*{ Budget du Québec 1981 } L'année 1981 restera probablement marquée comme étant celle où l'économie nord-américaine a atteint le creux d'une vague dont on voit mieux maintenant qu'elle avait commencé avec l'année 1976. Pendant cinq ans, en effet, le rythme d'expansion de la production aux États-Unis a régulièrement baissé jusqu'à devenir nul en 1980. On a assisté à l'aboutissement d'une longue contraction et, en début d'année, à un affaissement soudain de la demande des consommateurs américains comme pour marquer la dernière phase du glissement. Au Canada le cheminement a été plus irrégulier, plus fluctuant, mais finalement analogue. On avait retrouvé au début de 1976 un rythme d'expansion important, voisin de 7 % une bonne performance, somme toute, qu'on ne retrouve plus ensuite jusqu'à ce que, en 1980, la production cesse de progresser complètement. En un certain sens la performance de l'économie canadienne aura été plus décevante que celle des États-Unis, encore que bien évidemment influencée par elle. En effet la chute prononcée de la valeur du dollar canadien qui touchera à la fin de 1980 un creux historique et la résistance à laisser monter le prix du pétrole auraient dû donner à l'économie du Canada plus de solidité que le l'économie américaine ne pouvait en manifester. Encore faut-il reconnaître que les disparités régionales ont atteint, au cours de ces années, une grande ampleur. Alors qu'au creux de la vague générale l'Alberta et la Colombie-Britannique gardent un rythme de croissance de l'ordre de 3%, la production ontarienne baisse de 1% et celle du Québec augmente légèrement. En réalité, cela fait quatre ans que la performance économique du Québec est supérieure ou égale à celle de l'Ontario. Il ne fait pas de doute que les petites et moyennes entreprises du Québec prennent graduellement la relève de certaines grandes entreprises plus traditionnellement installées. Elles apprennent à profiter du bas taux de change du dollar canadien. Elles ont aussi été fortement appuyées par les politiques du gouvernement québécois. Tout cela se manifeste davantage à l'égard des exportations que vis-à-vis des investissements. Les ventes québécoises à l'étranger ont gardé, en 1980, une vigueur qui dépasse celle des exportations du reste du Canada. En trois ans, elles auront en effet plus que doublé. Les investissements des entreprises privées connaissent une croissance de l'ordre de 15%, ce qui est appréciable, même si on tient compte de l'inflation. Néanmoins, l'ensemble des investissements au Québec augmente nettement moins en raison du plafonnement des immobilisations d'Hydro-Québec. Cette société d'État fait à elle seule plus du quart de tous les investissements productifs au Québec; or, les travaux à la Baie James ont maintenant atteint un plateau. Cela se sent déjà et se fera davantage sentir avant que d'autres grands travaux du même genre ne prennent la relève. L'aspect le plus faible de l'économie québécoise en 1980 aura été, comme aux États-Unis, la réduction des achats des consommateurs. On s'attendait, l'an dernier, à un tassement de la demande; on ne l'attendait pas aussi prononcé. Quant à la construction domiciliaire, on aurait pu croire qu'après avoir longuement ralenti, elle redémarrerait vers la fin de 1980. C'était compter sans les soubresauts de la politique monétaire nord-américaine qui dépassèrent tout ce qu'on avait vu jusque là. Sans doute, les pressions inflationnistes s'intensifient-elles aux États-Unis, au fur et à mesure que tombe le rythme de croissance de l'économie. Il s'en faut de beaucoup que l'on comprenne à quoi une telle divergence est due. Depuis plusieurs années cependant, la cure a été mise au point. A la fin de 1979, on décida de l'appliquer. En la caricaturant un peu, la cure monétariste consiste à tenter de contenir la hausse des prix en réduisant graduellement l'expansion de la masse monétaire à l'intérieur de bornes de plus en plus contraignantes. L'idée n'est pas nouvelle, mais jamais on en avait fait à ce point une idée-force, pour ne pas dire une idée fixe. En tout cas, une telle politique peut provoquer des variations fabuleuses des taux d'intérêt. C'est à cela qu'on assiste depuis quinze mois. Une première flambée a porté le taux préférentiel des banques à plus de 19% au début de 1980. Il est tombé à 11% au cours de l'été et est remonté à plus de 20% avant Noël Complètement intégré aux circuits financiers américains, le Canada a suivi, se permettant simplement des décalages de quelques semaines qui se paient par une faiblesse récurrente du taux de change. On ne sait pas encore si la cure guérira le malade. Pour le moment, comme la saignée ou la purge d'autrefois, elle l'affaiblit. On espère qu'en 1981 l'inflation sera un peu réduite aux États-Unis. Il est d'ores et déjà assuré qu'au Canada elle sera plus forte, en raison surtout de la hausse du prix des produits pétroliers qui dépassera 21%. On ne peut, en tout cas, s'étonner, dans de telles conditions, du peu de vigueur de la construction domiciliaire et des achats de biens durables de consommation. A travers ces phénomènes d'ampleur continentale, un dernier aspect de l'économie du Québec en 1980 mérite d'être décrit. La population totale n'augmente plus guère; par contre, la population active continue à progresser assez rapidement à cause du fort taux de naissances qui a prévalu jusqu'au début des années soixante et de la hausse de la participation des femmes sur le marché du travail. Le premier phénomène achève, le second va petit à petit se stabiliser. Mais, en 1980, la main-d'oeuvre s'est accrue de près de 3%, ce qui, par rapport aux années précédentes, est exceptionnel. Ce n'est pas le moindre sujet d'étonnement que de constater que, même avec une croissance de la production d'un tiers de 1%, l'économie du Québec aura absorbé une hausse du nombre de travailleurs employés de 2,5%, presque égale, donc, à celle du nombre de ceux qui se présentaient sur le marché du travail. On voit, là encore, un signe de résistance assez remarquable de l'économie québécoise à un environnement difficile. La situation des finances publiques du Québec au cours de l'année qui se terminera le 31 mars prochain aurait correspondu à peu près à ce qu'on pouvait attendre du discours sur le budget de l'an dernier, compte tenu d'une situation économique un peu plus faible que prévue, d'une inflation un peu plus rapide et de taux d'intérêt plus élevés, n'eussent été deux grands programmes qui coûtent nettement plus cher qu'on ne l'avait envisagé, soit l'aide sociale et l'assurance-maladie. Les revenus budgétaires du gouvernement sont de $185 millions inférieurs à ce qui était prévu, soit 1,2%. L'impôt sur le revenu des particuliers sera exactement au niveau escompté. L'impôt sur les sociétés produira $35 millions de moins que prévu; cela est dû, pour moitié, à un niveau de profits un peu inférieur aux prévision et, pour l'autre, à une accélération des remboursements aux sociétés. La taxe sur les ventes au détail est de $38,000,000 au-dessous des prévisions. Dans ce cas, on aurait pu s'attendre à pire, compte tenu de la baisse des demandes des consommateurs, un peu partout en Amérique du Nord. Les autres revenus autonomes tombent de $49,000,000. Pour un tiers, il s'agit d'un artifice comptable qui provient du transfert du Bureau des véhicules automobiles à la Régie de l'assurance automobile. Le reste se partage surtout entre des recettes inférieures à ce qui était prévu à la Société des alcools, à cause, en particulier, des changements apportés par le gouvernement fédéral à la taxation des vins et spiritueux, et une réduction des recettes prévues d'enregistrement des véhicules automobiles. Le dernier poste relatif aux revenus du gouvernement du Québec a trait aux sommes qui lui proviennent du gouvernement fédéral. Ces transferts rapporteront, en 1980-1981, $60,000,000 de moins que prévu. Dans ces conditions, par rapport à l'année précédente, les transferts fédéraux n'augmenteront donc que de 3,8 pour cent. J'aurai l'occasion de souligner plus loin l'importance, pour les finances publiques du Québec, d'une aussi faible progression. Quant aux dépenses budgétaires, malgré tous les efforts que nous avons faits pour en contrôler la croissance, elles seront de $490,000,000 plus élevées que prévu au dernier discours sur le budget, soit près de 3 pour cent. En moyenne, de 1977-1978 à 1979-1980, nous avons réussi à maintenir l'expansion des dépenses à environ 12 pour cent par an, ce qui était à peu près le rythme d'expansion de la production nationale. Il s'agit là d'une discipline remarquable. A cause de la situation économique prévue en 1980-1981, on pouvait imaginer de passer à un rythme temporaire d'expansion de 14,5 à 15 pour cent. Mais 16,6 pour cent est nettement trop élevé. A cause de la situation économique, certains postes de dépenses ont été volontairement augmentés en cours d'année de façon substantielle. Tel est le cas, par exemple, de plusieurs des programmes d'aide à l'emploi. On doit aussi, avant d'expliquer d'autres dépassements qui sont survenus, noter le succès obtenu dans le contrôle des coûts pour la plupart des secteurs. C'est ainsi que le contrôle des dépenses des hôpitaux, amorcé il y a trois ans, s'est maintenu. Celui des dépenses des commissions scolaires, qui avait créé une telle commotion, il y a un an, a fort bien fonctionné. A preuve, les dépenses dans ce secteur seront inférieures de $3,000,000 au montant prévu en début d'année. Le contrôle des paiements aux universités, aux collèges, aux établissements de santé autres que les hôpitaux s'est maintenu. ne même, le contrôle rigide du nombre des fonctionnaires du gouvernement a à ce point bien fonctionné que le nombre des employés permanents est tombé de 1400 en un an, alors que celui des occasionnels ne s'est accru que de 400. Nous n'en sommes plus à l'objectif de croissance zéro. La réduction est maintenant amorcée. Tout cela est bel et bien, sauf que les coûts de deux programmes importants ont augmenté, en 1980-1981, bien plus que prévu. Le premier a trait à l'ensemble des dépenses payées par la Régie de assurance-maladie. Les dépenses qui devront être assumées pour 1980-1981 seront de $150,000,000 supérieures à celles inscrites aux crédits d'il y a un an. Sur cette somme, $90,000,000 doivent être payés aux membres des fédérations médicales et n'étaient budgétés qu'en 1981-1982. Les fédérations ont en effet proposé au gouvernement un moratoire sur l'ensemble des ententes jusqu'en juin 1981, contre l'augmentation intérimaire des tarifs pour une période de 18 mois. lamais, de mémoire de négociateur, n'aura-t-on vu une opération pareille s'amorcer et se conclure aussi rapidement. Évidemment, ce que l'on paie cette année n'aura pas à être payé l'an prochain. Il n'en reste pas moins que, même sans ce geste inattendu, le coût des divers programmes de santé qui sont gérés par la Régie de l'assurance-maladie déborde les prévisions initiales d'une soixantaine de millions de dollars. Il risque fort d'augmenter plus rapidement que notre capacité de payer. Des mesures devront donc être prises, notamment dans le renouvellement des ententes avec les professionnels de la santé, pour mettre en place des balises qui résistent mieux à la pression. En ce qui a trait à l'aide sociale, la situation est très différente. Il faut ajouter environ $160,000,000 à ce qui avait été inscrit aux crédits de l'an dernier. Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'expliquer dans le précédent discours sur le budget, un train de mesures a été mis au point pour permettre à un certain nombre d'assistés sociaux de retourner au travail, pour récupérer les pensions alimentaires payables à des personnes divorcées ou séparées qui, bien souvent, sans cela, ne peuvent qu'émarger à l'aide sociale et, enfin, pour contrôler les abus. Il a fallu un certain temps pour mettre en vigueur les dispositions législatives et réglementaires nécessaires. Les échanges de renseignements entre les ministères, la mise en place d'équipement complexe, des changements dans les habitudes de travail de l'administration, tout cela ne se fait pas en un jour. Néanmoins, des innovations intéressantes sont apparues. C'est ainsi que, pour la première fois, une centaine d'agents de l'aide sociale ont travaillé dans les centres de main-d'oeuvre pour faciliter la conjugaison des efforts. Il n'en reste pas moins que ce n'est qu'entre les mois d'octobre et de janvier que les mesures envisagées ont vraiment démarré. Les résultats obtenus au cours de ces quelques derniers mois ne sont pas encore spectaculaires. Même si les crédits nécessaires à la réinsertion d'un grand nombre d'assistés sociaux sur le marché du travail ont été rendus disponibles, il s'en faut de beaucoup qu'ils aient encore été tous utilisés. Il y a en effet beaucoup de résistance au rodage des opérations que nous avons lancées. Résistance compréhensible sans doute, mais dont on ne peut pas faire abstraction. C'est ainsi que bien des employeurs hésitent à embaucher des assistés sociaux et gardent à leur égard des préventions tenaces. Certains assistés sociaux, de leur côté, invoquent parfois les motifs les plus saugrenus pour refuser du travail. Les mesures qui sont maintenant en vigueur vont prendre du temps avant de produire tous les résultats qu'on en attend. Ce n'est pas une raison pour ne pas les poursuivre énergiquement. Ajoutons enfin que le resserrement des règlements d'application de assurance-chômage ne nous a pas aidés en ce sens qu'il a provoqué une hausse des allocations d'aide sociale de $50,000,000 en 1980-1981. Enfin, deux autres postes du budget des dépenses coûtent cette année nettement plus cher que prévu. D'une part, des besoins financiers accrus et des taux d'intérêt bien plus élevés qu'on ne le prévoyait ont augmenté le service de la dette de $112,000,000. D'autre part, un taux d'inflation de 1% plus élevé qu'estimé a ajouté $65,000,000 à la masse salariale des secteurs public et parapublic. Pour ce qui a trait aux opérations non budgétaires, les nouvelles sont excellentes. On avait, à l'occasion du dernier discours sur le budget, annoncé que, dorénavant, les opérations de prêt de la Société de développement industriel et de la Société d'habitation du Québec seraient assumées par les institutions financières privées, comme nous l'avions fait précédemment pour l'Office du crédit agricole, le gouvernement se contentant de payer les remises d'intérêt et les subventions. Cela a été fait. En outre, les nombreuses mesures que nous avons prises pour rentabiliser nos sociétés d'État ont commencé à donner des résultats tangibles. Ces sociétés qui font maintenant pratiquement toutes des profits, sauf SIDBEC, n'ont pas eu besoin de recourir au Fonds consolidé du revenu autant que par le passé. C'est une des raisons pour lesquelles le surplus des opérations non budgétaires qui, comme on le sait, compense une partie du déficit budgétaire, augmente de $100,000,000, soit une hausse de près de 20%. Le tableau qui suit résume tout ce qui vient d'être décrit et établit les soldes. Je le dépose, Monsieur le Président, en deux copies, comme faisant partie intégrante du discours sur le budget. Il ressort de ce tableau que le déficit des opérations budgétaires s'établira, pour 1980-1981, à $2,975,000,000; le surplus des opérations non budgétaires est de $630,000,000 et doit être déduit du déficit budgétaire pour que l'on puisse établir les besoins financiers nets qui sont, en conséquence, de $2,345,000,000. De tels niveaux de besoins financiers de déficit sont élevés, cela ne fait pas de doute. Et, bien sûr, ils ne sauraient être maintenus indéfiniment. Encore faut-il bien en comprendre les causes. Si le déficit budgétaire est à ce point élevé, c'est que nous avons décidé de révéler, depuis quelques années, l'ampleur des engagements du gouvernement, notamment à l'égard de ses fonds de pension. Si l'on dresse un état des opérations financières sur la base des recettes et des déboursés, tel qu'il apparaît en pages 8 et 9 de l'annexe 2 du présent discours, ce qui est une formulation comptable sensiblement comparable à celle qui est utilisée par plusieurs provinces canadiennes, le déficit de 1980-1981 tomberait de près de $600,000,000, soit à $2,394,000,000. D'autre part, une bonne partie de ce déficit est due aux réductions d'impôts et de taxes réalisées par le présent gouvernement. Imaginons que nous ayons perpétué la structure des taxes et des impôts héritée du précédent gouvernement et que nous n'ayons pas procédé à la réforme de la fiscalité municipale, à quel niveau serait le déficit aujourd'hui? Aux environs de $1,000,000,000, presque au même niveau qu'il y a quatre ans, alors que les prix ont augmenté de 40%. Il n'est pas question de revenir sur les baisses d'impôt que le présent gouvernement a consenties depuis trois ans et il n'est pas question non plus de rétablir l'impôt foncier scolaire normalisé. La seule solution, c'est de couper les dépenses. C'est ce que nous avons fait, d'abord par de nombreux gels de crédits pour la fin de 1980-1981 et par les coupures pour l'année qui vient. En tout cas, pour ce qui a trait à la dette en cours du gouvernement du Québec, on doit reconnaître que la dette à long terme représente actuellement environ 15% du produit intérieur brut du Québec. En lui-même, ce chiffre n'a pas de signification véritable, car le gouvernement peut emprunter lui-même ou faire emprunter des corps publics, des sociétés d'État ou des gouvernements locaux à sa place. Si l'on veut vraiment savoir quel est le poids réel de la dette publique portée par la société, c'est donc la totalité des sommes dues par les secteurs public et parapublic qu'il faut examiner. Si l'on tient compte des emprunts à long terme du gouvernement du Québec, des institutions d'enseignement et de santé, d'Hydro-Québec, des autres sociétés d'État, des municipalités et de communautés urbaines, les émissions d'emprunt chaque année, depuis six ans, se présentent de la façon suivante. Elles représentaient 8,5% du produit intérieur brut du Québec en 1975, presque 12% en 1976, 7,7% en 1977, 7,4% en 1978, 6,9% en 1979, et se situent à 8,8% en 1980. Dans ce sens, tous déficits considérés et tous besoins d'emprunts entrés en ligne de compte, il est vrai que l'année 1980 se solde par une situation à peu près du même ordre qu'en 1975, nettement mieux qu'en 1976, mais moins bonne que pendant nos trois premières années de gouvernement. Incidemment, une question se pose depuis six mois à laquelle il convient de répondre: Est-il exact que le Québec emprunte pour payer ses dépenses courantes? Remarquons, en premier lieu qu'advenant que cela se produise il n'y aurait pas lieu de s'en offusquer si vraiment la situation économique l'exigeait. Plutôt s'endetter temporairement que de jeter des gens dans la rue. Mais, est-ce vraiment le cas? Pour répondre correctement, il faut, une fois de plus, considérer toute la dette des secteurs public et parapublic québécois. Le gouvernement garantit la dette d'Hydro-Québec et en autorise les tarifs; il paie la totalité du service de 18 dette des commissions scolaires et des établissements de santé; il paie de 60% à 100%, selon les cas, des investissements dans l'épuration des eaux et le transport en commun. On comprendra alors qu'il faut comparer chaque année le montant des emprunts nets totaux du gouvernement du Québec, de ses sociétés d'État et de toutes les autorités scolaires, municipales ou institutionnelles qui en dépendent, d'une part, et, d'autre part, tous les investissements qui en proviennent. C'est une telle comparaison qui est vraiment significative. Or, que nous démontre l'annexe financière du discours sur le budget, pages 11 à 14? D'abord qu'en 1976, dernière année d'une administration dont les membres aspirants ou survivants nous reprochent de payer nos dépenses courantes avec des emprunts, effectivement les emprunts nets ont légèrement dépassé les investissements, soit 4,400,000,000 contre $4,200,000,000. Dès 1977, sous le présent gouvernement, la situation est renversée; on investit $1 milliard de plus que les emprunts nets. En 1978, l'écart passe à presque $1,000,000,000. En 1979, il est de $1,600,000,000. En 1980, pour les raisons qu'on a déjà énoncées, l'écart n'est plus que d'une centaine de millions de dollars, mais il reste que les investissements du secteur public dépassent toujours ces emprunts. On n'emprunte donc toujours pas pour payer des dépenses courantes. Il n'y a qu'une année récente où cela a été fait. Il y a cinq ans, en 1976, sous le gouvernement qui nous a précédés. Encore faut-il reconnaître qu'en 1980 on a beaucoup emprunté, qu'il est temps de resserrer les robinets et de mieux répartir les sources de revenus entre les éléments du secteur public; c'est le sens de plusieurs des propositions qui seront annoncées ce soir. Les taux d'intérêt élevés des quelques derniers mois, l'augmentation persistante du prix du pétrole et la prudence qui caractérise aussi bien les entreprises que les consommateurs n'augurent rien de très bon pour 1981. ne fait, la plupart des pays du monde industriel occidental s'attendent à des taux de croissance qui ressemblent fort à moins de 1% ou à des taux de chute du même ordre, et connaîtront probablement une douce stagnation. De tous les pays industrialisés, seul le Japon devrait voir sa croissance se poursuivre à un taux réduit à 3,8%, ce qui pour lui est un affaissement, mais dont le reste du monde se contenterait volontiers. Aux États-Unis, on prévoit une croissance d'une fraction de 1%, dans l'hypothèse, évidemment, où les docteurs Diafoirus de la politique monétaire ne remontent pas les taux d'intérêt à plus de 20%. Ce qui se produit au Canada peut, sans doute, globalement refléter ce qui se passe ailleurs dans le monde. Il n'en reste pas moins que c'est le résultat de mouvements discordants, opposés, où les agencements de politiques économiques ne sont que le résultat de coïncidences. Il n'y a plus, à vrai dire, de coordination des politiques économiques au Canada. L'attention qui n'est pas saisie par le débat constitutionnel est tout entière engagée dans le cul-de-sac des prix du pétrole et du gaz. Les gouvernements font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'ils ont. Le gouvernement fédéral ne peut pas, compte tenu de l'énorme déficit auquel il a à faire face, procéder autrement qu'en augmentant, comme il l'a fait l'automne dernier, ses impôts, ses taxes, les taux de cotisation d'assurance-chômage, d'autant plus que la décision de l'Alberta de réduire ses livraisons de pétrole accroît encore l'ampleur des accroissements de taxes. Une telle politique, alors que la croissance est nulle, est navrante. On ne voit pas, cependant, comment le gouvernement fédéral pourrait faire autrement sans modifier profondément sa gestion. Et, en décidant d'appliquer sa politique de canalisation des entreprises pétrolières en plein creux de la vague, il accroît encore la nécessité d'augmenter les impôts. En Ontario, on commence à saisir ce qui est en train de se produire. Si on a fait longuement état de ce qu'au Québec, en 1979-1980, il est parti 78,000 personnes, on a moins souligné que 143,000 Ontariens avaient quitté leur province au cours de la même période. L'Ouest du Canada connaît un démarrage fulgurant. L'Ontario vient de comprendre que sa politique, à d'autres égards tout à fait remarquable, de compression des dépenses publiques, jointe à l'impuissance du gouvernement fédéral et à l'explosion dans l'Ouest, risquait de l'amener sur la pente du déclin. Il est donc compréhensible que le gouvernement de l'Ontario renverse sa politique budgétaire dans le sens de l'expansion et des déficits accrus. Pendant ce temps, l'Alberta, avec ses 2,000,000 d'habitants, dispose, sur une base comparable, d'un surplus budgétaire du même ordre que le déficit combiné de l'Ontario et du Québec. En pratique, l'Alberta pourrait abolir tous ses impôts et toutes ses taxes, sauf les redevances sur le pétrole et le gaz, et continuer à payer toutes ses dépenses budgétaires. En somme, alors même que le gouvernement fédéral met l'accent sur le marché commun canadien, le Canada, comme entité économique, perd rapidement de sa cohérence. On achète Pétrofina pour oublier qu'il n'y a plus de politique économique canadienne. Pour le Québec, le problème financier majeur vient de ce que les revenus provenant du gouvernement central, qui représentent près de 30% de son budget, augmentent et augmenteront dans un avenir prévisible, si rien n'est changé, à un taux qui, en moyenne, serait environ le tiers de celui de l'inflation, alors que les conventions collectives, l'aide sociale, les allocations familiales et tant d'autres postes de dépenses sont liés directement au taux d'inflation. Nous en sommes arrivés, dans nos rapports fiscaux et financiers avec le gouvernement fédéral, à un point où les efforts de développement économique que tente le gouvernement du Québec, et dont on conviendra qu'il les réussit souvent, servent surtout à réduire les paiements du gouvernement fédéral au Québec. Un dollar dépensé par le Québec pour faire travailler un chômeur inscrit à l'assurance-chômage se traduit par un gain de $0,70 pour le Trésor fédéral, une récupération de $0,05 par le Trésor québécois, et seulement $0,25 d'augmentation du pouvoir d'achat des citoyens. De fait, le plus clair des efforts du gouvernement du Québec pour accroître la résistance de notre économie à la récession ou pour en accélérer la croissance sert à réduire, ou tout au moins à ralentir, la croissance du déficit fédéral. C'est pourquoi les arrangements fiscaux entre les provinces et le gouvernement d'Ottawa qui viendront à échéance le 31 mars 1982 et auront à être renégociés dans le courant de l'année devront être améliorés pour garantir au Québec qu'il pourra mieux profiter de sa croissance économique. Nous avons commencé à faire des suggestions dans ce sens et à préparer des propositions. Encore ne faut-il pas se faire d'illusion sur les résultats. On ne peut attendre de miracles d'un gouvernement qui annonce $14 milliards de déficit. Dans ces conditions, nous devons d'abord et avant tout nous occuper de nos propres affaires tout en essayant d'éviter, si possible, que, d'année en année, les contributions fédérales qui, avec les subventions au prix du pétrole, ont joué un tel rôle pendant la campagne référendaire ne se ratatinent. Il faut, en particulier, préparer le Québec à un réaménagement fiscal qui lui permettra, d'une part, de respirer un peu et, d'autre part, en dépit de toutes les contraintes actuelles, de profiter au maximum de la reprise de l'économie lorsqu'elle se produira. Quant au budget pour le prochain exercice financier, nous avons adopté certaines règles de base que je voudrais d'abord énoncer. En premier lieu, on devrait éviter de dépasser le niveau de déficit actuel même si cela implique qu'il faille prendre des mesures de contrôle inédites et même si l'on doit, en 1981-1982, ajouter environ $200 millions aux sommes déjà consacrées aux fonds de pension pour en assurer le service. En second lieu, les besoins financiers nets du gouvernement, c'est-à-dire ses appels nets d'emprunts sur les marchés financiers et à la Caisse de dépôt et placement du Québec, devraient être réduits par rapport à 1980. C'est là, je pense, une règle de prudence. Troisièmement, le niveau des emprunts, y compris les remboursements, devrait rester en deçà de $3 milliards. Dans un contexte de restriction de la masse monétaire où les taux d'intérêt atteignent des sommets, nous devons diminuer notre volume d'emprunts pour préserver une saine gestion des fonds publics. Finalement, le gouvernement ne doit pas renoncer à la politique qu'il s'est fixée depuis trois ans de réduire chaque année les impôts des particuliers. Le Québécois, avons nous dit déjà, il y a quatre ans, est trop taxé. Depuis ce temps, une forme d'indexation des exemptions personnelles a été introduite. L'échelle même des impôts, après avoir été modifiée, a été réduite de 3%. Les taxes de vente ont été abolies sur les vêtements, les chaussures, les textiles, les meubles ainsi que sur le prix des chambres d'hôtel. On a inauguré un régime d'épargne-actions qui a multiplié de façon spectaculaire les émissions d'actions au Québec en réduisant en même temps les impôts à payer de ceux qui en achètent. Le crédit d'impôt foncier pour le paiement d'une partie des taxes municipales a profité à plus de 600,000 Québécois. Dans l'ensemble, toutes ces réformes, sauf sans doute le régime d'épargne-actions, ont avantagé le citoyen dont les revenus sont faibles ou moyens. Pour la première fois depuis 20 ans, le citoyen du Québec imposé comme marié et qui gagne moins de $17,000 est moins taxé au Québec qu'en Ontario. Le présent gouvernement poursuivra donc la baisse graduelle du fardeau fiscal des particuliers. Nous avons hérité d'une situation intenable et coriace. Nous l'avons petit à petit renversée. Nous continuerons dans cette voie, c'est le quatrième objectif. Dans ces conditions, il faut à la fois modifier la structure des revenus pour qu'elle rapporte davantage et couper sérieusement le rythme d'augmentation des dépenses. Ce sont ces deux tâches que vise le présent budget. Nous verrons ensuite ce que nous pouvons nous payer en termes de réduction des impôts ou d'augmentation des allocations pour l'ensemble de la population. Sur le plan des revenus, deux changements majeurs interviendront: l'un à l'égard des sociétés d'État et l'autre à l'égard de l'imposition des entreprises québécoises. Comme on vient de l'indiquer, la quasi totalité des sociétés d'État, à l'exception de Sidbec, sont maintenant rentables. Les leviers dont la société québécoise s'est dotée graduellement depuis 20 ans sont prêts à se mesurer à l'aune des règles que l'on applique à toute compagnie dans le genre de système économique où nous vivons. Cela implique d'abord qu'elles soient astreintes à la plupart des taxes que le gouvernement du Québec applique aux entreprises privées. En outre, les sociétés d'État doivent maintenant être amenées à une politique de dividendes qui corresponde à leur situation réelle. Il n'y a pas de raison pour que l'accumulation des profits ne serve qu'à perpétuer les mêmes orientations. Dans la mesure où les outils que possèdent les Québécois sont maintenant efficaces, ils doivent contribuer au fonctionnement de la société, comme les entreprises privées contribuent au fonctionnement du système d'actionnaires qui les a engendrées. Parmi ces sociétés d'État, il y a plusieurs catégories. Il y a d'abord des monopoles fiscaux qui doivent rendre la totalité de leurs profits au trésor public. Telles sont la Société des alcools et Loto-Québec. A leur égard, rien ne sera changé dans l'obligation qu'elles ont de remettre leurs profits à l'État. En second lieu, plusieurs sociétés d'État ont un caractère commercial et industriel qui les place en concurrence directe avec le secteur privé. Telles sont, par exemple, la Société générale de financement, Rexfor, Soquem, Soquia, etc. Ces sociétés font maintenant, pour la plupart, des profits significatifs. En plus de payer les mêmes taxes que celles portées par les sociétés privées, sauf l'impôt sur les profits lorsque le gouvernement contrôle plus de 90% de l'équité, elles seront soumises au paiement d'un dividende de 20% de leurs profits ordinaires dont, le cas échéant, elles pourront déduire la perte encourue au cours des deux années précédentes. En vertu de ce cadre d'instructions, dès cette année, plusieurs sociétés d'État auront à payer des dividendes. Il demeure que le cas d'Hydro-Québec est bien plus important, en lui-même, que tout le reste. Ce que communément nous appelons l'Hydro a été créé dans sa forme actuelle sous l'impulsion de l'actuel premier ministre, à la suite du rachat des compagnies privées d'électricité. Contre $300,000,000 d'emprunts en 1963, les Québécois ont ainsi acquis à la fois le contrôle de leur principale richesse naturelle et une source de revenus de plus en plus massifs. La plupart des compagnies gouvernementales d'électricité sont, en Amérique du Nord, chargées de centrales thermiques ou nucléaires qui leur coûtent les yeux de la tête. Hydro-Québec est placée dans une situation fort différente. Ayant sextuplé ses profits en dix ans, elle est maintenant menacée, si l'on peut dire, de payer ses barrages comptant. Or, pendant les quatre ou cinq prochaines années, Hydro-Québec n'investira guère plus en dollars que ce qu'elle investit aujourd'hui, ce qui veut dire qu'elle investira en ciment et en salaires beaucoup moins qu'aujourd'hui. On peut bien vouloir accélérer ses projets, mais, en termes de dépenses effectivement réalisées, la hausse ne peut apparaître que dans quelques années. Les plans et devis prennent ce temps. Jusque-là, si on laisse le prix du courant électrique suivre le rythme de l'inflation, on arrivera à une situation où, dans quelques années, Hydro-Québec autofinancera 60% de tous ses investissements, ce qui serait vraiment exceptionnel parmi les sociétés d'État du même genre en Amérique du Nord. Payer comptant des investissements qui vont durer 50 ans ou davantage ne serait d'ailleurs pas le moindre des paradoxes. Les profits d'Hydro-Québec atteignent actuellement $700,000,000 et pourraient approcher, dans quelques années, $2,000,000,000. D'aucuns diront alors qu'il faudrait stabiliser ou même réduire le prix de l'électricité. Mais il serait contraire au sens commun que notre électricité soit vendue à aussi bon compte par rapport aux autres types d'énergie. Cela conduirait, en effet, à un gaspillage de nos ressources hydro-électriques, qui, bien qu'abondantes, ne sont pas illimitées. En particulier, alors que les coûts d'énergie augmentent rapidement et que le taux d'inflation est vif, comment va-t-on persuader les citoyens qu'il faut économiser l'énergie si, pour ce qui a trait à l'électricité, c'est le seul prix qui baisse ou, en tout cas, n'augmente pas? Il faut donc considérer, ce qui est d'ailleurs manifeste, que la nationalisation de l'électricité est le meilleur placement qu'ait jamais fait la collectivité québécoise et qu'il est maintenant temps que les $300,000,000 ainsi investis en 1963 commencent à rapporter à l'ensemble de la population. C'est-à-dire qu'à partir du début de 1982, Hydro-Québec, qui ne paie pas d'impôt sur ses profits, paiera au gouvernement une redevance. Le montant de cette redevance ne doit toutefois pas être établi arbitrairement au gré des demandes du ministre des Finances. Il faut qu'en établissant ce montant, on tienne rigoureusement compte des assurances que, comme emprunteur majeur, Hydro-Québec doit fournir à ses créanciers. Je propose donc que la loi d'Hydro-Québec soit modifiée non seulement pour prévoir le paiement d'une telle redevance, mais en outre pour établir que le montant devra satisfaire deux exigences: en premier lieu, les réserves constituées devront, en tout temps, représenter au minimum le quart de la somme des réserves et de la dette à long terme; en second lieu, les bénéfices d'exploitation moins la redevance devront représenter au moins l'équivalent des intérêts à payer sur la dette. Ces garanties pourraient être rehaussées si jamais un accroissement substantiel des investissements d'Hydro-Québec entraînait des niveaux d'emprunts qui exigeraient de procéder ainsi. Les garanties que je viens d'énoncer sont, toutes les deux, plus sérieuses que n'importe quelle autre fournie par la plupart des compagnies d'électricité gouvernementales. Elles devraient donc amplement suffire. A quoi servira Hydro-Québec au certaines provinces la redevance payée par gouvernement? Dans de l'Ouest du Canada, une partie des redevances sur le pétrole ou le gaz est placée dans un fonds spécial, tel le «Heritage Fund» en Alberta. Cela se comprend, puisqu'il s'agit de richesses non renouvelables. Une fois épuisés, les puits ne rendront plus rien. Encore faut-il noter que l'Alberta elle-même affecte à son fonds consolidé 70% de toutes les ressources qu'elle tire du pétrole et du gaz. Puisque les redevances que nous tirerons d'Hydro-Québec proviennent de ressources perpétuellement renouvelables, il est normal qu'elles soient versées au trésor public. Nous en affecterons dorénavant une partie à deux types d'opérations reliées directement au développement économique: d'une part, aux programmes de modernisation des entreprises privées qui prennent de plus en plus de place dans nos budgets et qui doivent se développer bien plus encore, et, d'autre part, aux souscriptions au capital-actions des sociétés d'État au fur et à mesure de l'évolution de leurs plans d'expansion. J'ai déjà indiqué que les sociétés de l'État québécois, qui, dorénavant, paieront des dividendes, paieront aussi leurs taxes et contributions comme toute entreprise, à part l'impôt sur les profits, bien sûr. Cela m'amène à décrire une réforme en profondeur de la fiscalité des entreprises qui va entrer en vigueur au cours de l'année qui vient. Cette transformation de la structure des impôts des sociétés est la troisième des réformes majeures de la fiscalité entreprises par le présent gouvernement. En 1978, nous avons modifié profondément la structure de l'impôt sur le revenu des particuliers. En 1979 et 1980, c'était le tour de la fiscalité municipale et scolaire. En 1981, nous terminons avec les sociétés. Dans un pays comme le Canada où un grand nombre d'entreprises fonctionnent dans plusieurs provinces, sinon dans toutes, la taxation des profits par chaque gouvernement provincial présente des problèmes considérables. La déclaration des profits attribuables à chaque province individuellement n'a guère de signification. On se débrouille, sans doute, avec des formules empiriques et approximatives. C'est ainsi qu'en prenant la moyenne arithmétique des salaires et des ventes dans chaque province on pense avoir une bonne idée des profits qu'on peut lui attribuer. Encore est-il enfantin de contourner les effets de ces gymnastiques. A l'occasion du dernier discours sur le budget, j'ai décrit la situation comptable des sociétés pétrolières dont les profits atteignaient des sommets sans précédent, mais qui, pour ce qui a trait à leurs raffineries montréalaises, ne déclaraient presque aucun profit au Québec. De même, d'autres sociétés vendent leur production à une filiale située hors du Québec dans des conditions telles que c'est la filiale qui fait l'essentiel des profits. Tout cela est parfaitement légal. Le ministère du Revenu arrive à modifier des comportements clairement abusifs, mais il faut reconnaître que le dépistage est malaisé et que toute loi provinciale de l'impôt sur les corporations présente en elle-même des carences fondamentales qui ne peuvent être éliminées. L'idéal serait d'abolir l'impôt sur les profits et de le remplacer par autre chose, par exemple, par une taxe à la valeur ajoutée, comme il en existe dans plusieurs pays d'Europe ou comme, plus près de nous, l'État du Michigan vient d'en établir l'équivalent. Il s'agit manifestement d'une taxe indirecte dont le champ, on le sait, est fermé aux provinces. Le problème, donc, c'est qu'une telle taxe serait inconstitutionnelle. Dans ces conditions, et en nous servant des instruments à notre disposition, nous procéderons à trois changements majeurs dans chacun des trois champs de perception qui s'appliquent aux entreprises: soit la contribution des employeurs au fonds de l'assurance-maladie, la taxe sur le capital et l'impôt sur les profits. A partir du premier avril, la contribution des employeurs au financement des programmes de santé passera de 1,5% à 3% de la feuille de paie. Dorénavant, cette contribution ne servira pas seulement à payer une partie du coût de l'assurance-hospitalisation. Le tout sera versé à un «fonds des services de santé». Une telle contribution est facile à administrer. Elle est déductible du revenu imposable, ce qui en réduit le poids pour les entreprises, et est plus facilement absorbable dans une situation inflationniste où les salaires augmentent déjà d'environ 10% par année. Elle Joue enfin dans le sens de l'accroissement de la productivité des entreprises, ce qui, dans le cadre de marchés de moins en moins protégés, est excellent. Ce sera la deuxième fois que cette contribution est augmentée. En effet, au début de 1976, le gouvernement qui nous a précédé l'avait fait passer de 0,7% à 1,5% c'est-à-dire l'avait déjà doublée, sans donner de compensation aux entreprises, alors que, comme on le verra, j'ai l'intention, cette fois-ci, de compenser. Ajoutons que, dans le cas des municipalités dont le budget est maintenant fermé pour 1981, la hausse de la contribution d'employeur ne prendra effet que le premier janvier 1982. Nous avions hérité d'un assemblage de taxes sur le capital et sur les places d'affaires inutilement compliqué et dont certains éléments étaient plus remarquables par leur caractère de nuisance que par une intention fiscale intelligible. Nous avons, il y a deux ans, remplacé tout cela par une taxe sur le capital de 0,3% pour la plupart des entreprises, et de 0,6% pour les institutions financières. J'annonce qu'à partir du premier juillet, cette taxe passera à 0,45% et à 0,90% respectivement. Elle sera dorénavant payable par toutes les sociétés publiques à caractère industriel et commercial, au même titre que les entreprises privées. Les entreprises coopératives étaient, cependant, jusqu'à maintenant, exemptées de cette taxe et le resteront. Si l'on suppose qu'un rendement normal sur le capital, à notre époque, est de l'ordre de 15%, une taxe de 3% sur ce rendement donnerait effectivement une taxe de 0,45% sur le stock de capital. C'est l'origine du chiffre. Les contributions d'employeurs et la taxe sur le capital étant dorénavant de 3% sur la masse salariale et le rendement du capital, cela veut-il dire que l'impôt sur les profits devrait aussi être ramené à 3%? Effectivement, à partir du premier juillet, l'impôt sur les profits de toutes les petites et moyennes entreprises, au sens de la Loi fédérale de l'impôt sur les corporations, sera réduit d'un crédit d'impôt de 10%, c'est-à-dire que leur taux nominal d'impôt sur les profits inférieurs à $150,000 par an tombera de 13% à 3%. Pour les entreprises de plus grande taille, l'objectif est théoriquement le même, mais les modalités doivent en être ajustées. Il faut tenir compte du caractère déductible du revenu imposable à la fois des contributions d'employeurs et de la taxe sur le capital, des besoins financiers du gouvernement, et du fait qu'en ramenant leur taux d'impôt à 3%, elles économiseraient, au net, près de $185,000,000 par rapport à la situation actuelle. Cela est un peu riche. Dans ces conditions, j'annonce que pour toutes ces entreprises, un crédit d'impôt de 5% sera applicable le premier janvier 1982 et qu'il sera porté à 7,5% le premier janvier 1983. Par la suite, on verra. Il n'en reste pas moins qu'avec un pareil système de taxation des entreprises, le Québec sera, de toutes les provinces canadiennes, celle où le taux d'impôt sur les profits sera le plus bas, et de loin. Il sera intéressant de voir ce qu'une telle situation provoquera quant à l'affectation ou à l'imputation des profits par les entreprises. Mais plus encore, il sera intéressant de voir dans quelle mesure ces modifications pourront devenir un facteur important de développement économique et de localisation pour de nouvelles entreprises au Québec. Enfin, compte tenu du très bas taux d'impôt sur les profits, il ne sera plus utile de maintenir le fonds de relance industrielle. Mais ceux qui ont accumulé des sommes dans ce fonds pourront les retirer, dorénavant, à un rythme de 50% des investissements plutôt que de 25%. Parallèlement à la réforme générale de l'impôt et des contributions des entreprises, des modifications plus spécifiques du mode de taxation s'appliqueront à certaines catégories d'entreprises, pour harmoniser les pratiques et les obligations. C'est ainsi que les entreprises minières et les entreprises qui paient des droits hydrauliques devront les verser selon les mêmes modalités que celles qui s'appliquent au paiement d'impôt sur le revenu des sociétés ou à la taxe sur le capital. Une telle mesure les met sur le même pied que les autres entreprises à l'égard des impôts généraux. De même, les taxes payées à Québec par les entreprises d'électricité, de gaz et de télécommunications et qui sont versées ensuite aux municipalités comme «en-lieu» de taxe foncière sur les propriétés de ces entreprises seront maintenant payables dans les deux mois qui suivent la fin de l'année financière de ces entreprises. L'impact financier de toutes les mesures que je viens d'annoncer, à l'égard des sociétés d'État et des entreprises, est considérable. On trouvera en annexe du présent discours sur le budget la décomposition des effets financiers et fiscaux prévus Nous y reviendrons, cependant, brièvement à l'occasion des équilibres budgétaires pour l'année 1981-1982. On aura noté que, jusqu'à maintenant, je n'ai pas discuté des impôts et des taxes qui s'appliquent aux particuliers. Il y a une raison à cela. Nous examinerons d'abord la situation des dépenses, et seulement ensuite on indiquera dans quelle mesure et jusqu'où l'on pense pouvoir pousser la réduction du fardeau fiscal des contribuables que nous poursuivons depuis trois ans. L'orientation des dépenses, pour 1981-1982, a été, depuis quelques mois, fortement marquée par des opérations de compression. On a vu que la croissance des dépenses, en 1980-1981, a été nettement plus forte que celle des années précédentes. Il a donc été décidé d'en réduire la progression. Les décisions qui ont été prises, affectant tous les ministères du gouvernement, ont été vite connues du public. Il faut d'abord saisir la raison de telles compressions. En première étape de la préparation du budget, on projette sur l'année suivante le coût des opérations et des programmes existants, sans rien y changer, mais en les ajustant simplement en fonction des taux prévus de salaires, d'inflation et d'intérêt. Puis on tient compte, selon le cas, des projections de clientèles et du coût, pour une année entière, des mesures prises au cours de l'année précédente. Cette vaste opération de projection purement mécanique aurait produit, en 1981-1982, une augmentation de plus de 18% des dépenses par rapport à 1980-1981. Comme il apparaît nécessaire de réduire la progression des dépenses de 16,6% observée en 19801981, il va de soi qu'une augmentation de 18% était carrément inacceptable. Dans la mesure où la production courante du Québec va augmenter, cette année, de 11% à 12%, une hausse des dépenses de 12,5% à 13% serait raisonnable. Le secteur public resterait légèrement expansionniste, mais ne taxerait pas indûment les ressources du secteur privé. Pourquoi la projection mécanique donne-t-elle quand même un aussi fort taux d'expansion? Il y a à cela plusieurs explications. D'abord l'environnement économique a rapidement changé. C'est ainsi, par exemple, que, depuis deux ans, les perspectives du taux d'inflation à venir se sont singulièrement accrues. La combinaison de la hausse des prix du pétrole et du gaz, de la baisse du taux de change canadien et de l'effet sur les produits alimentaires de la sécheresse de l'été dernier aux États-Unis augmente de 2% à 3% la hausse des prix par rapport à ce qui était prévu lorsque les conventions collectives des secteurs public et parapublic ont été préparées. Conséquemment, les clauses de protection du revenu des employés déclenchent des hausses de salaires. Pour les mêmes raisons, il faut ajuster les subventions payées aux institutions d'enseignement et de santé pour ce qui a trait au coût de l'énergie et des aliments. D'autre part, il apparaît d'ores et déjà que les taux d'intérêt vont rester, en 1981, à un taux très élevé, non pas par rapport à certains mois de 1980, où ils ont battu tous les records, mais par rapport à ce qu'on avait l'habitude de voir jusqu'ici. Le gouvernement du Québec ne peut pas faire grand-chose à l'égard du taux d'inflation ou des taux d'intérêt, sauf adapter ses politiques en conséquence. Dans d'autres cas, il doit payer des factures que des gouvernements précédents lui ont laissées. C'est ainsi qu'à l'égard des fonds de pension le gouvernement qui nous a précédé avait été à la fois prodigieusement généreux et fort imprévoyant. Maintenant, il faut payer. Assurer, sans rien y changer, le service des fonds de pension des secteurs public et parapublic implique qu'en 1981-1982 une hausse de 25% est nécessaire, soit près de un quart de milliard de dollars. Enfin, des augmentations rapides de dépenses sont directement liées aux priorités du présent gouvernement, et il nous semble qu'elles doivent être sans doute contrôlées, mais néanmoins maintenues, même si cela veut dire que l'on coupe ailleurs dans des domaines moins essentiels. Deux exemples, parmi d'autres, peuvent être cités à cet égard. Le coût des subventions aux intérêts payés sur les emprunts des agriculteurs à l'Office du crédit agricole et des entreprises à la Société de développement industriel augmentent depuis quelques années d'une façon saisissante. Il s'agit là, cependant, de politiques dont l'effet de levier sur la croissance économique est certain. En somme, en 1981-1982, il faut satisfaire deux objectifs à la fois. Limiter la hausse des dépenses globales à 12,5% ou 13 % d'une part, et, d'autre part, satisfaire les exigences combinées de l'environnement économique dans lequel nous vivons, continuer de payer les factures dont nous avons hérité et poursuivre la réalisation des grandes priorités du gouvernement. Il faut donc réexaminer toutes les dépenses. La décision a été prise d'opérer des coupures de $1 milliard dans l'ensemble des dépenses. L'objectif, grâce à la collaboration de tous les ministères, a été à peu près atteint. Les ministères de l'Éducation et des Affaires sociales, étant les deux plus Importants en termes de dépenses, sont aussi ceux qui ont fourni les plus fortes contributions, soit $500 millions. Il faut noter, en outre, que 12 ministères sur 24 ont accepté un taux de croissance inférieur à 5%, alors que le taux d'inflation est de 12%. Voilà la preuve qu'il existe une certaine souplesse dans l'appareil gouvernemental et qu'il est possible d'y réaliser des économies tout en maintenant un niveau de services plus que satisfaisant. Il va de soi que les coupures ainsi opérées sont très nombreuses et touchent une foule de secteurs. Certaines, même si elles choquent quelques spécialistes, n'auront guère d'effet sur le public. De même, des services fournis par le gouvernement sont payés à des prix ridiculement bas, dont certains n'ont pas été modifiés depuis des années. Il est temps de les ramener à un niveau plus en accord avec les prix de notre époque. Dans certains cas, une sorte de rigueur s'impose. Ainsi, les établissements de santé et d'éducation ont été invités à resserrer les règles de recrutement et d'affectation de leurs employés, au moins aussi rigoureusement que le gouvernement l'a fait à l'égard de ses propres fonctionnaires. Les sommes ainsi économisées permettront au gouvernement de ne pas indexer l'ensemble des autres dépenses, à l'exception de celles engagées pour l'énergie et la nourriture. Dans d'autres cas, où l'on juge que le personnel est trop nombreux, les budgets seront bloqués de façon à laisser l'attrition jouer fortement. La plupart des employés des secteurs public et parapublic ont la permanence d'emploi. Mais sur 330,000 salariés, 20,000 disparaissent chaque année. On n'est pas forcé de les remplacer tous. Enfin, des choix difficiles ont dû être faits. C'est ainsi, pas exemple, que la hausse rapide du coût du transport en commun attribuable, entre autres, à la généralisation de la carte d'abonnement mensuel, si profitable aux usagers, ne permet pas, cette année, d'effectuer autant d'argent qu'on le voudrait à l'expansion du réseau routier. Lorsque, l'an prochain, la progression du coût du transport en commun se sera un peu ralentie, on pourra reprendre un programme plus vigoureux de construction de routes. Le secteur qui a le plus réagi aux coupures est celui des universités. Je souhaiterais soumettre, à ceux qui se font les défenseurs de la qualité de l'enseignement universitaire, les considérations suivantes. Les universités au Québec embauchent 28,000 personnes, soit un nombre équivalent à plus de 40% des employés de l'ensemble de la fonction publique. Est-ce déraisonnable de leur demander de procéder comme les hôpitaux, les commissions scolaires et les ministères, c'est-à-dire surveiller la ligne et contrôler le poids? Face au contribuable, il n'y a pas de programmes qui soient des vaches sacrées. Il n'y a qu'un gouvernement qui choisit, le mieux possible, avec les moyens dont il dispose, en ne perdant jamais de vue les intérêts de ceux qui paient les impôts. Malgré l'importance des coupures effectuées, il n'en demeure pas moins que la croissance rapide et continue des sommes devant être affectées aux fonds de pension est préoccupante. Avant longtemps, ces sommes représenteront près de 10% de tout le budget du Québec. Jusqu'à maintenant, le gouvernement actuel a tenu à respecter les obligations contractées par ceux qui l'avaient précédé. Mais la situation devient insupportable. Elle est parfois même aberrante. Un employé marié peut actuellement, à certains niveaux de salaire, prendre sa retraite à des conditions qui sont telles que, compte tenu des allocations de sécurité de vieillesse, des dispositions de l'impôt, de la Régie des rentes et des pensions du gouvernement, il disposera, dès l'âge de 65 ans, d'un pouvoir d'achat supérieur à celui qu'il avait à l'époque où il travaillait. Cela dépasse un peu les bornes du raisonnable. Sans doute, par des mesures administratives, peut-on, en partie, rectifier la situation. Globalement, toutefois, nous admettons qu'on ne peut remettre en cause des droits véritablement acquis. Il faut, en tout cas, arrêter l'hémorragie. J'annonce donc qu'à partir du premier janvier prochain tous ceux qui entreront dans les secteurs public et parapublic devront accepter les conditions de pension suivantes: en premier lieu, leur pension sera indexée au coût de la vie au-delà seulement d'un certain seuil qui sera annoncé plus tard, mais qui sera probablement de l'ordre de 3%. En second lieu, le coût de ce programme de pension sera partagé moitié-moitié entre employeur et employé. La plupart de ceux qui travaillent dans le secteur privé, où les pensions ne sont souvent pas indexées du tout, trouveront sans doute ces conditions encore très favorables. Elles permettront, en tout cas, au gouvernement, au fur et à mesure du renouvellement de la main-d'oeuvre, de réduire l'ampleur de ses obligations et, donc, celles de l'ensemble de la population. Après avoir modifié la structure des impôts et des contributions des sociétés d'État et des entreprises, et après avoir ralenti la croissance des dépenses, il nous reste à déterminer ce qui arrivera quant aux impôts qui s'appliquent aux particuliers. Après tout, c'est à cela que doit aboutir n'importe quel budget d'un gouvernement qui a fait de la réduction du fardeau fiscal des particuliers une de ses principales priorités. Encore faut-il reconnaître que le premier geste que nous poserons ne les avantage pas. Il découle du lourd héritage olympique laissé sans financement adéquat par l'administration précédente. Il nous faut trouver, en effet, un moyen de refinancer le Fonds spécial olympique. Il est maintenant apparent que la dette encourue pour financer les installations olympiques, ou bien ne sera pas remboursée avant l'an 2000, si les taux d'intérêt baissent par rapport à ce qu'ils sont aujourd'hui, ou alors ne sera jamais remboursée, s'ils demeurent à un niveau élevé. Loto-Canada, qui devait servir à financer une partie de la dette, a rapporté $175 millions de moins que prévu. La taxe spéciale sur le tabac a aussi rapporté $80 millions de moins que prévu. Les emprunts contractés par le précédent gouvernement sont à taux d'intérêt variables, c'est-à-dire coûtent beaucoup plus cher aujourd'hui que quand ils ont été conclus. Il faut tout de même que l'on finisse par payer le stade. Si on fixait à dix ans, par exemple, l'échéance du remboursement de cette dette, il manquerait environ $50 millions par an, en moyenne, dans le Fonds spécial olympique. Pour pallier cette carence, j'annonce qu'à partir de ce soir, minuit, les taxes sur le tabac sont portées de 40% à 45%, ce qui voudra dire environ $0,04 le paquet de 25 cigarettes. 30% du produit de la taxe seront, dorénavant, affectés au Fonds spécial olympique et l'on pourra ainsi espérer en finir avec cette dette. Passons maintenant aux choses plus sérieuses. La réforme de l'impôt sur le revenu établie il y a trois ans, c'est-à-dire en 1978, comportait trois éléments distincts: une nouvelle échelle d'impôts favorisant les contribuables à revenus moyens et modestes, mais augmentant le fardeau fiscal des revenus les plus élevés; deuxièmement, l'augmentation de certaines exemptions personnelles, en particulier celles des personnes mariées, des personnes âgées et des enfants à charge de 18 ans et plus; et, en troisième lieu, la mise en place d'un système d'indexation annuelle des exemptions personnelles. L'indexation a dû être retardée jusqu'au début de 1980, le gouvernement du Québec ayant dû d'abord éponger les résultats de la décision du gouvernement fédéral de jouer à sa guise avec l'argent qu'il devait au trésor public québécois dans l'affaire de la taxe de vente. Finalement, tout a été mis en place et l'on a pu, en outre, introduire, l'été dernier, une réduction de 3% de toute l'échelle des impôts. Nous allons poursuivre la même politique un an de plus. Dès le premier janvier 1982, toutes les exemptions personnelles seront augmentées de 7,59%. En outre, à la même date, la réduction de 3% de l'impôt des particuliers annoncée l'an dernier sera portée à 5%. Si on cherche à faire le point de la situation engendrée par la réforme de l'impôt au Québec, on peut maintenant l'évaluer de la façon suivante. Avant que nous arrivions au pouvoir, les exemptions personnelles n'étaient qu'occasionnellement augmentées et la structure générale des taux modifiée. En pratique, cela voulait dire qu'au fur et à mesure que les revenus montaient en réponse à l'inflation, chaque contribuable voyait son revenu imposable atteindre un taux marginal d'impôt plus élevé. L'impôt à payer augmentait donc beaucoup plus vite que le revenu et dépossédait graduellement les contribuables de leur pouvoir d'achat. Le Québec était la seule province à agir ainsi. C'est pourquoi le fardeau fiscal des Québécois est devenu le plus lourd de toutes les provinces canadiennes. C'est aussi la raison pour laquelle le gouvernement du Québec, à l'époque, pouvait accroître ses dépenses de 20% ou 2296 par an. La correction et l'indexation des exemption personnelles que nous avons mises en place donnent maintenant les résultats suivants, en incluant ce que je viens d'annoncer. L'exemption personnelle de base aura été haussée de 30%, celle de personne mariée est passée de $1900, avant la réforme, à $3510 à partir du premier janvier prochain, c'est-à-dire a augmenté de 85%. Les exemptions additionnelles pour lei personnes de 65 ans et plus sont passées de $ 1000 avant la réforme à $1950 l'an prochain. En pratique, cela veut dire qu'un couple de personnes âgées ne paiera aucun impôt sur le revenu au Québec l'an prochain si son revenu est inférieur à $13,460. Enfin, les exemptions pour les enfants à charge de 18 ans et plus auront augmenté de plus de 110%. On peut se rendre compte, à partir des chiffres suivants, à quel point le gouvernement a fait une priorité de la réduction du fardeau fiscal des contribuables à revenu moyen ou modeste. Un individu, taxé comme marié, gagnant $ 10,000, aurait payé $443 d'impôt en 1979; il en paiera $138 en 1982. Mieux que cela, puisque les revenus augmentent, le contribuable taxé comme marié, qui gagnait $15,000 en 1979, a payé 9% de son revenu en impôt au Québec. S'il gagne $20,000 en 1982, le pourcentage d'impôt à payer est à peu près le même. Si l'ancien système, qui existait lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, était encore en vigueur, le même contribuable aurait payé un peu plus d'impôt en 1979, soit 10,8%, et presque la moitié plus d'impôt en 1982, soit 13,3%. De même, s'il gagnait $20,000 en 1979, et s'il en gagne $26,0O0 en 1982, avec la formule actuelle, ses impôts payables au Québec restent en pourcentage au même niveau, soit 12%. L'ancien système l'aurait forcé à payer 13,3% en 1979, et 15,3% en 1982. Et si l'on ajoute à ces mesures les exemptions de taxe de vente sur les vêtements et textiles, chaussures et meubles, le gouvernement peut considérer, à la fin de son premier mandat, qu'il a effectivement fait un bon bout de chemin pour ralentir et puis arrêter l'alourdissement insensé du fardeau fiscal du citoyen ordinaire. On peut maintenant faire un pas de plus. La fiscalité familiale en est encore, chez nous, à ses premiers balbutiements. Il s'en faut de beaucoup que le régime des impôts applicable à la femme mariée soit à la fois assez généreux et assez flexible pour s'adapter correctement aux circonstances de la vie au foyer et de la vie au travail. Nous avons néanmoins posé jusqu'à maintenant quelques gestes significatifs. C'est ainsi que, pour la femme mariée qui travaille à l'extérieur, nous avons augmenté de $240 les paiements consentis par l'assurance-chômage à l'occasion d'un congé de maternité. De plus, il y a quatre ans, nous avons établi qu'une femme qui se retire temporairement du marché du travail pour élever ses enfants obtient un crédit de rente pour tout enfant de 0 à 6 ans. De même, l'an dernier, nous avons permis à un conjoint de déduire de son revenu imposable le salaire qu'il verse à l'autre conjoint lorsqu'ils travaillent ensemble. Enfin, comme je le soulignais précédemment, l'exemption personnelle de la femme mariée qui ne travaille pas à l'extérieur a été augmentée de 85%. Il reste cependant bien du chemin à faire. Quoique l'état des finances publiques soit serré, le gouvernement a décidé de franchir encore une étape. Il s'agit du paiement de frais de garde des enfants d'âge préscolaire. Une femme qui travaille à l'extérieur peut déjà déduire de son revenu imposable $2000 par an par enfant jusqu'à concurrence de $6000 par an. Cette déduction existe depuis quelques années et nous avons eu l'occasion de l'augmenter à son niveau actuel, il y a deux ans. Il faut reconnaître, cependant, les imperfections de la formule. La déduction a d'autant plus de valeur que le salaire est élevé. beaucoup de femmes travaillent à temps partiel et sont peu rémunérées pour leurs travaux. D'autres font garder leurs enfants selon des arrangements qui se prêtent mal à l'obtention de déductions aux fins de l'impôt. Tout cela est finalement bien rigide. Dans ces conditions, je propose qu'à partir de l'année d'imposition 1981, le système applicable aux frais de garde soit modifié. Tous les bénéficiaires actuels d'allocations familiales qui ont des enfants de moins de six ans pourront réclamer une allocation de disponibilité tenant lieu de crédit d'impôt. Cette allocation sera de $400 pour un enfant de moins de six ans, de $600 pour deux enfants de cet âge, de $700 pour trois enfants et de $100 de plus pour chaque enfant additionnel de moins de six ans. Cette allocation sera payée en un seul versement annuel, sur demande, en retournant un court formulaire inclus dans l'envoi des chèques d'allocations familiales de février prochain. La femme qui travaille régulièrement à l'extérieur pourra utiliser ce chèque pour défrayer une partie du coût des frais de garde. La femme qui ne travaille pas à l'extérieur ou qui ne travaille qu'occasionnellement utilisera le montant du chèque comme elle l'entend. Quant aux exemptions actuelles pour les frais de garde, elles continueront de s'appliquer aux enfants de six ans et plus. Ainsi s'amorce avec les moyens modestes dont nous disposons un système d'aide aux familles qui est neutre, en ce sens qu'il ne cherche pas à favoriser un mode de vie plutôt qu'un autre. On reconnaît simplement que, dans la détermination de l'aide financière aux familles, l'État n'a pas à juger s'il est préférable ou non que les deux membres d'un couple travaillent à l'extérieur. Tous et toutes seront, autant que faire se peut, traités sur le même pied. Cette mesure coûtera en 1982 environ $185 millions et les chèques arriveront en même temps que les remboursements d'impôt. Encore une fois, la femme qui n'a pas de revenu personnel et qui ne paie pas d'impôt le recevra comme toute autre. Cette année encore, le gouvernement du Québec va poursuivre sa politique de réduction sélective de la taxe de vente. L'an dernier, nous avions enlevé la taxe sur les meubles. Cette année, on aborde les équipements ménagers. En reconnaissant que l'équipement de base de tout logement, à notre époque, comporte au moins un réfrigérateur et une cuisinière, j'annonce qu'à partir de ce soir, minuit, la taxe de vente est supprimée sur ces deux types d'appareils. En outre, dans le cas des chaussures et des bottes, on a supprimé la taxe de vente pour tous les achats de moins de $100, il y a deux ans. A cause de la hausse des prix, j'annonce qu'à partir de minuit ce soir le plafond est relevé jusqu'à $125. Il n'y aura donc plus de taxes sur les achats de chaussures et de bottes jusqu'à ce prix. Enfin, deux modifications mineures, mais néanmoins intéressantes, seront apportées à la Loi de l'impôt pour corriger des anomalies existantes. C'est ainsi qu'à certaines conditions les intérêts payés à l'occasion d'un emprunt sur une police d'assurance pourront être déduits du revenu, lorsque le prêt est utilisé pour gagner un revenu. De même, on assouplira certaines dispositions de l'impôt sur les dons concernant le prêt d'un actionnaire à sa corporation. Enfin, le gouvernement paiera dorénavant les intérêts sur les remboursements d'impôt en adaptant la formule qu'il applique sur les autres comptes, c'est-à-dire à partir de 60 jours après réception de la déclaration, mais sans en imputer pour la période qui précède la date statutaire de production. Voilà, en somme, les principales dispositions des modifications apportées à la fiscalité des particuliers. Les baisses d'impôt ne seront pas très coûteuses pour le Trésor public en 1981-1982. Elles le seront bien davantage l'année suivante et confirmeront, une fois de plus, la préoccupation du présent gouvernement d'atténuer la charge fiscale des contribuables, tout en ouvrant une nouvelle voie à la fiscalité familiale. Il nous reste, pour terminer cette section du discours sur le budget, à nous poser la question suivante. Imaginons que depuis qu'il est au pouvoir, le gouvernement ait simplement maintenu la structure de l'impôt sur le revenu telle qu'elle existait alors. De combien plus élevé serait l'impôt sur le revenu des particuliers en 1981 par rapport au régime tel que nous l'avons modifié? La réponse est $1,300,000,000, soit près de $500 par contribuable. De plus, la hausse des exemptions personnelles et la baisse des taux d'impôt qui s'appliqueront en 1982 réduiront le fardeau des contribuables, cette année-là, de $420 millions. Enfin, l'abolition d'un grand nombre de taxes de vente a réduit de $350 millions par année la charge fiscale des consommateurs. Voilà le résultat de quatre années de persistance. Passons, enfin, à l'examen des équilibres financiers pour l'année 1981-1982. Avant d'aborder le tableau de l'équilibre des comptes du gouvernement pour 1981-1982, il faut résumer brièvement le genre de stratégie qui est mise en place aujourd'hui, aussi bien à l'égard des revenus que des dépenses, et souligner l'impact financier de la plupart des grandes mesures qui ont été annoncées. Les paiements du gouvernement fédéral au gouvernement du Québec ont augmenté, on l'a vu, de moins de quatre pour cent en 1980-1981. Ils n'augmenteront pas plus, en moyenne, si rien n'est changé, au cours des deux prochaines années. On peut facilement se rendre compte de l'énorme manque à gagner que cela représente pour le Québec. Si les paiements fédéraux augmentaient au même rythme que l'inflation, le Québec aurait reçu $230 millions de plus en 1980-1981, recevrait $460 millions de plus en 1981-1982, et environ 940 millions de plus en 1982-1983. Faire perdre au Québec des sommes pareilles, c'est le placer dans un étau financier. Un des appâts utilisés pour maintenir le Québec dans la fédération, c'est-à-dire la péréquation, servirait maintenant à le prendre au piège. Tant que le Québec n'aura pas atteint à sa souveraineté, un tel danger existera. Quoi qu'il en soit on a modifié la taxation des entreprises publiques et privées, et leurs contributions aux régimes de santé, ce qui rapportera au gouvernement du Québec $460 millions en 1981-1982, $420 millions l'année suivante et environ $350 millions la troisième année. Pour les entreprises privées dans leur ensemble l'opération n'est pas pénible, au contraire. Elles paierons nettement moins d'impôt, l'augmentation de leurs contributions et celle de la taxe sur le capital étant en partie compensées par le fait qu'elles sont déductibles du revenu Imposable. Lorsque le crédit d'impôt accordé aux grandes compagnies atteindra 7,5 pour cent le premier janvier 1983, elles paieront globalement $85 millions de moins d'impôt qu'aujourd'hui. Si on poursuit le crédit d'impôt jusqu'à 10 pour cent, l'ensemble de leurs charges fiscales baisserait, comme on l'a déjà signalé, de $183 millions. Les dividendes des sociétés d'État rapporteront, en 1981-1982, $165 millions environ. Dans l'hypothèse d'une hausse des tarifs d'électricité du même ordre que le taux d'inflation prévu, ces dividendes augmenteraient assez vivement d'ici quelques années, alors même que le changement du régime de taxation des entreprises deviendra moins avantageux pour le trésor public. Finalement, la réduction des impôts des particuliers se poursuivra. Les mesures annoncées ce soir coûtent une centaine de millions de dollars en 1981-1982, mais elles représentent un allégement de plus de $550 millions au fardeau fiscal en 1982-1983. Et ces mesures, comme je le disais précédemment, annoncent un mouvement graduel pour faciliter la vie des familles au Québec. Quant à la réforme de la fiscalité municipale, en vigueur depuis plus d'un an, elle aura permis au gouvernement de transférer plus de $400 millions aux municipalités et aux communautés urbaines. On se souviendra que le gouvernement paie maintenant toutes les taxes foncières sur ses propres immeubles, 80% des taxes sur les immeubles destinés aux services de santé, sur les universités et les CÉGEP et 40% des taxes sur les écoles primaires et secondaires. Il n'y aura pas de transfert additionnel en 1981-1982; la réforme est trop récente et ses avantages encore trop palpables. En tout cas, les versements des «en-lieu» de taxes par le gouvernement seront faits, à partir de l'an prochain, en deux versements, à dates fixes. A partir de 1982-1983, on devrait commencer à augmenter les pourcentages de façon que, quatre ans plus tard, les taxes soient pleinement payées sur tous les immeubles des réseaux. Plût au ciel que le gouvernement fédéral fasse de même. Mais le freinage des ressources qu'il applique au gouvernement du Québec, il le prolonge à l'égard des municipalités. Quoi qu'il soit, voilà la stratégie à l'égard des impôt, tel qu'on peut en projeter les effets sur les quelques années qui viennent. Quant aux dépenses, les compressions faites cette année devraient permettre à la fois le maintien de la qualité des services et le prolongement des politiques suivies par le gouvernement, sans dépasser les bornes d'une augmentation raisonnable. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, si on fait abstraction de la hausse des contributions d'employeur au titre des services de santé, les dépenses devraient augmenter de 12,8%, ce qui est tout à fait raisonnable dans le contexte actuel. Encore faut-il être en mesure de respecter un tel objectif. Il faut donc améliorer nettement les mesures de contrôle. Déjà, on a noté que les dispositions prises à l'égard des dépenses des commissions scolaires par le ministère de l'Éducation ont produit d'excellents résultats. Un tel succès ouvre la voie à d'autres mesures du même genre ailleurs. Les budgets fermés ont un indiscutable mérite. En outre, le Conseil du trésor a mis un an à établir un mode de contrôle mensuel des dépenses des ministères. On pourra maintenant rectifier le tir tout au long de l'année et non pas seulement à la fin, quand des dépassements sont devenus inévitables. De même, le ministère des Finances a amélioré les techniques de projection mensuelle des opérations de caisse, qui servira de double contrôle aux déboursés qui seront scrutés par le Conseil du trésor. Dans ce sens, on peut penser que l'encadrement du budget des dépenses permettra d'atteindre les objectifs visés. Voici alors comment se présentent les équilibres financiers pour 1981-1982. Je dépose, en deux copies, le tableau sur l'état des opérations financières 1981-1982. Le déficit des opérations budgétaires à $2,970,000,000 sera à peu près le même que celui qui a été atteint en 1980-1981. Le surplus des opérations non budgétaires, qui doit être déduit du déficit budgétaire pour déterminer les besoins d'argent du gouvernement, atteindra $980 millions, soit 55% de plus qu'en 1980-1981. Dans ces conditions, les besoins financiers nets devraient être de $1,990,000,000, soit $355 millions de moins que cette année. Enfin, si l'on tient compte de remboursements d'emprunts de $750 millions, les emprunts totaux devraient être de $2,740,000,000, soit un niveau inférieur de près de $550 millions à ceux de 1980-1981. Compte tenu d'un taux d'inflation de 12%, de tels résultats représenteront donc un fardeau nettement moins lourd que pour l'année qui s'achève. Le financement des emprunts sera, comme d'habitude, assuré pour une part par la Caisse de dépôt et placement du Québec dont j'attends environ $1,100,000,000, soit environ 45% des fonds dont elle disposera. D'autre part, après l'énorme émission d'obligations d'épargne de l'an dernier qui, je le rappelle, a rapporté plus de $900 millions, il faudra cette année en faire une autre au moins pour assurer les remboursements. On essaiera, cependant, d'en limiter le montant à moins de $400 millions. Le reste des emprunts nécessaires, soit environ $1,200,000,000, sera emprunté sur les marchés financiers conventionnels. Monsieur le Président, le Québec aura rarement connu une conjugaison de circonstances difficiles comme celle qu'il vit aujourd'hui. L'économie nord-américaine, à laquelle il appartient si étroitement, traverse une phase de stagnation générale. D'autre part, nous sommes aux prises avec une tentative délibérée du gouvernement fédéral de nous transférer une partie du déficit considérable qu'il a tellement de difficulté à maintenir dans les bornes de l'acceptable. Enfin, le coup de force constitutionnel d'Ottawa menace d'enlever au Québec des droits aussi traditionnels que fondamentaux. Et, pourtant, les Québécois peuvent être fiers de la façon dont ils font face à ces difficultés. Sur le plan économique, le remarquable dynamisme des entreprises, appuyé par les politiques du gouvernement, permet au Québec de passer l'ère de stagnation, que l'Amérique du Nord connaît, bien mieux que d'autres régions. Pour ce qui a trait aux finances publiques, sans renoncer aux priorités et aux orientations fondamentales que nous nous sommes fixées, nous sommes en mesure, maintenant et pour les quelques années qui viennent, de ne pas avoir à accepter n'importe quel règlement avec Ottawa, qui chercherait à nous mettre aux abois. L'effort de redressement des finances publiques du Québec, lancé depuis quatre ans par le présent gouvernement, se poursuit. Sur le plan politique, le Québec, dix mois après le référendum, non seulement n'est pas isolé, mais, face à la crise constitutionnelle que nous connaissons, a réussi, grâce à son gouvernement, à trouver les appuis extérieurs qu'il lui fallait. C'est donc dans une position de force que nous voulons aborder les années qui viennent et que nous avons bon espoir d'y réussir, jusqu'à ce que, à nouveau, après des luttes que nous avons si souvent connues dans le passé et dont nous voyons qu'on veut encore nous les imposer, nous puissions proposer à nos concitoyens, calmement, et avec la confiance en soi qui vient des défis bien relevés, la forme définitive de notre avenir national.