'emplois en protégeant le revenu de millions de travailleurs. Par ailleurs, il se peut que certains aspects du régime d'assurance-chômage n'incitent pas suffisamment certains des chômeurs à se préparer à occuper un emploi stable. Le Conseil et d'autres organismes ont tenté de mieux comprendre ce qui sous-tend les différentes tendances du marché du travail. Par exemple, environ 10 % des emplois sont perdus chaque année, et un nombre équivalent sont créés. Quel est l'impact précis de ces pertes et créations d'emplois sur les niveaux de chômage et les taux d'activité? Certaines données portent à croire que l'incidence plus élevée du chômage au Canada qu'aux ÉtatsUnis peut être attribuable au moins en partie aux taux de création et de disparition d'emplois plus élevés dans ce pays. Quoi qu'il en soit, la durée moyenne du chômage augmente et, après prise en compte des facteurs cycliques, un nombre de plus en plus grand de Canadiens connaissent maintenant des périodes de chômage d'un an ou plus (il s'agit de «chômeurs de longue durée»). Les personnes âgées de 45 ans et plus sont particulièrement vulnérables, car il leur est difficile de trouver un emploi. La détérioration de la situation de nombreux travailleurs peut peut-être s'expliquer par bien des raisons. L'une d'entre elle pourrait être l'évolution de la nature du marché du travail au Canada. L'évolution du marché de l'emploi. Le taux d'activité a augmenté sensiblement au cours des dernières décennies, en particulier chez les femmes et les jeunes. Il en va de même de la base de l'emploi. En fait, le taux de création d'emplois du Canada au cours des deux dernières décennies a été le plus élevé parmi tous les pays industrialisés. La hausse du chômage. Malgré cela, la création d'emplois n'a pas suivi le rythme de croissance de la population active du Canada. Il en a résulté une hausse du taux de chômage, qui est passé de 4 % en moyenne dans les années 50 à plus de 9 % dans les années 80. A en juger d'après les trente premiers mois des années 90, la moyenne de la décennie pourrait être encore plus élevée que celle de la précédente. L'incidence du chômage de longue durée s'est elle aussi sensiblement accrue depuis les années 70. Les recherches du Conseil montrent que la probabilité de retourner au travail de ceux qui ne l'ont pas fait dans les premiers mois de chômage est très faible.Plus de la moitié de ceux qui deviennent chômeurs à un moment donné ont trouvé du travail à la fin du cinquième mois; sept mois plus tard, seulement 15 % du groupe original occupent un nouvel emploi. Emplois non standard. Le nouveau marché de l'emploi présente une caractéristique importante et troublante: la proportion croissante d'emplois non standard (c'est-à-dire qui ne correspondent plus au modèle traditionnel des emplois permanents à plein temps). Comme l'indique le rapport L'emploi au futur, environ 44 % des emplois créés entre 1981 et 1989 étaient des emplois de courte durée ou à temps partiel; ce genre d'emploi constituait environ 28 % des emplois en 1989. Les emplois non standard offrent généralement- mais pas toujours - de faibles salaires, peu d'avantages sociaux, peu de sécurité et des perspectives limitées d'avancement professionnel. Ce qui nous préoccupe particulièrement ici c'est le fait que l'écart entre l'aide financière accordée par l'État aux personnes dans le besoin et le revenu provenant d'emplois qui ne sont pas à plein temps peut être insuffisant pour encourager certaines personnes à travailler. L'absence de stimulants devient encore plus importante pour les mères célibataires ayant de jeunes enfants, une fois pris en compte les frais de garderie. En fait, toute augmentation des niveaux de soutien du revenu risque même d'inciter certains petits salariés à quitter la population active. La croissance des emplois non standard et des emplois à plein temps faiblement rémunérés a pour effet d'accroître la proportion des revenus tirés du travail qui se situent en dessous ou aux alentours du seuil de la pauvreté. Inadéquation. Les recherches effectuées par le Conseil au cours des dernières années ont révélé qu'une grande partie de la tendance à la hausse du chômage observée dans les années 70 et 80 était de nature «structurelle» - c'est-à-dire qu'elle résultait d'une inadéquation entre les exigences des emplois et les compétences et autres caractéristiques des travailleurs. Cette inadéquation procède d'une variété de bouleversements qu'a connus l'économie au cours des deux dernières décennies, dont les changements causés par les chocs des produits, la transformation de la structure industrielle et les nouvelles techniques de production. En outre, comme le Conseil l'a déjà montré, les emplois exigent de plus en plus de compétences spécialisées. Par conséquent, les travailleurs qui n'ont pas une solide instruction ou formation ont de plus en plus de difficultés à répondre aux exigences des employeurs, situation qui a des répercussions d'envergure nationale aussi bien que personnelle. A mesure que la structure industrielle du Canada s'adapte à la mondialisation des marchés et que la technologie évolue, cette inadéquation risque de prendre de l'ampleur. Comme le Conseil l'a souligné dans les chemins de la compétence, il faut redoubler d'efforts pour accroître les compétences des travailleurs canadiens. En bref, les tendances à la création d'emplois non standard peu rémunérés et à la présence d'un chômage élevé sont inquiétantes et débouchent sur une moins grande sécurité chez de nombreux travailleurs ainsi que sur l'accroissement des pressions exercées sur le régime de sécurité du revenu. Dans tout réaménagement de ce régime, il faut tenir compte de l'importance de ces tendances. Par ailleurs, il faudra augmenter l'efficience du régime pour aider les Canadiens à devenir autonomes et à dépendre moins de l'aide sociale et de l' assurancechômage. Les effets de l'assurance-chômage. Le régime d'assurance-chômage du Canada est un élément crucial du système de sécurité du revenu. A l'origine, il avait pour but d'offrir un soutien du revenu aux travailleurs qui se trouvaient temporairement sans travail. (Les travailleurs ayant un emploi permanent qui étaient à l'abri du chômage et les travailleurs saisonniers étaient exclus.) Au fil des ans, le régime a pris de l'expansion, de sorte qu'en 1970, il protégeait 80 % des travailleurs; l'année suivante, ce pourcentage passait à 96 %, les normes d'admissibilité étaient élargies et les taux des prestations étaient augmentés. La Loi de 1971 sur l'assurance-chômage prévoyait également une nouvelle structure en vertu de laquelle les prestations devenaient payables par phases selon une combinaison des taux de chômage régional et national («prestations de prolongation fondée sur le taux de chômage régional»). Depuis lors, la loi a été modifiée à plusieurs reprises, soit pour resserrer les normes d'admissibilité, soit pour réduire le niveau des prestations afin de diminuer les coûts du régime. Les modifications les plus récentes sont entrées en vigueur en 1990, années où les prestations de prolongation fondée sur le taux de chômage régional ont été supprimées, et de nouveaux critères d'admissibilité ont été instaurés. Le nombre de semaines de travail dont une personne doit justifier pour être admissible aux prestations et la période maximum de prestations jusqu'à 50 semaines) dépendent tous deux du taux de chômage de la région. Les prestations ont été réduites dans le cas des personnes qui ont quitté leur emploi sans «motif valable», passant de 60 % à 50 % de la rémunération assurable. Les changements apportés au régime comprenaient également des dispositions prévoyant une augmentation - jusqu'à 800 millions de dollars par an contre 392 millions en 1989des fonds de développement (par exemple des programmes de formation, une aide au déménagement ainsi que des dispositions permettant aux prestataires de continuer à toucher des prestations pendant qu'ils mettent sur pied une nouvelle entreprise ou qu'ils deviennent travailleurs indépendants). Sur la recommandation de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, ces fonds ont été portés à 1,8 milliard de dollars en 1992, dont 1,5 milliard de dollars sont consacrés à la formation (y compris un soutien du revenu pour les stagiaires). Le régime d'assurance-chômage du Canada est souvent comparé à celui des États-Unis et, en général, il est beaucoup plus généreux. En regard des pays de l'Europe de l'Ouest, certains aspects du régime canadien sont plus libéraux tandis que d'autres le sont moins. Dans presque tous les pays d'Europe de l'Ouest, la période d'admissibilité aux prestations est plus longue qu'au Canada, mais les niveaux des prestations par rapport à la rémunération moyenne sont quelque peu plus élevés au Canada. Alors que les travailleurs qui quittent volontairement leur emploi ne sont pas admissibles aux prestations aux États-Unis et dans certains pays d'Europe, les règles dans la plupart des pays européens sont semblables à celles du Canada dans ce domaine. L'impact des changements apportés au régime d'assurance-chômage sur la durée et le taux de chômage a été examiné par un certain nombre de chercheurs, qui en sont arrivés à la conclusion générale que la libéralisation du régime en 1971 a entraîné une augmentation du chômage (les estimations de cet impact varient de 0,5 à 1 ,3 point). On a également constaté que les modifications apportées en 1979, qui réduisaient les prestations et resserraient les normes d'admissibilité, ont eu l'effet contraire, mais d'une ampleur moindre. On reproche au régime d'assurance-chômage d'avoir incité certains bénéficiaires à dépendre trop des prestations. Les modifications apportées au régime en 1971 peuvent avoir renforcé cet effet, et la dépendance accrue qui en a résulté peut avoir contribué à faire augmenter le chômage. Toutes choses étant égales par ailleurs, cette dépendance à l'égard de l'assurance-chômage est manifeste lorsqu'on examine le recours répété à l' assurancechômage et, à mesure que le nombre de périodes s'accroît, le rallongement des périodes de chômage ainsi que le raccourcissement des périodes entre les demandes de prestations. Pour analyser la question de la dépendance, nous avons utilisé la «base de données longitudinales sur la population active» de Statistique Canada. Elle contient les données réelles utilisées pour l'administration du régime d'assurance-chômage et représente un échantillon d'un particulier sur dix ayant présenté une demande d'assurance-chômage entre 1972 et 1989. Le régime d'assurance-chômage se caractérise par un taux élevé de réitérants. Plus de 80 % des prestataires d'assurance-chômage au cours d'une année donnée entre 1972 et 1989 ont présenté au moins une autre demande de prestations pendant la période, et de 40 à 50 % ont présenté cinq demandes ou plus. Les jeunes, en particulier ceux âgés de moins de 20 ans, risquent beaucoup plus d'être des réitérants que les autres travailleurs. Notre analyse des réitérants du régime d'assurance-chômage portait sur un groupe de personnes qui avaient présenté au moins une demande de prestations en 1972 et étaient âgées de 20 à 39 ans cette année-là. Nous n'avons pas choisi de groupes de personnes plus âgées parce que ces personnes auraient atteint ou été sur le point d'atteindre l'âge de la retraite à la fin de la période étudiée.) Pendant la période de 17 ans, 27 % des membres du groupe ont présenté de 5 à 10 demandes de prestations d'assurance-chômage tandis que près de 10 % en ont présentées plus de 10. C'est dans la région de l'Atlantique que le nombre de demandes répétées était le plus élevé. Dans cette région, le nombre de personnes ayant présenté plus de 10 demandes de prestations était presque aussi élevé que le nombre de personnes en ayant présentées de 5 à 10 dans toute autre région. Dans toutes les régions, la proportion de prestataires ayant présenté de 5 à 10 demandes de prestations était supérieure à 20 %. L'augmentation du nombre de demandes de prestations d'assurance-chômage par un individu s'accompagne d'un raccourcissement des périodes entre les demandes. Il est évidemment possible que l'évolution de la conjoncture économique ou des modifications du régime d'assurance-chômage aient pu influer sur ces résultats et raccourcir la période entre les demandes. Cependant, l'analyse économétrique, qui a pris en compte ces facteurs, révèle des résultats semblables. Quant à la durée moyenne des prestations, pour ce même groupe de prestataires (âgés de 20 à 39 ans en 1972),l'augmentation du nombre de demandes s'accompagnait d'un accroissement de la durée moyenne des périodes de prestations, qui est passé de 19 semaines pendant la première période de prestations à 24 semaines pendant la cinquième. Comme dans le cas du raccourcissement des périodes entre les demandes de prestations, même si d'autres facteurs peuvent influer sur la durée des périodes de prestations, les données économétriques corroborent l'hypothèse selon laquelle les prestataires ont tendance, toutes choses étant égales par ailleurs, à toucher des prestations pendant plus longtemps à chaque nouvelle demande présentée. La durée de la période de prestations peut également avoir un effet sur la probabilité de sortir du chômage. Des études effectuées au Canada montrent que la probabilité de sortir du chômage diminue pendant toute la période de prestations et augmente quelque peu vers la fin de la période d'admissibilité lorsque les chômeurs réduisent leurs attentes en matière de salaires. Des travaux réalisés aux États-Unis et dans plusieurs autres pays, où la période maximale d'admissibilité aux prestations diffère de celle du Canada, révèlent une situation semblable, c'est-à-dire que c'est l'approche de la fin de la période d'admissibilité qui augmente la probabilité de sortir du chômage. Ces recherches supposent qu'une diminution de la période maximale d'admissibilité aux prestations, qui pourrait certes créer des difficultés pour certaines personnes, pourrait aussi en inciter d'autres à trouver un emploi plus rapidement que dans le cadre du système actuel. Compte tenu des données disponibles, la durée moyenne des périodes de chômage pourrait diminuer d'un peu moins d'un jour pour chaque semaine de diminution de la période de prestations. Cependant, certains prestataires qui trouveraient un travail plus tôt risqueraient également de devoir accepter un emploi moins bien rétribué. En résumé, bon nombre des personnes qui jugent nécessaire de recourir à l'assurance-chômage le font souvent: Selon les données, les personnes qui présentent des demandes répétées de prestations sont souvent celles qui n'ont pas les compétences recherchées, qui ont une faible scolarité ou qui ne peuvent ou ne veulent pas déménager. Plus une personne demande des prestations, plus elle risque d'en redemander. En bref, de nombreuses personnes qui se retrouvent dans cette situation ont peu de chances de se défaire de leur dépendance tant que la situation actuelle (qui est essentiellement la même depuis 20 ans) ne changera pas. Il va sans dire que la présentation d'une partie des demandes répétées est attribuable à des facteurs d'ordre saisonnier. Ce qu'il faut maintenant se demander c'est dans quelle mesure ces facteurs saisonniers modifieront nos conclusions. Nous avons examiné cette question et constaté que moins de 30 % des demandes répétées sont le résultat de facteurs saisonniers. Par conséquent, si les travailleurs saisonniers ne sont pas pris en compte dans les calculs, le nombre de demandes répétées de prestations d'assurance-chômage demeure beaucoup trop élevé. Conclusion. Le marché canadien du travail a connu d'importants changements au cours des deux dernières décennies, dont une augmentation des taux d'activité chez les femmes et des taux élevés de croissance de la population active. Bien qu'un grand nombre d'emplois aient été créés, l'augmentation de la population active a été encore plus rapide. De plus, d'importants changements structurels sont survenus dans l'industrie canadienne accompagnés d'un accroissement du nombre d'emplois non standard. Par ailleurs, les compétences exigées pour occuper un emploi aujourd'hui changent - tendance qui devrait se poursuivre dans l'avenir prévisible. Bien que le régime d'assurance-chômage protège le revenu de millions de Canadiens qui perdent leur emploi, il se caractérise aussi par un taux élevé de réitérants, et tout porte à croire que, dans sa forme actuelle, il favorise un genre de dépendance. L'augmentation du nombre de périodes de prestations s'accompagne d'une plus grande probabilité de connaître par la suite des périodes répétées de prestations dans une période donnée. Nous en concluons que le régime d'assurance-chômage n'encourage pas les chômeurs à acquérir la scolarité ou les compétences requises pour obtenir et conserver un emploi stable. Même si nous n'avons pu obtenir les informations qui nous auraient permis de ne pas tenir compte du caractère saisonnier dans nos données sur le recours à l'assurance-chômage, nous estimons que, si les travailleurs saisonniers ne figuraient pas dans les données, le nombre de réitérants serait encore élevé. 6- Les effets des programmes de sécurité du revenu. Comme nous l'avons vu, il n'est pas facile de classer par catégorie les pauvres en âge de travailler. En fait, le profil des familles dans le besoin varie entre un nombre relativement faible de personnes qui sont vraiment indigentes pendant de longues périodes et les familles qui connaissent à l'occasion de courtes périodes de pauvreté. Pour un grand nombre des familles à faible revenu, les revenus changent considérablement d'une année à l'autre. Dans quelle mesure les principaux programmes de transferts et les services liés à l'emploi de l'État répondent-ils aux besoins de cette population diversifiée? Avant de répondre à cette question, nous analysons l'évolution des principaux programmes de sécurité du revenu et nous examinons l'utilisation faite de deux des plus importants de ces programmes: l'aide sociale et l'assurance-chômage. Nous nous penchons ensuite sur l'efficacité avec laquelle ces programmes permettent aux personnes dans le besoin d'en bénéficier et nous évaluons si les niveaux des prestations sont suffisants ainsi que la mesure dans laquelle ces programmes encouragent - ou non - les personnes dans le besoin à devenir autonomes. Enfin, nous examinons les services liés à l'emploi qui sont offerts. Notre analyse se limite aux principaux programmes destinés à la population d'âge actif. Pour cette raison, les programmes visant les personnes âgées sont exclus. De même, bien que les suppléments du revenu relatifs aux enfants aident jusqu'à un certain point les familles pauvres ayant des enfants, nous ne les abordons pas ici même si nous les avons inclus dans notre analyse statistique des taux d'imposition effectifs. Notre évaluation de la mesure dans laquelle les principaux programmes de sécurité du revenu touchant les personnes d'âge actif répondent à leurs besoins a été guidée par quatre critères principaux: - l'efficacité- dans quelle mesure un programme réduit-il la pauvreté? - l'efficience - quelle proportion des prestations d'un programme est versée aux pauvres? - la suffisance - dans quelle mesure les prestations constituent-elles un revenu global qui correspond à un seuil de pauvreté (arbitraire, il faut bien l'admettre)? - les incitations à l'autonomie - jusqu'à quel point le régime d'assurance-chômage et les programmes d'aide sociale constituent-ils des incitations ou des désincitations au travail? Avec quelle efficacité et dans quelle mesure les services assurés aident-ils les personnes dans le besoin à devenir autonomes? Tout comme pour notre étude de la dynamique de la pauvreté, la base de données administratives longitudinales de Statistique Canada constitue une nouvelle source d'information qui jette un éclairage nouveau sur la mesure dans laquelle les Canadiens bénéficient des principaux programmes de sécurité du revenu. Par conséquent, nous pouvons maintenant mieux comprendre comment le système de protection sociale permet de répondre aux besoins des personnes qui ont de la difficulté à gagner un revenu. Par ailleurs, des modèles de simulation ont servi à mesurer les effets de ces programmes sur les familles canadiennes typiques. Événements marquants de la sécurité du revenu au Canada. Dans l'analyse de l'évolution des principaux programmes de sécurité du revenu touchant la population d'âge actif, un certain nombre d'événements marquants revêtent une importance particulière. Même s'il existe divers programmes fédéraux et provinciaux depuis des années, les rapports historiques de Lord William Beveridge en Grande-Bretagne (1942) et de Leonard Marsh au Canada (1943) ont fourni, pour la première fois, un cadre pour l'élaboration d'un régime complet de programmes de sécurité du revenu au Canada. Auparavant, des travaux avaient été entrepris au Canada en vue de l'élaboration d'un service national de placement visant à aider les gens à trouver un emploi; en outre, un régime d'assurance-chômage national a été instauré en 1942. Le régime d'allocations familiales a été établi en 1944, et un système de prestations pour enfants à l'intention des familles ayant des enfants a été créé au cours des années suivantes. Dans les années 50, des programmes de soutien du revenu pour les aveugles, les personnes handicapées, les mères seules et les chômeurs de longue durée étaient plus ou moins devenus une réalité dans toutes les provinces. En 1962, le Comité d'enquête relatif à la Loi sur l'assurance-chômage (Rapport Gill) a souligné trois composantes d'un régime de sécurité du revenu à l'intention des chômeurs: une période de remplacement du revenu (c'est- àdire l'assurance-chômage), un régime national de «prestations complémentaires» financées sur les recettes générales après cette période initiale et un régime d'aide au revenu, administré par les autorités locales. Cependant, les programmes établis par la suite ont suivi une orientation quelque peu différente. En 1966, toutes les ententes fédérales-provinciales de partage des coûts concernant les divers programmes provinciaux d'aide sociale (y compris ceux destinés aux chômeurs) ont été regroupées dans le Régime d'assistance publique du Canada (RAPC), et des dispositions ont été prises pour le partage des coûts d'une série de «services de bien-être social». Ces mesures ont été suivies par un réaménagement important du régime d'assurance-chômage en 1971, qui comprenait entre autres l'établissement d'un ensemble de prestations complémentaires devant entrer en vigueur lorsque les taux de chômage national ou local atteindraient certains niveaux, prestations payées à partir de la caisse d'assurance-chômage. Au cours des années 70 et 80, différentes modifications ont été apportées tant au régime d'assurance-chômage qu'aux programmes provinciaux d'aide sociale financés par le Régime d'assistance publique du Canada, dans une large mesure pour faire face à l'augmentation du nombre de personnes qui connaissaient de plus longues périodes de chômage ou dont les revenus étaient marginaux. L'accent a été mis davantage sur les services de soutien tels que la formation professionnelle, les services de counseling et l'aide à la garde d'enfants. En outre, les taux de récupération fiscale de certains programmes d'aide sociale (c'est-à-dire les taux de réduction des prestations à mesure que les revenus augmentent) ont été abaissés pour supprimer la plupart des désincitations au travail, sinon pour encourager les gens à gagner un revenu. Un régime soumis à des pressions. Le régime d'aide sociale est essentiellement un ensemble de programmes provinciaux de sécurité du revenu de dernier recours destinés à l'ensemble de la population, qui fournit des transferts et services à toute personne qui en a besoin pendant un mois particulier. Par conséquent, ces programmes devraient répondre aux besoins d'un grand nombre de Canadiens et tenir compte d'un large éventail de situations différentes. Cependant la structure des programmes d'aide sociale reflète toujours, dans une grande mesure, le concept d'un programme destiné aux personnes dont on ne s'attend pas qu'elles travaillent. La perpétuation de cette structure de programme est fortement influencée par les modalités du Régime d'assistance publique du Canada, qui prévoit une évaluation rigoureuse des actifs et des taux élevés de récupération fiscale. A cet égard, le financement fédéral en vertu du régime exige que le taux moyen de récupération fiscale par famille soit de 80 % ou plus (c'est-à-dire que les prestations doivent être réduites de 80 % du revenu gagné). Par ailleurs, ces programmes varient considérablement d'une province à l'autre, particulièrement en ce qui concerne les niveaux des prestations (le RAPC ne comporte aucune condition pour ce qui est des prestations). Le nombre de cas d'aide sociale a augmenté graduellement au cours des 20 dernières années, à tel point qu'environ un Canadien en âge de travailler sur douze dépend maintenant des prestations d'aide sociale à un moment ou à un autre. Le facteur déterminant le plus important de cette croissance a été l'augmentation inexorable du nombre de chômeurs de longue durée. Par conséquent même lorsque la situation économique est bonne, ces programmes doivent répondre à un éventail de besoins beaucoup plus considérables que ceux qui existaient à l'origine lorsqu'ils ont été conçus. En période de récession, la demande peut être excessive. De même, les principes de base du programme d'assurance-chômage original ont été «modifiés» afin de permettre de verser des prestations pendant une période plus longue aux gens des régions où le taux de chômage est plus élevé, sans pour autant faire augmenter les contributions. Il en a résulté un changement marqué dans le comportement des travailleurs de ces régions en ce qui a trait au travail, changement qui s'est accompagné d'un taux de dépendance plus élevé à l'égard de l'assurance-chômage, surtout dans le cas des travailleurs des industries saisonnières. Comme nous l'avons mentionné au chapitre 5, les recherches récentes du Conseil ont montré que le nombre de réitérants du régime d'assurance-chômage est très élevé, en particulier chez les jeunes hommes, ce qui donne à penser que le régime d'assurance-chômage fournit les mauvais stimulants à de nombreux travailleurs. Le système de sécurité du revenu destiné aux Canadiens d'âge actif a subi d'importantes transformations depuis les années 40. Ces changements ont procuré à de nombreux Canadiens à faible revenu une aide dont ils avaient besoin. Cependant, le système fait actuellement face à une forte demande. Il est donc légitime de se demander dans quelle mesure au moins une partie de cette demande est attribuable à la conception même du système, du fait qu'il n'encourage pas le travail et, par conséquent, l'autonomie. Recours à l'aide sociale et à l'assurance-chômage par les pauvres. Pour évaluer l'impact des programmes de sécurité du revenu, les analystes se sont depuis toujours fondés sur les critères de l'efficacité, de l'efficience, de la suffisance des prestations et des incitations. La nouvelle base de données qui a été mise à notre disposition contient des renseignements qui ne correspondent pas parfaitement à chacun de ces critères, mais qui les chevauchent tous. Avant de passer aux critères traditionnels, nous avons donc examiné la mesure dans laquelle les pauvres ont réellement recours à ces programmes. Même si les experts du domaine savent assez bien dans quelle mesure les personnes d'âge actif reçoivent dans une année donnée de l'aide des programmes de transferts gouvernementaux, il existe peu de renseignements sur leur impact à long terme sur les Canadiens. Nous avons pu examiner la «dépendance» à l'égard de l' assurancechômage et de l'aide sociale des résidents des provinces pour lesquelles les données sur les deux programmes sont disponibles (la Nouvelle-Écosse et le Québec) pendant la période 1982-1986. Parmi les personnes de ces deux provinces qui ont clé pauvres pendant les cinq années, presque tous les plus pauvres des pauvres - c'est-à-dire les indigents, les personnes employées de façon intermittente et les autres personnes qui doivent franchir de nombreux obstacles pour trouver un emploi et celles dont le revenu du marché annuel maximal au cours de la meilleure des 5 années n'avait pas dépassé la moitié du seuil de faible revenuont reçu des prestations d'aide sociale, tandis qu'une très petite proportion ont pu toucher de l' assurancechômage. Dans le cas des «petits salariés», environ 22 % en moyenne ont touché des prestations d'assurance-chômage chaque année, quelque 24 % ont reçu des prestations d'aide sociale et 10 % ont reçu les deux. Quant aux autres membres de ce groupe (44 %), malgré leur pauvreté persistante, ils n'ont reçu de prestations d'aucun de ces programmes au cours de ces cinq années. Certains d'entre eux étaient autonomes et ont réussi à échapper à la pauvreté par leurs propres moyens. Pourtant, il importe de reconnaître qu'il y a un nombre considérable de petits salariés qui, bien entendu, ne touchent pas de prestations d'assurance-chômage et ne sont pas admissibles à l'aide sociale parce que leurs revenus sont supérieurs au maximum autorisé dans leur province. Chez les personnes qui ont connu des périodes de pauvreté plus courtes, le scénario est différent: elles dépendent davantage de l'assurance-chômage et moins de l'aide sociale. Néanmoins, il y a un certain nombre de Canadiens ayant touché un revenu élevé de source privée pendant au moins une année entre 1982 et 1986 qui, pendant une autre année de la même période, ont été pauvres et ont reçu des prestations d'aide sociale mais non d'assurance-chômage. En d'autres termes, il n'est pas inhabituel que le régime d'assurance-chômage et les programmes d'aide sociale servent «tous deux», au cours d'une année donnée, les mêmes personnes qui, sur le plan de la capacité de gagner un revenu et de la durée de la pauvreté, sont très semblables. Pendant combien de temps différents genres de familles reçoivent-ils de l'aide sociale? Même si le taux global annuel moyen de dépendance à l'égard de l'aide sociale s'établissait à 12,5 % au Québec et en Nouvelle-Écosse pendant la période 1982-1986, au total, 17,3 % des adultes en âge de travailler dans ces deux provinces ont compté sur l'aide sociale à un moment ou à un autre au cours de la période de cinq ans. Près de la moitié d'entre elles (8,2 % du total) y compris, sans aucun doute, un grand nombre de personnes handicapées et de mères célibataires - ont touché des prestations d'aide sociale pendant cette période. Parmi ceux qui ont reçu de l'aide sociale au cours d'une année ou une autre, les bénéficiaires de longue durée représentaient 65 % du total. Les familles monoparentales et les autres personnes seules ont été pauvres plus longtemps que les autres groupes et leur dépendance de longue durée à l'égard de l'aide sociale était aussi plus grande. Près de la moitié des familles monoparentales des deux provinces ont touché des prestations d'aide sociale à un moment ou à un autre au cours de la période de cinq ans, et plus de 30 % ont reçu de l'aide sociale pendant la période. Même si 3 % seulement des couples mariés avec ou sans enfants ont reçu de l'aide sociale pendant les cinq années, comme ils sont nombreux par rapport à l'ensemble de la population, ils représentaient quand même une part importante des personnes qui reçoivent de façon continue des prestations d'aide sociale. Impact des programmes efficacité. L'efficacité d'un programme mesure le degré auquel il réduit l'incidence annuelle et la gravité de la pauvreté, au moins du point de vue statique - c'est-à-dire selon l'hypothèse que les bénéficiaires ne changent pas de comportement. Le tableau 9 montre l'efficacité (et l'efficience) globales du régime d'assurance-chômage et des programmes d'aide sociale dans l'ensemble du Canada en 1989 d'après l'hypothèse que les bénéficiaires n'auraient pas modifié leur comportement sur le marché du travail si l'un ou l'autre programme n'avait pas existé. Malgré son objectif premier à savoir servir de dernier recours pour les personnes dans le besoin le programme d'aide sociale n'a eu qu'un effet minime (2,1 points) sur la réduction de l'incidence de la pauvreté, en grande partie parce que, dans la plupart des cas, les niveaux de prestations sont inférieurs aux seuils de faible revenu utilisés pour mesurer la pauvreté. Cependant, l'aide sociale a un impact considérable sur la gravité de la pauvreté, la réduisant de 49,5 %. Ainsi, selon que l'on juge plus important le fait de réduire l'incidence de la pauvreté ou sa gravité, l'aide sociale peut être considérée comme modérément ou très efficace. L'assurance-chômage permet presque aussi efficacement que l'aide sociale de réduire l'incidence de la pauvreté, étant donné le montant plus élevé des prestations versées, mais elle réussit beaucoup moins à réduire la gravité de la pauvreté. Cependant, les objectifs de ces deux programmes sont très différents. L'assurance-chômage vise à assurer un revenu à ceux qui sont temporairement en chômage, dont la plupart ont reçu un revenu d'emploi pendant l'année. D'autre part, l'aide sociale vise à servir de mécanisme de protection ultime pour ceux qui n'ont pratiquement aucun autre revenu et qui ont épuisé les prestations d'assurance-chômage ainsi que la plupart de leurs avoirs liquides. Efficience des programmes. L'efficience mesure le degré auquel les programmes sont axés sur les pauvres (habituellement dans le cadre d'un examen des revenus). Le tableau 9 montre que l'aide sociale est très efficiente, car plus de 60 % des prestations vont à des familles qui sont pauvres ou qui le seraient si le programme n'existait pas. Seulement 20 % des prestations d'assurance-chômage sont versées à des personnes pauvres. Suffisance des prestations. Pour mesurer la suffisance du système de sécurité du revenu, qui a évolué au cours des 40 dernières années, nous examinons, pour quatre genres de structures familiales qui dépendent uniquement des transferts, les rapports entre leur revenu disponible et les seuils de faible revenu que nous avons retenus. Pour cette analyse, le revenu disponible comprend tous les transferts (et les crédits d'impôt) auxquels une famille a droit. L'impôt sur le revenu est nul dans tous les cas. Comme l'indique la figure 33, il existe une variation sensible entre les niveaux de soutien du revenu des différentes familles. De plus, les écarts sont importants d'une province à l'autre. Dans n'importe quelle province, les prestations versées aux familles monoparentales sont en général relativement supérieures (en proportion du seuil de faible revenu) à celles versées aux autres familles. Au Manitoba, cependant, un couple marié ayant deux enfants touche des prestations relativement plus élevées que les autres genres de familles, tandis qu'au Nouveau-Brunswick, les prestations versées à une personne handicapée sont supérieures à celles versées aux autres genres de familles. Dans toutes les provinces, les prestations versées à une personne seule apte au travail sont inférieures à celles versées à tout autre genre de famille. Ces exemples révèlent les écarts considérables d'une province à l'autre, mais il existe des différences importantes pour ce qui est des prestations dans une même province, en fonction de divers facteurs. La principale mesure de transfert analysée dans le présent rapport est le programme d'aide sociale de base, qui fournit des prestations pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les services publics et les besoins personnels et domestiques des familles. Quels que soient le genre et la taille des familles, le plus important de ces facteurs est peut-être la composante liée au logement, qui reflète les variations des conditions du marché du logement dans chaque province. Nos exemples sont fondés sur l'hypothèse voulant que les familles vivent dans des logements loués et séparés dans la plus grande agglomération urbaine de la province. Cependant, les prestations de sécurité du revenu ne sont dans aucun cas au-dessus du seuil de pauvreté choisi dans la plus grande agglomération urbaine de la province. Par conséquent, non seulement les prestations d'aide sociale varient-elles sensiblement d'une province à l'autre et selon le genre de famille, mais aussi elles sont généralement bien inférieures aux mesures de la pauvreté que nous avons retenues. Incitations et désincitations à l'autonomie. Bien que la capacité des programmes de sécurité du revenu d'aider les personnes dans le besoin dépende, dans une large mesure, de la suffisance des prestations qu'ils accordent, il importe que ces programmes ne dissuadent pas les gens de devenir autonomes. La principale désincitation des programmes de sécurité du revenu sur le plan de l'autonomie, c'est que dans le calcul du montant des prestations auquel une personne a droit, une certaine partie du revenu provenant d'autres sources est déduite des prestations maximales payables, ce qui annule la plupart des avantages acquis par l'obtention d'un travail rémunéré. Le dilemme est que pour atténuer cette désincitation en abaissant le taux de récupération fiscale, il faut rendre les familles dont le revenu est plus élevé admissibles à l'aide sociale, ce qui pourrait faire augmenter les coûts du programme. En général, le taux de récupération fiscale de base pour bon nombre de ces programmes est de 100 %, c'est-à-dire que les prestations sont généralement réduites d'un dollar pour chaque dollar de revenu provenant d'autres sources. Au fil des ans, différents types d'exemptions des gains ont été instaurés pour que les prestataires puissent conserver de modestes niveaux de revenu gagné. Cependant, le système d'aide sociale de nombreuses provinces continue d'appliquer les concepts fondamentaux d'exemption des gains modestes et de taux de récupération de 100 Bien qu'un taux de récupération de 100 % puisse être approprié en ce qui concerne le traitement des revenus provenant d'autres sources que le travail pour déterminer les prestations d'aide sociale, son application aux revenus du travail inférieurs au maximum autorisé en vertu du programme supprime toute incitation financière immédiate au travail. En outre, si les dépenses liées au travail ne peuvent pas être déduites des revenus, les familles pauvres gagneront moins d'argent en travaillant qu'en ne travaillant pas. En outre, des taux marginaux d'imposition peuvent aussi dépasser 100 % lorsque, pour être admissibles à d'autres prestations (généralement des services sociaux), il faut être prestataires d'aide sociale. Enfin, pour les familles qui touchent deux genres ou plus de prestations fondées sur l'étude du revenu et, ou qui paient des impôts sur le revenu, l'effet combiné du taux de récupération fiscale de chaque programme peut souvent aboutir à un taux d'imposition qui est beaucoup plus élevé que celui prévu par les concepteurs de chaque programme. Afin d'évaluer ces liens souvent complexes, nous avons utilisé un modèle de simulation (INTRAN) pour calculer les différents taux d'imposition qui s'appliqueraient à des familles hypothétiques dans différentes circonstances. Par exemple, la figure 34 illustre les taux marginaux d'imposition pour chaque dollar supplémentaire de revenu chez les personnes seules de l'Ontario avant les changements importants apportés au système d'aide sociale de cette province en 1989. Les taux marginaux d'imposition supérieurs à 100 % dans la tranche des faibles revenus (environ 3 000 à 7 000 $) traduisaient la combinaison du taux de récupération fiscale de 100 % de l'aide sociale et les charges sociales au titre de l'assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada. Dans le cas d'une famille monoparentale, les taux marginaux d'imposition pour la même gamme de revenus étaient encore plus élevés, d'après l'hypothèse que le père ou la mère devait payer des services de garde pour travailler. Ces dépenses n'étaient pas déductibles pour le calcul des prestations d'aide sociale à ce moment. Une comparaison des figures 36 et 34 révèle la mesure dans laquelle les changements apportés en 1989 au système d'aide sociale de l'Ontario ont réduit les taux marginaux d'imposition pour les niveaux inférieurs de revenus, mais les ont augmentés pour les niveaux légèrement supérieurs (entre 7 000 et 11 000 $ par année) pour une personne seule. Les réductions découlent en grande partie de l'abaissement à 80 % du taux marginal d'imposition des gains. Les augmentations du taux d'imposition pour les niveaux de revenus plus élevés s'expliquent par le fait que, à mesure que le taux de récupération fiscale diminue, des tranches de revenu supérieures sont assujetties à l'impôt; des augmentations des prestations d'aide sociale de base ont le même effet sur les niveaux de revenus plus élevés. En résumé, ces changements reflètent un certain nombre de difficultés inhérentes à la modification de tout programme de transferts gouvernementaux, notamment lorsqu'il s'agit de réduire le taux de récupération fiscale et, ou d'augmenter les prestations. Réduire le taux de récupération fiscale (tout en ne modifiant pas le niveau des prestations de base) élargit la gamme des personnes qui peuvent recevoir des prestations, pourvu que les taux de récupération fiscale soient inférieurs à 100 %. Par exemple, si un niveau des prestations de base s'élevait à 10 000 $ et que le taux de récupération fiscale fût de 80 %, tous ceux qui gagnent jusqu'à 12 500 $ pourraient recevoir au moins certaines prestations. Si le taux de récupération fiscale était réduit à 70 %, toutes les personnes qui gagnent jusqu'à 14 286 $ seraient admissibles (la personne qui gagne 12 000 $ recevrait des prestations de l 600 $ par année). L'effet d'une telle réduction du taux de récupération fiscale sur les coûts du programme dépendrait de la mesure dans laquelle les nouveaux et les anciens bénéficiaires pourraient modifier leur comportement en matière de travail. Même s'il n'existe pas de données claires à cet égard, les données tirées de l'étude des revenus annuels de base au Manitoba (expérience Mincome) et d'autres expériences menées aux États-Unis donnent à penser que l'offre de main-d'oeuvre à la suite de changements de cette ampleur apportés au système de transferts fiscaux pourrait augmenter peu. Si cette évaluation est juste, il en découle que la réduction du taux de récupération fiscale (pourvu qu'il soit déjà de beaucoup inférieur à 100 %) pourrait ne pas avoir un effet important sur le comportement des bénéficiaires en matière de travail, et les coûts du programme s'accroîtraient. Cependant, ces résultats reposaient sur des programmes expérimentaux et ne prenaient pas en compte tous les effets secondaires possibles, comme les variations des recettes et des dépenses gouvernementales, de la demande globale, etc, qui découleraient de ces variations dans un programme à l'échelle de l'économie. Par conséquent, il est peut-être prématuré d'en tirer des conclusions fermes en matière de politiques. Augmenter les niveaux des prestations sans modifier le taux de récupération fiscale élargirait également le nombre des personnes admissibles à recevoir des prestations pourvu que les taux de récupération fiscale soient inférieurs à 100 %. Les coûts du programme augmenteraient invariablement, étant donné que tous les bénéficiaires recevraient davantage et qu'il n'y aurait aucune incitation supplémentaire à chercher un emploi (cependant, les données tirées de l'expérience Mincome nous portent à croire que la désincitation supplémentaire ne serait peutêtre pas beaucoup plus grande). Services de soutien reliés à l'emploi. Les incitations financières prévues par les programmes de transferts gouvernementaux ne peuvent encourager les efforts déployés pour trouver un travail que dans une certaine mesure, en particulier pour les personnes qui ne peuvent occuper que des emplois peu rémunérés ou précaires. Par conséquent, il faut d'autres formes de soutien qui peuvent aider les gens à trouver un emploi gratifiant. A mesure qu'augmentait la proportion de Canadiens aux prises avec des difficultés sur le plan des revenus, on s'est efforcé de plus en plus de fournir, en plus des transferts gouvernementaux, un large éventail de services liés à l'emploi aux personnes qui ont des possibilités sur le marché du travail. Comme le faisait remarquer le Conseil dans son Sixième Exposé annuel (1969), «la mise en oeuvre de moyens efficaces de rendre le pauvre en mesure de s'assurer un revenu suffisant est, à notre avis, indispensable à l'atténuation des conséquences humaines et sociales et à la réduction du coût économique de la pauvreté». Les services de soutien actifs à assurer pour atteindre un tel objectif comprennent non seulement les services de counseling et de placement de base, mais aussi des services axés sur le renouvellement et, ou l'amélioration de l'instruction et des compétences des personnes qui éprouvent de la difficulté à gagner un revenu. Il peut s'agir aussi bien de programmes destinés à améliorer les connaissances pratiques élémentaires que de programmes qui visent à aider les travailleurs à s'adapter à une nouvelle technologie. De plus, il existe des services qui subventionnent en fait une partie des dépenses liées au travail ou à l'obtention d'un nouvel emploi, particulièrement les dépenses relatives à la garde d'enfants et aux déménagements. Le gouvernement fédéral et les provinces offrent depuis un certain temps des programmes de formation professionnelle. A l'heure actuelle, le gros des efforts du gouvernement fédéral dans ce domaine se fait dans le cadre de la Planification de l'emploi. Établie en 1985, cette initiative vise les personnes qui sont le plus dans le besoin et comprend six programmes distincts. Les principaux d'entre eux qui offrent de la formation sont: Développement de l'emploi, qui aide les chômeurs de longue durée; Intégration professionnelle, qui aide les particuliers, surtout les jeunes et les femmes, à intégrer ou réintégrer le marché du travail; le Programme relatif aux pénuries de main-d'oeuvre, qui aide les employeurs à former les travailleurs dans les domaines où des pénuries de main-d'oeuvre existent ou sont prévues; Acquisition de compétences, qui vise les travailleurs dont les emplois sont touchés par les progrès technologiques ou l'évolution du marché. Les dépenses publiques totales au titre de ces quatre programmes ont été de 1,1 milliard de dollars en 1989-1990 (les autres programmes portent sur l'adaptation au marché du travail). Les provinces offrent également leurs propres programmes de formation, parfois seuls, parfois de concert avec le gouvernement fédéral. En outre, 269 millions de dollars provenant des fonds de développement de l'assurance-chômage ont été versés en prestations de formation en 1989. Depuis quelque temps, on est de plus en plus sensibilisé à la nécessité d'offrir plus de formation professionnelle et de façon plus efficace. En fait, la Commission canadienne de mise en valeur de la maind'oeuvre a été créée pour donner des conseils sur les questions liées à la formation et pour promouvoir l'accroissement de la formation ainsi qu'une formation de meilleure qualité et plus accessible. Comme nous l'avons mentionné précédemment, la Commission a recommandé que les fonds de développement de l'assurance-chômage soient portés à 1,8 milliard de dollars en 1992. Un certain nombre de provinces ont déjà mis sur pied, ou sont en voie de créer, des commissions de ce genre ou d'autres mécanismes permettant aux entreprises, aux syndicats et aux pouvoirs publics d'oeuvrer en étroite collaboration à la formation professionnelle. Les programmes de formation administrés conjointement ou séparément par le gouvernement fédéral et les provinces tentent de fournir une formation qui réponde à un large éventail de besoins, dont la formation linguistique de base, l'acquisition d'aptitudes sociales, la formation en milieu de travail, l'apprentissage, etc. La majeure partie de la formation est offerte par l'achat de places de formation dans des cours offerts dans les collèges communautaires ou d'autres établissements provinciaux, des organismes de formation privés, ou par les employeurs. Bien qu'une grande partie de la formation offerte en venu de ces programmes ne prépare les participants qu'à des emplois de débutants, cela peut être approprié dans le cas des participants à des programmes comme Développement de l'emploi et Intégration professionnelle. Compte tenu de l'augmentation des fonds consacrés à la formation professionnelle, il importe de déterminer quelle est l'efficacité de ces programmes. Au Canada, la plupart des programmes de formation sont évalués à un moment ou à un autre, et des évaluations poussées des programmes de formation ont été entreprises aux ÉtatsUnis. L'examen de ces évaluations montre que même si les programmes de formation professionnelle peuvent remporter beaucoup de succès, tous les bénéficiaires n'en retirent pas les mêmes avantages. Leur efficacité dépend d'un certain nombre de facteurs, comme la population cible d'où proviennent les bénéficiaires, l'approche du programme (par exemple achat de places de formation ou formation en milieu de travail offerte par l'employeur), l'harmonisation de la formation et des compétences recherchées, le degré d'achèvement de la formation, l'ampleur du counseling et l'existence d'un soutien du revenu suffisant. Comme de nombreux programmes de formation professionnelle (y compris la Planification de l'emploi) visent à aider les personnes qui sont le plus dans le besoin, bon nombre des personnes qui auraient le plus de chances de réussir sont exclues. Par exemple, les bénéficiaires d'aide sociale sont habituellement moins susceptibles de pouvoir intégrer le marché du travail après avoir suivi une formation que les travailleurs qui sont temporairement sans emploi. Évidemment, même s'ils ne permettent guère de trouver un emploi à court terme, les programmes destinés aux bénéficiaires d'aide sociale de longue durée et aux personnes gravement défavorisées peuvent souvent être considérés comme fructueux, car le bénéficiaire profite souvent d'autres avantages (comme de meilleures connaissances pratiques et de meilleures aptitudes sociales) qui peuvent améliorer son employabilité à long terme. Bien que les niveaux d'employabilité et de salaire atteints par les bénéficiaires de l'aide sociale à l'issue de ces programmes soient inférieurs à ceux qui ne reçoivent pas d'aide sociale, les gains qu'ils réalisent sur le plan de l'intégration au marché du travail, par rapport à la situation antérieure, à l'entrée dans le programme, n'en sont pas moins impressionnants. L'approche du programme retenue peut être un facteur très important de réussite ou d'échec. Dans de nombreux cas, la formation en milieu de travail est plus efficace que la formation en établissement seule. Cela s'explique en partie parce que de nombreux bénéficiaires sont des décrocheurs du secondaire qui ont déjà subi un échec dans un milieu scolaire structuré et ne peuvent s'adapter facilement à ce genre de formation. Pour ces personnes, la formation en milieu de travail est plus efficace. En fait, la combinaison appropriée de formation en milieu de travail et en établissement, adaptée aux besoins particuliers du bénéficiaire, est cruciale pour la réussite de la formation. Parmi les programmes les plus réussis figurent ceux qui visent à offrir une formation en fonction des professions qui connaissent des pénuries de travailleurs spécialisés. Pour ce genre de formation, la participation du secteur privé local est essentielle tant dans la prestation de la formation que dans la détermination des pénuries à l'échelle locale. Dans la plupart des évaluations de programmes examinées, les résultats étaient plus positifs chez les bénéficiaires qui avaient terminé la formation que chez ceux qui ne l'avaient pas terminée. Cependant, les données sur cette question sont quelque peu ambiguës, puisque dans certains programmes, de nombreux bénéficiaires ont trouvé un emploi avant d'avoir terminé le cours. Le counseling peut avoir des répercussions importantes en permettant aux bénéficiaires de choisir le bon programme. Il fait partie intégrante de tout le processus de formation professionnelle et de recherche d'emploi. Cependant, dans bien des cas, il n'a pas été montré que le counseling constitue en soi un moyen efficace d'améliorer l'employabilité. Enfin, un soutien du revenu adéquat est un élément nécessaire de tout programme de formation professionnelle. Par exemple, on a constaté que l'impossibilité pour certains bénéficiaires de se payer le transport nécessaire pour se rendre au lieu de formation est une cause d'échec. Toutefois, plusieurs évaluations des programmes de la Planification de l'emploi ont montré que le niveau de soutien devrait correspondre davantage aux besoins des participants. Alors que certains ont abandonné leur formation faute d'un soutien du revenu suffisant, d'autres ont indiqué qu'ils auraient participe aux programmes de formation même si les niveaux de soutien avaient été beaucoup plus bas. Il semblerait que les gouvernements et les employeurs consacrent actuellement environ 4 milliards de dollars par an à ces programmes - c'est-à-dire moins du quart des fonds consacrés aux prestations d'assurance-chômage. Plus de la moitié de ces services sont financés dans le cadre de la Planification de l'emploi et de l'utilisation des fonds de développement de l'assurance-chômage. On estime que chaque année bien au delà de 300 000 Canadiens touchent des prestations dans le cadre de services financés par la Planification de l'emploi. En outre, de nombreux autres reçoivent une aide financière dans le cadre de programmes de formation personnels ou parrainés par un employeur ainsi que des subventions au titre de la garde d'enfants pour les mères qui travaillent et d'autres formes de soutien. Par ailleurs, un grand nombre de Canadiens pauvres, en âge de travailler, ne reçoivent pas une telle aide. On s'est efforcé d'intégrer ces services de soutien aux principaux programmes de sécurité du revenu afin de maximiser l'efficacité avec laquelle ils peuvent ensemble aider les gens à devenir autonomes et de fournir un point de service commun aux bénéficiaires. Mentionnons, à titre d'exemple, la mise en oeuvre en 1990 du programme «de travail et d'encouragement à l'emploi» du Québec qui, essentiellement, intègre l'aide sociale et un large éventail de services relatifs à l'emploi destinés aux Québécois jugés aptes au travail mais ayant besoin de transferts gouvernementaux. Conclusion. Le système de programmes de sécurité du revenu du Canada pour la population d'âge actif fait l'objet de pressions considérables. Un grand nombre de Canadiens pauvres comptent sur les transferts gouvernementaux pour des périodes de plusieurs mois, sinon des années, et profiteraient beaucoup de services conçus pour les aider à s'adapter à l'évolution du marché du travail. Ce groupe comprend des personnes que nous avons qualifiées de petits salariés, de pauvres à la limite de la pauvreté et de membres de la population active qui traversent des périodes de durées différentes au cours desquelles ils ont de la difficulté à gagner un revenu. Nous avons constaté que les moins défavorisés dépendent généralement davantage de l'assurance-chômage, et les plus défavorisés de l'aide sociale. Nous avons également vu que bon nombre de ces pauvres ne touchent pas de prestations d'assurance-chômage ou d'aide sociale, ce qui reflète peut-être dans une certaine mesure une autonomie considérable de la part de certains Canadiens pauvres. Beaucoup de travailleurs marginaux doivent faire appel à l'aide sociale lorsque leurs prestations d'assurance-chômage cessent. Une fois prestataires d'aide sociale, ils peuvent trouver difficile de devenir autonomes, car il n'existe guère d'encouragements financiers qui les incitent à intensifier la recherche d'un emploi. Et il ne semble pas y avoir suffisamment d'occasions pour bon nombre de bénéficiaires de l'aide sociale d'améliorer leurs compétences ou de recevoir d'autres formes de soutien, comme des subventions pour la garde des enfants. Comme nous l'avons vu au chapitre 5, des recherches effectuées récemment par le Conseil sur les prestataires d'assurance-chômage au cours d'une période de 17 ans font ressortir une tendance chez de nombreux Canadiens à compter continuellement sur ce programme. Cette dépendance est quelque peu anormale pour un programme qui a pour but d'aider les gens à retrouver un emploi stable. Ni le régime d'assurance-chômage, ni les programmes d'aide sociale n'ont été conçus pour s'occuper des nombreuses personnes dont la situation sur le marché du travail est précaire. Par conséquent, on ne peut s'attendre qu'ils apportent des solutions de façon efficace ou efficiente. Dans une large mesure, les principes d'assurance de l'assurance-chômage ont déjà dépassé leur limite. Le régime d'assurance-chômage et les programmes d'aide sociale ne réduisent la pauvreté qu'avec une efficacité modérée et ont tendance à réduire davantage la gravité que l'incidence de la pauvreté. Cependant, l'aide sociale est plus efficiente à cet égard que l'assurance-chômage. En ce qui concerne la suffisance des prestations même si presque toutes les personnes les plus défavorisées touchent de l'aide sociale, les niveaux des prestations varient considérablement d'une région à l'autre du pays. Il arrive souvent qu'ils n'assurent pas un niveau de vie qui se rapproche un tant soit peu du seuil de pauvreté que nous avons retenu aux fins de notre analyse. Les gouvernements doivent continuellement opérer un arbitrage entre la demande de meilleures incitations au travail des programmes d'aide sociale pour certains bénéficiaires et l'augmentation des prestations pour d'autres. De plus, il n'est pas certain que les bénéficiaires de l'aide sociale - ni même d'ailleurs le grand publiccomprennent pleinement les attentes des programmes en ce qui concerne le travail et l'autonomie. Il semble qu'en essayant d'être le programme de dernier recours pour tous, l'aide sociale ne sert personne aussi bien qu'elle le pourrait. Dans le cadre de réformes récentes, plusieurs provinces ont tenté de combiner les caractéristiques des programmes de transferts gouvernementaux à celles des programmes visant à appuyer la propension à l'autonomie, par exemple la formation professionnelle. Il s'agit notamment de fournir un éventail de services liés à l'emploi à une partie ou la totalité de ceux qui recherchent une aide par le biais de l'aide sociale. Enfin, il a été montré que les programmes de formation professionnelle peuvent être efficaces lorsque leur conception répond aux besoins des bénéficiaires. Cela est particulièrement vrai lorsque le genre de formation offerte aide les bénéficiaires à acquérir des compétences dans des domaines où il y a pénurie de main-d'oeuvre spécialisée. 7- Les parents seuls. Il est question des familles monoparentales dans presque tous les éléments de notre analyse des difficultés de parvenir à l'autonomie. En regard de la plupart des autres groupes de la population, l'incidence de la pauvreté chez ces familles est plus élevée, leur dépendance envers les programmes de sécurité du revenu est plus grande et leurs périodes de pauvreté sont plus longues, en particulier chez les femmes. De toute évidence, leur vulnérabilité à la pauvreté et leurs désavantages particuliers en ce qui concerne l'acquisition de l'autonomie justifient une analyse plus détaillée. La pauvreté chez les parents seuls. Il y a quarante ans, les deux tiers environ des parents seuls étaient des veufs ou des veuves. De nos jours, la majorité sont des personnes séparées ou divorcées et, de plus en plus, des célibataires (plus de 13 % en 1986). Plus de 80 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes, et environ un enfant sur huit âges de moins de 25 ans vit dans une famille monoparentale. Comme nous l'avons vu précédemment, l'incidence de la pauvreté chez les familles monoparentales a diminue au cours des deux dernières décennies. S'établissant à environ 37 %, elle continue toutefois d'être trois fois plus élevée que dans le cas des autres genres de familles. Ce taux varie de façon spectaculaire selon l'âge. Plus de 60 % des parents seuls qui étaient pauvres en 1989 avaient moins de 35 ans, et presque tous étaient des femmes. La majorité d'entre eux comptaient au moins un enfant d'âge préscolaire et avaient sans doute éprouvé beaucoup de difficulté à atteindre l'autonomie tout en subvenant aux besoins de leurs enfants. En fait, plus de 50 % des parents seuls demeuraient au foyer pour s'occuper de leurs enfants à plein temps tandis qu'environ 12 % affichaient un taux élevé de participation au marché du travail. Les autres avaient tendance à travailler à temps partiel ou à étudier. Nous avons souligné plus haut que, dans la plupart des provinces, les prestations de sécurité du revenu calculées d'après nos mesures de la pauvreté ont tendance 3t être plus élevées pour les familles monoparentales que celles destinées à d'autres types de familles. Dans notre analyse de la dynamique de la pauvreté, nous avons constaté que le risque de devenir pauvre au moment de l'éclatement de la famille était de beaucoup supérieur à la norme. Des données supplémentaires révèlent que, dans l'ensemble, les parents seuls sont devenus pauvres à un rythme très rapide - soit trois fois plus vite que pour la population en général - au cours de la période 1982-1986. Leur taux de sortie de la pauvreté était également plus lent, soit environ les deux tiers seulement du taux annuel moyen global de 27,4 %. Par conséquent, les parents seuls avaient tendance à rester pauvres beaucoup plus longtemps que les autres familles pauvres. Près de 60 % des parents seuls qui étaient pauvres en 1982 l'étaient encore en 1986 (comparativement à 25 % de la population d'âge actif), et on estime que la durée moyenne de la pauvreté chez ces personnes dépasse six ans. Soutien du revenu pour les parents seuls. Étant donné le degré et la gravité de leur pauvreté, il n'est pas surprenant de constater qu'une grande partie des parents seuls au Canada aient fait largement appel aux principaux programmes de sécurité du revenu, en particulier à l'aide sociale. Presque toutes ces personnes étaient des femmes. Par ailleurs, compte tenu du niveau maximum de revenu familial moyen au cours de la période de cinq ans, entre 6 et 31 % des parents seuls ont également touché au moins dans une certaine mesure - des prestations d'assurance-chômage pendant leurs années de pauvreté. Chez les bénéficiaires d'aide sociale, le niveau de dépendance avait tendance à persister pendant plusieurs années. Par exemple, plus de 60 % des bénéficiaires d'aide sociale en 1982 ont continué de toucher des prestations d'aide sociale pendant toute la période d'analyse. En moyenne, seulement 5 % des parents seuls qui touchaient des prestations d'aide sociale ont cessé d'en retirer au cours de chacune des années entre 1982 et 1986 (par rapport à environ 12,6 % pour l'ensemble de la population d'âge actif). Cette situation était-elle attribuable au fait qu'ils préféraient demeurer à la maison pour s'occuper de leurs enfants, quelles que soient les possibilités d'emploi qui s'offraient à eux? Reflète-t-elle plutôt le fait que le régime d'aide sociale n'offre guère d'incitation financière au travail? Notre analyse du système de récupération fiscale et de transfert de l'Ontario avant les réformes de 1989 démontre sans l'ombre d'un doute les taux de récupération fiscale élevés, voire spoliateurs, auxquels devaient faire race les parents seuls qui choisissaient d'intégrer le marché du travail et de travailler à temps partiel. Comme nous l'avons mentionné précédemment, la réduction récente du taux de récupération fiscale, qui a été établie à 80 %, a amélioré les incitations au travail pour tous les résidents de l'Ontario. Les parents seuls ont également profité du changement qui permettait la déduction des dépenses réelles de garde d'enfants (jusqu'à concurrence d'un montant prédéterminé) dans le calcul des prestations d'aide sociale, accroissant ainsi les incitations pour les personnes qui ne pouvaient obtenir de subvention directe au titre de la garde d'enfants. Ensemble, ces changements ont réduit le taux de récupération fiscale pour les parents seuls à faible revenu (les taux relativement élevés de récupération fiscale de plus de 100 % qu'indique cette figure, lorsque le niveau de revenus est de 10 000 $, résulte de la limite imposée quant à la déductibilité des dépenses de garde d'enfants pour la détermination des prestations d'aide sociale). On procède actuellement en Ontario à une évaluation de l'impact de la réduction globale des taux de récupération fiscale sur la participation au marché du travail. Cependant, les résultats ne sont pas encore disponibles. De même, la combinaison de l'aide sociale et du programme APPORT au Québec comporte maintenant un taux de récupération fiscale de beaucoup inférieur à 100 % (sauf dans les cas où il peut encore exister un manque d'intégration). Cependant, il est encore vrai que dans bon nombre de provinces les dépenses de garde d'enfants ne sont pas déductibles pour la détermination des prestations d'aide sociale et que les taux de récupération fiscale demeurent excessivement élevés pour les parents seuls comme pour les autres. Conséquences économiques de la séparation ou du divorce. Étant donné les difficultés économiques des parents seuls en général, et des mères seules en particulier, nous avons examiné plus en détail les changements dans le revenu familial qu'ont connus les couples qui se sont séparés ou qui ont divorcé (y compris les couples vivant en union de fait) au cours de la période 1982-1986. Plus précisément, nous avons retracé les deux conjoints au cours de la période précédant et suivant immédiatement la séparation pour évaluer la mesure dans laquelle le revenu familial avait changé. Les résultats sont résumés à la figure 41. En moyenne, les revenus des femmes (corrigés de la taille de la famille) ont diminué d'environ 39 % et ont augmenté légèrement lorsque certaines d'entre elles ont travaillé davantage et, ou se sont remariées. Même trois ans après la rupture, cependant, le revenu était inférieur de 27 % au niveau qui existait l'année précédant la rupture. Par contre, le revenu des hommes (encore une fois corrigé de la taille de la famille) a augmenté, en moyenne, d'environ 7 %. Le divorce a augmenté la probabilité de devenir pauvres tant pour les femmes que pour les hommes. Cependant, cette augmentation était beaucoup plus importante chez les femmes que chez les hommes. Le taux de pauvreté des femmes divorcées est passe de 16 % l'année précédant le divorce à 37 % l'année d'après. Par contre, chez les hommes il n'a augmenté que de 2 points. Deux raisons principales expliquent les effets très différents du divorce chez les femmes et chez les hommes. D'abord, les revenus et les taux d'activité sont généralement beaucoup plus faibles chez les femmes que chez les hommes. Ensuite, pour la vaste majorité des divorces mettant en cause des enfants, c'est encore la mère qui se voit confier la garde des enfants. En outre, les pensions alimentaires versées par les hommes divorcés comptent pour peu dans le revenu des femmes divorcées. Une étude des divorces menée par le ministère de la Justice a révélé que seulement 68 % des divorces mettant en cause des enfants à charge en 1989 avaient abouti à une ordonnance alimentaire et que ces ordonnances prévoyaient le paiement d'une pension moyenne d'environ 250 $ par enfant par mois. De nombreuses données montrent également les difficultés que rencontrent les parents seuls pour faire exécuter les ordonnances alimentaires. Bien que des améliorations aient été apportées dans plusieurs provinces ces dernières années, il reste des questions fondamentales à résoudre quant au degré et à l'ampleur des dispositions initiales relatives aux pensions. Subventions au titre de la garde d'enfants. L'aide au titre de la garde d'enfants est offerte par différentes provinces soit aux parents admissibles sous forme de subventions directes ou indirectes au titre des frais de garde, soit aux fournisseurs de soins sous forme de subventions de fonctionnement (et, dans certains cas, de subventions d'équipement). Ces subventions peuvent être accordées aussi bien aux familles biparentales à faible revenu qu'aux familles monoparentales. Cependant, comme les parents seuls n'ont généralement personne avec eux pour les aider à s'occuper des enfants, la prestation de ces subventions permet dans une large mesure à un parent seul de travailler. Bien qu'il incombe aux provinces de réglementer les garderies et de leur délivrer les permis nécessaires, la majorité des services de garde d'enfants sont offerts dans des établissements non autorisés, c'est-à-dire non titulaires de permis. En 1988, 264 000 places de garderie autorisées étaient disponibles tandis qu'il y avait 1,3 million d'enfants âgés de six ans ou moins dont la mère travaillait (d'après une estimation de la demande possible de places de garderie). Les garderies autorisées peuvent être soit commerciales (à but lucratif), soit exploitées par des organismes sans but lucratif. En 1988,62 % des places de garderies autorisées se trouvaient dans des organismes sans but lucratif; cependant, ces données divergeaient sensiblement d'une province à l'autre, variant de 98 % en Saskatchewan à 23 % en Alberta. Les services offerts varient beaucoup aussi à d'autres égards d'une province à l'autre. Chaque province a certaines caractéristiques propres pour répondre aux besoins des populations cibles qu'elle considère comme prioritaires. Le principal moyen de financement du gouvernement fédéral au titre des services de garde d'enfants est le Régime d'assistance publique du Canada (RAPC). Dans le cadre de ce programme, le gouvernement fédéral rembourse aux provinces 50 % des frais de garde d'enfants admissibles en vertu du RAPC pour les familles à faible revenu. Aux termes des dispositions du RAPC touchant «l'aide sociale», les frais de garde d'enfants sont partagés, quel que soit le mode de prestation des services. En vertu des dispositions du RAPC touchant les «services de bien-être», les frais pour les personnes dans le besoin sont partagés pourvu que les services soient assurés par un organisme approuvé par la province comme un ministère, une personne ou un organisme sans but lucratif, sauf les établissements commerciaux. Ainsi, dans certaines provinces, il n'y a pas de partage des frais dans le cadre du RAPC pour certains enfants qui se font garder dans des établissements commerciaux et dont les parents ne sont pas admissibles à l'aide sociale. La partie des dépenses engagées par les provinces au titre de la garde d'enfants et remboursées par le gouvernement fédéral dans le cadre du RAPC varie énormément d'une province à l'autre, allant de 46 % en Nouvelle-Écosse à 14 % en Alberta (et même moins au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest). Deux problèmes fondamentaux se posent en ce qui concerne les subventions au titre de la garde d'enfants dans nombre de provinces. D'abord, le nombre de places subventionnées par des subventions directes aux garderies dans une municipalité donnée est souvent limité, de sorte que les parents dans le besoin doivent attendre que des places se libèrent. Ensuite, dans la plupart des provinces, les parents qui touchent des prestations d'aide sociale et qui n'ont pas accès à une place de garderie subventionnée ou qui ne sont pas admissibles à une subvention directe ne peuvent déduire les frais de garde d'enfants de leur revenu aux fins du calcul des prestations d'aide sociale. Sans cette déductibilité, le taux de récupération fiscale effectif sur les revenus gagnés (net des frais de garde d'enfants) est souvent supérieur à 100 %, en particulier pour les parents seuls, ce qui constitue dans une large mesure une désincitation au travail. La méthode utilisée pour augmenter le taux d'activité chez les mères varie d'une province à l'autre. En Alberta, on a créé un réseau de garderies fortement subventionné, les subventions étant versées directement aux établissements autorisés, tandis qu'en Colombie-Britannique les subventions sont versées directement aux parents, qui peuvent recourir aux services des établissements de leur choix. L'Ontario et le Québec ont modifié leurs programmes de subventions aux garderies en 1989. Bien que chacune de ces provinces ait pris des mesures tout à fait différentes toutes deux ont largement supprimé les désincitations au travail. En Ontario, une partie importante des responsabilités relatives aux garderies est déléguée aux municipalités, qui doivent également partager les frais des services de garde. Sous réserve de certaines limites, les municipalités peuvent décider de la structure et du montant des subventions. Sans exception, les municipalités subventionnent des places dans les établissements, et les listes d'attente sont longues. Toutes les municipalités ont établi des conditions d'admissibilité (comme un nombre minimum d'heures de garde hebdomadaire), imposent des frais minimums aux utilisateurs et procèdent à une évaluation des besoins élaborée par la province. Jusqu'à la réforme de l'aide sociale qui a été faite en 1989 en Ontario, il s'agissait là de la principale source de subventions au titre de la garde d'enfants pour les familles à faible revenu. La réforme de 1989 a entraîné un changement fondamental dans cette approche traditionnelle. Depuis lors, il est reconnu que la garde d'enfants constitue une dépense importante reliée au travail qui peut être déduite du revenu aux fins du calcul des prestations d'aide sociale. Ainsi, pour les familles touchant de telles prestations qui veulent devenir financièrement autonomes en obtenant un emploi, la garde d'enfants est subventionnée indirectement par le régime d'aide sociale sans qu'il soit nécessaire d'attendre qu'une place subventionnée se libère. Ces subventions peuvent atteindre plus de 4 000 $ par enfant. Au Québec, un ministère est chargé de délivrer des permis et de verser les subventions aux fournisseurs de services de garde, tandis qu'un autre ministère administre les subventions directes aux parents. Celles-ci sont subordonnées au revenu et offertes aux parents dont les enfants sont confies à des organismes de garde approuves. Les subventions sont aussi offertes aux parents qui ne travaillent pas, afin de les libérer occasionnellement de leurs obligations parentales. Au Québec, comme en Ontario, il y a des frais minimums pour les garderies. Lorsque le programme Aide aux parents pour leurs revenus de travail (APPORT) a été instauré en 1989 au Québec, les subventions au titre de la garde d'enfants ont été intégrées dans la structure de prestations de ce programme pour les parents qui travaillent. Ainsi, les parents qui veulent travailler et qui ne sont pas admissibles aux subventions directes, ou qui sont incapables d'en recevoir, touchent des subventions indirectes dans le cadre des programmes de soutien du revenu (tout comme en Ontario). Jusqu'à maintenant, ce genre de prestations n'est offert dans aucune autre province. Discrimination en matière d'emploi et de salaire à l'égard des femmes. Tout au long du présent rapport, nous avons identifié divers groupes défavorisés. Dans presque tous les cas (sauf celui des familles biparentales où des revenus combinés constituent la mesure pertinente), les femmes sont plus défavorisées que les hommes. Cela est particulièrement vrai dans le cas des parents seuls. Le fait que les femmes gagnent généralement un revenu sensiblement inférieur à celui des hommes et que l'écart salarial entre les femmes et les hommes ne se soit rétréci que légèrement au cours des 25 dernières années est bien documenté. Les femmes touchent encore un revenu inférieur d'environ 40 % à celui des hommes. Celle situation traduit en partie le fait qu'une plus grande proportion de femmes que d'hommes occupent des emplois peu spécialisés. Nous avons déjà souligné que les emplois non standard sont beaucoup moins bien rétribués que les emplois standard. En 1988, 36 % des femmes occupaient des emplois non standard comparativement à 23 % chez les hommes. En outre, les femmes ont tendance à entreprendre des études qui conduisent généralement à des professions moins bien rétribuées et à afficher une scolarité moindre que les hommes. Cependant, les différences dans les taux d'activité n'explique qu'une partie de l'écart entre les revenus des femmes et ceux des hommes. La plupart des analystes qui travaillent dans ce domaine attribuent le reste de l'écart salarial à la discrimination. Cette discrimination peut consister à accorder une rémunération moindre à une femme qui fait le même travail qu'un homme ou à verser aux membres des professions à prédominance féminine des salaires inférieurs à ceux des membres d'autres professions qui exigent le même niveau de compétences. Elle peut aussi revêtir d'autres formes, par exemple, encourager les enfants à poursuivre certaines éludes ou à entreprendre certaines carrières. Les recherches qui ont servi de base au présent rapport ne comprenaient pas d'analyse de la discrimination salariale ou autre. Nous soulignons seulement que cette discrimination est responsable d'une partie importante de l'écart salarial entre les femmes et les hommes. Elle est donc au coeur d'une grande partie du désavantage que subissent les femmes, en particulier les mères qui élèvent seules leurs enfants. Le présent rapport ne contient pas de recommandations concernant ces questions, mais nous devons néanmoins faire remarquer que les efforts déployés en vue de réduire la discrimination, s'ils étaient couronnés de succès, réduiraient aussi l'ampleur du désavantage subi par les femmes. Conclusion. La composition des familles monoparentales a changé considérablement au cours des dernières années, en raison surtout de l'évolution des valeurs familiales. Ses membres sont beaucoup plus jeunes, ont plus de chances d'être célibataires et sont surtout des femmes. Les familles monoparentales comptent parmi les groupes présentant le plus de risques en ce qui concerne la pauvreté, en particulier celles dont le chef est une femme, et elles ont beaucoup de difficultés à devenir autonomes. Dans l'ensemble, les politiques et programmes publics dans ce domaine ne font que commencer à tenir compte de ces changements. Il reste beaucoup à accomplir pour supprimer les désincitations au travail, y compris des taux de récupération fiscale moins élevés et des subventions supérieures pour la garde d'enfants, soit par des subventions directes, soit par la possibilité de déduire les frais de garde aux fins des programmes de sécurité du revenu. L'équité exige qu'on réaffirme les responsabilités des deux parents concernant le bien-être de leurs enfants et qu'on apporte le plus tôt possible des changements dans les politiques publiques qui permettent de renforcer ces responsabilités. 8- Conclusions et orientations. Comme nous l'avons indiqué dans le présent rapport, bon nombre de Canadiens qui sont désireux et en mesure de travailler à plein temps sont incapables de parvenir à une autonomie complète Cette situation s'explique en partie par les lacunes des systèmes d'éducation primaire et secondaire, qui n'ont pas bien préparé leurs élèves à la situation de l'emploi qu'on trouve actuellement sur le marché du travail le Conseil économique a d'ailleurs abordé cette question dans son dernier rapport de synthèse intitulé les chemins de la compétence. Ce rapport a révélé, par exemple, que beaucoup d'élèves qui ne poursuivent pas d'études universitaires ne possèdent pas une formation techniques ou professionnelle; ils ne disposent pas non plus de l'information nécessaire pour trouver des emplois et ils savent très peu ce qui les attend sur le marché du travail. Cette situation est également attribuable dans une large mesure au fait que le régime de sécurité du revenu des Canadiens d'âge actif n'a pas visé suffisamment à les préparer au genre de transition que suppose un marché du travail en constante évolution. Un grand nombre de Canadiens doivent accroître leur employabilité en suivant des cours de recyclage ou une formation supplémentaire ou en déménageant dans un nouveau marché du travail. Toutefois, les principaux programmes qui assurent la sécurité du revenu aux personnes en âge de travailler - c'est-à-dire l' assurancechômage et l'aide sociale - n'ont pas expressément pour but d'accroître l'employabilité le programme d'assurance-chômage vise à fournir un remplacement de revenu à ceux qui ont perdu temporairement leur emploi, mais beaucoup de Canadiens en sont devenus dépendants L'aide sociale fournit un revenu de dernier recours à ceux qui n'ont pas d'autre moyen de subvenir à leurs besoins. Il est également vrai que les pouvoirs publics se sont employés à modifier petit à petit ces deux programmes afin de mettre davantage l'accent sur l'employabilité Dans le cas de l'aide sociale, les provinces ont cherché de plus en plus à supprimer les désincitations au travail et, de concert avec le gouvernement fédéral, ont offert des possibilités de recyclage. De plus, une part croissance des dépenses d'assurance-chômage est actuellement consacrée à des cours de formation professionnelle et à d'autres services liés à l'emploi. Pourtant, compte tenu de ces modifications, les gouvernements au Canada consacrent beaucoup plus de fonds au remplacement du revenu (par le biais de l'assurance-chômage) et à l'aide au revenu (par l'aide sociale) qu'à la mise en oeuvre de mesures destinées à accroître l'employabilité, notamment par le counseling, la formation, la réinstallation, etc (mesures dites actives). Au cours d'une année typique, les paiements de soutien du revenu dans le cadre de l'assurance-chômage et de l'aide sociale sont environ quatre fois plus élevés que les dépenses générales consacrées aux mesures actives. Le soutien du revenu a habituellement pour but de répondre aux besoins essentiels d'une personne pendant qu'elle cherche un emploi rémunéré à plein temps Toutefois, pour la plupart des gens, la sécurité financière est l'aboutissement d'un bon emploi, mais pour en trouver un, il faut habituellement posséder les compétences voulues et habiter le bon endroit. Par conséquent, les Canadiens doivent admettre que les programmes axés sur les mesures actives doivent être au centre du renforcement de la sécurité du revenu. A cette fin, il faut repenser au complet le régime de sécurité du revenu. Une restructuration du régime de sécurité du revenu doit tenir compte de la nature diversifiée de la population à faible revenu En raison de l'instabilité des revenus, environ le tiers des Canadiens d'âge actif courent le risque d'être pauvres à un moment donné de leur vie active Par ailleurs, quelque 40 % des personnes qui sont pauvres au cours d'une année le restent Il y a donc à la fois instabilité et stabilité (c'est-à-dire une pauvreté persistante) au sein de la population à faible revenu Bien que les plus démunis de ce groupe reçoivent effectivement de l'aide sociale, un pourcentage important ne touche aucune prestation d'assurance-chômage ou d'aide sociale En d'autres termes, il y a des personnes qui font largement appel au régime de sécurité du revenu et d'autres - les pauvres - qui n'y ont jamais recours. Pour ces raisons et d'autres qui sont expliquées ciaprès, nous en concluons que la population à faible revenu est très diversifiée. Le Canada doit se doter de programmes sociaux qui correspondent à cette diversité. A cette étape-ci, nous nous concentrons sur les grandes politiques et les grands programmes qui assurent la sécurité du revenu des Canadiens en âge de travailler, notamment les services destinés à accroître leur autonomie. Le Canada possède-t-il actuellement la juste combinaison de politiques et de programmes pour répondre aux besoins de sa population à faible revenu? Les programmes d'assistance financière favorisent-ils ou entravent-ils la transition vers l'autonomie? Nous commençons par une observation sur la performance économique globale étant donné que les coûts des programmes sociaux reposent dans une très grande partie sur le niveau d'emploi, lequel dépend dans une large mesure de la conjoncture économique globale. Réduction de la pauvreté par la gestion de l'économie. Au cours des deux dernières décennies, le Canada n'a pas été en mesure d'atteindre un équilibre durable entre les objectifs du plein emploi et de la stabilité des prix. Discuter des lacunes à cet égard conduit inévitablement à porter de nombreuses accusations à l'endroit du pouvoir politique, à des conflits entre le gouvernement fédéral et les provinces et à des critiques de la part du milieu des affaires et des syndicats. Toutefois, il ne fait pas de doute que le niveau élevé de chômage qui a marqué les années 80 et qui menace d'être aussi élevé dans la décennie actuelle constitue un coût économique et social fort important. Le chômage et la pauvreté qui y est associée ne sont pas répartis de façon égale. En effet, tous les Canadiens ne partagent pas d'une façon plus ou moins équitable un fardeau nécessaire. Deux Canadiens sur trois ne connaîtront jamais la pauvreté pendant leur vie active. Toutefois, l'autre tiers éprouve des périodes de chômage et de pauvreté. On trouve au sein de ce groupe un segment de plus en plus important de personnes qui sont pauvres et, ou sans emploi pendant des périodes prolongées. Les enfants de ce groupe sont d'ailleurs les plus défavorisés sur le plan de la préparation à la vie adulte. Pour établir une stratégie de lutte contre la pauvreté, il faut donc réexaminer à la base la gestion de l'économie. Les composantes clés de cette stratégie comprennent une diminution encore plus importante du déficit public et un meilleur équilibre entre les politiques budgétaire et monétaire. Le Conseil économique a abordé ces questions dans de récents rapports, où il a préconisé une meilleure coordination entre le gouvernement fédéral et les provinces (Vingt-huitième Exposé annuel) et une plus grande collaboration entre les syndicats, le milieu des affaires et l'État (Vingt-septième et Vingt-huitième Exposés annuels et à nouveau dans le rapport de synthèse sur la compétitivité intitulé Agir ensemble). Toutes ces propositions ont pour but de permettre à l'économie de soutenir des niveaux plus élevés d'emploi que dans les années 80 sans pour autant susciter une accélération périodique de l'inflation. L'inflation est pernicieuse, car si elle est négligée, elle peut aggraver la plaie du chômage et de la pauvreté. Toutefois, si les décideurs disposent de moyens plus nombreux que la seule politique monétaire pour juguler l'inflation, il sera possible d'atteindre un meilleur équilibre de tous les objectifs économiques. Dans cette éventualité, il en résultera un accroissement constant des niveaux d'emploi et une réduction de la pauvreté. L'efficacité des politiques monétaire et budgétaire repose également sur le comportement des autres intervenants dans l'économie ainsi que sur leur volonté de partager. Par exemple, les revendications salariales qui dépassent le taux actuel de croissance de la productivité exercent une pression à la hausse sur les prix qui, à leur tour, peuvent mener à un resserrement de la politique monétaire et, par conséquent, à une augmentation des taux d'intérêt et du chômage. De même, la réticence de nombreuses entreprises à garder les travailleurs chaque fois que la demande de leurs produits ralentit rend le chômage très sensible aux conditions de la demande et accroît la pression sur les pouvoirs publics pour qu'ils augmentent les dépenses et les impôts. S'il est vrai que la gestion des politiques monétaire et budgétaire se répercute fortement sur la performance de l'économie, de même en est-il de la qualité de la population active. La nouvelle économie mondiale exige une main-d'oeuvre plus instruite et plus productive. A cette fin, il faut investir dans les travailleurs de demain afin d'accroître leur instruction, leur santé et leurs compétences professionnelles. En fait, de tels programmes ont pour double but d'améliorer la performance macro-économique et de réduire la pauvreté. Sécurité du revenu pour les Canadiens d'âge actif. Il existe un vaste éventail de programmes sociaux qui peuvent diminuer directement le taux d'entrée dans la pauvreté, en faciliter la sortie et en atténuer les pires effets pour ceux qui doivent la subir. Le Conseil a donné son point de vue sur les programmes de formation dans L'emploi au futur et sur l'éducation au Canada dans le rapport les chemins de la compétence. Dans la présente étude, nous nous penchons principalement sur les programmes d'assurance-chômage et d'aide sociale bien que cela nous ramène directement à la question de la formation et aux autres mesures actives d'intégration au marché du travail. A cause des contraintes que cela impose sur le plan financier, il importe de définir des réformes qui n'augmenteront pas les dépenses publiques générales, du moins pour le moment. Voilà pourquoi les idées énoncées dans le présent document visent à améliorer l'efficacité des programmes de dépenses actuels. Le fait qu'un nombre important de Canadiens, même en dépit de taux élevés de chômage - et après trois ou quatre ans de pauvreté et de dépendance à l'égard de l'assurance-chômage, de l'aide sociale et de programmes de services du même genre- peuvent redevenir autonomes témoigne de la vigueur du régime de sécurité du revenu. Le régime présente également des lacunes. Bien des familles ont besoin d'aide pendant de longues périodes, et les principaux programmes de sécurité du revenu ne soutiennent en rien certains des pauvres de longue date. Aussi, bon nombre de Canadiens continuent à vivre d'un revenu qui se situe en deçà des seuils de pauvreté utilises dans le présent rapport. Par ailleurs, beaucoup de Canadiens qui ne sont pas pauvres touchent des prestations de sécurité du revenu. Cette situation soulève des questions délicates au sujet de la nature redistributive du régime en matière de revenu. Depuis une quarantaine d'années, les hausses marquées des niveaux de chômage ont multiplié les pressions qui s'exercent sur le régime. Dans les années 50, environ 240 000 Canadiens étaient sans emploi, en moyenne, soit 4,2 % de la population active. Au cours des années 80, toutefois, le nombre de sans-emploi s'est établi en moyenne à 1,2 million par an, et le taux de chômage moyen a atteint 9,3 %. La durée moyenne des périodes de chômage a également grimpé en flèche. Des pressions continuent de s'exercer pour que des programmes de soutien distincts soient établis à l'intention de certains groupes affliges par le chômage de longue durée, par exemple le Programme d'adaptation pour les travailleurs âgés. On a vu au chapitre 5 que les personnes qui ne trouvaient pas un emploi après quatre ou cinq mois de chômage avaient beaucoup de difficulté à en trouver un par la suite. On ne saurait considérer les personnes dans cette situation comme étant temporairement en chômage. Aussi, l'application des principes d'assurance-chômage ne semble plus avoir de raison d'être après cette étape. De plus, la grande majorité des personnes qui recourent à l'assurance-chômage le feront à plusieurs reprises pendant leur vie active. On peut en conclure que beaucoup de personnes n'ont pas les compétences et ne satisfont pas aux conditions nécessaires pour trouver un emploi stable et qu'elles ne reçoivent ni encouragement ni aide leur permettant d'acquérir de telles compétences. Nous avons indiqué précédemment que les programmes d'aide sociale subissaient également des pressions. Dans beaucoup de provinces, ces programmes constituent de par leur structure de base un dernier recours pour tous, y compris les handicapés et les autres personnes dont on ne saurait attendre qu'elles deviennent autonomes. Compte tenu de cette clientèle, il n'est pas étonnant que les provinces aient eu tendance depuis longtemps à augmenter les niveaux des prestations au détriment d'incitations importantes au travail dans leurs programmes. Toutefois, devant l'évolution des marchés du travail et de la structure familiale depuis les vingt dernières années, un pourcentage croissant d'assistés sociaux sont désireux et en mesure de travailler, mais ne peuvent atteindre l'autonomie, souvent pendant plusieurs années. Bien qu'on ait modifié le système ces dernières années pour augmenter les incitations au travail et favoriser la réinsertion sur le marché du travail, ces améliorations demeurent en grande partie marginales. Même si notre rapport porte principalement sur le rôle que doivent jouer les pouvoirs publics pour assurer la sécurité du revenu des Canadiens, il convient de s'arrêter quelques instants à la responsabilité des individus. Les Canadiens vivent dans une société libre, d'où les pressions énormes qui s'exercent sur chacun, surtout les jeunes. Ces derniers peuvent faire beaucoup, en tant qu'individus, pour diminuer le risque de pauvreté - en poursuivant leurs études, en retardant la procréation ou en évitant la rupture de leur mariage. Dans son ensemble, la société devrait donc s'employer davantage à encourager les décisions individuelles qui mèneront au succès personnel. Une nouvelle orientation de la sécurité du revenu. Les programmes de sécurité du revenu parrainés par l'État traduisent les mesures collectives que prend la société pour «assurer» les citoyens, de façon explicite ou implicite, contre le risque d'une absence ou d'une baisse de revenu du travail à un moment donné dans leur vie Ces actions explicites prennent la forme de divers programmes qui garantissent le revenu d'un individu en cas d'invalidité par suite d'un accident au travail ou ailleurs, d'un chômage de courte durée ou d'un départ à la retraite. Ces mesures comprennent les caractéristiques types des contrats d'assurance, comme des prestations liées au niveau antérieur de revenu (c'est-à-dire le remplacement du revenu), une source distincte de fonds (financée généralement par des charges sociales) et des taux de cotisation basés sur le passif au cours d'une période fixe. Les prestations d'assurance-chômage sont limitées dans le temps, mais la plupart des prestations d'assurance sociale ne le sont pas. Les programmes d'aide ou de bien-être social reflètent le désir d'assurer le bien-être économique des citoyens contre des risques comme le chômage de longue durée, un faible revenu et l'invalidité. Il arrive parfois que ces prestations visent des groupes particuliers (par exemple des enfants) ou des buts spéciaux (comme le logement). Contrairement aux programmes d'assurance sociale (chômage, santé, etc), les programmes d'aide sociale sont généralement financés sur les recettes consolidées de l'État, sans affectation particulière de recettes fiscales. Par le passé, la croyance populaire voulait que les personnes dans le besoin puissent se répartir facilement en deux groupes bien distincts: les personnes temporairement sans travail (recevant des prestations d' assurancechômage) et les personnes démunies n'ayant à peu près aucune perspective de travail (recevant des prestations d'aide sociale). Toutefois, nos études indiquent qu'une grande proportion de la population à faible revenu du Canada n'appartient ni à l'une ni à l'autre de ces catégories. Aussi, la conclusion la plus importante que révèle notre analyse est que les Canadiens devraient viser à une restructuration fondamentale du régime de sécurité du revenu à l'intention des personnes d'âge actif, restructuration fondée sur la nécessité d'un continuum de soutien. Ce régime restructuré compterait trois composantes de base: - en cas de chômage, un remplacement du revenu afin d'appuyer le processus de recherche d'emploi pendant une période initiale; - après quoi un programme intégré de services d'aide au revenu et de services liés à l'emploi serait offert pour encourager et soutenir l'autonomie; - et un soutien du revenu raisonnable serait fourni à ceux qui ne pourraient devenir autonomes. Assurance contre le risque d'une perte d'emploi. Un régime public d'assurance-chômage devrait remplacer, à un niveau réaliste, le revenu d'une personne pendant qu'elle cherche un nouveau travail. La durée de la période des prestations devrait tenir compte non seulement du nombre de semaines d'emploi assurables, mais également de la période raisonnable dont a besoin quiconque a les compétences voulues pour trouver un emploi. La faible probabilité de retourner au travail après cinq mois de chômage et la constatation que beaucoup de personnes présentent souvent des demandes répétées de prestations d'assurance-chômage portent à croire que bon nombre de prestataires de l'assurance-chômage n'ont pas les compétences exigées ou ne vivent pas au bon endroit pour satisfaire aux demandes du marché du travail. Or, le fait que beaucoup de Canadiens deviennent dépendants à long terme à l'égard de l'assurance-chômage donne à penser que le programme actuel ne peut en lui-même répondre aux besoins en matière de sécurité du revenu de tous ceux qui sont sur le marché du travail, et qu'il conviendrait de prendre d'autres mesures. La réforme du régime d'assurance-chômage devrait mettre l'accent sur les principes de base de l'assurance, y compris l'établissement d'une période de remplacement du revenu qui serait déterminée à la fois par la durée de la période d'admissibilité et par la période raisonnable dont ont besoin ceux qui ont les compétences professionnelles exigées pour trouver un emploi. Un régime d'assurance de base devrait continuer à verser des prestations de remplacement du revenu (établies actuellement à 60 % des gains assurables). Il semble réaliste d'adopter le principe d'une semaine de prestations environ pour chaque semaine d'emploi au cours d'une période limitée d'admissibilité. Toutefois, ce régime ne répondrait pas aux besoins des réitérants. Les données présentées au chapitre 5 semblent indiquer que beaucoup de Canadiens ne sont pas bien servis par le régime d'assurance-chômage étant donné que celui-ci ne constitue pas le bon remède aux affections du malade. A quel point devient-il évident qu'un traitement différent s'impose? La réponse à cette question exigerait une analyse plus approfondie que celle que nous permettent nos ressources. Le point à retenir, c'est qu'il faut diminuer de façon marquée la période maximale de prestations. Il y aurait lieu de déterminer si cette règle devrait s'appliquer après la première demande de prestations d' assurancechômage ou seulement après un recours répétitif manifeste et marqué au régime. Cependant, cette diminution ne devrait être mise en place que dans le cadre d'une restructuration globale du régime de sécurité du revenu, qui comprendrait la création d'un ou plusieurs nouveaux programmes (à l'échelle provinciale ou fédérale) visant à fournir aux chômeurs une aide transitoire liée à l'emploi. Aide transitoire. Depuis quelque temps, le gouvernement fédéral et les provinces tentent, petit à petit et sous la pression des besoins, de s'acheminer vers un programme de transition à l'emploi. En fait, un accord fédéral-provincial conclu en 1986 a établi une approche intégrée destinée à fournir un éventail de services d'«amélioration de l'aptitude à l'emploi» aux bénéficiaires de l'aide sociale. Par ailleurs, le programme fédéral de la Planification de l'emploi et les provinces fournissent une gamme de services de counseling, de formation et d'autres services à un grand nombre de chômeurs. De plus, on utilise les fonds de développement de l'assurance-chômage pour aider les prestataires actuels de l'assurance-chômage à s'adapter plus rapidement à l'évolution du marché du travail. Toutefois, certaines des transformations fondamentales qui ont touche la nature des programmes d'aide sociale de certaines provinces depuis quelques années révèlent peut-être plus d'importance encore. Dans son examen des programmes provinciaux de sécurité du revenu mené en 1988, intitulé «Transitions», l'Ontario a proposé un vaste éventail de réformes de l'aide sociale fondées sur la différenciation des bénéficiaires entre ceux qui sont handicapes et ceux qui pourraient se voir offrir des services de «planification de débouchés». En 1989, le Québec a modifie considérablement la structure de son régime d'aide sociale en y intégrant un nouveau programme intitulé Actions positives pour le travail et l'emploi (APTE), qui regroupe des transferts gouvernementaux et une gamme de services liés à l'emploi. En outre, un programme intégré d'aide aux parents pour leurs revenus du travail (APPORT) destiné aux familles ayant des enfants à charge vient compléter la composante «soutien du revenu» pour les travailleurs à temps partiel ou ceux qui touchent des salaires peu élevés, en prélevant un taux d'impôt sur les gains de 55 % seulement. De même, l'Alberta a instauré en 1991 son programme de soutien à l'autonomie. Nous proposons que ces mesures d'intégration soient accélérées par la création d'un Programme (ou d'un ensemble de programmes) de transition à l'emploi afin d'offrir des mesures actives d'intégration au marché du travail assorties d'une assistance au revenu, aux Canadiens qui éprouvent des difficultés sur le plan du revenu, y compris ceux qui ont épuisé leurs prestations d'assurance-chômage de base. Un tel programme aurait pour but de remplacer les programmes de services liés à l'emploi qui sont actuellement offerts dans le cadre de l'assurance-chômage, de l'aide sociale et de divers autres programmes afin de favoriser la transition des chômeurs de longue durée vers un emploi à plein temps. Outre un niveau suffisant de soutien du revenu, une stratégie de transition à l'emploi offrirait, directement ou par l'intermédiaire d'autres programmes, une gamme complète de services de soutien liés à l'emploi, y compris des services de counseling, de placement et de recyclage, des services de garde d'enfants et une aide à la mobilité. Par exemple, l'aide à la mobilité pourrait faire partie du programme d'assistance au revenu, en dirigeant les bénéficiaires vers des services de placement ou vers des programmes de formation professionnelle ailleurs. La participation à l'un ou l'autre des aspects du programme devrait se fonder sur les besoins à cet égard. Ainsi, les chômeurs qui ne sont pas admissibles à un soutien du revenu pourraient quand même se prévaloir de services de counseling et de formation ou d'autres services liés à l'emploi. Les possibilités d'intégration aux programmes de services existants et futurs à tous les niveaux de la collectivité sont nombreuses. Certes, l'assurance-chômage et l'aide sociale comprennent déjà un certain nombre de services du genre de ceux qu'offrirait un programme de transition à l'emploi. Toutefois, l'assurance-chômage et l'aide sociale n'ont pas pour but principal de favoriser une telle transition en offrant des services liés à l'emploi. Ces services sont considérés comme un «ajout». Or, il y a actuellement un besoin généralisé et croissant d'adaptation à un marché du travail en évolution dans un monde de plus en plus axé sur les marchés. Ce besoin doit être reconnu comme un objectif primordial de la politique économique et sociale. Il est absolument essentiel que le programme qui favorise une telle transition ait principalement pour but d'aider les gens à s'adapter et a devenir autonomes. Les travailleurs peuvent maintenant s'attendre de passer par plusieurs périodes d'adaptation pendant leur vie active. A chaque occasion, bon nombre d'entre eux devront perfectionner leurs compétences afin de se trouver un nouvel emploi à un niveau de revenu comparable à celui de leur emploi antérieur. De fait, un grand nombre de travailleurs, dont bon nombre ne sont pas de «petits salariés», ne possèdent pas les compétences nécessaires pour trouver facilement un nouveau travail s'ils venaient à perdre leur emploi. La composante d'assistance au revenu d'un programme de transition à l'emploi devrait reposer sur le revenu dont a besoin la famille. La détermination des prestations devrait généralement s'effectuer à court terme (par exemple tous les mois ou tous les trimestres), même si une période plus longue conviendrait sans doute pour certains prestataires (par exemple ceux qui suivent des programmes de formation à long terme). Pour les familles qui reçoivent des prestations pendant toute une année, y compris les personnes qui travaillent à plein temps à faible revenu, le programme pourrait être considéré comme un revenu annuel garanti. Contrairement aux propositions de la Commission Macdonald, cependant, l'objectif d'un programme de transition à l'emploi ne serait pas de «garantir» un revenu annuel, mais bien d'offrir un éventail de soutiens dont l'objet principal serait de donner aux familles des possibilités de bénéficier d'un revenu bien au delà de la «garantie» minimale dès qu'ils sont sur la voie d'un nouvel emploi et d'une perspective financière plus prometteuse. Nous ne proposons pas ici des niveaux particuliers de prestations. Toutefois, étant donné que la clientèle cible de ce programme se composerait de personnes aptes au travail, la plupart des bénéficiaires de ce programme ne devraient pas devenir des pauvres de «longue durée» ou «irréductibles». Nous croyons qu'en règle générale, la combinaison de niveaux relativement faibles de prestations et de taux relativement faibles de réduction des prestations conviendrait davantage aux gens dans cette situation que la combinaison de niveaux relativement élevés de prestations et de taux relativement élevés de récupération fiscale ou de réduction des prestations. De plus, la nécessité de se départir de son actif devrait être beaucoup moins pénible que pour ceux qui sont incapables de travailler (comme on le voit ci-après). Il est évident qu'il incombe jusqu'à un certain point aux familles d'économiser pour les «périodes de vaches maigres» et d'utiliser cette épargne lorsqu'elles éprouvent effectivement des problèmes de revenu. Toutefois, cette épargne ne devrait pas comprendre l'épargne-retraite, un montant raisonnable du loyer ou tout autre bien durable de base. Les conditions d'admissibilité aux prestations du programme de transition à l'emploi, comme on le souligne plus haut, se situent quelque part entre celles des programmes actuels d'assurance-chômage et d'aide sociale. A l'heure actuelle, l'assurance-chômage verse des prestations pour une période restreinte aux chômeurs, calculées d'après les gains antérieurs du prestataire et le nombre de semaines de travail. L'aide sociale verse des prestations fondées sur un besoin de revenu pour une période illimitée, mais seulement après que la personne s'est départie de presque tout son actif. Étant donné que le programme de transition à l'emploi n'aurait pas de limite dans le temps, il y aurait lieu d'établir certaines règles à l'égard de l'actif, autre que le logement et les biens ménagers durables, dont devraient se départir les personnes, afin de limiter les coûts du programme. Il serait peut-être aussi nécessaire d'exiger que les bénéficiaires du programme participent activement à une activité quelconque de formation ou de recyclage. Les concepteurs d'un tel programme devront faire de durs choix au sujet des arbitrages à opérer, et ce d'une façon pratique et juste, si l'on veut être en mesure de contenir les coûts du programme et d'assurer l'atteinte de son objectif d'amélioration de l'employabilité. Nous n'avons pas précisé de quelle manière une constitution renouvelée devrait définir la compétence dont relèverait le programme de transition à l'emploi. On pourrait invoquer des arguments en faveur du gouvernement fédéral ou des provinces. Quelle que soit la décision qui sera prise à cet égard, la prestation locale (c'est- àdire la collaboration à l'échelon local entre l'industrie, les syndicats, les établissements d'enseignement et le gouvernement) sera un élément clé de réussite. Il serait fort décevant que le débat concernant la mise sur pied du programme piétine à cause d'un conflit de compétence. Soutien des personnes incapables d'être pleinement achevés sur le marché du travail. Les programmes actuels d'aide sociale au Canada visent à fournir un système de protection en matière de soutien du revenu à ceux qui font face à des obstacles multiples à l'autonomie, plus particulièrement des handicaps physiques et mentaux. Cependant, le régime comporte ses injustices. On constate des écarts importants dans les prestations versées à ceux qui se blessent au travail et qui sont admissibles aux indemnités des accidents du travail et à ceux qui se blessent ailleurs et qui ne peuvent toucher que des prestations d'aide sociale. Il y a également des écarts importants entre les niveaux de prestations versés dans les diverses régions du pays. Dans quelques provinces, ces prestations sont loin d'assurer un niveau de vie décent. Compte tenu des besoins de ce groupe et de l'arbitrage à faire entre la suffisance des prestations et les incitations au travail, il est clair qu'il faut mettre l'accent dans ce cas sur la solution opposée à celle qui est proposée pour les bénéficiaires du programme de transition à l'emploi - en d'autres termes, il faut prévoir des taux de récupération fiscale plus élevés sur les gains et fournir moins de services liés à l'emploi. Offrir aux parents seuls ayant de jeunes enfants la possibilité de ne pas travailler jusqu'à ce que leurs enfants soient d'âge préscolaire est discutable. Les parents qui choisiraient d'agir ainsi seraient admissibles à des paiements d'aide sociale, ce qui leur permettrait de consacrer toute leur attention à leurs enfants. Cependant, les parents seuls devraient également être admissibles aux prestations du programme de transition à l'emploi s'ils désiraient se préparer à un emploi futur. Nous abordons ci-après la question des coûts de garde d'enfants pour ceux qui désirent travailler. Voilà qui conclut notre approche d'un nouveau régime de sécurité du revenu. Il y a de nombreuses questions administratives complexes qui sont liées à la mise en place d'un tel continuum de soutien. Il serait essentiel d'élaborer des critères d'admissibilité cohérents et complets et d'assurer une coordination administrative des programmes afin d'éviter les abus et les fraudes. Quelques provinces ont déjà établi des procédures pour surmonter ces difficultés administratives. Notre étude sur la dynamique de la pauvreté a porté entre autres sur les coûts potentiels et les arbitrages financiers entre les trois genres de programmes mentionnés ici. Les fonds qu'on «économiserait» en raccourcissant la période de prestation de l'assurance-chômage aideraient à financer les programmes de transition à l'emploi. Les personnes admissibles aux programmes de transition à l'emploi seraient en partie les bénéficiaires actuels de l'assurance-chômage et en partie les bénéficiaires de l'aide sociale. Selon nos conclusions, il est clair qu'il serait possible de réaménager le régime de sécurité du revenu sans augmenter les dépenses de l'État. Toutefois, notre travail dans ce domaine est incomplet étant donné que le Conseil met fin à ses activités; bien que nous ayons confiance dans nos résultats, il faudrait effectuer plus de recherches pour obtenir la qualité souhaitée. Le modèle comptable clé existe à Statistique Canada et peut servir à approfondir l'analyse dans cette direction si les gouvernements le désirent. Modifications progressives. Le réaménagement du régime de sécurité du revenu a pour objectif fondamental d'aider les Canadiens à devenir plus autonomes. Pour concrétiser de telles propositions, il faudra engager de longs débats et entreprendre d'autres études. La mise en oeuvre nécessitera donc beaucoup de temps. Dans les sections qui suivent, nous décrivons un certain nombre d'étapes qui devraient être mises en oeuvre entre-temps pour favoriser une plus grande autonomie. Counseling intensif. Les programmes d'assurance-chômage et d'aide sociale ont toujours été perçus et, partant, appliqués en grande partie comme des régimes de transferts publics. Aussi, il y a eu relativement peu de services actifs de soutien dispensés aux Canadiens pour les aider à améliorer leurs compétences professionnelles et à trouver un emploi. Cela ne veut pas dire que ces services n'existent pas. Il y a, au Canada, un système complet d'«information» sur les emplois (les Centres d'emploi du Canada). De plus, on compte une grande diversité de services de soutien tant à l'échelle fédérale que provinciale ainsi que dans le secteur bénévole. Ceux-ci comprennent des programmes destinés à améliorer les aptitudes de base à la vie quotidienne, à accroître la scolarité de base et les compétences professionnelles et à prodiguer des soins de garde d'enfants et une aide à la réinstallation. Toutefois, tous ceux qui pourraient avoir accès à ces programmes sont loin d'en bénéficier. De plus, le lien entre ces services et les programmes de transferts de l'État est toujours assez passif par définition, étant donné que la plupart des bénéficiaires de l'assurance-chômage et de l'aide sociale doivent en grande partie chercher eux-mêmes les services pour les utiliser. Celle absence d'intégration des services de l'État liés au revenu et à l'emploi ne pose peut-être pas beaucoup de problèmes au début d'une période de chômage. Elle peut également passer largement inaperçue pour ceux qui ne touchent que des revenus très faibles. Toutefois, le nombre croissant de personnes qui se trouvent dans une situation professionnelle précaire donne à penser qu'on pourrait être beaucoup plus efficace en investissant dans des mécanismes qui aideraient à apparier les travailleurs aux possibilités de perfectionnement des compétences professionnelles ainsi qu'aux emplois. De fait, il s'agit là de l'une des caractéristiques distinctives du nouveau programme Actions positives pour le travail et l'emploi du Québec, dans le cadre duquel des mesures plus actives sont prises lorsqu'une personne présente une demande d'aide financière. Nous proposons qu'un counseling intensif à l'emploi soit fourni aux bénéficiaires de l'assurance-chômage et de l'aide sociale qui peuvent devenir autonomes. Le rôle du conseiller consisterait à encourager les bénéficiaires dans leur quête d'emploi et à les informer au sujet des types de cours et d'autres services qui leur permettraient d'acquérir les compétences voulues et de se prévaloir de services de garde d'enfants et d'autres services pertinents à leur intégration dans la population active. Toutefois, c'est aux bénéficiaires qu'il devrait incomber de demander et d'obtenir de tels services et non au conseiller. A notre avis, les coûts administratifs supplémentaires associés à de tels services procureraient des «dividendes» importants en assurant une plus grande équité et un régime de sécurité du revenu plus efficace pour la population d'âge actif. Taux d'impôt. L'arbitrage entre la suffisance du revenu et les incitations au travail représente un défi de taille dans la réforme des programmes de transferts qui s'adressent aux démunis. Bien qu'on commence à diminuer les taux de récupération fiscale, ils demeurent quand même trop élevés - 100 % dans la plupart des programmes d'aide sociale. Mais si l'on veut pouvoir offrir des incitations économiques aux bénéficiaires pour accroître leur propension au travail, ces taux de récupération fiscale doivent au moins être inférieurs à 100 %. Il importe également que l'interaction entre les programmes soit prise en compte au moment d'établir le taux d'impôt «net». Bien que des exemptions initiales sur les gains puissent diminuer le taux d'impôt moyen d'un programme, c'est le taux d'impôt marginal qui encourage quelqu'un à travailler une heure de plus ou à chercher un emploi mieux rémunéré. Par conséquent, si l'on étend les programmes de transferts de l'État destinés à ceux qui connaissent des difficultés de rémunération, il y aurait lieu de donner d'une manière générale la priorité à des diminutions de taux d'impôt sur les gains plutôt que des augmentations des niveaux de prestations. Quant à ceux dont on n'attend pas le retour au travail, la priorité devrait être d'augmenter les prestations, vu l'importance d'offrir à ce groupe un niveau de vie décent. Soutien des enfants. Même si l'incidence de la pauvreté au sein de familles comptant des enfants a diminué depuis vingt ans, la pauvreté chez les enfants continue toujours de susciter de vives préoccupations. Comme nous l'avons vu, ce sont les familles monoparentales, plus particulièrement celles dont le chef est une femme, qui sont, parmi tous les groupes, les plus défavorisées sur le plan social et qui éprouvent le plus de difficultés à devenir autonomes. Selon nous, il y aurait lieu de s'efforcer davantage d'imputer au parent absent la responsabilité du bien-être économique (et même social) de ses enfants. On a fait quelques pas dans cette direction depuis quelques années. Cependant, d'autres mesures pourraient être prises pour faire en sorte que le soutien fourni par le conjoint absent corresponde à ses responsabilités. Le ministère fédéral de la Justice tient actuellement des consultations auprès d'un échantillon de groupes d'intérêt sur la possibilité de codifier davantage le barème des paiements de soutien des enfants accordés par les tribunaux en vertu de la Loi sur le divorce. Nous espérons que cela se traduira par un système plus complet et plus équitable de soutien parental à l'égard des enfants. Nous avons également souligné les désincitations constantes auxquelles font face les parents seuls qui reçoivent des prestations d'aide sociale, lorsqu'ils doivent combiner les responsabilités de travailler et de prendre soin de leurs enfants. De toute évidence, la déductibilité des frais de garde d'enfants à même les gains serait plus juste et plus équitable pour toutes les familles ayant des enfants et, dans le cas des parents seuls, encouragerait (ou au moins ne découragerait pas) davantage la propension au travail. Pour ces raisons, les personnes qui connaissent des problèmes de revenu devraient pouvoir déduire de leurs gains, dans le cadre des programmes de transferts de l'État, leurs frais réels de garde d'enfants (en deçà d'un maximum raisonnable). La pauvreté au Canada n'est pas confinée à une couche défavorisée. Elle peut frapper quiconque a une instruction insuffisante, est affligé d'une maladie chronique, perd un emploi ou voit son mariage se dissoudre. C'est un problème qu'éprouvent bon nombre de personnes qui peuvent et désirent travailler. En eux-mêmes, les programmes d'assurance-chômage et d'aide sociale ne peuvent faire tous les frais de tels défis. Ils aident à atténuer les difficultés, mais ils ne constituent pas le tremplin vers la sécurité financière - c'est-à-dire un emploi stable comportant un salaire décent. Voilà pourquoi nous estimons que le régime de sécurité du revenu doit être modifié en profondeur pour aider les individus à s'adapter à l'évolution de la situation et à devenir autonomes.