*{ Discours d'Ouverture de l'Assemblée nationale du Québec. Discours inaugural: 17 mars 1994 } Monsieur le Président, nous procédons aujourd'hui à l'ouverture de ce qui, de toute évidence, sera la dernière session de cette Législature. C'est en cette fête de la Saint-patrick, à l'occasion de laquelle il y a souvent des changements climatiques, mais que nous remplaçons aujourd'hui par des changements de climat de l'Assemblée_nationale. Cette session, de toute évidence, ne s'étendra véritablement pas au-delà de la fête nationale. Elle sera donc passablement brève, mais il n'appartient qu'à nous de la rendre productive. Nous avons, pour les prochains mois, des défis réels, tous, à relever ensemble. Le défi de redonner aux Québécois le goût d'agir et l'occasion de travailler. Nous avons à augmenter le rythme d'activité de notre société. Nous avons, dans les mois qui viennent, à saisir toutes les occasions que la reprise peut nous offrir de construire encore plus rapidement et solidement notre société. J'ai l'occasion aujourd'hui de décrire l'action que le gouvernement envisage, que votre gouvernement envisage dans ces prochains mois. De nombreux défis qu'on pourrait qualifier de gigantesques s'offrent à nous. Nous avons toujours ce défi d'améliorer la qualité de nos institutions, de faire en sorte que les services demeurent disponibles, accessibles, d'assurer à toutes les familles québécoises, à tous les Québécois et les Québécoises un niveau_de_vie incomparable. Mais la grandeur des défis exige de nous que nous déployions des efforts de créativité et d'initiative sans précédent. Le dynamisme économique que nous souhaitons est le seul gage de la pérennité des services que nous nous sommes donnés au fil des générations. L'éducation, la santé, notre capacité d'assurer notre développement culturel, nos possibilités de respecter notre environnement tout en nous développant sont autant de défis réels que nous ne pouvons relever qu'à la source de notre capacité à nous développer au point de vue économique, cette capacité qui repose en partie sur la capacité du gouvernement d'être attentif aux besoins de tous nos concitoyens et nos concitoyennes. Non seulement cette capacité d'écoute mais surtout cette capacité d'action détermineront nos succès. *{Page 4} nous aurons, dans cette écoute et cette attention à l'action, à concentrer toutes nos énergies vers l'emploi, la création d'emplois, le maintien de l'emploi de même que sur tous les leviers qui peuvent permettre cette création, ce maintien et ce soutien de l'emploi au Québec. Pourquoi l'emploi? Parce que c'est un signe fondamental du respect que nous avons pour nos concitoyens et concitoyennes, parce que c'est par l'emploi et le travail qu'on a un avenir; c'est par l'emploi et le travail qu'on peut faire des projets, entreprendre, partout au Québec; c'est par l'emploi et le travail qu'on peut fonder un foyer; c'est grâce au travail qu'on peut continuer à bâtir ce patrimoine commun dont nous avons hérité; c'est par le travail que nous pouvons, de nos propres mains, prendre le relais des générations et préparer l'avenir de ceux qui nous suivent; c'est par le travail que nous pouvons tous, individuellement, retrouver la fierté et la dignité. Mais c'est également, collectivement, notre sécurité que nous assurons par l'emploi, notre sécurité par la cohésion que le travail détermine; notre sécurité par notre capacité de maintenir et d'améliorer nos régimes de services_publics et notre qualité_de_vie. Mais c'est également surtout en donnant de l'espoir, en ouvrant la porte de l'avenir à ces jeunes qui sont dans nos écoles, nos collèges, nos universités et qui ne nous pardonneraient jamais de ne pas leur réserver un meilleur avenir et des perspectives d'emploi. C'est la seule façon de contrer le désespoir que nous aurions à confronter alors que des jeunes pourraient déserter cette société et même en rejeter toutes les obligations et les responsabilités sociales et individuelles. Le gouvernement soutiendra donc tous les groupes qui sont voués à la recherche de l'emploi, qui veulent en créer, qui veulent en maintenir, en sécuriser, qui veulent ajouter de la valeur à l'activité humaine, qui veulent aider et soutenir nos concitoyens qui sont en transition vers l'emploi, qui ont besoin de formation, qui ont besoin d'être intégrés dans la trame du travail au Québec. Ce souci est universel. On l'a vu à Détroit, il y a quelques jours à peine, alors que les grands pays du monde réitéraient cette volonté d'affronter ce problème du sous-emploi, de le régler d'une façon définitive, solide, crédible, réaliste, non pas par le recours à des gestes hypothétiques, mais véritablement par de l'action ferme et immédiate. Les Québécois et les citoyens attendent de leur gouvernement cette action ferme et réaliste. L'emploi est d'abord ce ciment de la cohésion sociale. Il nous permet de contrer les effets dévastateurs de la pauvreté. Il permet l'enrichissement collectif. Il permet à nos jeunes de donner leur pleine mesure dans notre société. Il permet une meilleure distribution de notre richesse et assure une plus grande justice sociale. C'est donner la chance à tout le monde que de susciter la création et le maintien de l'emploi chez tous nos concitoyens. C'est d'ailleurs dans ce sens que j'ai fait un appel, en fin de semaine, à tous ces groupes qui se soucient de l'emploi chez leurs concitoyens. Ces syndicats, ces groupes de pression, ces gens voués à une clientèle, ceux qui, dans tous nos milieux, veulent assurer la prise en main de leur avenir par nos concitoyens et concitoyennes auront, je le répète, une oreille attentive et un partenaire actif dans ce gouvernement afin de régler les problèmes que nous connaissons tous. Nous avons voulu, comme formation politique dont le gouvernement est issu, donner un signal très concret de cette volonté de nous attaquer au problème de l'emploi. Nous avons décidé et nous avons réitéré notre volonté de diminuer le chômage au Québec de 5 % dans les prochaines années. Comme on le dit dans vos procès-verbaux, Monsieur le Président, à l'Assemblée_nationale «un débat s'ensuivit». Je suis très heureux que nous ayons engagé le débat sur cet objectif, car cet objectif avait précisément pour but de mobiliser les Québécois, de leur faire prendre conscience que ce sont des gestes concrets pour atteindre des objectifs concrets qu'il nous faut comme société et que nous avons déjà réussi à relever des défis de cette ampleur. Nous ne nous sommes pas rendus où nous sommes comme société en nous donnant des objectifs trop bas et peu ambitieux. Au contraire, nous avons même réussi dans les années passées, de 1983 à 1988, à diminuer le taux de chômage du Québec de 4,5 %. Pourquoi ne pas tenter maintenant de faire un peu mieux? Tenter de faire moins, c'est abdiquer; tenter de faire moins, c'est oublier ceux qui ne travaillent pas. Viser moins que 5 %, c'est faire en sorte qu'on ne se soucie plus de ceux qui attendent l'espoir, qui examinent comment leur gouvernement veut susciter cette reprise économique, comment nous voulons nous employer, tous ensemble, à procurer des emplois à nos concitoyens. Et il y a des stratégies que nous pouvons emprunter. Ce n'est pas une théorie, ce n'est pas une hypothèse, ce n'est pas le résultat d'un grand rêve ou d'un grand soir, c'est d'emprunter des stratégies bien définies qui nous permettront d'atteindre cet objectif. Et nous soumettons aux Québécois une stratégie en cinq points. D'abord, accélérer les moteurs de l'économie; deuxièmement, transformer notre gouvernement; troisièmement, accorder notre appui à des secteurs en émergence qui créeront beaucoup d'emplois dans les années qui viennent; quatrièmement, nous soucier de façon très précise du développement économique des régions par des politiques calquées sur les besoins des régions; et, finalement et surtout, en nous concentrant davantage sur notre main-_d'_oeuvre, sur le capital humain, sur nos ressources_humaines au Québec. D'abord, les moteurs de l'économie. Heureusement, la reprise est à nos portes. Nous en sommes tous extrêmement heureux. Depuis six mois, 66 000 Québécois de plus ont trouvé du travail. Depuis deux mois, près de 40 000 d'entre eux ont trouvé du travail. Les exportations ont augmenté de plus de 20 % par rapport à l'an dernier. *{Page 5} les conditions de taux_d'_intérêt extrêmement bas et d'une inflation encore plus basse réunissent les conditions d'une reprise, insèrent quelque peu plus de certitude dans les décisions de tous ceux et celles qui, partout au Québec, envisagent l'avenir et veulent prendre des risques, et permettent donc, de façon plus sereine, d'affronter l'avenir. D'abord, ce premier moteur de la consommation, nous l'avons dit, nous le répétons, c'est la certitude et la prévisibilité des conditions, la confiance en l'avenir, la stabilité qui est un facteur d'augmentation de la consommation. De notre côté, notre projet politique est un facteur de stabilité et de confiance, et c'est notamment de cette façon que nous pouvons, comme gouvernement, relancer la consommation. Nous pouvons également, par des politiques d'ouverture et d'intégration calme, sereine, d'immigrants, faire en sorte que la croissance démographique ne soit pas un rêve, mais une réalité qui, là aussi, permettra la relance de la consommation. Et, troisièmement, nous pouvons envisager dans les années qui viennent, dans la mesure où la reprise accélère, comme nos actions peuvent le permettre, distribuer aux consommateurs et aux contribuables une partie du dividende de cette croissance, afin, là aussi, de relancer la consommation. Deuxième moteur, celui de l'investissement. Il est évident que, comme gouvernement, comme tous les gouvernements du monde occidental, maintenant, nous privilégions l'investissement par le secteur_privé. Mais il est également évident que, là où ces investissements pourraient chanceler, comme ils l'ont fait partout au Canada depuis un an ou deux, le gouvernement a le devoir d'intervenir, afin de maintenir, soutenir et créer l'emploi. Et nous l'avons fait par différentes interventions, et nous aurons encore et toujours à le faire. Heureusement, les intentions d'investissement du secteur_privé, à près de 20 % d'augmentation par rapport à l'année précédente, sont encore là un signe d'espoir et de confiance. Ce qui n'a pas empêché, de notre coté, afin de nous arrimer à ces intentions et de les susciter toujours davantage, de mettre de l'avant un plan de relance de l'économie, une quarantaine de mesures de 1 000 000 000 $ pour 47 000 emplois, qui va dans le sens de la reprise, et de la relance et de la confiance du secteur_privé dans l'économie québécoise. De la même façon, nous avons, avec nos partenaires des municipalités et du gouvernement fédéral, assuré la mise en oeuvre de travaux d'infrastructures de plus de 1 500 000 000 $ qui affecteront la vie de 20 000 travailleurs québécois. Nous avons, d'ailleurs - pensant, là aussi, à l'avenir - réservé une portion de ces investissements à un Centre d'expertise et de recherche en infrastructures urbaines, afin de toujours mieux rentabiliser ces investissements publics. C'est en vertu de ce même critère de l'emploi d'abord et avant tout que nous avons récemment décidé d'accélérer les travaux d'infrastructures d'Hydro-québec. Qu'il s'agisse de Sainte-marguerite ou de la ligne entre Lévis et le poste des Cantons, des milliers d'emplois - 12 000 - et 1 700 000 000 $ d'investissements sont au crédit des travailleurs québécois. Le troisième moteur, celui de l'exportation, est également en voie d'accélération. Alors que les frontières partout dans le marché international s'effondrent, alors que nous avons été, comme Québécois, à l'avant-garde de la conclusion des traités de libre-échange avec les États-unis et avec le Mexique, nous avons, de façon assez ironique, pratiqué le contraire du libre-échange avec nos voisins canadiens. Il est logique maintenant que nous fassions davantage, que nous reconnaissions que le plus gros marché d'exportation des produits québécois est cette entité qu'est le reste du Canada, et qu'en conséquence nous devons construire sur les succès récents des ententes que nous avons conclues avec le Nouveau-brunswick et avec l'Ontario, afin de pouvoir, dans les semaines qui viennent, conclure avec l'ensemble de nos partenaires canadiens de toutes les provinces un accord qui couvrirait 11 activités différentes, un véritable libre-échange avec nos voisins canadiens. Se sont ajoutées tout récemment, cette semaine, des annonces du ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés_culturelles, visant à faire en sorte que cette capacité d'exporter qui est la marque de commerce des meilleures entreprises québécoises soit disponible et accessible à nos plus petites entreprises à la recherche de marchés étrangers. Au-delà de ces moteurs de la création d'emplois et de l'économie, l'État lui-même est un acteur. Nous avons, dans cette obligation d'appuyer l'entreprise québécoise et la création d'emplois, à renouveler la façon dont le gouvernement s'acquitte de ses responsabilités. Le gouvernement est véritablement un partenaire, actif ou passif, de la création d'emplois. Soit qu'il soutienne de façon spécifique des initiatives d'entreprises québécoises, ou alors que, par son poids, par son silence, par son inaction dans d'autres cas, il vienne nuire à l'expansion des entreprises québécoises. Il s'agit donc de voir comment nous intervenons. Il s'agit de voir comment des irritants sont créés lorsque l'entreprise tente d'entreprendre, lorsque les créateurs d'emplois veulent créer des emplois. Qu'il s'agisse des entreprises, qu'il s'agisse de leurs projets, de création d'emplois, de services qui peuvent être rendus ici ou exportés sur d'autres marchés, il faut regarder à chaque fois la participation gouvernementale et évaluer l'aide ou la nuisance que le gouvernement peut représenter par son action ou son inaction. C'est à ce titre, d'ailleurs, et afin de régler certains de ces problèmes que le gouvernement a demandé à un groupe de travail en matière de législation et de réglementation du revenu, à titre d'exemple, de restaurer l'équité fiscale, de diminuer les coûts pour le contribuable, de faire affaire avec le gouvernement à ce titre, et d'assurer une relation simple, rapide et respectueuse du contribuable à tout instant. De la même façon, nous devons assurer un dialogue constant non seulement comme employeur avec nos employés, mais de l'ensemble du secteur_public avec tous ses clients, avec tous les contribuables, avec tous ces bénéficiaires de services gouvernementaux. *{Page 6} nous avons également à examiner dans cette relation, je dirais, le libre-échange que les secteurs_privé et public peuvent pratiquer. Dans de nombreux cas, seul l'État peut assurer des services_publics, seul l'État peut redistribuer aux bénéficiaires que sont les contribuables le fruit de leur effort sous la forme des services dont ils ont besoin. Mais, d'autres fois, le secteur_privé, par son expertise dans la livraison de certains services, est beaucoup plus efficace que nous pourrions l'être. Il faut, avec un regard neuf et l'esprit ouvert, examiner comment nos ressources peuvent être mieux utilisées en ayant recours, selon les besoins, au secteur_privé ou au secteur_public, pour assurer les services auxquels nos concitoyens ont droit et pour lesquels ils ont payé. A ce titre, qu'il s'agisse de l'impartition ou de la sous-traitance, nous devons être attentifs aux besoins autant des usagers que des fournisseurs, que des employés. Dans les exercices de privatisation, nous aurons là aussi à continuer ces démarches. Nous devons le faire en évaluant à chaque étape qui, du secteur_public ou du secteur_privé, peut mieux efficacement assurer la distribution d'un bien ou d'un service en évaluant l'opportunité, à chaque étape, pour le secteur_public de maintenir sa présence dans des secteurs commerciaux. Nous avons également, sous la présidence d'un de nos collègues, le député de Saint-jean, mis sur pied un comité visant à, très rapidement, ces jours-ci, faire rapport au gouvernement sur les perspectives de déréglementation, de réduction de la paperasse et d'amélioration des rapports, encore une fois, entre le gouvernement et les citoyens. Et nous avons, au titre des finances_publiques, à réitérer notre détermination de respecter nos engagements de faire en sorte qu'il ne soit pas possible pour les générations qui nous suivent d'être alourdies, de voir leurs épaules alourdies du fardeau de l'endettement public. Il est évident que nous devons, afin de respecter ces engagements, faire en sorte que tous ceux qui doivent de l'impôt le paient, que nous avons à plus d'un titre la responsabilité de remettre de l'avant le caractère prioritaire, sinon sacré, des lois qui sont votées ici, à l'Assemblée_nationale, que les moyens illégaux empruntés par certains doivent être contrés. Nous l'avons fait pour la contrebande et nous entendons le faire pour les autres mesures d'évasion fiscale que certains citoyens sans scrupules utilisent afin de se soustraire à leurs obligations, non seulement personnelles et individuelles mais collectives. Comme gouvernement, nous pouvons également et devons soutenir la création d'emplois et le développement de secteurs qui, depuis quelques années, représentent une création d'emplois beaucoup plus réelle, rapide, que certains secteurs traditionnels, qu'il s'agisse du domaine des télécommunications où la très haute valeur_ajoutée par cette activité aux emplois traditionnels nous invite à appuyer de façon spécifique les initiatives des entreprises québécoises... Nous l'avons fait depuis de nombreuses années, à hauteur de plus de 120 000 000 $, notamment par les interventions d'Innovatech et du Fonds de développement technologique dans ce qu'il est convenu d'appeler l'autoroute_électronique, dans cette façon de nous inscrire, nous aussi, dans des les échanges commerciaux internationaux, de nous y inscrire en Nord-américains et de nous y inscrire en français. C'est autant avec la francophonie qu'avec nos voisins immédiats que nous avons à dresser un plan de bataille réel qui nous permette de participer pleinement à l'éclosion de cette nouvelle forme de création d'emplois, de cette nouvelle forme de communication en Amérique et dans le monde. Dans le secteur de l'énergie, des nouvelles connaissances dans la protection de l'environnement, dans les façons de régler ou d'approcher les problèmes de conservation d'énergie, nous avons là aussi un rôle à jouer. Et c'est ainsi que nous devrons très prochainement mettre à jour nos connaissances et nos plans de développement, nos façons de faire, nos politiques en matière de planification intégrée des ressources énergétiques. Un document sera déposé à cet effet très prochainement. Dans toutes les régions du Québec, par ailleurs, le gouvernement a cette responsabilité première d'assurer le développement équilibré de tout le Québec. La clé de la sérénité et de la stabilité de notre société réside dans cette capacité de pouvoir donner à chaque citoyen et chaque citoyenne ce sentiment qu'il fait partie de la grande famille québécoise, où qu'il habite. C'est dans la poursuite de cet objectif que nous avons récemment mis sur pied une politique de développement régional qui vise, par la décentralisation, par la prise en main localement de certaines décisions, à faire en sorte que nos concitoyens et concitoyennes se retrouvent pleinement dans les initiatives gouvernementales, dans les projets régionaux et dans les initiatives locales. Nous avons, par des structures extrêmement légères mais représentatives, comme les conseils régionaux de développement, mis à la disposition de toutes les régions du Québec plus de 300 000 000 $ des fonds décentralisés de création d'emplois, tout récemment, qui représentent une façon concrète d'appuyer le développement des régions. Nous aurons très bientôt l'occasion de négocier une nouvelle entente avec le gouvernement fédéral en matière de développement économique régional. A cette occasion, nous pourrons réaffirmer nos priorités et faire en sorte que le développement économique régional bénéficie de l'appui non seulement du gouvernement du Québec, mais également du gouvernement fédéral. Nous pourrons soumettre très prochainement, également, le plan de développement de la voirie, du réseau routier, jusqu'à l'an 2000: là aussi un facteur important de développement pour l'ensemble des régions du Québec. *{Page 7} mais c'est surtout à l'endroit des Québécois et des Québécoises que nous pouvons agir afin d'assurer le développement économique harmonieux le plus complet et le plus solide possible de l'ensemble du Québec. Ce capital humain, ce fondement même de la qualité de notre société, demande des interventions d'abord au niveau de l'éducation et de tous ces services que nous pouvons rendre à nos jeunes. Notre responsabilité à leur égard est d'abord de leur permettre de s'insérer dans la trame économique du Québec, de pouvoir réaliser tous leurs talents au service non seulement de leurs propres ambitions, mais de celles de tous ceux qui les entourent. Si la famille a un rôle primordial en créant cette atmosphère dans laquelle l'éducation peut se dérouler, il revient à l'État, qui en a les moyens, d'assurer la formation et l'instruction de nos jeunes. Nous avons déjà mis sur pied et annoncé diverses mesures. Le ministre de l'Éducation, tout récemment, de même que sa prédécesseure, ont pu, à cet égard, annoncer des programmes visant à améliorer la formation des enseignants et des enseignantes, à faire en sorte que, dès 1995, nous pourrions introduire de meilleurs et plus efficaces programmes de français; que nous n'abandonnons pas et n'abandonnerons pas les investissements que nous avons consentis au titre de la réussite éducative; que nous aurons, pour refléter la démographie québécoise et les nouvelles valeurs, à instaurer des commissions scolaires linguistiques, suite au dépôt du rapport Kenniff; que nous nous attaquons, grâce à un groupe de gens reconnus dans leur domaine, à redéfinir le profil d'éducation aux niveaux primaire et secondaire, et que nous aurions toujours intérêt à concentrer notre attention sur la rationalisation et l'harmonisation de la formation professionnelle au secondaire et de la formation technique dans nos collèges, le tout en suscitant des partenariats toujours plus nombreux avec l'entreprise privée, terre d'accueil privilégiée de ces jeunes dans lesquels nous investissons tellement de nos ressources. Au-delà de l'éducation, et en voyant ce que nous devons faire à plus long terme sur le marché_du_travail, les activités de formation doivent nous préoccuper au plus haut point. Nous avons déjà mis sur pied une formule efficace qui permet de rejoindre tous ceux et celles qui veulent se préoccuper de formation. La Société_québécoise_de_développement_de_la_main-d'_oeuvre, par le contenu qu'elle suggère de ses stages en entreprise, de stages de formation et de toute la participation du secteur_privé et de toutes les institutions intéressées à la formation, est un exemple probant de ce que nous pouvons faire comme société en voulant régler de façon réelle, réaliste et rapide les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Par ailleurs, à ce titre, et avec le gouvernement fédéral, nous recherchons, à relativement court terme - je le resignale - des progrès mesurables, car les chômeurs n'ont pas véritablement le temps d'attendre. Nous avons à poursuivre la constitution, d'abord, comme étape préalable, d'un guichet unique afin d'améliorer les services à nos concitoyens. Mais nous visons, comme gouvernement, la maîtrise d'oeuvre et continuerons à viser la maîtrise d'oeuvre dans ce domaine important afin de faire en sorte que les outils qui sont destinés à ceux qui veulent du travail puissent être exercés et maniés par le gouvernement du Québec, comme il se doit, sur son territoire. Mais tous nos efforts au titre de l'économie et de la création d'emplois ne prennent véritablement leur sens que lorsque nous voyons qu'il ne s'agit là que de nous donner, comme société, les ressources qui permettent de rencontrer les besoins de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Si le travail est, pour chacun et chacune d'entre nous, une valeur - donc, un besoin que nous poursuivons - il n'en reste pas moins que c'est autour de valeurs beaucoup plus larges, beaucoup plus profondes qu'une société se définit, que sa qualité se voit, que sa solidité se constate. Nous avons, comme gouvernement, cette obligation, ce devoir, cette responsabilité en cette Année internationale de la famille, comme à tous les ans, de nous pencher de façon plus précise sur les besoins de la famille québécoise, et, de façon plus large, sur les besoins de protection sociale de nos concitoyens. Si nous avons, du point de vue fiscal et financier, réservé et ménagé une augmentation remarquable de notre soutien aux familles avec enfants au Québec depuis cinq ans, triplant le soutien financier disponible, il n'en reste pas moins que c'est encore de ce côté que nos actions doivent s'orienter, que les besoins les plus criants, parce que les bases mêmes du renouvellement de notre société en dépendent, que ces besoins se retrouvent encore auprès de la famille québécoise. Nous aurons, dans les semaines et les mois qui viennent, à déposer notre politique des services à la petite enfance. Nous entendons, dans les semaines et les mois qui viennent, proposer et adopter des mesures qui permettent de réconcilier les responsabilités familiales et les exigences du marché_du_travail. Nous avons l'intention de mettre de l'avant des mesures concrètes qui permettent d'intégrer sur le marché_du_travail, avec tout le soutien que cela peut requérir, cette mère de famille, ce parent seul avec enfants, qui tente de contribuer de façon pleine et entière à cette double obligation de fonder et de soutenir la vie familiale et d'atteindre l'autonomie financière. De la même façon, nous réviserons toutes les mesures touchant les services de garde et étendrons à tout le Québec des services de médiation familiale, autant d'initiatives qui font en sorte que la famille québécoise, malgré ses manifestations et son évolution, saura que son gouvernement la soutient dans son développement à travers les défis qui doivent, de façon nouvelle et plus exigeante, être relevés. De la même façon et, je dirais, au même titre, il nous appartient de diminuer et même de contrer partout où nous pouvons le faire cet accroissement de la violence faite aux jeunes, aux femmes et aux aînés. *{Page 8} a travers ce diagnostic qui pourrait nous amener à nous attaquer à des causes, nous ne devons pas risquer d'oublier les victimes. On peut parler et nous devons recourir davantage à la prévention, mais nous devons également nous soucier de ceux qui sont affectés en toute première ligne. A cet égard, nous publierons tout prochainement une politique globale de lutte à la violence conjugale. Nous publierons également les conclusions et agirons rapidement à l'égard du rapport Jasmin sur les jeunes contrevenants. Nous donnerons des suites concrètes aux mesures de prévention de la criminalité, qui impliqueront, suite au rapport qui a été déposé, les municipalités de tout le Québec. Les ministères de la Justice, de la Sécurité publique, de la Santé et des Services_sociaux et de la Condition féminine seront appelés à mieux coordonner et coordonner davantage leurs actions dans ce domaine, qui visent à contrer la violence, dont les Québécois, les Québécoises, jeunes et vieux, sont victimes. Le ministère de la Santé et des Services_sociaux et le ministère de la Justice donneront des suites concrètes à leur étude récente sur la violence faite aux femmes. Et nous devons continuer dans toutes nos actions à faire en sorte que l'isolement et l'esseulement des personnes âgées ne contribuent pas davantage à leur exclusion de notre société, et nous devons redoubler d'efforts afin de leur assurer, dans le calme et la sérénité, la présence de ceux qui les entourent. Au titre des services de santé, nous avons à continuer à améliorer les conditions de santé des Québécois et des Québécoises. Et nous le ferons, et je le réitère, en recourant d'abord à une meilleure efficacité, à une meilleure productivité, à une meilleure organisation de la livraison, de la délivrance de ces soins auprès des clientèles, auprès des bénéficiaires. Et je réitère qu'à mon sens nous pouvons améliorer les conditions de santé des Québécois, nous pouvons maîtriser les coûts de la santé dont tous les gouvernements se soucient à juste titre dans les conditions économiques, financières et budgétaires que nous connaissons, que nous pouvons régler ces problèmes et assurer cet équilibre que nous recherchons bien avant de recourir à la désassurance ou à des tickets modérateurs ou orienteurs. Je suis convaincu que c'est le souhait de l'ensemble de nos concitoyens, que c'est le souhait de l'ensemble des gestionnaires de la santé, que c'est le souhait de l'ensemble des employés, hommes et femmes, qui assurent les services_sociaux et les services de santé de nos concitoyens. Ils savent qu'ils peuvent, à tous les niveaux, faire les efforts, assurer l'ouverture, démontrer la concertation et la collaboration qui permet, à des coûts déjà très élevés, de donner des services toujours de la meilleure qualité, sans mettre en péril de quelque façon que ce soit l'accessibilité ou le coût pour le bénéficiaire de ces services de santé. Nous avons, à ce titre - et c'est ce que nous attendons d'eux et d'elles - des démonstrations; nous attendons des démonstrations et des preuves, qui ne tarderont pas à venir, qu'on peut faire plus avec moins, qu'on peut se concentrer sur les services plutôt que sur les structures et qu'on peut mettre le client, le bénéficiaire, le patient, le malade au centre de nos préoccupations. A divers titres, d'autres ministères et d'autres activités gouvernementales feront également l'objet de notre attention, ici, à l'Assemblée_nationale, ou seront l'objet de nos actions et mesures comme gouvernement. D'abord, dans le monde municipal, nous déposerons bientôt les politiques, les mesures et les orientations au titre des schémas d'aménagement des différentes municipalités du Québec. Nous devons nous assurer que les trames de développement urbain font l'objet, là aussi, d'une meilleure efficacité, d'une meilleure compréhension, donc d'une gestion intégrée des différents éléments qui doivent présider à un développement harmonieux de nos milieux de vie. De la même façon, le gouvernement entend donner suite tout prochainement aux conclusions du groupe de travail sur Montréal et sa région. Il est également vrai que nous devrons nous attarder au rôle de Québec comme capitale. J'ai toujours su, comme tous ceux qui, comme nous, travaillent dans cette capitale, y passent beaucoup de temps et, dans certains cas, y vivent, qu'il y a ici un potentiel bien au-delà de la mission administrative, en raison du niveau remarquable d'expertise, de formation, d'instruction qu'on y retrouve, et que les différentes avenues de développement peuvent être exploitées, notamment celles qui touchent à l'innovation, comme Innovatech Chaudière-appalaches en fait foi, notamment au titre de la recherche_et_du_développement, qui explique la troisième place qu'occupe la région de Québec à l'échelle canadienne au titre des activités de recherche_et_de_développement, toutes proportions gardées et compte tenu de sa population. Il y a donc, pour Québec et sa région, des perspectives de développement qui tiennent tout autant à l'action que le gouvernement peut faire valoir pour consolider sa vocation, raffermir sa présence dans le centre même de la région de la capitale, qu'il y en a dans le soutien à des activités d'avenir. De la même façon, avec nos partenaires municipaux, nous pourrons conclure des ententes globales de développement culturel. C'est cette voie, sur de longues périodes, par des plans triennaux, que nous entendons désormais privilégier. Au titre du soutien à la culture et aux activités culturelles, en raison, je dirais, des facteurs de cohésion, d'intégration, de véhicule de nos traditions, donc de notre identité que ces activités représentent, nous devons et entendons, dans les semaines et les mois qui viennent, concentrer davantage sur l'emploi, la formation, le perfectionnement de tous ceux et celles qui agissent dans les milieux artistique et culturel. De la même façon, nous avons la responsabilité permanente de faire en sorte que nos concitoyens de langue anglaise, qui ont édifié avec nous le Québec que nous connaissons, sachent que leur présence ici est un actif, sachent que leurs institutions existent et seront protégées, soutenues et maintenues, que leur présence nous permet à tous de mieux comprendre !a variété qui nous entoure. *{Page 9} dans ce même souci de faire une place à tous les Québécois de quelque origine qu'ils soient, notre engagement à l'endroit des communautés_culturelles est de faciliter leur intégration dans la société québécoise, dans le plein respect de la diversité que cela représente, mais avec l'engagement mutuel, réciproque, de contribuer ensemble à construire le Québec de demain. Là aussi, ces Québécois de toutes origines représentent un actif et inscrivent le Québec résolument dans la trame du développement du monde international dans lequel nous sommes maintenant inscrits. Les premières nations, les autochtones sont aussi ces citoyens qui habitent le même territoire que nous. Nous partageons cet espace auquel nous sommes tous attaches, et nous avons la responsabilité, là aussi, d'assurer des relations harmonieuses avec les autochtones, qui sont constituées elles aussi - ces nations, ces bandes - de familles qui ont toutes les mêmes ambitions que les familles québécoises. Le développement de leurs talents, leur intégration dans leur milieu, le développement économique, la sécurité personnelle et les barrières contre la maladie, c'est à ces tâches que nous devons nous employer et regarder au-delà de l'événement, au-delà de l'anecdote, au-delà de la caricature. Il m'apparaît important que, sur ce territoire, nous réalisions que nous avons tous, comme êtres humains, les mêmes ambitions pour nous-mêmes et pour ceux qui nous suivent. Et quoi de plus commun que cet environnement, ce patrimoine physique, géographique, que nous avons à protéger? Le Québec a souscrit, en 1992, aux conventions sur la diversité biologique et les changements climatiques. Nous sommes partie prenante à ces engagements universels, et nous aurons, afin de le manifester concrètement, à envisager la refonte de toute la réglementation qui vise la disposition et l'élimination des matières dommageables pour l'environnement, afin de moderniser et de rendre plus efficace le cadre qui doit présider à ces traitements importants des matières que le développement moderne nous impose. Nous aurons également, dans les semaines qui viennent, à mettre de l'avant et mettre en vigueur un plan organisé de développement de la ressource forestière qui devra intégrer les volets de voirie forestière, de l'utilisation des pesticides, de la coupe du bois et du reboisement, de même que de l'accès à ces territoires et de la protection des espèces qu'on y retrouve. L'agriculture retiendra également notre attention. Les changements profonds que les accords du GATT et les accords de libre-échange ont introduits demandent une attention particulière pour protéger ce facteur de stabilité sociale que représentent la production agricole du Québec et tous ceux qui s'y adonnent. Le ministre de l'Agriculture annoncera bientôt la date des assises sur l'industrie bio-alimentaire, qui tiendra ses assises sous le thème de la conquête des marchés dans le nouveau contexte mondial. Nous aurons également à déposer et à regarder ensemble la politique de développement durable dans le secteur bio-alimentaire, de même que nous devrons procéder à la révision du régime de fiscalité applicable aux établissements agricoles, compte tenu de la mesure que nous devons prendre des effets de la réforme de la fiscalité municipale. Monsieur le Président, je viens d'énoncer, dans ses grandes lignes, l'essentiel des intentions du gouvernement à l'occasion de cette reprise de cette troisième session de la Trente-quatrième Législature. Tous mes collègues de l'Assemblée ont des dossiers et des projets auxquels ils tiennent. Monsieur le Président, je veux vous assurer que le nouveau gouvernement fera preuve, au cours de la session, de rigueur, d'acharnement au travail, d'honnêteté, d'intégrité, tout ce que les citoyens sont en droit de s'attendre de tous ceux qui les représentent à l'Assemblée. S'il y a un fil conducteur dans ce programme, ce fil conducteur, Monsieur le Président, c'est encore, je le répète, l'emploi. Nous voulons que cette société devienne l'une des plus solides du continent nord-américain. Nous voulons que le Québec devienne plus prospère, pour qu'il puisse assurer à tous les membres de la famille québécoise un avenir dans lequel chacun aura des chances de se réaliser. J'ai dit que nous avions besoin d'éducation, de formation, d'innovation, d'excellence pour relever les défis que nous pose un monde en constante évolution. Je demande à mes compatriotes de regarder autour d'eux ce que les générations précédentes ont bâti, de voir comment ils peuvent être fiers de posséder des richesses dont certains pays ne soupçonnent même par l'existence. J'invite les Québécois et les Québécoises au dépassement, le dépassement qui permet à chacun et à chacune, dans son domaine, de mesurer sa liberté, son indépendance, et qui contribue aussi au dépassement du peuple que nous formons. Nous ne cherchons pas à faire croire à nos compatriotes que nos problèmes émanent d'ailleurs. Nous essayons seulement de les convaincre que les solutions sont chez nous, à notre portée. Nous ne tentons pas de faire croire qu'en dehors de la solidarité, de la mobilisation, de l'effort il existerait une solution miracle qui consisterait à changer radicalement notre statut social, économique et politique. Prétendre autrement, Monsieur le Président, serait leurra nos concitoyens. Des Québécois se sont établis en notre sol, au fil des années, et ont formé peu à peu une société distincte, parce qu'elle est majoritairement francophone, mais différente aussi de beaucoup d'autres par sa persévérance dans sa culture et par sa tolérance dans la culture des autres. *{Page 10} cette société possède toutes les caractéristiques fondamentales d'un État moderne, libre, démocratique, et aussi tous les outils pour le demeurer. Ce gouvernement est le seul au Canada et en Amérique_du_nord qui soit élu par une majorité francophone et redevable devant elle. Nous sommes aussi, de ce fait, un pilier de la dualité linguistique, qui est une caractéristique fondamentale de la société canadienne. Cet état de fait confère au gouvernement et au premier_ministre du Québec la responsabilité d'assurer la pérennité du Québec francophone. L'histoire a, par ailleurs, amené les Québécois à devenir partenaires d'un ensemble encore plus large, qui est la fédération canadienne. Actuellement, cette fédération reconnaît au gouvernement du Québec l'exercice des principales responsabilités du développement de notre société. On confère, par ailleurs, au gouvernement du Canada, des pouvoirs qui sont, pour la plupart, assez logiquement exercés au niveau de la fédération. De toute évidence, il y a néanmoins, encore, des problème importants à régler dans la Constitution canadienne, et on peut prévoir qu'ils seront un jour réglés par la négociation. Un fait demeure: le gouvernement du Québec n'a pas signé cette Constitution après son rapatriement de 1981, car ce qui est arrivé en 1981 était inacceptable et ne devrait jamais se répéter. A l'époque, je m'étais levé dans cette même Chambre pour m'opposer aux modifications aux pouvoirs du Québec. Ma position n'a pas changé. Comme mes prédécesseurs, je n'ai pas l'intention d'apposer ma signature sur un document, la Constitution, et engager ainsi l'avenir de tous les Québécois et Québécoises sans que des modifications n'y soient apportées. Cependant, l'expérience récente a démontré comment cet exercice pouvait être ardu et complexe. Avec le temps, les différentes raisons pour adapter le cadre constitutionnel à l'évolution du pays ou de ses parties deviendront de plus en plus évidentes pour nos partenaires. Le Québec sera prêt, lorsque le contexte politique canadien y sera propice et ouvert, à procéder à une modernisation de cette loi constitutive. Comme aujourd'hui, la démarche du Québec visera à lui assurer les pleins pouvoirs sur tout ce qui a trait, notamment, au développement de son identité, de sa langue, de sa culture et à la protection de son caractère distinct de même que les moyens d'assumer toutes ses responsabilités. Aujourd'hui toutefois, les citoyens du Québec comme ceux du Canada estiment que leurs gouvernements doivent s'attaquer avec énergie au défi de l'emploi et à l'assainissement des dépenses publiques plutôt qu'au règlement des différends constitutionnels qu'il sera toujours temps de régler. Cela ne changera rien au fait que le Québec et le Canada se sont développés et ont prospéré dans le cadre constitutionnel actuel. L'exercice de la démocratie et le fondement de nos lois et des gouvernements au Canada sont certes définis par la Constitution, et c'est fondamental, mais le Canada est aussi une union économique et un univers de relations, d'interactions entre citoyens, États, entreprises et organismes de toutes sortes. Et le gouvernement et moi-même nous emploierons à améliorer et à maintenir l'influence du Québec au Canada. Mais, par son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral s'est impliqué au fil des ans dans des domaines de la juridiction du Québec. Ces incursions ont introduit des chevauchements, duplications et dédoublements, qui, dans le contexte de l'endettement croissant, aggravent une situation budgétaire dont les principales victimes sont les contribuables de tout le pays. Ces incursions ne sont pas justifiables. Le dossier de la main-d'_oeuvre en est un cas évident: nos gouvernements se tiraillent pendant que les chômeurs attendent. Le gouvernement fédéral ne peut opposer à la logique économique la résistance de ses fonctionnaires au transfert de programmes vers le Québec. Les manoeuvres constitutionnelles n'ont pas réussi à remédier à cette situation. A défaut, ou en attendant de modifier les dispositions constitutionnelles et jusqu'à ce que cela survienne, nous pouvons immédiatement nous entendre pour faire évoluer les pratiques dans plusieurs domaines. En matière de formation et de développement de la main-d'_oeuvre, notamment, il existe un consensus indéniable au Québec sur le chemin à suivre. Avec ses partenaires, le gouvernement du Québec est convaincu qu'il est le mieux outillé pour offrir aux travailleurs un service efficace et productif répondant à ses ambitions économiques. Dans la perspective de l'offensive pour l'emploi, nous chercherons à améliorer l'efficacité du fonctionnement de l'union économique et de la fédération canadienne. Nous pousserons encore plus loin l'intégration économique avec nos partenaires en faisant tomber une à une les barrières tarifaires, réglementaires ou de toute autre nature. Progressivement, nous éliminerons ainsi, de plus en plus complètement, les entraves à la liberté de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. Quoi que l'on fasse, le Québec ne dérivera pas de son contexte historique, géographique et économique. Les voies de l'avenir passent par l'entente avec nos partenaires. La véritable indépendance, celle des citoyens, passe par l'emploi. Dans un monde d'interdépendance où le concept même d'État-nation a perdu son caractère absolu, le Québec existe et côtoie d'autres États. Le Québec détient déjà la liberté, les pouvoirs et les moyens qui lui donnent une maîtrise sur son avenir et sur son développement. Le gouvernement continuera d'agir pour un Québec qui sera fort du travail de ses citoyens et de ses citoyennes. Merci. *{Discours d'ouverture de Jacques Parizeau, 1994.} monsieur le Président, Monsieur le chef de l'opposition, Mesdames et Messieurs les députés, mesdames et messieurs, il s'est produit, le 12 septembre dernier, un événement important: les Québécois ont voté. Ils ont jugé bon de remplacer l'équipe qui formait le gouvernement. C'est l'expression d'un désir de changement, c'est le signal d'un nouveau départ, et nous ne sommes pas peu fiers de la confiance que les Québécois ont investi en nous. C'est aussi l'expression d'une saine alternance entre les partis qui, après deux mandats de gouvernement, doivent se ressourcer dans l'opposition. Mon parti revient au pouvoir avec un programme transformé, des idées adaptées au Québec d'aujourd'hui et de demain, une équipe renouvelée. Je souhaite au député de Vaudreuil, que je salue dans ses nouvelles fonctions de chef de l'opposition, de savoir lui aussi se réinventer dans les années qui viennent. L'année qui s'ouvre va être une des plus emballantes de l'histoire du Québec. Nous voulons, d'une part, accompagner la société québécoise dans sa sortie de crise économique. Les Québécois ont des prédispositions pour le travail bien fait et pour la bonne humeur. Ils n'attendent que le signal de la fin de la morosité. Nous sommes en train de le donner. Nous voulons aussi, dans le prolongement de cette action, permettre aux Québécois de s'inventer un pays qui leur ressemble et qui les rassemble. Cet automne, les Québécois ont donc choisi l'autre façon de gouverner. Qu'est-ce que ça signifie? Pour l'essentiel, ça signifie la volonté, la clarté, la solidarité et la responsabilité. La volonté, d'abord, parce que l'équipe gouvernementale aborde son travail avec une énergie et une détermination peu communes. Jusqu'à récemment, un climat d'immobilisme s'est installé sur le Québec. Pendant neuf ans, on a entendu le refrain du: On ne peut pas; c'est compliqué; on n'a pas les moyens; on verra; ça dépend; c'est fatigant. Il fallait des années pour décider de la couleur de la margarine. Plusieurs, chez les libéraux, se sont battus en vain contre ce rapetissement des horizons, mais l'exemple venait de haut. Les Québécois méritent mieux. Lorsque, dans les années_soixante, le gouvernement du Québec disait: "Québec sait faire", c'était un acte de foi. Lorsqu'au même moment pierre_bourgault scandait: "On est capable", c'était presque un voeu. Aujourd'hui, ce sont des évidences. 70 % de notre économie est contrôlée par des intérêts québécois. Nos petites caisses populaires sont devenues notre premier employeur privé. Le Québec est maintenant le berceau de très grandes entreprises qui ont pour nom Bombardier, Quebecor, Cascades, Snclavalin et dont la réputation internationale n'est plus à faire. Nos films, nos danseurs, notre théâtre, notre cirque, nos logiciels portent aujourd'hui aux quatre coins du globe le message que le Québec moderne, dynamique est présent au monde. Il a donc fallu une dose gigantesque de soporifique pour faire oublier aux Québécois combien ils étaient capables. C'est pourquoi je suis heureux de vous annoncer que la volonté politique a repris le pouvoir à Québec. Et, pour paraphraser le slogan d'une de nos entreprises, je dis à tous nos citoyens: L'ambition, c'est permis. Le gouvernement n'a pas réponse à tout et, j'aime autant vous le dire tout de suite, nous allons probablement faire des erreurs. Mais, s'il faut illustrer comment nous allons gouverner autrement, quoi de mieux que de résumer ce que nous venons de faire. Nous avons gardé ouvertes des écoles de quartier ou de village, à Batiscan et à Jonquière, par exemple. Nous avons lancé un programme de démarrage d'entreprises. Nous avons enlevé la bride qui avait été imposée au Fonds de solidarité des travailleuses et des travailleurs du Québec. Nous avons commencé à rétablir une présence policière dans les communautés d'Oka et de Kanesatake, dans le respect des différences. Nous avons assuré aux femmes et aux hommes travaillant dans les garderies à but non lucratif l'augmentation de salaire qui leur revenait. Nous avons relancé sur des bases nouvelles le dialogue avec les employés de l'État. Nous avons assuré la survie du Plan de l'Est, sur lequel comptent 5 000 producteurs forestiers. Nous avons fait honorer en quelques jours, par Ottawa, le compte en souffrance de 34 000000 $ du référendum de Charlottetown. Nous avons remis les relations entre la France et le Québec sur un socle nouveau et prometteur. Nous avons pris la décision d'implanter un casino en Outaouais et débloqué le projet de l'institut national de l'image et du son, à Montréal. Nous avons retrouvé la directive de nos prédécesseurs qui évoquaient une hypothèse affolante, celle de taxer les traitements de chimiothérapie, et nous l'avons mise à la déchiqueteuse, au grand soulagement de milliers de patients et de familles. Nous avons réactivé le programme de subvention à la relève agricole. Nous avons resserré les mesures de sécurité dans l'industrie du camionnage. Nous avons sauvé des coupures fédérales un des programmes d'insertion au marché_du_travail les plus efficaces au Québec: le carrefour_jeunesse_-_emploi de Gatineau. Nous avons relancé, dans un climat d'ouverture, les relations avec nos concitoyens autochtones, notamment avec les Montagnais et les Attikameks. Et j'ai pris une décision majeure: j'ai annoncé que mon gouvernement n'allait pas s'engager dans le projet Grande-baleine pour la simple raison qu'il n 'a jamais été prouvé que nous avions besoin de cette énergie. Depuis des années, Grande-baleine était un mirage au milieu d'un marais, et, je veux être clair, ni avant ni après le référendum mon gouvernement n'a l'intention de s'y embourber. Cette liste n'est pas exhaustive, mais voilà les principales mesures que nous avons réalisées en deux mois et trois jours. Nous voulons incarner, donc, le retour de la volonté; nous voulons aussi incarner le retour de la clarté. Ces dernières années, nous avons eu droit à un gouvernement qui avait fait du louvoiement et du double langage une pratique quotidienne. On a même vu un premier_ministre, pourtant gardien de la légitimité des institutions, signer un document portant sur l'avenir de tout le Québec, en sachant qu'il avait l'intention de renier sa signature. Nous l'avons vu ensuite faire voter par cette Assemblée une loi qu'il était pourtant déterminé à ne jamais respecter. On a peine à mesurer le dommage causé au lien de confiance. Dans son propre discours inaugural, après son élection du 15 novembre 1976, rené_lévesque disait, et je le cite: "Dans le fonctionnement d'une société démocratique, il n'est probablement rien de plus indispensable que la crédibilité des institutions politiques et celle des partis qui se forment en vue d'en assumer la direction". Monsieur Lévesque s'apprêtait à assainir le financement des partis politiques et à porter au patronage un coup fatal. Lorsqu'il avait entrepris ces combats, on le disait idéaliste, irréaliste. Il a pourtant donné aux Québécois une politique propre, un système d'adjudication des contrats intègre. Il nous a donné une grande leçon que je résumerais ainsi: L'idéalisme, c'est permis. Il a aussi instauré, dans la vie politique, une attitude nouvelle: un gouvernement qui tient ses promesses. Et il les a tenues, avec plusieurs des députés et ministres que j'ai l'honneur d'avoir maintenant dans mon équipe: zonage agricole, protection du consommateur, loi anti-briseurs de grève, Charte de la langue_française, et combien d'autres encore. Au nom de tous les membres de mon parti, de mon caucus et de mon gouvernement, je prends aujourd'hui l'engagement d'être fidèle à la tradition de rené_lévesque. Mon gouvernement va dire ce qu'il pense; mon gouvernement va faire ce qu'il dit. Le premier geste législatif de ce nouveau gouvernement prolongera l'action de démocratisation engagée par rené_lévesque. Le ministre responsable de la Réforme électorale présentera, avant Noël, un projet de loi visant à créer une liste_électorale permanente. Elle permettra d'établir, hors de tout doute, que seuls les électeurs qui ont le droit de vote votent. Vous savez quel prix personnel ce gouvernement vient de payer pour défendre ce principe. La liste permanente assurera ainsi aussi que les électeurs votent dans la circonscription où ils ont leur résidence principale, et pas ailleurs. La probité des membres du gouvernement doit aussi être irréprochable. Monsieur Lévesque avait imposé des règles strictes aux ministres. C'est une pratique que le gouvernement précédent a respectée, et nous poursuivons dans cette voie. La probité de la haute fonction_publique non plus ne doit pas faire de doute. Mais il faut pousser plus loin, car c'est particulièrement dans la zone grise des sociétés_d'_état, des organismes qui gravitent autour de l'État, dans les filiales d'entreprises_publiques, dans les compagnies où elles détiennent des intérêts importants que se retrouvent maintenant des pratiques parfois intolérables: des allocations de départ princières, de contrats mirobolants. Dans un cas récent, un ancien organisateur politique avait un poste de direction où on lui versait même 10 000 $ pour qu'il fasse produire sa déclaration d'impôt personnelle. Quand ça en est rendu là, il faut intervenir. Le ministre de la Justice proposera, sous peu, un projet de loi sur les règles de conduite qu'il faudra respecter à l'avenir pour éviter les abus dans ces secteurs. Beaucoup de citoyens doutent de l'équité avec laquelle les impôts sont perçus et les subventions sont versées. Ce doute mine, aussi, la confiance. Je ne dirai pas, aujourd'hui, qu'ils ont tort de douter. Depuis quelques semaines, j'épluche, avec le ministre des Finances, les comptes de l'État et j'ai fait quelques troublantes découvertes. D'une pan, les vérificateurs chargés d'enquêter, souvent de pinailler, sur les revenus des plus démunis, les prestataires d'aide_sociale, sont plus nombreux que jamais, mais les vérificateurs chargés de réviser les rapports d'impôt des sociétés et des Québécois les plus fortunés sont moins nombreux que jamais. Environ 900 avaient été remerciés. Je vous rassure, nous en avons déjà réembauché plus de la moitié. C'est le monde à l'envers. Par ailleurs, de grandes entreprises très profitables réduisent leurs impôts grâce à de généreux crédits d impôt pour des activités qu'elles auraient, bien souvent, accomplies de toute façon. Imaginez! Le gouvernement canadien vient de modifier les règles pour la réclamation des crédits d'impôt en matière de recherche et de développement. Manque à gagner pour Ottawa? 500 000000 $. Qui en a profité le plus? Pour plus de la moitié de ce cadeau, les banques, qui se dirigent cette année vers des profits de 4 000000000 $. Les pauvres! Qu'a fait l'ancien gouvernement québécois? Puisqu'il avait bêtement adopté les mêmes normes qu'Ottawa, il s'est obligé à donner un crédit supplémentaire de 100 000 000 $, particulièrement aux banques. Et, pendant ce temps-là, Québec coupait des centaines de millions dans les hôpitaux, les écoles, les municipalités. De toutes les choses que j'ai vues depuis deux mois, aucune ne m'a autant scandalisé que celle-là. Le lien de confiance, il faut le rétablir, entre les citoyens et la justice. Aujourd'hui, au Québec, hormis le système des petites créances, on ne va au tribunal que si on est très pauvre ou alors très riche. L'instrument qu'est l'aide juridique ne joue plus efficacement son rôle. Le ministre de la Justice proposera, au printemps, une réforme de cet instrument. Il faut réduire aussi les délais. Dès la semaine prochaine, le ministre déposera, à cette fin, un projet de loi qui remaniera les juridictions des tribunaux québécois et l'automatisme de la suspension des jugements portés en appel. Il nous proposera aussi, sous peu, une loi de réforme des tribunaux administratifs pour mettre fin à cet interminable débat. Rétablir le lien de confiance, c'est aussi démontrer que l'État ne veut pas être un fardeau pour les contribuables et les entrepreneurs. Les heures passées à remplir des formulaires plus compliqués les uns que les autres sont autant de temps volé au travail et à la recherche. Le labyrinthe des 500 programmes gouvernementaux est d'une telle complexité que beaucoup de citoyens et d'entreprises hésitent à y mettre le pied de peur de ne jamais revoir leur famille. Je les comprends. Avant la souveraineté, nous ne pourrons rien faire pour mettre de l'ordre dans les programmes canadiens. Ce n'est pas faute de vouloir. Mais nous allons commencer à faire un bon ménage dans les programmes québécois. Le ministre de l'industrie et du Commerce annoncera notre stratégie de réduction de la paperasserie et d'harmonisation des 220 programmes d'aide à l'entreprise. La ministre de l'Emploi fera le même exercice dans les 72 programmes de formation et d'employabilité en créant un guichet québécois unique. Bref, vous le voyez, nous voulons qu'entre les Québécois et leur gouvernement les choses soient claires, franches, directes. J'ai parlé de notre volonté d'agir, c'est dans notre nature. J'ai parlé de la clarté dont nous voulons faire preuve, c'est notre façon d'être. Je n'ai pas parlé du moyen que nous voulons employer pour faire bouger les choses. Je vous disais, au début, que le parti_québécois s'est renouvelé dans l'opposition. Il a connu, en fait, au moins deux révolutions culturelles, si l'on peut dire. La première concerne le rôle de l'État dans la gestion des affaires communes, la seconde concerne le rôle des régions Lors de notre dernier passage au pouvoir, il nous semblait que l'État devait être l'outil privilégié, qu'il fallait, en certains cas, en étendre la présence, et nous l'avons fait, souvent avec succès. Mais nous pensons aujourd'hui que là où l'État agit seul, il agit mal. Deux de nos actions récentes illustrent cette nouvelle façon d'agir Le Programme de démarrage d'entreprises est une initiative du gouvernement, bien sûr. C'est l'État qui garantit 90 % du prêt de 50 000 $ auquel tout nouvel entrepreneur peut avoir droit, mais chaque dossier est administré par les banques et les caisses populaires, donc localement, donc par des personnes et des institutions qui ont intérêt à ce que chaque entreprise nouvelle devienne un client rentable. Notre action en faveur du Fonds de solidarité s'inscrit dans cette même logique. Il n'est pas question que l'État se substitue à ce fonds de capital de risque. Deux autres initiatives de ce type sont en gestation. L'État insiste pour que les régions profitent de ce capital, mais, pour le reste, il garde ses distances L'État a agi seul et a agi mal dans le dossier de la construction. On n'a pas le droit d'enlever d'un trait de plume le droit à la pension à 20 000 travailleurs. La ministre de la Concertation déposera très bientôt un projet de loi qui corrigera cette iniquité. La loi 142 sera remplacée, car, en plus, c'est une véritable loi de promotion du travail au noir. Depuis son adoption, environ 40 000 000 d'heures de travail de construction ont disparu des registres. Bravo! L'État a agi seul et a agi mal en imposant des compressions aveugles à la fonction_publique avec ses lois 198 et 102. C'est vrai, les coffres de l'État sont fort dégarnis, trop à notre goût, mais c'est une raison de plus pour écouter les propositions d'économie et de réorganisation du travail qui proviennent des employés de l'État. La ministre déléguée à l'Administration et à la fonction_publique déposera des mesures législatives qui viendront consacrer la nouvelle concertation entre l'État et ses employés. Cette collaboration nous permettra de faire beaucoup plus. La présidente du conseil_du_trésor va instaurer une véritable révolution dans la façon dont l'État est géré. Chaque ministère aura droit à une enveloppe fermée et disposera de sa liberté de gestion. Ce sera le mariage de la flexibilité et de la responsabilité. Surtout, les efforts d'augmentation de la productivité ne seront pas constamment confisqués par le conseil_du_trésor comme c'était le cas jusqu'à maintenant, ce qui était démotivant. Par ailleurs, nous allons aussi, avec le dépôt de deux projets de loi, revenir à la structure de direction d'origine de la Caisse de dépôt et placement et de la société hydro_-_québec. Elle avait fait ses preuves. Nous pensons que l'État a atteint sa masse critique et, si les Québécois décident l'an prochain d'éliminer tout un niveau de gouvernement, le fédéral, nous aurons collectivement l'occasion de simplifier, d'amincir et de coordonner l'action gouvernementale dans un État moderne. En ouvrant ce grand sentier, la souveraineté nous permettrait de faire ici ce dont rêvent tant d'États occidentaux. Ailleurs, ils sont aux prises avec la formidable force d'inertie des administrations. Ici, cette inertie serait ébranlée par le grand vent de la souveraineté. L'occasion serait unique. L'État québécois des années quatre-vingt-dix doit savoir écouter, proposer, mobiliser, diriger, oui, et accompagner, et le moyen qu'il doit utiliser pour faire bouger les choses, c'est la solidarité: solidarité des individus, solidarité des entreprises, des écoles, des organisations syndicales et patronales, solidarité des élus de tous les niveaux. Et j'arrive ici au coeur de mon propos. Quatre grands défis s'offrent à tous les Québécois et à leurs représentants: celui de l'emploi, celui de la jeunesse, celui des femmes, celui des régions. Nous héritons aujourd'hui de deux Québec dans un: un Québec où une partie de la population profite de l'enrichissement de l'économie et où une autre partie est poussée à l'inactivité. La cassure entre les deux mine la confiance de beaucoup de nos concitoyens en notre capacité de construire une société équitable. Il faut renverser la vapeur. La reprise économique semble vouloir s'installer. Vous vous souvenez comment, à la sortie de la crise de 1981-1982, nous avions réussi, avec les partenaires sociaux, à faire profiter les Québécois du moindre souffle de reprise. Ensemble, nous avons redonné aux Québécois, en deux ans et demi, les 227 000 emplois que la crise leur avait enlevés. Maintenant, plus de quatre ans après le début de la dernière récession, 63 000 emplois manquent toujours à l'appel. La situation actuelle me fait penser à ce film Jean de Florette. Vous vous souvenez, ce personnage joué par Depardieu attendait depuis des semaines une bonne averse pour son champ assoiffé. Un magnifique nuage est passé au-dessus de sa terre, mais a poursuivi son chemin sans laisser tomber une seule goutte. Mes amis, la reprise économique va passer sur le Québec. Voulez-vous, on va la faire pleuvoir? Comment? D'abord, en semant l'espoir, comme le fait le Programme de démarrage qui pourrait créer, à lui seul, 30 000 emplois. C'est d'ailleurs un défi que nous lançons à l'ingéniosité des Québécois de mettre sur pied leurs propres entreprises. Ensuite, en donnant de l'engrais aux entreprises en croissance, comme le fait le Fonds de solidarité, en étant attentifs à chaque projet créateur d'emplois. Nous remettons sur pied la "salle des opérations" que nous avions constituée en 1982. Nous l'avons retrouvée, près de mon bureau, vide, abandonnée depuis 10 ans. Avec la participation des délégués régionaux, nous allons y faire un suivi de tout ce qui promet. Parfois, il est essentiel pour l'État de ne pas s'en mêler, souvent il est utile de mettre un peu d'huile dans l'engrenage, d'accélérer l'émission d'un permis, de mettre en contact un entrepreneur et un financier. Il faut relancer la construction résidentielle parce que, si le bâtiment va. Enfin, vous connaissez la suite. Pour l'instant, le bâtiment ne va pas. Le ministre responsable de l'Habitation, en collaboration avec celui des Finances, annoncera, d'ici quelques jours, une mesure nouvelle. Les Québécois qui achèteront une première résidence neuve pourront déduire, pendant quelques années, les intérêts découlant d'un prêt hypothécaire. Cette mesure, d'une durée limitée, va permettre de donner un élan à l'industrie de la construction. Le ministre va aussi rétablir l'aide au logement_social, un secteur que le gouvernement canadien a complètement délaissé. Il déposera sous peu un programme d'achat-rénovation ayant pour objectif 1500 logements_sociaux ou coopératifs par année. En matière d'innovation et de technologie, le précédent gouvernement avait eu une excellente idée, le chef de l'opposition me permettra de le souligner: je veux parler des sociétés_innovatech. Nous allons favoriser l'extension de cette formule prometteuse. Et, quoi qu'en disent la cour_suprême et le ministre fédéral du Patrimoine, le Québec ne ratera pas son entrée sur l'autoroute de l'information. Nous avons ici les ressources et le talent. Le Québec doit se doter d'une politique, plusieurs ministères y travaillent. Créer des emplois, donc. Former les Québécois aussi. Et, à ce sujet, nous ne sommes pas confrontés à un problème, mais à un drame. De 1985 à 1992, les effectifs en formation_professionnelle chez les jeunes du secondaire ont chuté de 85 %. Il faut reconstruire le pont entre les Québécois inactifs et le marché_du_travail. Ce pont, c'est la formation_professionnelle. Mon gouvernement entend réaliser son engagement d'élever la formation au rang d'un droit aussi fondamental que l'accès à l'éducation. Comme nous l'avons promis, les entreprises seront invitées à consacrer progressivement, selon leur taille et leur activité, l'équivalent de 1 % de leur masse salariale à la formation. Le fonds ainsi créé sera distinct du budget général de l'État et géré de façon autonome et décentralisée par les partenaires patronaux, syndicaux et du secteur de l'éducation. Je n'annonce cependant pas aujourd'hui une ponction fiscale supplémentaire de 1 % pour les entreprises. 1 %, c'est l'effort demandé à chaque entreprise, mais il peut prendre plusieurs formes, et, au premier chef, la formation de sa propre main_-_d'_oeuvre. Notamment, un programme d'apprentissage en entreprise sera intégré au système d'enseignement. Les entreprises seront invitées à mettre leur personnel et leur équipement au service de la formation scolaire . En plus des étudiants, ceux qui sont sans emploi, qui doivent compléter leur formation académique de base et qui veulent recevoir une formation technique doivent avoir accès à la formation, quel que soit le programme de sécurité_du_revenu dont ils bénéficient. La discrimination et les tracasseries administratives n'ont pas leur place lorsqu'il s'agit d'apprendre. Aujourd'hui, mes amis, je vous annonce la fin de l'immobilisme en formation_professionnelle. Je voudrais que, pour beaucoup de jeunes et beaucoup de chômeurs, ce soit le retour de l'espoir. Voilà comment nous pouvons agir avec les outils dont nous disposons déjà. Mais, vous le savez, nous ne les avons pas tous. Et, à ce sujet, nous sommes parvenus à une grande unité de vues: c'est au Québec que doivent se gérer les programmes de formation. Les Québécois forment 25 % de la population canadienne. Ils forgent des consensus importants et lancent à répétition des messages à Ottawa, et, pourtant, rien ne se passe. C'est comme si, les organisations patronales et syndicales québécoises, ça ne comptait pas. Moi, j'aimerais avoir un pays où elles comptent, ces organisations. Moi, j'aimerais avoir un pays où les consensus des Québécois deviennent rapidement des décisions, des réalisations et des succès. J'aimerais avoir un pays où la solidarité est le maître mot. Je veux m'arrêter un instant pour vous dire que la situation de la jeunesse québécoise me préoccupe au plus haut point. Certains d'entre vous le savent, au moment de la constitution du gouvernement, j'ai failli me réserver le portefeuille de l'Éducation. Mais le temps m'aurait manqué pour bien m'acquitter de cette seconde tâche. C'est pourquoi je l'ai confiée à son titulaire actuel, un homme qui sait faire bouger les choses. Il doit réunir, l'an prochain, les états_généraux de l'éducation. Il soumettra sa proposition à l'Assemblée, dès le début de la session du printemps. Sur le plan de la formation, notre objectif est que l'adaptation des programmes scolaires puisse commencer à entrer en vigueur dès septembre 1995. Les délais sont courts. Ils reflètent l'urgence d'agir. Je l'ai dit tout à l'heure, les Québécois sont capables de grandes choses. Ils l'ont déjà prouvé. Mais la génération montante n'en est pas si certaine, et je ne la blâme pas. La majorité d'entre nous, dans cette Assemblée, sommes assez vieux pour pouvoir dire que le Québec nous a beaucoup donné. Mais 40 % des Québécois ont moins de 30_ans. C'est seulement avec eux et c'est beaucoup grâce à eux que le Québec pourra encore faire de grandes choses. Et c'est pourquoi je suis particulièrement heureux de souligner que le Forum pour l'emploi, en collaboration avec le Secrétariat à la concertation, lance ces jours-ci une grande initiative. Elle s'appelle action_emploi_jeunesse. Parce que nous sommes tous "fous de nos enfants", pour emprunter la belle expression de Camil Bouchard, le Forum veut harnacher en faveur des jeunes travailleurs les ressources locales et nationales, privées, publiques et communautaires. Concrètement, ces actions pourront prendre la forme d'ouverture de postes pour l'insertion des jeunes dans des entreprises existantes; la mise sur pied d'entreprises communautaires dédiées à l'insertion; la création de nouveaux outils de soutien à l'entrepreneurship; de nouveaux partenariats école-entreprise. En tout début d'année, nous allons, ensemble, nous fixer des objectifs et une obligation de résultats. Car nous sommes tous d'accord: les jeunes Québécois ont entendu suffisamment de promesses. Ils veulent de l'action, et nous aussi. Nous abolissons tout de suite, comme nous l'avons promis, la taxe à l'échec imposée par le précédent gouvernement et nous gelons les droits de scolarité. Et je demande à l'Assemblée une solidarité exemplaire pour repousser la réforme que le gouvernement du Canada veut imposer à l'enseignement supérieur. Elle provoquerait une augmentation de 100 % des droits de scolarité. Elle provoquerait un endettement supplémentaire de 60 % pour nos étudiants. Je n'appelle pas ça être "fous de nos enfants". J'appelle ça, si vous me passez l'expression, être "fou braque". Vous et moi, avec les associations étudiantes du Québec, avec les universités du Québec, nous allons servir de garde-fou. Une autre des grandes préoccupations de mon gouvernement est celle de la pauvreté, et en particulier de la pauvreté de beaucoup de familles monoparentales. Un des facteurs de cette pauvreté, c'est le fait, inacceptable, qu'un certain nombre de pères refusent de prendre leurs responsabilités, refusent de verser la pension alimentaire à laquelle leurs enfants ont droit. Ça fait mal de constater que cette mesquinerie existe. Ça fait encore plus mal de constater que, depuis des années, rien n'a été fait pour remédier à ce scandale. Je m'adresse aux femmes et aux enfants du Québec qui attendent depuis trop longtemps. Je leur dis: Nous ne tolérerons pas cette abdication de responsabilité. Les ministres de la Condition féminine, de la Justice, du Revenu travailleront de concert pour déposer, avant Noël si possible, un projet de loi sur la perception automatique des pensions alimentaires. Tous les hommes du Québec doivent être solidaires dans cette action qui engage notre dignité à tous. Dans l'État québécois, nous venons de poser les derniers jalons de l'accession de nos travailleuses à la véritable équité. C'est important, mais il faut le faire aussi dans le reste de la société. Trop de femmes sont encore victimes de discrimination dans des catégories d'emplois sous-évaluées. Mon gouvernement proposera d'ici peu un projet de loi sur l'équité salariale pour remédier à ce décalage hérité, il faut le dire, d'un long patriarcat. Je parle depuis tout à l'heure de la société solidaire que nous voulons bâtir ici, au Québec. Il y a des dizaines de milliers de Québécois qui ont fait de cet objectif un labeur quotidien. Je parle des organisations communautaires et charitables. Ce sont surtout des femmes qui font vivre ces organisations. Elles côtoient quotidiennement la détresse, la pauvreté, le désespoir. C'est l'héroïsme ordinaire. Ces organismes vivotent, doivent constamment quêter des petites sommes. Ils méritent pourtant notre respect et notre reconnaissance. Il faut donc rendre plus facile l'accès aux ressources gouvernementales en créant un secrétariat à l'action_communautaire, une structure légère mais qui déchargera les bénévoles du travail fastidieux de s'y retrouver dans les programmes. Il faut assurer à beaucoup de ces organismes un financement sur une base de trois ans. Comment le faire? L'ancienne présidente de la Fédération des femmes du Québec, qui est maintenant notre députée de Blainville, disait l'autre jour que nos discussions au caucus sur l'ouverture de nouveaux casinos et sur les vidéopokers la rendaient mal à l'aise. Est-ce vraiment pour gérer le jeu que nous nous sommes lancés en politique? Bonne question. Le fait est que le jeu est incontournable et qu'il est préférable que l'État en assure l'honnêteté. Quel rapport avec l'activité communautaire? J'y viens. Pourquoi ne pas utiliser une partie de ces revenus nouveaux du jeu et les diriger vers l'aide communautaire? Le ministre des Finances y travaille. Par ailleurs, nous avons aussi l'intention d'accroître, dès cette semaine, d'au moins 1000 000 $ pour commencer, notre aide aux médias communautaires qui constituent parfois la seule source d'information régionale qui reste. Malheureusement, dans cette lutte à la pauvreté que nous engageons, il faut encore se cramponner. L'impact de la réforme que le gouvernement canadien concocte à son régime d'assurance_-_chômage pourrait être dévastateur. Dans une de ses hypothèses, l'équivalent de 40 000 ménages supplémentaires pourraient être poussés dans les rangs de l'aide_sociale. Les femmes, encore, pourraient être particulièrement touchées. Déjà, la réforme canadienne de 1990 a interdit l'accès des programmes fédéraux de formation aux femmes qui n'avaient ni assurance_-_chômage ni aide_sociale. Cette fois-ci, Ottawa voudrait écarter de l'assurance_-_chômage les femmes dont les maris ont un bon revenu. Ce serait un gigantesque pas en arrière dans la marche des femmes pour l'indépendance économique. Si Monsieur Chrétien et Monsieur Axworthy veulent faire ce pas, ils nous trouveront sur leur chemin. La solidarité, c'est aussi les efforts constants que nous devons déployer envers nos concitoyens d'arrivée récente et ceux de nos citoyens qui forment les communautés_culturelles. Nous avons été frappés de constater qu'il y a maintenant au sein de la fonction_publique moins de citoyens d'origines diverses que lorsque le parti_québécois a quitté le pouvoir il y a neuf ans, et ce, en dépit des engagements à répétition qu'avait pris le gouvernement libéral. Nous reprenons notre travail et notre objectif que ces Québécois représentent leur juste proportion de toutes les catégories d'emplois. Nous aborderons aussi toute la dimension des relations interculturelles lors des états_généraux de l'éducation. Il y a un mot que j'ai utilisé depuis le début de ce discours, le mot "régions". C'est l'axe sans lequel aucun de nos défis ne peut être vraiment relevé. L'action des délégués régionaux attire comme jamais auparavant l'attention du gouvernement dans les régions. Mais il faut aller plus loin. Depuis quelques semaines, le ministre d'État au Développement des régions fait le tour du Québec pour préparer un premier projet de régionalisation des pouvoirs et des ressources. Il n'est pas question de donner des responsabilités aux régions, aux MRC, aux municipalités sans leur donner les leviers aussi pour mener à bien leurs nouvelles tâches. Nous allons procéder à une révision de la fiscalité municipale, négociée à la table Québec-municipalités. Comme la plupart des Québécois, nous aimons bien la neige, mais nous pensons que le pelletage n'a pas sa place dans la fiscalité. C'est un des grands chantiers que nous ouvrons avec les Québécois: Comment redonner le pouvoir aux régions? Ce n'est pas nous qui allons dicter la formule de décentralisation. Nous allons l'élaborer ensemble. Mais il faut bien s'entendre: chacun chez soi, ça ne veut pas dire chacun pour soi. Mais déjà, vous le voyez, ce souci des régions marque toutes nos actions. Le ministre responsable du Commerce extérieur vient d'annoncer la régionalisation du programme APEX d'aide à l'exportation. Des bureaux sont ouverts en Estrie, en Beauce et dans Lanaudière. Il y en aura d'autres. Le ministre de la Santé va présenter bientôt une véritable régionalisation d'une partie des responsabilités, des ressources et des effectifs de la Santé vers les régies régionales de la santé et des services sociaux. Il annoncera aussi ses décisions en matière de services médicaux en région. Une partie de la solution se trouve dans les demandes des médecins diplômés hors Québec. Le ministre expliquera aussi comment les efforts seront partout déployés pour réduire de 50 % le délai moyen actuel de 90 jours pour la chirurgie d'un jour. Le président du Comité spécial d'initiative et d'action pour le Grand Montréal proposera sous peu un nouveau mécanisme de concertation entre Québec et le Grand Montréal et il travaille, avec les acteurs locaux, sur une vingtaine de projets mobilisateurs pour la région. En environnement, dès le prochain exercice financier, le ministre proposera de reconnaître et de financer les conseils régionaux de l'environnement. Il lancera, l'an prochain, un débat attendu sur la gestion des déchets solides, en insistant sur les responsabilités locales. Il mènera à bon port aussi la révision du processus d'évaluation des impacts environnementaux. Dans le prolongement des accords de Rio, il déposera, au cours du printemps, sa stratégie de conservation de la diversité biologique et celle concernant les changements climatiques. Il faut faire un bon ménage aussi dans le Programme d'assainissement des eaux que Marcel Léger avait lancé en 1978. Après avoir dépensé plus de 5 000 000 000 $, on retrouve souvent, sur un même cours d'eau, des villes qui traitent leurs eaux et d'autres qui déversent sans rien faire. C'est inacceptable. Et j'appelle les maires de municipalités et de villages, les chefs d'entreprise et les agriculteurs qui utilisent les mêmes cours d'eau à faire preuve de solidarité. Cette solidarité dont je vous parle, elle n'est pas possible sans la responsabilité que chaque Québécois doit assumer: responsabilité individuelle, bien sûr, je le dis aux plus jeunes comme aux plus vieux: personne ne va étudier, travailler, réussir à votre place, responsabilité collective, ensuite. Le gouvernement, l'État doit donner l'exemple, d'abord dans la gestion de notre portefeuille commun. Rien ne nous empêchera d'agir, mais je dois vous dire que nous avons trouvé les finances publiques dans un bien piètre état. Nous nous attendions à ce que le gouvernement précédent dépasse ses prévisions de déficit d'environ 900 000 000 $, comme c'était sa mauvaise habitude au cours des quatre dernières années. Il ne nous a pas surpris, à la différence près que, cette fois-ci, il a brisé son record de dépassement. D'ici quelques jours, le ministère des Finances publiera un document qui dressera un état complet de la situation. Je vais vous en donner quelques faits saillants. Nous avons compris quelle panique s'était emparée de l'ancien gouvernement pendant sa dernière année. Après avoir été incapable de freiner les dépenses, qui ont augmenté en termes réels de 3 % pendant trois ans, il s'est lancé dans un programme de coupures précipité et assez maladroit. Mais ce qui me frappe surtout est l'extraordinaire incurie au niveau des revenus. Il y a des comptes en souffrance et plusieurs pour lesquels aucune démarche n'a été entreprise. Plusieurs concernent le gouvernement fédéral. Des sommes considérables. On aurait cru que les tenants du fédéralisme rentable auraient réclamé le dû du Québec. Ils ne l'ont pas fait. On sait tous que le gouvernement a baissé les bras face à la contrebande du tabac, face au travail au noir, face à la non-perception de la taxe sur les produits et services, face à la contrebande de l'alcool. Elle est là aussi, la crise des finances publiques, dans le refus de l'État de prendre ses responsabilités. Ce ne sera pas notre cas. Sur l'évasion fiscale, nous allons être très durs. Les travaux des vérificateurs généraux du Québec et du Canada vont nous servir de guide à cet égard dans plusieurs secteurs Sur la contrebande d'alcool aussi, nous serons durs. A l'approche de la période des fêtes, je m'adresse en particulier à certains propriétaires de débits de boissons sans lesquels la contrebande de l'alcool ne pourrait être aussi florissante. Il serait prudent, pour la prospérité de vos établissements et la poursuite de vos activités commerciales, que votre approvisionnement en alcool se fasse auprès des distributeurs autorisés. C'est un conseil amical. Pour le reste, il s'est créé au Québec, ces dernières années, un climat malsain. C'est comme un concours où celui qui paie le moins de taxes gagne. Dans cette course à l'irresponsabilité, nous sommes tous perdants. Au fil d'arrivée, nous avons moins d'argent pour l'éducation, pour la formation, pour la santé, et c'est profondément injuste à l'endroit de tous les citoyens qui paient par principe, par devoir et par honnêteté l'ensemble de leurs taxes. Les Québécois attendent beaucoup de nous, au gouvernement, ils ont raison, mais nous attendons beaucoup d'eux. Avec tous les Québécois, je voudrais faire aujourd'hui un pacte, un pacte de coresponsabilité et de solidarité. Au gouvernement, nous nous engageons à percevoir de chacun ce qui est dû à la bourse collective, des multinationales comme des dépanneurs, des riches héritiers comme des salariés. Nous nous engageons aussi à dépenser avec parcimonie et jugement, à ne pas favoriser les groupes d'intérêts plutôt que les groupes de démunis. Nous nous engageons à rétablir le lien de confiance. Mais, en retour, nous demandons à chaque Québécoise et à chaque Québécois de nous aider à mettre un terme à la course folle vers l'illégalité. Je demande notamment aux commerçants et aux entrepreneurs de refuser dorénavant d'escamoter les taxes qu'ils doivent percevoir. Je demande aux consommateurs de refuser dorénavant le travail au noir, la contrebande de l'alcool, l'évasion fiscale Que le Québec soit encarcané dans le Canada ou qu'il puisse respirer comme État souverain, nous ne pourrons rien faire de durable si les membres de la société québécoise ne se sentent pas personnellement responsables du bien_commun. Voilà le pacte que je vous offre aujourd'hui. Je ne veux pas vous retenir trop longtemps. Je n'ai pas parlé du débat sur l'énergie, des schémas d'aménagement, d'autres mesures prévues en santé, notamment les 1 000 places de plus par an pour nos aînés en centre_d'_accueil. Des initiatives importantes seront annoncées bientôt dans le secteur minier, par exemple, et celui des transports, entre autres. Nous allons aussi discuter de réforme parlementaire, car il faut redonner à cette Assemblée et à chacun de ses membres le pouvoir réel du législateur. Je me suis étendu longuement aujourd'hui sur le programme de gouvernement que nous offrons aux Québécois. Au cours des jours qui viennent, je m'étendrai aussi longuement sur la plus grande décision politique qu'un peuple puisse prendre: l'accession à la souveraineté. Depuis quelques mois, nous réfléchissons sur le meilleur moyen d'ouvrir le débat le plus largement possible. Je donnerai aujourd'hui une idée de l'esprit et des principes qui vont nous guider dans cette démarche vers le référendum de 1995. Je dirai d'abord qu'elle se fera dans la clarté. Les Québécois veulent savoir de quoi il s'agit au juste lorsque nous parlons de souveraineté. Nous avons retenu le consensus dégagé par la commission Bélanger-campeau. La souveraineté, c'est la capacité de voter toutes ses lois, de percevoir tous ses impôts, de signer tous ses traités. C'est aussi la volonté d'agir dans le maintien de l'association économique canadienne et dans la zone de libre_-_échange nord_-_américaine. C'est pourquoi, comme je le disais au premier_ministre ontarien Monsieur bob_rae la semaine dernière, le Québec n'a nullement l'intention de réduire la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes entre l'Ontario et le Québec. Il a, au contraire, l'intention de rendre la frontière encore plus ouverte qu'elle ne l'est maintenant. Ce sera vrai aussi dans un Québec souverain. Le ministre des Affaires internationales proposera d'ailleurs bientôt à cette Assemblée les dispositions par lesquelles le Québec, dans ses champs actuels de compétence, va adhérer aux accords du commerce international du GATT et de l'Accord de libre_-_échange nordaméricain. Le Québec sera la première province à le faire, et nous marquerons ainsi notre volonté de poursuivre, lorsque nous serons souverains, le libre_-_échange avec nos voisins. Quant à notre monnaie, c'est le dollar canadien. Nous en sommes les cofondateurs et les copropriétaires. Nous le gardons. C'est tout. Bref, sur ces points et sur bien d'autres encore, nous allons faire en sorte que tous les Québécois sachent de quoi on parle lorsqu'on utilise le terme "souveraineté". C'est le cadre de notre proposition, mais ce n'en est pas le contenu. Nous voulons ouvrir un dialogue avec tous les Québécois sur ce contenu. Un Québec souverain, pour en faire quoi, au juste? Pour qu'il soit porteur de quelles valeurs, de quels principes, de quels objectifs? Le pays du Québec, il n'appartient pas à un premier_ministre, à un gouvernement ou à un parti. Si nous choisissons collectivement de nous le donner, nous allons tous y vivre, et il faut que tous participent à sa définition. L'été dernier, l'actuel chef de l'opposition a dit une chose très vraie, que tous les Québécois ressentent profondément. Il a déclaré en entrevue que, la fibre souverainiste, chaque Québécois la portait en lui; chacun, y compris lui, le chef du parti_libéral. Son père, le regretté premier_ministre de l' union_nationale, avait une autre façon d'exprimer cette idée. Il disait que chaque Québécois était indépendantiste au moins une heure par jour. Monsieur le Président, mes amis, il y a quatre ans, en cette enceinte, j'ai tendu la main à celui qui était premier_ministre du Québec. Cette main, je la tends encore aujourd'hui à son successeur, Monsieur Daniel Johnson. J'ai bien peu d'espoir de le convaincre lui, personnellement, de venir faire la souveraineté avec moi. Mais, à travers lui, je tends la main à chaque Québécois fédéraliste ou indécis, à chaque Québécois qui se dit: Ce serait quand même beau, avoir son pays; ce serait quand même digne, être maître chez soi; ce serait quand même noble. parler de sa propre voix à la table des nations. Je la tends à chaque Québécois qui se dit: Et si c'était vrai? Et si ça marchait? Et si on osait, puisqu'on est capables? Qu'est-ce qui les retient. Qu'est-ce qui les retient, ces Québécois? Ce ne sont pas les Rocheuses. Ce n'est pas parce qu'ils aiment la nouvelle réalité pancanadienne, celle de 10 provinces égales. Ce n'est pas parce qu'ils partagent le projet de Monsieur jean_chrétien ou de Monsieur Clyde Wells, d'un Canada qui lime chaque jour un peu plus ce qui distingue le Québec. Ce n'est pas la notion de "société_distincte": elle a complètement disparu du vocabulaire canadien, comme celle des deux nations. Il n'y a plus de promesse d'autonomie québécoise. Ce n'est pas parce qu'ils sont contents de la gestion de leurs taxes par Ottawa: la dette fédérale est monstrueuse. Le gaspillage, dénoncé chaque année par le Vérificateur général, est phénoménal. Non, ce qui les retient d'être souverainistes 24 heures par jour, c'est le doute, la peur de l'inconnu. Ces craintes sont normales, elles sont légitimes, elles sont même nécessaires. La vie d'un peuple, c'est comme celle d'un individu: avant chaque grande décision, un mariage, un changement d'emploi, l'achat d'une maison, nous avons comme un pincement au coeur. Devenir propriétaire de tout un pays, ce n'est pas une décision qui se prend à la légère. Ces doutes et ces craintes des Québécois, Monsieur le Président, nous les connaissons, nous les comprenons. Nous avons l'intention de proposer aux Québécois une façon inédite de leur donner la parole. Nous irons les trouver chez eux pour qu'ils puissent exprimer à la fois leurs espoirs et leurs craintes, leurs ambitions et leurs hésitations. Ce sera un processus où ils pourront poser leurs questions et offrir leurs réponses. Qu'on mette tout sur la table! C'est dans le noir que l'inconnu nous apeure; à la lumière du jour, on y voit mieux. C'est dans le silence qu'on se sent petit et seul; lorsqu'on prend la parole, on s'entend et on se comprend. Au Québec, on est maintenant 7 000 000, et on va se parler! Il y a, aujourd'hui, au Québec, un grand consensus: que le référendum se tienne l'an prochain, en 1995. Le chef de l'opposition le demande, le premier_ministre canadien le demande. Ça tombe bien, car c'est dans nos intentions. Il y a un autre consensus: que la question soit claire. Elle le sera. Pendant la campagne, on a dit aux Québécois que, si mon équipe était élue, elle enclencherait le processus référendaire. C'était vrai. Comme prévu, nous enclenchons. Nous enclenchons aujourd'hui notre action pour l'emploi, pour la jeunesse, pour les femmes, pour les régions, pour le lien de confiance. Nous l'enclenchons aussi pour la souveraineté. Mardi prochain, je préciserai la forme exacte que prendra cette démarche et je déposerai à l'assemblée_nationale un document qui servira de base à la participation populaire dont je viens de parler. Mais, par-dessus tout, comment proposons-nous de réaliser la souveraineté? En étant fidèles aux quatre principes qui guident toute notre action: la volonté, la clarté, la solidarité et la responsabilité. Merci, Monsieur le Président.