*{ Discours néo-libéral CEQ, 1980 } Pour élargir la lutte syndicale. Au moment où s'ouvre le vingt-septième Congrès de notre Centrale, nous devons prendre la mesure des défis qui se posent à nous aujourd'hui. Depuis 44 ans, notre organisation a connu un développement majeur et a contribué par ses luttes au progrès de la société québécoise. Depuis dix ans surtout, nous avons connu des transformations profondes, qui nous situent au coeur des forces du progrès. Il s'est développé en nos rangs une pratique syndicale qui nous a amenés assez largement à nous allier au camp des travailleurs et à opter pour la défense des intérêts de la majorité par la lutte syndicale et la recherche de l'unité syndicale dans des fronts élargis d'action. Nos luttes ont débouché sur une amélioration des conditions de vie des travailleurs du secteur public, avec les effets d'entraînement que l'on connaît chez les groupes les plus démunis de la société. Par ses combats et ses revendications, la CEQ a contribué à revaloriser la fonction de travailleur de l'enseignement, des affaires sociales, des loisirs et sports, et à s'imposer comme une force collective et sociale. La lutte idéologique nous a amenés à mieux comprendre la fonction stratégique, sociale et politique de l'école et à résoudre l'opposition artificielle qui avait longtemps existé entre le pédagogique et le syndical. Le décloisonnement intellectuel, la circulation plus large des idées, la clarification et l'analyse plus poussée du rôle de l'école et de l'État, la compréhension plus juste de nos intérêts nous placent à présent en situation de jouer avec plus d'efficacité notre rôle d'agent de changement social. C'est grâce au travail assidu de milliers de militants, qu'ils soient membres d'exécutifs, délégués d'établissements, membres à la base ou employés du mouvement, que nous en sommes rendus là. Notre volonté d'engager le plus grand nombre possible de syndiqués et de susciter une véritable action de masse devrait nous permettre de progresser davantage. Occasion privilégiée de réflexion collective et de définition de nouveaux mandats, le Congrès doit permettre à tous les délégués de discuter et d'adopter des politiques, mais aussi de s'engager à les soutenir dans la perspective de relever les défis d'aujourd'hui. Le point sur notre vie syndicale. Le dernier Congrès nous avait fixé un programme extrêmement chargé, difficile à réaliser compte tenu des moyens et du temps dont nous disposions. Depuis deux ans, nous avons été appelés à mener en nos rangs de grandes opérations sur des dossiers-clés tels la Question nationale, la négociation, la participation au sommet économique, et bien sûr la proposition d'école. Comme le rappellera le rapport d'activités, la Centrale a conduit en même temps de multiples dossiers et tenté de répondre aux besoins des différents groupes qui la composent, tout en recherchant l'élargissement de ses solidarités avec les autres travailleurs. Il m'apparaît important cependant de traiter de la dernière négociation, des relations intersyndicales et de revenir sur la Question nationale. 1- La négociation. Si je me souviens bien, au moment où nous avons abordé la négociation, nombreux étaient ceux dans nos rangs qui doutaient de notre capacité de mobilisation. On disait qu'il faudrait régler rapidement, que nous serions très heureux de conserver nos acquis, que les syndiqués étaient peu disposés à lutter. Les résultats ont été tout autres et nous avons connu la meilleure mobilisation de l'histoire de notre organisation syndicale. Il est vrai que nous avions subi un assaut massif contre l'ensemble de nos acquis. Nous avons ~u affaire à des négociateurs patronaux mieux armés, à un gouvernement qui s'était préparé à ces négociations, qui avait développé un discours attrayant et démobilisateur pour beaucoup de syndiqués. Dans une bataille où la crédibilité devait jouer un grand rôle, nous avons dû multiplier les efforts pour établir le rapport de force qui nous a finalement permis d'en arriver pour tous nos groupes, dans des conditions sur lesquelles nous aurons à revenir, à des règlements satisfaisants et négociés. C'est la première fois que la coordination CEQ a permis à tous les groupes de la Centrale d'en arriver à des règlements comparables. Le leadership de la Centrale a été reconnu et a joué largement en faveur de nos sections, qui ont réussi à maintenir leurs priorités. C'est ainsi que les résultats de la négociation ont été acceptés dans tous ces groupes à de fortes majorités. Chez les enseignants de commissions scolaires, même si une bonne majorité de syndicats et de syndiqués s'est prononcée en faveur de la recommandation d'acceptation, celle-ci a été rejetée très fortement dans certains milieux. C'est un problème qui mérite d'être analysé. Certains nous ont reproché d'avoir fait une recommandation d'acceptation, plutôt que de nous abstenir ou encore de recommander le rejet. On nous aurait sans doute reproché, avec raison, de n'en avoir point fait, si les événements avaient joué contre nous! D'autres voies de règlement auraient peut-être été possibles, qui auraient été moins exigeantes pour les responsables syndicaux en faisant reposer sur d'autres le blâme des difficultés rencontrées. Nous avons préféré, avec les risques que cela comporte, assumer notre responsabilité syndicale, défendre les intérêts des travailleurs et rechercher jusqu'à la limite de la négociation les améliorations réelles et concrètes des dispositions de la convention. Il faut tout de même reconnaître qu'il existe en nos rangs des conceptions différentes de la négociation. La conception de la négociation. Pour certains, la négociation est une occasion de mener une lutte large susceptible d'engendrer des changements importants dans la société; pour d'autres elle est une occasion d'améliorer les conditions de travail et d'exercice du métier, tout en mettant en relief les enjeux sociaux des luttes en cours. Pour certains, la négociation doit être menée sous le contrôle pointilleux des instances les plus larges; pour d'autres, sans sacrifier le contrôle des instances, il faut donner aux équipes de négociation les moyens d'agir à la table et de développer une stratégie qui tienne compte du fait que la négociation se fait à deux. Nous avons également des divergences importantes sur le moment et l'ampleur à donner aux mouvements de négociation. Jusqu'ici nous n'avons pas réussi à trouver le chemin du consensus sur cette question. Cela entraîne des difficultés de fonctionnement et la naissance de groupes structurés qui s'écoutent sans se comprendre dans d'interminables réunions. Les limites de la négociation. Nous reconnaissons tous le fait que la négociation a ses limites. Dans l'abstrait, il y a accord général. Mais lorsqu'il s'agit de saisir la réalité concrète, les débats sont longs et fermes. Pour les uns, la limite est atteinte lorsque la mobilisation s'effrite et que les mandats d'action sont remis en cause. Pour d'autres, les limites sont liées à la conjoncture; pour d'autres encore, au contenu ou à l'appréciation du rapport de force. On a vu dans certains secteurs des luttes épuisantes dont les résultats ont été décevants. D'autres fois, la négociation a donné de bons résultats sans qu'il y ait besoin de recourir à la grève. C'est une situation que nous vivons en négociation locale. L'Alliance des professeurs de Montréal a dû faire une grève importante pour forcer l'employeur à accepter un rapport de conciliation, pendant que dans une autre commission le règlement est intervenu sans conflit ouvert. Les conditions de travail du milieu. Une autre difficulté réside dans le fait qu'il existe, dit-on, des différences marquées dans l'application des conditions de travail, surtout au chapitre de la tâche. Il faut reconnaître que nous n'avons jamais été instrumentés à la Centrale, pas plus que du côté patronal d'ailleurs, pour en apprécier exactement la portée. Cela rend d'autant plus difficile la défense de nos dossiers. Il y a là une lacune qui devra être comblée. C'est face à une évaluation sérieuse, partagée unanimement par les équipes de négociation et l'exécutif de la CECS, qu'est venue la décision de conclure une entente de principe et de la recommander aux affiliés. Ces responsables, et je partage pleinement leur point de vue, ont eu la conviction que nous avions atteint dans les circonstances le résultat maximal. Nous avons fait onze jours de grève. En d'autres circonstances, nous aurions pu en faire cinq ou vingt et obtenir les mêmes résultats. Ce qui est clair, c'est que sans la mobilisation nationale nous n'aurions pas cette convention, pas plus que l'Alliance n'aurait réglé d'une manière satisfaisante sa négociation sans une lutte exemplaire. C'est cela la négociation. Ça n'empêche personne d'évaluer les choses autrement, et de bâtir des scénarios qui, sur papier, donneraient de meilleurs résultats. Malgré tout, grâce à nos luttes syndicales, nous avons depuis dix ans réalisé des progrès substantiels que ne manquent pas de souligner les organisations syndicales des pays industrialisés. Il nous reste encore beaucoup à faire, mais nous avons, je crois, raison d'être fiers de ce que nous avons accompli. Je me suis sans doute attardé à cette question essentielle mais après avoir vécu quatre négociations nationales à des postes de direction, il m'a semblé opportun de vous dire ces choses. Le Front commun. Le Front commun aura connu des difficultés majeures dans cette négociation. Certes, beaucoup de nos membres ont hésité avant d'y adhérer. La CEQ toutefois n'a pas ménagé ses efforts pour que le Front commun améliore son fonctionnement. Sans cesse et sans relâche chacun des membres de la CICN, chacun des représentants de la Centrale aux différents comités du Front commun a oeuvré pour une meilleure coordination. Ces efforts n'ont pas été vains mais ils sont totalement disproportionnés par rapport aux résultats obtenus. Après avoir tant travaillé, discuté et négocié entre nous pour établir des revendications communes et des règles de fonctionnement, force nous est d'admettre que le Front commun n'a à peu près pas existé. Sa présence publique et politique a été marginale. Au Comité de liaison, au moment où après trois négociations nous obtenions la reconnaissance du caractère officiel de la table centrale, nous avons été dans l'incapacité de la soutenir, de définir ses mandats et d'exercer un contrôle minimal sur la négociation qui s'y déroulait. C'est tout à fait inacceptable. Notre Commission intersectorielle de coordination de la négociation (CICN) a pu compenser cette lacune en suivant le déroulement de la négociation pour les groupes CEQ et en définissant des mandats sur les droits parentaux, les régions éloignées et le RREGOP, et à quelques reprises, sur les salaires. Après avoir tant privilégié le Front commun comme moyen essentiel de lutte, nous nous sommes retrouvés dans la lutte les uns après les autres, probablement dans l'ordre espéré par les stratèges patronaux. Je sais que plusieurs syndiqués de la CEQ et même des délégués à ce Congrès seront portés à conclure que le Front commun n'est plus nécessaire, qu'il représente même un handicap, une façon de diluer nos revendications et de sacrifier nos priorités. Il leur faudra bien reconnaître toutefois que le Front commun a été le seul interlocuteur valable pour la négociation des sujets de la table centrale, et que c'est le règlement convenu et accepté par le Front commun qui s'appliquera à l'ensemble des syndiqués de la fonction publique et parapublique. Plutôt que de remettre en cause le Front commun, nous devons le considérer comme un acquis important de nos luttes et tout mettre en oeuvre, en reprenant immédiatement les pourparlers inter-centrales, pour le reconstruire en vue de la prochaine négociation. Utiliser la force de tous pour soutenir les revendications de chacun: tel est son sens, telle est sa nécessité. Nous avons donc lutté seuls. Malgré des difficultés certaines, nous avons constaté que lorsque nous nous retroussons les manches et tirons tous dans le même sens, les choses avancent et progressent rapidement. Des acquis. Cette action générale de notre mouvement aura aussi permis de créer une solidarité plus concrète et plus enracinée entre les différentes composantes de la Centrale. Plusieurs de nos syndiqués ont connu leur première action de grève. Ils ont peut-être pour la première fois porté des pancartes, dressé des lignes de piquetage, marché sur l'Assemblée nationale. Ce sont là des acquis. Il faudra les enraciner en développant de nouvelles dimensions de la lutte syndicale d'ici la prochaine ronde de négociation. S'il existe une grande capacité de mobilisation dans notre Centrale, mobiliser 90 000 syndiqués demeure une tâche immense qui commande des moyens considérables. Nos structures actuelles nous ont permis d'atteindre un niveau remarquable d'efficacité, de développer de nouvelles compétences et de compter sur des équipes élargies. Nous avons obtenu des résultats concrets dès que nous avons oeuvré dans le sens du consensus plutôt que celui du repli derrière une conception étroite de l'autonomie des syndicats. 2- Les relations intersyndicales. Ce qui a été dit du Front commun vaut aussi pour les relations intersyndicales. Malgré nos efforts et nos tentatives de rapprochement, il n'y a eu aucun progrès réel dans le cheminement vers l'unité d'action. Nous sommes aussi divisés qu'il y a deux ans, sinon davantage. Malgré des positions presque identiques dans bien des domaines, nous n'avons pu mener quelque action d'envergure que ce soit au niveau national. Même le Front commun du secteur public, facteur traditionnel d'unité et de mise en commun des efforts des trois centrales, n'a pas permis ce rapprochement. Il importe d'analyser les causes de cet état de fait et de tracer les grandes lignes qui nous permettront de relancer sérieusement notre unité d'action. Il faut d'abord reconnaître que le maraudage demeure une des principales causes de tension. Les campagnes de maraudage laissent des blessures profondes, donnent souvent lieu à une surenchère dans la dépréciation des centrales rivales et entraînent l'escalade des ripostes. Il existe bien sûr une concurrence intersyndicale liée aux conceptions particulières et aux pratiques des organisations. Nous l'acceptons et le reconnaissons. L'adhésion libre des syndiqués à une organisation est un droit auquel doit correspondre la possibilité réelle de changement d'allégeance. C'est ainsi que notre Centrale a développé une politique de non-maraudage qui vise à respecter les choix faits par les groupes de travailleurs d'adhérer à telle ou telle organisation syndicale. Cela ne nous a pas empêchés d'accueillir chez nous, en investissant peu dans le recrutement et en respectant notre politique de non-maraudage, vingt-sept nouveaux syndicats dont je suis heureux de saluer les représentants à ce Congrès. Si ces principes étaient reconnus et appliqués par les centrales, je crois qu'il y aurait moyen, avec un peu de bonne volonté, de convenir de règles susceptibles de respecter les droits des travailleurs sans handicaper les relations intersyndicales. Si nous croyons à la nécessité de renforcer l'unité pour rendre la lutte plus efficace, il importe de reprendre les pourparlers au plus tôt. Le maraudage toutefois n'est pas la seule cause des difficultés intersyndicales. Les analyses différentes que nous faisons de l'État nous amènent à définir des stratégies d'action différentes face au pouvoir. Nous le réalisons aux discours et aux prises de position de chacune des trois centrales. Face à Bourassa, le discours syndical reposait sur une base commune. Face à Lévesque, les propos varient, allant de la dénonciation à l'enthousiasme en passant par la déception et l'acceptation nuancée de mesures pas aussi avantageuses qu'on le voudrait pour les travailleurs. Ces mesures soulèvent des réactions différentes d'une organisation à l'autre et dans bien des cas, divisent le mouvement syndical. Favoriser l'action concertée. Tout en reconnaissant que les bases de l'unité sont pour cela plus fragiles, il ne faudrait pas en conclure à l'impossibilité de mener des actions unitaires. De la même manière qu'il est possible au plan interne de concilier différents points de vue, il est possible de définir sur une base intersyndicale une plate-forme commune susceptible de favoriser l'action concertée. Cela bien sûr ne peut se faire que dans le respect de la spécificité et des opinions de chacune des centrales. Aucune d'entre elles - y compris la nôtre - ne peut prétendre détenir le monopole de la vérité, de la vertu et de la cohérence. Nous devrions également trouver l'occasion de mettre en commun l'analyse que nous faisons de la conjoncture et de la crise qui frappe indistinctement tous les travailleurs. Chacune des centrales devrait être convaincue qu'elle n'arrivera pas à contrer toute seule l'action concertée des gouvernements et des grandes entreprises. Encore là, l'action intersyndicale s'impose pour mettre un terme aux attaques contre les droits des travailleurs et pour promouvoir leurs revendications. Ainsi, non seulement le taux de syndicalisation n'a-t-il pas progressé, mais il a eu tendance à régresser et les perspectives de modifications législatives en vue de permettre la véritable syndicalisation sont loin d'être immédiates. Nous devons donc relancer les discussions et tenter de rapprocher les trois centrales pour exiger une révision en profondeur du Code du travail de manière à permettre la négociation multipatronale, la négociation sectorielle ou d'autres formes de regroupement de négociation. Nous voyons les efforts qu'exige la négociation dans les secteurs des loisirs, des institutions privées d'enseignement. Il nous faut faire des efforts de rationalisation et, sur ce terrain, comme sur d'autres, il est nécessaire que les trois centrales puissent travailler en commun. Je ne peux toutefois pas clore ce chapitre sur les relations intersyndicales sans me réjouir avec vous de la solidité des liens qui nous unissent à notre alliée de toutes les luttes depuis 1967, la PAPT. Cette année encore, nos deux organisations ont collaboré étroitement dans la négociation pour faire de la solidarité entre les enseignants des commissions scolaires catholiques et protestantes une réalité qui s'impose de façon telle qu'on en arrive souvent à oublier qu'il y a là le meilleur exemple d'une collaboration intersyndicale qui a su résister à tout, vents et marées référendaires compris! Nous avons l'intention de maintenir ces liens et de les consolider entre les négociations car nous croyons qu'il existe de vastes champs de coopération possibles entre nos deux organisations. 3- La Question nationale. Je ne voudrais pas refaire l'historique du Congrès spécial sur la Question nationale. Je rappellerai seulement qu'il ne nous a pas donné le mandat de prendre parti en faveur de l'une ou l'autre des options constitutionnelles en jeu ni de défendre quelque autre option. Il nous a cependant mandatés pour défendre le droit du Québec à l'autodétermination et pour nous assurer qu'au cours de la campagne référendaire les intérêts des travailleurs seraient préservés. Dans le cadre de ce mandat, nous sommes intervenus à plusieurs reprises. Nous nous sommes opposés au projet de loi fédéral sur les référendums. Nous nous en sommes pris à la politique linguistique du Livre beige du Parti libéral. Nous avons aussi dénoncé les dispositions de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique qui empêchent le Québec de faire évoluer son système scolaire (les jugements concernant l'école Notre-Dame-des-Neiges et le pouvoir de taxation des commissions scolaires). Nous nous sommes élevés contre les jugements relatifs à la loi 101 et à la politique québécoise de l'amiante. Nous sommes aussi intervenus pour défendre les libertés et inviter les tenants des différentes options à respecter les libertés d'opinion, d'expression et de manifestation. Nous avons dénoncé l'intrusion et l'orgie de dépenses du fédéral dans la campagne référendaire, atteinte directe au droit à l'autodétermination et ingérence injustifiable dans les affaires québécoises. Nous avons enfin publié et diffusé le dossier économique «Le Québec, c'est à nous d'y voir». Somme toute, nous avons voulu respecter au mieux le mandat de notre Congrès, sans le dépasser mais sans non plus le ratatiner et surtout sans développer une attitude revancharde à l'égard d'une position qui plaçait la Centrale dans une situation difficile. En effet, pour une organisation qui a été de tous les grands débats, à la fine pointe des luttes pour le progrès social et pour la défense des droits sociaux et des libertés, il est particulièrement inconfortable de se retrouver en situation d'observateur; d'autant plus que nos adversaires ont vite saisi les enjeux du référendum et sont intervenus sans réserve pour préserver leurs intérêts dans la campagne. Il faut aussi souligner que les tenants des deux options ont cherché à éclairer les travailleurs sur les enjeux qui leur étaient spécifiques dans cette campagne. Ils n'ont pas démontré quels seraient les avantages pour les travailleurs de l'une ou l'autre option. Ils n'ont pas fait ressortir les bénéfices culturels, économiques, sociaux, politiques que les travailleurs pourraient tirer sous l'une ou l'autre des grandes thèses constitutionnelles, pas plus qu'ils n'ont clarifié comment chaque option était susceptible de permettre aux travailleurs et à la majorité d'occuper la place qui leur revient dans la direction des affaires de leur pays. Si tout cela, bien sûr, n'a rien de surprenant, l'absence d'une action intersyndicale forte et cohérente n'en a été que plus tragique. Le référendum a donné les résultats que l'on connaît. C'est une victoire pour la grande entreprise, pour les fédéralistes, pour les tenants du statu quo, pour ceux qui s'en tirent bien dans le régime actuel. Globalement, c'est une défaite importante pour les forces du changement. Les dirigeants gouvernementaux ont privilégié une campagne qui érigeait le quiétisme en doctrine politique et le flou en tactique politique. En cherchant à amoindrir la portée réelle du changement proposé, il est loin d'être certain que l'on ait élargi les appuis nécessaires à ce changement. La Centrale a déjà affirmé que la Question nationale bloquait en quelque sorte le développement du Québec et finissait par constituer un écran qui nous empêchait d'identifier correctement d'autres problèmes urgents et de les traiter adéquatement. A cet égard, rien n'est absolument réglé. Le problème demeure aussi vaste, vague et important qu'avant. Comme Centrale nous aurons à faire le bilan de ce que nous avons vécu pour tenter de définir une nouvelle approche de la question, de manière à reprendre, dans ce domaine comme dans d'autres, toute la place que nous nous devons d'occuper. Les travailleurs de l'enseignement qui ont joué un rôle historique et déterminant dans le maintien et le développement de l'identité québécoise ne sauraient se payer le luxe d'une seconde absence dans un débat aussi crucial. 4- L'état de santé de la Centrale. Après avoir abordé ces grands mandats, il m'apparaît essentiel de parler de l'état de santé de notre Centrale et d'aborder certaines faiblesses et lacunes que nous devrions corriger. Je crois qu'une de nos faiblesses réside dans l'absence de volonté de concrétiser les débats de notre Centrale. Souvent les instances ne servent qu'à débattre alors qu'elles devraient également servir à engager les syndicats derrière des positions à défendre dans les divers milieux. Il y a encore trop d'affiliés qui sont indifférents aux débats des instances. Ce n'est pas parce que les décisions qui s'y prennent ne lient pas automatiquement les affiliés qu'elles ne devraient pas les engager. Il faut que le débat syndical débouche concrètement sur l'action. Nous ne pouvons pas nous considérer comme des tribuns qui se contentent de livrer de beaux messages tout en laissant à d'autres le soin de mener les luttes. Faire des discours au micro est une chose; agir pour que le discours devienne réalité dans les lieux de travail, c'est essentiellement autre chose et c'est essentiellement le mandat syndical. Cela m'amène à parler d'une autre tendance qui existe dans notre Centrale et qu'il faut appeler par son nom: l'ouvriérisme. Beaucoup trop de nos militants se prennent pour ce qu'ils ne sont pas. Il faudrait une fois pour toutes reconnaître le caractère spécifique de la CEQ et cesser d'avoir comme honte de cette spécificité. Nous sommes pour la plupart des travailleurs intellectuels, des artisans de l'enseignement. Nous sommes la Centrale de l'enseignement du Québec. Comme nous le développons dans le document sur la représentation syndicale, l'immense majorité de nos adhérents n'appartient pas à la classe ouvrière. Ce n'est pas en l'ignorant que nous allons avancer, mais en l'acceptant. C'est ainsi que nous serons en meilleure posture pour faire alliance avec ceux qui partagent nos objectifs et nos intérêts. Nous comprendrons mieux ainsi les différences qui existent entre nous et la classe ouvrière et surtout nous apprécierons mieux, de façon plus enracinée car plus réaliste, les intérêts fondamentaux qui nous lient à la classe ouvrière. Je vous rappelle ici que la classe ouvrière, dans le sens strict et initial du terme, est devenue la fraction importante et déterminante d'un ensemble plus vaste: les travailleurs salariés dont nous faisons aussi partie. C'est dans cet ensemble et exclusivement dans cet ensemble que nous devons conclure des alliances. Cela dit, il faudrait tout de même cesser d'ériger en vertus les problèmes et les difficultés de la classe ouvrière qui résultent de son exploitation même et cesser de s'imaginer que pour être militant un enseignant ou un travailleur de l'enseignement doive se transformer en pseudo-ouvrier. A titre de travailleurs de l'enseignement nous avons un important travail d'éducation à faire auprès des étudiants dont la très grande majorité sont des filles et des fils de travailleurs. Et s'il n'y a pas lieu de se servir des problèmes et des difficultés qu'ils rencontrent pour faire de la discrimination et de l'élimination, il n'y a pas lieu non plus d'en faire une apologie ni de vouloir les élever au rang de modèle. Ainsi, ce n'est pas parce que la classe ouvrière n'a pas accès à toutes les richesses de la littérature et de la poésie qu'il faut. ériger en modèle les instruments d'abrutissement qui perpétuent sa domination. Tous les travailleurs, quelle que soit la place qu'ils occupent dans la division du travail, se doivent à un certain dépassement pour réaliser une société qui soit vraiment la leur. Et ce n'est pas préconiser des valeurs bourgeoises que de contribuer, par notre métier, à ce dépassement. De durs coups nous ont été portés. Nous avons reçu des coups de l'extérieur du mouvement et c'est normal. Nous sommes une organisation de lutte et nous prônons des changements majeurs dans la société. Nous attaquons les valeurs actuelles de l'éducation et les orientations qui visent à la mettre au service de l'entreprise et du profit. Nous nous en prenons aux gouvernements et nous dénonçons leur comportement, leur attitude et leur soumission aux intérêts du capital. Nous affirmons que le développement du capitalisme se fait au détriment de la qualité de la vie de l'ensemble des citoyens et au profit d'une minorité. Nous dérangeons donc. Que d'aucuns s'en offusquent et contre-attaquent, c'est normal. C'est signe que les coups que nous portons font mal; et sans doute que la cible est bonne. Nous sommes aussi attaqués par des groupes qui prétendent être plus progressistes que nous, et qui nous accusent de jouer dans le système, d'être des réformistes et des corporatistes chaque fois que nous défendons les intérêts de nos syndiqués. Ils voudraient que la Centrale s'occupe de tout le monde sauf de ses membres, qu'elle rêve de la société de demain sans s'occuper de celle d'aujourd'hui. Ceux-là se sont donné comme mission de détruire le travail fait par notre organisation parce qu'il ne répond pas à leur schème d'analyse et à leur stérile et éternelle poursuite d'un socialisme de laboratoire. Il y a aussi à l'intérieur de nos rangs des éléments qui, consciemment ou non, déprécient la Centrale dans leur milieu, qui ont le blâme facile et qui, plutôt que de présenter l'enjeu fondamental des débats que nous faisons, tentent par tous les moyens d'en livrer des versions tronquées et déformées. Nous connaissons une autre difficulté à l'intérieur de notre Centrale: c'est la faiblesse du sentiment d'appartenance à notre organisation en certains milieux. Quelques affiliés, d'aucuns délibérément, d'autres involontairement, refusent de s'identifier à leur centrale syndicale dans leurs documents, auprès de leurs membres. Des syndiqués de notre centrale hésitent à proclamer leur appartenance à notre mouvement. Plusieurs militants transforment nos difficultés en défaites et attribuent à d'autres nos victoires. C'est là un problème dont je ne connais pas toutes les causes, mais qui affecte le dynamisme de façon indiscutable, et qui handicape les initiatives de la Centrale aux yeux des adhérents. Il y a enfin ceux qui voudraient limiter le mandat de notre Centrale, qui se préoccupent plus d'hier que de demain et ne voient en notre mouvement qu'une machine distributrice de services plutôt qu'un organisme de combat. 5- Vers une action permanente. Si j'ai longuement abordé l'état de santé de la Centrale, c'est que je considère qu'il est important de corriger certaines lacunes compte tenu des mandats qui nous attendent. Nous avons terminé la négociation nationale des conventions, il faut maintenant les vivre et les faire respecter. Mais cela se fera dans la lutte syndicale car nous constatons depuis deux ans une tendance marquée des employeurs locaux à passer outre aux ententes nationales. Ils utilisent à fond tous les recours juridiques possibles pour contester le bien-fondé de nos positions et forcer les tribunaux à agir en leur faveur. Ils acculent les syndiqués à faire des griefs, portent les causes d'une Cour à l'autre et refusent même parfois de signer des conventions. Toutes ces actions font partie d'un plan concerté pour attaquer nos acquis. Tout en reconnaissant le bien-fondé de l'arbitrage de griefs et en invitant nos affiliés à y recourir, force nous est de reconnaître que le système légal de règlement des conflits a ses limites. J'encourage les affiliés à mettre en oeuvre progressivement des moyens d'action pour résister à l'envahissement patronal. Chaque fois qu'un syndicat affilié mènera la lutte, il pourra compter sans réserve sur l'appui de la Centrale. Pour moi, toutes et chacune des dispositions de nos conventions doivent être respectées par les employeurs. Bon gré, mal gré. Nous n'accepterons pas que le gouvernement ou ses partenaires viennent favoriser le court-circuitage de nos acquis par le biais de règles budgétaires toujours plus contraignantes pour les travailleurs et pour l'éducation. Si les administrateurs scolaires préfèrent mener des batailles d'arrière-garde pour récupérer des pouvoirs de taxation qu'ils n'ont pas su utiliser de bonne manière plutôt que de lutter pour obtenir des budgets accrus, c'est leur affaire. Pour notre part, nous allons continuer de lutter contre l'étouffement du système d'éducation. Il faut cependant reconnaître que si nous avons remporté des gains importants depuis dix ans sur le terrain de la négociation, nos victoires se sont trop limitées à ce seul terrain. Dans ce cadre nous avons fait reculer le gouvernement sur la loi 96, sur sa volonté d'imposer une grille-horaire, de mettre en vigueur le régime pédagogique, de saborder l'autonomie départementale. Nous avons aussi obtenu des modifications et des amendements aux législations par le biais de revendications aux tables de négociation. Il y a cependant une certaine inadéquation dans nos moyens de lutte en dehors des négociations. Nous connaissons des problèmes de mobilisation quand il s'agit de participer à la Fête du 8 mars, de célébrer le premier mai, de s'opposer à une législation ou de la faire modifier. Sur le terrain pédagogique, celui des conditions d'exercice de nos métiers, dans une conjoncture de fin de session ou de fin d'année, nous n'avons pu empêcher des modifications importantes aux lois de l'éducation telles la loi 71 ou l'adoption des lois 24 et 25 au niveau collégial. Nous nous sommes surtout limités à dénoncer depuis dix ans les atteintes importantes faites aux droits des travailleurs et aux droits des citoyens par le biais des restrictions budgétaires en éducation. En réalité, ce n'est que sur le terrain linguistique que nous avons réussi de très grandes mobilisations en dehors du temps des négociations. Certes, la lutte syndicale ne se réduit pas aux grandes manifestations ou aux grèves. Nous avons tout de même réussi à faire abroger le règlement instaurant le dossier scolaire cumulatif sans qu'il n'y ait d'arrêt de travail ou de démonstration massive d'un rapport de force. Le succès de cette lutte résidait cependant dans le fait qu'un très grand nombre d'organisations ont participé au combat. Le front de la lutte s'était élargi et n'était pas limité à la seule CEQ. Les organisations de parents avaient en particulier joué un rôle important dans cette bataille. Et c'est à cette occasion, comme à d'autres, que l'on peut mesurer l'importance d'élargir les appuis à nos revendications. C'est en élargissant nos appuis, en recherchant de larges soutiens à des revendications, en menant des campagnes d'information pour atteindre l'ensemble des travailleurs que l'on peut espérer remporter des succès entre deux négociations. Il nous faudra donc inventorier les actions syndicales que nous pourrons mener, la mobilisation que nous pourrons susciter tant dans le domaine du quotidien de nos adhérents que dans celui des grandes luttes syndicales. Ce travail, qui devient essentiel dans une organisation comme la nôtre, se concrétisera dès l'an prochain par la création d'un secteur permanent de l'action et de la mobilisation. Recommandation numéro un. Aussi, le Bureau national recommande: Que le Congrès reconnaisse la nécessité pour la Centrale et pour ses affiliés d'inventorier les actions syndicales à mener en temps de négociation et en dehors des temps de négociation, de développer des pratiques de mobilisation permanente et qu'en conséquence, il entérine et endosse la création d'un secteur permanent de l'action et de la mobilisation à la Centrale. Qu'à ce secteur d'action et de mobilisation au plan national corresponde un secteur d'action et de mobilisation dans les syndicats affiliés. Les défis d'aujourd'hui. Au moment où à ce Congrès nous allons adopter la plate-forme syndicale de l'enseignement primaire et secondaire, il faut nous rappeler un certain nombre de choses. 1- Sur l'école. Il était essentiel pour une organisation comme la nôtre de se définir une plate-forme, de proposer des politiques qui vont nous permettre d'exprimer positivement notre point de vue sur l'éducation. Mais cela ne doit absolument pas nous amener à négliger la lutte à mener aux contre-réformes. Le gouvernement a un projet de société qu'il ne met pas en débat et qu'il essaie d'appliquer par le biais de la législation. Il a également son projet d'école et il l'applique à travers les politiques scolaires. Celles-ci marqueront les prochaines années et affecteront gravement le développement des services d'éducation. Plutôt que de nous engager à relever le défi d'une collectivité qui aurait besoin du système d'éducation le plus novateur et le plus progressiste en Amérique, le gouvernement a opté pour un projet conservateur, populiste, qui conduira à l'intégration sauvage de l'enfance en difficulté, à la discipline répressive, à la déqualification du travail, au renforcement des contrôles et de la sélection-élimination, au resserrement budgétaire, au contingentement, à l'orientation de la formation vers les seuls besoins de ceux qui auront accès aux études supérieures, à la compétition entre établissements. Dans ces écoles, les filles et les fils de travailleurs ne retrouveront pas les conditions d'accès à une formation de base plus complète et plus poussée. Non seulement fait-on porter la crise économique sur le dos des classes laborieuses, mais en refusant à l'école les moyens de son développement, on handicape fortement les générations futures de travailleurs. La politique gouvernementale vise à soumettre le développement de l'éducation aux intérêts de l'entreprise par une régionalisation des services au collégial, et par l'arrêt du développement des enseignements, du préscolaire à l'université. Nous ne pouvons souscrire à un tel projet, nous devons le dénoncer et mener toutes et chacune des luttes à toutes et chacune des pièces de ce projet. Ce projet gouvernemental, habilement présenté, a une certaine adhésion dans la société. Il serait totalement illusoire de s'imaginer que nous allons amener le gouvernement à reculer sur l'essentiel de son projet et à opter pour le nôtre. Mais il serait également absurde de ne pas s'occuper des luttes d'aujourd'hui sous prétexte qu'on ne peut provoquer que des changements mineurs et non significatifs. Mener la lutte aux contre-réformes, c'est mener une lutte défensive pour protéger les conditions d'exercice du métier de nos adhérents. Ce sont les luttes d'aujourd'hui qui créeront les conditions permettant à nos propositions de faire leur chemin et de susciter de plus en plus d'adhésion. Ce n'est pas parce qu'on ne peut pas détruire un mur en entier qu'il ne faut pas y créer des brèches. C'est dans les luttes d'aujourd'hui, dans l'analyse la plus réelle possible des effets des contre-réformes, c'est en expliquant les enjeux et en suscitant la mobilisation que nous élargirons l'appui à nos propres positions. La lutte à l'autoritarisme. Dans le cadre de la lutte aux contre-réformes, il est un combat qu'il nous faudra mener sans la moindre défaillance: c'est la lutte à l'autoritarisme. Nous avons amorcé notre réflexion sur la gestion scolaire, pendant que nous avions dans plusieurs milieux - Paspébiac et Charlesbourg étant les exemples les plus frappants - de dures luttes à mener contre l'établissement de l'autoritarisme comme mode de gestion dans nos écoles. Les principaux et leur association sont devenus les hommes de main (je ne peux pas dire des femmes, puisque très peu d'entre elles ont accès à ce cercle) des défenseurs de l'antisyndicalisme, des contre-maîtres de l'éducation. Ce sont les principaux qui ont le plus exigé la restriction des droits syndicaux, ce sont eux qui par leur présence aux tables de négociation défendent leur droit de gérance absolu sur l'école, ce sont eux qui ont poussé publiquement la CECM à rejeter le rapport de médiation, ce sont eux qui se sont opposés au rapport Laurin à la commission scolaire régionale Jean-Talon, ce sont encore eux qui tentent de raffermir leur contrôle sur l'école (PA2). Ironie du sort ou preuve de la grande clairvoyance du ministre de l'Éducation, la loi 71 légalise les pouvoirs de ces petits barons locaux. Quand on constate l'ampleur de cette montée sans précédent de l'autoritarisme et des conséquences qu'elle a sur la vie quotidienne de nos adhérents, on ne peut faire autrement que d'y voir un front de lutte prioritaire. La formation d'équipes qui se consacreraient exclusivement aux interventions pédagogiques ne devrait en aucune façon se faire au détriment de la lutte défensive. Préconiser la formation d'équipes exclusivement vouées aux interventions pédagogiques est à la fois insoutenable et irresponsable. La tâche première et fondamentale du syndicalisme consiste à défendre les adhérents lorsque les coups pleuvent. Il n'y a rien de plus important que d'organiser la défense des membres lorsqu'ils sont menacés. On aura beau produire les meilleurs documents du monde, ils seront inutiles s'il n'y a plus personne pour s'en servir. En un mot, nous n'avons pas le droit de laisser nos membres à découvert. C'est pourquoi le Bureau national vous recommande de maintenir et de réaffirmer le caractère hautement prioritaire des luttes aux contre-réformes, quelles qu'en soient les manifestations, tout en privilégiant les interventions pédagogiques. Il ne faut absolument pas tomber dans l'erreur de sacrifier les réalités d'aujourd'hui au profit de nos aspirations de demain. Il nous faut apprendre à concilier les deux. La lutte aux contre-réformes regroupe deux dimensions. Celle de mettre un frein aux aspects qui vont à l'encontre de nos positions et de nos intérêts, mais également celle qui consiste à améliorer et à modifier ce qui peut l'être. Les interventions pédagogiques. Cela dit et bien compris, il y a place dans notre programme pour la poursuite et le développement des interventions pédagogiques. Celles-ci sont nécessaires pour concrétiser et actualiser les politiques que nous mettons de l'avant, comme l'a démontré le Bureau national en initiant et en menant à bien l'opération Nicaragua. En s'y engageant, les affiliés ont fait la preuve que les interventions pédagogiques peuvent susciter une large adhésion chez nos membres. Il importe donc de rendre tangible la proposition d'école et de permettre aux syndiqués d'en vivre l'application concrète. Il me faut aussi parler des conditions dans lesquelles les interventions pédagogiques doivent se faire car elles comportent le risque d'une déviation importante. La force du mouvement syndical c'est l'action collective: et ce n'est que par l'action collective, l'action de masse, que nous pourrons instaurer des changements significatifs. Favoriser les interventions pédagogiques, bien sûr. Mais les favoriser comme actions collectives et non comme interventions individuelles et isolées. Inviter les enseignantes et les enseignants, un à un, une à une, chacun et chacune, seuls dans leur classe, à prendre des initiatives pédagogiques isolées, envers et contre tous, ce n'est pas de l'action collective. C'est du harcèlement pédagogique qui tient bien plus de la guérilla scolaire que de l'action syndicale. Nous n'avons ni le mandat, ni le droit d'inviter nos adhérents à mener des actions individuelles et isolées. J'irai même plus loin: ce n'est pas la somme des actions individuelles et isolées qui fait qu'une action devient collective. Inviter les travailleurs de l'enseignement à tenir compte de la proposition d'école dans le travail quotidien, c'est les inviter à une action collective qui soit le résultat d'une large adhésion à la fois dans nos rangs mais aussi auprès des usagers du service public d'éducation. Il faudra donc nous assurer non seulement que des groupes importants de travailleurs mèneront ensemble, collectivement, dans leur école, dans leur commission scolaire, dans leur collège, dans leur région, ces actions et ces interventions pédagogiques, mais aussi et surtout qu'elles seront le fruit d'une réflexion collective du milieu, qu'elles seront portées par des groupes importants et non par quelques individus dispersés par-ci par-là dans leur classe, victimes toutes désignées pour la répression patronale. L'école n'est pas la chasse gardée, le laboratoire expérimental de la CEQ ou de l'un ou l'autre de ses adhérents. Nous avons notre place et notre rôle à y jouer, mais il serait chimérique et dangereux de penser que nous réussirons à mettre l'école au service des travailleurs sans l'adhésion des travailleurs eux-mêmes à notre projet. L'école de masse que nous voulons est une école démocratique de masse et j'insiste sur le mot démocratique. Pour que notre démarche soit un succès, nous devons faire en sorte que nos membres adhèrent massivement à la proposition que nous mettons de l'avant, mais il faut aussi et surtout que les parents, qui sont majoritairement des travailleurs, partagent nos orientations et luttent avec nous pour les changements. Il importe donc que la CEQ, de par sa position privilégiée de centrale de l'enseignement, invite les autres centrales à se joindre à la lutte pour la démocratisation de l'école car cet enjeu est vital pour tous les travailleurs. Recommandation numéro deux. Aussi le Bureau national recommande que le Congrès affirme la nécessité de susciter l'adhésion la plus large des travailleurs à la proposition d'école et de mener les luttes pour la démocratisation de l'enseignement en associant la Centrale aux autres organisations syndicales, et qu'à cette fin la Centrale soit mandatée pour tenter de mettre sur pied un vaste front de l'éducation pour défendre le plus massivement possible les revendications des travailleurs dans les domaines scolaire, collégial et universitaire. 2- Le mandat de représentation. Des enjeux importants se dessinent derrière le débat sur la représentation syndicale. Nous avons pris beaucoup de soin à préparer un document qui analyse la question en profondeur et qui se veut un moyen d'en saisir toutes les dimensions. Ce document nous permet de comprendre que la représentation syndicale n'est ni le succédané de la lutte, ni son aboutissement, mais un moyen de lutte fondamental et nécessaire. C'est aussi un acquis du mouvement syndical et c'est surtout un moyen de lutte qui devient objet de lutte, le mouvement syndical tentant souvent d'élargir son droit de représenter les travailleurs dans tous les domaines qui les concernent. Si nous refusons la concertation, nous rejetons aussi la politique du pire et la peur de la confrontation. Il faut améliorer ce qui peut l'être et chaque fois que nous conquérons un droit nouveau, c'est un pas de plus vers des transformations plus importantes de la société. Nous nous défendons des positions absolutistes. Il y a des luttes à mener, des revendications à porter, et des positions syndicales à défendre. Conscients de nos moyens et de nos limites, nous devons agir. La lutte n'est pas nécessairement, exclusivement et toujours la grève générale. Le rapport de force peut s'exprimer autrement. C'est avoir une conception étriquée du syndicalisme que de vouloir limiter l'action syndicale à la négociation, aux seuls moments où il y a un rapport de force «musclé». Le fait d'avancer des positions fortement partagées, de mettre en débat dans des instances larges et de susciter l'adhésion des syndiqués à certaines revendications, de rassembler des appuis massifs autour de ces objectifs fait aussi partie du rapport de force à exercer. Certains voudraient limiter le mandat de représentation et d'intervention syndicales au seul volet de la dénonciation. Vouloir restreindre le mandat à cette seule dimension, c'est à mon avis restreindre dangereusement l'action syndicale et occuper précisément le seul terrain que voudraient nous laisser le patronat et les gouvernements. C'est privilégier l'incantation dénonciatrice à l'action mobilisatrice. D'aucuns craignent la récupération. C'est un danger réel. Mais c'est aussi tomber dans le piège de la récupération que de se contenter du seul terrain qu'on nous concède, celui de la dénonciation, puisque c'est le rôle qui nous est imparti. Ceux-là préféreraient que nous dénoncions la législation du travail plutôt que de lutter pour l'améliorer au bénéfice de l'ensemble des travailleurs et de la syndicalisation. Certains favorisent dans leurs résolutions la concertation intersyndicale mais refusent de voir que les lieux où s'exerce la représentation créent justement les occasions concrètes de concertation intersyndicale. Tout en réaffirmant le bien-fondé de certaines décisions que nous avons prises, et en reconnaissant qu'il y a eu des interprétations exagérées et restrictives de ces mêmes décisions, je crois que le temps est venu - et il me semble que la très grande majorité des congressistes partage ce point de vue - d'occuper un terrain, de prendre notre place et d'exiger d'être reconnus comme les interlocuteurs valables, comme les représentants des syndiqués de notre Centrale, et comme défenseurs d'un point de vue qui devra de plus en plus être écouté attentivement. Il s'agit pour nous d'assumer et de faire reconnaître notre rôle d'interlocuteur social, rôle qui n'a rien à voir avec celui de partenaire social. A part les organisations syndicales et populaires nous ne nous voyons pas beaucoup de partenaires dans cette société. Que cela soit clairement entendu de tous! Et c'est justement pour être entendus davantage que nous amenons à ce Congrès le dossier des relations internationales. 3- Les relations internationales. Le dossier des relations internationales n'est pas nouveau à la Centrale; toutefois, nous n'avons pas souvent eu l'occasion d'en débattre dans nos Congrès. Les recommandations que vous fait le Bureau national visent beaucoup plus à faire débattre par le Congrès le bien-fondé des positions que nous avons défendues jusqu'ici plutôt que de tracer un bilan critique et de définir certains ajustements à nos positions internationales. C'est surtout l'occasion de susciter une adhésion plus large dans un domaine dont l'importance se fait davantage sentir. En effet, les propositions et les politiques mises de l'avant dans notre pays sont concoctées au plan international à l'occasion de rencontres systématiques tenues parfois au plus haut niveau dans le cadre de plusieurs organismes structurés et permanents tels la trilatérale, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et tant d'autres. Nos gouvernements ne font pas qu'importer et exporter des matières premières, des produits et des procédés industriels; ils échangent aussi des valeurs, des politiques culturelles, sociales, économiques ainsi que des programmes d'éducation. Ils importent et exportent la crise et ses conséquences pour l'ensemble des travailleurs. Depuis plusieurs années et encore aujourd'hui nous faisons face à des mesures qui étaient préconisées depuis dix ans déjà par l'OCDE. Il faut donc élargir notre horizon en mettant plus de cohérence dans nos interventions et en créant des liens de solidarité plus nets, plus clairs et plus fermes avec les organisations syndicales des pays qui vivent des situations semblables à la nôtre, et en élargissant aussi notre solidarité à l'ensemble des organisations de travailleurs de l'enseignement à travers le monde. Au plan syndical international nous constatons que de plus en plus de syndicats nationaux de l'enseignement optent pour l'adhésion à des organisations syndicales liées au mouvement ouvrier plutôt que professionnelles. Nous nous réjouissons de cette évolution. C'est un signe positif, un apport nouveau et c'est aussi une redéfinition des rapports de force qui semble fort prometteuse. Notre solidarité et nos relations internationales devraient nous permettre de mieux anticiper les coups qu'on nous prépare et de mieux nous concerter pour développer la lutte et organiser la riposte. Il est important d'en traiter. 4- La lutte des femmes. Il est aussi important pour ce Congrès de faire le bilan de la lutte des femmes. Depuis dix ans, ces luttes ont en effet été marquées par les revendications visant à faire reconnaître les droits parentaux, et particulièrement le droit à la maternité. Sur ce terrain, nous avons remporté une victoire importante. Mais maintenant il faut nous attaquer aux causes qui empêchent l'élargissement des droits des femmes dans la société et cela ne pourra devenir réalité que dans la mesure où celles-ci auront un véritable droit au travail. Il existe encore dans notre société une discrimination large, profonde, souvent subtile à l'égard du droit des femmes au travail. Le statut d'égalité n'existe pas dans les conditions de rémunération, de promotion, d'accès aux emplois supérieurs, dans l'égalité des chances à occuper et à conserver un emploi. Ce sont les femmes qui souffrent encore le plus des aléas du marché du travail, des politiques de restriction de l'emploi, des nouvelles formes de l'organisation du travail. Ce sont les femmes qui souffrent davantage des faibles conditions de perfectionnement sur le temps de travail. Il est important de comprendre dès maintenant le caractère central que prendra la lutte des femmes dans le cadre global de la lutte des travailleurs contre l'exploitation. En effet, la lutte des femmes atteint tous les aspects de la vie sociale. La contestation des discriminations du marché du travail se double nécessairement de la remise en cause des rapports entre le quotidien ménager et le travail, des rapports entre la vie privée et publique. Les institutions qui consacrent les rapports actuels (famille, école, entreprise, État...), les schémas culturels qui fondent ces rapports, les attitudes sexuelles et sociales qui les sous-tendent doivent nécessairement changer à mesure que les diverses formes d'oppression seront supprimées. Aussi n'est-il pas exagéré d'affirmer que changer la vie des femmes, c'est changer la vie de tous. Les deux tiers des adhérents de la CEQ sont des femmes. C'est un atout réel et important dans notre organisation, à la condition d'en arriver à créer et à mettre en place les moyens d'une véritable participation. Il faut reconnaître qu'il nous reste beaucoup de travail à faire sur l'ensemble de ces éléments, et c'est pour cela que le Congrès doit préciser le champ d'action quant à la lutte des femmes et doit inviter tous les congressistes et tous les affiliés à s'engager résolument dans cette voie. 5- Nous fixer des axes d'intervention. La vie syndicale des deux prochaines années ne tournera pas exclusivement autour de ces quatre dossiers que nous traitons d'une manière particulière à ce Congrès. Nous nous donnons chaque année des plans d'action ambitieux et à chaque réunion de nos instances nationales, nous ressortons avec un ou plusieurs mandats supplémentaires qui sont tout aussi importants que ceux votés précédemment. D'autre part, la situation financière de la Centrale ne nous permet pas d'entreprendre beaucoup de nouvelles opérations. Ce Congrès doit donc, en toute connaissance de cause, déterminer un certain nombre d'axes d'intervention qui n'exigent pas nécessairement la mise en oeuvre de moyens nouveaux en termes de ressources et de budget, mais le fait d'en convenir en Congrès permet de déterminer la voie et le sens de l'action syndicale. J'invite donc les congressistes à dégager quatre axes d'intervention comme lignes de force du mandat des deux prochaines années. Le Congrès d'orientation. En premier lieu, bien sûr, le Congrès d'orientation. A titre de président de la Centrale, je mets beaucoup d'espoir dans ce Congrès qui devrait nous fournir une occasion privilégiée de dissiper des appréhensions, de réfléchir ensemble sur notre mandat, de faire le point sur la dernière décennie et de relancer notre action syndicale vers l'avenir. Je crois que le Congrès d'orientation, sans tomber dans l'approche théorique de la définition d'un projet de société et sans faire l'arbitrage et l'analyse des vertus ou des défauts du capitalisme, du socialisme, du libéralisme, du marxisme et de tous les «ismes», devrait nous permettre, par le biais d'un ensemble de propositions, de définir le cadre culturel, social, économique et politique, dans lequel nous voulons vivre. Chacun des syndiqués de la Centrale a plus ou moins en tête son projet de société, qu'il en soit conscient ou pas. Il faut prendre ces idées, en débattre entre nous et déboucher sur le consensus le plus large possible, qui nous permette de dégager des mandats dans des champs d'action susceptibles de nous orienter pour l'avenir. Le Congrès d'orientation soulève un défi majeur, celui de susciter la participation et de créer les conditions d'un débat sérieux. Et pour le réussir, il faudra le conduire là où se trouvent les syndiqués, sur les lieux de travail. Il faut que chacun des établissements devienne un lieu de discussion des grandes orientations de notre syndicalisme. C'est possible, à condition que les délégués au Congrès soient prêts à relever le défi. L'année prochaine, la priorité doit porter sur ce débat pour que nous en sortions plus forts, plus unis, plus solidaires, mieux structurés, mieux organisés et davantage prêts à la lutte. L'éducation syndicale. Le second axe devra se situer au niveau de l'éducation syndicale. On ne naît pas syndiqué et le type d'information qui circule dans notre société sur le syndicalisme devrait faire de nous plutôt des anti-syndicaux que des militants syndicaux aguerris, combatifs et organisés. L'éducation syndicale est nécessaire à ceux qui choisissent de militer à tous les niveaux de la structure syndicale. Elle leur permet de s'équiper et assure au mouvement une relève militante. Il y a en effet beaucoup de mobilité dans la structure syndicale. Ceux qui ont atteint un certain niveau d'expérience et qui ont vécu au rythme infernal de l'action syndicale n'ont pas toujours eu la possibilité de se ménager des moments de réflexion. Souvent ils n'ont pu se questionner sur le sens et la portée de l'action syndicale ni toujours su prendre le recul nécessaire pour voir clair dans la stratégie de l'adversaire et ainsi mieux la combattre. Notre première préoccupation, tant à la Centrale que dans chacun de nos syndicats, devrait être l'organisation d'un certain nombre d'activités d'éducation syndicale. Cela ne se fait pas, non pas parce que nous n'avons pas les moyens, mais pour toutes sortes de raisons explicables mais peu justifiables. La tâche d'éducation syndicale incombe à la CEQ, à chacun de ses affiliés, de ses sections et de ses syndicats locaux. Le mandat pédagogique. Notre troisième axe consistera à remplir les volets offensif et défensif de notre mandat pédagogique et élargir l'adhésion à la plate-forme primaire-secondaire. De plus, il faudra organiser la lutte sur le terrain de la formation professionnelle qui deviendra dès cet automne un enjeu majeur. Récupérer et occuper le champ de la formation professionnelle est l'ambition constante de la grande entreprise, sa façon de se procurer une main-d'oeuvre docile et d'obtenir des subventions. Son objectif est de voir la formation orientée sur ses besoins immédiats plutôt que sur ceux des travailleurs car autrement ces derniers atteindraient l'indépendance et l'autonomie. Nous ne pouvons être indifférents à cet enjeu majeur et nous devrons dès cet automne mettre en place un ensemble de moyens pour mener la lutte avec les principaux intéressés, c'est-à-dire les travailleurs eux-mêmes et les organisations qu'ils se sont données. Il en est de même pour l'éducation des adultes déjà sur le marché du travail. Ces derniers devraient avoir le droit à une formation continue non seulement dans leur champ de spécialisation, mais également en vue d'élargir leur formation initiale ou de développer un nouveau champ d'intérêt. Ce secteur est d'autant plus important qu'il constitue le lieu de jonction quotidienne entre nos adhérents et la classe ouvrière. Nous connaissons tous l'invraisemblable fouillis qui existe dans ce secteur, les empiétements éhontés du fédéral dans ce domaine notamment pour tripoter les statistiques de l'assurance-chômage, et l'incapacité de qui que ce soit d'y voir clair. Les éducateurs d'adultes en savent quelque chose, eux qui ont été les principales victimes de cette situation. Les travailleurs en général ne disposent pas de programmes structurés et ne perçoivent pas toujours l'importance de ce domaine. Cette question, qui concerne également les deux autres centrales, prend de l'ampleur dans tous les pays industrialisés et nous avons grandement intérêt à favoriser les échanges sur ce sujet avec les autres organisations syndicales dans le cadre de nos relations internationales. Enfin, le quatrième axe consisterait à englober dans l'action syndicale la défense des conditions de vie. J'aimerais développer à ce sujet un certain nombre de pistes de réflexion. Recommandation numéro trois. Aussi le Bureau national recommande que le Congrès considère que le Congrès d'orientation, l'éducation syndicale, le mandat pédagogique défensif et offensif ainsi que l'élargissement de l'action syndicale constituent les quatre axes d'intervention majeurs de la Centrale pour les deux prochaines années. L'élargissement nécessaire de l'action syndicale. Plus que jamais, dans la période de crise économique que nous traversons, notre action syndicale doit situer ses objectifs immédiats dans des perspectives plus larges et plus globales. Depuis l'importante récession de 1974-75, le Canada a connu une période de croissance soutenue mais lente, réalisée à même une très vive compression des salaires (détérioration du pouvoir d'achat des travailleurs par la Loi C-73), des attaques gouvernementales incessantes contre les programmes d'assistance sociale (coupures de l'assurance-chômage, suppression de l'universalité des allocations familiales, indexation partielle des prestations d'assistance sociale, non-indexation du salaire minimum, etc), une inflation qui s'accélère depuis la fin de 1976, la dévaluation de 15% du dollar canadien face au dollar américain en 1977. La mise en oeuvre de ces politiques a entraîné un transfert substantiel de richesse économique des travailleurs aux compagnies. En effet, alors que les profits au Canada augmentaient de 10,5% en 1977, 17,69% en 1978 et 33,1% en 1979, les salaires n'arrivaient même pas à suivre le rythme de l'inflation. La part du revenu national allant aux travailleurs est tombée de 74,8% à la fin de 1976 à 69,6% à la fin de 1979. En revanche, la part des profits est montée de 12,4% à 17,5% pendant la même période. Ces transferts ne sont pas insignifiants. Si la part des revenus du travail était restée en 1979 la même qu'en 1976, cela représenterait 10 milliards $ de plus pour cette seule année dans les poches des travailleurs. En trois ans, chacun des 11,2 millions de travailleurs canadiens s'est fait voler environ 900 $. Ce sont les grandes compagnies canadiennes qui ont le plus profité de cette conjoncture. Mais plutôt que d'investir au Canada leurs gigantesques bénéfices, elles s'en sont servies pour investir à l'étranger et pour s'entre-dévorer, cherchant à élever toujours davantage leur degré de contrôle monopoliste du marché canadien et international. On se rappellera à cet égard les batailles de dinosaures entre les conglomérats Power et Argus, entre Brascan et les frères Bronfman, entre Simpsons-Sears et la Baie d'Hudson pour le contrôle de Simpsons Ltd. qui se sont dénouées lorsque le groupe britannique Thompson a pris le contrôle et de Simpsons et de La Baie d'Hudson, etc. Aussi n'est-il pas surprenant de constater que le nombre de chômeurs au Canada a pratiquement doublé pendant cette période de soi-disant croissance, passant de 514 000 en 1974 à 911 000 en 1978, dont 307 000 au Québec. Aujourd'hui, les pays industrialisés comptent 20 millions de chômeurs alors même que le dérèglement généralisé du système monétaire international et des marchés débouche sur une récession que tous s'accordent à qualifier de grave et profonde. L'économie des États-Unis est d'ores et déjà déclarée officiellement en état de récession. L'économie canadienne devrait suivre d'ici peu. L'horizon immédiat s'obscurcit de jour en jour. Des répercussions sur l'école. Personne n'osera nier que la crise qui secoue les sociétés occidentales a ses répercussions sur le système scolaire. La montée du chômage et les perspectives de déqualification ne laissent à une multitude de jeunes qu'un avenir bloqué. L'école, qui est censée conduire à des emplois qualifiés, devient un lieu de frustration profonde et, pour plusieurs, d'échecs intolérables. Bref, un milieu qui ne répond ni aux attentes des jeunes, ni aux besoins des travailleurs et futurs travailleurs. Si, comme organisation syndicale, nous devons reconnaître nos limites, cela ne doit pas nous empêcher de mettre de l'avant et de préconiser un syndicalisme qui, par ses analyses, par ses interventions et par les actions qu'il organise pour l'avancement des revendications, contribue, à sa place, au changement auquel aspirent les forces progressistes et populaires. Dans cette perspective, nos luttes comme travailleurs de l'enseignement s'inscrivent en convergence avec celles des autres travailleurs et reposent sur une même communauté d'intérêts face à la politique de restriction des dépenses du gouvernement et aux dictats du patronat. Pour favoriser un processus de changement, il nous faudra développer des pratiques qui nous situeront clairement dans le camp de ceux qui luttent pour le progrès, pas seulement dans l'école, mais dans la société dans son ensemble. Cette volonté d'élargir l'action syndicale peut paraître pour le moins téméraire quelque temps après que nos adhérents aient rejeté la recommandation du Congrès sur la Question nationale, précisément en grande partie parce qu'elle liait l'indépendance à un projet de société. C'est du moins l'analyse que nous avions faite ensemble, mais il faut aller au-delà de cette analyse pour essayer de déterminer les causes profondes de ce refus. Nous ne pouvons pas nier qu'une certaine fraction de nos membres souhaite que l'action syndicale se limite à la négociation et à l'application des conventions collectives. Cette minorité voit dans le syndicalisme une simple police d'assurance contre les problèmes immédiats et concrets de conditions de travail. Faire les liens qui s'imposent. Je crois toutefois qu'une importante majorité de nos membres a fait le lien entre les conditions quotidiennes de travail et les conditions tout aussi quotidiennes de vie qui les entourent. Nos adhérents savent que leur organisation syndicale doit intervenir sur des terrains autres que ceux de la négociation des conventions; ils sont conscients du fait qu'il existe un très grand nombre de décisions politiques qui se prennent et qui influencent à la fois les conditions d'exercice de leur métier et leurs conditions de vie. C'est ainsi que la critique des budgets des gouvernements fait partie intégrante de notre mandat syndical. Ces budgets ne sont pourtant pas négociables, tout comme bien d'autres mesures telles que les régimes pédagogiques, les politiques gouvernementales, les plans de financement et d'allocation des ressources, les mesures économiques et sociales, les politiques culturelles. Sur tous ces terrains, hors du négociable, la Centrale a eu à intervenir et intervient vigoureusement chaque fois que c'est nécessaire pour défendre le point de vue de ses adhérents. De même, la consultation sur la Question nationale nous a permis de dégager une majorité qui souhaitait voir la Centrale défendre le droit du Québec à l'autodétermination. Une très grande majorité de nos adhérents accepte - je dirais même souhaite - que la Centrale intervienne en dehors du champ étroit de la négociation. Ce n'est donc pas avec l'élargissement du champ d'intervention qu'il y a désaccord, c'est plutôt avec le contenu appréhendé de nos interventions dans ce champ. C'est ainsi, par exemple, que l'on peut expliquer la réaction de certains adhérents dans un établissement dans lequel la quasi-unanimité s'était prononcée contre l'intervention de la Centrale dans le débat sur la Question nationale sur la base d'une option constitutionnelle et qui, suite à l'intervention de la Centrale dans le cadre de son mandat, ont eu une réaction pour le moins caractéristique en disant: «Si nous avions su que c'est dans ce sens-là que vous parleriez, nous vous aurions laissé dire bien plus de choses». J'ai eu l'occasion d'indiquer lors de l'ouverture de notre Congrès sur la Question nationale que nos membres ne sont pas prêts à adhérer inconditionnellement à ce que la Centrale avance pour la seule raison que c'est la Centrale qui le propose, et qu'ils ne l'appuieront que dans la mesure où ils comprendront et en accepteront le sens. Il importe donc de présenter à nos adhérents des perspectives claires et des voies d'intervention sur lesquelles ils auront le contrôle. Aussi j'invite le Congrès à indiquer clairement son accord avec cette conception de notre action syndicale. 1- Les négociations constitutionnelles. Au plan politique, la conjoncture récente a été marquée par le face à face entre les forces fédéralistes et les forces du mouvement national québécois, avec le résultat que l'on connaît. La crise politique canadienne s'est résorbée pour le moment sur ce terrain, mais elle s'est aussitôt exacerbée entre les forces décentralisatrices et les forces centralisatrices. Les polarisations qui se dessinent à travers les pourparlers constitutionnels entre, d'une part, les provinces productrices de pétrole de l'Ouest, Terre-Neuve, le gouvernement du Québec, les conservateurs de Joe Clark et, d'autre part, le Parti libéral du Canada, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick concernent des enjeux plus nettement économiques. A travers l'épineuse question de la fixation du prix du pétrole, ce qui est posé c'est la question des pouvoirs des provinces et du fédéral et, au premier titre, celle du contrôle des revenus, des pouvoirs de taxation et de réglementation des richesses pétrolières et gazières, minérales et des pêcheries. Les enjeux nationaux, sociaux et culturels du Québec semblent relégués au second plan. Le fédéralisme centralisé vise à donner au fédéral tous les pouvoirs pour uniformiser le marché canadien aux plans de la main-d'oeuvre (les travailleurs de la construction dans l'Outaouais en savent quelque chose), des marchandises (la politique d'achat chez nous du Québec ne serait qu'un régionalisme étroit) et des capitaux (les caisses d'économie, d'épargne et de crédit en prendraient pour leur rhume), même si cela signifie l'appauvrissement du Québec. Pour relancer les négociations constitutionnelles, le premier ministre Trudeau a proposé de partir de la liste des sujets soumis par le fédéral en février 1979. Cette liste concerne les revendications du fédéral pour exercer une gestion plus centralisée de l'économie canadienne. Trudeau a beau jeu de parler de la «dernière chance» tout en agitant, à la face des provinces, le spectre des 40% de OUI au référendum; il semble peu probable qu'il puisse réussir son réaménagement centralisateur sans avoir recours à un autre coup de force: une action unilatérale du fédéral appuyée ou non sur un référendum pan-canadien. La conjoncture et les enjeux commandent de notre part une vigilance particulière, la clarification des intérêts en présence, l'élaboration d'une stratégie d'intervention en fonction de nos positions et de nos intérêts comme travailleurs de l'enseignement. La Constitution. Nous nous sommes déjà heurtés depuis quelques années à l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique et certaines des résolutions que nous voterons ici même seront contrées par les dispositions de la Constitution actuelle. L'unification du système scolaire, la capacité pour le Québec d'établir sur son territoire ses droits linguistiques, la capacité d'occuper en exclusivité le champ de l'éducation, les problèmes liés à la domination de la culture étrangère, tout cela pose des problèmes d'ordre constitutionnel et exige des changements. Nous aurons donc dans les semaines et les mois à venir à mener des interventions vigoureuses et à développer nos positions dans le cadre des négociations constitutionnelles. Ces interventions pourront s'articuler dans un premier temps sur les positions existantes de la Centrale et qui font très largement consensus en nos rangs. En premier lieu, le droit du Québec à l'autodétermination devra être formellement reconnu. Il nous semble que c'est là une exigence fondamentale. Dans un second temps, il est clair que toute Constitution modifiée ou renouvelée ne devra pas aller à l'encontre des politiques linguistiques du Québec. A cet égard, la Charte de la langue française ne doit pas se retrouver en contradiction avec la Constitution. C'est plutôt cette dernière qui devra s'adapter à la Loi 101. Peu importe qu'il y ait ou pas une Charte des droits dans la Constitution, ce qui compte c'est que le Québec puisse continuer à se doter de sa politique linguistique propre et qu'il n'ait de permission à demander à quiconque pour l'amender, la modifier ou la renforcer. Il nous faut également revenir avec notre position à l'effet de sortir le fédéral de tout le champ de l'éducation. Nous l'avons dit et répété à satiété: la Constitution actuelle stipule que tout le secteur de l'éducation est de juridiction exclusivement québécoise, ce qui n'a pas empêché le gouvernement fédéral de l'envahir en vertu de ce qu'il appelle son pouvoir de dépenser. Tout récemment encore, à l'occasion du débat sur la recherche scientifique, nous avons reformulé notre exigence de rapatrier au niveau du Québec ce champ de juridiction ainsi que celui de la formation professionnelle, des cours de langue,, des subventions universitaires. La réponse du ministre d'État fédéral, John Roberts, a été très claire: «Le gouvernement fédéral dépense déjà plus de 4 milliards pour l'éducation et il n'a pas l'intention de cesser». Nous devrions exiger au minimum, avant même tout débat constitutionnel, l'engagement net, clair, ferme du fédéral à évacuer et à redonner aux provinces les champs de juridiction qu'il occupe actuellement de façon indue. Dans le cas de l'école Notre-Dame-des-Neiges, nous avons pu constater à quel point la loi fondamentale du Canada garantissait et protégeait de façon immuable les écoles confessionnelles, ce qui a permis à un groupe anti-démocratique, sectaire et intégriste de crier victoire sur le maintien du statut confessionnel de l'école au détriment de la volonté de l'écrasante majorité des parents et des travailleurs qui y oeuvrent. Nous avons aussi une politique en matière de développement économique qui veut que le gouvernement du Québec soit le maître d'oeuvre du développement socio-économique par le biais de la création d'un secteur social de production, du renforcement des sociétés d'État et l'élargissement de leur rôle. Un premier pas a été franchi avec la politique de l'amiante. Toutefois, l'on sait les difficultés d'ordre constitutionnel qu'a rencontrées une telle législation. De plus, la position de la CEQ à l'effet de doter le Québec d'une économie autocentrée heurte de front le projet de fédéralisme centralisé des libéraux fédéraux. Nous avons également souhaité que le Québec ait la juridiction exclusive en matières d'industries culturelles et de communications. On ne saurait nier l'importance des communications dans l'épanouissement culturel d'un peuple. Cet élément fondamental de notre environnement exerce une force d'attraction qui peut avoir des effets bénéfiques ou dévastateurs sur le contenu des enseignements. Notre politique constitutionnelle. Je viens de vous tracer les grandes lignes de ce que l'on peut appeler la politique constitutionnelle de la Centrale. Elle n'a jamais été adoptée comme telle dans son ensemble, mais chacune de ses composantes a déjà fait l'objet de nos décisions, a été approuvée par les instances, et elles sont largement partagées par nos adhérents. Il y aura lieu pour la Centrale de faire les représentations nécessaires et de mener les luttes pour que ces droits fondamentaux ne soient pas sacrifiés dans un quelconque processus de révision constitutionnelle qui concerne les travailleurs et ne doit pas être qu'une «affaire de gouvernements». A titre de travailleurs de l'enseignement, nous avons des intérêts directs dans ces négociations, c'est ce qui nous a amenés à développer nos positions constitutionnelles. Il n'y a pas de neutralité dans une Constitution et elle favorise les groupes qui vont faire le plus de pressions. Comme en 1867 la Constitution canadienne a favorisé le développement de l'Ontario et l'expansion des profits et des marchés, toute renégociation sera orientée encore une fois sur les besoins du capital, de l'entreprise, de l'économie, des groupes dominants et non axée sur ceux de la majorité, à moins que nous soyons là, que notre rôle de surveillance joue à plein et que nous puissions au besoin participer à la mobilisation de tous les Québécois, en vue de préserver nos droits. Je souhaiterais que le Congrès nous indique son accord à ce que nous puissions surveiller attentivement le déroulement des négociations constitutionnelles, que nous soyons particulièrement attentifs aux questions qui nous concernent très directement. Nous avons été absents du débat référendaire, nous ne pouvons pas nous permettre d'être absents de celui des négociations constitutionnelles. Recommandation numéro quatre. Aussi le Bureau national recommande que le Congrès donne à la Centrale le mandat d'intervenir lors des négociations constitutionnelles pour mettre de l'avant ses positions culturelles, sociales, économiques et politiques; et de préparer, en vue d'un prochain Congrès, une plate-forme de revendications et d'action sur la Question nationale. 2- Les élections québécoises. Au Québec même, il est un autre sujet qui doit nous préoccuper. Au lendemain du référendum, on a vu le chef du Parti libéral, Claude Ryan, chercher à élargir la portée de la victoire du NON. Son objectif central est clair: c'est la conquête du gouvernement, la réalisation de la deuxième étape du mandat qu'il s'est assigné. Ce qui est particulièrement inquiétant ici, c'est que la victoire référendaire a été acquise par la structuration d'un large front social englobant, au premier titre, le patronat et les forces les plus réactionnaires, mais également les catégories sociales les plus insécurisées et les plus sensibles au chantage: retraités, petits propriétaires des banlieues, anglophones et immigrés, ménagères, travailleurs non syndiqués. Les analyses de Pierre Drouilly et le sondage Pinard-Hamilton ont assez bien cerné ce phénomène. En insistant sur le fait qu'il y avait aussi, outre les questions constitutionnelles, des questions de valeurs (valeurs individuelles - valeurs collectives par exemple) dans le débat référendaire, Claude Ryan cherche à accentuer le courant conservateur et réactionnaire, à élargir ses appuis en ralliant à ses vues toute une série de couches populaires qui ne sont pas spontanément et nécessairement prédestinées à endosser de telles positions. Tout le monde s'accorde, me semble-t-il, pour reconnaître que l'action syndicale comporte une dimension politique. Toutefois, on ne saurait nier qu'il existe une certaine réticence lorsque l'on parle de l'action politique du mouvement syndical. C'est ainsi qu'une résolution du Congrès de 1972 interdisait à la CEQ d'appuyer quelque parti politique que ce soit sans le consentement de la majorité de ses membres. Le gouvernement québécois. Depuis son élection, le gouvernement actuel a eu tendance à rechercher davantage l'appui des groupes qui ne lui étaient pas acquis dans l'optique de les amener de son côté plutôt que de satisfaire les revendications de ceux qui l'appuyaient. Cela a amené un désenchantement, un désengagement, une démobilisation d'une couche importante et laisse un vacuum politique qui devra être comblé d'une manière ou de l'autre. Ce désenchantement est pleinement justifié. Point n'est besoin d'un long développement sur les trois lois spéciales adoptées en matière de relations de travail, dont la Loi 62 qui nous a privés de l'exercice d'un droit légalement reconnu par un gouvernement partisan et paniqué à la veille d'élections partielles. Nul besoin non plus de rappeler toutes nos critiques face aux contre-réformes en éducation. Dans sa politique d'apaisement du monde des affaires, le gouvernement a aussi imposé des restrictions importantes sur les budgets des services sociaux, frappé durement nos adhérents en matière de négociations salariales, reculé de façon indécente sur l'indexation du salaire minimum après l'avoir mise en vigueur, professé un acte de foi dans l'entreprise privée à l'occasion des sommets économiques et, plus tard, dans «Bâtir le Québec». En un mot, et c'est sans doute ce qui colore le mieux l'ensemble des décisions qu'il a prises et qui justifie essentiellement le désenchantement, le gouvernement n'a pas voulu toucher aux rapports sociaux ni modifier fondamentalement les rapports de force dans la société. C'est ce qui explique qu'il n'ait pas cherché à amplifier les mobilisations populaires. Il y a place au Québec pour une formation politique de gauche qui pourrait prendre en compte la défense des intérêts des travailleurs et qui pourrait contrebalancer l'attraction considérable qu'exerce la droite actuellement. Il n'appartient pas aux organisations syndicales de prendre en main la création de cette force politique. Le mandat syndical nous occupe à temps plein et couvre un terrain tel qu'il ne doit et ne peut déborder sur l'organisation d'un parti politique. Des organisations syndicales fortes, indépendantes, gardant leur capacité de critique et de contestation du pouvoir, quel qu'il soit, demeurent un des fondements d'un syndicalisme fort et démocratique. Je souhaite la naissance dans les meilleurs délais de cette organisation politique. Nous applaudirons. Mais entre-temps, cela ne doit pas nous faire oublier la menace que représente pour nous la remontée de la droite au Québec sous la gouverne de Ryan. Si nous avons critiqué le comportement du gouvernement actuel, nous devons tout de même reconnaître que depuis trois ans, sur le plan de la législation, il y a eu des progrès non négligeables: la Charte du français, l'amélioration de la protection des consommateurs, la législation sur la santé et la sécurité au travail, la démocratisation du financement des partis politiques, le zonage agricole, la protection de l'environnement, la politique de l'amiante. Le Parti libéral. Que nous réserve cependant l'avenir avec Claude Ryan? On peut déjà voir dans le Livre beige le genre de Québec qu'il nous promet. En effet, la politique linguistique du Parti libéral entre en contradiction fondamentale avec celle de la Centrale. Elle constitue un recul inacceptable, pire que le bill 22, de triste mémoire. A écouter les interventions de Claude Ryan contre les syndicats, on peut s'attendre à ce que les droits syndicaux et les acquis de nos luttes soient battus en brèche. Il est difficile en effet d'oublier que le chef du Parti libéral préconise ou à tout le moins suggère fortement l'abandon de la formule Rand dans la perception des cotisations syndicales. N'a-t-il pas déclaré, le 10 mars dernier, devant l'Association du jeune Barreau de Montréal, que «le monopole syndical tel qu'il est actuellement au Québec occasionne des pertes de temps et d'énergie», que la loi à ce sujet gagnerait à subir un réexamen? Ne s'est-il pas plaint, évoquant l'époque où il était directeur du Devoir, du fait qu'il devait traiter avec le syndicat pour «le moindre sujet, le moindre reproche touchant ses rapports avec ses employés»? Et n'a-t-il pas indiqué que «le syndicat aura beau crier qu'il est l'égal du patron, cela ne change rien au fait que le patron demeure le propriétaire de l'entreprise»? Que dire, en outre, des valeurs que défendent le Parti libéral et son chef? Des valeurs opposant les droits collectifs aux droits individuels, sacrifiant toutes nos conquêtes a ces derniers. Prônant et valorisant la promotion individuelle, méprisant littéralement les droits collectifs, défendant une conception anachronique de l'entreprise privée, prônant le désengagement de l'État du secteur économique et industriel. Avouant clairement qu'ils défendent des valeurs traditionnelles et conservatrices. Ces valeurs, ce sont celles qui devront être véhiculées par l'école, qu'il nous imposera, et en comparaison desquelles les livres orange et blanc de Jacques-Yvan Morin risquent de paraître comme des éléments de progrès. Je ne crois pas non plus qu'on puisse éviter d'être littéralement horrifiés en imaginant seulement ce qui adviendra de la condition des femmes sous un gouvernement Ryan. Mais le plus grand danger que représente le Parti libéral réside sans doute dans le fait qu'il ait commencé à construire l'alliance sociale conservatrice dont je parlais, il y a quelques instants. L'élargissement de cette alliance viendrait remettre en cause des acquis de la révolution tranquille et saborderait littéralement des conquêtes sociales importantes des travailleurs québécois. Enfin, je ne rappellerai pas aux congressistes tout le bien que pense Claude Ryan de notre Centrale, ni tous les bons mots qu'il a eus pour notre organisation. Je m'en voudrais cependant de passer sous silence le fait qu'inlassablement, soir après soir, durant la campagne référendaire, le chef du Parti libéral a accusé la Centrale d'avoir volé 50 millions de dollars au Québec en obtenant 1600 enseignants de plus, lors des dernières négociations dans les commissions scolaires, et qu'il a de plus exigé que la CEQ «rembourse les 1600 postes» au gouvernement. A ce sujet, il y a deux choses à dire. La première est que la CEQ est fière d'avoir réussi, par sa négociation, à contribuer à l'amélioration des conditions d'apprentissage des enfants du Québec. La seconde, c'est que monsieur Ryan est bien mal placé pour exiger de la Centrale qu'elle restitue des sommes qui seront affectées au service public d'éducation alors que lui, s'obstine à conserver dans la caisse électorale de son parti, entre autres fonds de source douteuse, les 776 000 $ provenant du scandale olympique. Ceci dit, il me semble qu'on ne peut pas, de façon décente, se croiser les bras et adopter une position attentiste sous le prétexte bien commode qu'il n'existe pas de parti politique qui serve de véhicule intégral à toutes nos revendications. D'aucuns pourront soutenir que la prise du pouvoir par le Parti libéral pourrait avoir des effets bénéfiques à tout le moins sur deux plans pour le mouvement syndical: sur un premier plan, disent-ils, la prise du pouvoir par les libéraux aura pour effet de renforcer l'unité inter-centrales et, d'autre part, d'augmenter la mobilisation et le militantisme à l'intérieur même de chacune des organisations du mouvement syndical. Cela est sans doute vrai, mais on n'évalue pas un événement politique en fonction des effets indirects qu'il peut avoir. L'amélioration des relations intersyndicales et le développement du militantisme ne passent certainement pas par une exploitation accrue des travailleurs. Et c'est littéralement opter pour la politique du pire que d'en venir à souhaiter la détérioration de nos conditions de travail et de vie sous prétexte que la lutte sera d'autant facilitée. Nous mènerons peut-être de plus belles batailles unitaires, mais nous consacrerons le gros de nos énergies à remonter des pentes. Les prochaines élections. Au Québec, les prochaines élections se tiendront dans une conjoncture très particulière avec des enjeux énormes. La Centrale a pris l'habitude de produire des dossiers à chaque élection. Nous y faisons l'analyse des programmes des partis en présence et du contexte dans lequel se déroule cette élection. Ces dossiers s'arrêtent toutefois immédiatement avant le paragraphe de conclusion. Une telle attitude ne trompe personne. Nos travaux prêtent toujours à interprétation quand on ne les qualifie pas de preuve manifeste de manque de courage politique, ou tout simplement d'illogisme. A vrai dire, il faut bien l'admettre, cette position n'est pas particulièrement confortable et ne pêche pas par excès de rationalité. Il me semble que nous aurions intérêt à nous impliquer davantage auprès des syndiqués en cas d'élections, sans nous diviser, en demeurant sur notre terrain, et en conservant notre indépendance face à toutes les formations politiques. Si j'ai choisi d'aborder cette question, ce n'est pas pour demander au congrès de prendre position sans un large débat, mais seulement pour autoriser le Conseil général à en discuter en temps et lieu, à partir d'une analyse plus poussée de la conjoncture politique et syndicale. Dans ce cadre, nous pourrions pousser notre analyse des programmes électoraux des différentes formations politiques à la lumière de nos revendications, et la faire déboucher sur des conclusions. Ainsi, plutôt que de se contenter d'euphémismes et de périphrases tels: «dégager le choix le plus favorable dans l'optique d'un changement souhaitable» - formule utilisée à l'occasion des élections fédérales - , il me semble que nous pourrions être plus explicites. Les périodes électorales sont trop importantes pour que nous n'ayons à proposer que des devinettes et des charades à nos adhérents. Nous pourrions aussi publier largement nos dossiers et les appuyer par des réunions syndicales et des tournées de façon à en assurer la diffusion et la pénétration auprès de nos adhérents dans nos assemblées syndicales. Nous pourrions enfin, en gardant toute notre capacité de critique, prévenir les désillusions et rappeler à nos membres, en cette période privilégiée d'éducation syndicale, les limites de chacun des partis et la nécessité constante de l'action et de la lutte syndicales, quelle que soit la formation politique qui remporte le pouvoir. Recommandation numéro cinq. Aussi le Bureau national recommande qu'à l'occasion d'élections, le Congrès autorise le Conseil général à publier une analyse syndicale des enjeux en présence, à en dégager une orientation et à diffuser largement ses dossiers dans les rangs de la Centrale. 3- Pour soutenir les revendications. Tout au long des années soixante-dix, le mouvement syndical québécois a été le fer de lance du mouvement social favorable aux changements. On peut même affirmer qu'à l'occasion des fronts communs de 1972 et de 1976, les attitudes consignées dans les mots d'ordre «Nous, le monde ordinaire» et «Le Front commun, la lutte de tous» consacraient effectivement le leadership exercé par le mouvement syndical. Il en a été de même en 1975 avec ales mesures de justice» mises de l'avant pour contrer les contrôles des salaires. Nous devons constater aujourd'hui la mesure de l'essoufflement de cet élan. C'est à nous de rétablir et de revigorer les liaisons et les jonctions fécondes entre les travailleurs syndiqués et non syndiqués, entre la population active et la population inactive, entre les diverses catégories populaires. Notre action, nécessairement en proportion avec nos moyens, ne saurait s'assigner des objectifs par trop ambitieux. Dans une conjoncture qui ne nous est pas favorable, elle doit cependant être sensible à de telles préoccupations et s'inscrire dans la perspective de l'élargissement des solidarités. En vue de développer une alternative, nous devrions avoir le mandat d'entreprendre dans nos rangs, et avec les groupes qui voudront participer avec nous, une série de rencontres, de réunions, de colloques qui nous permettraient d'actualiser notre plate-forme de revendications culturelles, sociales, économiques et politiques. Cela pourra se mener en parallèle avec la conduite de notre Congrès d'orientation et nous donner les garanties que les débats se feront sur des propositions concrètes et sur des revendications. Les travailleurs seront ainsi en mesure de saisir les perspectives de cette action syndicale. Si nous pouvions par la suite susciter une adhésion large à ces propositions de changements, je crois que nous aurions fait une oeuvre éminemment utile et nécessaire dans notre société et que nous aurions contribué par là à approfondir la réflexion sur le sens de l'action syndicale. C'est peut-être la voie par laquelle il faut passer pour permettre le rassemblement des forces progressistes. Une fois ce programme de revendications établi, il sera plus facile d'enclencher la mobilisation et de définir des objectifs à court terme en vue de concrétiser dans la réalité un certain nombre d'éléments de cette plate-forme revendicative. Bien sûr, l'action immédiate ne doit pas nous faire perdre de vue le chemin à suivre et nous faire oublier qu'à plus long terme, nous nous dirigeons vers la construction d'une société plus démocratique, plus respectueuse des droits de la majorité, vers une société qui va reconnaître dans les faits le droit au travail et non au chômage, le droit à la liberté mais également les moyens de la liberté, le droit à l'égalité mais également les moyens de l'égalité, le droit à l'éducation pleine et entière, mais également, les moyens de cette éducation. Cet objectif de constituer un large front du mouvement progressiste au Québec regroupant, dans un premier temps, des Organisations syndicales et populaires, me semble réaliste et réalisable. Les trois centrales constatent qu'elles ont un grand nombre de positions communes. Notre proposition d'école ne doit pas être supportée par les seuls adhérents de la CEQ. La FTQ ne peut pas compter sur sa seule force pour imposer l'idée de l'accréditation multipatronale, comme la CSN sur ses seuls éléments pour imposer celle du retrait de l'injonction. Nous avons tous, sur l'essentiel, les mêmes positions et il importe que même si l'une ou l'autre des organisations défend davantage un dossier, elle puisse bénéficier de l'appui concret des autres pour le faire avancer. Chacun pourrait dès lors profiter de la force de tous pour canaliser les revendications de manière coordonnée et faire pression sur les pouvoirs, quels qu'ils soient, afin d'assurer à nos adhérents et à tous les travailleurs un avenir meilleur. Recommandation numéro six. Aussi le Bureau national recommande que la Centrale préconise la convocation d'un regroupement des organisations syndicales et populaires aux fins d'actualiser les revendications communes et de créer un vaste front de lutte et de soutien aux propositions qui feront l'objet d'un consensus entre les participants. Il n'y a pas ici de changement social majeur, mais il y a certainement un défi qui est proposé à tous et qui ne peut être relevé que par l'engagement de l'ensemble des syndiqués de notre organisation. Maintenir notre structure syndicale alerte, maintenir notre organisation en état de lutte et de mobilisation au lendemain de deux années de négociation fort actives, c'est tout un défi à relever. Ensemble, nous pouvons y parvenir. Prenons conscience très clairement des défis d'aujourd'hui. Nous avons collectivement, massivement, à passer du champ des conditions de travail à la défense pleine et entière des conditions de vie, à faire la jonction entre une action syndicale structurée, forte, engagée, et une action politique qui en fait partie intégrante. Notre capacité de développer des alternatives aux politiques actuelles, nous invite à passer à la pratique. C'est en relevant ces défis qui se posent quotidiennement à chacun de nos syndiqués, à chacun des dirigeants syndicaux, à chacun des employés, que nous pourrons faire en sorte que ces défis d'aujourd'hui deviennent les réalités de demain.