*{ Discours néo-libéral CEQ, 1982 } Pour approfondir notre unité. Lorsque nous nous sommes quittés, le 30 juin 1980, au terme de notre vingt-septième Congrès, après avoir entre autres défini nos axes d'action et adopté notre plate-forme de l'école, nous étions conscients que les deux années suivantes exigeraient un effort constant de toutes les militantes et de tous les militants pour relever les défis d'aujourd'hui afin qu'ils deviennent les réalités de demain. Même si, dès ce moment, nous étions confrontés aux difficultés économiques et à un chômage élevé, personne ne pouvait prévoir l'ampleur de la crise qui affecte tous les pays capitalistes, et qui cause des torts irréparables aux travailleuses et aux travailleurs, et davantage aux plus démunis de notre société. Aujourd'hui, à l'ouverture du vingt-huitième Congrès, nous devons tirer les conclusions de deux années de travail intensif de préparation du Congrès d'orientation, deux années faites d'interrogations, de discussions et de réflexion sur la portée, la dimension et les perspectives de notre action syndicale. Nous avons donc à franchir ensemble cette semaine une étape déterminante. Nous devons prendre toute la mesure du contexte politique et social dans lequel se déroule notre Congrès. La crise, les lois spéciales iniques, les atteintes profondes à nos acquis, les effets des coupures budgétaires sur la qualité de notre travail, influenceront sans doute nos débats, et ne seront pas sans augmenter notre volonté de nous déterminer en fonction des consultations menées, des discussions tenues et des résolutions adoptées au cours des phases préparatoires de ce Congrès. Nous allons chercher au cours des cinq prochains jours à «renforcer nos acquis» et à fixer les conditions pour «bâtir notre avenir». L'atteinte de ces objectifs repose essentiellement sur la recherche du consensus le plus large possible et d'une unité interne génératrice d'action. Les deux années qui s'achèvent ont été des années de mobilisation remarquable. En jetant un rapide coup d'oeil dans notre passé, nous n'avons pas souvent, en dehors des périodes intensives de lutte pour le renouvellement de nos conventions collectives, connu un mandat biennal aussi chargé de manifestations nationales d'envergure, de colloques locaux, régionaux, nationaux, de réunions de réseaux, d'instances, de sessions d'éducation syndicale, d'activités intersyndicales et inter-centrales, et j'en passe. Toutes ces manifestations de la vigueur et de la force de notre organisation se sont faites avec l'appui - la plupart du temps unanime - de tous nos affiliés. C'est là un excellent baromètre, à mon avis, pour juger de l'efficacité et de la détermination de notre Centrale. Par-delà les divergences et les différences idéologiques, surtout sur les perspectives à moyen ou à long terme de l'action syndicale, nous pouvons affirmer que les points de convergence sont beaucoup plus forts, notamment à propos de nos pratiques syndicales fondées sur la notion de rapports de force et sur la nécessité de l'action syndicale de masse comme support à nos revendications. Je voudrais exprimer ici ma satisfaction, mes remerciements et mes félicitations à toutes ces militantes et à tous ces militants que nous avons parfois pressés et qui ont su relever le défi de l'action syndicale. Le Congrès d'une centrale syndicale est avant tout une occasion de réflexion collective, de débats, de discussions fondamentales pour en ressortir les orientations précises. J'en profite donc pour vous faire part de mon évaluation du travail accompli, du rôle du syndicalisme dans le contexte d'une société en crise, et des enjeux de notre Congrès. Une organisation dynamique, une Centrale en marche. Les deux dernières années ont été particulièrement chargées pour notre organisation et pour ses membres dans les domaines des conditions de travail, des mandats syndicaux, de l'exercice de nos métiers, de notre action sociale et politique et des relations intersyndicales. Sur tous ces plans, une activité fébrile a régné et il me semble opportun d'analyser certains aspects de chacun de ces cinq volets et de vous livrer quelques réflexions pour guider notre action à venir. Les conditions de travail. La défense des conditions de travail de tous nos syndiqués, que nous assumons principalement par le biais de la négociation et dans l'application des conventions collectives, a toujours constitué la priorité de notre Centrale, celle à laquelle nous consacrons la majorité de nos ressources. Malgré cela, nous avons de la difficulté à satisfaire tous les besoins et toutes les demandes, la plupart du temps amplement justifiées. La vie quotidienne dans les établissements et le travail souvent obscur des applicatrices et applicateurs de conventions collectives comme celui des arbitres de griefs ne font ni la une des journaux, ni la manchette des nouvelles. Nous-mêmes sommes habitués à ces actions et finissons par en sous-estimer le poids et l'importance. Notre action dans ce domaine est axée sur le principe qu'une convention collective doit être appliquée et respectée intégralement par le patron. Mais l'expérience nous a montré que l'action patronale, en plusieurs milieux, vise à donner la portée la plus restrictive possible aux dispositions de nos contrats collectifs. Nous cherchons à faire triompher l'interprétation syndicale de nos conventions, exerçons beaucoup de vigilance et utilisons tous les recours à notre portée. Cependant, il est peut-être temps de faire le point sur nos méthodes et sur notre approche de l'application des conventions collectives. Nous devons nous demander si, dans ce champ d'action, il n'y a pas une certaine routine qui s'installe, si nous ne recourons pas avec trop de facilité à cette procédure de grief et d'arbitrage dont l'efficacité s'effrite et qui sert souvent d'exutoire à des patrons en mal de faire assumer leurs responsabilités par d'autres. Que penser par ailleurs de cette tendance des tribunaux à rendre des sentences favorables au patron quand il y a de l'argent en jeu et à ne nous donner raison que sur des questions sans incidence budgétaire? L'efficacité et le bon service aux membres passent-ils nécessairement par la seule multiplication des présidents de tribunaux, des procureurs syndicaux, des arbitres? Ne devrions-nous pas favoriser davantage la prise en main par les syndiqués eux-mêmes des mécanismes de défense et de protection de leurs conditions de travail à la base dans les établissements? Loin de mon esprit l'idée de vouloir éliminer tout recours au mécanisme de grief qui constitue un important acquis des luttes syndicales. Mais c'est le propre du pouvoir et du patronat de récupérer et de détourner vers leurs fins propres les résultats de notre action. A cet égard, l'excès de juridisme, le recours en cascade aux tribunaux supérieurs et les autres stratégies patronales contribuent largement à réduire la portée des gains que nous avons effectués dans ce domaine. Il n'y a pas ici de solution miraculeuse, mais il faudrait sans doute consacrer pendant les deux prochaines années un certain nombre d'heures de réflexion pour en arriver à développer une stratégie victorieuse, sans négliger l'amélioration des conventions collectives à ce sujet. La négociation, une question de mobilisation. Nous avons consacré beaucoup de ressources humaines et financières à mettre en place les équipes de négociation pour permettre à tous nos groupes de conduire les opérations de consultation des membres et de préparer leurs revendications. L'absence d'entente avec le gouvernement sur le financement des libérations affecte le bon fonctionnement de nos équipes et pose certains problèmes quant à la poursuite de nos travaux. Cela dit, je crois que nous vivons un certain déséquilibre dans la répartition de nos ressources. Peut-être devrions-nous en affecter un peu moins à la préparation, à la rédaction et à l'argumentation et un peu plus à l'éducation syndicale, à l'information et à la mobilisation, car nous croyons que les résultats de la négociation dépendent largement de la compréhension des enjeux de cette négociation par nos membres et par l'ensemble des travailleuses et travailleurs. Pour y parvenir, il nous faut poursuivre notre réflexion et favoriser le regroupement des ressources affectées aux divers groupes qui composent la Centrale pour ainsi briser l'isolement, faciliter l'harmonisation et permettre une meilleure compréhension des enjeux des uns par les autres dans le respect de l'autonomie des composantes de la Centrale. Toujours dans ce champ de la défense des conditions de travail, nous avons pu observer depuis deux ans un accroissement important des difficultés de négocier et de faire respecter les conventions collectives dans les institutions privées d'enseignement, dans le secteur des loisirs, et en général dans tous les organismes fortement subventionnés par le gouvernement. Coincés entre les coupures budgétaires gouvernementales, la soif patronale du profit et les pressions d'un certain bénévolat, ces travailleuses et travailleurs ont à mener des luttes difficiles. Il leur faut beaucoup de courage et de détermination pour réussir, d'autant plus qu'ils sont souvent regroupés dans de petites unités, isolés et à la merci des pressions patronales. Nous avons fait les efforts appropriés pour les aider à combattre cet isolement et à monter le rapport de force nécessaire à la protection de leurs acquis et à l'amélioration de leurs conditions de travail. La solution à ces problèmes passe par la mise en oeuvre de politiques gouvernementales plus démocratiques et par la négociation nationale des conditions de travail de ces personnels. Mais pour atteindre ces objectifs, il ne faudra compter que sur nos propres moyens et que sur notre solidarité syndicale. Les mandats syndicaux. Parmi les nombreux mandats syndicaux de notre Centrale, il m'apparaît important de mettre l'accent sur trois éléments essentiels: l'éducation syndicale, la condition des femmes et l'organisation syndicale. L'éducation syndicale, un moyen essentiel au renforcement de notre organisation. Dans mon rapport moral de 1980, je faisais appel au développement de l'éducation syndicale, secteur que le Congrès a retenu comme l'un des principaux axes d'intervention de notre mouvement. Faire de l'éducation syndicale, c'est former de nouveaux militants, mettre en commun notre expérience, permettre un retour sur notre action, nous accorder des temps de réflexion pour nous rééquiper et approfondir le sens de l'action syndicale. Nous avons respecté ce mandat, amélioré nos instruments, rejoint plus de membres; et davantage de syndiqués sont convaincus de l'importance de ces activités d'éducation syndicale. J'apprécie le fait que de plus en plus d'affiliés se sont impliqués directement dans un programme d'éducation syndicale. Je voudrais souligner ici qu'en plus des activités formelles, il ne faut pas sous-estimer l'importance d'événements tels le colloque-éducation, les rencontres de solidarité et l'accueil de délégations étrangères comme prolongement de l'éducation syndicale. Mais je voudrais surtout inviter les affiliés à profiter du moment privilégié que constitue la période de négociation pour intensifier et multiplier les activités d'éducation syndicale, organiser de façon systématique des sessions formelles pour toutes les militantes et tous les militants qui redécouvrent l'action syndicale en ces moments de lutte intense et qui constituent l'armature de notre organisation dans la création du rapport de force nécessaire au succès de la négociation. Ce n'est pas tout d'avoir des membres sur les lignes de piquetage, encore faut-il que ceux-ci sachent pourquoi ils y sont et qu'une fois la lutte terminée, ils demeurent convaincus de la nécessité de leur participation active à la vie syndicale. A cet égard, l'éducation syndicale est un moyen essentiel au renforcement de notre organisation. La condition des femmes. En matière de lutte des femmes, le travail continue et il reste énormément à faire. Les changements souhaités sont profonds et nous admettons qu'ils sont lents. Nous avons prévu, autour de la résolution 130 du dernier Congrès, nous interroger sur nos pratiques et nos méthodes qui sont souvent irréconciliables avec la participation de celles et ceux qui assument des charges familiales ou d'autres engagements. C'est un aspect d'une question sociale plus vaste qui concerne la division des rôles, le partage entre le travail et les autres occupations. Il faut rechercher une répartition égalitaire entre les hommes et les femmes de l'ensemble des tâches liées au travail salarié, au travail ménager et aux tâches d'éducation des enfants. Certaines pistes de solution peuvent être envisagées par le biais d'une réduction générale du temps de travail. Encore faut-il que plus de militantes et de militants prennent en main les mandats syndicaux. Encore faut-il aussi que les responsables syndicaux s'approprient les constatations faites sur les difficultés qu'ont connues jusqu'à maintenant les femmes pour s'engager dans la vie syndicale et identifient les barrières existantes et les étapes minimales à franchir. Cependant, nous ne pouvons ignorer que la vie syndicale et l'engagement social, tant pour les hommes que pour les femmes, impliqueront toujours des contraintes parfois fort lourdes pour celles et ceux qui y militent. Il nous faut donc, ces constats étant faits, admettre que notre recherche de solutions ne peut viser que notre vie et notre organisation interne et qu'elle doit viser, là aussi, à provoquer des transformations sociales qui pourront générer un cadre dans lequel nous pourrons déterminer sans piège ni cul-de-sac nos volontés et nos moyens d'améliorer la situation. L'organisation syndicale, une tâche fondamentale. C'est devenu un lieu commun de le répéter: nous ne faisons pas d'efforts systématiques de recrutement et d'organisation syndicale. Nous répondons davantage aux demandes que nous ne prenons d'initiatives et ne travaillons concrètement à l'extension et au développement du syndicalisme. Pourtant, il y a en l'organisation syndicale quelque chose de fondamental. Si nous croyons en l'action syndicale et que nous pensons que c'est par la syndicalisation que les travailleuses et les travailleurs pourront défendre leurs intérêts, nous avons le devoir de rendre plus accessible notre option syndicale. Même si nous oeuvrons dans un secteur où le taux de syndicalisation est élevé, il reste encore beaucoup de travailleuses et de travailleurs à organiser dans les champs de syndicalisation couverts par notre mouvement. Nous ne pouvons pas limiter notre contribution au développement du syndicalisme aux seuls discours, résolutions et bonnes intentions. Nous devons être en mesure de passer à l'action et d'assumer pleinement comme centrale notre responsabilité fondamentale en ce domaine. Nous avons tout de même accueilli une vingtaine de nouveaux syndicats et de nouvelles accréditations au sein de plusieurs syndicats. Cela s'est fait grâce à la disponibilité de certaines ressources et au rôle supplétif de nos sections. Je voudrais saluer ces nouveaux groupes, qui participent à leur premier Congrès. L'exercice de nos métiers. Notre Centrale a toujours considéré l'exercice de nos métiers comme une dimension essentielle de son action. La réflexion sur le sens et la portée de notre travail ainsi que sur les conditions dans lesquelles il s'effectue, s'avère plus que jamais nécessaire même si elle a toujours été présente dans nos débats des dix dernières années. A cet égard, après l'adoption de notre plate-forme sur l'école au Congrès de 1980, des travaux se sont poursuivis pour établir nos politiques sur l'enseignement collégial et universitaire. Cependant, les contre-réformes nous ont obligés à déplacer ces priorités sur le terrain de la lutte défensive mais nous devrions pouvoir être en mesure d'établir quelques jalons de politiques sur l'enseignement supérieur au Congrès de 1984. C'est notre responsabilité à toutes et à tous de poursuivre le travail d'animation et de sensibilisation de nos membres autant sur nos orientations et nos politiques, sur la promotion d'une école publique au service des enfants des travailleuses et des travailleurs que sur la réflexion et les consultations que susciteront les dossiers sur l'enseignement supérieur. Inscrites dans le souci d'une école renouvelée et dans la recherche de pratiques scolaires différentes qui doivent y être rattachées, les deux interventions pédagogiques sur les «rapports femmes-hommes» et «la crise» ont constitué des étapes majeures de notre action. Nous y avons mis des efforts très importants et nous avons sans aucun doute contribué à convaincre les personnels de l'éducation et une partie de la population, en particulier les groupes nombreux qui ont appuyé ces initiatives, qu'il est possible de renouveler l'école en l'inscrivant dans un processus de transformation sociale. Même s'il est trop tôt pour faire un bilan complet du succès d'une telle approche, nous pouvons tout de même constater que de plus en plus de chercheurs - même au ministère de l'Éducation - , d'universitaires et de praticiens de l'éducation sont empreints de l'accent social des travaux pédagogiques de la Centrale. Le rapport école-société n'est pratiquement plus remis en cause; il faut maintenant travailler à le développer en fonction d'un objectif de progrès social. Riposter à une attaque sans précédent. Mais le système scolaire a fait face à une attaque sans précédent. Les craintes que nous avions exprimées bien avant les deux dernières années se sont avérées justifiées; les nouveaux régimes pédagogiques, l'intégration mécanique des enfants en difficulté, l'instauration des programmes et de nouvelles grilles-matières, les projets de politique d'évaluation pédagogique et les mesures qui y sont rattachées, les entraves au développement de l'enseignement aux adultes et de l'enseignement supérieur, voilà tout autant de sujets de mobilisation et de luttes des dernières années. Nous avons pu nourrir et maintenir la préoccupation de l'opinion à ce sujet et nous avons pu marquer quelques points en regard des conseils d'orientation, de l'utilisation des tests à l'école et même à travers certaines préoccupations que le dernier Livre blanc du MEQ sur la formation professionnelle des jeunes a manifestées. Par ailleurs, la lutte contre les coupures en éducation a été conduite vigoureusement tant sur le plan de l'information que des travaux d'enquêtes, des dossiers de sensibilisation et des colloques de l'année 1981-82. Nous avons pu exercer pleinement notre rôle de leader en cette matière. La résistance très marquée en nos rangs et chez plusieurs groupes de Québécoises et Québécois, sans avoir provoqué les redressements budgétaires souhaités, aura certes empêché une érosion dramatique des services comme l'auraient entraînée les coupures encore plus draconiennes souhaitées par le pouvoir. Force nous est cependant de constater et d'admettre que la mesure de nos moyens et l'ampleur des attaques ont été telles que nous avons dû trop souvent nous replier sur le terrain défensif sans être capables de définir des stratégies à plus long terme basées sur des analyses et des recherches approfondies . L'immense travail entrepris tant au niveau de l'enfance en difficulté qu'au niveau de la formation professionnelle des jeunes et de la formation des adultes ne pourra être valable que si nous rejoignons l'immense majorité des travailleuses et des travailleurs de ces secteurs et si nous pouvons alerter une bonne partie de celles et ceux qui oeuvrent dans les autres. C'est en liant nos interventions aux préoccupations des adhérentes et des adhérents des secteurs primaire et secondaire, en les rapprochant aussi de celles des diverses catégories de personnels de tous les niveaux du système scolaire, que nous pourrons élargir notre vision des objectifs de nos actions, mieux alimenter les débats préparés par nos comités-conseils, mieux cerner nos moyens de lutte et surmonter les difficultés. L'ampleur des réformes gouvernementales, la centralisation recherchée et dangereusement masquée par le discours des «besoins du milieu», les transformations qui subordonneront nos métiers aux «impératifs» de la crise et à des intérêts particuliers hostiles aux intérêts de la majorité de la population et qui réduiront notre capacité de renouvellement de l'école, tous ces phénomènes doivent nous amener à réfléchir sérieusement au développement de nos moyens et de nos stratégies. Nous devrons donc nous engager à tous les niveaux de la vie syndicale et dans l'exercice de nos métiers et lier notre revendication sur les conditions de travail à de tels objectifs, sinon nous nous isolerons dans un corporatisme réducteur et nous ferons le jeu de celles et ceux qui refusent tout progrès social. Il faut cependant que nos débats et nos propositions puissent susciter beaucoup plus d'intérêt dans la population s'il s'agit d'entraîner les gouvernements à modifier leurs conceptions du développement de l'éducation. Nous devons nous rapprocher des jeunes qui de plus en plus constatent les culs-de-sac où les mènent les choix politiques et économiques actuels. Nous devons jeter les ponts entre nous et les parents d'élèves qui, malgré les discours mystificateurs et publicitaires des gouvernements, s'inquiètent de l'avenir de leurs jeunes. Nous devons créer des liens avec la population en général, que ces gouvernements veulent trop souvent tenir à l'écart des enjeux réels de leurs choix. L'action politique et sociale. L'action sociale et politique est une composante essentielle du mandat syndical. Et cela est d'autant plus vrai pour notre Centrale que notre situation de travailleuses et travailleurs des services publics nous projette au coeur de l'activité sociale et des grands débats d'orientation qui traversent la société. Sur ce terrain également nous devons défendre les acquis des luttes sociales du mouvement, préserver et améliorer les conditions de vie de nos membres, de tous les syndiqués et de la majorité. Nos prises de position et actions sur ces sujets attirent davantage l'attention des syndiqués, qui ont parfois l'impression que nous y consacrons l'essentiel de nos énergies. C'est loin d'être le cas. Ces dernières années, nous avons au contraire souffert d'une insuffisance marquée de ressources et de moyens pour réaliser adéquatement notre mandat. Nous n'avons pas été présents - et ici je parle de l'ensemble du mouvement syndical - comme il aurait fallu l'être dans le débat constitutionnel. Pendant qu'un groupe restreint de politiciens jouait à tout le moins une partie de l'avenir des travailleuses et des travailleurs québécois négociait sur notre dos nos droits et nos libertés, nous dénoncions certes le coup de force d'Ottawa tout comme l'incompétence et les gesticulations défensives du Québec. Nous avons cependant eu de la difficulté à mobiliser les syndiqués et à nous convaincre de l'importance de l'intervention syndicale autonome en cette matière. Nous avons tout de même posé certains gestes: mémoire commun dans le cadre du MQF, présentation d'un mémoire CEQ en commission parlementaire, préparation d'un dossier constitutionnel, déclarations publiques. La Constitution canadienne qu'on nous impose affectera la vie de nos membres, quant au contrôle de l'éducation, à nos droits linguistiques, aux politiques de main-d'oeuvre et fondamentalement quant à la volonté, qui a toujours été la nôtre, de nous définir comme peuple québécois et d'échapper à l'homogénéisation canadienne. Il est par ailleurs un aspect essentiel et fondamental du mandat syndical sur lequel je me dois d'insister: c'est la défense et l'élargissement des droits et libertés. Notre intervention en ce domaine a fait l'objet de travaux importants et de débats majeurs à l'occasion de notre témoignage devant la Commission parlementaire sur la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Notre mémoire substantiel nous servira longtemps de cadre politique en la matière Mais cela ne suffit pas. Il nous faut implanter davantage en nos rangs et dans la société notre conception qui fonde les droits individuels sur les droits collectifs, seule protection valable et véritable pour les plus démunis. C'est une fausse conception de la liberté individuelle que celle qui donne au plus puissant la liberté de dominer le plus faible, au plus riche celle de s'enrichir sur le dos des plus pauvres, a celui qui est armé celle d'écraser les autres. En réalité, la vraie liberté ne peut se concevoir que dans le cadre des Libertés, celles qui sont liées intrinsèquement à la Démocratie. Quand le recours aux lois spéciales pour interdire ou suspendre les grèves devient pratique courante; quand les patrons de grands médias d'information comme Radio-Canada et Radio-Québec peuvent interrompre leurs services pendant des mois; quand la police pratique à grande échelle l'écoute électronique, l'ouverture du courrier et l'infiltration des organismes démocratiques; quand le gouvernement Reagan, avec l'appui du gouvernement canadien, congédie 13 000 contrôleurs aériens après trois jours de grève; quand Trudeau nous impose le rapatriement unilatéral de la Constitution; quand les gouvernants exigent de leur pouvoir judiciaire l'expulsion de Victor Regalado sans aucune justification; quand l'intérêt national devient l'argument déterminant dans la bouche des Trudeau, Axworthy, Lévesque, Bérubé, pour justifier des interventions législatives qui cachent mal un autoritarisme grandissant, on peut se demander ce qu'il advient de la démocratie et de la liberté pourtant si chères à nos gouvernants, selon leur discours à tout le moins. A mesure que la crise économique et politique s'approfondit, les droits démocratiques subissent des accrocs de plus en plus sérieux. Parce qu'ils découlent de la dignité intrinsèque de la personne humaine et parce qu'ils transcendent les circonstances d'ordre démographique, politique ou économique, les droits et libertés fondamentales doivent être intégrés dans une Constitution québécoise comme nous le revendiquons depuis déjà quelques années. Il faut accroître notre vigilance. Il reste tout l'aspect de la vigilance face aux législations et aux décisions gouvernementales. Malgré le fait que de plus en plus de nos syndiqués aient pris conscience de l'importance de ce volet de notre mandat, nous ne pouvons pas dire que nous assurons le suivi politique de ces dossiers, comme il se doit. Bien sûr, nous ne pourrons jamais suivre les gouvernements à la trace dans tous les aspects de la vie politique; nous n'aurons jamais les moyens d'approfondir toutes et chacune des questions en débat. Mais il reste que nous ne sommes pas suffisamment présents dans le débat législatif québécois et que nous manquons clairement de présence politique sur la scène fédérale. Pourtant, c'est là que se joue l'essentiel de la vie économique et à part quelques actions et commentaires sur les budgets des gouvernements, nos actions ne sont que circonstancielles et fort réduites. Dans ce champ d'intervention, il y a peut-être place pour de nouvelles perspectives de collaboration inter-centrales. Je ne vois pas pourquoi une centrale ne pourrait pas produire au bénéfice de tous, des analyses qui nous permettraient de nous équiper mutuellement, que ce soit par le biais de comités mixtes de travail ou par celui de la répartition et de la coordination des recherches entre les différentes centrales. L'unité d'action intersyndicale. Dans mon rapport moral de 1980, je déplorais que la collaboration entre les centrales s'était largement détériorée mais j'évaluais également que les espoirs étaient permis parce que chacune des centrales serait convaincue qu'elle n'arriverait pas à contrer toute seule l'action concertée des gouvernements et des grandes entreprises. C'est pourquoi nous avons réitéré notre appel au rassemblement des forces le plus large. Dès janvier 1981, nous lancions l'idée de l'intersyndicale pour rassembler les diverses organisations oeuvrant dans les services publics. L'intersyndicale a pris son essor en avril de l'année dernière par l'adoption d'une plate-forme large de revendications. Des rencontres périodiques ont été organisées par la suite. Nous avons aussi oeuvré avec acharnement à la recomposition de l'unité d'action inter-centrales. Un rapprochement important s'est concrétisé à l'occasion de la grande manifestation du 21 novembre à Ottawa contre les politiques économiques du fédéral. Nous avons par la suite cherché à susciter des événements favorisant l'approfondissement de l'action unitaire: colloques de février-mars dans certaines régions, tournée des présidents de centrales, manifestation du 3 avril à Montréal pour appuyer nos solutions à la crise. Notre participation au Sommet de Québec était aussi largement dictée par un souci d'unité syndicale. C'est également en accélérant les préparatifs pour la mise sur pied d'un Front commun et en affichant une réponse commune que nous avons fait face aux ultimatums, menaces et chantage du gouvernement depuis deux mois. La réponse large et unitaire contre les lois spéciales 68 et 70 portée au Parlement du Québec le 11 juin par plus de 25 000 syndiqués, la résistance que les membres ont affichée face aux manoeuvres de division patronales, permettent de nourrir de bons espoirs pour la suite des négociations, d'autant plus que cette reprise des relations inter-centrales a été accueillie avec enthousiasme par les syndiqués de toutes les régions et dans tous les secteurs. Somme toute, malgré le manque chronique de ressources et les exigences sans cesse croissantes de la lutte à court terme, malgré les durs coups que n'ont cessé de nous assener les gouvernements, malgré la crise, nous avons réussi, je crois, à remplir l'essentiel de notre mandat syndical. De l'analyse à la stratégie. J'aimerais à présent vous livrer quelques réflexions plus globales sur les crises que traversent les sociétés québécoise et canadienne et sur l'orientation que doit prendre notre action syndicale dans un tel contexte. Notre société traverse une période très difficile tant au plan économique, national, social, que politique. La crise économique. La crise économique que nous traversons et que nous subissons est aussi grave, sinon plus grave, que celle de 1929. Chaque semaine la liste des calamités s'allonge: mises à pied massives, fermetures d'usines, faillites industrielles, réduction des services publics, hausse des prix des produits d'usage courant, nouvelles taxes, annulation des projets d'investissements, montée des taux d'intérêt, effondrement du dollar, etc. La situation de l'emploi est particulièrement dramatique. Au Canada, le nombre officiel de chômeurs dépasse 1 200 000, ce qui représente un accroissement de 45 % par rapport à l'année dernière. Chaque jour, 1 200 travailleuses et travailleurs viennent grossir le contingent des sans-emploi. Au Québec, le nombre de chômeurs dépasse maintenant les 400 000. Le nombre d'assistés sociaux est du même ordre. En un an, l'économie québécoise a perdu 151 000 emplois, ce qui correspond à 56 % de tous les emplois perdus au Canada. La réalité est encore plus grave puisque ces statistiques officielles n'incluent pas celles et ceux qui se retirent du marché du travail par découragement, ni les dizaines de milliers de jeunes qui sont à la recherche d'un premier emploi, ni les femmes qui voudraient intégrer le marché du travail. Les gouvernements sont largement responsables de cet état de choses. Les taux d'intérêt usuraires pratiqués par le fédéral paralysent complètement l'économie. Au nom de la lutte à l'inflation, ils ont provoqué un accroissement exorbitant du coût du logement, forçant des milliers de familles à rogner sur l'alimentation, les vêtements, l'éducation des enfants. En augmentant les taux d'intérêt, ils ont multiplié les faillites dans les exploitations agricoles et augmenté les coûts de production, ce qui entraîne, en fin de compte, le renchérissement des prix de l'alimentation. Sans compter la politique de relèvement des prix énergétiques, qui provoque un gonflement sans précédent du coût du transport et du logement. La politique du fédéral, malgré ses prétentions contraires, accentue l'inflation en affectant directement 75 % de l'indice des prix à la consommation. Le gaspillage humain et matériel qui résulte de ces politiques inefficaces et contradictoires est intolérable. Au Québec, le gouvernement abdique. Au Québec, le gouvernement a consacré la plus grande partie de ses efforts à chercher des accommodements face à la contraction de l'activité économique. On a fait perdre au salaire minimum, dont dépendent 1 200 000 travailleurs, le quart de son pouvoir d'achat depuis 1977. On a réduit les services, les effectifs du secteur public, imposé des tickets modérateurs, multiplié les taxes à la consommation, laissé sans défense les travailleuses et les travailleurs victimes de mises à pied, neutralisé l'action des sociétés d'État. Ces mesures ont eu pour effet de renchérir sur les politiques récessionnistes du fédéral. Et il faudrait en plus que les travailleurs du secteur public se soumettent à un gel des salaires! Non, pas question ! Par ailleurs, malgré l'échec historique du développement du Québec laissé aux mains du secteur privé, le gouvernement réaffirme sa foi inébranlable en la libre entreprise, se cantonnant en tant que gouvernement à un rôle de support, d'appui, de soutien, de financement, sans Jamais envisager la perspective de prendre en main le développement économique pour le mieux-être de la majorité. L'exemple le plus récent de ce parti-pris nous est fourni dans le document «Bâtir le Québec IIle virage technologique», dont le Conseil du Patronat du Québec disait qu'il aurait pu le signer. Sans même évaluer les effets négatifs sur l'emploi de l'informatique et de la bureautique, sans même se préoccuper des conséquences sur les modes de vie et les conditions de travail, sans même considérer les besoins de recyclage de main-d'oeuvre nécessaires, sans même questionner le fait que cette industrie est contrôlée à 85 % au Québec par des compagnies étrangères et orientée en grande partie vers la technologie militaire, le gouvernement prétend avoir trouvé la réponse aux maux économiques du Québec dans l'électronique. Sous le signe du virage technologique, assisterons-nous ensemble à un dérapage économique dont seuls des ordinateurs pourront mesurer l'ampleur? Il est vrai que les économies nord-américaines souffrent de carences structurelles graves. L'industrie automobile en fournit un exemple frappant. Mais une crise économique n'est pas l'équivalent d'une catastrophe naturelle. Les pratiques des détenteurs de capitaux, en particulier des financiers, doivent être mises en cause. Les prêteurs, les créditeurs, exigent désormais un rendement réel sur leurs placements, une fois soustraits l'inflation et les impôts. Ils convertissent les prêts à long terme en prêts à court terme - comme dans le cas des prêts hypothécaires. Ils poussent les taux d'intérêt à la hausse et attisent de ce fait l'inflation. Ce sont eux les responsables de la crise et les profiteurs de la situation. Les seuls banquiers canadiens ont engrangé 1,7 $ milliard de profits en 1981 pendant que la misère sous toutes ses formes se répand et que les inégalités s'accentuent. Ils ont le culot aujourd'hui, par gouvernements interposés, de prêcher à la population le serrage de ceinture et les sacrifices. C'est une supercherie monumentale. Pour notre part, nous avons utilisé toutes les tribunes disponibles pour dénoncer cette situation. A l'occasion du dernier sommet, nous avons réaffirmé que le développement du Québec ne peut se faire que par les Québécois, sous le leadership de l'État et selon les choix politiques qui nous permettent d'orienter les subventions vers des objectifs de développement définis démocratiquement. Nous assistons encore au gaspillage systématique de subventions semées à tous vents pour des projets supposément créateurs d'emploi. Or, nous constatons que ces emplois n'existent souvent que la durée de la subvention. Nous avons aussi, en liaison avec les autres composantes syndicales et populaires, élaboré des propositions pour une sortie de crise à partir de notre propre condition syndicale et sociale. Une crise ce n'est pas seulement une période d'aggravation de la situation, c'est aussi un moment décisif où des choix engageants s'exercent. Il faut continuer à travailler et peser de toutes nos forces pour que les choix politiques et sociaux correspondent aux intérêts de la majorité. La crise nationale. Le deuxième élément de la crise qui frappe notre société est l'érosion du pouvoir québécois. Nous n'avons pas su résoudre la question nationale. L'appui majoritaire au NON lors du référendum, le choix implicite de reconduction du fédéralisme, le conservatisme de l'équipe ministérielle les frictions continuelles avec le fédéral sans solution à l'avantage des Québécois, tout cela a pavé la voie à l'échec des négociations constitutionnelles et à l'isolement national des Québécois. Le fédéralisme centralisateur est un choix politique fondé sur les nécessités économiques du capital canadien et international. Les pouvoirs provinciaux doivent devenir des pouvoirs d'exécution soumis aux lignes définies par le gouvernement central. L'échec pour le Québec des négociations constitutionnelles et l'acceptation par toutes les provinces anglophones d'une entente avec le gouvernement fédéral, nous rappellent que nous formons une société distincte, mais nous enseignent aussi que l'existence d'une telle société est fortement contestée par le reste du Canada et n'est plus tolérée autrement que comme un sous-ensemble culturel. Un certain nombre d'actions du fédéral témoignent d'une volonté très nette de renforcement de la position du gouvernement central: les «nouveautés» de la Constitution canadienne, la révision des accords fiscaux, les conditions de financement des programmes partagés, l'accroissement des interventions du fédéral dans les champs de juridiction provinciale, la bataille des télécommunications, la volonté de contrôler le développement des ressources énergétiques, la recherche de l'exclusivité de représentation dans les relations internationales. Pour réaliser son projet de développement économique et imposer sa politique de main-d'oeuvre, le fédéral s'est non seulement donné des outils constitutionnels, mais il s'apprête également à intervenir dans le domaine de la formation professionnelle par le biais du financement. Ainsi il tente d'imposer ses orientations et de définir ses priorités qui vont à l'encontre des intérêts du Québec. La crise sociale. Force nous est par ailleurs de constater que le gouvernement québécois fait de plus en plus preuve de conservatisme social: les acquis sociaux sont fortement attaqués et la tactique est toujours la même: d'abord les grosses menaces, puis un pas en arrière. Résultat net, un recul marqué. Dans le domaine de la santé au travail, le gouvernement retarde depuis plus d'un an le dépôt du projet de loi sur la réparation des lésions professionnelles qui reconnaîtrait le droit au travail des accidentés, le droit à une juste réparation et à des indemnisations adéquates, et qui établirait une politique de réadaptation au travail. Une loi similaire a déjà été adoptée en Ontario et dans d'autres provinces canadiennes, mais le lobby patronal fait ici son oeuvre... Dans le domaine des soins de santé, même si l'État a renoncé pour le moment à généraliser l'instauration d'un ticket modérateur, un certain nombre de mesures sont mises en place pour restreindre l'utilisation des services publics gratuits. Les coupures dans les services de santé battent leur plein, l'efficacité du service diminue, la privatisation et le développement de cliniques privées luxueuses s'intensifient. Dans le domaine de l'éducation, le gouvernement poursuit allègrement sa politique de contre-réformes et ne présente aucune perspective de développement. Placé sous le signe des compressions budgétaires, quoi qu'en dise le Ministre, le projet de restructuration scolaire vient répondre aux aspirations nostalgiques et conservatrices de certains parents plutôt qu'aux besoins des jeunes et d'une société dont la qualité du système d'éducation constitue la meilleure garantie d'avancement et de progrès. C'est dans ce même esprit que s'est effectué le cheminement du programme d'éducation sexuelle. La nouvelle version du programme comporte des reculs sur les points les plus essentiels. Les campagnes émotives d un certain groupe de parents et du pouvoir religieux auront eu le dessus sur les interventions positives du Conseil du statut de la femme et de la CEQ. Le projet de programme permettra sans doute de transmettre aux Jeunes plus d'information sur les processus physiologiques, mais il écartera tout élément pouvant entraîner une remise en cause des stéréotypes sexistes et des normes sociales régissant la sexualité. Depuis qu'il est au pouvoir, ce gouvernement a tout fait pour ralentir le développement de l'éducation, alors que les besoins sont criants aux niveaux collégial et universitaire, où les institutions sont bondées et les Jeunes refoulés aux portes. Dans le domaine des relations de travail, le mouvement syndical revendique depuis des années des mesures favorisant la syndicalisation, permettant l'accréditation multipatronale, réduisant la portée du juridisme, instaurant une véritable loi anti-scabs, contrôlant les fermetures d'usines, et stabilisant l'emploi. Rien n'a encore été fait et nous ne saurions nous contenter d'ajustements techniques. C'est une refonte complète qui s'impose. Pourtant, nombre de ces réformes pourraient être mises en oeuvre de manière à répondre davantage aux besoins de la société, sans coûts additionnels. Mais si le gouvernement n'agit pas, c'est que le Québec traverse aussi une crise politique. La crise politique. Nous devons analyser la stratégie du pouvoir et identifier l'enjeu politique qui justifie son comportement. Comment expliquer qu'un même gouvernement puisse adopter un certain nombre de législations qui comportent des améliorations (conditions minimales, santé-sécurité du travail, protection du consommateur, recours collectif, politique de condition féminine relativement progressiste), et s'attaquer systématiquement d'une manière sauvage à tous les groupes organisés qui ont longtemps avant lui porté ces changements, et qui continueront à les porter malgré lui? Comment expliquer ces attaques et cet encadrement abusif du droit de grève? Comment expliquer cette action unilatérale, ce non-respect des engagements signés, cette stratégie de négociation par la voie des médias, sous la menace et à coups d'ultimatums, cette remise en cause fondamentale du droit à la négociation, cette tentative d'affaiblissement des organisations syndicales? Comment expliquer ce détournement du recours collectif contre les travailleuses et les travailleurs? Comment expliquer ce renforcement de l'appareil politico-judiciaire? L'enjeu est global et se situe à un autre niveau que l'action morcelée. Il pose la question fondamentale de la lutte pour la répartition des richesses dans une société, entre les forces du travail d'une part, et les tenants du capital de l'autre. En jouant les États les uns contre les autres, en exigeant les conditions les plus avantageuses d'exploitation, des garanties de profit et l'élimination des risques, le grand capital tente d'imposer sa loi ainsi que l'a si bien illustré la rocambolesque aventure du projet «Allsands». Pour le capital, il ne suffit pas de préserver des marges de profit mais, la crise aidant, de tenter la récupération de ce qui a dû être concédé. Bien sûr, il peut y avoir des oppositions occasionnelles entre la grande entreprise multinationale et des entreprises nationales ou des PME. Mais tout cela est secondaire. Même si à ce moment-ci, à court terme, les profits subissent eux aussi les contre-coups de la crise, il n'en demeure pas moins que le grand capital profite de cette crise et de l'insécurité qu'elle engendre pour s'octroyer des garanties à plus long terme qui lui permettront d'imposer ses diktats, de «normaliser» la société canadienne et surtout québécoise, et donc de mater les organisations syndicales. Le gouvernement québécois, comme le gouvernement canadien, a décidé de se plier à ces exigences et a accepté ces règles du jeu. Son principal souci est le maintien de sa cote AA accordée par les financiers américains, même si le prix à payer pour cela est des milliers de chômeurs Il croit toujours en l'investissement privé et voudrait créer les conditions pour que le Québec devienne un milieu plus favorable à son développement. En cela, le gouvernement du Parti québécois fait exactement ce qu'il reprochait aux autres gouvernements. Pour faire passer la pilule, toutefois, il modifie l'enrobage. Il nous propose comme modèle un consensus social dans lequel chacun trouvera son compte. En période de crise tout le monde se serre la ceinture: plus de chômage, moins de profits, moins de salaires, moins de mesures sociales. En période de reprise: plus de travail, plus de profits, plus de salaires, plus de mesures sociales. Tout le monde y trouverait son compte, l'équilibre serait assuré, la répartition des richesses inchangée et les vertus du système intactes. Et le mouvement syndical doit se situer face à cette approche. La stratégie syndicale. Je voudrais maintenant examiner avec vous quels devraient être le rôle et la stratégie du mouvement syndical en général et de la CEQ en particulier, face à la crise. Notre combat exige cependant que nous y voyions un peu plus clair et dissipions les confusions engendrées en nos rangs par la question nationale et le modèle social-démocrate. Par la suite il nous faudra envisager notre action pour les mois et les années à venir. La question nationale. Depuis le NON au référendum et l'échec des négociations constitutionnelles, nous sommes en pleine impasse. Le gouvernement a refusé de situer clairement la finalité de son projet de souveraineté. Il a refusé de mobiliser le peuple québécois autour d'un projet social. Il a choisi de porter tout seul son projet. Qu'il en assume l'échec tout seul! Cet échec n'est pas le nôtre, ni celui du peuple du Québec. Quant à nous, le réalisme syndical nous impose plusieurs constats. D'abord que la question nationale est loin d'être résolue au Québec, qu'elle continue à alimenter les débats et à expliquer certaines réactions en nos rangs. Ensuite que le gouvernement du Québec s'apprête à en faire le thème central de la prochaine élection et qu'il se sert abondamment du projet d'indépendance nationale pour justifier ses appels au serrement des ceintures. Enfin, que le gouvernement péquiste n'a assorti son projet national d'aucun projet social, qu'il limite sa vision de la souveraineté à celle d'un contenant opaque dont on ne doit surtout pas discuter du contenu. Par ailleurs nous devons également constater que les conditions ne sont pas réunies pour que nous reprenions maintenant ce débat sur une base nouvelle et autonome. Aussi m'apparaît-il que le mouvement syndical devrait avoir le courage d'amener ses adhérentes et adhérents à distinguer leurs intérêts réels et concrets des emballages sans cadeau qui leur sont offerts et pour lesquels ils auront à payer le prix fort. Ils ne s'agit pas de mettre la question au rancart pour ne plus jamais y revenir. Je demeure au contraire convaincu que le mouvement syndical devra définir son propre projet social et national et le porter dans le débat. Cela ne pourra se faire avant plusieurs années. Mais d'ici là, nous sommes confrontés à une crise majeure, nous sommes au Canada, que cela nous plaise ou pas, et nous devons en tenir compte dans l'élaboration de notre stratégie syndicale. Une autre ambiguïté qui risque de fausser notre analyse consiste à considérer le Parti Québécois comme un parti social-démocrate, ce que claironnent à loisir la plupart de ses porte-parole. En fait le Parti Québécois n'est pas plus social-démocrate que Bourassa a pu l'être. La social-démocratie a des caractéristiques profondes. Elle porte, au moins dans son discours officiel, un projet de transformation évolutive de la société. Sans endosser les thèses des sociaux-démocrates, force nous est de constater que les véritables partis sociaux-démocrates se sont toujours appuyés fortement sur la structure syndicale et sur une vision sociale commune. Nous sommes loin de cette réalité; nous avons un Parti Québécois qui tente par tous les moyens de se démarquer des organisations ouvrières et qui a renoncé depuis toujours à quelque changement social significatif. Il ne peut y avoir de social-démocratie québécoise avec 13 % de chômeurs, avec une économie chancelante et dépendante, avec un gaspillage éhonté des ressources humaines et économiques. Il ne peut y avoir de social-démocratie à travers les campagnes de division des travailleurs et dans des stratégies visant à opposer` les travailleurs entre eux. Il ne peut y avoir de social-démocratie sans contrôle des leviers économiques essentiels. Les organisations syndicales et notre Centrale doivent éviter de se laisser enfermer dans cette perspective, qui n'a de valeur que comme discours manipulateur nous éloignant de nos luttes et de nos priorités. Il faut aussi éviter le piège de voir en la social-démocratie une panacée à tous nos maux, d'autant plus qu'il existe tellement de modèles sociaux-démocrates que ces mots recouvrent plus d'une réalité. On peut certes évoquer des expériences d'ailleurs. Dans un monde où les frontières s'estompent, les interpénétrations des politiques et grandes décisions économiques se complexifient. Nous ne pouvons vivre isolés. Mais il ne sert à rien de rêver à la suédoise, à la germanique ou à l'autrichienne. Il faut que nous trouvions nous-mêmes des solutions québécoises et démocratiques aux problèmes québécois. Notre société ne se développera qu'à travers un projet d'ici, fait par nous et pour nous, selon les besoins et les aspirations de la majorité. Ceci heurtera de front le pouvoir et le grand capital qui feront tout pour faire échouer quelque entreprise que ce soit qui ira à l'encontre de leurs intérêts. Je ne suis pas sans savoir que mes propos se situent à la limite de la dimension politique de l'action syndicale. Mais je crois sincèrement que le syndicalisme authentique ne peut servir pleinement les intérêts de ses membres s'il néglige la dimension politique dans ses analyses et s'il n'en tient pas compte dans son action. Cette action vise à rendre la législation du travail et l'accès à la syndicalisation réalisables, à ce que les politiques d'éducation, de santé, de consommation soient orientées vers les besoins des travailleuses et des travailleurs, à développer les valeurs de justice, d'égalité et de solidarité, à faire discerner par tous les syndiqués les liens entre les événements, et à détecter les stratégies qui ne serviraient pas leurs intérêts. Et cela est d'autant plus important en période de crise, que la tentation de «se tirer dans toutes les directions» et d'accepter des solutions à courte vue est omniprésente. Une vision d'ensemble. C'est pourquoi il nous faut d'abord avoir une vision d'ensemble face à la crise et une connaissance de la stratégie du pouvoir et du patronat. Le mouvement syndical avait devant lui plusieurs options: opter pour la politique du laisser-faire; négocier des adoucissements aux effets de la crise par une politique de collaboration à sa gestion; exprimer sa détermination et sa volonté très nette de combattre la crise et ses effets et tenter d'influer le plus possible sur le cours des événements pour que le dénouement de cette crise se fasse en faveur de la classe ouvrière. C'est cette dernière option que nous avons retenue à la Centrale et que nos membres ont largement entérinée dans toutes les assemblées. C'est également l'option fondamentale du mouvement syndical québécois et canadien. Sur cette base, nous avons convenu que c'était ensemble, et non en rangs dispersés, que nous devions combattre cette crise. Pour relever ce défi il nous faudra donc dépasser l'étape des rencontres occasionnelles et de l'action circonstancielle Nous devons être conscients que pour arriver à occuper la place qui lui revient, le mouvement syndical a besoin de travailler dans l'unité la plus large possible. Au moment où on conteste du côté du pouvoir la légitimité de l'action syndicale, nous ne pouvons nous permettre d'entretenir la division au sein même de notre organisation comme à l'intérieur du mouvement syndical. Il est donc essentiel d'oeuvrer de toutes nos forces et en priorité absolue au renforcement de l'action et de l'unité syndicales. Ce parti-pris pour l'unité n'exclut en aucune façon la nécessité de tenir compte de nos divergences et de respecter les particularités de chaque groupe. Au moment où l'idée du gel des salaires fait largement son chemin, en cette année de grandes négociations dans des secteurs économiques déterminants, il faudrait mieux structurer la réflexion et coordonner davantage l'action. Les grandes lignes de la politique libérale de réduction des coûts par la compression des salaires l'insécurité de l'emploi et la recherche d'une productivité accrue constitueront des enjeux majeurs. Les gouvernements seront appelés à établir le modèle dans les négociations de la fonction publique. Nous avons donc intérêt à renforcer la solidarité entre les travailleuses et les travailleurs du privé et du public, et cela suppose que nous dépassions l'étape des intentions louables. C'est pourquoi il me semble vital de tenir une rencontre de tous les groupes québécois et canadiens qui ont fait leur cette option de combattre la crise. Cette rencontre permettrait d'établir des principes et des lignes directrices afin d'ajuster nos stratégies et d'asseoir notre action. Je n'ignore pas les difficultés d'une telle entreprise, d'autant plus qu'il s'agirait d'une première. Ainsi une telle approche pourrait semer des inquiétudes quant au contrôle de la négociation et à la direction politique que pourrait prendre l'action. Elle ne devrait cependant pas mettre en cause la négociation de chaque groupe qui assumera ses pleines responsabilités, mais pourrait permettre de mieux servir les intérêts de tous les syndiqués grâce à une stratégie plus clairvoyante et mieux coordonnée. Dans certains milieux, l'idée d'une grève de 24 heures de l'ensemble du mouvement syndical canadien, cet automne, a été retenue C'est une action envisageable, qu'il faudrait réussir. Mais cette action doit être précédée de discussions sur les objectifs et les moyens, s'appuyer sur des objectifs clairs et engageants, ainsi que sur des moyens efficaces et assumés par nos membres. Le Congrès, une occasion de resserrer les rangs. Permettez-moi à présent, en ce moment où s'ouvre notre Congrès biennal, de vous indiquer dans quel esprit je crois que nous devrons travailler. Certains dangers nous guettent. Le premier, c'est d'oublier que ce Congrès est l'aboutissement d'un processus démocratique laborieux, d'une démarche difficile qui se déroule depuis plus de deux ans. Les 38 jours de réunions du Conseil général tenus depuis deux ans devraient nous inciter à une certaine retenue et contribuer à nous épargner mutuellement le syndrome du disque rayé où le même petit bout de musique revient inlassablement. Le Bureau national s'est résolument inscrit dans la recherche des consensus forgés dans l'unité et le réalisme. Ce que le Bureau national et le Conseil général proposent au Congrès, ce sont des orientations, positions et recommandations qui permettront à la Centrale d'être l'outil de consolidation de nos acquis, de renforcer nos convictions et de préserver notre avenir tout en tenant compte de l'évolution de la pensée et des pratiques syndicales en nos rangs. Comme congressistes, vous devez défendre les mandats et les propositions issus de vos membres, mais vous devez également vous rappeler que vous constituez l'instance suprême de la Centrale de l'enseignement du Québec. Cela devrait vous inciter à dépasser les intérêts particuliers de votre syndicat, fédération ou association pour prendre aussi en charge les intérêts de la Centrale. Le deuxième écueil à éviter c'est la tentation de la facilité, c'est-à-dire de nous déterminer strictement en fonction des attaques du pouvoir et de sombrer dans un certain radicalisme verbal fort compréhensible à la lumière du contenu des lois 68, 70 et 72, mais nullement porteur à lui seul du véritable rapport de force qu'il faudra établir une fois passée l'étape des décisions. Retenons les positions qui nous permettront d'ancrer une action syndicale large et véritablement de masse. Plutôt que de nous attarder à fignoler les meilleures positions d'arrivée possibles, préparons plutôt les meilleures positions de départ, celles qui tiennent compte des lenteurs que le travail de conviction nous impose. C'est la clé de la véritable mobilisation. Notre syndicalisme, d'abord une organisation de lutte. Il n'est pas dans mon intention d'argumenter en long et en large sur chacune des recommandations du Bureau national et du Conseil général. Je voudrais me contenter d'attirer votre attention sur un certain nombre d'entre elles et de vous inviter à en respecter les lignes directrices, car elles illustrent la thèse du dénominateur commun qui nous permet d'éviter tant celle du plus grand commun diviseur que celle du plus petit commun multiple. Il nous est apparu important de nous définir d'abord comme une organisation de lutte. Nous pensons que dans la société dans laquelle nous vivons, avec ses intérêts et ses rapports contradictoires et ses différentes formes d'exploitation, nous ne pouvons prétendre à la conciliation spontanée des intérêts. C'est par la lutte organisée et dans un rapport de force qu'il est possible de changer le cours des événements. L'action syndicale ne peut porter exclusivement sur l'amélioration immédiate des conditions de travail des syndiqués. Elle est éminemment liée à la défense des conditions de vie. Dans tout cela notre objectif fondamental est de changer les rapports sociaux dans le sens des intérêts des travailleuses et des travailleurs. Mais cela ne se fera pas dans un geste d'éclat du jour au lendemain; la transformation des rapports sociaux est le résultat de la lutte quotidienne, c'est la somme des revendications, des actions et des luttes placées dans une perspective à plus long terme. Ce débat a toujours engendré des ambiguïtés en nos rangs. Contester et critiquer le système en place a souvent été perçu et compris comme étant le choix d'un autre modèle ou d'un autre système. C'est pour cela que nous croyons nécessaire de préciser que notre démarche peut et doit se faire sans que nous fassions directement référence à un modèle pris ailleurs. Nous agissons par nous-mêmes selon une dynamique qui nous permet de tirer profit de nos expériences. Nos solidarités. Dans le domaine des solidarités, le consensus est établi quant a l'importance des liens à créer sur les lieux de travail, entre usagers et travailleurs, aux niveaux local et régional ainsi qu'au plan intersyndical. Nous avons cependant un débat important à faire sur la solidarité qui doit exister au niveau international. Partout dans le monde des gens luttent contre l'oppression, contre la domination, pour la défense des conditions de vie, et pour la liberté et l'égalité des droits. Comme travailleuses et travailleurs syndiqués, et parce que nous oeuvrons dans le domaine de l'éducation, nous ne pouvons nous fermer les yeux sur certaines réalités. Nous ne pouvons oublier que nos gouvernements entretiennent de manière systématique toutes sortes de liens et d'échanges et que les politiques des États capitalistes s'inspirent des mêmes données. Nous ne pouvons oublier que les grandes entreprises multinationales tentent d'imposer partout leur vision du travail et entretiennent les mêmes stratégies de division. Nous devons donc développer des échanges, participer à des rencontres avec d'autres organisations pour voir avec elles comment elles vivent les situations, comment elles résistent à certaines politiques et comment elles luttent pour la défense de leurs droits. Nous devons reconnaître que dans plusieurs pays, les besoins sont immenses et que les luttes sont parfois féroces pour se doter d'organisations syndicales libres et indépendantes et pour assurer le droit de la population à une éducation de qualité. Nous devons tisser avec ces organisations des liens fondés sur les principes de solidarité et d'égalité. Et ce n'est pas parce que ces partenaires sont à des milliers de kilomètres d'ici que leurs luttes sont loin des nôtres, que leurs objectifs sont différents des nôtres. Nous devons lier ces actions avec les préoccupations quotidiennes de nos membres et avec notre mandat syndical premier. Encore là, les sollicitations sont nombreuses et les malentendus, faciles. Il est plus sage de nous fixer certaines priorités et de créer en nos rangs une adhésion plus forte à nos actions internationales. C'est pourquoi nous pensons que notre objectif, à ce stade-ci, devrait porter sur la défense des droits syndicaux et du droit à l'éducation pour tous, que nous devrions entretenir des relations privilégiées avec les organisations syndicales des autres pays, et que nous devrions prêter plus d'attention à informer et sensibiliser les syndiqués à nos actions et à leur sens. Il ne faut pas pour autant que nos priorités deviennent des exclusivités. En effet, nos interventions auprès des gouvernements et des organismes internationaux attirent l'attention mondiale, produisent des résultats concrets et font en sorte que nous contribuons avec d'autres à sauver la vie et à obtenir la libération de syndicalistes, d'enseignantes et d'enseignants. De plus, à partir du moment où comme peuple québécois nous nous reconnaissons des droits fondamentaux tels les droits à l'auto-détermination, à la liberté d'expression et d'opinion, à l'égalité, nous ne pouvons nous abstenir de les reconnaître aux autres peuples du monde et de les appuyer pour la conquête de ces droits. Pour atteindre ses objectifs, le mouvement syndical doit se doter des moyens d'action appropriés. Parmi les moyens que nous privilégions, il y a l'éducation syndicale, l'implication des syndiqués dans les grands débats de notre Centrale et la mobilisation. A quelques nuances près, le consensus est large sur ces moyens. Notre politique de représentation. Vous allez cependant me permettre d'apporter un certain nombre de précisions sur la représentation syndicale. Nous devons constater d'abord que l'évolution des idées dans ce domaine est très difficile. Même si nous y avons consacré un dossier important et de longs débats lors du dernier Congrès, dans une tentative de clarifier et de préciser nos politiques, les discussions n'en ont pas été moins difficiles durant ces deux dernières années. Chacun a invoqué à sa manière et interprété à sa façon les décisions du Congrès. Même si nous avions très fortement et très majoritairement mis de côté l'approche absolutiste, force nous est de constater que plusieurs n'ont pas renoncé à nous enfermer dans des formules larges et vagues qui quant au fond visent le ratatinement du champ de notre action syndicale et qui quant à la forme tiennent soit du sophisme, soit de la ratiocination. Sur cette question, j'invite le Congrès à trancher le débat sur la base des trois propositions du Conseil général. C'est certes une position de compromis adoptée après bien des heures de discussion, mais c'est surtout une position qui permet à une centrale syndicale de jouer son rôle partout où les intérêts des travailleurs et de nos membres le commandent. C'est une position qui va permettre au Conseil général de prendre des décisions appropriées, à la lumière des événements et à l'examen de la réalité. C'est une position qui ne doit pas être mise en opposition à d'autres moyens syndicaux. Lorsque nous invitons la CEQ à réaffirmer son opposition au tripartisme et à la concertation sociale, nous ne référons d'aucune manière à une approche mécaniste ou mathématique. Nous référons à un processus de prise de décision fondé sur une conception précise des relations entre les groupes d'intérêts dans la société. Le tripartisme s'appuie sur la notion fictive de la neutralité de l'État, et donc sur une certaine capacité présupposée d'arbitrage de l'État entre les intérêts des travailleurs et ceux du patronat; son grand outil est la concertation, qui par le dialogue et l'échange des informations, permettrait aux «partenaires sociaux» de se sensibiliser à l'interdépendance de leurs intérêts et de concilier ainsi leurs points de vue. En somme, une solution politique fondée sur beaucoup de présupposés que les faits de la vie infirment quotidiennement. Nous rejetons très clairement cette conception des rapports des groupes d'intérêts dans la société. Nous croyons que l'État choisit ses alliés et ses alliances; que cet État est loin d'être inodore et incolore; que le système dans lequel nous vivons a une «pente» et que cette «pente» est défavorable aux travailleuses et travailleurs; nous ne croyons pas cependant que la meilleure politique soit celle du pire et nous ne nous reconnaissons pas le droit de les priver des réformes qui peuvent améliorer leur sort quotidien; nous demeurons fermement convaincus que c'est par un rapport de force approprié que nous pouvons arracher au patronat des concessions et contraindre les gouvernements à des mesures plus progressistes. Que le patronat ou le gouvernement aient leur propre conception du tripartisme ou de la concertation sociale, c'est leur affaire. Pour nous, ce qui est essentiel, c'est de se demander si la défense des intérêts de nos membres commande ou non notre présence active et vigilante à certains endroits pour défendre nos mandats et revendications et pour influer sur le cours des événements. C'est animés d'une telle perspective que nous avons participé au dernier sommet économique de Québec sur la base de nos mandats. Nous y avons défendu les intérêts de nos syndiqués. Nous y avons porté notre analyse sur des moyens de sortie de crise économique. Nous y avons mis de l'avant des propositions qui allaient dans le sens du développement de l'éducation. Quant à moi, chaque fois que cela est possible, je privilégierai toujours les rencontres bilatérales entre les centrales syndicales et le gouvernement. Nous sommes tous d'accord pour refuser la gestion de la décroissance. Mais il est peut-être plus facile de s'entendre sur l'objectif que sur les moyens de le réaliser. Il faudrait finir par se dire qu'on peut autant gérer la décroissance par abstention, par défaut et par laisser-faire. Il n'est pas plus déshonorant et risqué de participer à un organisme administratif ou consultatif en période de crise, que de conduire une négociation. Cela est aussi exigeant et difficile. D'aucuns, par ailleurs, voudraient tout résoudre par la négociation collective, comme si dans la société tout pouvait se régler entre les syndicats et le gouvernement, comme s'il n'y avait pas d'autres intervenants qui ont leur mot à dire et qui sont concernés par les politiques à caractère éducatif et social. Nous ne pouvons en même temps convenir d'élargir nos relations avec les usagers, de développer des liens plus étoffés avec les associations de consommateurs et de nous ouvrir à un dialogue plus fructueux et à des échanges plus suivis avec des groupes populaires, et du même souffle nous replier sur nous-mêmes, prétendre que hors la convention collective point de salut, et nous enferrer dans une sorte de corporatisme déguisé. Certains affiliés ont ramené au Congrès le débat sur la participation de la CEQ à la Commission de santé et de sécurité du travail C'est leur droit Mais je trouve que le Conseil général constitue une instance mieux équipée pour analyser en profondeur, sur la base de rapports détaillés, l'opportunité d'assurer une présence de la Centrale à tel ou tel organisme ou conseil. Pour ma part j'ai toujours cru, et je crois encore fermement, que la CEQ se doit de participer à la Commission de santé et sécurité du travail. Malgré la décision récente de la CSN, il n'y a pas lieu pour la CEQ de changer son point de vue. Il serait plutôt à souhaiter que la CSN réévalue sa position et puisse maintenir sa participation. La santé des travailleuses et des travailleurs et la sécurité au travail sont trop importantes pour être laissées entre les seules mains du gouvernement et du patronat. Nous pourrions affirmer qu'il serait préférable que les travailleuses et travailleurs eux-mêmes administrent leur régime de santé et de sécurité. Nous y viendrons peut-être un jour, mais entre-temps, travaillons et luttons pour que les conditions de vie au travail s'améliorent. L'élargissement de notre Centrale. Le Congrès est également appelé à débattre de l'élargissement des rangs de la Centrale. Je vous invite à souscrire à la position du Bureau national qui s'appuie sur deux principes: le respect de nos politiques d'unité syndicale et la nécessité de passer à l'action concrète. L'élargissement de nos rangs est un facteur de dynamisation au plan interne et une occasion de contribuer concrètement au développement du syndicalisme au Québec. Il faut cependant y aller avec une certaine prudence et réfléchir au cours des prochains mois sur les cadres possibles d'une organisation syndicale qui se serait ouverte à de nouveaux groupes de travailleuses et travailleurs. Ces questions devraient être débattues en nos rangs, mais nous croyons que le Congrès pourrait entre-temps, confier au Conseil général le mandat de prendre les décisions appropriées sur la base des événements, des possibilités réelles de recrutement et de notre capacité d'offrir des services adéquats aux nouveaux syndiqués. Notre affiliation internationale. J'aimerais maintenant aborder le dossier de notre affiliation internationale. Après plus de dix ans d'affiliation au Secrétariat professionnel international de l'enseignement (SPIE), nous vous recommandons la désaffiliation de cet organisme sans proposer en même temps de réaffiliation à une autre internationale. Certaines divergences profondes entre la CEQ et le SPIE nous amènent à vous proposer cette recommandation. Nous ne croyons pas que le SPIE souscrive à une démarche d'unité syndicale allant au-delà des divergences idéologiques et des divisions nées de la guerre froide. Nous avons toujours prétendu que nous devions, au niveau international comme ailleurs, nous inscrire dans une démarche d'unité syndicale favorisant le rapprochement entre toutes les organisations syndicales d'enseignants à travers le monde, à quelque courant qu'elles appartiennent. Le SPIE s'est toujours refusé au dialogue avec le syndicalisme des pays de l'Est. Quant à nous, nous le pratiquons, tout en souhaitant qu'à l'instar de plusieurs pays du bloc de l'Ouest et comme cela commence à se faire en Hongrie et en Pologne, il puisse se vivre dans ces pays un syndicalisme plus indépendant des régimes politiques, plus apte à surveiller et contester le pouvoir. Tous les régimes doivent faire l'objet de la vigilance syndicale; cela présuppose que les organisations syndicales gardent un oeil critique sur ce qui se passe dans leur propre pays et puissent dénoncer les atteintes aux libertés, aux droits syndicaux et aux conditions de travail. Nous croyons que le SPIE est trop dépendant de l'influence des États-Unis. Dans la défense des droits et libertés, le SPIE fait preuve d'une tolérance certaine à l'égard de ce qui se passe dans des pays de l'Ouest et leurs satellites, tout en insistant beaucoup sur tout ce qui se passe à l'Est. Plus pressé de condamner Cuba que Haïti, plus critique à l'égard de la révolution sandiniste du Nicaragua qu'à l'égard du sionisme et du racisme d'Israël, tiède à l'égard de nos camarades salvadoriens, indifférent, voire plutôt hostile envers nos camarades palestiniens, le SPIE pris une direction qui ne nous ressemble plus. Enfin, la capacité pour la CEQ d'influencer les décisions et orientations du SPIE est de plus en plus réduite, la direction de cette internationale nous identifiant à d'irrécupérables radicaux gauchistes selon une logique du genre: «Si vous n'êtes pas comme nous, c'est donc que vous êtes contre nous.» Nous croyons qu'il est possible pour la CEQ de jouer un rôle sur la scène internationale sans être affiliée à une organisation particulière, en demeurant libre d'établir des liens de coopération avec qui nous voudrons et en contribuant à diverses activités internationales qui pourront favoriser l'unité et le rapprochement entre toutes les organisations de travailleurs de l'éducation, dans l'espoir un jour que se brisent les barrières actuelles. Notre négociation nationale. Même si nous n'avons pas fait de la prochaine négociation un thème de notre Congrès, vous serez appelés à voter une motion d'orientation à ce sujet. Il s'agit ici pour le Congrès de la Centrale de porter un jugement politique sur l'action du gouvernement et de préciser un sens à l'action que nous entendons mener, laissant aux instances de négociation le soin de fixer les stratégies et les moyens les plus appropriés. On m'a souvent demandé cette année comment j'entrevoyais la prochaine ronde de négociation. J'ai répondu immanquablement que toutes les négociations ont toujours été difficiles et que chacune a ses propres caractéristiques. Celle-ci nous présente des enjeux clairs. Nous savons à quoi nous attendre avec ce gouvernement. Alors que la dernière fois, les syndiqués s'interrogeaient concernant l'impact de la négociation sur l'enjeu du référendum, alors que beaucoup d'entre eux avaient foi dans les promesses de ce gouvernement de créer les conditions de la paix sociale par l'amélioration du régime de relations de travail, cette fois-ci nous avons pu mesurer jusqu'à quel point le gouvernement méprisait ses salariés. Nous avons entendu toute l'année ses attaques démagogiques contre les travailleuses et les travailleurs du secteur public. Nous avons compris que ce gouvernement voulait soulever la population contre nous. Nous avons entendu toutes sortes d'affirmations mensongères et biaisées sur des comparaisons de rémunération et nous sommes confrontés maintenant avec les pires lois spéciales que le Québec ait connues depuis 1967. Ce gouvernement s'est installé dans la possession tranquille de la vérité, non pas parce que les faits lui donnent raison, mais parce qu'il est le gouvernement et que dans l'esprit du présent Cabinet, le gouvernement a toujours raison, surtout lorsqu'il utilise les arguments qu'il avait lui-même dénoncés avec vigueur dans un passé récent. Il en est ainsi de cette réouverture unilatérale des conventions collectives. Parce qu'il s'est entêté depuis des mois, à l'encontre de tous les avis qui lui ont été servis, à vouloir remettre en cause les salaires négociés et convenus, le gouvernement s'est enfermé dans un corridor qui ne peut mener qu'à l'affrontement et au bouleversement de notre régime de relations de travail. La paix sociale ne peut reposer sur le mépris et l'élimination des droits syndicaux majeurs comme le droit à la négociation, le droit à la représentation par les instances syndicales, le droit à la grève. En refusant de faire confiance au mécanisme de la négociation, en rendant presque impossible l'exercice du droit de grève, en incitant les usagers à agir contre les travailleurs, le gouvernement s'engage dans une voie politique dangereuse pour la démocratie. L'atteinte aux libertés syndicales a toujours été le prélude d'une remise en cause plus profonde des droits fondamentaux d'une société démocratique comme les droits d'association, d'expression, et a souvent justifié des atteintes graves aux libertés fondamentales. Parce qu'il s'est enfermé dans un discours de petit comptable-à-la-semaine - ce qu'il appelle l'impasse budgétaire - le gouvernement se dirige vers une impasse sociale majeure. C'est donc sur le terrain politique que se joueront les prochaines négociations. Le gouvernement a choisi la voie de l'affrontement et il devra tenter de se ménager l'appui de la population, en plus de déployer son appareil policier et répressif, car il s'attend à ce que nous organisions la résistance et la mobilisation. Nous ne plierons pas devant un gouvernement qui a refusé de discuter sérieusement de la crise économique, qui a refusé de prendre en compte les effets de celle crise sur l'ensemble de la population et qui, en s'attaquant aux travailleuses et travailleurs du secteur public, ouvre pour tous les employeurs une voie nouvelle dans la remise en cause du résultat des négociations. Dans un tel contexte, la négociation - entendue au sens traditionnel et restreint - risque de devenir un pur exercice théorique qui ne débouche sur aucun engagement précis et ferme. Si le gouvernement n'est pas lié par ses engagements, si le gouvernement peut déchirer sa signature, pourquoi un autre employeur n'aurait-il pas le droit de le faire? Si les travailleurs syndiqués organisés ne sont pas capables de résister à de telles ignominies, comment espérer que les travailleurs moins bien organisés ou non syndiqués pourront assurer la protection de leurs conditions de travail? Nous devrons prendre le temps et avoir la patience nécessaire pour expliquer cet enchaînement fatal aux travailleuses et travailleurs du secteur privé, aux groupes sociaux, et à celles et ceux qui nous considèrent souvent comme des privilégiés parce qu'on tente de faire croire que dans notre société, travailler et bénéficier d'une certaine forme de sécurité d'emploi, c'est jouir d'un grand luxe. Il est même possible que le déroulement de cette ronde de négociation soit l'enjeu d'une élection. En trouvant des boucs émissaires, le gouvernement peut tenter de faire oublier ses échecs lamentables et ses reculs dans bien des domaines. Dans toute cette bataille politique qui s'engage, nous aurons besoin de la cohésion, de l'unité de toutes nos forces et de beaucoup de détermination. Il faudra que tous les syndiqués de la Centrale et du secteur public puissent comprendre et saisir ces enjeux. Nos statuts. Dès demain, nous serons en Congrès spécial sur nos statuts qui déterminent les assises de notre fonctionnement démocratique. C'est pourquoi nous devons rechercher le consensus qui permettra à tous les groupes de se sentir à l'aise dans leur Centrale. Le Comité des statuts et le Conseil général ont travaillé très sérieusement cette année dans cette perspective. C'est le Congrès, bien sûr, qui a le mandat d'adopter les modifications statutaires. Mais le Congrès a confié au Conseil général un rôle déterminant dans la formulation des propositions et recommandations. Je vous invite à retenir le plus possible celles qu'il vous recommande. D'abord le Conseil général vous propose de retenir la recommandation d'un Bureau national composé de cinq personnes au service exclusif de la Centrale. L'idée est maintenant acquise d'avoir une équipe de direction à temps plein. Il n'est pas toujours facile de représenter à la fois un affilié et la Centrale, ni non plus de concilier les fonctions liées à l'exercice de son métier avec celles de membre du Bureau national. Deux thèses s'affrontent à propos du nombre de membres de l'équipe: soit cinq, soit sept personnes. Tout en reconnaissant des mérites à la proposition de sept personnes, j'appuie la position du Comité des statuts et du Conseil général pour, entre autres, les motifs suivants: il est important de préciser et expérimenter, à travers une approche évolutive, les tâches d'une équipe politique face à une structure de services importante. Il ne faut pas que les politiques deviennent des super-cadres ou employés-conseils, ni des gens qui distribuent des mandats. Ensuite, nous serons en négociation pour possiblement un an. Comme Centrale, nous avons une tâche de coordination et d'appui et nous pouvons compter sur l'appui des équipes de direction des composantes, à qui appartient le mandat de négocier. Il faut tenir compte de l'expérience et des difficultés rencontrées dans des organisations semblables. Également, la tâche de direction d'une Centrale est importante, mais le Bureau national n'a qu'un pouvoir de recommandation aux autres instances dans le domaine des politiques et grands dossiers de la Centrale. D'autre part, la direction et la gestion administrative accaparent bien du temps et cela peut se faire très correctement par une équipe plus réduite. Enfin, il ne faut pas oublier qu'en créant la Commission intersectorielle de Coordination de la Centrale, nous pouvons compter sur un bassin de compétences, qui viendront éclairer et conseiller le Bureau national. Je ne crois pas qu'on fasse erreur en allant dans cette direction. Le problème de la composition et de la représentation au Conseil général a été posé sérieusement. Le Comité des statuts et le Conseil général s'y sont penchés très attentivement, et tout en vous proposant de préserver certains principes déterminants comme la représentation directe de tous les syndicats et la garantie d'une certaine sur-représentation des petits affiliés, le Conseil général vous propose d'instaurer pour les votes au Conseil général un système de vote par mandats. C'est une proposition sage qui tient compte que ce Conseil général doit se donner des garanties d'efficacité et s'assurer que les décisions refléteront la composition et le membership de nos différents affiliés, tout en ne gonflant pas inutilement l'instance et en ne la rendant pas trop onéreuse ou dévoreuse d'énergie, de ressources et de temps. On ne juge pas de la démocratie que par le nombre et la durée des réunions. La préparation et la qualité des débats, de même que la capacité de prendre des décisions éclairées dans un délai raisonnable, comptent pour beaucoup. Notre situation financière. Enfin, je voudrais aborder la situation financière de notre organisation et vous inviter à considérer les besoins de votre Centrale en votre qualité de membres de l'instance suprême de cette Centrale. Nous avons des responsabilités énormes et les attentes des syndiqués à l'égard de leur organisation se font plus exigeantes. Ils veulent une organisation qui soit présente dans tous les débats et combats. Aucun des syndiqués de la Centrale n'y gagnera de l'affaiblissement de notre organisation. Je considère que tous les syndiqués de la Centrale, que tous les affiliés de notre organisation ont le droit de compter sur des services de qualité de leur Centrale. Si nous avons réussi jusqu'à maintenant à satisfaire les besoins immédiats de nos syndicats, ce n'est pas sans qu'il y ait eu un prix à payer à l'organisation syndicale, en recherche, en études économiques; et nous nous sommes privés de ressources qui auraient pu nous permettre d'approfondir certains dossiers et d'anticiper un peu plus sur les attaques prévisibles du gouvernement et du patronat. La situation économique est difficile pour tout le monde. Les syndiqués se voient menacés dans les acquis de luttes passées. Quels que soient les craintes, les désaccords avec certaines orientations et les perceptions parfois fausses que nous avons de notre Centrale, nous avons le devoir, nous tous ici présents, de saisir le plus correctement cette réalité, de poser les questions qu'on veut et de faire les débats qu'il faut, mais surtout de donner à notre organisation les moyens de poursuivre sa tâche syndicale. Jusqu'à maintenant, je vous avoue que nous avons eu beaucoup de difficulté à saisir les raisons profondes qui empêcheraient un syndiqué de consentir 10 $ à 12 $ nets de plus par année à son organisation! Notre Fonds de solidarité. Enfin, quelques mots sur la création du Fonds de solidarité. Le Bureau national invite le Congrès à concrétiser dans les faits, dans les gestes et dans les politiques de la Centrale, notre vision de la solidarité. Nous invitons le Congrès à autoriser la Centrale à constituer un Fonds de solidarité et à mandater le Conseil général pour placer dans ce Fonds de solidarité, l'équivalent de l $ par membre pris à même le Fonds de résistance syndicale, et cela sur une période de quatre ans. Ce qui veut dire qu'à raison de 75 000 $ par année, le Fonds de résistance placerait approximativement un montant de 3 00 000 $ comme capital dans le Fonds de solidarité et le Fonds ne verserait des dons qu'à même les intérêts que ce capital pourrait rapporter. En plus, le Fonds pourra se nourrir de souscriptions volontaires et de contributions individuelles ou collectives. Ce Fonds permettra d'appuyer la lutte et de venir en aide à des groupes sociaux, à des travailleuses et travailleurs de l'éducation, ou à des syndicalistes, qui dans le monde luttent pour faire triompher leurs droits avec des moyens insuffisants. Des organisations sont venues nous demander un peu d'aide matérielle; c'est difficile de refuser cette aide, compte tenu des moyens techniques à notre disposition; nous pouvons et devons faire plus et mieux. Relevons le défi de la solidarité et mandatons notre Conseil général pour adopter les règles qui permettront de régir ce Fonds de solidarité. Une note d'espoir... Permettez-moi enfin de vous faire part d'une certaine inquiétude et d'une note d'espoir. Dans notre Centrale il y a, et il y aura toujours, des courants, des tendances, des points de vue divergents, des tenants du bipolarisme, celles et ceux qui pensent que ce doit être A ou que ce doit être B, oubliant que le langage commence par B-A-BA. J'ai senti plus particulièrement depuis quatre ans que le groupe qui voulait construire autour des meilleures idées de tous et de chacun, était parfois fort restreint et que l'attraction des caucus aidant, nous pouvions à certains moments sentir les «bienfaits» de la solitude. Nous avons ainsi assisté pendant de très longs mois, et je le dis en toute simplicité, au meilleur comme au pire. Nous avons vécu les recours systématiques aux rapports de force pour ne régler souvent que des problèmes de points et de virgules; c'était à croire que les points et virgules sont nos Iles Malouines. Nous avons vécu aussi des sursauts plutôt impérieux d'hégémonismes multiples et concurrents, variés dans leurs orientations mais tous résolument «unitaires» dans leur constance à imposer une idée - la leur - au détriment de celles des autres. Nous avons vécu enfin les affrontements délibérés faits surtout de bouffées de volontarismes généreux mais mal contrôlés. Nous avons également participé à des moments, malheureusement plus rares mais heureusement porteurs d'espoir, où les franchises ont pu se reconnaître, les militantismes se respecter et les points de vue se concilier. Ce sont ces moments privilégiés de débats enfin véritablement syndicaux qui nous ont permis de commencer à forger solidement, et je l'espère durablement, des consensus, qui sont, je le rappelle, essentiellement les maillons de la solidarité dans une organisation qui se veut démocratique et qui constituent la meilleure façon d'éviter tant le joug des majorités circonstancielles, que la simple juxtaposition habile de la faiblesse momentanée des uns à la force momentanée des autres. Cette note d'optimisme et d'espoir, nous la devons en partie aux membres du Bureau national qui se sont caractérisés cette année - et je leur en sais gré, je tiens à le dire devant ce Congrès - par le sens de la conciliation des points de vue et la recherche de solutions acceptables au plus grand nombre possible de nos affiliés. Il y a eu entre nous des heurts et des discussions fermes, mais nous avons accepté de nous écouter, de nous entendre et de nous comprendre parce que nous nous sommes davantage préoccupés de l'unité et de la force de notre organisation que des étiquettes et des appartenances. Cette volonté de travailler en équipe dans la recherche du consensus et dans la préparation sérieuse des débats de ce Congrès a marqué un tournant déterminant dans l'évolution de notre organisation. Il est un point sur lequel je m'en voudrais de ne pas clarifier le fond de ma pensée et c'est ma conception du leadership dans une organisation syndicale. Il y a une différence fondamentale entre le leadership politique et le leadership syndical. En politique les dirigeants ont le mandat de gouverner, alors que dans le syndicalisme les dirigeants ont d'abord le devoir d'exécuter les mandats qui leur sont confiés. Nombreux sont parmi nous ceux qui oublient qu'un dirigeant syndical n'est pas le détenteur du pouvoir, mais le titulaire d'une fonction, qu'il est élu pour servir le syndicalisme et non pour s'en servir. Ma conception de base n'a jamais changé à ce sujet et mon expérience à la présidence de la Centrale n'a fait qu'ancrer en moi cette conviction. Cela ne veut pas dire qu'un leader ne doit pas s'engager dans les débats, formuler les propositions qu'il juge pertinentes et les défendre avec conviction. Il ne doit pas être guidé par le désir de plaire mais par la volonté d'assumer pleinement les responsabilités du mandat syndical. Le leadership ne consiste pas à faire triompher son idée, mais à s'assurer que la meilleure idée triomphe. C'est dans cette perspective que j'ai accepté d'assumer la présidence de la Centrale et c'est dans cette même perspective que j'ai rempli mon mandat depuis quatre ans. J'ai confiance en l'avenir parce que dans les moments difficiles, parce qu'au moment de l'action je ne me suis jamais demandé si mon voisin de gauche était de droite et si mon voisin de droite était de gauche, parce que j'ai regardé, vu et senti que nous marchions dans la même direction pour des objectifs communs et que nous avions plus de force à 300 qu'à 3 et à 80 000 qu'à 1 000. C'est pour ça, je crois, que le syndicalisme demeure le moyen par excellence pour nous amener à bâtir notre avenir. A celles et ceux qui croient que le mouvement syndical est en danger et qu'ils vont réussir à nous asservir, je dirai: Le mépris et l'arrogance ne durent qu'un temps; nous ne plierons pas sous la menace et la peur. Nous sommes debout, et nous le resterons!