*{ Budget du Québec 1982 } *{Jacques Parizeau, 25 mai 1982} *{ pagination originale du document: page 3777} Monsieur le Président, il est beaucoup trop tôt pour porter sur l'année 1981 un jugement définitif qui ait, sur un plan historique, une perspective convenable. On doit reconnaître, cependant, que l'on devra retourner loin en arrière pour constater des soubresauts d'une telle amplitude dan l'évolution de l'économie, provoqués par les politiques gouvernementales tant américaines que canadiennes. On ne peut éviter une sorte de fascination devant les risques qui ont été pris, le dogmatisme des politiques et l'extravagance des arbitrages qui ont été exercés. Ceux que j'appelais, à l'occasion du discours sur le budget de 1981, les docteurs Diafoirus de la politique monétaire ont pu s'en donner à coeur joie. Ils n'ont pas raté l'occasion de se manifester. L'an dernier, en février ou en mars, on avait l'impression de sortir d'une phase expérimentale où ceux qui voulaient essayer de mettre en place les thèses monétaristes avaient eu largement le temps de se livrer aux exercices appropriés. Aux États-unis, les taux_d'_intérêt à court terme sont passés de 10 % environ, à la fin de 1978, à près de 20 % au début de 1980. Ils se sont effondrés aux environs de 10 % l'été de la même année. Ils sont remontés à près de 22 % quelques mois plus tard et ont commencé à décroître rapidement dans les premiers mois de 1981. On pouvait imaginer qu'une telle animation suffirait à calmer les plus friands d'expériences excitantes. On voit maintenant que l'on s'est trompé et, en revenant sur ces années, l'explication vient sans peine. Les premières restrictions monétaires, les premières flambées de taux_d'_intérêt se sont indiscutablement accompagnées d'une réduction du taux d'inflation. De là à continuer d'utiliser la même cure pour poursuivre la lutte contre l'inflation, la tentation devait être forte, même au risque de provoquer une récession. Le sommet de Montebello montra à quel point l'Europe_de_l'_ouest était inquiète des tentations subies par les autorités monétaires américaines. Rien n'y fit. La remonte des taux_d'_intérêt américains se poursuivit. En même temps, la politique fiscale et budgétaire du président Reagan laissait planer la menace de déficits importants. La perspective de très hauts taux_d'_intérêt se confirmait davantage. Après un premier semestre de forte croissance, l'affaissement de l'économie se concrétisait à la fin de 1981. Cela aurait dû amener une baisse importante des taux_d'_intérêt; ils restèrent élevés en raison justement des déficits appréhendés. En somme, les autorités monétaires continuaient avec un succès indéniable leur lutte contre l'inflation; le pouvoir exécutif, lui, abaissait les impôts et augmentait alors les besoins d'emprunt en dépit de coupes sombres dans les dépenses_civiles. Les taux_d'_intérêt restaient donc élevés et l'économie s'enfonçait graduellement dans la récession. L'impact de cette politique devait nécessairement affecter le Canada. Pour une fois, cependant, les autorités canadiennes firent preuve d'une grande originalité dans les politiques suivies. Qu'on en juge. Au cours des six premiers mois de 1981, l'économie canadienne est en pleine expansion. La croissance de l'économie est telle qu'à Québec comme à Ottawa on commence à réviser à la hausse les projections de rentrées d'impôt. La consommation est à un haut niveau; la construction domiciliaire fait mine de se relever; un grand nombre de projets d'investissements non résidentiels sont lancés. Grâce à la performance de l'économie américaine, qui n'est pas encore saccagée, les exportations continuent de croître. L'année 1981 s'annonce, en somme, presque brillante. On sort de la morosité de 1980. Et puis, l'été dernier, au moment où la flambée des taux_d'_intérêt sévissait aux États-unis, le dollar canadien se met à fléchir. *{ pagination originale du document: page 3778} Par rapport à la monnaie américaine, il tombe de 0,83 $ à 0,80,5 $ en l'espace de quelques semaines. Cela peut faire sourire que l'on ait pu s'énerver pour si peu, alors que les fluctuations de certaines monnaies européennes ont connu, par rapport au dollar américain, des mouvements d'une ampleur cinq ou dix fois plus élevée, ou alors que le gouvernement canadien lui-même a accepté une chute de plus de 10 % de la valeur du dollar canadien il y a cinq ans. En tout cas, cette fois-ci, l'on panique. Il faut dire que la politique nationale de l'énergie, les sorties importantes de capitaux aux fins de financer des achats de sociétés américaines, et l'accroissement du déficit de la balance des comptes courants contribuent à alimenter la spéculation contre le dollar canadien. Et puis, jamais dans l'histoire le dollar canadien n'était tombé au-dessous de 0,80 $. Il est des symboles qui sont très importants, plus importants même que la prospérité. Pour défendre de tels symboles, la garde meurt mais ne se rend pas. On ne s'est pas rendu. Il y avait deux moyens de défendre le dollar. Le premier consistait à imposer un contrôle des changes sur les transactions touchant les mouvements majeurs de capitaux. C'est une formule assez fréquente en Europe. On y a manifestement songé. Lorsque l'on saura ce qui s'est vraiment produit, on constatera peut-être qu'on est passé à deux doigts de l'adopter. Il faut dire cependant que, psychologiquement, l'Europe_de_l'_ouest est à des années lumière de nous. Le Canada a renoncé depuis 1951 à toute forme de contrôle des changes, comme d'autres renoncent à Satan, à ses oeuvres et à ses pompes. On se rabattit donc sur la formule classique, c'est-à-dire augmenter les taux_d'_intérêt de façon à attirer les capitaux étrangers. Les augmenter, cela voulait dire les hausser au-dessus des taux américains qui, eux-mêmes, venaient d'être relevés. Et puisque la spéculation contre le dollar canadien était tenace, on dut procéder avec énergie. Dans le courant de l'été, les taux_d'_intérêt canadiens furent amenés à des niveaux de 3 % à 4 % au-dessus des taux américains, selon les échéances. Le taux de change remonta de trois points. On put enfin - souffler. Le symbole était sauvé. Pour qu'il demeure sans tache, il fallut, cependant, maintenir les écarts par rapport aux taux américains. Le Canada s'installa ainsi dans la situation remarquable d'avoir les plus hauts taux_d'_intérêt à court terme du monde occidental. Face à cette remarquable performance, à ce succès manifeste, les entreprises et les consommateurs finirent par subir les effets du symbolisme. A des taux_d'_intérêt pareils, la demande de maisons et de biens durables de consommation ne pouvait que s'effondrer. La baisse de la demande devait faire augmenter les inventaires. Des inventaires trop lourds que l'on doit porter à 20 % OU 22 % d'intérêt amènent tôt ou tard les entreprises à réduire leur production et à licencier du personnel afin de liquider ces inventaires et rembourser les banques. Enfin, à des taux_d'_intérêt aussi élevés, on reporte la réalisation d'investissements. Alors, ce qui devait se produire arriva. Après les expériences pécuniaires de 1980, après la remontée des taux_d'_intérêt de 1981, après le sauvetage du dollar canadien, l'économie canadienne finit par casser. Elle cassa, en fait, en septembre dernier. Le chômage augmenta, ce même mois, dans toutes les provinces, et dans plusieurs d'entre elles, de façon brutale. Le ministre fédéral des Finances suggéra la possibilité d'une erreur statistique; c'était logique. Les statistiques d'octobre confirmèrent cependant les chiffres du mois précédent. A peine sortie de ses déboires de 1980, l'économie fut plongée dans une récession qui, au cours des derniers mois, a pris l'allure d'une débandade. Entre août et décembre, le chômage au Canada augmenta de plus de 20 % et le glissement continue. On a provoqué le chômage de centaines de milliers de travailleurs pour gagner moins de quatre points sur le taux de change. L'arbitrage est extravagant. Quant aux effets de cette politique sur l'inflation, les résultats sont fort différents selon que l'on examine la situation aux États-unis et au Canada. Là-bas, à force de réduire l'expansion de la masse monétaire, on a indiscutablement augmenté le chômage, on a aussi provoqué une récession. Mais le taux d'inflation, qui, sur une base annuelle, avait, au début de 1980, atteint à un moment donné près de 15 %, est maintenant fort réduit, si bien que l'indice du coût de la vie, en 1982, ne devrait guère monter au-delà de 6 % à 7 %. Au moins un objectif a été atteint. Au Canada, nous avons vu, tout le long de cette aventure monétariste, le taux d'inflation atteindre 12,5 %. Bien que le taux ait légèrement fléchi, puisque après tout, le ralentissement américain finit par se faire sentir ici, le taux d'inflation canadien reste nettement plus élevé qu'aux États-unis en dépit de tous les tours de vis supplémentaires auxquels les autorités canadiennes ont procédé. Cela est dû, pour une large part, au fait que les augmentations du prix du pétrole auxquelles les Européens et les Japonais se sont adaptés au fur et à mesure qu'elles se produisaient, que les Américains de leur côté ont absorbées depuis trois ans, commencent peine à être reflétées dans les prix canadiens. C'est ainsi qu'en 1981, le prix du pétrole a augmenté de 36 % au Canada et de 11 % seulement aux États-unis. *{ pagination originale du document: page 3779} A avoir voulu retarder les échéances en bonne partie pour augmenter ses chances de gagner le référendum sur la souveraineté du Québec, le gouvernement fédéral est maintenant aux prises avec un rythme d'inflation largement supérieur à celui d'outre-frontière, c'est-à-dire qu'au Canada, les entreprises, les consommateurs et les gouvernements doivent porter le poids de la lutte américaine contre l'inflation sans en tirer pour le moment de bénéfices appréciables et porter le poids additionnel du soutien du dollar canadien. Le poids est trop lourd. Les résultats palpables sont trop faibles. Alors, l'économie s'écroule. Si le Québec est partie intégrante de cette situation, les effets ici s'y manifestent de faon pire que dans les autres régions canadiennes, exception faite des provinces_maritimes. Il y a trois raisons fondamentales à cela. La première n'a rien à voir avec ce que nous venons de décrire. Il s'agit de la réduction graduelle depuis la fin de 1979 des investissements d'Hydro-québec, qui ont représenté alors près de 30 % de tous les investissements productifs su Québec et qui, en volume, tombent depuis ce temps su fur et à mesure de l'achèvement des travaux à la Baie_james. Déjà, le phénomène est suffisamment massif pour accentuer sensiblement l'impact de ce qui a été décrit. Mais il y a plus. Contrairement à ce que l'on croit souvent, les multinationales contrôlent au Québec une plus faible partie de l'activité économique qu'en Ontario ou dans les provinces de l'Ouest. Les petites et moyennes entreprises jouent ici un rôle relatif nettement plus grand. Financièrement, elles n'ont évidemment pas les ressources et surtout la faculté d'en mobiliser que les multinationales peuvent en avoir. Dans ce sens, l'économie du Québec est nettement plus sensible aux restrictions monétaires que d'autres régions canadiennes. Enfin, un bon nombre de ces petites et moyennes entreprises ont connu, au cours des quelques dernières années, un rythme d'expansion remarquable qui avait déjà étiré au maximum leurs ressources financières. La conjugaison de ces facteurs fait que la récession que nous avons connue depuis septembre dernier a eu au Québec des effets foudroyants. Depuis neuf mois, nous avons perdu environ 150 000 emplois, répartis dans à peu près tous les secteurs d'activité. En mars, le taux brut de chômage a atteint 14 % de la main-d'_oeuvre. Plus grave encore, le nombre de ceux que l'on considère comme faisant partie de la main-d'_oeuvre s'est réduit, c'est-à-dire, comme on l'a souvent noté depuis quelque temps, que des travailleurs sans emploi abandonnent la partie et cessent de chercher du travail. Le contraste de l'évolution de l'activité économique est, en fait, plus accusé au Québec qu'ailleurs. Après avoir contourné, sans trop de dégâts, les écueils de 1980, sans avoir trop souffert des premières expériences monétaristes, en raison de son propre dynamisme, l'économie a atteint cette année la limite de sa capacité de résistance. Ainsi, alors que l'activité économique est en pleine expansion pendant les six premiers mois de 1981, elle se met à déraper rapidement par la suite pour se retrouver dans la situation que l'on connaît aujourd'hui. Cette longue introduction semblait nécessaire pour faire comprendre d'abord l'évolution des finances_publiques du Québec au cours de l'année fiscale qui vient de s'achever et pour dégager les perspectives de l'année qui vient. A l'occasion du discours sur le budget de mars 1981, j'avais annoncé un déficit budgétaire de près de 3 000 000 000 $, soit à peu près le même niveau que celui qui avait été atteint l'année précédente. Quant aux besoins financiers nets, ils s'établissaient à près de 2 000 000 000 $, soit 15 % de moins que l'année précédente. De tels niveaux paraissaient suffisamment prudents, compte tenu à la fois des exigences d'une amorce de relance de l'économie, du taux d'inflation et des taux_d'_intérêt qu'il semblait alors raisonnable de prévoir. On s'est évidemment gaussé de tels chiffres; leur ampleur paraissait disproportionnée. Les images étaient fortes. Elles étaient aussi exagérées. Sur une base comparable, le déficit québécois prévu était de 206 $ par habitant, alors qu'au Manitoba on prévoyait 218 $ par habitant, 295 $ au Nouveau-brunswick et 508 $ en Nouvelle- Écosse. On pouvait sans doute soutenir que l'Ontario, par habitant, avait un déficit de la moitié du Québec et que les trois provinces à l'Ouest du Manitoba avaient des surplus, mais, en fin de compte, il n'y avait aucune raison particulière de s'imaginer que le Québec occupait une niche à part. Ces estimations de déficit et de besoins financiers nets semblaient donc raisonnables en mars. Sans doute, aussi, au cours des mois qui suivirent, commença-t-on à réviser vers le haut les recettes puisque l'économie manifestait la vigueur qu'on a déjà indiquée. Mais, en même temps, la hausse précipitée des taux_d'_intérêt canadiens et l'accélération de l'inflation révélaient que le déficit allait néanmoins s'accroître. Après le mois de septembre, la situation empira soudainement. La récession commença à ralentir la croissance des revenus, pendant que les charges additionnelles d'intérêt et d'augmentation des prix s'accumulaient. *{ pagination originale du document: page 3780} En même temps, il apparaissait que du milliard de dollars prévu de compressions budgétaires, près de 200 000 000 $ ne seraient pas réalisés. Dans ces conditions, les projections de déficit et de besoins financiers augmentaient d'environ 400 000 000 $. On serait sorti de la zone de prudence. A peu près en même temps, le gouvernement fédéral confirmait, à l'occasion du discours sur le budget du ministre fédéral des Finances, qu'il avait l'intention d'opérer des coupures importantes dans les transferts aux provinces, affectant sérieusement le Québec, et en particulier pour l'année 1982-1983. Le gouvernement du Québec ne devait pas courir de risque. Un budget supplémentaire fut donc présenté qui doublait la taxe sur l'essence, retirait au premier janvier 1982 la réduction de l'impôt sur le revenu déjà annoncée et normalisait la taxe sur la bière dans divers établissements. Sur cette nouvelle base, le déficit était ramené à 3 040 000 000 $ et les besoins financiers nets à 2 175 000 000 $. La ponction d'impôt additionnelle était cruelle mais inévitable. Elle s'inscrivait dans une curieuse conjoncture psychologique où, de toutes parts, l'on trouvait le déficit trop élevé, l'on s'élevait contre les compressions de dépenses et l'on dénonçait les impôts comme étant trop lourds. La décision pour équilibrer les comptes fut d'augmenter les taxes. Au bout du compte, les estimations préliminaires dont nous disposons indiquent que le déficit budgétaire sera inférieur d'environ 70 000 000 $ à celui qui avait été prévu en mars 1981. Par ailleurs, les besoins financiers nets seront de l'ordre de 2 150 000 000 $, c'est-à-dire 165 000 000 $ de moins qu'en 1980-1981, mais 160 000 000 $ de plus que prévu il y a un an. En dépit des aléas que l'on a connus tout au long de l'année, les règles de prudence que l'on s'était fixées ont finalement prévalu. Le tableau suivant résume les équilibres financiers tels que prévus en mars 1981, en novembre de la même année et au 31 mars 1982. Je le dépose, Monsieur le Président, en deux copies, comme faisant partie intégrante du discours sur le budget. Il en sera de même des tableaux qui suivront. Si l'évolution des déficits que ce tableau révèle est marquée par une remarquable stabilité et si l'on peut considérer qu'à cet égard les objectifs ont été réalisés, on constate que les composantes de ces équilibres financiers ont prodigieusement fluctué. On a indiqué précédemment les causes principales de l'augmentation des dépenses. Du côté des revenus, outre les augmentations de taxes annoncées en novembre dernier, on note également des mouvements nombreux et d'une forte ampleur au titre de diverses recettes. L'impôt sur les corporations aura rapporté 145 000 000 $ de plus que prévu. Cela aura plus que compensé les chutes de recettes au titre de la taxe de vente et des richesses_naturelles, entièrement concentrées dans les derniers mois de l'année et reflétant directement l'ampleur de la récession. L'impôt sur le revenu a rapporté, lui, à peu près ce qui était prévu. Un véritable effondrement s'est produit, affectant les dividendes attendus des sociétés_d'_état et singulièrement ceux d'Hydro-québec. On attendait de cette société 150 000 000 $; on en a reçu finalement 7 000 000 $. Certes, la loi_16, dans sa formulation définitive, venait limiter quelque peu le dividende qu'on pouvait attendre de cette société, mais surtout, ainsi qu'on l'a indiqué précédemment, le haut niveau des taux_d'_intérêt a provoqué une révision majeure des profits de la société. En outre, la récession a coupé en deux le rythme d'expansion des ventes, ce qui a aussi réduit ; le niveau des profits. Une révision tardive des transferts fédéraux au Québec, dernier éclat des arrangements fiscaux qui sont venus à terme et que le gouvernement fédéral, comme on le verra, a refusé de renouveler, ajoute 300 000 000 $ aux recettes prévues. On devine, à travers une telle 1 nomenclature de postes, à quel point sont fragiles des équilibres qui, apparemment, ont été respectés grâce aux mesures énergiques de novembre, mais aussi en raison d'évolutions qui auraient bien pu se présenter autrement. On termine donc l'année à l'intérieur des objectifs que l'on s'était fixés, mais avec une véritable appréhension de l'avenir. Les dépenses, en dépit des compressions qui ont défrayé toutes les manchettes, ont augmenté néanmoins de 16 % en 1981-1982, ce qui reste beaucoup trop. Les projections de revenus faites à quelques reprises depuis cinq mois révèlent que la récession mord de plus en plus sur le rendement des divers impôts et taxes. Les nouveaux arrangements fiscaux ; entre le gouvernement fédéral et les provinces confirment qu'en 1982-1983, le gouvernement du Québec recevra plusieurs centaines de millions de dollars de moins que ce que les arrangements fiscaux venus à ! échéance le 31 mars dernier auraient produit. La situation atteinte en 1981- 982 peut donc être remise complètement en question. Enfin, le niveau des impôts s'est forcément accru au Québec, alors que la récession suggérait que l'on suive le chemin inverse. A tous égards, il faut donc, alors que l'on aborde 1982-1983, réexaminer la problématique des finances_publiques du Québec, ses tendances ` fondamentales et sa structure. *{ pagination originale du document: page 3781} Commençons par l'examen des nouveaux arrangements fiscaux tels qu'établis par la récente législation fédérale. Le gouvernement du Québec reçoit actuellement environ le quart de ses ressources du gouvernement fédéral. Il s'agit donc d'une source de financement considérable, la deuxième en importance, près l'impôt sur le revenu. Ces transferts r, sont composés de quatre éléments: la péréquation, le financement des programmes établis, la contribution aux programmes de bien-être_social et les ententes auxiliaires. La péréquation, dans son principe, est destinée à faire en sorte que les gouvernements des provinces puissent assurer un niveau de services_publics équivalant à la moyenne canadienne. Les programmes établis sont essentiellement les services de santé et l'enseignement postsecondaire, qui donnent lieu à une contribution financière payée par le gouvernement fédéral directement aux gouvernements des provinces. Le programme de transferts pour le bien-être_social a trait à une contribution de 50 % des dépenses à ce titre. Enfin, les ententes auxiliaires couvrent une foule de programmes où fédéral et provinces contribuent dans des proportions variables, mais habituellement du genre moitié-moitié ou 60 %-40 %. Ces ententes visent aussi bien des programmes de développement industriel ou de tourisme que le coût, par exemple, du bilinguisme. Ce sont vraiment les deux premiers éléments qui sont à la fois les plus coûteux pour le gouvernement fédéral et ceux qu'il est tenté le plus souvent de remettre en question. On avait eu un remarquable exemple à l'occasion du renouvellement des arrangements fiscaux à la fin de 1976. En somme, disait alors le gouvernement d'Ottawa, les provinces peuvent, dans les secteurs de l'éducation et de la santé, conclure des conventions_collectives, donc ; déterminer des coûts dont les autorités fédérales doivent, en vertu des ententes, défrayer automatiquement la moitié sans avoir quelque contrôle que ce soit sur les négociations. Cela n'est pas raisonnable. Et, effectivement, ce ne l'était pas. Le gouvernement fédéral demanda donc que l'on accepte de limiter la progression de ses paiements chaque année à pas plus que celle , de la production nationale. L'argument tenait même si la formule finale fut indûment restrictive à l'égard des provinces. Il faut reconnaître, en outre, que, depuis la mise en place des arrangements de 1977 le gouvernement fédéral a utilisé à la fois des changements dans ses lois et des modifications dans ses règlements, pour modérer la croissance de ses transferts. A l'occasion de ces opérations, je dois dire, Monsieur le Président, que le gouvernement de Québec aura été invariablement la cible la plus touchée. Qu'on en juge par quelques exemples. En 1980, le gouvernement d'Ottawa exclut du calcul de la péréquation les revenus provenant des cessions de concessions pétrolières et gazières. Cela coûtera 425 000 000 $ aux provinces jusqu'au 31 mars dernier, dont 66 % portés par le Québec, les deux tiers. De même le gouvernement fédéral a-t- il plafonné en 1979 sa contribution au programme de bilinguisme en éducation; cela représentait une perte financière pour l'ensemble des provinces de 218 000 000 $ dont 134 000 000 $, soit 61 % du total, étaient assumés par le Québec. Au contraire, dans d'autres occasions, le gouvernement fédéral s'est toujours refusé à faire quelque modification que ce soit dans des circonstances où le simple bon sens l'aurait amplement justifié. La question de savoir quelle est la population exacte du Québec en est l'exemple le plus frappant. A la suite du recensement de 1976 le Statisticien du Canada constate qu'il y a eu sous-dénombrement de la population dans certaines provinces et publie les chiffres corrigés. Aux fins de la péréquation et des programmes établis, cela voudrait dire que les paiements fédéraux aux provinces augmenteraient de 619 000 000 $. La part du Québec est de 80 % de cette somme. Nulle part au Canada le sous-dénombrement n'a été aussi élevé qu'au Québec à cause, en particulier, de la proportion élevée de locataires, plus difficiles à recenser correctement que les propriétaires. Le gouvernement fédéral refuse de reconnaître les chiffres de population établis par ses propres services. En tout cas, on pourrait multiplier de tels exemples où, depuis cinq ans, le gouvernement fédéral a rogné sur les transferts payables aux provinces et où, invariablement, le Québec a été la province la plus touchée. Si, au cours de la période des accords fiscaux 1977-1982, les transferts financiers du gouvernement fédéral avaient progressé simplement au même rythme que le produit_national_brut, le gouvernement du Québec aurait reçu près de 1 000 000 000 $ de plus de ces transferts, dont plus de 350 000 000 $ pour la seule année 1981- 1982. Et nous arrivons alors au renouvellement pour cinq autres années des arrangements fiscaux. On trouvera, en annexe au présent discours, une description de ces nouveaux arrangements et de leurs conséquences financières. Il est apparu clairement dès le départ que l'objectif à la fois fondamental et simple du gouvernement fédéral consistait, d'une part, à réduire à près de zéro la progression des transferts au titre de la péréquation et des programmes établis pour l'année 1982-1983. *{ pagination originale du document: page 3782} D'autre part, pour les quatre années suivantes, il s'agissait de limiter la croissance de la péréquation à partir de critères qui n'ont plus de rapport avec les besoins des provinces bénéficiaires en termes de services_publics, mais qui reflètent plutôt ce que le gouvernement fédéral est prêt à verser. Les coupes opérées sont radicales. La compensation qui avait été accordée depuis 1977, à la suite de l'abolition de la garantie de recettes fiscales, est retirée. Cela enlève aux provinces, pour la seule année fiscale 1982-1983, la somme de 940 000 000 $, dont 215 000 000 $ au Québec. En second lieu, la formule de péréquation est modifiée. On fera grâce ici des discussions byzantines qui ont entouré le débat à ce sujet, pour ne s'attarder qu'aux résultats. Ils sont considérablement moins généreux que l'ancienne formule, et surtout, comme on vient de le signaler, ils sont soumis à un plafond rigide, ce qui n'était pas le cas précédemment. La combinaison de ces deux nouvelles formules produisait, en novembre et décembre dernier, le résultat suivant: l'ensemble des transferts financiers du gouvernement fédéral aux provinces n'augmenterait, en 1982-1983, que de 1 %. Quant au gouvernement de Québec, les transferts qui lui seraient faits, tomberaient de 2,5 %. Quand le taux d'inflation est ce qu'il est, une telle ponction ne pouvait que provoquer une crise financière non pas tellement dans les provinces les plus riches, mais en particulier chez celles qui étaient bénéficiaires de péréquation. Autant le Conseil_économique_du_canada que le groupe parlementaire fédéral chargé d'examiner la question dénoncèrent le projet. Le gouvernement fédéral, à toutes fins utiles, réduisait son déficit en en refilant une partie aux provinces. Deux provinces étaient particulièrement atteintes: le Manitoba et le Québec. Une formule de paiements transitoires fut rapidement trouvée pour le Manitoba. Au Québec, on calculait que pour la seule année 1982-1983 les nouvelles formules donneraient 675 000 000 $ de moins que les anciennes. La somme est gigantesque. Dans l'optique de ce qui a été exprimé au sujet de l'année 1981-1982, on voit immédiatement l'impasse ainsi créée et il n'y a pas de raison de croire qu'à Ottawa on ne le sache pas aussi. Il s'agissait bien d'une tentative délibérée, à l'occasion d'une compression générale des transferts financiers aux provinces, de déstabiliser les finances_publiques du Québec. Alors que tout cela était discuté entre les ministres des Finances, il se produisit une sorte de coup de théâtre. Les résultats préliminaires du recensement de 1981 furent publiés. Ils révélaient, entre autres choses, que la part du Québec dans la population du Canada était plus élevée que celle qui, jusque là, avait été utilisée dans les calculs. A l'opposé, celle des provinces_maritimes était plus faible que prévu. Les effets du recensement sur les paiements de péréquation étaient considérables. Pour le comprendre, il faut savoir qu'au cours de l'année qui suit le recensement - dans ce cas-ci, l'année fiscale 1982-1983 - le gouvernement fédéral paie les ajustements de l'année en cours et des deux années précédentes, à ceux dont la population est supérieure à ce qui était prévu, et se fait rembourser par celles dont la population est inférieure. En somme, le Québec pouvait recevoir 300 000 000 $ à ce titre en 1982-1983 et, à l'opposé, les finances_publiques des provinces_maritimes seraient mises en péril. Le grand jeu commençait à s'effondrer. Devant cette situation, l'ensemble des provinces, Québec compris, formulèrent une proposition conjointe à l'effet de prolonger d'un an les formules alors en vigueur en acceptant que la contribution fédérale soit plafonnée. On demandait au gouvernement fédéral de consentir à indexer au coût de la vie, sans plus, ses paiements de transfert pour la prochaine année en attendant de trouver une meilleure formule qui pourrait rallier l'ensemble des intervenants. Cela représentait quand même une économie importante pour le gouvernement fédéral tout en assurant aux provinces un niveau plus réaliste de transferts financiers. Pouvait-on avoir une position plus raisonnable? La réaction du gouvernement fédéral fut aussi habile que rapide. La formule suggérée pour la péréquation fut modifiée à nouveau, le premier_ministre du Canada annonçant d'ailleurs qu'il serait prêt à ajouter 1 000 000 000 $ sur cinq ans pour améliorer la formule. Une fois l'offre déposée, on se rendit compte qu'elle ne coûterait que 77 000 000 $ au gouvernement fédéral, mais en coûterait, par ailleurs, 262 000 000 $ au Québec et que tout cela était envoyé dans les provinces_maritimes. De cette façon, on enlevait davantage d'argent au Québec et on en fournissait davantage aux provinces_maritimes. Enfin, le gouvernement fédéral qui n'avait jamais voulu accepter le principe du sous-dénombrement de la population pour le Québec, accepta volontiers que la surestimation du nombre d'habitants dans les provinces_maritimes pouvait créer un problème et annula simplement leur dette. L'opération était terminée et on pouvait, à Ottawa, éprouver la satisfaction du travail bien fait. Sans doute avait-on déstabilisé les finances du Québec à un point tel que les paiements transitoires prévus pour le Manitoba devaient aussi être appliqués au Québec. Comme ils ne s'appliqueront cependant que la première année, c'est un faible prix à payer pour avoir à réaliser l'essentiel des objectifs. *{ pagination originale du document: page 3783} Le score final - si on me permet d'utiliser cette expression sportive - est le suivant: l'ensemble des modifications apportées par le gouvernement fédéral aux arrangements fiscaux de 1977 fait perdre au Québec, en 1982-1983 seulement, 530 000 000 $ (compte tenu des augmentations faisant suite au recensement). Au total, les provinces perdent 1 260 000 000 $. Le Québec perd donc 42 % de ce que perdent l'ensemble des provinces. La perte, au Québec, est de 82 $ par habitant. Chez les autres province bénéficiaires de péréquation, c'est-à-dire les Maritimes et le Manitoba, la perte est de 32 $ par habitant. Dans les provinces dites riches, c'est-à-dire l'Ontario, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie_britannique, la perte est de 42 $ par habitant. Ces trois chiffres disent tout. L'intention et le résultat sont transparents. Ce qui s'est produit sur le plan constitutionnel apparaît sur le plan financier. Le Québec perd deux fois plus par tête que ne perdent les provinces les plus riches et, dans certains cas, les moins taxées. On comprendra sans peine dans quel cul-de-sac cette coupe de revenus nous place. Déjà, l'an dernier, il a fallu augmenter les impôts parce que le déficit menaçait d'augmenter de 400 000 000 $. En 1982-1983, c'est une somme bien supérieure que le gouvernement fédéral nous enlèvera même si, à cause de l'effet favorable du recensement de 1981 sur les estimations de population, les revenus provenant de transferts fédéraux augmenteront de 7,5º/0. L'année suivante, cependant, les ajustements dûs à la population disparaissent et on prévoit alors que les transferts fédéraux n'augmenteront que de 2 %. Il faut maintenant situer cette perte dans le contexte général de la problématique des finances_publiques québécoises. Pour la première fois, le gouvernement a rendu publiques, au Sommet économique de Québec, des données relatives aux finances_publiques à partir d'une projection de trois ans. Cela permet de mieux comprendre les orientations qui sont prises, d'en voir les conséquences et, il faut le reconnaître, d'éviter les extrapolations parfois extravagantes qui ont circulé depuis quelque temps et qui gênent plus qu'elles n'aident le débat budgétaire. Il y a évidemment un risque considérable à rendre publiques de telles projections gouvernementales. L'année 1981 a trop bien démontré à quel point il est difficile de procéder, même à six mois d'intervalle, à des prévisions économiques correctes pour que l'on se fasse quelque illusion sur l'exactitude de projections à trois ans. Elles s'appuient forcément sur des hypothèses de croissance économique, d'inflation et de taux_d'_intérêt qui ont une influence considérable sur les résultats. D'autre part, elles s'appuient sur une autre hypothèse fondamentale, à savoir que les lois fiscales, les programmes de dépenses et les projets adoptés par le gouvernement se maintiendront sans changement jusqu'à la fin de la période. A partir des données présentées au Sommet économique de Québec, on constatait que, si on ne changeait rien par rapport à ce qui a été fait au cours de l'année écoulée, si on se contentait en somme d'une simple projection mécanique des taux d'impôt actuels, des nouveaux arrangements fiscaux, des compressions de dépenses déjà décidées et des programmes de dépenses existants, en 1982-1983, le déficit budgétaire passerait à 3 700 000 000 $ contre moins de 3 000 000 000 $ pour l'année écoulée. Une différence presque aussi importante apparaissait pour ce qui a trait aux besoins financiers nets. Au cours des deux années qui suivaient, cependant, le déficit devait décroître, si bien que la troisième année, soit 1984-1985, les besoins financiers nets tomberaient sous le niveau des 2 000 000 000 $, ce qui est nettement mieux. Compte tenu de l'inflation, ce montant représente un poids relatif de 40 % inférieur à celui des besoins financiers nets de 1980-1981, c'est-à-dire une amélioration appréciable. Quelques semaines après le sommet de Québec, une révision de la situation économique faisait apparaître une nouvelle détérioration des recettes d'impôt en 1982, si bien que pour l'année en cours, le déficit passait à 3 900 000 000 $, et les besoins financiers nets, à 2 900 000 000 $. La situation de 1982-1983 apparaît donc comme très sérieuse, même si, graduellement par la suite, elle tend à s'améliorer. Une telle amélioration est, cependant, en partie illusoire. Elle s'appuie en effet sur deux conditions. La première a trait au fardeau fiscal québécois. La seconde, à la marge de manoeuvre du gouvernement. Il est possible, avec les données dont nous disposons, de voir l'évolution du fardeau fiscal au cours des dernières années et de voir également, au-delà des mesures annoncées ce soir, ce que nous réserve l'avenir. Dans les projections mises au point, le seul changement apporté à la structure actuelle a trait à l'indexation annuelle de 7,5 % des exemptions personnelles. Si, pour cette période, on compare le fardeau fiscal québécois par rapport à celui des Ontariens, on peut dégager les constatations suivantes: D'abord, la taxation est maintenant plus lourde sur les entreprises du secteur_public par rapport à celles de l'Ontario, notre gouvernement ayant décidé de taxer les entreprises_d'_état de la même façon que les entreprises privées. Il n'y avait pas de raison que ces sociétés ne soient pas soumises aux mêmes règles du jeu. *{ pagination originale du document: page 3784} Quant aux autres contribuables, soit les particuliers et les entreprises privées, leur fardeau fiscal dépassait celui des Ontariens d'environ 13,5 % lorsque le présent gouvernement est arrivé au pouvoir. Après les efforts que l'on connaît pour réduire cet écart, nous étions tombés à 7,6 % en 1979, et même à 7,3 % en 1980, soit près de la moitié de ce qu'il était. Mais nous avons perdu le terrain gagné et en 1982, l'écart remonte à 14,4 %. Si rien n'est fait au cours des prochaines années, cet écart pourrait demeurer à ce ni_veau et peut-être s'accroître légèrement. Sans doute faut-il apporter des distinctions entre les composantes de ces chiffres. Le fardeau fiscal des particuliers était, en 1977, près de 20 % au-dessus de celui des Ontariens. Nous avons réduit cet écart à moins de 10 % en 1981. Il remonte toutefois à 14 % environ en 1982 et serait susceptible, si nous laissions aller les tendances actuelles, d'atteindre 17 % d'ici deux ans. Dans le cas des entreprises privées, il n'y avait pas d'écart il y a cinq ans. A la suite de la réforme de la fiscalité des entreprises, un écart de près de 9 % apparaît en 1981. Le budget récent de l'Ontario s'il augmente nettement les taxes payables par les particuliers, réduit temporairement les impôts payables par les compagnies, si bien que l'écart va atteindre 15 % en 1982 pour ensuite revenir aux environs de 10 %. Il n'en reste pas moins que l'amélioration de la situation -budgétaire prévue pour les deux prochaines années est donc, pour une bonne part, due à ce que le fardeau fiscal demeurerait encore très lourd par rapport à celui de l'Ontario. Il n'y a pas là de quoi pavoiser. Certes, dans la mesure où la population et les entreprises sont plus riches en Ontario qu'au Québec, un écart de fardeau fiscal entre ces deux provinces est toujours susceptible de se produire. En effet, pour retirer des revenus identiques à l'Ontario, il faut au Québec imposer un taux plus élevé sur une assiette fiscale plus petite. Il reste cependant que le gouvernement actuel a toujours eu comme objectif prioritaire de réduire le fardeau fiscal des Québécois. Cet objectif demeure, même si les difficultés économiques et les coupures dans les transferts du gouvernement fédéral nous obligent à agrandir un écart que nous avions refermé. Revenons alors à l'année qui est commencée et pour laquelle le déficit, si rien n'est fait, atteindrait 3 900 000 000 $. Certains diront sans doute que l'on vient de noircir indûment la situation. Il y a deux ans, le déficit budgétaire était déjà de 3 000 000 000 $. Depuis, les prix ont augmenté de 25 %. Un déficit de 3 750 000 000 $ aurait le même poids relatif que celui d'il y a deux ans. Quelques ajustements dans les impôts ou dans les dépenses seraient donc suffisants pour ficeler les comptes. La tentation est évidemment forte de procéder ainsi. Après tout, quand les dépenses dépassent 23 000 000 000 $ et que les revenus approchent 20 000 000 000 $, pourquoi se soucier de quelques centaines de millions de plus ou de moins? D'autant plus qu'après tout, en pleine récession, il est normal que les gouvernements cherchent à favoriser l'augmentation de la demande. Il existe, cependant, pour un gouvernement encore provincial, une contrainte d'un autre ordre et qui ne nous permet pas de nous engager dans une pareille voie: c'est l'adéquation entre les investissements et les emprunts. Un gouvernement central n'a pas ce genre de contrainte. Le gouvernement fédéral canadien peut, lui, emprunter massivement pour, selon l'expression consacrée, payer l'épicerie. Cela paraît et est, en fait, parfaitement acceptable. Disposant, à l'occasion de ses emprunts, de l'aide d'une banque_centrale qui, en tout temps, lui permettra de placer sa dette sans douleur, un pays indépendant n'a pas à se soucier de savoir s'il emprunte pour investir ou pour payer des salaires. Il suit une politique économique qui, particulièrement en temps de récession, l'amène à soutenir l'économie. Sans doute des déficits trop copieux accélèrent-ils l'inflation, mais le gouvernement en question a alors à établir un arbitrage entre le chômage et l'inflation qu'il est disposé à tolérer. Il n'en est pas de même d'un gouvernement qui n'a aucun accès à une banque_centrale. Les marchés financiers s'attendent normalement qu'un tel gouvernement emprunte pour financer, non pas l'épicerie ou les salaires, mais des investissements durables. Sans doute comprendra-t-on que, dans le déficit d'un tel gouvernement, l'on tienne compte de subventions payées pour financer les investissements de municipalités par exemple, et de commissions_scolaires. De même, inclura-t-on les investissements des sociétés_d'_état dans le bilan. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976, les emprunts du secteur_public québécois dépassaient de 2 % le niveau des investissements. Au cours des trois années qui suivirent, on réussit à faire en sorte que le niveau des emprunts ne dépasse pas finalement 72 % des investissements. Il fallait permettre à nouveau aux marchés financiers de souffler un peu. En 1980, il apparaissait clairement que l'on retournait à une égalité des emprunts et des investissements. *{ pagination originale du document: page 3785} En fait, à la suite d'une révision des statistiques, on se rendit compte que les premiers dépassaient les seconds de 9 %; la cote d'alerte était atteinte. En 1981, il semble bien qu'à 2 % près, l'équilibre soit réalisé. Tout cela indique cependant qu'en 1982, il n'y a guère de marge. Sans doute dira-t-on que le secteur_public devrait investir davantage. Cela est plus facilement dit que fait. A cause de ses surplus d'électricité, Hydro-québec n'est pas pressée d'accélérer ses investissements et le voudrait-elle que les effets ne se feraient pas sentir cette année. Ailleurs, dans le secteur_public, il faudrait réduire les dépenses courantes pour augmenter les investissements, c'est-à-dire accélérer et accentuer les compressions. Tout cela amène à conclure qu'un déficit de 3 000 000 000 $ et des besoins financiers nets de 2 000 000 000 $ doivent être maintenus en 1982-1983. On peut bien dépasser légèrement ces niveaux et se placer au même niveau que l'an dernier, compte tenu de la situation économique; cependant, il faut éviter d'aller plus loin. Il apparaît ainsi que le déficit appréhendé est d'au moins 700 000 000 $ de plus que ce qu'il serait prudent de réaliser. Enfin, force est de constater que l'amélioration prévue en 1983-1984 est bien faible et que tout retard à la reprise économique ne ferait qu'empirer les perspectives. Il nous faut alors examiner deux autres possibilités, c'est-à-dire des compressions additionnelles dans les dépenses autres que salariales et des changements à apporter aux conventions_collectives du secteur_public. Sans doute, de ce côté, peut- on trouver encore un certain chemin à faire avant d'avoir à revenir sur l'arme ultime, si l'on peut s'exprimer ainsi, que représentent de nouvelles augmentations d'impôt. Les compressions budgétaires commencées en 1981 se poursuivent cette année à un rythme cependant un peu réduit. Il faut dire que le problème se complique en ce sens que, comme le président du Conseil_du_trésor a eu l'occasion de l'expliquer au sommet économique de Québec, 52 % des dépenses gouvernementales se composent de salaires. Le service de la dette représente 11 %. Les compressions qui ne sont pas salariales se trouvent donc concentrées sur moins de 40 % des dépenses totales. Sans doute, à l'intérieur des conventions_collectives existantes, peut-on réduire les effectifs mais, dans le cas de certaines conventions_collectives majeures comme celle des enseignants, la détermination des effectifs fait partie intégrante des conventions_collectives. Dans le cas d'autres conventions, la reconnaissance des droits d' ancienneté rend les compressions d'effectifs singulièrement malaisées, ainsi qu'on l'explique plus loin. Cela ne veut pas dire que le mouvement des compressions ne doit pas se poursuivre, ou encore que la productivité ne peut être encore améliorée à l'intérieur des règles existantes, mais simplement qu'au fur et à mesure que l'on avance les sommes que l'on peut soustraire s'amenuisent. Il est toujours possible d'éliminer des programmes existants. L'on sait cependant à quel point la résistance s'est manifestée dans tous les milieux de notre société, aussi bien syndicaux que patronaux, contre la suppression de programmes et les baisses de services_publics qui en résulteraient, particulièrement dans le domaine de la santé et de l'éducation. On ne peut donc éviter de réexaminer les conventions_collectives du secteur_public, puisqu'elles déterminent, en somme, plus de la moitié du budget de l'État. On peut difficilement aborder ce sujet sans se poser la question suivante: A quel niveau doit-on situer les salaires et les avantages sociaux dans les secteurs_public et parapublic par rapport à ce qui se paie dans le secteur_privé? Certains diront qu'il devrait y avoir équivalence. Après tout, il n'y a pas de raison pour que les employés du secteur_privé paient des impôts supplémentaires aux seules fins de verser à leurs collègues du secteur_public une rémunération qui dépasserait la leur. A cet égard, la moyenne des rémunérations dans le secteur_privé n'a guère de signification. Les écarts entre les moins biens payés et les mieux payés sont considérables, selon la taille des entreprises, les secteurs d'activité et selon que la main-_d'_oeuvre est syndiquée ou non. Dans ces conditions, il est probablement raisonnable de viser à établir une sorte d'équivalence entre la rémunération des employés du secteur_public et ceux du secteur_privé travaillant dans des entreprises de grande taille. Encore doit-on noter qu'une telle comparaison ne peut être parfaite, puisqu'elle ne tient pas compte de la sécurité d'emploi dont jouissent les employés du secteur_public et qui n'existe évidemment pas dans le secteur_privé, comme on le constate singulièrement à l'occasion de la présente récession économique. *{ pagination originale du document: page 3786} Même si elle représente une valeur certaine, elle n'en reste pas moins difficilement chiffrable en termes monétaires et n'entre donc pas dans la comparaison. Alors que pendant longtemps les fonctionnaires, les employés d'hôpitaux et la plupart des enseignants ont été fort mal payés, il y a eu, au cours des années_soixante_et_soixante-dix, des opérations de rattrapage tellement importantes que, finalement, le phénomène inverse s'est produit: les employés du secteur_public sont devenus beaucoup mieux rémunérés que ceux du secteur_privé tel qu'il vient d'être défini. C'est ainsi qu'au cours de la période de 1975 à 1979, c'est-à-dire avant les conventions_collectives signées par le présent gouvernement, on peut dégager les données suivantes. Au cours de cette période, le taux d'inflation moyen fut de 8,4 %. Le secteur_privé de grandes entreprises vit ses gains augmenter de 12 % en moyenne. Dans le secteur_public, cependant, c'est à près de 13 % par an que les gains s'accrurent, soit 4 % par an plus rapidement que le taux d'inflation et 1 % par an plus rapidement que le secteur_privé. Le résultat, c'est qu'au moment du renouvellement des conventions_collectives en 1979, la rémunération dans le secteur_public québécois était de 16 % plus élevée que celle du secteur_privé d'entreprises de grande taille, la sécurité d'emploi n'étant toujours pas comptabilisée. Le renouvellement des conventions_collectives en 1979 réduira considérablement le rythme de progression des salaires. C'est ainsi que, jusqu'à maintenant, la rémunération du secteur_public a augmenté de un demi pour cent par an de plus que l'inflation, contre, je le répète, 4 % au cours de la période précédente. En fait, si on avait simplement reconduit, en 1979 et 1982, les clauses de la précédente convention, le gouvernement aurait dépensé en salaires, pendant ces trois années et demie, 2 300 000 000 $ de plus que ce qu'il aura effectivement déboursé. Il n'en reste pas moins que, cette année, la rémunération des salariés des secteurs_public et parapublic serait encore, au deuxième semestre de 1982, 13 % au- dessus de celle des salariés des entreprises de grande taille. On a beau se dire que la situation s'est améliorée, à ce rythme-là, il va se passer encore bien des années avant qu'une équivalence n'apparaisse. D'autre part, comme on l'a indiqué plus tôt, les clauses de sécurité d'emploi se sont révélées à l'usage être plus contraignantes qu'elles n'auraient dû l'être. Notons à ce sujet que la sécurité d'emploi, qui est si discutée dans un secteur comme celui de l'éducation, a été accordée lors des conventions de 1976. Certaines modalités d'application, comme la clause des cinquante kilomètres, ont été introduites en 1979. Mais l'engagement général est antérieur. Il n'en reste pas moins que, dans ce secteur comme dans les autres secteurs_publics, de telles clauses de sécurité d'emploi, accompagnées ` de toutes espèces d'entraves à la mobilité du personnel, ont longtemps pu être appliquées sans trop de difficulté tant que les services étaient en expansion et que, chaque année, dans l'ensemble, le personnel augmentait. A partir du moment, cependant, où on commença à réduire les effectifs et à augmenter la productivité du personnel, il est clair que des contraintes de sécurité d'emploi et de mobilité deviennent des obstacles sérieux à la compression du coût des services. En tout cas, l'on comprendra qu'avant - d'augmenter les impôts, on veuille réexaminer les conventions_collectives. La contrainte relativement aux emprunts, le dégagement des sommes nécessaires pour réactiver l'économie, la nécessité de limiter t` la croissance déjà fort rapide des impôts rendent ce réexamen des conventions_;_`_collectives inévitable. Avant, cependant, d'annoncer les décisions spécifiques de caractère budgétaire, il nous reste à examiner les perspectives économiques pour les mois qui viennent et les politiques que le gouvernement entend j; suivre à ce sujet. Au Québec comme ailleurs, on attend - que les taux_d'_intérêt baissent pour qu'enfin la reprise de l'économie s'amorce. Il faut dire que les conditions d'une reprise sont réunies. Devant la menace de chômage, le taux d'épargne a atteint un sommet. Une foule d'achats de biens durables de consommation, qu'il s'agisse de meubles ou d'automobiles, ont été retardées. Les taux de vacance de logements et de maisons sont très bas. Des investissements sont prêts à démarrer, mais sont retenus en raison des conditions de financement. En fait, à tous égards, on peut s'attendre à un relèvement rapide dès que la politique monétaire se relâchera d'une façon appréciable. Il reste que, pour le moment, la politique monétaire restrictive des États-unis et de forts déficits appréhendés par le gouvernement américain contribuent à maintenir les taux_d'_intérêt élevés. Au Canada, la faiblesse du dollar canadien continue de produire des taux plus hauts encore qu'aux États-unis. Enfin, la conférence fédérale-provinciale des premiers_ministres sur l'économie a montré à quel point la collaboration des deux paliers de gouvernement offrait peu de possibilités. Les négociations bilatérales entre Ottawa et Québec n'ont fait que confirmer cette conclusion. *{ pagination originale du document: page 3787} Il faut donc que l'on cherche à se débrouiller avec les moyens du bord. Il n'y a pas de raison de ne pas chercher à réagir en s'appuyant sur toutes les énergies et sur une aussi grande collaboration que possible. Déjà, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a mis au point, avec les institutions financières, un programme destiné à fournir des liquidités additionnelles, à des taux_d'_intérêt plus faibles que ceux du marché, à des entreprises manufacturières qui, jusqu'à ; maintenant, avaient une excellente performance, mais que les conditions économiques actuelles placent dans une situation financière de plus en plus difficile. Ainsi, l'on peut espérer leur permettre non seulement de passer à travers la récession sans trop de dégâts, mais aussi d'être mieux placées pour profiter de la reprise lorsqu'elle se produira. En second lieu, le ministère du Travail, de la main-d'_oeuvre et de la Sécurité du revenu a mis au point un programme de remise au travail de 25 000 assistés_sociaux. Bien sûr, dans un bon nombre de cas, il s'agira d'emplois temporaires. Mais cela vaudra tout de même mieux que de laisser le nombre des assistés_sociaux augmenter sans ne rien faire. Les ministres de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de l'Environnement, des Transports et du Loisir, de la Chasse et de la Pêche annonceront des programmes détaillés à ce sujet. En outre, le ministère de l'Énergie et des Ressources disposera de sommes accrues par rapport à ses crédits pour accélérer les travaux d'aménagement forestier. De plus, les premiers crédits de réalisation de certains programmes annoncés dans Le virage technologique par le ministre_d'_état au Développement économique seront débloqués même si, compte tenu des circonstances, on ne peut, cette année, faire autant qu'on devrait et qu'on devra faire à partir de l' an prochain. Le programme majeur du gouvernement visera la relance de la construction domiciliaire. Sur ce sujet, les participants du Sommet économique de Québec ont été ; unanimes, non pas seulement pour la souhaiter, mais pour offrir leur collaboration concrète. Objectivement, le besoin est manifeste. Il nous faut construire 40 000 à 45 000 logements par an aux seules fins de satisfaire au besoin des nouveaux ménages. S'ajoutent à ce nombre les logements détruits. Or, depuis trois ans, la construction est tombée très au-dessous de ce niveau. En fait, cette année, si rien n'est fait, on construira à peine plus de la moitié de ce qui serait nécessaire, en dépit du programme d'accès à la propriété dont le succès, on le sait, depuis son lancement, est remarquable. La cause de l'effondrement de la construction domiciliaire est évidente. Aux taux hypothécaires actuels, peu de consommateurs voient la nécessité d'obérer leur budget, alors qu'éventuellement des taux plus raisonnables finiront bien par apparaître. Quant aux logements locatifs, les taux actuels rendent inévitables des loyers trop élevés par rapport aux loyers de logements assujettis aux contrôles le la Régie du logement. En somme, la construction ne reprendra que dans la mesure où les taux hypothécaires baisseront. A l'occasion du sommet de Québec, les participants ont suggéré que l'objectif soit fixé à 50 000 logements. Le gouvernement va tenter de le réaliser; non pas en un an, bien sûr, mais sur une période, par exemple, d'un an et demi. Deux gestes seront posés pour inciter la reprise de la construction. En premier lieu, une subvention sera accordée sur toute hypothèque prise sur un logement neuf, pour une période de trois ans, à la condition que le logement soit mis en chantier et terminé avant une date limite qui sera bientôt rendue publique. En second lieu, j'annonce que le régime_enregistré_d'_épargne-logement sera modifié pour l'année d'imposition 1982. Tout titulaire d'un tel régime qui achètera une maison ou un logement neuf pourra déduire de son revenu imposable 2000 $ de plus que la déduction actuelle. J'annonce aussi qu'après le premier janvier 1983, les titulaires pourront continuer d'accumuler des fonds en vue de l'acquisition éventuelle d'un logement, mais sans nouvelle déduction aux fins de l'impôt québécois. L'incitation sera donc très forte d'utiliser les REEL dès 1982 pour acquérir une propriété. Ces deux mesures seront, cependant, insuffisantes pour donner au programme l'ampleur nécessaire. Sans doute un tel programme-fournit-il des revenus additionnels au trésor_public, mais il ne faut pas oublier que, pendant quelques années, le coût des subventions devra se poursuivre et, d'autre part, par le truchement de la baisse des paiements de péréquation, le gouvernement fédéral viendra chercher une partie des recettes additionnelles qui découleraient de la réalisation du programme. Conformément aux voeux de solidarité si fortement exprimés au Sommet économique de Québec, le gouvernement négocie donc actuellement avec les autres participants l'établissement de leurs contributions au programme. I_es institutions financières, les travailleurs de la construction, les entrepreneurs en construction, les fournisseurs de matériaux, les professionnels et, bien sûr, les municipalités seront tous sollicités. D'ici quelques jours, on verra de combien l'on peut, grâce à tous ces appuis, réduire le taux hypothécaire pendant une période de temps définie et pour quel genre de construction. *{ pagination originale du document: page 3788} Le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur annoncera alors les caractéristiques du programme. Dans la mesure où les Québécois sentent vraiment la nécessité de travailler les uns avec les autres au relèvement de leur économie, ils ont là une remarquable occasion de démontrer leur détermination. Un tel programme de construction domiciliaire créerait 85 000 emplois-année. Il assurerait le relèvement d'une foule d'entreprises qui sont liées à la construction. Il y a là, dans une telle réalisation collective, la démonstration possible d'une remarquable confiance dans l'économie québécoise, en même temps que l'expression de ce genre de solidarité qui, en temps normal, est souvent remplacée par des affrontements, mais qui, en temps de difficultés, cimente les volontés dans le sens de l'intérêt public. Il faut maintenant tracer le cadre, Monsieur le Président, dans lequel le budget de 1982-1983 sera défini. Cela implique, de la part d'un gouvernement responsable, un certain nombre de décisions dont aucune n'est facile, mais qui doivent être prises. En premier lieu, il fallait prendre une décision à l'égard des conventions_collectives dans le secteur_public. Les centrales syndicales et la plupart des syndicats indépendants ont, en pratique, opposé une fin de non-recevoir aux propositions gouvernementales de réouverture négociée des conventions_collectives. Le premier_ministre a fait connaître, il y a quelques jours, la décision du gouvernement de ne pas rouvrir unilatéralement cet été les conventions_collectives et donc de respecter sa signature jusqu'à la date d'expiration des conventions fixée au 31 décembre 1982. Cela était fondé sur la crédibilité de l'État face à ses engagements et sur la notion même d'intégrité. Par ailleurs, en pleine récession, alors que des centaines de milliers de gens sont en chômage et que ceux qui travaillent acceptent de plus en plus souvent des révisions de conventions_collectives, renonçant ainsi à des augmentations ou même acceptant des baisses de salaires pour sauver leurs emplois, nous ne pouvons laisser se poursuivre la présente situation. Vingt pour cent de la main-d'_oeuvre disposant à la fois de la sécurité d'emploi et de rémunérations fort élevées par rapport au reste de la population ne peuvent continuer à avoir des conditions telles que nous ayons, comme gouvernement, à taxer encore et davantage le secteur_privé et ses travailleurs. Placé entre ces deux impératifs, le gouvernement a donc décidé de rattraper dès la fin des conventions_collectives les augmentations des six derniers mois de l'année 1982. Ces augmentations auront lieu comme prévu, mais, du premier janvier au 3l mars, elles seront récupérées. Cela ne nous permettra sans doute pas d'éviter toute augmentation de taxe cette année, mais au moins, après ce que nous avons dû faire l'automne dernier, les augmentations de taxes de 1982-1983 seront, de cette façon, beaucoup plus modestes, et les employés du secteur_public et parapublic auront, comme le reste de la population, à supporter leur part du fardeau de la récession. Dans ces conditions, les disposition suivantes seront prises. En premier lieu, les échelles de salaires des cadres de la fonction_publique, des commissions_scolaires et des collèges, de ceux de l'ensemble des institutions du réseau de la santé et de ceux de plusieurs organismes gouvernementaux seront gelés pour un an à partir du 30 juin 1982. En second lieu, les tarifs des médecins, après avoir été augmentés pour la période qui va du premier juin 1981 au 31 mai 1982 seront gelés pour les douze mois qui suivront. Quant aux syndiqués dont les conventions_collectives viennent à échéance le 31 décembre 1982, ils recevront toutes les augmentations prévues jusque là. Une loi sera cependant déposée d'ici deux jours à l'Assemblée_nationale qui prévoira que, du premier janvier 1983 jusqu'au 31 mars, c'est-à-dire pendant trois mois, les salaires seront réduits de façon que l'on récupère une partie des augmentations concédées; de cette façon le gouvernement pourra réaliser les économies qu'il voulait atteindre par sa proposition de gel modulé telle que présentée le 15 avril dernier. La loi prévoira aussi qu'à partir du premier avril les salaires seront tous augmentés au niveau où ils auraient été si les syndiqués avaient accepté cette proposition gouvernementale. Cette loi s'appliquera également aux universités de même qu'aux collèges et écoles privées en vue d'amener dans ces établissements une réduction de coûts qui soit du même ordre, en tenant compte toutefois de leur situation respective. De plus, cette loi prévoira que dans le secteur_public aucun avancement d'échelon ne sera accordé pour l'année 1983. Au total, l'ensemble de ces dispositions salariales permettra au trésor_public de réduire ses dépenses de plus de 600 000 000 $ cette année. Le gouvernement, au lieu de récupérer les augmentations de salaires, aurait pu envisager la mise à pied de plusieurs milliers d'employés. Cependant, compte tenu du niveau actuel du chômage, il a été décidé de procéder par la voie des salaires, uniquement. *{ pagination originale du document: page 3789} Néanmoins, j'annonce ce soir que des mesures immédiates seront prises pour limiter, jusqu'à la fin de l'année financière, le recrutement de personnel à l'extérieur de la fonction_publique. Dans la mesure où, en raison des retraites et des départs, du personnel supplémentaire est nécessaire, il devra être choisi, à quelques exceptions près, dans le réseau des affaires_sociales et, surtout, dans celui de l'éducation où le personnel en surnombre commence à dépasser les limites du raisonnable. Sans doute, certains syndicats voudront- ils, à la lumière de ce que je viens d'annoncer, réexaminer la proposition que le gouvernement leur a faite le 15 avril quant à un gel modulé des salaires du 30 juin au 31 décembre prochain et, ainsi, éviter l'opération que je viens de décrire. J'annonce donc, ce soir, que les syndicats pourront en venir à une entente à ce sujet avec les négociateurs gouvernementaux. La loi qui sera présentée à l'Assemblée_nationale prévoira de tels arrangements et, donc, les exclusions qu'ils entraînent. En dépit de toutes ces dispositions, nous ne pourrons pas éviter toute augmentation d'impôt cette année. On arrivera cependant, pour l'essentiel, à en limiter la hausse à des mesures temporaires. Qu'on me permette, Monsieur le Président, de saluer cette manifestation de satisfaction à l'égard du temporaire plutôt qu'à l'égard du permanent. Commençons, cependant, par une baisse des impôts qui, maintenant, nous est devenue habituelle. Une baisse des impôts. Le premier janvier 1983 les exemptions personnelles seront encore augmentées de 75 %. A titre d'exemple, l'exemption personnelle de base passera à 5 030 $, celle de personne mariée à 3770 $, l'exemption supplémentaire pour les personnes âgées de 65 ans et plus atteindra 2 100 $. En fait, depuis que nous avons introduit au Québec l'indexation des exemptions personnelles pour la première fois le premier janvier 1980 c'est de 40 % que les exemptions personnelles auront augmenté. Et 8i on tient compte de certaines des augmentations d'exemptions personnelles introduites à l'occasion de la réforme de l'impôt sur le revenu de 1978 en y ajoutant ce que je viens d'annoncer, on arrive au résultat suivant: les exemptions de personnes mariées auront pratiquement doublé depuis ce temps, alors que les exemptions pour les personnes de 65 ans et plus et pour les enfants à charge de 18 ans et plus ont plus que doublé. Les hausses d'exemptions personnelles qui entreront en vigueur au premier janvier 1983 représenteront, pour une année complète d'imposition, une réduction d'impôt d'environ 300 000 000 $. Cela est sans doute beaucoup mieux que la situation prévalant avant 1980 alors qu'aucune révision annuelle des exemptions n'existait, mais il s'en faut que la formule que nous avons adoptée soit l'équivalent d'une pleine indexation. En ce qui a trait à l'année 1982 cependant, nous avons à faire face à l'impasse créée par la réduction des transferts fédéraux et par la récession. L'effort demandé aux employés des secteurs_public et parapublic ne sera pas suffisant. Ce que j'ai annoncé ce soir devrait cependant créer, je pense, perturbations. En premier lieu, j'ai demandé à la Société_des_alcools_du_québec d'augmenter son dividende de 50 000 000 $, soit 25 000 000 $ de plus qu'elle n'aurait fait autrement. Des études récentes révèlent que les prix des vins et spiritueux au Québec ont augmenté plus lentement qu'ailleurs. D'autre part, certaines modifications pourraient être apportées au fonctionnement et aux politiques de la SAQ. En second lieu, la taxe sur les cigarettes, les cigares et le tabac, est, à partir de minuit ce soir, portée de 45 % à 50 % soit environ 005 $ le paquet de cigarettes. Une telle augmentation, Monsieur le Président, du prix des cigarettes peut être portée par les consommateurs qui tiennent à leurs habitudes et viendra satisfaire ceux qui luttent avec énergie contre le tabagisme. L'augmentation de la taxe rapportera environ 30 000 000 $. Enfin, j'annonce qu'à partir de minuit ce soir la taxe générale de vente en détail est augmentée de 8 % à 9 % pour dix mois, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars prochain. Le taux de la taxe sur les télécommunications est également porté de 8 % à 9 % pour la période commençant le premier juin 1982 et se terminant le 31 mars 1983. Ces deux modifications rapporteront environ 190 000 000 $. Étant donné qu'il fallait aller chercher une somme de cet ordre, cela semblait être la mesure à prendre. On pouvait songer à autre chose. Une augmentation de 1 % des contributions d'employeurs aux services de santé pendant six mois aurait rapporté à peu près la même somme. Dans la mesure cependant où elle pourrait fort bien être répercutée sur les clients, elle pourrait toucher les prix de toute une gamme de produits qui ne sont pas imposables au titre de la taxe de vente. Maintenant qu'elle a été enlevée de la plupart des produits essentiels, la taxe de vente est beaucoup moins régressive qu'elle ne l'était. On aurait pu aussi songer à une augmentation de l'impôt sur le revenu. Cet impôt est cependant déjà élevé au Québec. *{ pagination originale du document: page 3790} Nous avons supprimé en novembre dernier la baisse de 2 % annoncée pour le premier janvier dernier, et toute augmentation à ce stade-ci, même temporaire, risque d'avoir des effets psychologiques plus sérieux encore que sa portée réelle. Il faut, en outre, prendre position à l'égard des mesures fiscales découlant du dernier budget fédéral. Ce budget a donné lieu, sous l'effet de la critique, à un nombre considérable de modifications et il n'est pas dit que les changements qui y seront apportés aient tous été annoncés. En tout état de cause, la législation fédérale n'a toujours pas été déposée. Or, chaque année, à l'occasion d'une déclaration ministérielle, j'annonce une loi d'harmonisation de la loi québécoise de l'impôt sur le revenu aux modifications apportées à la loi fédérale. L'harmonisation n'est pas nécessairement totale, en ce sens que les points de vue des deux gouvernements peuvent diverger sur telle ou telle mesure. Dans l'ensemble, cependant, l'on cherche et l'on réussit assez bien à éviter l'apparition d'une jungle fiscale, dont les contribuables feraient les frais. En raison des délais apportés au dépôt de la loi fédérale, je profite de l'occasion du discours sur le budget pour annoncer que la législation et la réglementation fiscales québécoises seront modifiées afin de mieux harmoniser les assiettes d'imposition fédérale et québécoise et que ces mesures de concordance seront applicables aux mêmes dates qu'elles le seront aux fins de l'impôt fédéral sur le revenu. Il va de soi, cependant, que ces mesures de concordance ne seront adoptées qu'après l'adoption de toute législation ou réglementation fédérale découlant des avis de motions des voies et moyens. D'ici là, je me réserve le droit d'examiner attentivement la législation et la réglementation fédérales et d'annonce subséquemment, s'il y a lieu, certaines exemptions ou adaptations à ces mesures de concordance, lesquelles ne prendraient effet qu'après une éventuelle déclaration ministérielle à moins, bien sûr, qu'elles ne soient favorables aux contribuables, auquel cas elles pourraient s'appliquer rétroactivement à la date d'entrée en vigueur des modifications fédérales. Il me faut, enfin, annoncer deux mesures de moindre envergure, je le reconnais, fort différentes l'une de l'autre et qui ont des objets spécifiques. En premier lieu, la loi des impôts successoraux sera modifiée de façon que des oeuvres d'art puissent être acquises par le gouvernement du Québec ou par les musées selon une formule de dation en paiement ou en remplacement du paiement des droits successoraux. Cette mesure s'applique à toute succession ouverte à partir de minuit ce soir. En second lieu, et bien différemment, Monsieur le Président, les droits sur le pari mutuel sont augmentés de 1 % et le produit de ces droits servira au financement de l'amélioration à la fois de l'industrie chevaline et des courses, c'est-à-dire augmentera les entrées futures de taxes et d'impôts, ce qui est bien. D'autres mesures fiscales ont été ; discutées avec divers groupes et industries depuis quelques mois. Certaines propositions, comme, par exemple, celle d'un centre ` bancaire international à Montréal, sont fort intéressantes, mais ne sont pas encore au point. Dans la mesure où elles sont précisées, on pourra les faire intervenir dans le courant de l'année qui vient, si l'état des finances le permet. Il est clair cependant que, pour le moment, elles doivent s'effacer devant la nécessité de rétablir les grands équilibres des finances_publiques. A partir des modifications budgétaires et fiscales qui viennent d'être annoncées, de même que de diverses mesures 4 administratives, on peut tracer les équilibres généraux sur la base du tableau suivant. On constatera, à la lecture de ce tableau, que les dépenses budgétaires prévues s'établissent à 22 655 000 000 $, soit 630 000 000 $ de moins que les crédits budgétaires déposés le 23 mars 1982. Cette - réduction est essentiellement attribuable aux dispositions salariales que je viens d'annoncer. Le déficit prévu est voisin de 3 000 000 000 $ pour la troisième année consécutive, en dépit d'une augmentation de la production nationale d'environ 25 % au - cours de ces années. Quant aux besoins financiers nets, ils sont prévus comme étant un peu supérieurs à 2 000 000 000 $, soit une centaine de millions de dollars de moins que l'année précédente, et près de 300 000 000 $ inférieurs à ceux de 1980- 1981. Bien sûr, dans beaucoup de milieux soutiendra-t-on que ces estimations pourraient être dépassées. Dans la mesure où les compressions annoncées pour 1982-1983 semblent moins contentieuses que celles de l'année précédente, ou plus simplement prolongent une sorte d'accoutumance, dans la mesure aussi où la loi sur les salaires dans les secteurs_public et parapublic sera appliquée, dans la mesure où la fin de l'année 1982 marquera une certaine reprise, et dans la mesure enfin où nous pourrons relancer la construction domiciliaire, il n'y a pas de raison de ne pas atteindre ces objectifs relatifs au déficit et aux besoins financiers nets. On dira que les conditions sont nombreuses. Pour l'essentiel, cependant, elles relèvent essentiellement de la volonté de faire et de réaliser. *{ pagination originale du document: page 3791} Une projection en 1983-1984 et en 1984-1985 conforme aux principes que j'ai énoncés auparavant et dont on trouvera une explicitation dans une annexe au discours sur le budget, et qui incorpore l'ensemble des décisions qui viennent d'être annoncées, permet de se faire une idée de la progression des revenus et dépenses, et des modifications qui interviendront à la fois pour ce qui a trait au déficit budgétaire et aux besoins financiers nets. On constatera qu'une marge de manoeuvre apparaît l'an prochain, qui prend de l'ampleur en 1984-1985. Dans ce sens, des besoins financiers nets projetés pour cette année-là à 1 600 000 000 $ ne doivent pas être compris comme un objectif que l'on vise; comme je l'ai indiqué, l'écart des fardeaux fiscaux entre le Québec et d'autres régions d'Amérique_du_nord, l'Ontario en particulier, atteindra alors un niveau difficilement acceptable. Pendant le premier ; mandat de notre gouvernement, nous avons, comme on l'a montré précédemment, considérablement réduit le fardeau fiscal relatif du secteur_privé au Québec; il s'est ouvert à nouveau depuis un an pour les raisons que l'on a indiquées. Il faut maintenant s'engager dans la voie de le réduire à nouveau une fois passée la crise de 1982-1983. Quoi qu'il en soit, face à cette crise, on peut se demander comment le Québec se situe par rapport à d'autres provinces. Si les observateurs nombreux qui analysent les finances du Québec se livraient de temps à autre à cet exercice, beaucoup d'attaques Immodérées ne se produiraient pas. La Nouvelle-écosse vient d'annoncer des ; augmentations de presque toutes ses taxes et Impôts, d'un montant qui, si cette province avait notre population, lui rapporterait 1 450 000 000 $ pour la seule année 1982- 3 1983. Et néanmoins, ses besoins financiers nets, relativement à sa population, resteront supérieurs aux nôtres. Quant au Nouveau-brunswick, après avoir annoncé une augmentation de son impôt sur le revenu, il aura des besoins financiers nets plus de deux fois plus importants que ceux du Québec. Le Manitoba augmente sérieusement ses impôts sur les hauts revenus, introduit une contribution d'employeur analogue à celle que nous avions jusqu'à l'an dernier, accroît diverses taxes et se retrouve néanmoins avec des besoins financiers nets largement supérieurs aux nôtres, toute proportion gardée. L'Ontario qui, depuis cinq ans, pratique des compressions budgétaires qui, chez nous, transformeraient les clameurs que nous connaissons en hurlements, augmente ses besoins financiers nets de 40 %, ajoute plus de 550 000 000 $ aux taxes applicables aux particuliers, mais réduit les impôts sur les entreprises. Sa situation financière initiale lui permet, en somme, de favoriser la reprise, tout en augmentant nettement le fardeau fiscal des particuliers. De telles comparaisons révèlent en tout cas que d'autres provinces sont placées dans une situation très critique, alors que d'autres profitent de leur modération passée Il faudrait peut-être de temps à autre se référer à de tels exemples pour évaluer la politique fiscale du Québec, qui se situe à peu près à mi-chemin. En pratique, le contraste est étonnant entre les trois provinces les plus à l'Ouest du Canada, dont les budgets sont habituellement en surplus et qui ont maintenant un très bas niveau de taxation, et toutes les autres provinces au Centre et à l'Est du Canada, qui s'enfoncent dans des déficits de plus en plus prononcés et, dans ces conditions, n'ont guère le choix que de couper les dépenses autant qu'elles le peuvent, augmenter les Impôts et donc accentuer davantage chez elles l'ampleur de la récession. Rien ne condamne autant la politique économique et fiscale suivie par le gouvernement fédéral que ce contraste, que cette coupure entre deux régions du Canada. La compression des transferts aux provinces, en même temps que le haut niveau des taux_d'_intérêt et des règlements fort coûteux de conventions_collectives dans les divers secteurs_publics, ont rendu nécessaire d'augmenter à l'est de la Saskatchewan, parfois de façon prodigieuse, le niveau des impôts provinciaux. La chute du prix international du pétrole et la politique nationale de l'énergie ont fait éclater certains des plus grands projets énergétiques dans l'Ouest et ont conséquemment annulé les retombées que l'on en attendait au Centre et dans l'Est. Dans ces conditions, l'économie canadienne n'a plus qu'à attendre que l'économie américaine se relève et que les taux_d'_intérêt y baissent. Ce qui aurait pu être fait de l'intérieur s'est maintenant dissipé. Au Québec, en résumé, nous allons, en corrigeant l'évolution des rémunérations dans le secteur_public et en augmentant, temporairement, pour l'essentiel, certaines taxes à la consommation, dégager les sommes nécessaires pour entreprendre un certain nombre de mesures d'urgence et, en particulier, le relèvement de la construction domiciliaire, tout en maintenant le niveau du déficit budgétaire et des besoins financiers à des niveaux qui, par rapport à d'autres gouvernements, apparaissent fort raisonnables. En même temps, nous amorcerons certaines transformations de l'économie du Québec dont Le virage technologique a esquissé les voies essentielles. *{ pagination originale du document: page 3792} Au Québec, en somme, Monsieur le Président, le gouvernement prendra ses responsabilités, et c'est ainsi que nous avons décidé d'organiser à la fois la résistance à la crise budgétaire et la réaction à la récession économique à partir d'un plan d'action simple, mais qui devrait être efficace, c'est-à-dire d'abord de réduire le coût des services_publics, sans en affecter appréciablement la qualité; deuxièmement, de ramener les rémunérations du secteur_public à un niveau plus conforme à ce qui se fait dans le secteur_privé; troisièmement, de prendre tous les moyens pour faire redémarrer la construction; quatrièmement, de maintenir le fardeau fiscal au minimum nécessaire et, cinquièmement, de commencer dès maintenant à esquisser les voies du relèvement de l'économie du Québec. Déjà, comme on l'a signalé précédemment, la publication de la deuxième tranche de Bâtir le Québec esquisse les voies d'un virage technologique. Cela est conforme aux exigences des faits. Jusqu'en 1980, l'économie québécoise a réalisé de remarquables progrès. Depuis deux ans, nous traversons de formidables difficultés. Il est temps de nous secouer et, sans nous faire l'illusion que l'on peut abattre toutes les contraintes auxquelles nous sommes soumis, au moins chercher à nous sortir de la récession et assurer la relance d'autant mieux d'ailleurs que les Québécois participeront ensemble à l'opération. Une telle opération exige de la part des citoyens à la fois un certain réalisme et de la confiance en eux-mêmes. Le réalisme doit s'exprimer par la modération des appétits. Tous ceux qui, dans les secteurs_public ou privé, manifestent leurs intentions d'obtenir 15 %, 20 % ou 25 % d'augmentation cette année ou l'an prochain, d'ailleurs, devraient prendre conscience du sérieux de la situation et agir en conséquence. L'économie ne pourra simplement pas offrir plus qu'elle ne le peut et, actuellement, elle ne peut guère. La confiance en soi doit amener les Québécois à maintenir, à accentuer l'espoir de poursuivre longtemps encore la reprise en main de leurs affaires, comme ils ont commencé à le faire depuis un certain ! nombre d'années, à assurer le maximum de présence dans l'économie québécoise et à occuper une place toujours croissante sur les marchés d'exportation. L'avantage d'être un petit pays, c'est que l'on peut accroître considérablement ses affaires avant de gêner des intérêts majeurs. Encore faut-il de la persistance, de l'énergie, une solidarité tenace et la compréhension active des pouvoirs publics. Avec un peu de tout cela, la récession actuelle ne sera bientôt qu'un mauvais souvenir.