*{ Chambre de commerce du Canada. 1988. Rendre le Canada plus compétitif sur le plan économique } Section 1. Objectifs du Groupe de travail. Le Groupe de travail sur l'exploitation du changement a été chargé d'examiner comment les Canadiens peuvent tirer parti des changements que subit notre société pour rendre le Canada plus compétitif sur le plan économique. L'objectif général était de trouver des façons d'aborder le problème du changement qui réduiraient ses effets perturbateurs tout en mettant en valeur ses aspects bénéfiques. Pour atteindre ce but, le Groupe de travail s'est penché sur certains des plus importants changements socioéconomiques dont le Canada est la scène. Son objectif premier était de repérer les domaines où le monde des affaires en général et la Chambre de commerce du Canada, en particulier, pourraient apporter une aide importante. a) Attention mise sur le rôle de la Chambre. L'attention du Groupe de travail devait spécifiquement porter sur ce que la Chambre de commerce du Canada pourrait faire pour contribuer au processus de transformation économique. Dans ses délibérations, le Groupe de travail a décidé de présenter à la Chambre une variété de possibilités parmi lesquelles elle pourrait choisir ce qui convient le mieux à son organisation et à ses objectifs. Ces possibilités comprennent l'établissement d'une simple fonction de surveillance, la création de moyens de recherche plus complexes destinés à produire des informations et des idées et à les diffuser aux membres de la Chambre, ou la formation d'unités chargées de prendre des initiatives concrètes d'envergure. Quelle que soit la mesure dans laquelle la Chambre décide de s'engager, le résultat serait une augmentation des services qu'elle offre à ses membres. b) Divisions de l'étude. Parce que le changement touche à peu près tous les aspects de notre existence, le Groupe de travail a dû limiter son champ d'étude aux questions qui concernent directement le monde des affaires. Son étude comprend quatre parties: Section 2 - Une économie en évolution: aperçu de certains des grands changements économiques auxquels sont confrontées les entreprises canadiennes; Section 3 - Les facteurs de changement: résumé des grandes forces qui poussent notre société à changer; Section 4 - Obstacles au changement: les obstacles qui empêchent notre économie d'évoluer comme elle le devrait; Section 5 - Défis à relever et occasions à saisir: comment différentes forces peuvent se conjuguer pour renverser les barrières et promouvoir un changement pour le mieux. Dans chaque section, lorsqu'il a jugé bon de le faire, le Groupe de travail a formulé des recommandations qui, presque toutes, suggèrent à la Chambre de commerce du Canada des initiatives et des mesures à prendre. c) Hypothèses de base. Le changement n'est pas toujours perçu comme positif; il peut avoir un effet perturbateur, jeter dans l'incertitude, dans la crainte même. Nombreux sont ceux qui cherchent à se protéger des angoisses qu'il engendre en s'accrochant aux pratiques établies ou en prenant des moyens pour l'entraver. «Tandis qu'ils voient, partout dans le monde, se produire de rapides transformations économiques, bien des Canadiens entretiennent cette idée que l'économie de leur pays n'évolue que lentement. Dans leur esprit, l'économie repose sur l'exploitation des ressources naturelles que complètent les secteurs de la fabrication et des services. L'image qu'ils se font de la stabilité industrielle et de l'évolution économique contribue à créer chez les Canadiens une attitude fâcheuse face au changement. Ils s'imaginent que des transformations rapides de la technologie et des marchés mondiaux sont nuisibles pour le Canada, qu'ils provoquent des bouleversements inacceptables, aggravent le chômage et finissent par abaisser le niveau de vie. Cette attitude pousse en outre les entreprises - et des industries entières - à supplier l'État de leur accorder des subventions ou de les mettre à l'abri d'importations qui menacent leurs emplois à cause de l'évolution de la situation du marché. Elle freine aussi les changements qui devraient être apportés à la politique économique pour favoriser l'adaptation industrielle». Le Groupe de travail, pour sa part, a pris comme point de départ des hypothèses tout à fait différentes: - Le changement est un signe de progrès. Dans toute économie saine, la concurrence suscite l'innovation qui, à son tour, engendre le changement. Certains types d'entreprise perdent leur utilité et disparaissent, mais il en surgit de nouveaux pour les remplacer. - Le changement, il est vrai, exige des sacrifices dans l'immédiat, mais ceux-ci sont compensés par ses bienfaits à long terme. L'innovation vise à améliorer les produits, les procédés, l'efficience et l'efficacité. Le nouveau remplace l'ancien chaque fois qu'il apporte des avantages concrets, si bien que, à la longue, le changement s'avère bénéfique. A court terme, cependant, les transformations économiques bouleversent la vie d'un grand nombre de personnes. - En nous préparant au changement, nous faisons en sorte que la transition soit moins perturbatrice et moins menaçante. Ceux qui ne prennent pas leurs dispositions pour l'avenir seront victimes du changement au lieu d'en bénéficier. En façonnant le changement pour qu'il corresponde à nos objectifs, nous atténuons la menace qu'il constitue, l'incertitude et la peur qu'il engendre. - Non seulement le changement est inévitable, mais il est déjà là. Que cela nous plaise ou non, il est à l'oeuvre partout dans le monde et dans notre société. Les Canadiens ont trop à perdre sur les plans économique, social et culturel, pour tenter de s'isoler du reste du globe. Une telle tentative serait de toute manière vouée à l'échec. Le Groupe de travail sur l'exploitation du changement reconnaît que le changement coûte cher, surtout si on n'y est pas préparé ou si on s'y oppose. Il peut occasionner de grands bouleversements économiques et beaucoup de souffrances, surtout si on n'y prête aucune attention ou si on ne s'y prépare pas adéquatement. Il vaut beaucoup mieux prévoir le changement et apprendre à l'exploiter à notre profit. d) Les objectifs du changement. Dans leur préparation au changement, les Canadiens peuvent fixer à leur action divers objectifs généraux tous souhaitables. La Chambre de commerce devrait garder ces orientations à l'esprit lorsque, dans le cadre de son programme Objectif 2000, elle formule des principes directeurs et prend des initiatives. Une initiative serait jugée utile dans la mesure où elle aide à atteindre un ou plusieurs des objectifs généraux suivants. 1) Faciliter l'organisation rationnelle de l'économie. La création d'un marché mondial, l'accélération du progrès technologique et l'intensification de la concurrence internationale placent les entreprises devant de nouvelles exigence. Pour survivre, des sociétés bien établies devront se réorganiser et rationaliser leur exploitation; elles devront trouver des moyens plus efficaces de mettre au point de nouveaux procédés, de créer de nouveaux produits, de s'adapter à de nouveaux marchés et d'améliorer leur efficience et leur compétitivité. On pourrait donc se fixer comme objectif de trouver des moyens d'aider les entreprises à s'adapter. 2) Créer de nouvelles possibilités d'activité économique. Certaines formes d'activité économique perdent leur utilité tandis que d'autres sont engendrées par le changement technologique. Comme le maintien de la bonne santé économique du Canada exige que de nouvelles entreprises naissent plus rapidement qu'il n'en disparaît d'anciennes, il importe de favoriser ces naissances ainsi que l'apparition de nouveaux moyens d'engendrer de la richesse. Un autre objectif de la Chambre pourrait être de contribuer au développement d'une mentalité populaire encourageant l'entrepreneuriat et l'innovation technologique . 3) Préserver ou créer des emplois. Il est impossible que l'économie canadienne croisse et que les entreprises prospèrent si un grand nombre de Canadiens ne peuvent trouver du travail. Les transformations de l'activité économique vont toucher beaucoup de travailleurs. Certains vont perdre leur emploi, d'autres vont devoir accepter des postes inférieurs, d'autres enfin devront acquérir de nouvelles qualifications pour se trouver du travail. A mesure que se transformera l'économie, les Canadiens voudront maintenir leur niveau de vie, sauvegarder la cohésion de leur famille et se protéger le plus possible des effets perturbateurs du changement. Le défi lancé à la Chambre de commerce est de trouver des moyens qui produisent ce résultat tout en respectant de sains principes économiques. 4) Aider les collectivités à s'adapter au changement. Les collectivités sont touchées par le changement tout autant que les individus. Elles peuvent attendre du changement économique qu'il leur apporte de nouveaux moyens de subsistance pour remplacer ceux qu'il leur fait perdre. Il faudra aider les collectivités à attirer de nouvelles entreprises ou à créer elles-mêmes de nouveaux types d'activité économique. La Chambre de commerce pourrait chercher des moyens d'aider les collectivités à trouver des solutions de remplacement économiquement viables. Loin de s'exclure, ces objectifs se complètent et s'étayent mutuellement, de telle sorte que se rapprocher de l'un d'eux rend plus facile d'en atteindre un autre. D'autre part, ils ont tous les quatre la même importance et la Chambre de commerce devrait prendre soin de leur accorder une place égale dans ses initiatives. Section 2. Une économie en évolution. Un changement rapide et qui ne cesse de s'accélérer est maintenant une réalité familière à notre société. Autrefois inhabituel, le changement est en train de devenir un phénomène courant, quelque chose à quoi on s'attend. Pour maîtriser cette situation nouvelle, il faut la comprendre. Le Groupe de travail s'est donc penché, en premier lieu, sur l'évolution de certains secteurs clés qui réclament l'attention immédiate du monde des affaires. a) La croissance du secteur des services. L'évolution récente de l'emploi au Canada montre de façon spectaculaire que l'économie canadienne est en pleine transformation. Depuis 1961, l'emploi a fait une chute dans le secteur de l'exploitation des ressources naturelles. D'autre secteurs, comme les industries manufacturières, le bâtiment, les transports et les communications ont enregistré une augmentation nette du nombre des emplois, mais leur part du total canadien a diminué. Par contre, le secteur des services a connu un essor phénoménal: le nombre des emplois y a triplé et le secteur, qui occupait le cinquième rang comme source d'emplois au Canada, est passé au troisième. Il faut bien comprendre le sens de ces chiffres. Ils ne signifient pas que l'agriculture, l'exploitation minière ou l'industrie des pâtes et papiers, par exemple, ne joueront plus aucun rôle dans l'économie canadienne; le contraire est évident. Ce que semble indiquer le tableau 1, c'est que ces secteurs ne créeront désormais plus beaucoup d'emplois directs. A cause des technologies nouvelles et des améliorations de productivité qui les accompagnent, il nous faudra moins d'ouvriers non spécialisés pour mettre en valeur nos ressources. Par contre, notre secteur primaire aura besoin d'un plus grand nombre de spécialistes (agronomes, géologues, chimistes) pour demeurer concurrentiel. Le message est clair. De nombreux secteurs qui employaient autrefois une abondante main-d'oeuvre non spécialisée vont cesser d'être demandeurs, tandis que tous les secteurs de l'économie auront un besoin croissant de travailleurs spécialisés. Ces transformations de l'emploi obligent la société canadienne à de gros efforts d'adaptation. Elle doit, entre autres, faciliter la migration des ressources humaines des secteurs où l'emploi régresse vers ceux où il se développe et veiller à ce que la population active acquiert les compétences qu'exigent les secteurs en expansion. Enfin, l'essor du secteur des services n'est pas en soi un signe de bonne santé économique. On trouve, là aussi, des emplois mal rémunérés et peu spécialisés, qui ne fournissent pas aux Canadiens l'occasion d'exercer leurs talents ou de faire preuve de créativité et qui contribuent fort peu à la vigueur de notre économie. L'exploit que doivent réaliser les Canadiens, c'est de favoriser la création d'emplois qui engendrent une valeur ajoutée élevée et renforcent tant notre infrastructure économique que notre compétitivité sur les marchés mondiaux. b) L'économie informatisée. La technologie aura une influence déterminante sur les emplois de l'avenir. On a abusé de l'expression «économie informatisée» au point qu'elle est devenue un cliché, et pourtant elle contient une vérité fondamentale. Il entre en effet de plus en plus d'informatique dans tous nos biens et services par l'entremise des techniques qui servent à les produire. C'est une composante qui est devenue cruciale dans toutes les branches de l'activité économique. C'est vrai tout autant des industries traditionnelles utilisant les ressources que du secteur de la technologie de pointe. Dans les années qui viennent, toutes les industries devront s'informatiser et recourir à une technologie de l'information de pointe si elles veulent rester dans la course. Dans le cadre du programme Objectif 2000, un autre groupe de travail s'est penché sur la question des sciences et de la technologie au Canada. La tâche du Groupe de travail sur l'exploitation du changement était d'étudier les répercussions sur divers secteurs de la société canadienne de l'introduction des technologies de pointe. Pour les entreprises, l'avènement de l'économie informatisée signifie que l'adoption de techniques utilisant largement l'informatique n'est plus un luxe, mais une nécessité urgente et impérieuse dont dépend leur survie. Pour leur part, à cause de l'économie informatisée, les pouvoirs publics doivent mettre en place un cadre politique souple qui favorise la création et la diffusion de techniques nouvelles. Quant à la société dans son ensemble, l'économie informatisée exige d'elle qu'elle reconnaisse les réalités d'aujourd'hui et s'efforce de les comprendre. Le Canada ne peut ni espérer renverser la révolution technologique, ni se permettre de la nier. S'il le faisait, il parviendrait peut-être à prolonger l'existence d'activités économiques qui ne sont plus viables, mais ce serait au détriment de sa compétitivité globale. Il est préférable d'exploiter la technologie, de la faire servir au changement. Il est possible de tirer parti de l'informatique pour former ou recycler les travailleurs et faciliter ainsi leur passage des industries agonisantes à celles qui sont en train de naître. La technologie peut créer du travail dans des secteurs d'activité entièrement nouveaux. Elle peut aider les travailleurs à trouver de meilleurs emplois ou à se lancer dans une carrière complètement différente. Elle peut préserver des emplois en les gardant productifs et concurrentiels. Ceux qui comprennent et acceptent la révolution technologique et sont capables d'exploiter ses ressources informatiques jouiront d'un important avantage dans l'avenir. Ceux qui négligent d'acquérir les compétences appropriées, par contre, se trouveront réduits aux emplois subalternes, sans avenir, si ce n'est au chômage. c) Les répercussions de la technologie sur l'emploi. Selon une opinion courante, les changements technologiques rapides auront deux conséquences: la déqualification et le chômage. En examinant les choses de plus près, on se rend compte que ce jugement est par trop simpliste. Ce qui est plus probable, c'est que l'ouvrier non spécialisé sera plus exposé au chômage, tandis que les travailleurs qui possèdent des compétences techniques verront leurs possibilités d'emploi décuplées du fait de l'essor spectaculaire des secteurs des services et de l'informatique. A coup sûr, l'avenir a des emplois en réserve pour les scientifiques, les ingénieurs, les techniciens, les chercheurs et les travailleurs polyvalents. Au début de l'ère informatique, beaucoup croyaient que l'automatisation graduelle des activités industrielles rendrait de moins en moins nécessaires les opérateurs spécialisés et améliorerait la capacité des ouvriers peu qualifiés d'accomplir des tâches complexes. Le dogme voulait que n'importe qui soit capable de faire fonctionner un système automatisé. Or les deux dernières décennies ont démontré le contraire. Dans un article traitant de l'incidence des nouvelles technologies sur les compétences professionnelles, Paul Adler fait observer que les enquêtes ne cessent de montrer que non seulement le fonctionnement de la plupart des machines à commande numérique est confié à des opérateurs spécialisés, mais que de nouvelles exigences de formation et un degré de responsabilité plus élevé sont la règle générale. Dans le cas des grands systèmes complexes, comme ceux des centrales nucléaires, la tendance à éliminer systématiquement toute intervention humaine a entraîné la création de mécanismes de commande plus sophistiqués qui présentent des risques de défaillance plus nombreux et plus difficiles à prévoir. «L'automatisation donne de bons résultats lorsqu'elle touche les commandes simples. Elle peut alors entraîner une réduction du nombre des opérateurs, mais les fonctions de ceux qui restent deviennent d'autant plus exigeantes». Enfin, l'introduction de la technologie avancée modifiera même les exigences des emplois traditionnellement considérés comme subalternes. Adler a étudié le cas des caissiers de banque et est arrivé à la conclusion que l'automatisation des opérations bancaires les rendra plus responsables des résultats de leur travail, exigera d'eux plus de capacités intellectuelles et de connaissances abstraites, et renforcera leurs liens d'interdépendance avec les autres employés. Le danger donc, c'est que la technologie trouve les Canadiens mal préparés, dépourvus des compétences qu'exige l'automatisation. Le Canada court le risque d'une stagnation économique, le chômage croissant tandis que des emplois ne peuvent être remplis faute de candidats qualifiés. Les industries utilisant des techniques de pointe se trouvent déjà dans cette situation. Par exemple, BellNorthern Research signale qu'elle a de plus en plus de mal à trouver assez de diplômés en génie électronique pour combler les postes qu'elle offre. IBM Canada affirme qu'elle pourrait, à elle seule, embaucher 80 pour 100 des étudiants qui obtiendront cette année leur maîtrise en informatique. De plus, le développement de ces sociétés accroît sans cesse leurs besoins, tandis que le nombre des diplômés diminue à mesure que vieillit la génération de l'explosion démographique. Enfin, il faut admettre que l'un des résultats inévitables du progrès technologique est que l'accomplissement d'une tâche donnée nécessitera moins de personnes. Ce fait n'entraînera pas nécessairement un chômage massif puisque le progrès technologique a aussi pour effet de créer de nouvelles formes d'activité économique. Tant que ces nouvelles activités absorberont les travailleurs plus vite que les industries traditionnelles les mettent au chômage, l'économie continuera de se développer et les Canadiens, d'être prospères. Pour que cela se produise, il est essentiel de créer les conditions où l'esprit d'entreprise et d'innovation puisse découvrir et exploiter de nouvelles possibilités d'activité économique. De toute évidence, une connaissance généralisée, tant théorique que pratique, de la technologie est un préalable indispensable. d) Apprentissage continu. Le changement technologique s'accélérant sans cesse, on ne peut s'attendre a ce que l'instruction et les compétences acquises en début de carrière soient encore valables des décennies plus tard. Plutôt que de leur transmettre un savoir hautement spécialisé (et, par conséquent, rapidement dépassé), les écoles secondaires, les collèges universitaires et les universités devront peut-être s'attacher à développer chez leurs étudiants les aptitudes à apprendre et à s'adapter. Les entreprises canadiennes, pour leur part, auront beaucoup à faire sur le plan de l'éducation. Elles devront prendre davantage en main la formation de leurs nouveaux employés et consacrer plus de ressources à l'apprentissage continu, à la mise à jour des qualifications acquises et au recyclage si elles veulent que les compétences de leurs employés suivent l'évolution des techniques. Tous les Canadiens devront accepter que l'obtention d'un diplôme universitaire ne marque plus la fin de l'apprentissage. En fait, il peut devenir nécessaire de repenser les exigences de formation scolaire et de prévoir dans les conditions d'emploi une mise à jour régulière des connaissances tout au long de la carrière. Et la nécessité de l'apprentissage continu ne se limite pas au personnel organique; elle s'étend jusqu'au sommet de la structure hiérarchique et englobe les membres des conseils d'administration. Budd Canada Ltée, fournisseur de pièces d'automobile basé à Kitchener, tente actuellement une expérience intéressante, conjointement avec la cellule 1451 du Syndicat canadien des travailleurs de l'automobile et le Waterloo County Board of Education. Quatre classes transportables ont été installées sur le terrain de l'entreprise. Elles peuvent accueillir 160 ouvriers qui ont quitté prématurément l'école et veulent poursuivre leur formation scolaire pour obtenir leur diplôme de fin d'études secondaires. On a qualifié l'expérience de «percée» dans le domaine de l'éducation des adultes. Les cours ont lieu quatre fois par semaine et ne sont pas restreints aux membres du syndicat ni aux ouvriers de l'usine. Les élèves se recrutent tant parmi les cadres qu'au sein de la main-d'oeuvre syndiquée et ont entre 18 et 58 ans. Ils sont pleins d'ardeur et l'absentéisme est quasi inexistant. Les premiers diplômes ont déjà été décernés et les cours suscitent un vif intérêt dans d'autres entreprises et auprès des autorités scolaires. Bell-Northern Research offre un autre exemple de programme d'éducation maison. Ses nouveaux employés reçoivent, en effet, une formation de 25 jours donnée par un instructeur, durant leur première année d'emploi (pour fins d'apprentissage), et tous ses employés ont chaque année cinq jours de formation pour mettre à jour les qualifications acquises ou en acquérir de nouvelles. BNR offre actuellement quelque 40 000 jours de formation par an à un effectif de 6 300 employés. Son programme de formation maison est un modèle pour l'industrie de la technologie avancée. Un autre exemple nous est fourni par IBM Canada qui a dépensé, en 1986, 36 millions de dollars pour la formation de son personnel, 3 000 $ pour chacun de ses 12 000 employés. Tous les jours, environ 500 de ses employés participent à une forme ou une autre d'apprentissage continu. Une partie de cette formation est destinée à garder fraîches les qualifications acquises et une autre est liée à la réaffectation des employés au sein d'IBM. En effet, à mesure que le secteur logiciel de la société se développe, elle y affecte les employés qui travaillaient dans le secteur matériel et elle doit leur apprendre leurs nouvelles tâches. IBM confie une partie de sa formation, par contrat, à Ryerson Polytechnic. Elle fournit le matériel pédagogique et détermine l'objectif des cours, tandis que Ryerson fournit les locaux, l'équipement et les instructeurs. Voilà un bon exemple de collaboration fructueuse entre une entreprise et un établissement d'enseignement. Ce peut être un bon modèle pour les petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas des ressources qu'exige la formation. Faire donner la formation à l'extérieur et mettre en commun les cours peuvent être des moyens à leur portée d'aider leurs employés à se perfectionner professionnellement. Il est vital pour les entreprises canadiennes dans leur ensemble qu'elles reconnaissent l'importance de la formation continue tant dans le cadre du travail qu'en dehors de celui-ci, et qu'elles agissent en conséquence. La formation continue profite à l'employeur en ce qu'elle élève la productivité, et à l'employé en ce qu'elle lui donne de nouvelles compétences et de nouvelles chances d'emploi. L'important, c'est de veiller à ce que les initiatives de formation continue profitent véritablement aux deux parties. Elles seront infructueuses si les employeurs n'y voient qu'un moyen de faire produire davantage leurs employés, ou si ces derniers se servent de leurs nouvelles compétences pour chercher du travail ailleurs. Tout programme d'éducation permanente doit prendre en compte, à part égale, les intérêts des deux partenaires. En ce qui concerne la formation et l'éducation, les pouvoirs publics peuvent avoir un important rôle de catalyseur à jouer. Par exemple, initiative intéressante, l'État du Michigan a adopté une approche centralisée de la formation, de l'éducation, de l'évaluation des compétences, de l'orientation et du placement. Tous les adultes du Michigan peuvent obtenir une carte semblable à une carte bancaire, qui leur donne accès aux services suivants: des renseignements détaillés sur la formation professionnelle et l'apprentissage des connaissances de base disponibles dans leur milieu; une évaluation de leur aptitude à occuper un emploi et à remplir les conditions d'admissibilité de divers programmes; un plan d'action personnel pour acquérir les compétences qui seront exigées d'eux; une mise en rapport avec les services d'éducation et de formation disponibles; et une assistance placement. Il est clair que l'éducation des adultes, la mise à jour des qualifications acquises et le recyclage vont devenir des questions vitales pour l'avenir. Les travailleurs canadiens doivent être prêts à acquérir une formation supplémentaire à plusieurs reprises au cours de leur vie active. De plus, les entreprises vont devoir jouer un rôle plus actif en matière d'éducation et de formation. Si elles veulent garder à jour les qualifications et les connaissances de leurs effectifs, elles devront s'engager davantage dans la formation continue, en offrant des cours maison, en ayant recours aux universités, ou en se joignant à d'autres entreprises. La Chambre de commerce du Canada pourrait contribuer à promouvoir la formation des employés et la mise à jour des qualifications acquises et faciliter les initiatives dans ce domaine, surtout en ce qui concerne les petites entreprises. Notons, en effet, que si les grandes sociétés comme IBM et BNR peuvent investir de grosses sommes dans la formation, les petites entreprises y parviennent difficilement toutes seules. Des possibilités de coopération s'offrent à elles, toutefois, que ce soit avec des établissements d'enseignement locaux ou avec d'autres entreprises animées du même souci de formation. En partageant les frais, les petites entreprises peuvent maximiser l'efficacité des programmes de formation sans mettre leur rentabilité en danger. Ajoutons, en outre, que, si l'on pense beaucoup aux universités et aux écoles secondaires lorsqu'il est question d'apprentissage continu, il ne faudrait pas oublier les collèges communautaires. Répartis dans les régions et entretenant des liens étroits avec les entreprises locales, ces collèges sont en prise directe sur les besoins en formation des collectivités où ils se trouvent. Ils pourraient fournir une réponse particulièrement adaptée au recyclage continu des travailleurs. La Chambre de commerce pourrait aider les entreprises intéressées à trouver des partenaires pour des programmes de formation. Elle pourrait servir de centre d'information sur les initiatives de ce genre et peut-être même jouer un rôle plus actif en les organisant. Recommandation. Le Groupe de travail est d'avis que la Chambre de commerce du Canada peut prendre une part importante à la naissance, au Canada, d'une «culture de la formation». Plus précisément, elle pourrait jouer un rôle dans le domaine de la formation des employés des petites entreprises. La Chambre devrait trouver des façons d'aider ou de contribuer à cette formation à titre soit de source d'informations, soit de facilitateur, soit de participant direct. e) Télémarketing et télétravail. Le progrès des télécommunications promet de révolutionner non seulement la façon de faire des affaires, mais aussi l'organisation des entreprises et jusqu'aux lieux de travail. Les entreprises et les travailleurs devraient se préparer à ces changements. Par exemple, il est maintenant possible de remplacer, dans les câbles téléphoniques, les fils de cuivre par des fibres optiques, capables de transmettre une quantité d'informations incomparablement supérieure. Le téléphone de l'avenir sera un appareil qui combinera l'ordinateur avec le téléphone que nous connaissons aujourd'hui et offrira un vaste éventail de services: sécurité domiciliaire, contrôle de la température, banque à domicile, télé-achat, services d'information, accès à des bases de données, jeux, tout cela à partir d'un seul terminal. Certaines entreprises pourront être reliées électroniquement avec leurs clients, ce qui réduira leurs frais généraux et modifiera radicalement leur façon de faire des affaires. Bien des commerces de détail abaisseront par le même moyen leurs frais d'exploitation et investiront de l'argent dans l'établissement de liaisons directes avec le domicile de leurs clients. Cela aura naturellement des conséquences importantes pour le nombre et les qualifications des employés des commerces de gros et de détail. Parallèlement, on pourra utiliser les télécommunications pour travailler chez soi. Les liaisons téléphoniques standard permettent déjà de relier avec le lieu de travail un ordinateur dont un employé se sert à domicile. Il y a déjà des gens qui exécutent leur travail, à domicile, sur leur terminal et transmettent le résultat à leur employeur ou à leur client. Cette façon de faire présente de nombreux avantages, notamment une réduction des frais généraux et une plus grande souplesse dans les horaires de travail. Ces nouvelles possibilités modifieront en profondeur l'organisation des entreprises et la supervision du travail. Elles auront aussi des répercussions sur les avantages sociaux (régimes de retraite et d'assurance). Par exemple, considérera-t-on les télétravailleurs comme des employés de l'entreprise ou des fournisseurs indépendants? De toute évidence, on ne peut fournir une réponse unique à cette question et la nature exacte du lien entre celui qui donne et celui qui exécute le travail devra être définie par les intéressés. C'est, toutefois, une question à laquelle les entreprises n'échapperont pas. Pour ne pas déformer la réalité, précisons que le télétravail n'est pas encore très répandu et que, selon certains, il ne le sera jamais. On soutient en effet que les employés ont besoin d'un contact personnel continu et de renforcement pour faire du bon travail. Le travail à la maison est susceptible de subir toutes sortes d'interruptions; il exige beaucoup d'autodiscipline et peut se révéler aliénant. Malgré ces inconvénients, il est clair que, si le télétravail devient plus fréquent, il modifiera non seulement l'organisation et les tâches du travail de bureau, mais le mode de fonctionnement même de l'entreprise. Si le télétravail n'a pas encore pris beaucoup d'importance, le travail à temps partiel, lui, ne cesse de gagner du terrain au Canada. Son essor rapide est un phénomène dont les entreprises devront prendre acte et auquel elles devront s'adapter. En 1953, les travailleurs à temps partiel représentaient 3,8 pour 100 (200 000 environ) des effectifs occupés. En 1981, cette proportion était passée à 13,5 pour 100 (plus de 1,5 million). Une récente enquête fédérale sur le travail à temps partiel a révélé que les trois quarts des travailleurs à mi-temps environ étaient des femmes. Dans la plupart des cas, le travail à temps partiel était un choix délibéré, la raison donnée le plus fréquemment étant le soin d'un enfant. Ces changements font partie d'autres tendances importantes qui vont obliger les entreprises à repenser, entre autres, l'aménagement du lieu de travail, les horaires et les avantages sociaux. Ce que nous avons observé jusqu'à présent n'est que le début d'une mutation profonde dans la façon dont les gens conçoivent le travail qu'ils accomplissent. Recommandation. La Chambre de commerce du Canada peut jouer un rôle dans le phénomène du télémarketing et du télétravail. Par exemple, elle pourrait chercher à déterminer dans quelle mesure les entreprises se servent actuellement de la télématique. Remarque-t-on un changement important dans le mode d'exploitation des entreprises, le travail accompli sur place cédant le pas au travail exécuté par les employés à domicile, par des pigistes ou par des consultants? Dans l'affirmative, ce changement s'avère-t-il bénéfique pour l'entreprise et ses fournisseurs? Comment ces nouveaux rapports sont-ils structurés? La Chambre de commerce pourrait devenir une source d'informations sur les possibilités qu'offre le travail à distance, renseigner ses membres sur ce sujet et mettre ceux que de tels arrangements intéressent en rapport avec les entreprises qui en ont l'expérience f) Changements démographiques. Le Canada connaît actuellement de profonds changements démographiques qui auront des répercussions sur divers aspects de son économie. Le plus important de ces changements est la baisse du taux de natalité qui a emboîté le pas à l'explosion démographique de l'après-guerre. En raison de ce phénomène, on observe, dans la population canadienne, une cohorte anormalement nombreuse, formée par les enfants nés durant les dix années postérieures à la Seconde Guerre mondiale, suivie de cohortes toujours plus petites traduisant la baisse graduelle du taux de natalité, jusque sous le niveau de renouvellement. Comme le montre le tableau 2, le nombre des jeunes s'élève puis diminue à mesure que vieillit la génération de l'explosion démographique. Cette baisse se poursuit encore, tandis que le nombre des personnes âgées, lui, augmente. Cette évolution démographique a des répercussions profondes dans toute la société canadienne. On se demande, par exemple, si une population active beaucoup moins nombreuse suffira à assurer la sécurité matérielle de la génération de l'explosion démographique parvenue à l'âge de la retraite. Également préoccupant le fait que, à cause de la dénatalité, la population canadienne prendra de l'âge au moment précis où les changements technologiques exigeront une nouvelle génération de travailleurs armés de nouvelles compétences. Si l'industrie canadienne souffre déjà d'une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, quelle sera sa situation dans dix ans? Évidemment le Canada pourrait compenser sa dénatalité par une immigration accrue. Il faudrait prendre soin de trouver des immigrants qui ont déjà des compétences et sont disposés à les développer, ou qui ont des enfants d'âge scolaire. Par ailleurs, l'entrée massive des femmes sur le marché du travail signifie que la proportion de la population qui travaille est plus élevée que jamais. Ce fait pourrait suffire à compenser la dénatalité. Une autre solution serait d'améliorer l'éducation et la formation que nous donnons à nos jeunes pour que leur petit nombre soit compensé par un gain de productivité lorsqu'ils entreront sur le marché du travail. Nous devrions veiller à ce que la génération qui monte, même si elle est moins nombreuse que la précédente, soit mieux formée et plus productive, car ce qui détermine la prospérité d'une société où les progrès techniques sont constants, ce n'est pas le nombre absolu des travailleurs, mais leur productivité. La Canada pourrait aussi assouplir son régime de retraite. Il pourrait favoriser la retraite prématurée des Canadiens dont les emplois sont en train de disparaître tout en encourageant les travailleurs qualifiés à prolonger leur activité au-delà l'âge limite actuel. Notons ici deux tendances apparemment contradictoires: retraite anticipée et prolongement de la vie active. D'une part, en effet, on observe, dans certaines industries, une tendance à la retraite anticipée, tendance qui peut être la forme que prend une compression de personnel ou une restructuration des compétences de l'effectif. Il est intéressant de noter que ce phénomène a donné naissance à une série d'initiatives maison d'assistance psycho-sociologique destinées à atténuer le choc de la retraite et à inciter les employés à profiter des possibilités que leur offre la retraite anticipée. D'autre part, on constate que la génération de l'explosion démographique est en meilleure santé que celle qui l'a précédée et pourrait décider de prolonger sa vie active au-delà de l'âge limite officiel. La retraite obligatoire à 65 ans a été contestée et l'attention s'est tournée récemment vers les personnes âgées qui font toujours partie de la population active. Recommandation. La Chambre de commerce pourrait avoir un rôle à jouer dans ce domaine. Elle pourrait réunir des données sur la population et le marché du travail et les mettre à la disposition de ses membres. Ces informations n'ont pas besoin d'être produites par la Chambre. Celle-ci pourrait réunir et utiliser des données provenant d'autres sources pour offrir à ses membres des aperçus faciles à comprendre sur des questions clés. L'objectif de cette action de la Chambre pourrait être d'user de son influence pour que soient prises des mesures permettant d'apporter une solution aux fluctuations du marché du travail avant qu'elles ne se produisent. Elle pourrait, par exemple, fournir des informations à ses membres pour les aider à prendre des décisions judicieuses en matière d'expansion, de compression, de commercialisation, d'embauche, etc. Complétée par une base de données électronique, une telle initiative pourrait aider à mettre en rapport les compétences disponibles avec les possibilités d'emploi. g) La place grandissante prise par les femmes. L'entrée massive des femmes sur le marché du travail est l'un des plus grands changements sociaux des dernières années qui aient marqué l'économie. Elle s'est produite alors que le taux d'activité des hommes baissait légèrement. Le nombre de plus en plus grand des femmes a absorbé 94 pour 100 de la croissance de l'emploi au Canada entre 1981 et 1986. Ces tendances ont eu pour résultat que le nombre des femmes travaillant pour leur compte a augmenté de 27 pour 100 entre 1981 et 1986, tandis que celui des hommes n'a connu qu'une augmentation de 7 pour 100. Durant la même période, le nombre des employeurs de sexe féminin a grossi de 30 pour 100, comparativement à 11 pour 100 pour celui de sexe masculin. Fait peut-être plus important encore, les mères sont plus nombreuses à travailler hors du foyer. A l'heure actuelle, 61,2 pour 100 des mères canadiennes occupent un emploi à plein temps ou à temps partiel. Ce taux reste le même, quel que soit l'âge des enfants. Il est de 62,1 pour 100 chez les femmes mariées ayant des enfants de moins de 6 ans. La pénurie de travailleurs qualifiés n'est pas atténuée par l'afflux des femmes. L'absence de ces dernières continue d'être marquée dans les disciplines scientifiques, les mathématiques et le génie. Même si elles gagnent du terrain dans certaines branches d'activité traditionnellement dominées par les hommes, leur absence dans les disciplines scientifiques est grave et exige de toute urgence une solution. La majeure partie des femmes qui travaillent se retrouvent dans des secteurs où on a l'habitude de les voir - services communautaires, commerciaux et personnels - et c'est dans ces secteurs que la main-d'oeuvre féminine continue surtout de croître Avant de pouvoir résoudre ce problème, toutefois, il faudra mieux connaître les raisons pour lesquelles il y a si peu de femmes dans les disciplines scientifiques. L'avenir va forcer les femmes à sortir de leur ghettos d'emplois. Pour donner un exemple: les nouveaux outils bureautiques - machines de traitement de textes, lecteurs optiques, convertisseurs voix-texte, programmes de mise en forme, télécopieurs - vont réduire la demande de simples secrétaires et accroître les besoins en compétences administratives plus sophistiquées. Ce changement forcera les écoles à convaincre les jeunes filles d'acquérir une formation en mathématiques et de développer leurs capacités techniques. L'arrivée massive des femmes sur le marché du travail créera de nouveaux problèmes aux entreprises canadiennes. Les femmes, en effet, ont des exigences propres en ce qui concerne les congés de maternité et le soin des enfants. Quand elles étaient peu nombreuses à travailler, les entreprises ne s'occupaient pas de leurs besoins; mais elles ne peuvent plus les négliger maintenant que leur taux d'activité se rapproche de celui des hommes. Les femmes demandent plus de souplesse dans l'organisation du travail pour qu'elles puissent à la fois élever leurs enfants et poursuivre une carrière. Les employeurs se verront demander des congés de maternité (ou même de paternité) accrus, des horaires souples, des congés non payés sans perte d'ancienneté, des garderies et une aide en cas de déplacement du conjoint. A mesure que les femmes se feront plus nombreuses parmi les cadres supérieurs, ces demandes recevront un accueil de plus en plus sympathique. Les entreprises qui trouveront moyen d'y accéder sans compromettre leur rentabilité y gagneront un avantage certain sur le plan compétitif. Elles attireront les femmes dans leurs rangs à un moment où la croissance démographique fléchit et où le taux d'activité des hommes diminue. Le travail des femmes a eu pour conséquence l'apparition des familles à double revenu, source de nouvelles difficultés pour les entreprises, en particulier lorsqu'elles doivent déplacer leurs employés. Quand le mari subvenait seul aux besoins de la famille, celle-ci le suivait lorsque son emploi le forçait à déménager. Maintenant que les deux époux gagnent un revenu comparable, ils peuvent ne pas vouloir abandonner un emploi pour en obtenir un autre et leurs deux salaires augmentent leur pouvoir de négociation. Le désagrément d'avoir à déménager, les liens avec les parents et les amis et l'attachement à la ville que l'on habite peuvent être des motifs suffisants pour ne pas vouloir la quitter, même si l'aide financière prévue pour la réinstallation est généreuse et que le nouvel emploi est beaucoup mieux payé que l'ancien. Une solution que pourraient adopter les entreprises serait de verser au conjoint de l'employé transféré une aide à la réinstallation. Une enquête menée aux États-Unis, par Merrill Lynch, sur les politiques de réinstallation a révélé que 26 pour 100 des entreprises interrogées accordaient au conjoint une forme quelconque d'aide au déplacement. Lorsqu'elles déplacent un employé, les sociétés s'efforcent maintenant d'aider de diverses façons le conjoint qui travaille à trouver un nouvel emploi. Elles peuvent lui verser une somme d'argent pour l'aider à payer les droits d'une agence de placement ou un voyage de recherche d'emploi, ou encore lui fournir des services d'orientation professionnelle ou d'assistance à la rédaction d'un curriculum vitae. Bien des entreprises consentent maintenant à engager le mari et la femme, de sorte que les deux conjoints peuvent trouver un emploi au nouveau lieu de travail de l'employé déplacé. Des entreprises créent aussi des réseaux d'emploi du conjoint pour mettre en commun les informations sur les possibilités de travail. «Les entreprises qui veulent vraiment attirer chez elles des employés à potentiel élevé devront repenser les avantages qu'elles offrent en cas de déplacement et les rendre plus intéressants de façon à les adapter à l'évolution de la main-d'oeuvre et aux besoins du conjoint qui travaille, lequel n'est souvent pas disposé à abandonner sa carrière à moins qu'on lui offre un emploi de même niveau ou que les perspectives offertes à la famille soient alléchantes. Il y a quatre ans, j'ai publié, dans Personnel Administrator, un article sur le déplacement du conjoint. A cette époque, 75 pour 100 de ces conjoints étaient des femmes dont le mari était replacé ailleurs. Depuis lors, la proportion des hommes qui suivent leur femme, déplacée, est passée à 66 pour 100. C'est dire à quel point les choses changent rapidement dans ce domaine». Recommandation. L'entrée massive des femmes sur le marché du travail y produit des transformations importantes et profondes. La Chambre de commerce a là un vaste champ où exercer son initiative. En mettant à profit les talents et le savoir des femmes qu'elle compte déjà parmi ses membres, la Chambre pourrait élaborer des positions qui, tout en respectant des méthodes de gestion éprouvées, répondent aux besoins propres des femmes en milieu de travail. Elle pourrait centrer ses initiatives sur la formation des femmes, en particulier dans les domaines de la gestion et des sciences. Intensifier les contacts entre les cellules du réseau et les échanges d'informations pourraient aussi permettre de dégager des modèles et des exemples montrant quels moyens prendre pour favoriser une intégration plus rapide des femmes dans la vie économique canadienne. h) Le rôle de la petite entreprise. Tandis que les grandes sociétés subissent des transformations technologiques et réduisent leurs effectifs, les petites entreprises deviennent le moteur de l'économie canadienne et créent des emplois. Sur les quelque 822 000 entreprises qu'on trouve au Canada, 812 000 sont de petite taille, c'est-à-dire ont moins de 100 employés. Or 82 pour 100 des emplois nets créés entre 1978 et 1985 sont attribuables à de petites entreprises comptant moins de 20 employés. Un nombre croissant de petites entreprises ouvrent leur porte chaque année. En 1985, il s'en est formé 151 964, comparativement à 135 329 durant les cinq années précédentes. Parallèlement, les faillites diminuent: elle sont passées de 10 765 en 1983 à 8 052 en 1986. Il est intéressant de noter que les petites entreprises sont à l'origine d'une plus grande proportion des emplois créés dans les petites provinces moins industrialisées. De plus leur activité se situe principalement dans les services, la construction et le commerce de détail, tandis que les moyennes et les grandes entreprises sont concentrées dans le commerce de gros et la fabrication. Le petite entreprise compte en outre pour beaucoup dans la recherche-développement qui se fait au Canada. Dans un échantillon de 543 017 firmes, Statistique Canada a repéré 1 829 (0,3%) entreprises engagées dans la recherche-développement: 991 d'entre elles (54 %) comptaient moins de 50 employés, alors que 15 pour 100 seulement en avaient plus de 500. On a avancé que la petite entreprise est un des principaux agents de changement économique et de création d'emplois, que l'ajustement s'effectue principalement par les changements que subit le taux de formation d'entreprises et que ce processus continuel est en train de réorganiser l'économie canadienne. Bref, les petites entreprises qui se multiplient ne font pas que créer des emplois, elles transforment l'économie. Grâce à la technologie, il devrait être plus facile de créer sa propre entreprise. Il existe en effet des outils informatiques et des moyens de télécommunication avancée à la portée de ceux qui se lancent en affaires. On constate cependant que la technologie de pointe n'est pas aussi répandue dans les petites entreprises que dans les grandes. De toute évidence, il faut encourager et aider les premières à utiliser les techniques de pointe, qui seront pour elles un moyen d'améliorer leur efficacité et leur compétitivité. Ajoutons que les petits entrepreneurs sont, maintenant, plus au courant de ce qu'il leur faut pour mettre sur pied une entreprise, et qu'il existe divers réseaux de soutien et d'information capables de leur faciliter la tâche. Il se pourrait donc que le Canada soit sur le point d'entrer dans l'ère de la petite entreprise. Bien entendu, il y aura toujours de grandes entreprises dans des branches d'activité où il est facile de tirer parti des économies d'échelle. Toutefois, dans d'autres secteurs, la technologie rend ces économies moins cruciales pour l'efficacité de la production, et les petites entreprises peuvent y être aussi compétitives que les grandes. En conséquence, les jeunes gens qui songent à leur carrière n'ont plus seulement à se demander pour qui ils veulent travailler, mais ils peuvent envisager sérieusement la possibilité de devenir leur propre employeur. Ceci dit, il reste néanmoins évident que les petites entreprises sont confrontées à de graves problèmes et ont de gros défis à relever. Leur situation n'a pas que de beaux côtés. Si leur nombre augmente, on constate que les petites entreprises, une fois établies, ne se développent pas rapidement, quand elles se développent. La plupart ne dépassent jamais la taille de l'entreprise à propriétaire unique. Les petites entreprises ont en outre plus de mal à conquérir les marchés étrangers; elles restent, en grande partie, cantonnées dans le marché intérieur. Toute tentative de s'étendre au-delà les force à s'associer à un partenaire beaucoup plus gros qu'elles, capable de renforcer leurs capacités concurrentielles. Dans bien des cas, cette recherche de partenaire aboutit à une acquisition ou à une fusion. On trouve aussi des exemples du mouvement contraire. Nombre de grosses sociétés se scindent et engendrent des groupes de production hautement spécialisés qui se constituent en entreprise autonome. C'est ainsi que Northern Telecom et Bell-Northern Research ont donné naissance à une trentaine de petites entreprises de haute technologie dans la région d'Ottawa. Il est clair que, dans toute économie saine, les petites entreprises coexistent avec les grosses et entretiennent avec elles des liens à la fois souples et mutuellement profitables. Les grandes sociétés peuvent maîtriser leurs coûts et leurs frais généraux en faisant appel, en sous-traitance, à de petits fournisseurs, formés par elles pour répondre à leurs besoins. Et un lien privilégié avec une grande société peut fournir à une petite entreprise une assise sûre pour chercher de nouveaux marchés. Il y a de petites entreprises qui se développent et deviennent de grandes sociétés. Et il importe, pour la bonne santé économique et la compétitivité du Canada, qu'elles soient aussi nombreuses que possible. Aussi faut-il chercher des moyens de favoriser la croissance des petites entreprises et encourager les initiatives qui y contribuent. Recommandation. L'essor de la petite entreprise constitue pour la Chambre de commerce à la fois un défi et une chance. Un défi, parce qu'elle doit fournir des services convenant exactement aux besoins des petites entreprises. Une chance, parce que, grâce à ses services, elle peut augmenter le nombre de ses membres et étendre son influence. Une information pertinente et exacte est peut-être le plus important service que la Chambre peut fournir aux petites entreprises. Par exemple, nombreux sont les phénomènes et les changements exposés dans cette section qui auront d'importantes conséquences pour les petites entreprises. En leur fournissant, dans une synthèse accessible, des informations à jour et pertinentes, en leur assurant des contacts, en leur présentant des modèles, en les faisant participer à des initiatives visant à améliorer leur compétitivité, la Chambre pourrait aider les petites entreprises qui ont adhéré à son réseau à dépasser le stade de la petite exploitation. Section 3. Les facteurs de changement. Cette section donne un aperçu des principaux éléments qui contribuent à transformer le monde des affaires. a) La technologie. Un autre groupe de travail du programme Objectif 2000 est en train d'étudier en détail la question des sciences et de la technologie. De notre point de vue, cependant, il y a des incidences de la technologie sur le milieu de travail sur lesquelles nous devons nous pencher. Viennent au premier rang les effets de la technologie sur les travailleurs. Si certains de ces effets risquent d'être néfastes, par exemple, perte d'emploi, déqualification, baisse des salaires, d'autres, par contre, sont positifs: emplois de meilleure qualité, qualifications supplémentaires et, par conséquent, salaires plus élevés et plus grand pouvoir de décision. Bref, la technologie a des répercussions en apparence contradictoires. En 1987, un rapport de synthèse du Conseil économique du Canada abordait plusieurs questions relatives à la technologie et aux lieux de travail. Le Conseil a constaté que si le changement technologique est néfaste pour certaines catégories d'emplois, son effet stimulant sur l'ensemble de l'économie compense largement: «(la croissance de la productivité) entraîne effectivement une diminution de la quantité de travail requise pour produire une unité, mais, en même temps, cette amélioration de l'efficacité fait augmenter les revenus, c'est- àdire aussi bien la rémunération des travailleurs que les bénéfices des producteurs. Or, toute hausse des revenus entraîne un relèvement de la demande, en même temps que la hausse des bénéfices permet aux producteurs d'investir pour répondre à celle de la demande. Pour produire davantage, il faut évidemment accroître le nombre de travailleurs et, par conséquent, le nombre d'emplois». A ce jour, le changement technologique n'a pas créé de chômage massif au Canada. En fait, en stimulant la demande, il a peut-être contribué à maintenir ou même à accroître l'emploi, du moins dans certaines catégories professionnelles. Le Conseil économique a constaté une croissance dans 43 pour 100 des professions, employant 36 pour 100 de l'ensemble des travailleurs. De plus, si certains types d'emploi sont devenus inutiles (laveur manuel, conducteur d'élévateur), de nouveaux ont été créés (spécialiste en dessin assisté par ordinateur, en composition par vidéotex, en immunologie, technicien en raccordement de câbles optiques). Il est remarquable que les emplois qui disparaissent demandaient peu de qualifications tandis que les nouvelles catégories exigent des études et une formation poussées. Il convient toutefois de noter que le changement technologique ne se fait pas sans douleur, comme le remarque le Conseil économique: «de nombreuses adaptations se sont produites dans ces entreprises pour faire place aux innovations adoptées, de sorte que certains employés ont été mutés à de nouveaux postes, tandis que d'autres ont pu se recycler pour acquérir de nouvelles compétences techniques. En outre, bon nombre de ces technologies ont précisément été adoptées dans l'espoir d'abaisser les coûts en main-d'oeuvre, et certaines données indiquent que des travailleurs ont effectivement été mis à pied après l'adoption des innovations techniques. Toute réduction de l'emploi causée par ce facteur aura toutefois été plus que compensée par l'accroissement de la production». Le changement technologique peut ne pas avoir d'effets gravement nuisibles sur l'emploi, à l'échelle macroéconomique, mais, au sein des firmes prises individuellement, il peut causer du tort et ne pas toujours être un succès. Par exemple, le cas d'une tentative d'automatisation d'une petite entreprise de transformation a été étudié dans un numéro récent de la Sloan Management Review et plusieurs conclusions intéressantes ont pu être tirées: - La direction a commencé par promettre aux employés qu'il n'y aurait pas de mises à pied et qu'elle les consulterait sur tout, promesses qu'elle n'a pas tenues, ce qui a profondément déçu les travailleurs; - Les employés ont réagi différemment (et collaboré à des degrés divers avec la direction) selon qu'ils étaient convaincus ou non que l'automatisation leur ferait perdre leur emploi; - En essayant de changer radicalement à la fois la technologie et l'organisation de l'entreprise, la direction s'est mise dans une position financière difficile, n'a pas réussi à diversifier rapidement sa production, a fait baisser le moral de ses employés et a créé une situation extrêmement confuse. L'étude de ce cas a amené les chercheurs a dressé une liste de ce qu'une entreprise doit éviter de faire lorsqu'elle procède à des changements technologiques majeurs: - Ne pas promettre à tous les employés qu'ils vont gagner au changement; - Ne pas blâmer les victimes du changement pour leurs réactions négatives; - Ne pas centrer toute l'attention sur le nouveau au détriment de l'ancien; - Ne pas engager les employés dans une participation purement symbolique au changement; c'est pire que de ne pas les faire participer du tout; - Éviter de détruire l'ancienne culture de l'entreprise sans en édifier une nouvelle; - Au cours d'une transformation technologique majeure, ne pas s'embarquer dans un programme de ressources humaines sans un plan prévoyant explicitement le temps et les ressources nécessaires à l'exécution du programme. Les innombrables études menées sur la transformation technologique des entreprises semblent indiquer que l'implantation des technologies de pointe ne peut réussir sans une évaluation minutieuse de leur effet sur l'organisation de l'entreprise et les gens qui y travaillent. L'exemple d'innovation technologique le plus considérable dont nous ayons été témoins récemment au Canada est fourni par la General Motors à Oshawa. Un programme de modernisation de 3,7 milliards de dollars est en train de transformer non seulement les techniques qu'utilise l'usine mais aussi l'organisation et la direction de ses unités de production. Autoplex est une stratégie que GM a conçue au Canada pour réduire ses coûts et faire passer sa production annuelle de 500 000 à 730 000 véhicules environ. Une bonne part de cette amélioration résulte de l'abandon de la vieille chaîne de montage en faveur d'une nouvelle technologie faisant appel à des robots pour transporter, sur des chariots autopropulsés, le châssis des véhicules d'un groupe d'ouvriers à l'autre. Les ouvriers n'ont plus à se déplacer le long du convoyeur pour exécuter leur tâche et le robot peut leur présenter le châssis dans l'angle et à la hauteur qui conviennent pour leur travail. Au terme de la transformation, l'usine comptera environ 650 de ces robots. Les premiers rapports révèlent que ces innovations n'ont pas seulement amélioré la productivité, mais qu'ils ont rendu le lieu de travail plus humain et ont accru sa propreté et sa sécurité. En dépit des difficultés que comporte inévitablement l'implantation de systèmes compliqués, Autoplex semble être une réussite, tant sur le plan humain que technologique. Un autre exemple récent nous est fourni par DuPont Canada. Cette société a en effet annoncé qu'elle verserait 5 millions de dollars à ses employés pour les récompenser de la collaboration dont ils ont fait preuve tout au long des énormes transformations que l'entreprise a subies depuis 1983. La somme sera partagée entre les 4 300 employés permanents comptant au moins six mois de service: ceux qui travaillent chez DuPont depuis plus de deux ans recevront 1 000 $ et ceux qui ont entre six mois et deux ans de service en toucheront 500. Depuis 1983, DuPont a réduit ses effectifs de 700 employés, a fermé une usine, en a vendu une autre et a profondément modifié son style de gestion. Le genre de changement technologique auquel General Motors a procédé ou les transformations qu'a connues DuPont deviennent de plus en plus fréquents dans les entreprises canadiennes. Selon une enquête menée par le Conseil économique, 85 pour 100 d'entre elles prévoient qu'elles auront informatisé au moins une de leurs opérations d'ici 1990. Elles estiment en outre que 39 pour 100 de leurs travailleurs utiliseront une technique à base de micro-électronique pour accomplir leurs tâches, comparativement à 16 pour 100 en 1985. Une telle augmentation en si peu de temps va inévitablement mettre à rude épreuve l'organisation des entreprises et les gens qui y travaillent. A tout le moins, les sociétés devront fournir un immense effort financier pour faire acquérir à leurs effectifs les compétences qu'exigent les nouvelles machines. Elles devront, en même temps, faire face au double problème que posent le réaménagement des tâches et la participation des employés au processus de transformation. Le réaménagement des tâches peut entraîner un accroissement des responsabilités de l'employé ou une affectation à de nouvelles tâches par rotation. Il se peut que les employés soient amenés à chercher, avec leurs superviseurs, des moyens d'améliorer la productivité ou se trouvent associés, d'une manière ou d'une autre, à la prise des décisions de gestion. En principe, toutefois, pour qu'un poste soit bien conçu, la direction prendra soin de consulter la personne qui le remplit. Cette façon de procéder a le double avantage de recueillir de précieuses informations pratiques et de stimuler le zèle des employés. L'approche la plus complète de l'innovation organisationnelle implique: «la réconciliation et l'intégration des besoins techniques et sociaux de l'entreprise qui automatise et informatise ses opérations. Le fondement des systèmes sociotechniques est le groupe de travail semi-autonome, qui comprend des travailleurs ayant la responsabilité collective d'une unité de travail indivisible. Les membres de l'équipe sont polyvalents et peuvent s'acquitter de toutes les tâches qui lui sont confiées. Ces groupes disposent généralement d'une autonomie considérable dans la planification, l'intégration, l'exécution et le contrôle de la production de leur unité de travail. A mesure que les groupes semi-autonomes acquièrent de l'expérience, ils deviennent plus aptes à assumer diverses fonctions de soutien qui se rapportent notamment à l'entretien et au personnel (échéanciers, vacances, et ainsi de suite)». Quelle que soit l'approche que choisit une entreprise, il ne fait aucun doute que le dialogue entre les patrons et les ouvriers et leur coopération jouent un rôle déterminant. Il existe, au Canada, des exemples récents de dialogue constructif. Le plus riche est peut-être celui de l'industrie sidérurgique. Confrontée au fléchissement de la demande mondiale, à une concurrence étrangère féroce et au protectionnisme américain, la sidérurgie canadienne a réagi en adoptant de nouvelles technologies capitalistiques, susceptibles d'augmenter sa productivité et de préserver sa compétitivité. Est particulièrement notable la récente décision conjointe des dirigeants et du syndicat de chercher ensemble une solution réalisable aux problèmes de l'industrie sidérurgique. Poussés par le protectionnisme américain et la perspective de l'accord de libre-échange, ils ont tenu une conférence sur l'avenir de leur industrie. «Les deux camps avaient, au préalable, décidé de ne pas aborder le libre-échange et d'éviter toute question de négociation collective. Le syndicat s'intéressait tout particulièrement à la manière dont se ferait l'adaptation de l'industrie, les entreprises, elles, à la sauvegarde de leur compétitivité grâce à la modernisation et à la nouvelle technologie. Pour assurer le succès de la première rencontre, les deux côtés se sont mis d'accord pour s'attacher à présenter les faits tels qu'ils sont et ne pas essayer de gagner des batailles philosophiques». Le succès de la première conférence a amené la création d'une structure commune capable d'entretenir un dialogue permanent. Au printemps 1986, la conférence s'y intégrait pour devenir un important instrument d'adaptation de l'industrie sidérurgique au changement. «Le syndicat est en mesure de contribuer grandement au processus d'adaptation. Ses dirigeants voient très bien la nécessité de certaines mesures: a) transférabilité accrue des fonds de pension, b) centres d'emploi communautaires, c) conseils aux travailleurs en quête d'emploi ou éprouvant des problèmes personnels créés par leur licenciement, d) cours de rattrapage ou nouvelle formation professionnelle pour les travailleurs qui veulent élargir leurs compétences. Les patrons ont, eux aussi, beaucoup à apporter, particulièrement en ce qui concerne la création d'emplois communautaires, la formation d'entreprises par les travailleurs licenciés et l'aide à la mobilité des ouvriers que ce soit entre des usines sidérurgiques ou au-delà des limites de cette industrie». Le dialogue entre les patrons et les ouvriers de l'industrie sidérurgique demeure un cas isolé. Le Conseil économique signale qu'il y a encore trop peu de dialogue constructif entre les syndicats et le patronat sur les questions liées au changement technologique. Ce qui est intéressant, c'est que le Conseil a constaté que les syndicats canadiens, en général, ne s'opposent pas au changement technologique, bien qu'ils formulent des réserves sur la façon dont il est réalisé. «D'après un sondage mené auprès d'un certain nombre de dirigeants syndicaux au début des années 80, ceux-ci se disaient favorables au progrès technologique dans la mesure où l'entreprise s'engageait à consulter les travailleurs avant d'adopter une innovation et à tout mettre en oeuvre pour en réduire au minimum les conséquences défavorables». Le résultat, sur le plan humain, de l'implantation de nouvelles technologies dépend de la manière dont celle-ci est faite S'il n'est tenu aucun compte des inquiétudes et des désirs des travailleurs, l'implantation risque d'être perturbatrice, coûteuse et inefficace. Il faut la réaliser en cherchant à équilibrer les exigences de concurrence de l'entreprise et les besoins humains des travailleurs. De cette manière, le changement technologique se fera en douceur et sera rapidement payant. Recommandation. La Chambre de commerce du Canada devrait chercher des moyens de promouvoir une plus grande collaboration entre patrons et ouvriers lorsque vient le moment d'implanter de nouvelles technologies. Elle pourrait réunir des études de cas et les mettre à la disposition de ses membres. Si elle réussissait à acquérir une expérience et des connaissances assez poussées en cette matière, elle pourrait même se doter d'une section qui conseillerait les petites entreprises sur la façon de s'y prendre dans ce domaine. b) Entrepreneuriat. L'un des plus importants agents de changement au sein du monde des affaires est l'entrepreneuriat ou entrepreneurship (de même que l'intrapreneurship). Comme un autre groupe de travail du programme Objectif 2000 se penche sur cette question, nous n'allons pas nous y attarder. Nous croyons cependant que l'entrepreneuriat devrait être étendu de manière à englober autant de Canadiens que possible. Une fois les conditions favorables créées, un nombre surprenant d'individus pourraient faire preuve de l'esprit d'initiative et du sens des responsabilités personnelles qui caractérisent l'entrepreneuriat. C'est cette conviction qui est à l'origine des initiatives que prend actuellement l'Alcan dans la région du Saguenay. Le but que se propose Alcan-Soccrent est de stimuler la croissance des petites et moyennes entreprises du Saguenay-Lac Saint-Jean au Québec. A court terme, son objectif est de créer 300 emplois permanents en deux ans, à long terme de devenir elle-même une entreprise permanente. L'idée a été lancée par Alcan, consciente que ses activités l'amèneront à réduire le nombre de ses employés au cours des vingt prochaines années. En effet, vu la demande mondiale actuelle et les progrès technologiques, Alcan prévoit que les départs volontaires ne suffiront pas à réduire ses effectifs au niveau désiré. Par ailleurs, elle est consciente qu'un chômage massif porterait un coup fatal à l'économie des régions où elle est implantée. La solution d'Alcan a été de combiner la compression de personnel avec l'entrepreneuriat. D'autres sociétés se sont jointes à elle: Abitibi-Price, Consolidated Bathurst, Les Papiers Cascade, Gaz Métropolitain, des caisses populaires locales et plusieurs groupes d'investissement. Pour stimuler l'entrepreneuriat de la région, trois éléments essentiels sont réunis: un service d'orientation qui conseille les entrepreneurs éventuels, un fonds d'investissement qui fournit le capital initial et un incubateur d'entreprises qui offre des locaux et des services de bureau à faible coût. Le service d'orientation est offert par Job Creation, une société européenne à laquelle ont donné naissance les efforts de la Grande-Bretagne pour trouver du travail aux métallurgistes déplacés. Cette société aide les entrepreneurs éventuels à étudier les marchés, à dresser des plans commerciaux et à trouver des capitaux. Elle n'hésite pas à décourager les projets d'entreprise qui ont peu ou pas de chance de succès. Le fonds d'investissement de Soccrent met à la disposition des initiatives locales 10 millions de dollars en capital de risque. Les gens qui ont de bonnes idées peuvent demander à Soccrent de les aider à démarrer leur entreprise et, si tout va bien, l'investissement de Soccrent produit un rendement. Enfin, l'incubateur d'entreprises offre des locaux de bureau ou de production ainsi que des services de bureau partagés. Parce qu'ils sont partagés, ces locaux et ces services coûtent moins cher et l'entreprise qui démarre peut réduire ses frais généraux. De plus cette mise en commun facilite les échanges et l'entraide durant cette phase critique. Au bout de deux ou trois ans, la jeune entreprise devrait être assez forte pour quitter l'incubateur et voler de ses propres ailes. A ce jour, les résultats obtenus par Soccrent sont encourageants: des dizaines d'entreprises ont vu le jour et une centaine d'emplois ont été créés. Plusieurs entreprises vont bien et leurs chances de se développer rapidement semblent bonnes. Soccrent représente une nouvelle approche des transformations de l'économie. Elle s'enracine dans la conviction que les gens lutteront contre le changement s'il ne leur offre aucune porte de sortie, mais l'accueilleront favorablement s'il amène avec lui des possibilités nouvelles. En poussant à la création de Soccrent, Alcan s'est comportée autant en investisseur habile qu'en firme consciente de ses responsabilités collectives. En effet, c'est moins par philanthropie que par calcul qu'elle a agi, comptant qu'une fois libéré, le potentiel local d'entrepreunariat non seulement susciterait un renouveau économique, mais rapporterait à ceux qui auraient eu la prévoyance d'y investir de l'argent. Des initiatives semblables naissent un peu partout au Canada. Elles ont toutes à leur origine la conviction que l'extension de l'esprit d'entreprise sera un bienfait pour le Canada. Aussi, dans l'avenir, il devrait être plus facile pour un Canadien, quel qu'il soit, de démarrer une affaire, et ces petites entreprises deviendront, à leur tour, une source d'emplois, un lieu propice à l'innovation et un facteur d'amélioration de la productivité. Recommandation. La Chambre de commerce pourrait grandement contribuer au développement des valeurs de l'entrepreneuriat au Canada. Elle pourrait réunir des études de cas et des informations sur l'entrepreneuriat et les initiatives suscitées par l'esprit d'entreprise. Elle pourrait de plus, en organisant, par exemple, des séminaires dans les collectivités, diffuser des informations sur les autres possibilités de développement économique qui s'offrent. Elle pourrait encore se lancer dans des initiatives visant à promouvoir les valeurs de l'entrepreneuriat dans le système éducatif, dès le primaire. c) Stratégie de l'entreprise. Le principal moteur de tout changement économique est le marché. Les préférences des consommateurs, l'apparition de nouvelles stratégies de commercialisation et l'ouverture de nouveaux débouchés gardent le marché dans une perpétuelle évolution. Le jeu de ces facteurs accélère cette incessante transformation lorsqu'on passe du marché intérieur à celui de la planète. Le Groupe de travail a examiné plusieurs stratégies déployées par les sociétés pour s'adapter à l'évolution du marché. Les entreprises peuvent prendre pour cible le marché international, abandonner leur activité de toujours pour se lancer dans des secteurs entièrement nouveaux, tenter de s'assurer des marchés mondiaux par la concurrence de leurs filiales et se lier entre elles par diverses formes de coopération industrielle. S'internationaliser. Les sociétés peuvent déplacer leurs unités de production pour les rapprocher de leurs marches cibles et contourner les barrières protectionnistes. Bata Ltée de Toronto offre peut-être le meilleur exemple de cette tactique. Il existe à l'heure actuelle 97 entreprises Bata en exploitation dans 91 pays étrangers parce que Bata a adopté comme ligne de conduite d'ouvrir une fabrique de chaussures distincte dans chaque pays où elle a un marché. La filiale s'approvisionne en matière première sur place et emploie autant que possible de la main-d'oeuvre locale. Elle a son propre conseil d'administration et détermine elle-même le genre de chaussures qu'elle fabrique, fixe ses niveaux de production et dresse ses plans de commercialisation. La société mère de Toronto aide ses filiales par ses conseils et au moyen de ses ressources techniques. Si l'une d'elles, par exemple, lance une nouvelle ligne de produits, elle peut lui fournir la technologie appropriée. De plus, Bata fabrique à peu près tout l'équipement dont elle a besoin et en pourvoit ses filiales. D'autres sociétés suivent l'exemple de Bata. Ainsi, Northern Telecom transfère de plus en plus aux États-Unis ses activités de production et de recherche-développement. En effet, au cours des dix dernières années, le marché américain est devenu le plus important débouché de cette société de télécommunications de pointe, répondant pour 65 pour 100 environ de son chiffre d'affaires. Plus récemment, Northern Telecom a fait des percées sur d'autres marchés étrangers, notamment en Europe et en Extrême-Orient. Notons que ce transfert à l'étranger n'est pas toujours la meilleure solution. Les industries de matière grise, par exemple, peuvent avoir du mal à trouver à l'étranger les travailleurs spécialisés dont elles ont besoin. S'internationaliser est loin d'être facile. La réinstallation, une réglementation différente, des facteurs culturels et même le décalage horaire peuvent causer toutes sortes de problèmes. L'abaissement des barrières commerciales peut aussi rendre le transfert inutile. Cependant, quel que soit l'endroit où les entreprises décident de s'installer, il est clair qu'elles vont viser un marché de plus en plus international. Ainsi, même si elles ne produisent pas à l'étranger, les sociétés les plus dynamiques et les plus prospères vont chercher à élargir leur clientèle et à maximiser leurs profits en vendant dans le monde entier. Se lancer dans un nouveau secteur d'activité. Les sociétés peuvent abandonner des lignes de produits qui ne rapportent rien pour se lancer dans des secteurs d'activité plus prometteurs. Il existe de nombreux exemples de cette stratégie. Le meilleur est sans doute Bombardier, firme qui s'est d'abord taillé une place dans le monde industriel comme fabricant de véhicules à chenilles pour les déplacements sur la neige, notamment de la fameuse motoneige de loisirs. Mais, vers le milieu des années 1970, l'engouement pour la motoneige était passé et la firme devait réorienter sa production si elle ne voulait pas voir 90 pour 100 de son chiffre d'affaires s'évanouir en fumée. Bombardier présenta alors une soumission pour la fabrication des wagons du métro de Montréal et obtint le contrat. Depuis, la firme s'est fait un nom comme fabricant de wagons de chemin de fer. En 1982, elle a décroché le plus gros contrat d'exportation de l'histoire canadienne: un milliard de dollars pour fabriquer 825 wagons du métro rail-roue de New York. DW Friesen & Sons d'Altona (Manitoba) offre un autre exemple, moins connu, de réorientation de la production. A l'origine, cette firme imprimait des formules commerciales et des albums scolaires. Il y a une dizaine d'années, elle a cherché à élargir sa part du marché des albums scolaires et cela lui a amené des contrats de publication de livres. Après avoir pris pied à Vancouver et dans l'Ouest canadien, la firme fit une percée sur le marché de Toronto malgré la résistance opiniâtre que lui opposèrent les maisons d'édition torontoises. Friesen & Sons est maintenant le plus gros éditeur canadien et l'un des plus importants en Amérique du Nord; ses ventes ont atteint 40 millions de dollars en 1986. Un certain nombre de succès de librairie récents sont sortis de ses presses, notamment: Friends in High Places, Blind Trust - Inside the Sinclair Stevens Affair, et Greenspan: A Case for the Defence. La firme soutient la concurrence des éditeurs espagnols et de Hong Kong qui produisent à peu de frais. Son succès s'explique en partie par le fait que ses coûts de production sont bas, elle aussi (salaires peu élevés et usage de la technologie de pointe). Toutefois, beaucoup de ses employés détiennent des actions de l'entreprise et la famille fondatrice songe à céder le peu d'actions qui lui assurent encore une participation majoritaire pour que la part détenue par les employés reflète mieux leur apport. Exclusivité mondiale. Pour rationaliser leur production à l'échelle de la planète, les multinationales peuvent donner l'exclusivité mondiale d'un produit à certaines de leurs filiales. Par exemple, l'industrie canadienne de l'automobile fabrique, en exclusivité, certaines catégories de voitures. De même, des succursales canadiennes de certaines sociétés, comme General Electric ou IBM, ont l'exclusivité de certains produits. Une filiale d'IBM à Toronto fabrique en exclusivité une centaine de produits logiciels vendus dans le monde entier. Elle emploie quelque 1 500 personnes et dépense annuellement 150 millions de dollars en recherche-développement. Westinghouse Canada fournit un excellent exemple de cette stratégie en action. La firme a tenté de vendre ses usines canadiennes d'électroménager à White Consolidated après que la maison mère eut décidé d'en faire autant. L'Agence canadienne d'examen de l'investissement étranger s'est opposée à la vente et Westinghouse Canada a cédé son établissement d'électroménager à une société canadienne, à un prix moins élevé. «L'expérience a poussé la filiale à examiner de plus près sa dépendance vis-à-vis de la maison mère. A l'époque, Westinghouse Canada était un gros importateur net, tributaire de la société mère pour sa technologie d'exploitation; ses frais étaient élevés parce qu'elle fabriquait un grand nombre des produits de la maison mère sur une plus petite échelle. De bien des façons, Westinghouse Canada représentait la filiale type d'une firme américaine en contexte protectionniste». La solution de la société a été de se spécialiser dans la fabrication d'une turbine à gaz, fruit de la recherche-développement canadienne et intéressante pour le marché international. La filiale canadienne a déterminé la taille de la turbine qu'elle voulait fabriquer et en a amélioré la conception grâce à des travaux de recherche appliquée effectués au Canada. Cela lui donnait le droit de vendre son produit dans le monde entier, directement ou grâce aux moyens commerciaux de Westinghouse. Coopération Industrielle. Pour accroître ses ressources techniques ou la gamme de ses compétences, une entreprise peut se lier à une autre qui possède un savoir-faire ou des capacités complémentaires, par diverses formes de coopération industrielle. C'est une stratégie à laquelle les firmes canadiennes ne recouraient pas dans le passé mais qui devient, depuis peu, de plus en plus fréquente, particulièrement dans le domaine de la technologie de pointe. Par exemple, Quadra Logic de Vancouver s'est engagée dans diverses coentreprises, dont une avec une firme américaine, Genentech, et une autre avec Guandong Entreprises de Hong Kong pour l'importation de produits pharmaceutiques chinois. Connaught Laboratories de Toronto collabore avec Liposome Inc de Princeton (NJ) et coproduit avec elle des vaccins améliorés. Allelix Inc de Montréal et les industries pétrochimiques japonaises Mitsui produisent ensemble des médicaments contre le cancer. Quatre sociétés canadiennes - Bell Helicopter Textron de Sainte-Thérèse, Canadian Marconi de Montréal, IMP Group d'Halifax et Paramax Electronics de Montréal - se sont jointes à un consortium formé de Westland PLC de GrandeBretagne et Agusta SpA d'ltalie, en vue de soumissionner pour un contrat de 2 milliards de dollars portant sur la fourniture aux Forces armées canadiennes d'un hélicoptère embarqué anti-sous-marin. Et Canmar du Canada s'est associée à GVA de la Suède pour concevoir et construire un nouveau brise-glace. Recommandation. La Chambre de commerce pourrait, en collaboration avec les écoles de commerce, constituer un base d'informations sur la stratégie de l'entreprise et la mettre à la disposition de ses membres, qui pourraient y trouver, condensés, des études de cas, des modèles, des exemples. Ces informations pourraient être utiles aux entreprises membres de la Chambre qui cherchent comment s'adapter à l'évolution du marché. d) Organisation de l'entreprise. Il n'est pas étonnant de voir l'organisation des entreprises se modifier sous l'influence de la transformation de l'économie. Le changement dont les effets sont le plus grands est, sans contredit, l'implantation de technologies de pointe, laquelle force, dans biens des cas, les entreprises à se réorganiser. Cette réorganisation peut impliquer une compression, une cessation d'activité, une transformation du mode de supervision et de contrôle, ou une plus grande participation à la prise de décision de la part d'employés plus instruits. Les entreprises implantent de nouvelles technologies au niveau de l'atelier dans le but d'assurer la qualité du travail, de réduire les coûts, d'accélérer le processus de fabrication et d'accroître la productivité. Elles font de même au niveau de la gestion pour améliorer le contrôle et accélérer le flux des informations. Dans les deux cas, l'implantation de techniques nouvelles nécessite une réorganisation de l'entreprise. Les sociétés expérimentent divers modes d'organisation hiérarchique. Dans bien des cas, la pyramide organisationnelle s'aplatit parce qu'elle comprend moins d'échelons intermédiaires. Il faudra modifier en conséquence l'idée habituelle qu'on se fait de l'avancement au sein d'une grande entreprise. Dans l'avenir, les transferts horizontaux peuvent devenir une forme plus courante de promotion puisque celle-ci sera conçue comme une occasion de diversifier l'expérience des gestionnaires en leur confiant des responsabilités différentes. Les sociétés devront s'efforcer de satisfaire les aspirations de leurs employés les plus brillants dans les limites d'une structure hiérarchique dont les échelons sont moins nombreux et confèrent un pouvoir moins étendu. Rationalisation de la production. Les entreprises qui réussissent sont celles qui voient venir le changement et s'y préparent. La transformation économique récente la plus profonde est peut-être la mondialisation de la fabrication. Le commerce et les investissements internationaux ont tous les deux augmenté et ont entraîné une nouvelle répartition du travail entre les pays, les activités qui font appel une main-d'oeuvre abondante se retrouvant là où la productivité est la plus élevée. Dans certains cas (lorsque la main-d'oeuvre n'a pas besoin d'être très qualifiée), cela veut dire que les établissements de fabrication migrent vers les pays nouvellement industrialisés ou même vers ceux qui sont moins développés. Dans d'autres cas (lorsque la qualification des ouvriers a de l'importance), cela peut vouloir dire un retour de la fabrication dans les pays dont l'industrialisation est avancée et les niveaux de productivité, élevés. D'autres facteurs influent aussi sur ces mouvements, les taux de change, par exemple. Ainsi, les Japonais vont produire partiellement leurs automobiles aux États-Unis pour tirer parti de la faiblesse du dollar. Par conséquent, une des façons de réagir aux transformations de l'économie est clairement de fermer les établissements qui ne sont plus rentables ou sont obsolescents et de les remplacer par des installations qui promettent de rapporter davantage. C'est ce que doivent continuellement faire les entreprises dynamiques pour demeurer prospères. C'est ainsi qu'Alcan annonçait, au début de 1987, la fermeture de son unité de fabrication de produits laminés de Kingston, décision qui frappait 335 ouvriers. Alcan offrit une retraite anticipée à 131 d'entre eux tandis que les 204 autres bénéficièrent de services d'orientation et de réinstallation financés conjointement par la société, le syndicat, la province d'Ontario et le gouvernement fédéral. Cette décision était rendue nécessaire par la baisse de la demande de feuilles d'aluminium transformées, de nouveaux matériaux s'y étant substitués. Par contre d'autres unités de Kingston, qui fabriquent de la tôle d'aluminium enroulée, n'ont pas été touchées par cette fermeture. Un changement dans les habitudes de consommation peut aussi forcer une entreprise à se réorganiser. Le grand nombre de Canadiens qui ont cessé de fumer a fait baisser considérablement la demande à laquelle répondait notre industrie du tabac. Ainsi, Imperial Tobacco est amenée à fermer graduellement son usine de cigarettes de Québec. Lorsqu'elle a fait connaître sa décision, toutefois, elle a précisé qu'elle garantissait un emploi à chacun des 330 employés touchés. Rationaliser la production est un défi qu'ont également dû relever les entreprises du secteur, en perpétuelle effervescence, de la technologie de pointe. Mitel Corporation nous en fournit un excellent exemple. Depuis le début de 1983, l'histoire de cette société a été marquée par des réductions de production et de personnel. La plus récente a eu lieu en mars 1988 et a fait disparaître 410 autres emplois (dont 200 à Kanata), diminuant les effectifs de la société dans le monde entier, de 10 p 100. En même temps que ces licenciements, toutefois, l'entreprise annonçait un regroupement majeur de sa production, une réorganisation de sa structure commerciale et un recentrement de ses activités de recherche-développement sur des possibilités concrètes déterminées. Dans l'industrie nord-américaine de l'automobile, des temps difficiles amènent toujours avec eux des licenciements. A la fin de 1987, GM annonçait que 200 ouvriers seraient mis à pied à son atelier de transmissions de Windsor, à compter de janvier 1988, à cause d'une baisse des ventes GM prévoyait licencier, pour la même raison, 1 600 ouvriers à sa fonderie et usine d'essieux de St-Catharines, et elle a mis à pied une équipe complète de 2 700 travailleurs dans une de ses usines de production d'Oshawa. Autre exemple. CCL Industries a connu une année difficile en 1987 à cause de l'évolution du marché des contenants. Elle a envoyé 30 de ses cadres supérieurs étudier, pendant deux mois, comment réorganiser l'entreprise. Elle a aussi fait appel à une firme de conseillers en gestion pour examiner comment elle pouvait alléger sa structure d'exploitation de manière à demeurer compétitive. Wayne McLeod, président de la société, a affirmé que son intention n'était pas de réduire le personnel, mais qu'il voudrait bien réduire ses frais d'exploitation. Onex Packaging Inc de Toronto a connu, en 1987, une série de difficultés interreliées. La concurrence et une situation commerciale défavorable font la vie dure à Onex, tandis qu'elle est en train d'investir 100 millions de dollars pour améliorer ses lignes de produits et sa technologie. Selon le président de la société, Flemming Heilmann, Onex a chez elle les compétences de gestion et les ressources techniques dont elle a besoin pour sortir victorieuse de cette période d'adaptation. Les difficultés qu'elle a connues l'ont forcée à fermer trois de ses ateliers de conditionnement. Le tableau 4 montre l'évolution de l'emploi dans certaines entreprises canadiennes au cours de la récente crise économique. Les industries de fabrication traditionnelles et celles qui utilisent les ressources ont souffert le plus. D'autre part, la plus forte croissance a été enregistrée par Northern Telecom, une firme de télécommunications de pointe, et par Steinberg et MacDonald, deux membres de l'industrie alimentaire. La compression, cependant, ne frappe pas que les cols bleus. Dans bien des cas, des échelons complets de cadres intermédiaires sont supprimés. Ce phénomène a sa cause dans les origines mêmes de l'entreprise moderne, au début du siècle. A cette époque, la formation de la main-d'oeuvre était rudimentaire et les entreprises qui voulaient augmenter leur productivité ont adopté la solution du taylorisme, système nommé d'après l'inventeur de l'étude des temps et mouvements. L'idée de base était de décomposer le travail dans ses éléments les plus simples de sorte que des ouvriers sans qualification puissent l'exécuter de façon mécanique. Mais pour veiller à ce que tous accomplissent leur tâche d'une manière coordonnée, il a fallu créer divers échelons de supervision et de contrôle. Récemment encore, les entreprises suivaient ce modèle, les ouvriers d'atelier accomplissant des tâches simples sous la surveillance de nombreux échelons de cadres intermédiaires. Mais plusieurs facteurs se sont combinés pour bouleverser ce mode d'organisation. Les ouvriers sont maintenant plus instruits que jamais. Ils sont en mesure d'assumer une plus large gamme de responsabilités, rendant une surveillance étroite moins nécessaire. Les progrès technologiques ont également permis d'automatiser bien des fonctions de contrôle et de rapport autrefois confiées aux cadres intermédiaires. D'ailleurs l'exécution traditionnelle de ces fonctions consommait beaucoup de temps et d'argent, un luxe que les entreprises ne peuvent plus se permettre. Ces bouleversements ont aplati la pyramide organisationnelle, de nombreuses fonctions de contrôle ou de surveillance se trouvant éliminées ou automatisées par des entreprises soucieuses de se débarrasser du bois mort et d'améliorer leur performance. Lorsqu'elles sont forcées à des compressions de personnel, les entreprises se tournent vers des stratégies nouvelles qui leur permettent de passer au travers des périodes difficiles sans sacrifier des employés hautement qualifiés. HA Simons Ltée de Vancouver a fait l'expérience d'offrir à ses ouvriers une gamme de possibilités allant au-delà du simple licenciement. Durant les périodes de ralentissement économique, l'entreprise a aussi donné à ses employés le choix de cesser de travailler sans que soient interrompus leurs avantages sociaux (ni l'accumulation des années de service), dans l'attente d'un réembauchage prochain, ou de recevoir d'elle une aide pour trouver un autre emploi de même nature. De la sorte, HA Simons offre à ses employés une gamme de solutions allant du congé sans salaire à l'emploi garanti pour une période déterminée. «Entre ces deux extrêmes, existent d'autres possibilités, adaptées à chaque cas, qui permettent à l'employé de chercher une place ailleurs ou d'exercer une forme quelconque d'activité indépendante, tout en continuant de bénéficier de tous les avantages de son emploi. Le professionnel peut aussi être mis partiellement en disponibilité, un pourcentage d'heures de travail lui étant garanti. Cette garantie peut durer six mois, en attendant qu'un nouvel emploi à plein temps s'ouvre pour lui». Une des conséquences importantes de ces changements est la transformation qu'ils vont nécessairement opérée dans les relations patrons-ouvriers. Les entreprises devant compter de plus en plus sur des travailleurs polyvalents capables d'assumer plus de responsabilités, elles devront consacrer plus de temps non seulement à former leurs employés, mais encore à les mettre au courant de leur stratégie. Ces travailleurs polyvalents deviendront un atout précieux pour elles, mais ce fait leur donnera par contre plus de poids dans leurs négociations avec la direction. Il semble probable que le mode traditionnel de gestion de haut en bas va céder graduellement la place à des mécanismes décisionnels où la participation des employés est plus grande. Fermeture de l'entreprise. Certaines entreprises ne parviennent pas à s'adapter au changement. Et ce n'est pas toujours par manque de préparation. Les produits d'une entreprise peuvent cesser d'être en demande, parce que le progrès technologique les a rendus obsolescents ou parce qu'ils sont passés de mode. Si l'entreprise n'a pas réorienté à temps son activité, elle fera faillite. Même si elle est pénible tant pour l'employeur que pour les employés, la faillite est une conséquence inévitable de l'évolution économique. Dans une économie saine, il y aura toujours des industries en déclin qui ne peuvent ni ne doivent survivre. Les chefs d'entreprise, le mouvement syndical et les pouvoirs publics devraient conjuguer leurs efforts pour faciliter cette transition difficile, atténuer ses effets perturbateurs et réduire au minimum le temps qu'elle consume et les souffrances qu'elle cause. Recommandation. La Chambre de commerce pourrait contribuer à l'évolution de l'organisation des entreprises canadiennes en devenant le canal par où circulent les informations sur ce sujet. Les données nécessaires s'accumulent déjà dans les écoles de commerce, les organismes gouvernementaux et chez les membres de la Chambre. Si on les rassemblait et si on les présentait dans une forme assimilable, elles pourraient s'avérer précieuses pour les membres de la Chambre aux prises avec des problèmes d'organisation. Section 4. Les obstacles au changement. Le changement ne se fait pas toujours en douceur et il ne produit pas invariablement des résultats satisfaisants ou même préférables à la situation antérieure. Cependant, il faut que les choses changent parce que, à long terme, il s'ensuit une amélioration, même si, à court terme, des personnes peuvent avoir à souffrir. Les réactions de ces personnes peuvent créer des obstacles qui entravent le changement ou le détournent de son cours et diminuent les bienfaits qu'il apporte à l'ensemble de la collectivité. Ce devrait être la tâche propre de ceux qui jouent un rôle de premier plan sur la scène économique canadienneles chefs d'entreprise, le mouvement syndical et les pouvoirs publics - de veiller à atténuer au maximum les inconvénients que le changement présente à court terme pour les individus sans prendre des moyens qui en anéantissent les bienfaits à longue échéance. Malheureusement, ce n'est pas toujours ce qui s'est produit dans le passé. Dans la présente section, nous donnons des exemples de politiques et de moyens dont le but était de réduire le plus possible les effets perturbateurs du changement sur un petit nombre d'individus, mais qui ont produit des résultats moins qu'optimaux. Notre intention est de montrer comment il est possible d'entraver le changement ou d'en dévier le cours. a) Politique gouvernementale. Dans le domaine de la politique gouvernementale, le Groupe de travail a examiné les effets des subventions, des limites quantitatives imposées aux importations et des réglementations. Les pouvoirs publics canadiens ont l'habitude de se porter au secours des grandes entreprises quand elles sont en difficulté, et même de les subventionner. Prenons un exemple récent. Le gouvernement fédéral a annoncé la création d'une caisse de retraite de 15 millions de dollars pour les 200 ouvriers âgés de 55 à 65 ans de l'usine de wagons de chemin de fer de Hawker-Siddeley à Trenton en Nouvelle-Écosse. Cette caisse versera environ 1000 dollars par mois à chaque ouvrier pendant dix ans. Elle sera alimentée conjointement par les pouvoirs publics provincial et fédéral. Le gouvernement est déjà intervenu pour empêcher la fermeture complète de l'usine; il a promis d'assumer les pertes d'exploitation subies par Hawker-Siddeley durant six mois, pendant qu'on chercherait une solution garantissant de l'emploi à long terme. Dans des cas extrêmes, il est arrivé que des entreprises en faillite soient prises en charge par l'État, qui en fait des sociétés de la couronne. Un exemple classique est la formation, en 1967, d'une société de la couronne pour venir à la rescousse de l'industrie houillère du Cap-Breton. L'économie de l'île était fortement tributaire de l'exploitation minière, mais l'industrie ne parvenait pas à rentabiliser l'extraction du charbon sans être subventionnée d'une façon ou d'une autre. C'est ainsi que fut créée la Société de développement du Cap-Breton (DEVCO), à laquelle on confia un double mandat: réduire progressivement l'exploitation houillère et développer des possibilités industrielles de rechange. La crise du pétrole de 1973 ayant stimulé la demande de charbon, on rajuste le tir. DEVCO doit s'efforcer de développer la production houillère et de diversifier les activités industrielles qui lui sont liées en introduisant de nouveaux procédés, comme la liquéfaction du charbon. Parallèlement, la Division de développement industriel de DEVCO continue de contribuer au développement de nouvelles industries en utilisant des moyens comme les incubateurs d'entreprises. Les subventions n'empêchent pas, par elles-mêmes, un changement économique positif Mais elles peuvent devenir un obstacle si elles sont accordées sans discernement et sans limite de durée. Une étude du Conseil économique du Canada parue cette année énumère plusieurs exemples récents de subventions à l'entreprise et à l'industrie canadiennes. En voici quelques-uns: - Le Programme de modernisation de l'industrie des pâtes et papiers est venu en aide aux usines de l'Est du pays en leur versant 542 millions de dollars en fonds publics entre 1979 et 1984; - Le Programme d'aide aux constructeurs de navires a versé, entre 1975 et 1985, 480 millions de dollars en subventions pour la construction de navires et la modernisation des chantiers; - Le Programme pour le renouveau industriel canadien a dépensé, entre 1981 et 1986, 364 millions de dollars pour tenter de créer des emplois dans les industries du textile, du vêtement et de la chaussure. En examinant ces programmes, le Conseil économique a constaté que leurs résultats s'écartaient des objectifs déclarés. «Ainsi, au lieu de favoriser «l'adaptation positive», les programmes d'assistance sectorielle (sauf ceux qui visaient l'industrie de la chaussure) ont eu tendance à retarder l'adaptation en succombant à la tentation du néo-protectionnisme». Dans nombre de programmes d'assistance, la valeur des subventions est demeurée la même ou a augmenté avec le temps. De plus, aucune limite de durée n'était fixée à l'aide financière, de sorte que les subventions ont eu un effet défavorable sur la compétitivité internationale des industries qu'elles devaient secourir. Le Conseil économique en est arrivé à la conclusion suivante: «les attentes que travailleurs et employeurs entretiennent à l'égard de la durée de cette assistance sont susceptibles d'influencer leurs décisions en matière d'adaptation. Si le programme a une date d'échéance clairement spécifiée et que l'on s'attend à ce que cette échéance soit respectée, l'industrie sera encouragée à s'adapter activement, car elle saura que les forces de la concurrence étrangère ne tarderont pas à se manifester de nouveau. Par contre, si les employeurs et les travailleurs s'attendent à ce que le programme soit prolongé ou réapparaisse sous une autre forme au terme de la période prévue, ils intégreront de manière rationnelle ces attentes dans leur comportement, et seront moins incités à s'adapter, ce qui retardera le processus. Dans la mesure où les fournisseurs étrangers améliorent leur efficience et réduisent leurs coûts plus rapidement que les entreprises canadiennes, l'ampleur et la portée de l'adaptation nécessaire augmenteront plutôt que de diminuer. Et cela renforcera d'autant les revendications en faveur du maintien de la protection». Diverses restrictions quantitatives imposées aux importations ont le même inconvénient. Voici les restrictions mises en évidence par le Conseil économique du Canada: - Des quotas globaux ont été imposés à l'industrie de la chaussure entre 1977 et 1985, bien que certains d'entre eux aient déjà été supprimés ou soient en voie d'élimination graduelle; - Le Canada est signataire de l'Arrangement multifibres conclu dans le cadre du GATT et la Commission du textile et du vêtement, créée en 1971, surveille l'apparition de cas de «perturbations du marché» dans ce secteur; - Les fabricants japonais d'automobiles ont accepté des limitations volontaires d'exportations en 1981, et cet arrangement est renégocié annuellement. Comme pour les subventions, ces mesures introduites à titre temporaire ont tendance à devenir permanentes. En fait, en ce qui concerne les importations d'automobiles, aucun terme n'a jamais été fixé aux limitations. Qui pis est, les quotas produisent exactement l'effet contraire à celui qui est recherché: «Las quotas limitent généralement le niveau des importations, ce qui a pour effet de relever le prix des biens importés. Dans le cas d'un quota sélectif, les entreprises du pays visé peuvent normalement, si leur gouvernement répartit ce quota entre elles, obtenir un taux de rendement plus élevé sur leurs exportations qu'en situation normale. Par exemple, selon les estimations, les constructeurs japonais d'automobiles, en 1984, ont réalisé sur leurs ventes aux États-Unis un bénéfice additionnel de pas moins d'un milliard de dollars US, simplement en limitant volontairement leurs exportations vers les États-Unis. Étant donné que les mesures de limitation des importations permettent aux producteurs étrangers de vendre à des prix plus élevés, ceux-ci sont en mesure de s'efforcer davantage de maintenir et d'améliorer l'avance qu'ils ont sur leurs concurrents canadiens. Il n'est alors pas impossible que les producteurs canadiens se découragent et renoncent à profiter du moment de répit devant leur permettre de revitaliser leurs opérations». Il existe divers obstacles juridiques au processus d'adaptation: lois sur les fermetures d'usines, restrictions imposées au mouvement des capitaux, ou autres mesures entravant l'action des entreprises. Par exemple, on s'efforce actuellement, aux États-Unis, de faire adopter des lois sur les fermetures d'usines en les liant à un «omnibus trade bill». Certains États ont déjà fait l'essai de lois de ce genre et ont obtenu des résultats tout à fait contraires à ceux qu'ils visaient. Pour les pouvoirs publics américains, ces lois constituaient un moyen parmi d'autres d'atténuer les ravages socio-économiques que causent les fermetures d'usines. Parmi les mesures adoptées, signalons la participation des employés à la possession de l'entreprise, des options d'achat d'actions accordées aux employés, la rémunération au rendement, la formation et un régime de maintien du salaire. Depuis 1975, cinq États et trois villes ont adopté des lois sur les fermetures d'usines. Pendant la crise économique de 1981-1982, les pouvoirs législatifs de 21 États ont étudié 60 propositions visant à atténuer les problèmes que suscitent les fermetures d'usines. Les mesures proposées étaient diverses, mais toutes comportaient l'obligation d'un préavis allant de 60 jours à 3 ans. De nombreuses comprenaient aussi une indemnité de cessation d'emploi. Ces sortes de lois se justifiaient par le souci de rendre moins pénible la situation des travailleurs qui perdaient leur emploi et de mettre les pouvoirs publics locaux à l'abri des conséquences fâcheuses sur le plan fiscal. Les tenants de ces mesures législatives soutiennent que les indemnités de cessation d'emploi qu'elles comportent retardent les fermetures d'usines, quand elles ne les empêchent pas. Des économistes, par contre, prétendent qu'elles n'ont pas du tout cet effet et que, dans certains cas, elles peuvent même hâter la fermeture. Par exemple, si l'employeur constate que le taux d'accroissement du passif engendré par les indemnités de cessation d'emploi dépasse le taux d'actualisation, il aura intérêt à hâter la fermeture de son établissement. Par conséquent, le chômage et le ralentissement de l'activité économique locale se trouveraient accrus. Une telle mesure peut aussi entraîner une diminution du nombre des travailleurs tandis que la production se poursuit. Sans parler des possibilités de roulement accru de la main-d'oeuvre et de congédiement hâtif des employés les plus anciens. En définitive, c'est le carcan rigide que les lois sur les fermetures d'usines imposent à la transformation économique qui constitue l'objection majeure. De toute évidence, il vaut mieux que les entreprises forcées de s'adapter au changement s'arrangent directement avec leurs employés et trouvent des solutions qui conviennent à leur situation. Dans un pays comme le Canada, il y a aussi un certain nombre de particularités régionales qui influent sur le processus de transformation. La langue en est une évidente. Des individus qui ne parlent qu'anglais peuvent ne pas pouvoir ou vouloir aller travailler au Québec, tout comme des francophones unilingues peuvent être réticents ou opposés à l'idée d'accepter un emploi dans des régions où n'existe aucun service en français. D'autres raisons peuvent aussi rendre les travailleurs réticents à la réinstallation ou au recyclage. Par exemple, la situation d'une famille peut être telle qu'elle l'empêche de quitter l'endroit où elle est établie. Une famille à double revenu peut ne pas vouloir se déplacer pour que l'un des conjoints puisse garder son emploi, si l'autre est forcé de quitter le sien. De plus, des travailleurs peuvent refuser de s'arracher au milieu où ils sont enracinés, de quitter des amis, des parents, pour recommencer à neuf ailleurs. L'étonnante cohésion culturelle des habitants du Cap-Breton a été donnée comme explication au fait que la main-d'oeuvre de l'île ne soit pas disposée à chercher du travail ailleurs au Canada, en dépit de la faiblesse de l'activité économique de cette région. Mais pareil refus se rencontre ailleurs au pays. Toutefois, les différences régionales du Canada ont également incité les pouvoirs publics à créer des programmes pour venir en aide aux régions économiquement défavorisées. Certains de ces programmes sont indispensables, vu les écarts qui existent entre les différentes parties du Canada, mais il faudrait y recourir en gardant à l'esprit qu'il n'est pas réaliste de vouloir assurer à toutes les régions une économie pleinement diversifiée. Les ressources disponibles, la géographie et d'autres avantages de cette nature feront toujours que des régions du pays sont mieux équipées que d'autres pour certaines activités. Aucun apport de fonds publics ne pourrait effacer ces différences. Au mieux, les subventions pour le développement régional devraient être adaptées aux atouts et aux possibilités que possède la région qu'elles ont pour but d'aider. En se concentrant sur les activités rentables et en bâtissant l'infrastructure qui peut les soutenir, l'aide au développement régional pourrait éviter de devenir un renflouement perpétuel qui maintient en vie des entreprises non concurrentielles. Les diverses formes de protectionnisme provincial qu'il suscite constituent un autre exemple des entraves que le régionalisme met au changement. Les provinces canadiennes entreprennent régulièrement de promouvoir l'embauche locale, l'approvisionnement local et les préférences locales. A cause des règlements sur le contenu local, certaines industries ont dû ouvrir des établissements dans toutes les provinces, telle celle de la brasserie. Ces particularités régionales font obstacle à la formation d'un marché canadien unique et perpétuent des économies locales ou provinciales distinctes, morcellement qui ne joue pas en faveur du Canada à une époque où la concurrence internationale le prend à la gorge. Les réalités économiques, culturelles et linguistiques exigent beaucoup de doigté de la part des entreprises canadiennes qui veulent s'ouvrir au changement dans l'espoir d'améliorer leur compétitivité. Enfin, le changement se heurte à la multitude des règlements pris par les pouvoirs publics canadiens. A l'heure actuelle, on pourrait constituer un recueil des règlements fédéraux qui aurait bien au-delà de 10 000 pages, et il faut lui ajouter un volume semblable de textes législatifs provinciaux. Par exemple, une publication de 1979 dressait la liste des lois provinciales du Québec, lesquelles remplissent 23 volumes de 900 pages chacun. Tous ces règlements occasionnent des frais d'administration, de production, d'investissement et de recherchedéveloppement aux entreprises. Ils affectent la compétitivité, créent de la confusion, causent des retards, font avorter des projets, étouffent l'innovation et faussent l'affectation des ressources. Bref, si les pouvoirs publics dépensent des sommes considérables pour prendre des règlements et veiller à leur application, il en coûte encore beaucoup plus cher aux entreprises pour les respecter. Bien qu'il soit peu probable que les pouvoirs publics canadiens libèrent les entreprises de cet écrasant fardeau ou même l'allègent sensiblement, ils pourraient, dans l'avenir, recourir aux règlements avec plus de modération, en prenant en considération autant les coûts qu'ils entraînent que les avantages qu'ils comportent. Dans le passé, les interventions directes de l'État dans l'économie ont rarement été couronnées de succès. Prises à titre censément temporaire, pour aider les entreprises à traverser un moment difficile, ces mesures publiques ont tendance à créer une clientèle politique dont les chefs de parti n'osent pas faire fi quand vient le temps des élections. Aussi, loin de disparaître progressivement, elles évoluent, se développent et deviennent un élément permanent de la vie économique. Le Groupe de travail sait qu'il est vain de dire au gouvernement de cesser ces actions qui vont à l'encontre du but recherché. Nous estimons toutefois que, si le gouvernement se sent politiquement obligé d'intervenir sur la scène économique, il vaudrait mieux que son intervention accélère le changement au lieu de le retarder et favorise l'adaptation des entreprises plutôt que de l'entraver. A cette fin, les pouvoirs publics devraient préférer aux subventions pures et simples, des subventions remboursables sous condition ou des garanties d'emprunt. De plus, l'aide de l'État devrait viser les individus et non les entreprises. Si une société fait faillite ou si elle ne peut plus faire face à la concurrence, il est logique de consacrer, une seule fois, des fonds au recyclage et à la réinstallation des employés parce qu'ils ont besoin d'aide pour assurer leur subsistance, mais il ne l'est pas d'accorder, sur une longue période, des subventions pour maintenir en vie une entreprise moribonde, aux frais des contribuables. Recommandation. Le Groupe de travail constate que le gouvernement se sent d'autant plus poussé, politiquement, à intervenir dans l'économie que les intéressés, notamment le monde des affaires et celui du travail, sont moins capables de chercher ensemble des moyens d'atténuer les effets les plus perturbateurs des changements économiques. Si les milieux d'affaires mettaient au point des solutions de rechange, économiquement viables, aux fermetures d'usines et aux licenciements, le gouvernement sentirait moins le besoin d'intervenir. b) Lacunes du système d'enseignement. Les lacunes de notre système éducatif entravent de plus en plus la transformation de notre économie. Les entreprises ont du mal à fonctionner et à croître parce qu'elles ne peuvent trouver des travailleurs qualifiés en nombre suffisant. Cette pénurie de candidats qualifiés capables de tirer parti des possibilités qu'il suscite est un important obstacle au changement. Notre pays a un grave besoin de scientifiques, d'ingénieurs et de techniciens. On estime, par exemple, que la proportion des chercheurs par rapport à la population canadienne est d'environ 2,7 par 1000 habitants. Cette proportion est de 4,8 en Allemagne de l'Ouest, de 6,4 aux États-Unis et de 7,4 au Japon. Le manque de personnel scientifique et technique est assez grave pour avoir été abordé dans de nombreuses études portant sur la situation du Canada dans le domaine des sciences et de la technologie. La pénurie de compétences ne se limite toutefois pas au secteur de la haute technologie. On la remarque aussi dans les métiers plus anciens. Par exemple, les usines de petit outillage ont du mal à remplacer leurs hommes de métier quand ils prennent leur retraite. Les constructeurs de machines ne peuvent pas trouver de jeunes gens à former pour développer leur production. Le flux moins important d'immigrants européens limite encore le nombre des ouvriers qualifiés disponibles. La pénurie est particulièrement grave chez les fabricants de machines-outils et se fait sentir dans tout le pays. La situation de l'Ontario illustre le problème. Une enquête menée en août 1987 a révélé que 4 500 entreprises ontariennes cherchaient à embaucher 8 300 nouveaux travailleurs. On estime à 2 000 ouvriers qualifiés la pénurie dont souffriront, à eux seuls, en 1991, les 829 fabricants de machines ou d'outillage. Au plan de l'instruction, il existe un préjugé contre les métiers de cols bleus, même si certains d'entre eux exigent une formation plus poussée que bien des occupations de cols blancs. Pour atteindre le degré de compagnon, un ouvrier en matrices doit travailler 8 000 heures, c'est-à-dire quatre ans, dans un atelier. Et un ouvrier en matrices qualifié peut gagner jusqu'à 60 000 dollars par année. Une étude a constaté que la formation d'un outilleur-ajusteur coûte près de 100 000 dollars, dont 85 pour 100 sont fournis par l'employeur, 7 pour 100 par l'employé et le reste par les pouvoirs publics fédéraux et provinciaux. Il est compréhensible que les entreprises hésitent à dépenser une telle somme d'argent pour un employé qui peut les quitter au profit d'un concurrent. La pénurie de compétences est évidente dans un métier comme celui de briqueteur où l'âge moyen est de 54 ans et où il n'y a à peu près pas de relève. Elle frappe durement le bâtiment, surtout en Ontario où la construction commerciale et résidentielle connaît une période d'essor et a créé, durant les quatre dernières années, 87 000 emplois dans le secteur de la fabrication et 50 000 dans celui de la construction proprement dite. Le manque de main-d'oeuvre qualifiée vient au troisième rang des problèmes graves qu'éprouvent les petites entreprises, après les impôts et la réglementation. Par exemple, le gouvernement ontarien a repéré une pénurie de main-d'oeuvre compétente pour 98 occupations professionnelles exigeant un haut niveau de qualification. Il y a notamment pénurie d'outilleurs-ajusteurs, de moulistes, de spécialistes en soudage, en modelage et en programmation par ordinateur. Les programmes d'apprentissage parrainés par le gouvernement ne touchent que la moitié des apprentis embauchés par l'industrie et ils ne semblent pas adaptés aux besoins de la petite entreprise. De toute évidence, pour atténuer ces pénuries, il importe d'offrir aux travailleurs les moyens d'acquérir une formation plus étendue. Or on s'inquiète de l'insuffisance des programmes courants. Les jeunes gens sont entraînés sur des machines démodées, reçoivent une instruction de mauvaise qualité et sont nombreux à décrocher un diplôme sans avoir acquis assez de qualifications ou de capacités pour réussir dans le métier qu'ils ont choisi. Résolu à réduire ses dépenses, le gouvernement fédéral a diminué de 900 millions de dollars depuis 1985 les fonds destinés à la formation en cours d'emploi et semble se préparer à d'autres compressions. Ottawa a l'intention d'exiger l'apprentissage seulement pour les métiers où il peut prévoir une pénurie, laissant ainsi la décision aux fonctionnaires fédéraux plutôt qu'aux entreprises. Il est clair que la formation exige des efforts plus vigoureux et mieux orientés au plan national. Il est tout aussi évident que les dépenses dans ce domaine sont un investissement indispensable à la future compétitivité du Canada et qu'elles ne peuvent être soumises à des compressions justifiées par une réduction du déficit fédéral. La question de l'éducation est vaste, complexe et très importante. Il s'agit, d'une part, de savoir quoi apprendre à nos jeunes pour les préparer aux défis que l'avenir leur réserve sur le plan de la concurrence commerciale et, d'autre part, comment nous y prendre pour développer les compétences de la main-d'oeuvre actuelle et lui en faire acquérir de nouvelles. L'éducation, qui a toujours été l'affaire des parents et des enseignants, doit de toute nécessité devenir une préoccupation urgente du monde des affaires. La bonne santé des entreprises canadiennes dans leur ensemble va dépendre des capacités des ressources humaines dont elles disposent. Dans une économie informatisée, la capacité de traiter l'information est cruciale. Les entreprises ne peuvent plus faire de l'éducation une simple affaire de philanthropie. Il s'agit bien plutôt d'un investissement dans la plus importante ressource dont dépende leur avenir. Le Groupe de travail sur l'exploitation du changement est pleinement conscient de l'importance de la question de l'éducation. Les milliards de dollars que l'ignorance coûte aux entreprises ne sont pas passés inaperçus de lui, ni non plus le travail accompli par le Canadian Business Task Force on Literacy. Le Groupe de travail exprime aussi sa reconnaissance au Comité de l'éducation de la Chambre de commerce du Canada pour son apport. Et il a examiné divers moyens de multiplier les liens entre le monde des affaires et celui de l'enseignement. En dernière analyse, nous avons été forcés de reconnaître que traiter adéquatement cette question de l'éducation aurait pris tout notre temps et toutes nos ressources au détriment des autres tâches de notre mandat. Nous avons néanmoins mis en évidence certains points qui méritent une étude plus poussée de la part de la Chambre de commerce. Le plus important est peut-être ce que la Chambre pourrait apporter au contenu des programmes d'enseignement. Pourrait-elle, par exemple, prendre part de quelque façon à la préparation de matériaux sur le fonctionnement de l'économie canadienne, l'entrepreneuriat, les conséquences économiques des progrès technologiques, l'avenir économique du Canada? Ces matériaux pourraient être adaptés à divers niveaux scolaires et pourraient aider grandement les jeunes à comprendre notre économie et à choisir judicieusement leur profession. La Chambre pourrait également jouer un rôle important comme source d'informations, en renseignant ses membres sur les initiatives prises par les entreprises en matière d'éducation et sur la façon d'y participer. Elle serait ainsi en mesure d'inciter les entreprises à se lancer dans des initiatives communes de formation. Enfin, la Chambre pourrait contribuer à créer et à promouvoir des initiatives de ce genre. Par exemple, elle pourrait voir quelle part les collèges communautaires pourraient prendre à l'apprentissage et à la formation en milieu de travail. Des initiatives de cette nature pourraient revêtir une importance spéciale pour les petites entreprises qui n'ont pas les moyens de s'embarquer dans d'ambitieux programmes de formation et d'apprentissage. Surtout, la Chambre pourrait utiliser son vaste réseau commercial pour favoriser la naissance d'une culture de la formation et de l'éducation permanente au Canada. Elle pourrait diffuser le message que l'éducation concerne tout le monde au Canada (en particulier les milieux d'affaires) et qu'elle est indispensable à la productivité et à la compétitivité des entreprises. Recommandation. Le Groupe de travail recommande que la Chambre de commerce étudie les initiatives concrètes qu'elle pourrait prendre en matière d'instruction, d'apprentissage, d'éducation permanente et de recyclage. L'actuel comité de l'éducation pourrait se charger de cette étude ou on pourrait la confier à un groupe de travail créé spécialement à cette fin. Le but serait de cerner des initiatives à prendre dans le domaine de l'éducation et de dresser un plan d'action qu'exécuterait la Chambre de commerce du Canada. c) Relations patrons-ouvriers. Les mauvaises relations entre patrons et ouvriers sont l'un des plus gros obstacles à un changement économique rationnel et efficace. Le Canada offre, à cet égard, des exemples tant d'hostilité et de méfiance réciproques que de confiance et de collaboration. Le Groupe de travail est conscient qu'on ne peut automatiquement louer ou blâmer l'un ou l'autre camp. Plutôt que de revenir sans cesse sur leurs conflits passés, le monde des affaires et le mouvement syndical feraient mieux d'engager le dialogue et de chercher à mieux collaborer dans l'avenir. Les changements économiques entraîneront inévitablement des licenciements et des fermetures d'usines. Cependant, il est possible de mieux s'y préparer et de mieux les vivre si les patrons et les ouvriers apprennent à collaborer dans ces circonstances difficiles pour y réagir de façon créative. Un bon point de départ serait, par exemple, de planifier à long terme en prévision de ces changements économiques et d'en informer les intéressés à l'avance. Dans certains secteurs, comme celui de l'exploitation minière ou forestière, il est évident que les ressources seront épuisées au bout d'une période déterminée. Le sachant, les entreprises concernées et leurs employés peuvent se préparer longtemps d'avance pour le jour où ils devront soit mettre un terme à leur activité, soit lui trouver un nouvel objet. Ces questions se règlent mieux, toutefois, à l'échelon local, par des négociations entre les entreprises, les travailleurs et la collectivité. Mieux vaut n'avoir recours au gouvernement qu'en dernier ressort. L'internationalisation de l'activité économique amène d'autres changements. A l'exemple des sociétés, qui doivent supporter une concurrence internationale, les employés peuvent avoir, eux aussi, à rivaliser avec des travailleurs étrangers, touchant un très faible salaire, sans avantages sociaux ou presque. Par contre, la nécessité de faire face à la concurrence étrangère suscite souvent une volonté nouvelle de dialogue entre patrons et ouvriers. Voici ce que le dernier numéro de The Current Industrial Relations Scene in Canada dit à ce propos: «Les syndicats ne prennent plus comme priorité des gains monétaires, mais la sauvegarde des emplois et la consolidation de leurs effectifs pour éviter l'érosion de leur puissance organisationnelle et de leur pouvoir de négociation. Ils ont pris davantage conscience de la nécessité d'améliorer leur image, d'accroître la solidarité des travailleurs au sein du mouvement ouvrier et d'intensifier la coopération et la consultation avec les patrons sur des questions d'intérêt commun. Les chefs d'entreprise sont plus résolus à diminuer les coûts et à assouplir les modalités de rémunération et de travail. Dans le secteur public, les gouvernements, aux prises avec de gros déficits, semblent plus déterminés à comprimer les dépenses en recourant à diverses mesures: restrictions budgétaires, commandes de travaux au secteur privé, licenciements. Les entreprises privées essaient d'accroître leur compétitivité en obtenant des concessions salariales, en allégeant leur structure hiérarchique et en exigeant que soient modifiées les règles d'exécution du travail et la classification des postes pour améliorer la productivité et faciliter l'adaptation à l'évolution des marchés et aux nouvelles technologies. En outre, on sent de plus en plus le besoin d'éliminer des relations patrons-ouvriers cette traditionnelle opposition, source, dans le passé, de conflits fréquents et d'une méfiance latente mutuelle, et de faire participer les employés à la prise de décision. Les chefs d'entreprise ont fini par comprendre qu'il est possible de réaliser d'importants gains de productivité en modernisant leurs installations et leur équipement, en introduisant des techniques qui permettent d'économiser de la main-d'oeuvre, en organisant mieux le travail et en améliorant les relations humaines». Dans certains cas, l'implantation de technologies de pointe a pour conséquence de faire acquérir aux travailleurs de nouvelles compétences et de leur faire assumer de nouvelles responsabilités. Mais il arrive aussi, parfois, que les employés voient leur rôle réduit à l'exécution de tâches répétitives, dépourvues d'intérêt. Dans un article sur les conséquences de la fermeture de trois usines (SKF, CGE et Black and Decker), Paul Grayson, sociologue de l'Université York, s'est attaché à montrer que les ouvriers licenciés, quand ils ont fini par se faire embaucher de nouveau, se sont retrouvés dans des emplois de catégorie inférieure à ceux qu'ils avaient dû quitter. A cet égard également, la direction des entreprises pourrait faire plus pour rendre la transition moins pénible et rassurer les employés au sujet des effets du changement. Par exemple, lorsque des licenciements ou des déplacements sont à prévoir, un dialogue entre la direction et les employés pourrait faire beaucoup pour amortir le choc. Parfois, l'entreprise offre à ses employés un poste dans un autre de ses établissements. Dans d'autres cas, les ouvriers licenciés doivent aller chercher ailleurs un emploi qu'ils ne peuvent trouver dans leur collectivité. C'est souvent le sort des habitants des provinces maritimes. On a maints témoignages que les travailleurs répugnent à déménager à cause d'un emploi. Sans parler des frais de déménagement (nouveau logement, transport, installation), se réinstaller oblige à s'arracher à des amis, à des parents, à un milieu, à tout un réseau de relations sociales. Changer d'endroit peut aussi présenter de gros inconvénients pour les ménages dont les deux conjoints travaillent, l'un d'eux se trouvant forcé de quitter son emploi. Ce peut être ennuyeux aussi pour les enfants, obligés de fréquenter une nouvelle école, de se faire de nouveaux amis. Dans le cas de parents divorcés, celui qui a la charge des enfants peut ne pas pouvoir aller s'installer ailleurs sans la permission de son ancien conjoint. Ces quelques indications montrent que se réinstaller n'est pas facile et coûte de l'argent. Ces frais sont d'autant plus lourds qu'est plus faible la certitude de trouver, dans la nouvelle ville, un emploi permanent ou même de longue durée. Aux yeux du Groupe de travail, Shell Canada a très bien mis en évidence les difficultés que comporte la réinstallation lorsqu'elle a déménagé son siège social de Toronto à Calgary. Bien qu'elle ait préparé ses employés longtemps d'avance à ce déplacement, leur offrant des indemnités de réinstallation, à eux et à leur conjoint, beaucoup d'entre eux n'ont pas voulu quitter Toronto et parmi ceux qui le firent, certains regrettèrent leur déménagement et en voulaient encore à Shell, des années plus tard. Cet exemple a fait comprendre au Groupe de travail que, même si tout est mis en oeuvre pour bien préparer les employés, certains refuseront d'aller s'installer ailleurs et d'autres, parmi ceux qui y auront consenti, ne pourront jamais accepter d'y avoir été forcés. Au problème de la réinstallation s'ajoute celui du recyclage. Il y a beaucoup d'études qui se font sur ce point et la plupart voit dans le recyclage un moyen nécessaire pour faire passer les travailleurs des Industries en déclin à celles qui sont en expansion. Le recyclage englobe, toutefois, les mesures Internes que doivent prendre les entreprises pour maintenir les compétences de leurs effectifs à jour, c'est-à-dire les programmes de formation continue maison dans lesquels sont engagés les employés de tous les niveaux. Certaines entreprises se sont aperçues que l'adaptation au changement se fait mieux lorsque les employés sont consultés. Aussi sont-elles plus enclines à tenter diverses expériences en matière de cessation d'emploi (options d'achat d'actions, régimes de pension, indemnités de licenciement), à déplacer leurs employés, à les recycler ou à essayer de nouvelles solutions financières. «Le nombre des emplois diminuant dans les industries lourde et extractive à cause de la concurrence internationale et de l'accélération du changement technologique, les syndicats font maintenant passer en priorité, dans leurs négociations, une meilleure protection contre les licenciements, des préavis de changement plus longs, une plus grande consultation, un accroissement des programmes de formation et de recyclage, la retraite anticipée, de meilleures prestations supplémentaires de chômage, des indemnités de fin d'emploi et des mesures visant la sécurité de la retraite». Enfin, le Groupe de travail a constaté que la tendance à confondre les questions banales et simples avec les grands enjeux de la négociation collective est une des raisons pour lesquelles les relations patrons-ouvriers sont difficiles. La négociation collective est, par nature, un affrontement entre les employés qui présentent leurs demandes et l'employeur qui leur fait des offres. Mais toutes les questions soulevées sur les lieux de travail ne provoquent pas nécessairement un affrontement de ce genre. Nombre d'entre elles sont banales et peuvent se régler par le dialogue. Mais lorsqu'on met ces points en discussion en même temps que les grands enjeux de la négociation collective, ce qui aurait pu se résoudre par le dialogue devient un élément dans un contrat complexe et rigide, laborieusement négocié. Le Groupe de travail en est arrivé à la conclusion que, pour maintenir l'harmonie entre les patrons et les ouvriers, il fallait distinguer les questions de nature à susciter un affrontement et relevant proprement de la négociation collective de celles qui ne présentent pas ce caractère et peuvent se régler rapidement par le dialogue. En fait, résoudre ces problèmes mineurs par voie de dialogue peut introduire dans le milieu de travail un esprit de coopération et faciliter la résolution des questions vraiment difficiles. Recommandation. La Chambre de commerce peut faire beaucoup pour instaurer un climat de confiance et de respect mutuels entre le monde des affaires et le mouvement ouvrier. Elle a déjà fait de grands pas dans cette direction, par exemple en demandant l'avis de représentants syndicaux sur d'importantes initiatives (notamment son programme Objectif 2000). Ce dialogue devrait se poursuivre et se centrer particulièrement sur des actions conjointes qui pourraient être entreprises au niveau de la masse pour faire progresser le changement économique. d) Attitude de la population. Enfin, l'un des plus sérieux obstacles au changement est l'attitude de la population. Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas ce qui se passe et redoutent le changement. Ils en perçoivent les effets perturbateurs immédiats sans voir les avantages considérables qu'ils en tireront à la longue. Il faudrait faire prendre conscience à la population canadienne du défi que lui lance la mondialisation de l'économie sur le plan de la concurrence et lui expliquer clairement les conséquences de ce phénomène. Il faudrait que les Canadiens comprennent que la technologie fournit un important avantage concurrentiel à l'échelle internationale, qu'elle les touche tous par les changements qu'elle amène et que tous devront participer à l'implantation des nouvelles techniques. Il faudra les informer des compétences dont ils auront besoin pour faire face au changement économique dans l'avenir. Ils devront connaître les possibilités que leur offrent les établissements d'enseignement pour se préparer à ces transformations, et quel rôle ils auront à y jouer. Les Canadiens auront besoin de modèles positifs de changement pour les rassurer et les convaincre que notre pays peut relever le défi de la concurrence. Ils auront besoin d'exemples d'implantation technologique réussie et humaine, d'adaptation économique, d'innovation entrepreneuriale et de développement communautaire. Enfin, ils devront comprendre que le changement le plus efficace est celui qui est suscité et réalisé par la base. Si le changement est imposé d'en haut, sans participation directe de toutes les couches de la société, le succès ne peut être total. Il faut mobiliser les Canadiens pour le grand oeuvre qui les attend, les galvaniser, susciter leur enthousiasme. Ils doivent faire leur un nouveau modèle de transformation économique dans lequel les individus et les collectivités prennent plus directement en charge leur développement. Ils ne peuvent se permettre d'attendre passivement que d'autres accomplissent les changements pour eux. Recommandation. Avec les pouvoirs publics, les établissements d'enseignement, le mouvement ouvrier et les médias, la Chambre de commerce pourrait travailler au revirement de l'opinion des Canadiens. Grâce à son programme Objectif 2000, par exemple, elle pourrait organiser une grande campagne de relations publiques pour expliquer les changements que subit l'économie mondiale et leurs conséquences pour le Canada. Une telle campagne mettrait les Canadiens en garde contre les dangers de l'inaction, tout en leur proposant des exemples de réponses clairvoyantes dont les résultats heureux sont de nature à les faire changer d'attitude. La campagne la plus efficace serait celle qui combine des activités (séminaires, discours), des entrevues dans les médias, des communiqués de presse, des annonces, des messages publicitaires à la radio, une bande vidéo ou d'autres moyens semblables. Elle viserait d'abord les membres de la Chambre, qui seraient ensuite incités à transmettre le message aux autres secteurs de la société canadienne. Section 5. Défis à relever et occasions à saisir. Notre aperçu des changements économiques, si bref soit-il, se doit de signaler les défis que ceux-ci lancent et les occasions qu'ils offrent à tous les secteurs de la société canadienne. a) Le rôle du gouvernement. La mise en place de politiques d'adaptation est un lourd fardeau qu'on laisse, en grande partie, porter par les pouvoirs publics. Or le Groupe de travail estime que, si on demande à l'État d'intervenir ainsi dans l'économie, c'est qu'on juge que le monde des affaires ne fait pas lui-même tout ce qu'il devrait pour faciliter le processus d'adaptation. Le défi que doit relever le gouvernement est d'assouplir le système chaque fois qu'il le peut. L'occasion qu'il doit saisir est d'encourager les chefs d'entreprise et le mouvement ouvrier à se charger de l'adaptation au changement, le soulageant ainsi d'un fardeau administratif et fiscal qu'il ne peut plus porter. Par-dessus tout, le rôle des pouvoirs publics est de créer un climat où puisse se produire un changement positif. Ils pourraient y parvenir par des mesures fiscales appropriées, des initiatives favorisant l'innovation économique, ou en rationalisant leurs règlements. Soulignons que les formes que prend traditionnellement l'aide de l'État, c'est-à-dire les subventions et les renflouements, entravent en fait le changement. Au lieu de récompenser les entreprises trop lentes à se transformer, l'État devrait encourager les travailleurs à les quitter plus rapidement. En consacrant des fonds à l'éducation, au perfectionnement professionnel, à l'aide au déplacement et à d'autres programmes d'adaptation à l'évolution du marché du travail (meilleure transférabilité des pensions, réseaux d'emploi, recyclage), le gouvernement rendra plus facile aux personnes concernées d'abandonner une firme en train de couler. Une telle stratégie aiderait en outre les entreprises en croissance à trouver les employés qualifiés que nécessite leur essor. Enfin, le gouvernement (tant au niveau provincial que fédéral) a un important rôle à jouer en matière d'éducation. Le Canada a besoin d'une main-d'oeuvre plus instruite et hautement qualifiée, que ce soit dans les métiers ou la technologie de pointe. Une des grandes difficultés sera de vaincre l'antagonisme provincialfédéral dans le domaine de l'éducation pour adopter une stratégie unique, visant le bien du pays tout entier. b) Le rôle de l'entreprise. La grande question que le Groupe de travail avait à trancher est de savoir si le monde des affaires fait tout ce qu'il peut pour faciliter le processus d'adaptation industrielle et favoriser ainsi une transformation positive de l'économie canadienne. L'entreprise devrait-elle prendre une plus grande part dans la résolution des problèmes humains que pose cette adaptation, plutôt que de laisser cette tâche aux pouvoirs publics, comme elle l'a toujours fait? Un changement économique rapide met l'entreprise devant un ensemble redoutable de défis et de responsabilités. Placée aux commandes de l'organisation de l'activité économique, c'est à elle qu'incombe principalement de veiller à ce que nos structures économiques préservent nos capacités concurrentielles. Cela lui impose une série de devoirs pressants: - être continuellement à la recherche de technologies nouvelles et les implanter dans les lieux de travail en tenant compte de l'élément humain; - être ouverte à une réorganisation radicale de ses structures; - prendre à sa charge une part croissante de la formation continue; - être prête à travailler étroitement avec les employés et les collectivités pour faciliter le changement; - apprendre comment licencier des travailleurs, fermer une usine et réinstaller des employés en causant le moins de dégâts possible. Les pertes d'emplois massives touchent non seulement les travailleurs licenciés et leurs familles, mais aussi les entreprises qui fournissent des biens et des services à ces familles. Aux yeux du Groupe de travail, ce qu'a fait INCO à Sudbury constitue un exemple de la façon dont les forces du marché peuvent amener une grande entreprise à diminuer sa présence dans une collectivité. En 1970, INCO employait quelque 24 000 personnes à Sudbury; le chiffre de ses effectifs s'y situe maintenant entre 7 000 et 8 000. Au cours des années 1970 et 1980, INCO a été forcée de licencier un grand nombre de travailleurs Récemment, elle s'est mise à encourager ses employés à prendre volontairement une retraite anticipée en offrant des pensions et d'autres avantages incitatifs à ceux qui atteignent 58 ans ou 30 années de service. Le pourcentage des ouvriers qui acceptent cette offre a dépassé, ces dernières années, les 40 pour 100. A mesure qu'INCO se repliait, Sudbury a pris conscience que l'exploitation minière ne pourrait plus constituer le pivot de son activité économique. Elle a donc cherché à diversifier cette dernière en promouvant le développement de l'Université Laurentienne, en négociant le transfert chez elle d'un centre de données fiscales du gouvernement, en mettant en valeur son potentiel touristique, en créant une société de développement régional pour attirer les petites entreprises et en fondant un hôpital et un centre médical régionaux. INCO a secondé la ville dans plusieurs de ces actions, donnant de grosses sommes d'argent pour diverses initiatives de développement local. Grâce à ces efforts conjugués, Sudbury a réussi à diversifier son économie. L'exploitation minière, qui constituait 40 pour 100 de l'activité économique de la ville en 1951, n'y compte plus maintenant que pour 20 pour 100. Il est prouvé qu'on obtient de meilleurs résultats, sur le plan économique, lorsqu'il existe un haut degré de collaboration entre la direction et les employés. Les patrons doivent apprendre à travailler en étroite relation avec les ouvriers pour réaliser un changement positif, maintenir un bon moral, entretenir l'ardeur au travail et améliorer la productivité. Chaque fois que l'entreprise envisage des changements importants qui vont influer sur le gagne-pain des employés, elle a avantage à consulter ces derniers le plus tôt possible. c) Changement suscité par la collectivité. Comme les transformations économiques touchent à peu près toujours la population des collectivités où elles se produisent, celles-ci doivent devenir le point de mire des politiques d'adaptation. Pour être positif, tout changement doit être amorcé par la collectivité. L'implantation de nouveaux mécanismes, l'adoption de nouvelles solutions économiques, doit se faire sous l'impulsion de la base et non par les planificateurs d'un organe administratif central. A l'heure actuelle, il existe un large éventail de mécanismes de ce genre à la disposition des collectivités. Le défi à relever, c'est de diffuser les informations et le savoir-faire requis et d'aider les collectivités à en tirer profit. L'incubateur d'entreprises, par exemple, pourrait être un mécanisme favorisant le changement. Une usine qui ferme pour de bon pourrait céder ses locaux à la collectivité pour que s'y installent de petites entreprises qui démarrent. C'est un bon moyen d'offrir aux entreprises naissantes des conditions favorables à leur croissance. L'incubateur s'est révélé un stimulant efficace pour l'activité économique locale et l'entrepreneuriat, aussi longtemps qu'il demeure axé sur la collectivité et libre de tout excès bureaucratique. Les incubateurs d'entreprises peuvent donner de bons résultats lorsqu'il se crée autour d'eux un réseau de ressources et de soutien. Par exemple, des gens d'affaires à la retraite peuvent apporter à l'incubateur la richesse de leur expérience et de leurs conseils, précieux pour les entreprises qui démarrent. L'incubateur peut repérer des bailleurs de fonds locaux où puiser des capitaux pour les entreprises naissantes. Et les responsables du développement économique de la collectivité, regroupés dans la chambre de commerce locale, peuvent coordonner la mise en place et la gestion de l'opération. Il existe de nombreuses possibilités de développement axées sur la collectivité. En voici quelques-unes: un fonds de capital spéculatif pour investissement local, des initiatives visant à développer les capacités de gestion et les talents d'entrepreneur, des projets locaux de formation et d'éducation, et des bases de données électroniques servant à repérer les possibilités de placement. Quelle que soit l'action envisagée, elle aura de meilleures chances de succès si elle est le fruit de la collaboration de la chambre de commerce ou du board of trade local, des leaders de la collectivité et des responsables syndicaux. Les groupes qu'elle intéresse tout spécialement peuvent aussi y participer Par exemple, l'Association canadienne des villes mono-industrielles (ACVMI) existe depuis environ trois ans. Faire concorder les compétences disponibles avec les besoins est un autre champ où l'initiative locale pourrait s'exercer fructueusement. Nous avons signalé que le Canada souffre de graves pénuries de main-d'oeuvre qualifiée dans certaines régions et dans certaines branches d'activité, et connaît des excédents dans d'autres. Un réseau d'orientation des actifs plus efficace entre les petites villes canadiennes pourrait corriger certaines des lacunes de notre marché du travail. Les chambres de commerce locales peuvent avoir un rôle à jouer à cet égard: elles pourraient surveiller l'offre, la demande et le flux des compétences professionnelles. Le réseau de la Chambre a déjà tenté l'expérience avec l'Initiative Opération Jeunesse et l'idée pourrait être élargie de manière à inclure les travailleurs de tous âges. Des actions de ce genre auraient pour objet non de faire double emploi avec les moyens mis en place par le gouvernement, mais de s'y imbriquer pour les rendre plus efficaces. L'objectif serait de former un réseau plus serré pour l'orientation des actifs sur le marché du travail du pays tout entier. d) La Chambre de commerce du Canada. Il ressort clairement de tout ce qui a été dit que la Chambre de commerce du Canada peut contribuer de façon importante à l'évolution positive de notre pays sur le plan économique. Les recommandations formulées dans ce rapport mettent en évidence toute une série de questions à l'égard desquelles la Chambre peut adopter une attitude plus dynamique et plus prévoyante. La première condition préalable à cette démarche est l'information. L'information est un ressort primordial de notre économie et c'est aussi l'arme stratégique par excellence pour promouvoir un changement positif. Sans elle, la Chambre en sera réduite aux déclarations générales et aux voeux pieux. La Chambre de commerce du Canada, qui avait commencé par n'être qu'un réseau commercial assez lâche, s'est muée, avec les années, en groupe de pression politique. Elle devrait maintenant franchir une nouvelle étape et devenir un facilitateur d'initiatives et de projets suscités par ses membres et appuyés par son infrastructure. Une composante clé de cette infrastructure serait une information pertinente, exacte et à jour que la Chambre mettrait à la disposition de ses membres et qui pourrait servir d'amorce à leur action. L'information en cause concernerait les questions abordées dans ce rapport: évolution des tendances économiques, études de cas, modèles et exemples de changement positif. Il importe de noter que cette information existe déjà. Ce n'est pas le rôle de la Chambre de la produire et de concurrencer ainsi les écoles de commerce, les instituts de recherche ou Statistique Canada. Il serait opportun, toutefois, que la Chambre tisse des liens plus étroits avec ces organisations, comme premier pas en vue de réunir les informations dont ces établissements sont la source et de les diffuser à ses membres dans une forme assimilable. L'information est la première étape vers l'action. La seconde est de renforcer le réseau de la Chambre en s'appuyant sur une solide base d'informations. On peut y parvenir par une variété de moyens: publications, séminaires et conférences consacrés à des questions déterminées, consultations sur les possibilités d'action locales. Dans tous les cas, le rôle de la Chambre serait d'aider ses membres en leur fournissant des informations précises sur les possibilités qui s'offrent à eux. La troisième étape consisterait à utiliser le réseau pour des initiatives concrètes. Par exemple, la Chambre pourrait servir de facilitateur pour ses membres qui ont besoin de conseils, de services, de capitaux ou de ressources technologiques; elle pourrait les mettre en rapport avec les sources appropriées de savoir ou de capital. Si ses membres le demandent, la Chambre pourrait aussi participer plus directement au changement positif. Dans ce cas, toutefois, il faudrait poser comme principe que les initiatives de la Chambre ne peuvent réussir sans la coopération de ses membres. La Chambre pourrait travailler, avec les chambres locales et ses contacts dans les entreprises, à créer un réseau d'experts qui pourraient intervenir dans les collectivités pour favoriser la transformation économique. Par exemple, si l'économie d'une collectivité était mise en danger par la fermeture d'une grosse usine ou un autre bouleversement de cet ordre, la chambre locale, soutenue par l'organisation nationale, pourrait devenir le fer de lance d'un effort suscité par la collectivité pour atténuer les dommages causés par cette fermeture et trouver des activités économiques de rechange. Cet effort peut comprendre une action politique, une étude économique et une recherche des possibilités, l'exercice de talents d'entrepreneur, l'accès à des ressources technologiques ou à des capitaux, enfin, des conseils de gestion en matière financière, fiscale et de planification commerciale. La Chambre de commerce pourrait servir de facilitateur pour procurer ces ressources à la collectivité qui en a besoin. La Chambre pourrait aussi se servir des informations rassemblées pour s'engager plus directement dans des tâches d'éducation et de formation. Elle pourrait collaborer avec des écoles de commerce ou d'autres établissements scolaires et fournir des matériaux pour des cours locaux en entrepreneuriat et en gestion Elle pourrait concevoir des matériaux éducatifs destinés à donner aux élèves, même de l'école primaire et secondaire, des notions sur l'économie canadienne. Selon la tournure que prennent les choses, elle pourrait même se joindre directement à des établissements d'enseignement pour donner certains genres de cours ou de séances de formation. Le réseau de la Chambre met à sa disposition un vaste ensemble de connaissances qu'elle peut exploiter pour des fins éducatives. Elle peut offrir à des écoles, par exemple, que des cadres d'entreprises aillent expliquer à leurs élèves d'importantes questions d'affaires ou de gestion. Recommandation. Pour déterminer si ces propositions sont réalisables, le Groupe de travail recommande à la Chambre de commerce du Canada de créer, au sein de son organisation, une section permanente qui s'occuperait de tout ce qui concerne le programme Objectif 2000. Il n'est pas nécessaire que cette section soit très grosse au début; sa tâche première serait de constituer une base d'informations sur tous les domaines indiqués dans les rapports du Groupe de travail, à commencer par celui-ci. Elle pourrait communiquer ces informations aux membres de la Chambre au moyen d'une publication. La section aurait encore comme tâche d'utiliser cette base d'informations pour mettre au point et à l'essai des initiatives plus concrètes du genre de celles dont il a été question dans ce rapport.