*{ Discours néo-libéral CEQ, 1984 } Reconstruire l'espoir. «Notre combat est un combat joyeux car il nous fait voir que nous valons infiniment plus que le sort qui nous est fait.» (Laure Gaudreault). «C'est donc sur le terrain politique que se joueront les prochaines négociations. Le gouvernement a choisi la voie de l'affrontement et il devra tenter de se ménager l'appui de la population en plus de déployer son appareil policier et répressif car il s'attend à ce que nous organisions la résistance et la mobilisation. Nous ne plierons pas devant un gouvernement qui a refusé de discuter sérieusement de la crise économique qui a refusé de prendre en compte les effets de cette crise sur l'ensemble de la population et qui en s'attaquant aux travailleuses et travailleurs du secteur public ouvre pour tous les employeurs une voie nouvelle dans la remise en cause du résultat des négociations.» (Robert Gaulin, Rapport moral 1982). Le Congrès d'orientation de 1982 a défini comme suit le cadre de notre action: les affiliés et la Centrale sont des organisations de lutte pour la défense et l'amélioration des conditions de travail des membres et pour la promotion de nos intérêts et de ceux de l'ensemble des travailleurs aux plans des conditions de vie, des droits syndicaux et des libertés démocratiques; sans nous définir en fonction d'un système, notre action syndicale vise l'obtention de réformes sociales, économiques et politiques ainsi que la transformation des rapports sociaux dans le sens des intérêts des travailleurs; les intérêts des membres des affiliés sont liés aux intérêts des autres travailleurs; la CEQ conserve sa totale indépendance face à l'État et à toute formation politique. Au moment d'ouvrir ce vingt-neuvième Congrès statutaire de notre Centrale, au moment où nous nous retrouvons les uns les autres, au coude-à-coude fraternel, à l'issue de deux années de travail et de luttes particulièrement ardues, au moment où nous nous réunissons pour faire le plein et retrouver notre élan, qu'il me soit d'abord et avant tout permis de rappeler et de souligner avec force tout l'acharnement que nous avons mis, à tous les niveaux et à tous les postes de notre organisation, à ne pas plier, à organiser la résistance et la mobilisation, ainsi que nous y invitait notre président sortant dans son Rapport moral Pour approfondir notre unité. Le pouvoir nous a imposé un affrontement dont nous ne voulions pas, dont la population ne voulait pas, dont les services publics n'avaient nullement besoin! Le pouvoir a choisi de dénigrer et d'attaquer, sous l'excuse de la crise, les services publics, celles et ceux qui chaque jour font et dispensent ces services publics; le pouvoir a tout fait pour museler, disperser, discréditer nos organisations. Nous n'avons pas recherché l'affrontement, mais nous n'avons pas reculé devant nos responsabilités, ces responsabilités que nous avons face à notre travail, face aux services publics et à l'éducation, face à la population qui utilise nos services, qui nous observe et qui défraie la note. «Face à ces fauteurs de trouble», vous disais-je lors de notre Congrès spécial de janvier 1983, «c'est encore une fois le mouvement syndical qui a pris la responsabilité d'opposer une autre conception de l'ordre social d'un ordre social où le travail aurait préséance sur le capital où la lutte contre le chômage aurait préséance sur la lutte contre l'inflation où le droit au travail serait reconnu comme droit fondamental pour tous. C'est encore une fois le mouvement syndical qui a pris ce genre de responsabilité dans notre société. Et nous entendons continuer à le faire.» Même si nous pressentions que la partie pouvait être inégale, puisque notre agresseur est aussi l'arbitre ultime et le shérif, nous sommes restés debout, nous avons fait face, nous avons pris nos responsabilités face à nous-mêmes d'abord; malgré les décrets et les lois spéciales, malgré l'isolement relatif où nous nous sommes retrouvés, nous avons fait grève pour nos conditions, pour notre dignité en tant qu'agents de l'éducation et des services publics; malgré les attaques les plus hystériques, nous avons maintenu le langage de la raison, nous n'avons esquivé aucun débat public, nous avons multiplié les propositions dans la perspective inlassable de la négociation. Et par-dessus tout, nous sommes restés ensemble, tout au long de la mêlée, en communication et compréhension constantes, dans une relation démocratique de haut niveau. Eh bien, le résultat de cette cohésion dans l'action, de cette cohérence dans nos propositions, nous en entrevoyons déjà les retombées. Au lendemain des décrets, souvenons-nous de celui qui trouvait «la vie belle», qui croyait que nous allions tout oublier, qui insinuait que la CEQ était coupée de ses membres. Où est-il donc le shérif à la voix tranchante? Désarçonné, le shérif a perdu son Trésor, il se cherche une autre monture... pour remonter la pente; il est contraint de réouvrir les décrets de l'éducation et il fait partie d'un gouvernement qui a la faveur de 23 % de l'opinion publique et qui est en train de troquer en douce la souveraineté-association pour «la souveraineté-concertation». Notre action syndicale n'a pas eu en 1983, pas plus que dans le passé, d'intention politique partisane. Cependant il faudrait qu'une fois pour toutes il soit clair, pour ce gouvernement comme pour ceux qui le suivront, que la CEQ et ses membres ne constituent en aucune façon un quelconque marché captif qu'un flot de bonnes paroles, même à saveur de nationalisme-de-la-dernière-chance, pourrait séduire ou réduire au silence: A toutes celles et ceux qui ont contribué à ce que nous tenions le coup, militantes, militants, élues et élus, déléguées et délégués, membres de comités et de réseaux, salariées et salariés de nos organisations, je vous dis «bravo et merci» pour votre engagement, pour votre détermination. Il était essentiel à ce moment de notre courte histoire syndicale que nous fassions les choses ainsi, pour nos conditions de travail et nos droits démocratiques certes, mais aussi pour conserver le respect de nous-mêmes et de nos concitoyennes et concitoyens du Québec et, le plus important, pour préserver la capacité de notre organisation à faire certains débats, à refaçonner nos consensus, à reconstruire l'espoir. Les tourbillons de la politique, tout comme les détenteurs de portefeuilles ministériels, passent et continueront de passer. Mais le quotidien, fait de notre travail, de l'exercice de nos métiers, de notre action professionnelle et syndicale, ce quotidien, il nous appartient, c'est notre vie. Ce quotidien, il nous appartient de le défendre, de le maîtriser, de le mettre au service des intérêts réels et durables de la population, des usagères et des usagers de nos services, du million de jeunes que nous côtoyons chaque jour dans les 3 000 établissements de tous les niveaux dans tout le territoire du Québec. Je suis fier de l'action syndicale que nous avons menée depuis deux ans. Les enjeux que nous avons soulevés, les moyens que nous avons utilisés, les convergences sociales et syndicales que nous avons réussi à réunir dans un contexte fort difficile, une telle performance de notre organisation vaut d'être soulignée, et attribuée en toute modestie mais à juste titre au travail quotidienparfois visible et aussi très souvent invisible - qui s'y est accompli à tous les paliers. Ce bilan positif, je tenais à vous le faire partager, d'entrée de jeu, car il est le portrait et le résultat de nos luttes, de notre détermination, de notre attachement à notre travail et au syndicalisme. Cet hommage, bien mérité me semble-t-il, à l'endroit de notre organisation et de ses artisanes et artisans, ne doit cependant pas être confondu avec quelque complaisance que ce soit face à certaines réalités internes, intersyndicales, ou reliées à la conjoncture de crise dont nous n'avons pas encore entrevu la sortie définitive. Nous sommes ici pour tirer enseignement des deux années écoulées, mais aussi pour prendre la mesure des défis qui nous attendent. On nous suggère en certains milieux de redéfinir notre syndicalisme, nos orientations, nos moyens d'action, voire notre style, notre image. Ce n'est pas une mince affaire, car l'action syndicale ne se situe pas sur le terrain de la mode mais de l'intervention sociale à court et à long terme. Sans s'enfermer dans un credo immobile et intangible, tout en cherchant à s'adapter à une réalité économique et de travail en transformation, l'action syndicale demeure inspirée de ses idéaux de justice, d'équité, de démocratie et de solidarité. La crise, ne l'avons-nous pas dit, redit et vécu, n'est pas qu'économique; elle a aussi un impact sur la vie sociale et démocratique en général et un impact sur notre travail et nos organisations en particulier La crise, dit-on, c'est le capital qui se restructure et se redéploie; c'est aussi le travail qui explose, disparaît, se recompose, se redéfinit, se redistribue, le plus souvent dans la rareté, la précarité, et l'inégalité. Beaucoup d'autres enjeux sont majeurs pour notre société: la paix et le désarmement, l'environnement, les droits et libertés, le temps libre et le loisir, les questions économique et nationale. Nos organisations peuvent et doivent, de concert avec d'autres mouvements, apporter leur contribution à ces débats, car c'est là que se façonnent nos vies et nos destinées, individuelles ou collectives. Mais pour ce qui est du travail, sa définition, son orientation, ses conditions, sa sécurité, pour ce qui est de l'emploi, sa nature, sa transformation, sa permanence, ses exigences en qualification et en adaptation, inutile de chercher ailleurs: il n'y a pas d'autres organisations que les nôtres pour s'en charger selon nos aspirations et intérêts légitimes, à travers notre action syndicale Tout en prenant le risque de certains changements, de certaines adaptations stratégiques, notre tâche syndicale consiste, dans sa partie inéluctable, à prendre à pleines mains cette réalité de notre travail et de notre emploi, à la façonner et à la contrôler dans le sens que nous voulons, dans le sens le plus utile aussi pour la société. Notre tâche consiste, dans quelque secteur que nous soyons de l'entreprise privée ou des services publics, à mener la bataille pour l'emploi, et pour le plein emploi dans notre société. La destruction des emplois productifs, la dégradation continue de nos conditions de travail, l'attaque au droit même de travailler sont les plus foudroyants dénis de justice que la période contemporaine puisse opposer non pas tant aux organisations syndicales qu'au droit fondamental de toute personne humaine au plein développement de son potentiel individuel et social. La lutte pour l'emploi, la lutte pour la qualité de vie au travail, la lutte pour le contrôle de son travail, c'est, croyons-nous, le terrain de ralliement premier où doivent se retrouver côte à côte les organisations syndicales et les organisations de jeunes, de femmes, de sans-emploi, de travailleuses et travailleurs immigrants. C'est l'axe essentiel, dans les années que nous traversons, d'une action syndicale intégrée et soucieuse de faire jonction avec le mouvement populaire organisé. Malgré la lassitude et l'inquiétude, à travers certains questionnements sur nos pratiques et orientations, il nous faut continuer d'avoir confiance en notre capacité collective d'entreprendre le redressement de situation et de société qui s'impose. C'est dans cette perspective que nous avons choisi pour thème de ce Congrès: «Des chances égales: un choix de société». Nous y voyons l'expression essentielle - et le rappel plus qu'opportun en cette période de ressac général - du fondement démocratique minimal d'une société à laquelle nous voulons contribuer par notre travail, d'une société dans laquelle nous voulons vivre sans exploiter quiconque, ni être exploités par qui que ce soit. Ce thème, nous l'avons pensé comme l'inspiration large autour de laquelle il y a lieu d'ordonner l'ensemble des grands dossiers soumis à ce Congrès: les conditions de notre militantisme, la place faite aux femmes dans nos organisations et dans la société, l'impact sur nous et sur la société des nouvelles technologies et des nouveaux modes d'organisation et d'encadrement du travail, l'accès à l'enseignement collégial et l'apport de ce niveau de formation à l'objectif de l'égalité des chances; la place faite à la jeunesse dans notre société; et enfin, la préservation du droit de nos organisations syndicales à la libre négociation de toutes les conditions affectant nos membres, y compris celles qui touchent à l'autonomie dans l'exercice de nos métiers. C'est dans la recherche et la construction d'une société offrant des chances égales de développement à l'ensemble de ses membres que nous combattrons effectivement la crise et les pouvoirs qui gèrent cette crise au détriment des intérêts de la majorité. C'est à travers la réponse que nous apporterons à ce défi que nous rebâtirons l'espoir et que nous prendrons la voie qui nous ramène aux sources mêmes du syndicalisme. Mais auparavant, il nous faudrait revenir quelque peu sur la période écoulée, non pas tellement pour en faire le récit héroïque que pour mieux préciser la direction que nous avons imprimée à notre action et mieux percevoir la stratégie adverse. Nous avons tout intérêt aussi à prendre la mesure de certaines réalités et transformations qui vont déterminer durant les prochaines années le «moule du futur», si vous me passez l'expression, afin de situer plus convenablement les lignes de force de notre stratégie, de notre développement, de nos priorités dès maintenant. Le Congrès, que nous avons voulu pour l'essentiel une activité collective de ressourcement, intervient à point nommé pour nous indiquer les sentiers d'un nouveau départ, à dix ans déjà de ce Congrès inoubliable de Rivière-du-Loup où nous prenions pour nouveau cadre de ralliement et pour nouveau nom «la Centrale de l'enseignement du Québec». Une attaque brutale et frontale. Quelques semaines après le Congrès de 1982, nous étions déjà en pleine tempête, confrontés à des propositions patronales que nous avons alors qualifiées «d'attaque brutale et frontale». En quelques semaines nous terminions la préparation de nos revendications, contribuions à la mise sur pied du quatrième Front commun, et entreprenions la mobilisation qui a conduit à la journée de grève du 10 novembre. Le plan du gouvernement était fort simple: passer le bulldozer au plus tôt, sans négocier, à coup de décrets, dans une stratégie de «décembre-à-tout-prix» qui, malheureusement, trouvait écho en certains milieux syndicaux. Le manque d'orientation et de préparation au sein du Front commun nous a empêchés d'organiser l'action appropriée en temps utile; puis l'avalanche des décrets allait miner tout espoir chez plusieurs de nos partenaires, ce qu'a révélé l'échec de la grève en escalade. Malgré la démobilisation survenue dans le secteur des Affaires sociales, à la suite de discussions au sommet survenues sans notre accord comme partenaire du Front commun, nous avons poursuivi notre action de grève de façon tout à fait remarquable. Une grève pour «notre dernier lopin de terre», nos conditions de travail, une grève contre le mépris de ce gouvernement à l'endroit de l'éducation, de la santé et de la fonction publique, une grève pour notre propre dignité. Nous luttions le dos au mur, avec comme seul recours notre détermination et notre capacité à influencer l'opinion publique. Il faut saluer ici la lutte exemplaire de nos compagnes et compagnons membres du SPGQ, dont l'action de grève a forcé le gouvernement à se démasquer très tôt. Le matin où nous avons fermé le «G» à Québec, le gouvernement a entrevu ce que pouvait produire l'alliance CEQ-SPGQ. Cette mobilisation exemplaire du SPGQ aura été un stimulant pour celles et ceux qui allaient poursuivre la grève. A ce moment, la hargne du Premier ministre et de ses acolytes monta d'un cran: ce fut la Loi 111. Nous avions fait le choix de la «raisonnabilité», voire du statu quo. Le gouvernement a rétorqué par une loi-matraque sans précédent contre le droit syndical et certaines libertés fondamentales. En la défiant, nous avons refusé d'être les complices du sabotage des services publics québécois; nous avons refusé d'être des domestiques dociles et muets, résignés et effarés par 80 000 pages de décrets. Lorsqu'il a fait adopter la Loi 111, la nuit où il m'a fait «détenir» en votre nom, à la porte de l'Assemblée nationale dans le but d'empêcher la CEQ d'intervenir en temps utile auprès du Lieutenant-gouverneur, cette journée-là, le Premier ministre a écrit une page bien triste de la petite histoire de la démocratie québécoise, et signé une page bien déshonorante de sa propre odyssée pathético-politique. Notre message a porté. Durant ces mois de lutte et de débat public, nous avons tout de même pu, en riposte à la propagande de l'État, développer un message fort consistant sur la qualité et le niveau des services publics au Québec, et y intéresser nombre de parents, de groupes de jeunes, d'organisations populaires. En rejet de la Loi 111 s'est formée une très large Coalition démocratique, à laquelle la Fédération des associations de professeurs d'universités du Québec (FAPUQ) et la Ligue des droits et libertés ont apporté une précieuse contribution. Au plan des solidarités nouvelles, une période somme toute fort féconde, grâce en particulier au dynamisme de certains de nos syndicats dans leur propre milieu. Nous devons rappeler ici les appuis très nombreux que nous avons reçus de dizaines de syndicats à travers le pays, et souligner de façon tout à fait particulière la solidarité magnifique et tangible de nos collègues canadiens regroupés au sein de la Fédération canadienne des enseignants (FCE) qui n'ont pas hésité à créer un fonds d'aide d'un million de dollars, pour nous du Québec. Merci aussi à la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) et à la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) dont les affiliés nous ont appuyés, à partir de tous les continents. Merci aussi à la National Education Association (NEA) d'avoir fait front commun avec nous contre la Loi 111, et ce, à partir de Washington. La résistance s'est poursuivie. Secoués certes, mais ni déracinés ni abattus, nous sommes sortis de cette bataille en conservant un haut niveau de confiance entre nous, parce que tout au long du parcours nos règles démocratiques ont continué de fonctionner pleinement. Au lendemain de la tourmente, donc après la Commission parlementaire de mars (les «Bérubik», vous vous souvenez?) et par-delà la période des médiations, nous nous sommes retrouvés sous le coup de conditions de travail diminuées certes, mais aussi devant une réalité politico-syndicale plus claire. Nous entrions de plain-pied dans l'ère des décrets, donc de l'autoritarisme en matière de conditions de travail et de droits syndicaux. Pour ce qui est de nos syndicats d'enseignantes et enseignants de commissions scolaires (CECS), la lutte s'est prolongée en 1983-84, à travers la mobilisation générale qu'a entraînée la participation à l'enquête sur la condition enseignante conduite par le CSE et la demande de réouverture sur la tâche. Le temps faisait son oeuvre, certes, mais pas dans le sens de ce que le pouvoir avait espéré. Encore une fois, à l'occasion de ce nouveau débat sur la condition enseignante, il a été démontré qu'entre le discours officiel de la CEQ et le message de notre base, il n'y a pas de hiatus. Notre détermination à lutter contre les décrets et à «restaurer l'école publique», plusieurs interventions des faiseurs d'opinion, les constats et recommandations du CSE, tout un mouvement d'opinion en somme a contraint le nouveau titulaire du MEQ à accepter le gel de la tâche en 1984-85 aux conditions de 1983-84. Ce gel n'est certes pas la fin de tous nos maux, mais il nous a tous remis sur la voie de l'espoir: il est possible de récupérer notre pouvoir de négociation, lorsque la mobilisation est au rendez-vous. C'est beaucoup dans les circonstances. Félicitations à toutes celles et ceux, y compris nos secteurs soutien et professionnels, qui ont concouru à cette initiative profitable à tous. Saluons aussi la sensibilité manifestée à ce jour par le CSE à l'égard de la condition enseignante et espérons que le rapport final de cette étude sera de nature à forcer la reprise de débats autour de dossiers que le pouvoir a cru trop tôt être en mesure de fermer par la force, plutôt que faire évoluer par le dialogue et la négociation. Des obstacles importants. Les enseignantes et enseignants du collégial se sont par contre heurtés à un refus total de la part du MEQ dans leur tentative de ré-ouvrir le dossier de la tâche. Même refus ou presque de la part du Conseil du Trésor, à la volonté du SPGQ et de tous les groupes de professionnelles et de professionnels de l'éducation et des affaires sociales de reprendre la négociation sur le Grade ou la Classe I. Quant à nos collègues professionnels d'universités, leur négociation s'est éternisée pendant 18 mois et s'est soldée par le transfert à peu près complet des conditions des décrets dans leurs conventions. C'est donc dire que tous nos regroupements sectoriels rencontrent encore des obstacles importants dans leurs efforts visant à mettre en échec ces décrets-carcans qui entravent notre pouvoir de négocier et pèsent sur nos conditions de travail. Je vous invite, dans tous les secteurs et sur une base intersectorielle large, à reprendre l'élan qu'il faut pour en arriver à nos objectifs, le plus tôt possible. Tout au long de ces luttes et conflits, il me faut souligner le précieux concours de la CICC-N, au plan de la coordination et de l'orientation de nos travaux. Quelques difficultés ont cependant surgi quant à la composition de cette instance, ce sur quoi il nous faudra revenir à l'automne. Pourquoi ne pas en profiter pour tenter de réviser aussi le rôle et le fonctionnement des autres instances de coordination de la négociation, tout en tenant compte de la place à accorder à des groupes reliés à nous par cartel ou entente de services, tels le SPGQ, la FPSEQ, l'APEP et la PACT, groupes dont la contribution a été pour tous un enrichissement qu'il convient de saluer avec chaleur. Dans nos autres secteurs, sans avoir l'ambition d'être exhaustif, je me dois tout de même de mentionner la longue et fructueuse lutte menée par notre affilié du Conseil des loisirs de la région de Québec, sous le coup d'un lock-out de près de trois mois. De même l'action extrêmement valable conduite par le Syndicat des travailleurs et travailleuses du Centre d'accueil Anne-Le-Seigneur, où nous avons obtenu la mise en tutelle de l'établissement, ce qui a conduit à un assainissement général de la situation. Des actions de grève ou d'une autre nature ont dû être prises pour dénouer plusieurs autres situations difficiles: rappelons les cas des établissements O'Sullivan, Bart, Peter Hall, de l'École d'agriculture de Ste-Croix, de la Cafétéria du Cegep Édouard-Montpetit, de l'Académie St-Louis, du Collège Beaubois et de l'École Letendre, du personnel de soutien de l'École polytechnique et des chargés de cours de l'Université de Sherbrooke. Soulignons enfin l'heureux dénouement qu'a connu la négociation serrée que vient de terminer le Syndicat des techniciens de Radio-Québec depuis peu en entente de services avec nous. En somme, chaque fois, le nécessaire a été fait, ou est en cours, tant au plan de la négociation que de la mobilisation pour trouver une solution satisfaisante pour celles et ceux-là de nos membres non assujettis au régime de la Loi 55. A travers toutes ces actions de négociation et de mobilisation, notre ligne en a été une de résistance farouche au dénigrement et aux menaces d'abord, puis aux décrets. Cette ligne de conduite nous a en quelque sorte amenés aux abords de la prochaine ronde. Depuis quelques mois en effet le gouvernement ne nous propose-t-il pas une série de «comités mixtes»? Ne vient-il pas, en la personne du président du Conseil du Trésor, de nous annoncer de façon à peine voilée les grands paramètres de la prochaine négociation? En retour, nous sommes quelques organisations à envisager une réouverture globale des décrets à compter de 1985, avec la perspective d'en arriver à un accord de plus longue durée. Toutes ces questions feront l'objet de consultations cet automne, mais elles sont d'ores et déjà à l'ordre du jour de nos débats. Notre plate-forme syndicale est en chantier. Le Congrès de 1982 nous avait donné le mandat d'établir et de diffuser une plate-forme de revendications sociales, économiques et politiques, représentant l'essentiel des orientations de la Centrale. Sans qu'il soit possible de déposer le tout sous forme consolidée à ce Congrès-ci, il faut reconnaître que cette «plate-forme» a connu plusieurs développements substantiels. Les lois du travail. Dans un mémoire adopté par le Conseil général, la CEQ a abordé en juin 1983 principalement les points suivants du projet de loi 17 traitant du Code du travail: l'accès à la syndicalisation, les dispositions anti-scabs, la protection des droits dans le cas des transferts d'entreprise, le retrait de l'injonction du champ des relations de travail, la cessation de l'ingérence gouvernementale dans la vie syndicale, l'accréditation multi-patronale. A cette occasion, nous avons réussi à nous concerter avec d'autres organisations syndicales ainsi qu'avec la Coalition sur les normes minimales d'emploi et d'accès à la syndicalisation. Nous avons aussi soumis un mémoire sur le projet de loi 42 portant sur les accidents de travail et les maladies professionnelles; nous y avons notamment défendu une définition englobante de la notion de «maladie professionnelle», et soutenu le principe général de la présomption favorable au travailleur ou à la travailleuse affectée. En septembre dernier, nous avons tenu un important colloque sur «les droits syndicaux et le droit du travail». Les retombées de ce colloque pourront particulièrement bien être mises à profit dans le cadre des activités que générera la Commission consultative sur le travail (Commission Châtillon) récemment créée avec mandat de réviser l'ensemble des lois du travail. Comme syndicalistes, nous devrons continuer d'investir de plus en plus dans le champ du droit du travail, qui constitue le fondement même de l'aire où nous oeuvrons. Au plan du travail encore, dans le cadre d'une coalition intersyndicale regroupant la CSN, la FSPIIQ, le SPGQ, la FQII, nous avons soumis un mémoire à la Commission Wallace, comportant une analyse et une dénonciation du travail à temps partiel, une mesure qui affecte plus particulièrement les femmes et les jeunes. La CEQ, de même que le SPGQ, se sont aussi présentés en Commission parlementaire sur l'avant-projet de loi amendant la Loi de la Fonction publique. On sait que depuis lors le gouvernement a aboli le ministère de la Fonction publique, dont la responsabilité est maintenant assumée par le Conseil du Trésor. De plus une opération de morcellement de la fonction publique est en cours, dont il nous faudra prendre la mesure le plus tôt et le plus sérieusement possible. Devant le groupe parlementaire fédéral sur la reforme des pensions, nous avons été l'une des rares organisations à mettre en lumière le caractère inéquitable du mode de financement actuel des régimes publics contributifs. Dans le cadre de la Coalition pour une retraite décente (14 organismes), nous avons adhéré à une plate-forme commune demandant l'amélioration des régimes publics de base, la réforme des régimes supplémentaires de rentes et visant à améliorer la situation particulière des femmes. Nous avons aussi entrepris, de concert avec les intéressés, des démarches de plus en plus engageantes dans le dossier du régime de retraite des religieuses et religieux sécularisés depuis le premier juillet 1965. Le débat sur l'économie. Au plan économique, c'est dans un mémoire soumis à la Commission MacDonald que nous avons fait valoir nos positions sur les éléments d'une stratégie industrielle globale, ainsi que sur les droits sociaux et démocratiques à assurer en période de crise et de restructuration économique. Nous y avons particulièrement mis de l'avant une proposition pour maintenant, soit l'idée d'une subvention au travail pour la création d'emplois additionnels, une forme d'action économique positive pour l'emploi. Nous avons aussi pris part au Colloque de l'Institut national de productivité (INP) sur le thème de «la productivité dans le secteur public». Trop souvent galvaudé, le concept de productivité ne saurait s'appliquer dans le secteur des services selon les mêmes règles que dans le secteur de la production; nous y avons démontré que des conditions de travail négociées, que la qualité de vie au travail et que l'octroi de budgets adéquats étaient à la base même d'une productivité bien comprise dans les services publics. La lutte des femmes. Avec des ressources modestes étant donné l'ampleur de la tâche, le Comité de la condition des femmes, en collaboration avec le réseau des responsables, a travaillé sans relâche à sensibiliser l'ensemble des membres à la situation discriminatoire que vivent les femmes, y compris à l'intérieur de notre organisation. Leurs interventions, endossées par le Bureau national et le Conseil général, ont porté sur des dossiers tels les conditions de travail et les congés de maternité lors des négociations, mais également sur des questions plus difficiles telles que le harcèlement sexuel et la violence faite aux femmes. Nous leur devons de plus d'avoir initié l'enquête sur la participation et le militantisme des membres de la CEQ, dont les résultats nous montrent des problèmes auxquels il faudra nous attaquer sans tarder. Il nous faudra avoir le courage de remettre en question certaines pratiques et d'expérimenter de nouvelles formules de travail syndical favorisant la participation d'un plus grand nombre de membres et facilitant la participation des femmes en particulier. Enfin, il faut souligner la collaboration constante dont ont fait montre au cours des dernières années les groupes de femmes des différentes centrales et des syndicats indépendants. Peut-être les dirigeants-syndicaux-hommes devraient-ils leur demander conseil ou encore leur laisser une plus large place dans les relations intersyndicales... L'éducation. Sur les questions éducatives, nous avons multiplié les représentations de toutes sortes, à propos notamment de la formation professionnelle des jeunes, de la formation et du perfectionnement des enseignantes et enseignants, de l'informatique en éducation, du projet de règlement sur l'enseignement collégial, de l'avenir de l'enseignement collégial, ainsi que de l'éducation des adultes. A ce chapitre, il faut certes accorder une mention particulière à la campagne menée avec succès contre le projet de loi 40 relatif à la restructuration scolaire. Concocté par le ministre Laurin, à la suite d'une consultation-bidon typique, ce projet de loi que rien ne justifiait vraiment dans ce que son auteur considérait comme essentiel, i.e. «l'école-pivot», a réalisé la quasi-unanimité... contre lui. Ainsi que nous l'avons démontré en Commission parlementaire et tout au long de notre campagne d'opinion, la première version de ce projet de loi n'annonçait rien de plus au plan de l'éducation, rien de positif au plan démocratique, rien de rassurant au plan des droits syndicaux C'est pourquoi nous en avons demandé le retrait, ainsi que d'autres l'ont fait. Nous avons eu une première surprise: c'est le ministre-auteur qui a d'abord été retiré. Quant au projet de loi, il est aux soins intensifs sous l'oeil attentif du ministre Bérubé, et il pourrait bien refaire surface, dans une forme améliorée. Toutes les parties intéressées, commissions scolaires, parents, directeurs d'écoles, directeurs généraux, cadres scolaires, ainsi que nous, avons en effet poursuivi et approfondi les échanges .. plusieurs points d'accord ont été dégagés... de désaccord aussi, mais n'anticipons pas davantage avant de voir le produit final. Nous conservons le sentiment d'avoir contribué, à travers notre participation à ce débat, à préserver certains acquis éducatifs et démocratiques (sauf sur la question confessionnelle), à affirmer la place des personnels, et à mieux assurer nos droits ou du moins notre pouvoir de négociation. De plus, nos relations avec les parents pourraient s'améliorer, si tant est que le nouveau projet de loi prenne en considération nos vues sur les rôles respectifs mais aussi complémentaires des parents et des personnels de l'enseignement, tant à l'école qu'à la commission scolaire. En ce qui a trait à l'enseignement collégial, c'est d'une part devant la Commission parlementaire chargée d'étudier le Projet de règlement des études collégiales (PREC) et devant le Conseil des collèges d'autre part que nous avons défendu notre conception d'un Cegep accessible et démocratique, dispensant une formation respectueuse du développement intégral des jeunes plutôt que soumise aux impératifs de l'entreprise privée ou du marché extérieur. Pour l'éducation des adultes, un secteur où les besoins sont criants, nous avons revendiqué d'abord l'existence d'une politique. Enfin rendu public à la fin de février dernier, cet énoncé de politique gouvernemental s'est avéré fort décevant pour tous ceux et celles qui espéraient voir reconnaître à tous les adultes le droit à des services éducatifs gratuits leur permettant d'acquérir une formation de base, avec priorité accordée aux groupes les plus défavorisés et les moins scolarisés. Le gouvernement semble en effet fort sensible aux sollicitations des entreprises soucieuses d'adapter la main-d'oeuvre aux besoins de «leur» virage technologique; il a beaucoup moins d'écoute pour les revendications soutenues depuis plusieurs années par l'ensemble du mouvement syndical et des organisations progressistes en faveur du droit à l'éducation pour les adultes et du droit à des conditions de travail décentes pour celles et ceux qui oeuvrent dans ce secteur. C'est une lutte qu'il nous faudra poursuivre avec acharnement. Mentionnons encore la parution de trois cahiers pédagogiques portant respectivement sur la lutte contre le racisme (à l'initiative du MQCR), sur la récupération à la source (grâce à la collaboration d'enseignantes et enseignants du Syndicat de l'enseignement des Bois-Francs), et sur les droits humains. Notons que ce dernier ouvrage est d'une qualité remarquable, ce qui lui a valu d'être cité en exemple au plan international. Espérons qu'il continuera d'avoir un impact auprès de la majorité de nos propres membres et dans le milieu québécois de l'éducation. Toujours à titre de contribution à notre plate-forme politique large, il nous faut rappeler l'adoption par nos instances de motions touchant l'emploi, la jeunesse, la paix et le désarmement, la question de l'adaptation scolaire, les droits des femmes . et la liste n'est pas complète. Les droits démocratiques. Sur le terrain des droits et de la démocratie, trois interventions en commission parlementaire sont à souligner: sur les amendements à la Charte des droits et libertés, sur la modification de la Charte de la langue française, et sur la réforme du mode de scrutin. A l'occasion des conférences socio-économiques auxquelles la CEQ a participé sur mandat du Conseil général, nous avons fait valoir nos vues et nos propositions sur des questions telles que la récupération et le recyclage du papier et du verre, l'impact de l'électronique et de l'informatique (sur la société, le travail, les droits, etc.), et la politique internationale du Québec. Il faut enfin mentionner le travail qui est en voie de réalisation d'une part dans le secteur du loisir, où nous avons entrepris de sensibiliser le ministre responsable a certaines réalités concrètes, et d'autre part dans le secteur des communications et des nouvelles technologies, où en collaboration avec plusieurs groupes syndicaux et l'ICEA, nous avons élaboré des positions sur la télématique et les communications. Il faut aussi souligner notre prise de position, de concert avec la Ligue des droits et libertés, contre le projet de loi C-9 créant une agence civile de renseignements fédérale. A la recherche des convergences. Il ressort du tableau des initiatives que nous avons prises et auxquelles nous avons participé que nous avons pratiqué une politique d'alliances et de convergences les plus larges et les plus fréquentes possibles: sur les questions du travail, de l'emploi, de la santé-sécurité au travail, sur la condition et les droits des femmes, sur le dossier jeunesse, sur les nouvelles technologies, sur l'éducation des adultes, sur la réforme des pensions, sur la politique internationale du Québec. A ces regroupements conjoncturels auxquels nous nous joignons, il faut encore ajouter notre participation à plusieurs organismes-carrefours, tels la Ligue des droits et libertés, l'Institut de recherches appliquées sur le travail (IRAT), le Centre international de solidarité ouvrière (CISO), l'Institut canadien d'éducation des adultes (ICEA), et divers organismes militant pour la paix, contre la discrimination. Notre accès et notre contribution à autant de lieux d'échanges et de collaboration nous apparaissent un excellent moyen à la fois de nous éclairer et de nous enrichir des analyses des autres, et aussi de présenter le point de vue de notre organisation pour ce qu'il est vraiment, sans cette distorsion qu'en présentent souvent nos adversaires et une certaine presse. A propos, qu'il me soit permis de souligner avec fierté la transformation de notre Magazine CEQ auquel a succédé la nouvelle formule MOUVEMENTS. MOUVEMENTS s'inscrit au coeur même de notre recherche des convergences, puisqu'il a pour but d'apporter sa contribution à la diffusion d'une information différente faisant écho aux préoccupations, luttes, intérêts et aspirations du Québec progressiste. S'il est vrai que le temps et les moyens nous ont fait défaut pour réunir sous la forme d'un document consolidé et facilement accessible l'ensemble de nos revendications et propositions sociales, économiques, politiques, démocratiques et éducatives, telles qu'elles se sont exprimées et actualisées depuis deux ans, nous vous soumettons qu'il y a tout de même eu un développement sensible de plusieurs des volets de cette «plate-forme» englobante que notre dernier Congrès nous donnait comme mandat de réaliser. Une politique de représentation syndicale active. Sous l'éclairage d'une part des deux séries de résolutions adoptées par nos Congrès de 1980 et de 1982 sur la représentation syndicale, et d'autre part d'un bilan de nos relations avec l'État produit en décembre dernier par le Bureau national, le Conseil général a autorisé la participation de la CEQ aux trois conférences socio-économiques déjà mentionnées, ainsi qu'aux travaux de la Commission Châtillon; il a de plus demandé et obtenu notre réintégration au Conseil consultatif du Travail et de la Main-d'oeuvre (CCTM), et autorisé la présentation de candidatures au CSE, au Conseil des universités, à la Commission des droits de la personne du Québec, à l'Office franco-québécois pour la jeunesse, au Conseil de la langue française. Le Conseil général a par ailleurs adopté des règles précises concernant l'exercice de ces diverses présences et représentations qui sont encore loin d'être en oeuvre pour un certain nombre. Il a été aussi prévu qu'en plusieurs de ces lieux la présence de la CEQ pourrait être assurée par des personnes issues de notre milieu, et non par nos responsables politiques ou nos employés. Certains ont qualifié ces orientations adoptées à forte majorité par le Conseil général de «virage» - Tout dépend de ce qu'on entend par ce terme. Si par «virage» on veut dire que, ce faisant, la CEQ s'arrange pour rester sur la route, pour participer aux débats qui affectent les intérêts de ses membres ou qui sont d'un intérêt social large, plutôt que de s'absenter ou de s'abstenir, oui en ce cas, c'est un «virage» au sens où nous en prenons tous les jours en conduisant notre voiture, un virage nécessaire dans les circonstances et largement attendu de nos membres. En toute cette matière, il y a deux ou trois écueils à éviter. Une politique de présence et de représentation syndicale bien assumée comporte des exigences de préparation, de consultation, de concertation avec des partenaires éventuels, bref de coordination Tout cela commande des travaux et nécessite du temps. Il faut donc sélectionner nos priorités avec soin et non partir dans toutes les directions à la fois D'autre part, il faut s'assurer d'une marge d'autonomie certaine dans la conduite de ces activités. Le gouvernement n'a, par les temps qui courent, que le terme «concertation» à la bouche. C'est à la fois une opération de propagande et probablement un projet réel dans quelques secteurs. Libre à nous d'établir, avec nos partenaires syndicaux et autres, notre propre stratégie, et de marquer nos désaccords ou nos points d'accord là et quand cela s'impose. Libre à nous d'avancer les propositions qui correspondent à nos mandats, et de nous retirer, le cas échéant, de rencontres ou de conférences qui nous paraîtraient hors d'influence pour nous. Notre maturité, celle du mouvement syndical, populaire et progressiste, consistera justement, à mon avis, à se coordonner et à se lier le plus possible entre nous, dans une vision stratégique commune de ces présences et participations. Bien souvent, la partie n'est pas jouée avant que nous intervenions. Si nous le faisions mieux préparés, mieux coordonnés, le gouvernement et le patronat seraient moins en mesure d'adopter des politiques réactionnaires, que ce soit sur le travail, les lois sociales, l'économie, la démocratie, ou les services publics. Tel est le mouvement que nous sommes en train d'effectuer, sous le contrôle du Conseil général. Je tenais à l'expliquer le plus clairement possible de façon à ce que nous puissions, dans deux ans par exemple, procéder à un premier bilan de la mise en oeuvre de cette politique active et démocratique de représentation syndicale. Nos solidarités se développent. Au plan canadien, nous devons nous réjouir du niveau et de la qualité des relations et des échanges atteints entre la CEQ et la Fédération canadienne des enseignants (FCE). Ainsi cette Conférence spéciale, tenue en novembre 1982 par nos deux organisations et tous les syndicats d'enseignants du pays, où nous avons convenu de lutter ensemble en faveur de l'école publique et du droit à la libre négociation. Nous avons aussi appuyé la lutte des enseignants de Colombie-Britannique, resserré nos liens avec les syndicats de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, ouvert le dialogue avec la Confédération des syndicats canadiens et participé à un réseau pan-canadien d'organisations syndicales de professionnels. A un niveau plus large continuent de se développer nos rapports avec la National Education Association (NEA - USA), la Fédération de l'Éducation nationale de France (FEN), la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE); et bientôt nous adhérerons à la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) comme membre associé. Nos solidarités à l'échelle internationale se sont concentrées autour de trois pôles: l'hémisphère inter-américain (Nicaragua, Salvador, Chili, etc.), le Moyen-Orient (Palestine, Liban), l'Afrique australe (Afrique du Sud, Angola, Mozambique). Nous avons aussi participé au comité d'action Solidarnosc, à la campagne d'appui au SUCO, et à diverses autres initiatives jugées valables. En novembre dernier, nous avons participé à Lisbonne à une Rencontre internationale de syndicats de l'enseignement portant sur notre contribution à l'édification d'un Nouvel ordre économique international. En mars dernier, la CEQ participait aussi à une importante Rencontre internationale pour la paix et le désarmement regroupant à Paris des délégués de 40 pays. A travers ce déploiement de présences, d'activités et de prises de position, nous avons suivi fidèlement, croyons-nous, les jalons définis par notre dernier Congrès en cette matière. Quel que soit le régime politique au pouvoir, la violation des droits fondamentaux par certains États, à l'Est ou à l'Ouest, en Libye ou en Israël, en Afrique du Sud, en Uruguay ou au Chili, ne doit pas nous laisser insensibles Nous n'aspirons pas à couvrir toutes les situations, mais nous tâchons de ne pas être indifférents à toute atteinte portée à l'exercice des droits et libertés démocratiques et plus particulièrement des droits syndicaux et du droit à I éducation, qui nous est signalée. Plus près de nous. Le Conseil général et le Bureau national ont reçu ou appuyé plusieurs groupes de travailleurs en difficulté, affiliés à d'autres centrales: Acier (Sorel), Expro (Valleyfield), les Métallos d'Anjou, les travailleurs de la raffinerie Texaco, ceux du transport de la CTCUM, de Télémétropole; ou encore des groupes tels le Comité Survie de Grande-Vallée, Nous tous un Soleil, la Fondation d'aide aux travailleurs accidentés, des associations de locataires. Dans ce même contexte, nous avons apporté un appui aux luttes de l'ANEQ et du Regroupement autonome des jeunes (RAJ) Comment ne pas souligner aussi cette initiative importante de la CSN qu'a été la Grande Marche pour l'emploi à laquelle nous avons contribué, ainsi que diverses manifestations pour la paix auxquelles nous avons pris part. Au niveau syndical proprement dit, la CEQ a constamment recherché une politique d'unité d'action avec la CSN et la FTQ. Pour nous, il s'agit d'une pratique que nous entendons poursuivre le plus largement possible. Par ailleurs, nous tenons à compléter nos relations inter-centrales par des rapports avec des organisations telles la Fédération des associations de professeurs d'universités du Québec (FAPUQ), le Syndicat des fonctionnaires provinciaux (SFPQ), la Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et d'infirmiers (FSPIIQ) et d'autres regroupements du même secteur. Nous estimons souhaitable et souventes fois possible d'en arriver à une communauté de vues, voire d'action, avec ces organisations indépendantes C'est là aussi une manière concrète de renforcer l'unité d'action du syndicalisme québécois. L'avenir du syndicalisme dans les services publics au Québec. Nous avons entrepris une réflexion sur l'avenir et le développement de notre organisation, ainsi que l'a demandé le Congrès de 1982, sans pouvoir avancer beaucoup cependant, tellement ces deux années ne nous ont laissé aucun répit. Au plan interne, il nous faudra certes procéder au réaménagement ou à la rationalisation de nos paliers de responsabilités: croissance et diversification obligent! Au plan extérieur, ce mandat d'élargissement de la CEQ à d'autres groupes renvoie à une question plus globale: l'avenir du syndicalisme dans le secteur public ou dans les services publics au Québec. En effet nous ne pensons pas que le statu quo ait de quoi nous rassurer, quand on considère à la fois l'ampleur des organisations indépendantes (au-delà de 100 000 membres), et la faiblesse du dernier Front commun. Quand nous parlons de notre avenir face à cette question, nous tentons en toute légitimité de trouver les moyens de défendre au mieux le plus grand nombre possible de salariés, notamment dans le secteur que nous occupons déjà largement, soit les services publics. Quand nous établissons un lien de cartel ou d'entente de services avec une autre organisation, ce n'est pas pour le plaisir de vendre nos services en «pièces détachées», mais plutôt dans la perspective directe d'en arriver à établir un lien permanent d'affiliation, comme l'illustre très bien la démarche de fusion entreprise par notre affilié, le SPPRSQ, et la Fédération des professionnelles et professionnels des services éducatifs du Québec (FPSEQ). Quant à nous, nous avons le sentiment que le syndicalisme du secteur public et parapublic - très élevé en pourcentage - a pourtant besoin de se consolider passablement, depuis les déboires de ce que l'on a appelé la dernière ronde de négociation. La nécessité de ce renforcement devrait sauter aux yeux de toutes les centrales Malgré les critiques formulées par la CSN sur notre projet - elle en a d'ailleurs discuté beaucoup plus que nous - , nous allons continuer d'y oeuvrer le plus résolument possible. Le maraudage, ce n'est ni notre projet ni notre méthode de travail. Toutefois la liberté d'allégeance syndicale, ça existe, et notre organisation constitue un cadre de luttes et de services qui peut intéresser des groupes indépendants ou laissés à eux-mêmes. Par ailleurs, au niveau des centrales, je l'ai dit et je le répète, nous sommes côte à côte trop souvent et en trop d'occasions importantes pour nous payer le luxe de fausses compétitions La CEQ n'a de visée contre personne et ne prétend imposer à personne sa conception du vrai syndicalisme. Nous prétendons tout au plus avoir le droit de contribuer à renforcer le secteur dont nous faisons déjà partie, et nous espérons obtenir «le même respect dans la différence» de la part des autres centrales que celui que nous leur accordons. Au jour le jour et d'arrache-pied. Au terme de cette rétrospective, je sais que les uns m'en voudront d'avoir été trop long, les autres d'avoir omis telle ou telle de nos actions ou préoccupations. Tout en soulignant que le Bureau national déposera tout à l'heure devant vous un rapport beaucoup plus détaillé de nos activités 1982-84, je m'en voudrais de ne pas mentionner au moins brièvement la collaboration au jour le jour et d'arrache-pied fournie par nos équipes affectées aux communications, aux services juridiques, à l'exploitation des décrets, à la sécurité sociale, aux négociations institutionnelles, à l'organisation et à la formation, à la lutte des femmes, à la pédagogie et aux solidarités. C'est ce travail quotidien, bien souvent invisible dans les instances et dans les médias, qui constitue pourtant le gros de notre mandat syndical de défense de nos droits et de nos conditions; c'est cette contribution que je voulais saluer et remercier devant le Congrès. Nous avons occupé notre terrain. En résumé, quatre lignes de force me paraissent caractériser nos luttes des deux dernières années: une action revendicative énergique et inlassable, à partir même des besoins et désirs des membres; le développement de plusieurs volets d'intervention de notre organisation, tant par l'élaboration de positions sur des questions nouvelles que par l'accès à des lieux plus variés pour les promouvoir; notre insertion dans un réseau de convergences et de solidarités toujours plus diversifié et engageant; enfin un début de cheminement sur nos propres pratiques syndicales, mais aussi sur ce que nous sommes et voulons être comme organisation syndicale dans le secteur public et face au domaine des services publics en général. Sur la base de ces acquis d'une part, stimulés par ces «nouveaux possibles» d'autre part, il me semble que nous avons en main tous les matériaux qu'il faut pour dégager la vision stratégique des défis qui nous attendent, pour ensemble «reconstruire l'espoir». Mais d'abord, voyons d'un peu plus près le contexte qui prend forme sous nos yeux et cernons-en les enjeux. Vers quelle sorte de crise? L'élaboration de toute stratégie d'intervention exige que nous nous interrogions sur le genre de société vers lequel nous allons, sur la nature des transformations en cours ou prévisibles; cela suppose aussi que nous prenions la mesure de certaines «tendances lourdes» et des contradictions qu'elles ne manqueront pas de générer. Une économie d'information? Des prospectivistes américains estiment que l'opinion publique de leur pays est en train d'accepter ce qui lui a toujours paru impensable jusqu'à présent: les USA sont en train d'entrer de plain-pied dans «une économie d'information», i.e. une économie dont la ressource la plus stratégique ne serait ni la main-d'oeuvre ni les ressources naturelles, mais la production, le contrôle et la distribution de l'information et de la connaissance'. Selon cette thèse, la société industrielle est chose du passé et rien ne sert de chercher à s'y agripper. Bien au contraire, les entreprises clairvoyantes devraient redéployer leur production traditionnelle au niveau international, et se réorienter en ce qui a trait à leurs affaires domestiques vers le développement maximal de cette «économie de l'information», où travaillerait déjà quelque 65 % de la main-d'oeuvre américaine. Dans cette optique, l'humanité - du moins sa fraction américaine - entrerait dans «une parenthèse historique», qui pourrait bien être l'amorce d'une société qualitativement différente, où les activités de base et les échanges horizontaux seraient plus intenses, où la société se ré-humaniserait dans un cadre favorisant davantage la participation de chacun aux décisions le concernant. Adam et _ve qui reprennent la route du Paradis terrestre! Le prix à payer est énorme. Nous laisserons à d'autres le soin de discuter si nous entrons dans une ère post-industrielle, comme le soutiennent Alvin Toffler et Servan-Schreiber, ou dans une ère néo-industrielle comme le prétend Kimon Valaskakis. Mais il faut voir que la vague actuelle, «nouvelles technologies, informatique, ère de l'information», est actuellement convoitée et utilisée justement pour assurer le maintien de l'hégémonie au Centre, pendant que la périphérie aura à son tour son permis d'industrialisation Nous savons trop quel prix devront payer des centaines de millions d'êtres humains habitant des dizaines de pays pour la réalisation de cette «économie de l'information» dirigée par la Maison Blanche et le complexe militaro-industriel américain. Ce «nouvel» ordre économique international ne présage rien de bon, sauf pour ceux qui détiennent les commandes de l'empire. Certains parlent même de crise de civilisation et d'une crise culturelle. «La crise ne vient pas seulement du développement technique, ni du développement économique, écrit P. H. Chombart de Lauwe. Elle est plutôt l'expression de l'utilisation au profit des riches des possibilités offertes par le perfectionnement de plus en plus rapide des techniques, au mépris des conséquences nuisibles pour les plus défavorisés et pour l'équilibre même de la vie terrestre. Devant un tel aveuglement, une telle aberration, il a été question d'une crise de civilisation.» Les indices de cette crise sont en effet bien connus: inégalités croissantes entre les pays et au sein de chaque pays, la faim dans le monde, la dégradation de l'environnement, la recrudescence de la discrimination et de la répression, la rivalité entre les blocs, le déploiement des systèmes militaires. S'il est vrai que nous entrons, à l'instar des pays à économie capitaliste avancée, dans une ère où peut se développer une société d'information permettant des rapports d'échanges plus horizontaux, il est tout aussi vrai que le véritable enjeu porte au niveau de l'actuel rapport de domination qui est sous-jacent à tous ces changements technologiques-économiques. «Derrière toutes les discussions sur un nouvel ordre économique mondial, poursuit Chombart de Lauwe, la véritable question sous-jacente est celle d'un changement radical du mode de décision et d'un changement de système de valeurs. La crise matérielle de la civilisation cache une crise culturelle de la conception du monde en fonction de laquelle s'opèrent les choix économiques et politiques.» (Nous soulignons) C'est aussi le sens du message que nous a laissé tout récemment à Montréal le célèbre René Dumont qui a passé cinq décennies au service des défavorisés de la planète. «La faim reste, avant tout, un problème politique», a-t-il répété, tout en stigmatisant certaines formes d'aide contre le développement, et en rappelant que sans le droit à la terre et à l'eau, sans le droit au travail et à la production, sans le droit à la dignité, il n'y a pas de développement qui tienne. Des rapports sociaux à transformer. Une mutation technologique d'une ampleur sans précédent est certes amorcée et elle ne fera que s'accentuer d'ici la fin du siècle. Mais ces perturbations et les adaptations qui auront lieu ne produiront pas, mécaniquement, la résorption des inégalités sociales existantes, ni «le Paradis à la fin de nos jours». Sans réaménagement concomitant des rapports sociaux et de la répartition de la richesse, toute réorganisation de la production, fût-elle à base d'économie d'information, ne fera qu'accroître les inégalités à l'intérieur des États et entre les États. Le dilemme, c'est que les nouvelles technologies complètent, transforment et remplacent tout à la fois le travail humain. De ce point de vue, l'actuelle «révolution informatique» se situe dans la foulée des précédentes, et constitue, avec ses caractéristiques propres, un moment de plus de la révolution industrielle commencée il y a deux siècles. Nous constatons en effet que les technologies nouvelles interviennent comme élément actif d'une stratégie de sortie de crise, et qu'il y aura fort à faire de la part des travailleuses et travailleurs exploités et des peuples dominés pour passer victorieusement à travers les luttes sociales que ces bouleversements engendrés par la recherche du profit, de la productivité, de la compétitivité, ne manqueront pas de provoquer sur l'organisation de notre travail et de nos vies. Dans la période que nous traversons, il ressort plutôt que c'est le chômage qui a gagné la bataille contre l'inflation, que c'est la pauvreté qui l'a emporté dans la guerre qui lui aurait été livrée, que ce sont nos acquis démocratiques qui sont le plus remis en question, droits fondamentaux, droit à la santé, à l'éducation, au travail, droits syndicaux, mais aussi le droit au développement dans l'égalité des chances et dans la dignité. Tel nous paraît être l'endos de cette économie à base d'information et de nouvelles technologies que l'on nous annonce; tel nous paraît être en bonne partie l'horizon des quinze prochaines années et le nouveau contexte où nous aurons à situer nos revendications et nos luttes, et à diriger le développement du mouvement syndical en général et de notre propre organisation en particulier. On s'enlise dans la crise. Il y a deux ans, au moment de notre Congrès, les économies occidentales s'enfonçaient dans la pire récession depuis 1930. Au Québec, c'est par dizaines de milliers que les emplois étaient supprimés. Quand le creux a été atteint, au mois d'août 1982, c'est 222 000 emplois qui avaient disparu en un an, soit 8 % de l'emploi total. Le nombre de chômeurs recensés officiellement était passé entre-temps de 295 000 à 464 000. L'ampleur de cette débâcle est attribuable en bonne partie à la politique monétaire appliquée par la Banque du Canada qui singeait avec plus de zèle que nécessaire la politique monétaire américaine. C'est ainsi que la politique suivie a poussé les taux d'intérêt à un sommet vertigineux de 22,75 % en août 1981, précipitant la récession. S'ajoutant à l'effet de la politique monétaire restrictive, la hausse des taux d'intérêt était aussi alimentée à cette époque par les gigantesques opérations de prise de contrôle d'entreprises qui animaient les milieux financiers et industriels. Si telles sont les causes immédiates qui ont provoqué la récession au Canada, cela ne reflète cependant que la pointe de l'iceberg. En réalité, cette récession ne constitue qu'un moment d'une crise internationale profonde et durable affectant l'ensemble du capitalisme. A la base de cette crise on peut identifier plusieurs facteurs tels: les conséquences du déclin de l'hégémonie politico-économique américaine, l'intensification de la concurrence internationale, l'essoufflement des progrès de productivité, les fluctuations erratiques des prix des matières premières, le dérèglement du système monétaire international et le sous-développement croissant des pays du Tiers-monde. Où allons-nous? Cette année marque le dixième anniversaire de la naissance officielle de cette grande crise structurelle. Pour en saisir les ressorts, il convient de rappeler que le coeur des économies modernes est composé d'une série d'industries de production de masse fabriquant des biens de consommation de masse. Ces industries fonctionnent le plus souvent sur la base de lignes d'assemblage où les machines effectuent très rapidement des opérations très spécialisées. Le travail est organisé en conséquence: les tâches sont fragmentées et parcellisées. C'est ce qu'on appelle le taylorisme. La Grande Dépression des années trente s'explique justement parce que le pouvoir d'achat ne progressait pas au rythme des capacités productives de ces industries. Sous l'effet des luttes ouvrières un nouvel équilibre dynamique entre la production et la consommation s'est instauré dans l'Après-guerre. Le mouvement syndical a pris la tête d'une large coalition progressiste visant à étendre les gains à l'ensemble de la société en termes de protections sociales accrues, de réseaux d'éducation et de santé, de relèvement du salaire minimum, de redistribution de la richesse et de réduction des inégalités. Ce qu'on constate à partir du tournant des années soixante, c'est une saturation progressive de la production de masse de biens durables qui reposait en grande partie sur l'extension de l'urbanisation. Cela a entraîné une exacerbation de la concurrence entre pays industrialisés ou ré-industrialisés. La stagnation s'est installée. Les dérèglements du commerce international et des systèmes monétaires se sont multipliés. En même temps les marchés pour la production de masse se sont fragmentés. Les parts du marché des grandes entreprises, considérées par branche, se sont contractées de telle sorte que l'avantage de la production de masse par rapport à d'autres formes s'est réduit. A ces effets se sont conjugues ceux découlant de l'incertitude associée à la crise elle-même qui décourage les grands investissements en capital fixe. De plus, les effets des chocs extérieurs, comme ceux du pétrole, rendent problématiques les choix techniques impliquant des engagements à long terme. L'effondrement des méga-projets au Canada, par exemple, s'explique dans une telle conjoncture. Dans un contexte où la planification de la croissance des marchés ne peut plus être assurée par l'entreprise et réglée par les politiques étatiques de type keynésien (gestion de la demande globale), la dynamique des dernières années semble s'inverser. Ce n'est plus l'adaptation du marché aux besoins de la production qui doit primer (c'est là l'essence du fordisme), mais au contraire l'adaptation de l'appareil productif aux exigences du marché, comme le clament avec force les nouvelles chapelles néo-libérales. A noter que pour tout ce beau monde, il n'est jamais question de chercher une adaptation de l'appareil productif aux besoins sociaux. Première conséquence. Sous l'effet d'une concurrence internationale féroce, des pans entiers de l'appareil productif sont démantelés Les secteurs moins compétitifs, les régions qui les abritent et les populations qui en dépendent sont impitoyablement sacrifiés au profit de nouveaux pôles de croissance. C'est ce type de réalité que recouvre trop souvent l'euphémisme du «virage technologique». Dans cette veine, le journal Finance écrivait, comme s'il s'agissait de la chose la plus normale du monde: «L'épopée du fer aura duré 25 ans mais elle est bel et bien terminée; c'est bien malheureux, mais l'avenir du fer de la Côte-Nord s'estompe dans les grandes brumes de la récession du tournant des années quatre-vingt; la seule consolation est de se dire que ce minerai aura fait vivre une population de 100 000 personnes durant un quart de siècle». C'est «bien malheureux» en effet, surtout pour les milliers de travailleuses et travailleurs laissés pour compte, ce dont ne se soucient guère ni le journal Finance ni Brian Mulroney. Deuxième conséquence. Ce qui émerge c'est la technologie flexible qui permet aux entreprises de s'adapter rapidement aux conditions changeantes du marche. C'est là que les progrès de la micro-électronique prennent toute leur importance. On vise de plus en plus des séries courtes et des gammes variées de produits. Les lourds équipements qui devenaient désuets dès que le produit changeait sont remplacés par des machines-outils à contrôle numérique qu'il suffit de reprogrammer. Troisième conséquence. Cette recherche de flexibilité étendue à l'organisation du travail met en cause le plein-emploi. Pour l'entreprise, autant la chaîne de montage représente des coûts fixes, autant la forme d'organisation du travail qui lui est associée, de type taylorien, représente aussi des coûts fixes, de même que les charges sociales directes et indirectes de la main-d'oeuvre. Ce moule socio-économique a favorisé un niveau d'emploi élevé. Le patronat s'est accommodé d'une croissance du salaire direct et indirect de même que des services publics dans la mesure où les gains de productivité excédaient les coûts sociaux. Les entreprises cherchent maintenant à substituer à ces rigidités des formes plus flexibles: polyvalence, groupes semi-autonomes, sous-traitance, temps partiel, etc. Il est significatif à cet égard de constater que l'emploi à temps partiel au Québec a progressé de 9 % de l'emploi total en avril 1981 à 13,8 % en avril 1984. La possibilité technique de croissance sans création d'emploi devient une réalité. C'est bien là un des traits marquants de l'actuelle reprise alors que la croissance économique s'effectue sans création d'emploi pratiquement. A titre d'illustration, on observe que la valeur des livraisons manufacturières au Québec a augmenté de 3,5 milliards de dollars à 5,1 milliards, de juillet 1982 à mars 1984, soit une progression de 43 %. Entre-temps, l'emploi dans les industries manufacturières baissait de 28 000, passant de 565 000 à 537 000 emplois. Malgré la reprise dont le ministre des Finances du Québec parle en termes dithyrambiques, la faiblesse de l'emploi persiste partout au Canada depuis le milieu de 1983. A plus long terme, les organismes prévisionnels et les institutions publiques comme Statistique Canada, le Conference Board, l'OCDE, le Conseil économique, le ministre fédéral des Finances s'accordent à dire que les taux de chômage vont rester très élevés au cours des prochaines années. Cela ne saurait nous étonner puisque «la relance de l'économie» s'appuie en grande partie sur ce qui crée le chômage: fermetures d'entreprises non compétitives, investissements de remplacement et de rationalisation... Quatrième conséquence. Le patronat cherche à alléger un appareil administratif dont la lourdeur et l'inertie - autant au niveau de l'entreprise que de l'État - lui apparaissent incompatibles avec les exigences de flexibilité. A cet égard des gains de productivité sont recherchés par le recours à l'informatique et à la bureautique. C'est tout le secteur des services qui est soumis à la taylorisation. Cinquième conséquence. Les impacts de l'électronique sur les qualifications de main-d'oeuvre sont majeurs. Le rapport de la Commission Trois de la Conférence sur l'électronique et l'informatique conclut que: «ce qui ressort des diverses études recensées analysant les effets de l'informatisation sur les qualifications tend à démontrer: qu'il y a une bi-polarisation des qualifications. On aurait d'une part une élite de concepteurs, techniciens et experts et d'autre part une majorité d'employés semi ou non qualifiés «surveillants» de la machine ou préposés à l'entrée des données; que l'informatisation dans le secteur industriel rend désuète la qualification des ouvriers de corps de métiers traditionnels au profit d'une nouvelle catégorie d'ouvriers peu qualifiés, celle des surveillants-opérateurs. Dans le secteur tertiaire et de travail de bureau, l'automatisation a permis la suppression des tâches routinières mais a aussi entraîné une standardisation du travail qui se traduit par une perte de savoir-faire et de maîtrise sur son exécution; que l'application des nouvelles technologies peut conduire à différents modèles d'organisation, déqualifiant dans certains cas, qualifiant dans d'autres les employés qui y sont affectés.» En somme la société de demain risque de ressembler à un Boeing: du côté de la cabine de pilotage un nombre restreint de techniciens de haute volée, bien payés, jouissant d'un emploi stable, surtout des hommes; du côté du compartiment des passagers, des tâches routinières, peu qualifiées, interchangeables, mal rémunérées, exécutées surtout par des femmes. On remarque aussi que, comme dans un avion, il n'y a pas de possibilité de promotion du compartiment des passagers à la cabine de pilotage. La reprise des luttes sociales s'impose. Ce qui est donc en gestation à travers un processus invraisemblable de gaspillage de ressources humaines et matérielles, c'est un remodelage profond du contexte économique et social qui remet en cause le tissu social lui-même. La récente récession a modifié significativement les rapports de force sociaux à l'avantage du patronat. Cependant, la reprise de 1983 ne s'accompagne d'aucun relâchement de la pression exercée sur les salaires et les conditions de travail par les employeurs. De plus, le patronat se fait beaucoup plus exigeant face à l'État et ce dernier beaucoup plus complaisant. Avec comme résultat une inflexion des politiques orientées désormais vers l'encouragement des profits au détriment des salaires, vers la compression des budgets sociaux pour subventionner les entreprises, vers l'allégement fiscal des hauts revenus aux dépens de l'aide sociale, etc. Les nouvelles technologies dérivées des applications de la micro-électronique sont utilisées avant tout par le patronat en tant que technologies d'organisation du travail pour regonfler les profits, accroître la productivité et relancer l'accumulation. Mais en tant qu'avenue de sortie de crise, l'innovation technologique, lorsqu'elle survient, ne manque pas d'affecter le niveau de l'emploi, l'organisation du travail et le contrôle qu'exercent des travailleuses et travailleurs sur leur métier. En somme, l'innovation technologique découle d'une stratégie d'investissement et met en cause des choix sociaux fondamentaux. Aucun déterminisme strict ne régit la sortie des grandes crises. Les contradictions économiques et les conflits sociaux se conjuguent en un long processus fait souvent de renversements brutaux. Pour le moment, il est assez évident que les détenteurs de capitaux et les gouvernements à leur service tiennent le haut du pavé. Cependant, les succès qu'ils enregistrent n'ouvrent pas de perspectives pour la majorité populaire. L'horizon reste invariablement bloqué. Compte tenu de l'importance grandissante des nouvelles technologies, nos défis majeurs sont le contrôle des nouvelles formes d'organisation de la production et du travail et le partage de la richesse et du travail. Il incombe donc aux travailleuses et aux travailleurs, et au premier titre aux organisations syndicales qui les regroupent, d'élaborer et de mettre de l'avant des stratégies et des solutions qui déboucheront sur une sortie de crise durable, à l'avantage de la majorité. L'environnement québécois des années quatre-vingt. D'après une étude de l'Institut national de productivité la situation du marché du travail est telle que le chômage au Québec persistera à des niveaux «socialement intolérables» d'ici 1990. L'ampleur de la crise sera telle, que «même lorsqu'elle sera derrière nous, elle aura laissé des séquelles: le pouvoir d'achat des consommateurs sera sensiblement diminué, les entreprises devront consolider leur bilan et l'État québécois n'aura qu'une marge de manoeuvre financière limitée...». La crise aura donc donné lieu à plusieurs réalités qui survivront au contexte qui les a occasionnées. Au nombre des «autres chocs majeurs» qui constitueront autant de «tendances lourdes» du Québec des années quatre-vingt, l'INP relève les éléments suivants: le vieillissement de la population, la participation accrue des femmes au marché du travail, la scolarisation accrue de la population, l'importance grandissante de la qualité de vie au travail, l'accroissement de la concurrence internationale, l'insécurité face à l'augmentation constante du niveau de la vie, d'importantes modifications dans le comportement des consommateurs, la complexité et l'hétérogénéité grandissante du milieu économique, la montée de l'entrepreneurship chez les jeunes, la progression de l'économie et du travail souterrains, la désuétude de certains équipements de production, l'introduction des nouvelles technologies, la reconnaissance des limites de l'État-providence et la responsabilisation accrue des individus et des groupes intermédiaires. Si certains de ces facteurs sont vraiment négatifs sur l'emploi, d'autres sont neutres ou peuvent devenir positifs, selon l'étude, à condition que les principaux agents socio-économiques se concertent tant au plan national et sectoriel qu'au niveau des régions et des entreprises. Selon ce rapport toujours, la réalisation d'une société de plein emploi tient à «un choix politique à faire, fût-il aux dépens d'autres objectifs», tant est élevé le coût social des inégalités socio-économiques consécutif à la crise (et à la gestion qui en a été faite, croyons-nous). La réponse des gouvernements: commissions d'étude et conférences au sommet. Qu'a entrepris le gouvernement canadien face à cette lamentable dégradation de l'économie et de l'emploi? Après 15 ans de pouvoir, Trudeau n'a pas pu mieux faire que de cacher son inconscience ou son impuissance sous le noble manteau de la Commission royale sur l'union économique. Créée en novembre 1982, la Commission MacDonald a reçu le grandiose mandat de définir le Canada du vingt- etunième siècle... pour celles et ceux qui pourront s'y rendre! Un an et demi et 10 millions de dollars plus tard, la Commission dépose un premier rapport qui ne présente ni un vrai diagnostic de la situation, ni une véritable perspective stratégique. Dans les réflexions éthiques sur l'avenir de l'ordre socio-économique du pays qu'elle adressait à cette Commission, la Conférence des évêques catholiques du Canada a rappelé que le travail humain doit être le sujet de la production, avec préséance sur le capital et la technologie; que les droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs ont priorité sur la course au profit; a réclamé la participation des travailleurs dans la planification sociale et économique; a dénoncé l'attitude de laisser-faire du gouvernement face aux multinationales et autres empires financiers; a suggéré de promouvoir de nouvelles formes de propriété et de contrôle social des moyens de production par les travailleuses et travailleurs eux-mêmes. De notre côté, nous avons soutenu devant cette Commission que le développement de l'économie canadienne doit être orienté vers la satisfaction des droits humains, et vers la consolidation d'une société pleinement démocratique; que le gouvernement doit privilégier un recentrage du développement sur l'espace économique national et sur une stratégie industrielle visant le plein-emploi; que le progrès économique et social passe nécessairement par le développement des services publics et de l'éducation, par le respect de l'environnement physique, social et culturel, par le respect de la santé des travailleuses et des travailleurs. Pour ce qui est de la deuxième étape de consultation de cette Commission, nous ferons porter nos commentaires essentiellement sur l'éducation. Nous y rappellerons que l'éducation est un domaine de juridiction provinciale et qu'à ce titre, il n'y a pas lieu pour le gouvernement fédéral d'utiliser à sa guise son «pouvoir de dépenser» en vue d'établir des «normes nationales d'éducation». Les preux de Bay Street. Mais pendant que nous écrivons et parlons, Turner vient de prendre la relève dans un contexte qui n'a pas vraiment permis de débat sur les enjeux les plus cruciaux de l'heure. «Élisez-moi d'abord, je ferai le programme ensuite», a-t-il laissé comprendre tout au long de la course à la chefferie. On prédit des élections fédérales à court terme, et il y a à parier que nous aurons grand mal à distinguer, à la lecture des programmes électoraux, qui de Turner ou de Mulroney est le plus conservateur ou le moins libéral, ce qui d'ailleurs revient au même. Ces jeux de passe-passe et de coulisses ne nous amèneront jamais le niveau de démocratie économique et politique auquel nous sommes légitimés d'aspirer, tant que nous laisserons au pouvoir ces vieux partis aux stratégies de défaite pour les travailleuses, les travailleurs, pour le peuple. L'espoir à reconstruire ne passe certainement pas par ces preux de Bay Street. Au Québec, c'est la prospérité... des remonte-pentes. «Le Québec connut en 1983 un taux de relèvement de son économie qui est parmi les plus élevés, presque le plus élevé de toutes les économies occidentales. Un virage aussi spectaculaire fut aussi soudain qu'inattendu, il y a un an à peine.» C'est le ministre des Finances du Québec qui entamait en ces termes, il y a un mois, son Discours sur le budget 1984-85. Un budget qui a déçu autant les employeurs que les syndicats, tellement il est vide de tout contenu pouvant améliorer l'économie et surtout l'état de l'emploi. Nous avions cru que la marge de manoeuvre que s'est donnée le gouvernement par ses ponctions sur nos salaires et ses coupures budgétaires allait servir à la relance de programmes importants. En fait, nous avons eu droit au budget d'un gouvernement-spectateur qui se satisfait de n'être pas pire que les autres et qui continue d'imposer la disette aux services publics, et tout particulièrement à l'enseignement primaire et secondaire. A ce niveau, le budget est gelé pour la quatrième année consécutive, ce qui signifie en termes nets une baisse de 25 %. Depuis plusieurs années notre organisation lutte contre les coupures budgétaires en éducation, sachant qu'en plus de réduire les services, elles accroissent les inégalités. Voilà maintenant que la FCSCQ le dit, quelque quatre ans après, mais elle le dit: «les compressions budgétaires vont réduire l'accessibilité et l'égalité des chances». C'est tard, mais c'est juste. Au niveau des collèges, point-charnière du système éducatif, la capacité des institutions ne suffit plus et les règles budgétaires découragent l'accueil de nouvelles clientèles. A l'université, seules les disciplines reliées au virage technologique reçoivent un financement supplémentaire; pour les autres, dont les sciences de l'éducation, c'est la disette. L'égalité des chances par l'éducation, ce n'est pas pour demain dans le Québec des ParizeauLévesque - Bérubé - Clair! En réalité, sous cette apparence du chat-qui-dort, le gouvernement prépare sa dernière année de mandat. Non sans peine toutefois, si on en juge par les projets de loi qu'il refoule ou refait (nunéros 40, 42, 43), par le nombre de conférences socio-économiques qu'il convoque, par les difficultés qu'il rencontre face aux besoins des jeunes, par ses hésitations à aborder des dossiers aussi importants que la réforme de la fiscalité, la réforme des régimes de retraite de même que les questions éducatives en général. A l'école, l'égalité des chances recule. En éducation, nous sommes encore loin de chances égales. Le sexe et l'origine socio-économique des étudiantes et des étudiants sont toujours des éléments déterminants dans le succès et l'orientation scolaires. Certes, nos institutions d'enseignement ne sont pas des tavernes; les filles n'en sont pas exclues d'office. Leur répartition dans les différentes facultés indique cependant que le sexisme a la vie tenace. Les jeunes de milieu populaire ne sont pas non plus frappés d'interdit, même si leur faible présence aux niveaux post-secondaires autorise presque à le penser. Alors que l'on se gargarise à Québec d'un nationalisme aux couleurs de la PME, on laisse se dégrader un système d'enseignement qui fut et qui devrait demeurer un élément-clef de notre développement économique et de notre affirmation culturelle. Les récents rapports des commissions d'enquête américaines sur l'éducation ont relancé le débat chez nos voisins du Sud. «A nation at risk», une nation en péril, disent-ils. L'empire constate que sa suprématie économique et militaire est menacée; l'éducation devient une priorité dans cette reconquête, comme au début des années soixante. Si de telles ambitions ne sont pas les nôtres, le moyen l'est. La société du virage technologique, si populaire dans les discours péquistes, exige une formation plus poussée et une école publique qui dispose des moyens nécessaires pour bien remplir la mission qui lui est confiée. La crise impose en plus des privations supplémentaires à un nombre croissant de familles québécoises. Ces privations aggravent les problèmes socio-pédagogiques rencontrés dans les écoles. Une étude pan-canadienne conduite l'an dernier par la FCE démontre qu'entre 1981 et 1983, l'absentéisme, les problèmes de discipline, le découragement des élèves se sont accrus suite à la détérioration de la situation économique. A la faveur de la crise encore, la remontée de l'idéologie néo-libérale se manifeste en éducation par les discours de plus en plus nombreux qui prétendent opposer excellence et démocratie, faire de la compétition outrée la garantie du succès. Pour certains ténors de cette thèse, l'égalité des chances serait synonyme de formation à rabais, d'où leur promotion d'une école plus sélective qui mettrait davantage de moyens à la disposition des «meilleurs», pour ne pas dire des plus riches. Notre action demeure essentielle. Pour nous, une plus grande démocratisation a toujours été et demeure une condition de l'excellence dans une école publique ouverte à toutes et à tous. L'éducation a besoin d'être scrutée, analysée, critiquée pour qu'elle puisse s'adapter à des changements de plus en plus fréquents et rapides. C'est pour qu'elle réponde mieux aux intérêts des travailleuses et des travailleurs, pour qu'elle permette une meilleure réussite des élèves, qu'il faut le faire. Notre société traverse une période de transformations rapides. Après la télévision, les nouvelles technologies viennent accroître les possibilités éducatives à l'école et hors temps scolaire. Permettre d'acquérir la maîtrise des outils de communication - entre autres la langue - , assurer une meilleure compréhension du réel physique, économique et social demeurent des défis d'envergure pour l'éducation des années quatre-vingt. A cette tâche permanente s'ajoute celle, tout actuelle, de se donner et de dispenser ce que l'on pourrait appeler un minimum d'alphabétisation et surtout de «citoyenneté informatique», de façon à pouvoir utiliser pleinement et en connaissance de cause les nouveaux moyens à notre disposition. La capacité de l'école publique de s'adapter aux nouveaux besoins en formation professionnelle est un autre défi. Le gouvernement a décidé d'y répondre par l'adaptation étroite de la formation aux besoins des entreprises. La formation professionnelle des adultes est passée sous la responsabilité du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. La formation des jeunes décrocheurs se fera davantage en entreprise qu'à l'école, au détriment d'une formation de base pourtant nécessaire. Les possibilités de formation courte se sont multipliées au niveau collégial. L'éducation ne saurait être réduite à cette formation à courte vue que constitue la préparation immédiate à un poste de travail. Je ne m'attarderai pas longtemps à la mission sociale et éducative de l'entreprise privée dont la finalité est ailleurs. Notre lutte pour des chances égales en éducation va demeurer une priorité dans les années qui viennent. Des chances égales ce sont des mesures spécifiques pour celles et ceux qui en ont le plus besoin: les jeunes immigrantes et immigrants, les enfants en difficulté, les jeunes de milieu populaire, les filles. C'est poursuivre la lutte pour des services de meilleure qualité dont une des conditions est l'autonomie professionnelle. L'éducation ne saurait être un travail surveillé, morcelé, robotisé; éduquer n'est pas manufacturer. Cette lutte pour des chances égales passe par l'élargissement de nos solidarités avec tous les groupes qui ont à coeur la défense de l'école publique, la réussite scolaire des jeunes, l'élargissement de leur formation, la justice et la démocratie. La réforme de la fiscalité. Le projet de Livre blanc sur la fiscalité des particuliers - dont la version officielle tarde à être publiée - donne une idée de la vision économique conservatrice qui anime le ministre des Finances. Dans une version préliminaire dont nous avons récemment obtenu copie, ce document, qui vise à remodeler tant l'appareil de transferts (aide sociale, assurance-vieillesse, etc.) que le régime fiscal, nous paraît reposer sur une vision étriquée des besoins de la majorité. Nous y voyons plutôt poindre certaines applications québécoises de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la Reaganomique. Une des idées centrales de cette approche consiste à croire en la magie des coupures de taxes. En baissant l'impôt, les travailleurs travailleraient davantage, les investisseurs investiraient davantage et la production augmenterait, pour le plus grand bien-être de toutes et tous. Or, rien n'est moins sûr, ainsi qu'on peut le constater chez nos voisins du sud où l'application de telles mesures depuis 1980 n'a pas donné les résultats escomptés par leurs promoteurs. De plus, il n'existe à l'heure actuelle aucune étude empirique concluante quant à l'efficacité de ces politiques sur le niveau d'emploi et l'investissement. Au mieux donc, ces mesures se traduisent par une légère stimulation de l'emploi et de l'investissement au prix d'une accentuation dramatique des inégalités. On nous dit, par ailleurs, que l'impôt québécois est trop fortement progressif et redistributif. Pourtant, toutes les statistiques tendent à confirmer que le nombre de pauvres augmente beaucoup plus vite que le nombre de riches. Que surviendra-t-il si on rétablit la courbe des impôts en faveur des mieux nantis? En somme, le gouvernement préparerait rien de moins qu'un nouveau partage de la richesse - à l'avantage des moyens et hauts revenus - et cela sous le couvert de rendre la fiscalité québécoise plus concurrentielle par rapport à celle de l'Ontario et de stimuler l'incitation au travail afin d'accroître la production. A regarder évoluer ce gouvernement depuis quelques années, on peut vraiment se demander quel sort nous serait réservé si jamais on lui confiait les «outils» qui lui manquent pour mieux assurer le développement économique du Québec. Notre intention n'est pas de remettre en cause la nécessité d'une réforme fiscale. Bien au contraire. Mais nous écartons ces solutions simplistes et potentiellement désastreuses pour la majorité. En somme, nous sommes prêts à examiner sérieusement le remodelage de l'appareil fiscal québécois mais jamais nous ne cautionnerons les apprentis-sorciers dont les penchants vers la Reaganomique - version québécoise - apparaissent non seulement de plus en plus avoués mais de plus en plus dangereux. La réforme des pensions: patience et longueur de temps... La saga de la réforme des pensions se poursuit de plus belle avec la dernière déclaration publique du ministre Laurin. Ce dernier a dévoilé la nouvelle orientation du gouvernement québécois dans ce dossier, soit rien de moins que le rapatriement sous juridiction provinciale du programme du supplément de revenu garanti, jusqu'à ce jour administré par Ottawa. L'idée n'apparaît pas foncièrement mauvaise en soi dans une optique d'harmonisation et de meilleure intégration de l'appareil de retraite. Mais... car il y a un gros mais, le gouvernement du Québec semble désormais conditionner toute réforme en profondeur au succès de sa démarche auprès du fédéral. Les personnes âgées feront-elles les frais d'une autre querelle fédérale-provinciale, et ce, à l'aube d'une élection référendaire, comme par hasard... Les enjeux qui se profilent dans ce débat prévu pour l'automne apparaissent considérables. D'un côté, la retraite décente pour toutes et tous avec des solutions spécifiques pour les femmes singulièrement défavorisées par la situation actuelle. Comme corollaires mais corollaires importants, une révision du mode de financement du RRQ et une meilleure emprise des travailleuses et travailleurs sur la gestion des régimes. De l'autre, des milliards qui constituent un formidable levier économique et dont le contrôle échappe presque totalement à leurs propriétaires Quelle est la stratégie du gouvernement du Québec? Remise en question de l'État-providence? Réorientation du rôle de l'État? Virage technologique? Réduction des déficits budgétaires et des budgets sociaux? Appui à l'entreprise privée? Développement du commerce extérieur? Ajoutons à cette mosaïque de mesures de tous ordres mais complémentaires les deux lignes de force politiques de ce gouvernement, soit la concertation à l'interne et la souveraineté à l'extérieur, et nous aurons une bonne idée du projet de société qui l'anime et de la stratégie qu'il tente d'emprunter. Dans la bourrasque néo-libérale continentale, les fonctions sociales et les services publics de l'État font l'objet de dures attaques, au Québec tout comme ailleurs. Le bien-fondé de la prise en charge par l'État de l'ensemble ou d'une partie des risques sociaux e~ remis en cause. L'appareil de transferts sociaux et fiscaux mis en place depuis les années quarante est passé au crible. D'une manière globale, un fort courant d'opinion plaide en faveur d'une réduction de l'intervention autonome de l'État au plan social et dans les services collectifs. Au plan économique, ce courant accepte l'intermédiaire de l'État dans la mesure où certaines charges de l'entreprise s'en trouvent socialisées, par exemple en ce qui a trait à la conquête des marchés extérieurs. Si l'on s'en remet aux propos de quelques ministres les plus visibles, la stratégie du gouvernement actuel prend l'allure suivante: au lieu d'affaiblir l'État, il faut le réorienter. L'État doit devenir le support et le catalyseur des initiatives individuelles et des entreprises; promouvoir et soutenir l'innovation technologique et sociale; redistribuer l'emploi et l'activité, appuyer le développement de nouveaux services communautaires; favoriser la participation des travailleurs et la démocratie économique au sein des entreprises; et participer directement à la vie internationale; intensifier les échanges économiques avec l'extérieur par la promotion des exportations et des accords industriels; assurer la visibilité du Québec sur la scène internationale. Soulignons encore que les idéologues du parti au pouvoir insistent fortement sur l'aspect «rupture» du récent manifeste intitulé Face à un monde nouveau. «Le manifeste du PQ est loin de proposer un simple transfert d'un État à un autre, écrivent Venne et Milner, et encore là, il y a rupture avec la vision du rôle de l'État proposé antérieurement par le PQ. Si les mots veulent encore dire quelque chose, le manifeste ne parle plus d'un État souverain, mais bien d'une société souveraine.» (Nous soulignons) Les penseurs du PQ réussiront-ils leur virage? Les discoureurs gouvernementaux se rebâtiront-ils ainsi la crédibilité indispensable à leur stratégie de remonte-pente? Après la souveraineté-association, on a maintenant droit à la thèse de «la souveraineté-concertation». N'est-ce après tout que le retour en force de «la pensée magique» et du «projet de société imposé par décret», selon l'expression de D. Latouche? L'avenir dira s'il s'agit de corporatisme d'État, de corporatisme libéral ou d'un mélange des deux, ou encore de concepts anciens servis à la moderne et se situant quelque part entre mythes, remonte-pentes et réalités. Ce qui importe, c'est de bien prendre la mesure des changements qui pourraient prendre forme, et de se préparer à y faire face en toute autonomie syndicale, sur la base de nos propres analyses et propositions. Pour une sortie sociale de la crise. Ce tour de l'horizon que les forces dominantes nous préparent nous a permis de voir: que les nouveaux développements économiques et technologiques ne solutionneront pas de soi le problème de l'égalité des chances; que la transformation à notre avantage des rapports sociaux ne pourra résulter que de la reprise des luttes sociales, et en particulier, celle de l'emploi et du travail; que dans notre propre pays nous sommes confrontés à des gouvernements visiblement plus déterminés par les intérêts du capital que par les besoins sociaux de la majorité. De ce contexte et de ses enjeux, il nous revient de nous en saisir et d'en discuter, car ils interpellent le mouvement syndical sous plus d'un angle. A titre d'intervenante sociale, intéressée au progrès des droits et libertés, mais aussi des droits sociaux les plus larges, travail, éducation, santé, loisir, environnement sain, sécurité du revenu, etc., notre organisation ne doit-elle pas s'arrêter de nouveau à scruter, nouvelles données en main, le rôle de l'État: privatisation, déréglementation, réorientation, et ce, aux deux niveaux de gouvernement? Est-il trop tôt pour se rendre compte qu'après Reagan, qu'après Trudeau et qu'après Lévesque, nous ne serons guère plus avancés, quoi qu'il advienne, comme salariées et salariés, comme syndiquées et syndiqués, comme citoyennes et citoyens du Québec? Alors que le militantisme, au plan syndical comme ailleurs, semble plus difficile encore qu'il y a quelques années, ne faudrait-il pas réinventer l'action politique syndicale à partir des problèmes quotidiens de l'emploi, du logement, de la consommation, de la discrimination, ainsi qu'à travers certaines Initiatives de base à notre portée? Ne conviendrait-il pas tout autant que nous fassions le débat - escamoté depuis bientôt 10 ans - de l'articulation politique à donner à notre action syndicale, en direction par exemple de certaines organisations progressistes ou d'une coalition de celles-ci, lors des prochaines élections québécoises? Devant cette stratégie de «concertation corsetée», à laquelle il nous faut faire face, ne serait-ce pas le temps d'opposer nos propres vues, en tant que mouvement syndical québécois, sur la démocratie économique, sur la démocratie industrielle, sur les exigences d'une véritable planification démocratique de l'économique et du social? Au lieu d'être à la remorque de stratégies politiques fondées sur rien de moins que l'arbitrage superficiel d'intérêts le plus souvent contradictoires, ne vaudrait-il pas mieux nous donner une stratégie syndicale autonome, ce qui nous rendrait plus fort et plus écouté, tant dans leurs forums que dans les nôtres? Dans ce contexte de crise économique, de changements technologiques et de mutation des valeurs, de diminution de l'emploi et de réorganisation du travail, d'attaque contre les services publics et l'éducation, d'encerclement de nos droits syndicaux, ne convient-il pas plus que jamais de travailler, dans l'unité interne et avec les partenaires les plus nombreux possible, à la mise au point d'une plate-forme syndicale et populaire commune? Ne serait-ce pas le temps aussi de renforcer nos solidarités avec d'autres organisations syndicales qui, en dehors du Québec, font face aux mêmes problèmes? De la réponse que le mouvement syndical québécois et que nous-mêmes apporterons à ces questions, dépendra en bonne partie le type de sortie de crise que nous vivrons, et que vivra la majeure partie de la population de ce pays. Entreprendre d'y répondre, c'est aussi entreprendre de «reconstruire l'espoir», avec celles et ceux qui croient encore en la nécessité de se battre Les propositions qui suivent se veulent des pistes par où le travail à faire pourrait se poursuivre dans les prochaines années. Propositions pour maintenant. Le Congrès de 1982 s'est longuement arrêté à définir «nos axes de lutte», soit la défense et l'amélioration des conditions de travail, le droit au travail (thème repris par le Congrès spécial de janvier 1983) et à un revenu décent, le droit à une retraite décente, le développement des services publics, la démocratisation de l'école, l'autonomie dans notre travail, la défense de nos droits syndicaux et des droits et libertés démocratiques, l'égalité des hommes et des femmes, et le développement de nos solidarités. C'est à un travail de concrétisation et de réalisation de ces résolutions que nous sommes maintenant conviés d'une part à travers les recommandations qui concluent chacun des six dossiers dont ce Congrès doit disposer, à travers, d'autre part, certaines préoccupations qui sont d'ores et déjà inscrites à l'ordre du jour des débats de notre Centrale. Renforcement de notre militantisme. Au risque de prêter flanc à certaines attaques démagogiques, nous avons pris le risque «d'ouvrir nos livres», spécialement sur cette question cruciale pour toute organisation démocratique de masse qu'est la participation/le militantisme de ses membres. Examen d'autant plus délicat que nous nous savons en période de vaches particulièrement maigres... Qu'y a-t-il au-delà de ce qu'on appelle la morosité, la démotivation, la démobilisation, en un mot le décrochage? Que se passe-t-il et que pouvons-nous y faire, à commencer par l'intérieur de notre propre organisation? Ce premier problème d'un militantisme devenu plus difficile pour tous est lui-même traversé de la question plus spécifique de la participation et de la militance syndicale des femmes qui composent la majorité de notre effectif, cette question renvoyant à son tour à la problématique plus large de l'intégration des luttes féministe et syndicale. Le portrait de la situation est tracé dans ses grandes lignes; les analyses sont réalisées; des recommandations seront votées. L'essentiel du problème n'est donc pas à ce niveau, mais plutôt au plan d'une stratégie concrète de mise en oeuvre reposant sur l'engagement actif du plus grand nombre. Ce plan d'action directe pourrait passer, me semble-t-il, par les voies suivantes: débat dans nos instances, à tous les niveaux, sur les rapports entre féminisme et syndicalisme, et définition de quelques points de repère clairs à ce sujet. Le temps est venu de démarginaliser ce débat, de le porter à l'avant-plan; adoption de mesures concrètes favorisant la participation syndicale active de nos membres, hommes et femmes, et tenant compte des conditions spécifiques défavorables faites à ces dernières. A défaut de trouver LA solution universelle à tous nos maux, il ne faut pas renoncer à la stratégie des petits pas concrets et de l'avant; approfondissement de la réflexion sur les programmes d'accès à l'égalité visant à assurer une plus juste représentation des femmes à tous les niveaux et secteurs de l'éducation, en tant qu'étudiantes et travailleuses, et contribution active à leur mise sur pied éventuelle. L'affirmation de la militance de nos adhérentes ne peut que concourir à la qualité de notre démocratie syndicale. La CEQ se doit d'être l'instrument de l'égalité des chances de toutes et de tous à l'intérieur même de ses rangs, si tant est que nous voulons proposer l'égalité des chances comme «choix de société». Au-delà de ses instances délibérantes et décisionnelles, et au-delà de ses lieux formels de coordination où la réflexion et la recherche ont souvent la maigre part, une organisation comme la nôtre a besoin de se nourrir de l'engagement concret de ses militantes et militants les plus actifs. Les élues et élus et les employées et employés des affiliés et de la Centrale ne peuvent pas monopoliser toutes les idées, toutes les expériences, toute l'innovation qui sont requises par les circonstances. Le meilleur moyen de combattre la sclérose et la démobilisation générale est de donner les moyens a nos membres de travailler en comités et en réseaux. Nous chercherions peut-être moins les militantes et les militants si nous leur donnions davantage l'occasion de se parler sur les sujets qui collent à leurs besoins et aspirations, et de se former aux réalités sociales que leur action syndicale doit affronter. Quel avenir voulons-nous? A dix ans d'existence, notre Centrale connaît déjà quelques problèmes de croissance. La multiplication des regroupements sectoriels eux-mêmes pour la plupart en développement, l'affirmation politique de la CECS, nos cartels et ententes de services, les limites de notre formule de péréquation, l'insuffisance chronique de nos ressources financières sont autant de réalités qui nous contraignent à un rajustement sérieux à l'interne. En même temps, nous avons entamé entre nous et avec d'autres groupes un débat sur «l'avenir du syndicalisme dans le secteur public», débat qui pourrait déboucher sur une transformation de l'ensemble des organisations intéressées. Si l'année 1984-85 nous le permet le moindrement, il faudra avancer prudemment, mais avancer tout de même sur ce double terrain, associer nos membres à ces débats, et se préparer à un Congrès spécial que nous pourrions tenir d'ici un an par exemple. Cette organisation nous appartient. Nous sommes le produit de son passé. Son avenir sera celui que nous voudrons. Le travail, l'emploi, la main-d'oeuvre. En plus de nous inscrire dans le mouvement général en faveur du plein-emploi, de la protection de l'emploi, de la qualité de vie au travail, de la santé-sécurité au travail, nous pourrions, me semble-t-il, nous concentrer autour des quelques cibles que voici: intervention active et soutenue, à tous les niveaux de la Centrale, dans l'ensemble du processus d'implantation de l'informatique dans l'enseignement et dans les services publics: c'est par l'étude de la situation concrète et par la recherche, c'est aussi par des représentations et de la négociation que nous apprivoiserons la question et que nous inventerons des formules assurant à nos membres une meilleure connaissance et un plus grand contrôle de l'impact des nouvelles technologies sur leur travail et leur emploi; présence soutenue dans la consultation en cours sur la révision des lois du travail. Dans la mesure où la Commission Châtillon semblera un véhicule utilisable, nous pourrons, en régions et comme centrale, joindre notre voix aux autres qui militent pour l'obtention de lois facilitant l'accès à la syndicalisation et une meilleure protection du droit syndical; vigilance de tous les instants face à la tentative du législateur de chercher à contourner nos organisations syndicales en ce qui a trait à leur responsabilité de négocier toutes nos conditions de travail, ce à quoi pourrait conduire le nouveau régime envisagé dans le document Clair. A propos, le meilleur moyen de retourner à l'essentiel ne consisterait-il pas en une réouverture globale des décrets dès 1985, ce qui aurait le mérite de nous ramener aux contenus? Plusieurs groupes du secteur public le voient ainsi, dont une grande majorité à la CEQ; vigilance à exercer dans le quotidien, en ce qui concerne la défense des intérêts professionnels de nos membres, par la conquête de notre autonomie au travail, comme condition nécessaire à la qualité de ce travail; élaboration d'une politique de main-d'oeuvre et d'emploi appropriée aux secteurs de l'éducation et de la fonction publique. Les mesures de résorption ne sauraient tenir lieu d'une telle politique. Nos membres ont une courbe d'âge très caractérisée, comportant à la fois un blocage à l'entrée des jeunes, et un blocage à la sortie de plusieurs qui en auraient le goût ou l'âge. Nos membres ont aussi de nouvelles sensibilités face au travail à temps réduit, à la modulation des congés avec ou sans solde pour fin ou non de formation, face aux technologies et disciplines nouvelles. Notre organisation doit se mettre sérieusement à la tâche de capter ces attentes et de les transposer dans un programme cohérent de revendications sauvegardant les intérêts collectifs tout en répondant aux besoins individuels. Les droits démocratiques. Il n'y a plus de candidat ni de parti politique aujourd'hui qui ose se présenter devant l'opinion publique sans donner du chapeau à la jeunesse, aux femmes, aux autochtones et aux minorités. Il y a là plus qu'une mode. Ces secteurs s'organisent et mobilisent de plus en plus; des jonctions s'établissent peu à peu avec le mouvement syndical. Pour notre part, notre réalité de tous les jours nous dicte deux priorités à ce propos. Nos relations avec les organisations de jeunes, notre programme d'action face aux besoins et problèmes de la jeunesse sont à porter au nombre de nos activités et de nos solidarités de première ligne: sous les angles de l'accès à une formation complète et de haute qualité, de l'accès au travail, des conditions de vie convenables, du droit d'association. Des chances égales dans une société qui a de l'espoir, cela passe par le respect de la jeunesse. Il faut que ce dossier soit vraiment répercuté en nos rangs. La tenue en 1985 de l'Année internationale de la Jeunesse nous en fournira certes l'occasion. En ce qui a trait aux droits des femmes, outre ce qui a été proposé ci-dessus, il y a lieu d'être particulièrement présents au débat que ne manqueront pas de provoquer les futurs programmes relatifs à l'accès à l'égalité. Il en ira de même dans les débats entourant la réforme fiscale, la réforme des régimes de retraite, et tout ce qui a trait à la politique de la famille et à l'impact des nouvelles technologies. La défense de nos droits démocratiques passe aussi par la mise sur pied de moyens autonomes de communications de masse. Malgré la bonne volonté d'un bon nombre de journalistes, les médias officiels ne nous rendent pas souvent justice. Nous aurons à étudier cet automne un projet d'hebdomadaire populaire et critique à large audience, préparé par le Groupe de travail sur les communications de l'ICEA. Sans un canal de communications indépendant, nous serons toujours à la merci exclusive des plus forts lorsqu'arrivent les périodes chaudes. Je nous souhaite assez de clairvoyance pour aborder ce projet avec autant de largesse que nous l'avons fait pour la campagne de publicité de la dernière ronde! La démocratie et le politique. Il y a une dizaine d'années, plusieurs militantes et militants proposaient la mise sur pied d'une formation politique vouée aux intérêts des travailleuses et des travailleurs, mais indépendante du mouvement syndical. Cependant, le tourbillon péquiste s'approchait, et beaucoup ont voulu voir ce que cela donnerait. Y en a-t-il encore beaucoup qui espèrent quoi que ce soit de ce côté? Pendant ce temps, de nouvelles organisations ont vu le jour, à gauche, et se sont donné la tâche de porter au plan politique des revendications et des propositions largement issues de nos propres débats. A l'approche des prochaines élections, il nous faudra certes préparer un bilan de la gestion péquiste et une évaluation du programme libéral. Pourquoi ne pas en profiter pour engager le dialogue avec des organisations politiques plus près de nous, et ce, dans la préservation totale de notre spécificité ~t de notre autonomie, en tant qu'organisation syndicale? Les services publics et l'éducation. Notre position en faveur du développement des services publics au Québec est bien connue: accessibilité, démocratisation, qualité. Toutefois, la fonction publique québécoise subit actuellement d'importantes transformations; il en va de même dans l'éducation et les affaires sociales. Après l'ère du dénigrement, ce sera l'ère du «grand dérangement». A l'automne, le SPGQ tiendra un forum sur l'avenir de la fonction publique, sur le rôle de l'État face à la fonction publique, sur l'évolution de l'organisation et des conditions du travail dans ce secteur. Je souhaite que nous puissions reprendre le même filon quelques mois plus tard, en l'élargissant cette fois à l'ensemble des services publics. Il faut prendre ce type d'initiative si nous voulons stopper la dégradation de nos statuts et conditions. Au chapitre de la restructuration scolaire, il est une question sur laquelle j'aimerais insister: il s'agit de nos relations avec les parents. Nous avons demandé que la nouvelle version de la loi permette le dialogue et les échanges entre les parents d'élèves et nous tous, et ce, au niveau même des écoles. Nous avons toujours dit au ministre: «ne faites pas de l'école un palier de pouvoir, et la coopération s'en trouvera facilitée». Dans la mesure où le nouveau cadre sera utilisable, il faut absolument que nous multipliions les initiatives de rapprochement et de collaboration avec les parents. Tout ne baignera pas dans l'huile dès le début. Mais ce n'est pas en restant à l'écart que nous convaincrons nos partenaires du bien-fondé de notre point de vue et que nous connaîtrons leurs attentes. A ce propos, je vous encourage à rechercher de nouvelles formules et à en faire un essai loyal. Notre espoir de restaurer l'école publique exige de nous cet investissement. Pour ce qui est de l'enseignement collégial, le dossier du Congrès présente déjà un plan de travail fort englobant Notre défi consistera à ce que cette plate-forme en gestation soit véritablement assumée par l'ensemble des affiliés de tous les secteurs. L'enseignement collégial est actuellement l'enjeu de très fortes pressions de la part des forces économiques; ce n'est que par la participation active d'un vaste ensemble de forces démocratiques que nous pourrons empêcher toute stratégie de recul dans ce domaine. Les dossiers de l'enseignement aux adultes et de la formation professionnelle des jeunes (et des adultes) devront retenir notre attention de façon soutenue. Les transferts et morcellements de juridiction qui s'effectuent dans ces champs, l'insuffisance des moyens, l'orientation trop utilitariste imprimée à ces secteurs sont autant de sources de préoccupation tant pour les personnels qui y oeuvrent que pour les clientèles scolaires en question. La démocratisation de l'éducation risque d'en prendre pour son rhume, à moins que la résistance s'organise sur ce front aussi. Et nous devons être au premier rang sur ce front! Dans le champ de l'éducation encore, et en relation avec la défense d'une école démocratique assurant l'égalité des chances tant aux filles qu'aux garçons, il faut absolument prévoir l'intervention active de la Centrale dans la mise à exécution d'un programme de sensibilisation des étudiantes aux choix scolaires et professionnels qui leur seraient destinés, et assumer une vigilance soutenue face à toute orientation sexiste des programmes et du matériel éducatifs. D'une façon plus globale, je crois que nous aurions profit à mettre en oeuvre un plan d'action visant à la revalorisation de l'école publique et de celles et ceux qui y oeuvrent et étudient. Si la Bourse de Montréal tient un' concours annuel à l'adresse des jeunes qui s'intéressent aux affaires, pourquoi le mouvement syndical ne pourrait-il pas mettre sur pied une initiative visant à souligner l'engagement de certains jeunes dans leurs organisations collectives? Pourquoi la CEQ ne pourrait-elle pas soutenir les jeunes qui s'intéressent aux droits et libertés, au syndicalisme, ou tout simplement à leurs matières de classe? Pourquoi la CEQ et ses affiliés ne souligneraient-ils pas, à l'instar de la FCE, celles et ceux de nos membres qui témoignent d'un engagement professionnel et syndical exceptionnel? celles et ceux aussi qui prennent leur retraite après 35, 40 ans (et parfois davantage) de travail dans l'enseignement? Ce sont là des petits moyens et des petites choses, je le sais. Mais la revalorisation de nos métiers - lesquels sont faits d'une série de ces petites choses quotidiennes - peut emprunter aussi cette voie «des petites choses qui soulignent et font les grandes». Reconstruire l'espoir. Quelle société voulons-nous? Quelle contribution voulons-nous y apporter? Avec qui et comment avancer? Quel sens voulons-nous que notre travail prenne? Quel contrôle, quelle organisation voulons-nous de notre travail? Que sommes-nous prêts à faire pour avancer? Sommes-nous prêts à nous mettre à pied d'oeuvre non seulement pour proposer mais pour réaliser notre proposition de l'égalité des chances? Y compris dans notre propre organisation? Y compris dans les établissements où nous entrons chaque matin? Y compris dans les fonctions de service public que nous exerçons? Si nous sommes prêts d prendre cet engagement d'autres suivront et joindront la marche la marche des travailleuses et des travailleurs en quête d'espoir! Notre tâche syndicale, c'est la défense intégrale de la personne au travail du travail de l'humain c'est la défense de la personne humaine intégrale. La crise nous renvoie à l'école primaire du syndicalisme Le mot est de Michel Chartrand - à chacun son dû. Unité, Fraternité, Solidarité. La performance d'une organisation syndicale ce n'est pas son compte en banque ce n'est pas son équilibre budgétaire annuel ce n'est pas seulement le nombre de griefs qu'elle pose, qu'elle perd ou qu'elle gagne ce n'est pas seulement les assurances, la sécurité et la retraite garantie. Ce n'est surtout pas que l'augmentation d'un salaire «en piscine» noyé! Mais qu'est-ce donc que le syndicalisme? Stratégie, plan d'action, budget Réunions, instances, comités Délibérations, propositions, résolutions Trois heures du matin Salles enfumées... Tiens bon! L'Front commun s'en vient... Tiens! il est déjà passé! Oui, le syndicalisme, c'est un peu tout ça. Cascade, escalade, rebuffade. Négociation, conciliation, représentation. Mais c'est bien plus que ca! La performance d'une organisation syndicale c'est de dire notre solidarité à l'un des nôtres. Paulo Giguère notre camarade à qui la haine du Pouvoir vient de radier trois ans de son temps du temps de NOTRE temps. Tes trois ans, tes mille jours Paulo Nous les partagerons entre nous Mille de tes camarades Accoudés à la barre de l'espoir. La performance d'une organisation syndicale c'est sa capacité de résister, de riposter, de proposer c'est sa capacité de communiquer, de mobiliser c'est sa capacité de se bâtir des alliances et des convergences c'est sa solidarité, sa fraternité, son unité. C'est l'espoir de jours meilleurs pour la majorité l'espoir que le travail soit respecté que le travail serve les mains qui le font. L'espoir que le travail soit un jour son propre maître Puisse ce Congrès nous redonner le goût de cet espoir le goût de reconstruire l'espoir.