*{ Discours néo-libéral CEQ, 1986 } Pour une action syndicale au service de la démocratie. Première partie. Orientations générales. A l'occasion de notre trentième Congrès, le Bureau national a proposé au Conseil général de préparer un rapport qui ferait le point sur l'ensemble de notre mandat syndical, et qui nous permettrait collectivement de consolider l'essentiel de nos orientations tout en donnant lieu à l'adoption de quelques positions nouvelles. Tout au long de la dernière année, nous avons souligné le cinquantenaire de notre action syndicale; nous nous sommes rappelé l'ancrage de notre action dans toutes les régions du Québec, et ce, depuis plusieurs décennies. Nous avons évoqué non sans fierté nos luttes, nos victoires mais aussi notre contribution, parmi d'autres au développement de notre société, de son système éducatif et de ses institutions démocratiques. Nous avons aussi pris une plus juste mesure des défis de l'heure, qui appellent de la part de notre organisation une action toujours plus diversifiée une intervention marquée de la même détermination farouche qui a façonné notre histoire jusqu'à ce jour. En choisissant de placer son rapport sur notre action syndicale sous le thème du renforcement de la démocratie, le Bureau national a tout d'abord pris appui sur ce que nous avons accompli de plus significatif ces dernières années sans pour autant négliger de soulever quelques éléments de préoccupation profonde. Examinant ensuite les grands enjeux de l'heure en cette période dite de «sortie de crise», le Bureau national met alors en avant un ensemble de pistes d'action se déployant sur les terrains de l'emploi, de l'éducation, des services publics, des solidarités, mais aussi de notre vie interne et de notre militantisme. Le Bureau national estime que cette vaste proposition pourrait, dans les circonstances, nous mettre sur la voie à la fois d'une véritable contribution progressiste à la société québécoise, d'une représentativité plus adéquate des aspirations et besoins de nos adhérentes et adhérents, et d'une plus grande cohésion interne. Rétrospective 1984-1986. A - Dans un premier temps, nous relèverons les dimensions de notre action qui nous paraissent les plus significatives dans les deux années écoulées. Au plan de la visibilité et de l'implication sociales, notre centrale a pris part aux grands débats qui ont traversé l'actualité des dernières années. A ce chapitre, rappelons notre participation: - à la Conférence sur l'électronique et l'informatique; - au Sommet Québec dans le monde; - au débat sur la politique familiale; - aux assises nationales sur la sécurité économique des Québécoises; - aux travaux de la Commission consultative sur le travail (Commission Beaudry); - aux travaux de la Commission d'étude sur l'assurance-chômage; - aux conférences sectorielles sur le loisir; - aux audiences de la sous commission des affaires sociales sur la distribution des services en santé mentale; - aux travaux de la Commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux (Commission Rochon); - à la Conférence «à part égale»; - aux audiences de la Régie des services publics sur l'avenir de Radio-Québec; - à la consultation fédérale sur les services de garde; - aux travaux de mise en place de l'Association sectorielle de la santé-sécurité en éducation; - aux assises de la Commission canadienne de l'UNESCO et aux travaux de ses comités. De plus, nous avons fait des études et pris des positions publiques dans plusieurs débats d'actualité tels les suivants: - le Livre blanc sur la fiscalité des particuliers; - la Loi C-9: l'agence civile de renseignement; - la politique linguistique, la langue d'enseignement, la Constitution canadienne; - le financement des universités; - le Rapport de la Commission MacDonald; - le libre-échange; - les politiques sociales au Québec et au Canada; - les nouvelles technologies: tenue d'un colloque et préparation de plusieurs dossiers Au chapitre plus spécifique de la lutte féministe, mentionnons: - la campagne d'intervention et d'action sur le harcèlement sexiste et l'agression sexuelle en milieu scolaire; - le document «La voix des femmes pour la voie des femmes»; - la pièce de théâtre «Julie qui avait une ombre de garçon»; - le Forum des femmes; - la participation au débat pour un programme d'accès à l'égalité. Au plan du travail et de la main-d'oeuvre, soulignons: - qu'en plus d'avoir participé aux travaux de la CCT, nous avons fait l'étude du Rapport de la Commission Beaudry, et entrepris une intervention auprès des autres centrales dans le but d'en arriver à une action concertée; - notre participation aux travaux du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et de ses comités: étude de dossiers touchant la formation professionnelle, l'apprentissage, la qualification de la main-d'oeuvre, etc; - nos représentations en vue de participer à la Table nationale de l'emploi; notre demande a été refusée par le gouvernement précédent; - notre participation à la mobilisation contre le projet de loi 37 au sein de la Coalition pour le droit de négocier; - la préparation, puis la conduite de la présente ronde de négociation du secteur public. Sur le terrain de l'éducation et de la jeunesse, nous avons mené les actions suivantes: - participation au débat sur la restructuration scolaire, lequel a abouti à la Loi 3; - l'intervention pédagogique sur la jeunesse; - l'intervention pédagogique en santé sécurité; - la participation aux États généraux sur la qualité de l'éducation; - des interventions sur plusieurs dossiers pédagogiques dont l'enseignement professionnel, l'enfance en difficulté, la formation des maîtres, la micro-informatique, etc; - des interventions auprès du Conseil supérieur de l'éducation, du Conseil des collèges et du Conseil des universités; - contribution à la mise sur pied d'un fonds pour la récupération et le recyclage du papier. Au plan des solidarités sociales et des droits démocratiques, rappelons entre autres, les initiatives suivantes: - participation à plusieurs regroupements et coalitions dont la Ligue des droits et libertés, le MQCR, la Coalition sur les normes du travail et l'accès à la syndicalisation, la Coalition Solidarité populaire Québec, etc; - appui à l'action de regroupements de jeunes, de sans-emploi, etc; - présence active à plusieurs événements internationaux: Congrès d'organisations syndicales, missions de coopération, réunions sur la paix; - campagnes de solidarité mineurs britanniques, Éthiopie, Haïti, apartheid, etc; - campagne du F-18 pour la paix; - préparation d'une intervention pédagogique dans le cadre de l'Année internationale de la paix. Au plan politique: - nous avons invité les leaders du NPD et du MS à rencontrer le Conseil général; - et nous nous sommes impliqués dans les dernières élections provinciales par la tenue d'un Conseil général spécial, la préparation d'un important dossier sur les principales formations politiques en présence, et par notre contribution à un plus large débat public autour d'enjeux qui nous sont chers. Au plan interne, notons: - l'adoption de mesures de redressement et de stabilisation d'ordre financier; - l'implantation de ResAut CEQ (IARD); - la mise en oeuvre d'un plan intégré de communications et de publicité; - la mise en place d'un nouveau régime relatif aux comités et réseaux. Ce rappel de nos principales interventions n'est pas exhaustif: il laisse dans l'ombre des pans entiers de notre plan d'action. Toutefois, il nous permet d'affirmer que notre organisation n'a rien ménagé pour porter son point de vue là où il le fallait sur un nombre toujours croissant d'enjeux majeurs, touchant l'éducation, le travail, mais aussi les politiques économiques et sociales. De même avons-nous approfondi nos relations de solidarité avec de nombreux groupes sociaux militant dans le même sens que nous. Ce faisant, il nous semble que nous avons apporté notre modeste contribution à la vie démocratique de la société québécoise. B - D'autre part, nous nous devons d'évoquer certains aspects de notre vie syndicale qui nous paraissent devoir faire l'objet d'un examen attentif. Au plan de la vie interne de l'organisation. Plusieurs dimensions de notre vie syndicale interne méritent un moment de réflexion, une réflexion qui devrait à notre sens déboucher sur des améliorations: - le niveau de participation du membership aux activités syndicales demeurerait assez peu élevé, d'après les informations que nous détenons. Quant au Conseil général, le quorum a parfois fait défaut, malgré un horaire allégé; - on nous rapporte et nous avons pu constater qu'une morosité certaine subsiste dans nos assemblées et instances. Une impression d'impuissance ou d'usure se dégage souvent; - la coordination politique entre les composantes demeure aléatoire. Nous avons l'impression qu'une polarisation exagérée vient parfois durcir les rapports intercomposantes ou inter-affiliés. Notre unité interne pourrait certes se renforcer de ce côté, tout en tenant compte que cette unité ne saurait se concevoir qu'à travers une meilleure prise en compte de la diversité croissante de notre organisation; - il ne nous apparaît pas qu'il y ait un effort uniforme à travers composantes et affiliés en vue d'assurer l'appropriation par la base (ou du moins de la structure intermédiaire) de l'ensemble des grandes préoccupations (sociales, professionnelles, politiques), qui constituent pourtant le mandat confié à la Centrale. Il y aurait lieu de trouver des moyens pour réduire cette distance et réaliser une meilleure osmose entre les divers paliers de l'organisation. Au plan des ressources, nous avons souligné à quelques reprises au Conseil général notre sous-équipement chronique sur les dossiers professionnels et socio-politiques. Même si nous nous sommes renforcés sur les premiers, nous avons encore du rattrapage à effectuer. Quant à l'action socio-politique, aux solidarités et au secteur général d'intervention de la Centrale (vg dossier jeunesse, lutte contre le racisme, lois sociales, question linguistique, etc), nous devons trop souvent intervenir au coup par coup, et faute de ressources suffisantes, nous ne pouvons pas anticiper le développement de certaines réalités, comme il le faudrait. Quant à l'évolution de notre Centrale, le projet de transformation en centrale du secteur public a été bien reçu par notre Conseil général élargi de juin 1985. Depuis lors, c'est l'aspect «réaménagements internes» qui nous a occupés, ce qui va donner lieu à des amendements aux statuts. Nous avons aussi entrepris des pourparlers avec d'autres organisations. La négociation en cours ne permet pas d'avancer rapidement sur ce terrain et c'est fort compréhensible. Pendant ce temps, nous continuons notre développement dans le secteur des services de garde et des communications. Certains de nos groupes ont toutefois besoin de consolidation. La négociation terminée, il faudra revenir sur la vie et l'évolution de notre organisation et reprendre en profondeur, s'il le faut, certains débats sur notre action syndicale. Les relations inter-centrales constituent une autre source de préoccupation pour nous, même si nous savons qu'en plusieurs milieux nos adhérentes et adhérents ne sont guère inquiets à ce propos. Jamais depuis quinze ans, le projet social commun des centrales n'a-t-il été aussi peu développé! Certes, nous nous sommes retrouvés, ainsi que tous les syndicats indépendants du secteur public, au sein de la Coalition pour le droit de négocier, mais nous n'avons pas pu réunir les conditions d'un nouveau Front commun inter-centrales. Il est vrai que nous nous retrouvons aussi à trois ou à deux centrales en des lieux comme le CCTM, le CISO, l'IRAT, l'Intersyndicale des femmes, la Ligue des droits et libertés, la campagne pour la paix et autres regroupements ou coalitions. A notre avis, les enjeux qui confrontent nos memberships respectifs, à travers et au sortir de la crise, sont tels que nous aurions grand intérêt à reprendre la voie de la coopération et de l'action unitaire. Certes cette voie exige de l'ouverture, de la transparence et de la tolérance. Mais le spectacle actuel est assez désolant, croyons-nous, pour donner lieu à un coup de barre dans un autre sens. On doit par ailleurs souligner que nos liens avec certaines organisations syndicales indépendantes n'ont cessé de se développer de façon fort positive. Enfin, comment ne pas aborder du moins sommairement le dossier de la négociation du secteur public? Cette négociation, que nous avons été contraints d'entreprendre sous l'empire d'une loi que nous continuons de contester, s'avère très laborieuse avec le gouvernement et même entre nous. L'année scolaire est fort avancée, et la mobilisation ne fait, dirait-on, que s'amorcer. Tant mieux si nous découvrons qu'il n'en fallait pas davantage, mais ce serait plutôt surprenant! Il est vrai par ailleurs que le processus même de la négociation n'a pas été particulièrement valorisé et productif ces dernières années. Le scepticisme quant à l'efficacité même de la négociation est certes compréhensible, compte tenu de l'expérience dernière, mais il ne faudra pas en rester là. La négociation demeure un moyen de mettre de l'avant nos propositions touchant notre travail, notre emploi et notre rémunération. Et nous savons tous que même le droit de négocier est en jeu à travers ce processus, et qu'il nous est refusé sur certaines matières, du moins partiellement (vg salaires, classification, retraite, etc). Rappelons-nous que là où il n'y a pas ou plus de négociation, il reste une seule réalité: la décision patronale unilatérale. D'autre part, il faut nous rendre à l'évidence le processus de la négociation traditionnelle est plus productif en période d'expansion économique qu'en période de crise. Depuis cinq ans nous avons subi les effets d'une crise majeure au Québec, quelle que soit notre analyse des véritables causes de cette crise. Ici comme dans nombre d'autres sociétés comparables, les lieux d'arbitrage des dépenses et des finances publiques s'établissent à d'autres niveaux qu'aux tables de négociation. Tout comme les grandes décisions se prennent maintes fois bien avant la période officielle de la négociation: se rappeler 1982. De plus en plus, les décisions touchant les services publics sont liées à un ensemble de considérations économiques, sociales et politiques, voire idéologiques. Tout comme les décisions affectant nos conditions de travail sont souvent liées à des mesures de salaire indirect ou à des mesures d'ordre fiscal. Ces constats nous portent à nous demander si nous ne devrions pas, collectivement, rajuster notre investissement syndical dans le sens suivant: réorienter nos ressources et certaines de nos activités vers des secteurs d'intervention d'ordre professionnel, social, économique et politique, là où se tracent les orientations majeures qui façonnent pour l'essentiel nos conditions de travail et de vie. C'est à y réfléchir sérieusement, tant les négociations formelles grugent de nos énergies, alors que souvent ce qui compte s'est passé ou se passe ailleurs, notamment dans le rapport à l'opinion publique et dans le rapport des forces sociales et politiques dont nous nous préoccupons souvent trop peu ou trop tard. En conclusion de cette rétrospective, nous nous poserons une question qui nous servira de jalon tout au long de ce rapport. Comment notre organisation syndicale pourra-t-elle passer à l'offensive, acquérir l'influence et la pertinence sociales nécessaires à la réalisation satisfaisante de nos mandats? Quels rajustements d'orientations et de stratégie nous faut-il envisager pour sortir de la relative marginalisation où nous a laissés la dernière crise? Certes, nous sommes restés debout, malgré le choc ressenti. Mais que faire pour retrouver l'élan des luttes essentielles, dont la reconquête de nos droits syndicaux fondamentaux et la préservation de la démocratie ne sont pas les moindres, en cette période d'assaut farouche de la part des forces les plus réactionnaires à déferler en Occident depuis quarante ans? Mais avant de tenter de répondre à cette question, élargissons l'examen de la situation. S'expliquer entre nous... Les questions que nous nous posons comme centrale, nous ne sommes pas la seule organisation syndicale à les ressentir. De même les mutations en cours, il n'y a pas que le mouvement syndical à les vivre. En fait, à travers le large mouvement de «sortie» de crise qui s'enclenche - mais la sortie de crise ne se fait pas aux mêmes conditions pour tout le monde -, il y a remise en question de l'ensemble des institutions sociales et politiques. Un retour sur la crise... La crise, tout le monde en a parlé. Chacun à sa manière. Nous, du mouvement syndical, nous avons bel et bien perçu à travers la crise en cours, l'essoufflement du modèle de production hérité de l'Après-Guerre et de l'Après-crise des années '30. La magie de l'arrimage production-consommation ne joue plus, ou du moins, pour continuer de jouer encore, il doit se réaliser à plus grande échelle, il doit se mondialiser. L'Occident et les pays industrialisés traditionnels sont en perte d'hégémonie. Non seulement le cadre de l'État national est-il devenu inapte à l'établissement de stratégies économiques et politiques significatives, mais plusieurs institutions internationales sont remises en question ou plus ou moins paralysées. Pour les travailleuses et les travailleurs, la crise, c'est d'abord le travail qui se transforme, disparaît, réapparaît autrement. La crise, c'est aussi un assaut contre le produit du travail: les salaires, les régimes de protection sociale. La crise, ce sont encore la formation et les qualifications qu'il faut repenser, réorienter, remettre à jour. La crise, c'est enfin la confrontation à de nouveaux modèles de valeurs et de relations qui traversent le culturel, les communications, le familial, le privé, tout comme la planète - dont chacun porte un petit morceau en soi. Voilà ce qui nous frappe, à travers ce que d'aucuns décriront en des termes plus techniques où il est question de précarisation de l'emploi, de dualisation des marchés du travail et de la classe ouvrière, de réorganisation mondiale et de nouvelle division internationale du travail, de processus de déqualification-requalification de la main-d'oeuvre imputable aux nouvelles technologies, de l'insuffisance des mécanismes de régulation conventionnels de l'ère keynésienne, etc. ... et sur la crise de «la représentation politique». Pas étonnant aussi que ce bouillonnement général entraîne une crise de la «représentation politique» même. Quand les rapports sociaux et les valeurs en place sont secoués, il va de soi que les acteurs sociaux que sont le mouvement syndical, les groupes populaires, les organisations politiques et communautaires sont traversés des mêmes vibrations. Le cadre bipolaire traditionnel d'analyse «bourgeoisie-classe ouvrière», caractéristique des années de la révolution industrielle, ne parvient plus, à lui seul du moins, à rendre compte des rapports sociaux contemporains dans toute leur complexité et diversité. Nous sommes à l'heure de la société post-industrielle, d'une économie de services et d'information. Pourtant nombre de pays ne se sont que récemment incorporés au circuit de la production industrielle moderne, tout en demeurant sur le seuil de la consommation de masse; d'autres pays cependant ne cessent de s'enfoncer dans la dépendance et la marginalisation la plus désespérante. Au sein même de nos sociétés les plus opulentes, n'assistons-nous pas à la paupérisation d'un nombre croissant de personnes, à la marginalisation de catégories entières, tels les jeunes, certains groupes ethniques? Nos sociétés, tout comme la planète, sont traversées par les luttes de classe et par des processus d'exploitation économique, mais elles sont aux prises aussi avec des préoccupations croissantes à l'égard de la sécurité, de la paix, du nucléaire, de l'écologie, des droits humains; elles sont aux prises avec le défi de l'alphabétisation à l'ère de l'informatique, avec le chômage des jeunes, avec la dénatalité et le vieillissement, avec le recours d'un nombre toujours grandissant aux divers circuits de la sécurité sociale. A ce point, ne faut-il pas souligner la force montante que constitue le mouvement féministe, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du mouvement syndical? La question féministe se doit de n'être plus à la périphérie des analyses politiques, économiques et sociales du mouvement social en général, ni à la périphérie des orientations et stratégies du mouvement syndical en particulier. La lutte féministe apporte une dimension essentielle au débat général sur «la représentation politique», tout comme elle interpelle directement le mouvement syndical au niveau de sa fibre démocratique. La représentation politique de ces nouveaux contenus sociaux ne peut se faire que par tâtonnements et approximations, les forces sociales en question étant elles-mêmes en voie de redéfinir leurs orientations et de reformuler leurs stratégies. «Les syndicats acculés à faire peau neuve». C'est sous ce titre que Le Monde diplomatique faisait récemment le point sur la tenue de route du mouvement syndical dans plusieurs pays européens et aux États-Unis. «Un virage difficile à négocier», «la forteresse ouvrière prise à revers», «les militants au pied du mur», «la course générale à la flexibilité», tels sont les traits marquants de ce tour d'horizon des plus révélateurs quant aux défis de l'heure. «Les syndicats sont aujourd'hui acculés à faire peau neuve, conclut l'un des auteurs de cette analyse, pour s'approprier la diversité de l'homme au travail et de l'homme sans travail afin de retrouver une force et une représentativité sans lesquelles la tourmente néo-libérale ferait table rase des acquis de plusieurs décennies». Il ne nous revient pas dans le cadre de cet exposé de porter un jugement sur l'évolution des autres volets du mouvement social national ou politique. De prime abord, il est facile cependant d'y voir que là aussi on se pose des questions, on explore de nouveaux horizons, on envisage de nouveaux modes d'intervention. Le néo-libéralisme... ou la jungle revisitée. Au plan idéologique et politique souffle donc «la tourmente néo-libérale»... une tourmente qui risque de nous enfoncer dans une jungle, où «la raison du plus fort est toujours la meilleure». «The Survival of the fittest», «que les meilleurs survivent», comme on dit au pays de Reagan, comme on disait au temps de Darwin! Depuis deux siècles, à travers les Révolutions française et américaine, les notions de liberté et de justice se sont mariées à la notion d'égalité comprise tout d'abord au sens «d'égalité devant la loi». Ce faisant la démocratie formelle marquait des pas à l'enseigne du libéralisme. Depuis lors, la trajectoire historique du concept d'égalité s'est chargée du contenu des luttes sociales, économiques et civiles de dizaines de générations au concept d'égalité devant la loi se sont superposées la notion d'égalité des chances, puis la notion d'égalité dans la condition essentielle de la vie. C'est ainsi que «la coquille creuse» de l'égalité juridique s'est peu à peu remplie d'un contenu concret présenté comme valable pour tous et chacun. Voilà aujourd'hui ce qui est remis en question: l'idée égalitaire comme principe organisateur des collectivités. Pour les néo-libéraux, le concept d'égalité de fait, tel qu'il s'est constitué historiquement, est «une immense perversion» de la pensée libérale pure et dure et ne peut conduire qu'à l'esclavage. Ainsi que le font de façon illustre les Reagan et les Thatcher dans leur pays et au plan international, on valorise la liberté individuelle au détriment de la liberté collective, on oppose liberté à égalité, on remet en question la démarche historique de l'humanité vers la recherche et la conquête des conditions concrètes de l'exercice de l'égalité pour tous, on s'attaque aux régimes démocratiques progressistes, on délégitime les instances internationales qu'on ne peut dominer. Le néolibéralisme, à travers sa version nord-américaine néo-conservatrice et sa version européenne dite «nouvelle droite», comporte une attaque frontale contre le fondement démocratique même de notre société et contre la démarche vers l'égalité des conditions qui seules peuvent diriger l'humanité vers le développement de personnes et de sociétés vraiment libres. La démocratie politique, qui est le cadre d'exercice de la démocratie sociale et économique, constitue la cible de la tourmente néo-libérale en cours, laquelle vise à tout prix la réduction du potentiel de contestation que représentent les mouvements sociaux, dont le syndicalisme. Les grands enjeux de l'heure... Notre dernier Congrès s'inscrivait sous le thème «les chances égales: un choix de société». Sur cette lancée, nous visions déjà à orienter notre action dans le sens du renforcement de la démocratie. Cette ligne de fond doit continuer de nous inspirer plus que jamais. En effet, la vogue est au désengagement de l'État. A Ottawa et à Québec, on ne parle que de privatisation, de déréglementation, de mise en quarantaine de l'État-providence. Au plan économique, on ne parle que de productivité et de flexibilité, tout comme il est de mise de promouvoir le libre-échange Canada-États-Unis. A travers ces débats sur le rôle de l'État, ne nous méprenons pas. Ce n'est pas tant le désengagement de l'État qui est visé que sa transformation, que la redéfinition de ses missions sociale et économique. Au plan social, «l'État-providence est nécessaire pour résoudre les problèmes et les conflits sociaux qui sont inhérents à toute grande société industrialisée», lit-on pourtant dans le rapport de la Commission MacDonald. Ceci étant dit cela n'empêche pas les gouvernements des deux paliers de tenter périodiquement de restreindre la portée de divers programmes de sécurité sociale. Mais au plan économique nous entrons, semble-t-il, dans l'ère de l'État-catalyseur, c'est-à-dire de l'État dont le rôle est d'établir les meilleures conditions possibles pour l'essor de l'entreprise privée. La privatisation pourra prendre des formes multiples et s'étendre sur plusieurs années. Mais le ton est donné. L'État-entrepreneur, l'État-organisateur des années '60 change de rôle, cède la place au capital privé. Le tout se fait sans débat public, sans examen démocratique de chaque situation. Seuls des comités spéciaux formés d'experts soi-disant bénévoles et désintéressés ont de l'influence sur les décisions gouvernementales. Il en va de même dans le dossier de la déréglementation, et dans celui de la révision des organismes publics. Où est la transparence, où est la démocratie? Où se situent le mouvement syndical et le mouvement social dans ces importants débats? A peu près dans la position de spectateurs... à qui les comédiens se permettraient de lancer des oeufs pourris! Spectateurs parce que sans prise sur les événements. Et victimes parce que tenus coupables des dépenses soi-disant trop élevées de l'État. Et que dire des sommets Reagan-Mulroney sur le libre-échange? Quel triste exemple d'orientation prise sans mandat ni débat, du moins de notre côté de la frontière! Le mouvement syndical canadien tout entier s'y oppose, préférant nettement une libéralisation graduelle des échanges dans un cadre multilatéral. Qu'à cela ne tienne! Mulroney le veut... même si cela doit conduire à la perte de la spécificité canadienne, entraîner une dépendance économique accrue ainsi que la perte de nombreux acquis sociaux. Encore une fois, c'est la majorité qui fera les frais des décisions d'une minorité. Derrière des objectifs de productivité de l'économie et de flexibilité dans l'organisation du travail, c'est le travail précaire qui se généralise, ce sont les emplois et les qualifications qui se modifient, c'est l'insécurité qui augmente. C'est aussi le règne de l'arbitraire qui se réintroduit puisqu'il est difficile, dispendieux et souvent impossible pour le mouvement syndical de représenter, dans le cadre juridique actuel, ces nouvelles catégories de salariés plus ou moins sporadiques. De fait dans plusieurs pays le taux de syndicalisation a carrément diminué; partout les organisations syndicales ont dû envisager de nouvelles approches de la syndicalisation, de nouveaux schémas de négociation, et certes de nouveaux rapports avec la masse des non-syndiqués. A un autre niveau, n'y a-t-il pas lieu de s'élever contre ceux qui au plan international ne cessent par l'intimidation, la provocation ou le terrorisme de mettre en péril non seulement la paix et la sécurité mais aussi le développement de l'humanité? Au Québec, pas de quoi pavoiser. Aux données de base qui caractérisent la plupart des sociétés occidentales s'ajoutent en contexte québécois quelques facteurs pour lesquels il n'y a pas lieu de pavoiser. Pendant que nos forces vives et notre élite se concentraient trop exclusivement sur la question nationale, nous avons dérivé avec le bateau péquiste vers une société ou l'unanimisme droitier se retrouve sans contrepoids politique organisé. Une nouvelle classe entrepreneuriale est en train d'émerger, dans un contexte de démobilisation nationale mais pis encore de désintérêt politique général. Les données démographiques québécoises indiquent un vieillissement marqué de la population d'ici la fin du siècle, cependant que la jeunesse se trouve plus que jamais sans emploi ni horizon. Le Québec, que d'aucuns décrivent comme une société en refroidissement, c'est en même temps une société assaillie aux plans culturel et linguistique; le Québec c'est aussi une société où l'apport de l'immigration se fera de plus en plus présent, avec ce que ce phénomène entraîne d'exigences aux plans du pluralisme et de la tolérance, et aussi de possibilités d'enrichissement. Au plan social, un mouvement syndical divisé, sans cohérence politique, souvent en proie aux rivalités internes, souvent en butte à des lois spéciales pernicieuses et brutales. Au plan politique, une Révolution tranquille dont on a déjà trop tardé à sonner la retraite, de l'avis de la classe dominante. Bref une démocratie politique zigzaguante et titubante, que le mouvement social, lui-même aux prises avec ses difficultés, n'arrive pas souvent à stimuler et aiguiller dans le sens des intérêts de la majorité. Au Québec, n'avons nous pas vu la mise à l'écart du Rapport de la Commission consultative sur le travail, dont plusieurs recommandations sont pourtant positives? N'avons-nous pas encore sur le dos la Loi 37, ce nouveau «régime de restriction» du droit de négocier dans le secteur public? Ne faisons-nous pas face à une nouvelle vague de compressions budgétaires entravant toute perspective de développement des services publics de base? Ne doit-on pas s'inquiéter de ce qu'à travers ces mesures ce soient encore les femmes qui seront le plus souvent pénalisées en tant que travailleuses ou comme usagères de services publics? Au Québec comme ailleurs ne faisons nous pas face à la montée d'une conception exagérément utilitariste de l'éducation? Sous le couvert d'un engouement subit pour «le développement des ressources humaines», on exacerbe la concurrence entre les institutions, on met l'accent sur la performance individuelle, on surinvestit dans la douance, on élève le secteur privé sur un piédestal. Serait-ce que les ressources humaines seraient tout à coup devenues un nouveau segment rentable du marché, tout comme l'ont été les autres ressources naturelles auparavant! A travers la forêt des concepts à la mode que nous distillent au jour le jour certains scribes à succès, il devient pressant de mettre au point sa boussole... Excellence, compétition, privatisation, qu'est-ce à dire en termes de formation et d'éducation? Qu'est-ce à dire à moyen terme quant à notre développement collectif? Toutes ces questions, ce sont des questions pour nous... On peut feindre de les éviter. On peut tenter de les contourner. Mais elles se posent à nous, de façon insistante. Pistes pour une stratégie plus efficace. Les enjeux qui se présentent à nous couvrent plusieurs terrains qui sont cependant reliés par une même enceinte: la consolidation de notre démocratie politique, sociale et économique. - Quelle est la portée de la démocratie formelle, «l'égalité devant la loi», lorsque le travail fait défaut? Comment parler de solidarité sociale, en contexte de chômage aigu surtout pour les jeunes et en contexte de sous-développement régional? Le premier enjeu auquel doit s'attaquer le mouvement syndical québécois c'est l'emploi, c'est la lutte pour le plein-emploi, la lutte pour des emplois stables, productifs et satisfaisants. Toute stratégie économique n'allant pas dans ce sens n'est pas démocratique car elle ne répond pas à ce droit humain fondamental et premier qu'est le droit au travail, le droit à la dignité humaine à travers une activité sociale productive et épanouissante. Telle est l'inspiration de la première proposition générale de ce rapport. - Quel est le sens d'une société se présentant comme démocratique, mais qui n'assure pas à toute sa population des services éducatifs gratuits et accessibles, sous contrôle public et de grande qualité? Un des tout premiers enjeux auquel doit s'arrêter le syndicalisme québécois, et la CEQ tout particulièrement, c'est la consolidation et le développement du service public d'éducation. C'est la formation de base et la formation professionnelle, tant des jeunes que des adultes, dans une perspective d'éducation continue. C'est aussi l'éradication totale de l'analphabétisme, et le relèvement de la fréquentation scolaire à tous les niveaux. Toute stratégie éducative ne visant pas au premier titre de tels objectifs ne saurait être considérée valable au plan démocratique, car elle entraînerait un accroissement des inégalités et le sous-développement de notre première ressource naturelle, nos ressources humaines. C'est le terrain qu'abordera notre deuxième proposition générale. - Comment une société pourrait-elle se prétendre démocratique, là où le patrimoine collectif est démantelé ou mis à l'enchère, ou encore tenu dans un état de sous-développement chronique? Que ce soit dans le secteur de la santé et des services sociaux, du loisir, des communications et de la culture, de la mise en valeur de nos ressources économiques, écologiques et humaines, c'est à l'enseigne du développement continu sous contrôle public que le mouvement syndical doit se mobiliser sans relâche. Il faut mettre en échec le dogme selon lequel le secteur privé est «plus efficace». Quelle entreprise privée ira donner des services de santé, de loisir ou de transport, par exemple, dans les régions isolées du Québec? A quel prix? Avec quelle constance? De quelle efficacité s'agit-il? Les services publics, de même que nos régimes collectifs de sécurité sociale, constituent le fonds consolidé des travailleuses et travailleurs du Québec, un fonds sur lequel nul n'a le droit de porter la main de façon détournée, un fonds sur lequel il nous faut plutôt gagner une emprise accrue. Parce qu'il s'agit de conquêtes démocratiques précieuses, et d'outils indispensables de notre développement démocratique futur, les services publics doivent constituer l'un des premiers points de ralliement du mouvement syndical, l'une des plus hautes priorités de notre propre centrale. Telle est la portée de nos propositions portant d'une part sur le développement de nos politiques de services publics, et sur notre projet d'organisation syndicale d'autre part, telles qu'on les trouvera aux chapitres trois et quatre. - La démarche démocratique, nous l'avons dit, repose sur un aiguillon indispensable: le mouvement social dont le syndicalisme est une composante majeure. Les organisations syndicales s'inscrivent dans la démarche de transformation des conditions sociales de vie des plus démunis et de la majorité, ou bien elles n'ont de «syndical» que le nom. Nos organisations sous peine de sombrer dans le nombrilisme corporatiste, se doivent de s'ouvrir aux réalités de la discrimination et de l'injustice sociales; aux réalités économiques et environnementales, aux réalités internationales du développement et de la coopération, tout comme elles doivent s'alarmer devant les menaces que font planer les stratégies de course aux armements. Sous peine aussi de se condamner à l'inefficacité, c'est dans l'unité d'action la plus soutenue que le mouvement syndical a intérêt à se manifester dans la poursuite d'une société démocratique. Ajoutons qu'il nous semble dans la nature de l'action syndicale que de rechercher un impact sur les décisions qui déterminent nos conditions de travail et de vie, c'est-à-dire de rechercher un impact politique. Dans la mesure où il nous paraît souhaitable de consigner dans des lois et des institutions démocratiques les acquis et le produit de nos luttes collectives, dans la même mesure il nous faut veiller, en toute logique, à s'assurer que l'action syndicale connaisse un prolongement politique. Notre centrale, un lieu d'organisation de nos solidarités sociales, internationales, intersyndicales et politiques, telle est la perspective qu'ouvre notre cinquième proposition générale. - La démocratie, c'est aussi la capacité de s'auto-gouverner, de s'auto-gérer de s'auto-développer dans le cadre d'outils et d'institutions libres, collectivement élaborés et contrôlés. En ce sens chaque fois que par le syndicalisme nous mettons la force commune au service de celles et ceux des nôtres qui en ont le plus besoin, par exemple dans la présentation d'un grief, nous participons à un acte d'autodéfense démocratique. Chaque fois que nous prenons une initiative autonome et que nous la portons jusqu'au bout - par exemple un projet de cahier pédagogique, un plan d'assurance collective, une coopérative -, c'est l'expression de notre démocratie que nous assumons. Mais tout ou à peu près tout échappe à notre emprise et même à notre influence aux plans social et économique. Par conséquent chaque instrument collectif que nous nous donnerons sur ces terrains va constituer un pas de l'avant. Telle est la voie que nous invite à explorer notre sixième proposition portant sur les services collectifs. - Enfin, tel le levain dans la pâte, la contribution syndicale à la démocratie sociale ne saura différer de la qualité de la démocratie syndicale elle-même. «On ne donne pas ce qu'on n'a pas», dit l'adage. Pour se prétendre un élément actif de l'édifice démocratique social, le syndicalisme se doit d'abord d'être authentiquement démocratique. La démocratie syndicale repose d'une part sur l'indépendance face au pouvoir d'État, d'autre part sur la représentativité, la participation et le militantisme. Dès que l'un de ces quatre ingrédients fait défaut, il faut se poser des questions et prendre des mesures correctrices. Ces mesures, de l'ordre de la démocratie syndicale, doivent tout particulièrement favoriser l'engagement actif de nos membres féminins qui constituent la large majorité de notre centrale. C'est ce champ de préoccupations qu'aborde pour conclure le dernier chapitre de nos propositions. Seconde partie, nos propositions. Proposition un. Le travail, premier lieu d'ancrage du syndicalisme. L'action syndicale, en regroupant les travailleuses et travailleurs pour leur donner une voix en vue de conquérir et de défendre leurs droits (sociaux, économiques, culturels et politiques) et de reconquérir un certain contrôle sur leur travail, a essentiellement misé sur l'action collective solidaire pour lutter contre la concurrence que les employeurs exploitaient: - entre les travailleuses et travailleurs en emploi et les travailleuses et travailleurs en attente d'un emploi, - entre les travailleuses et travailleurs dans la lutte pour le maintien de l'emploi et pour l'amélioration des conditions de travail, - entre les travailleuses et les travailleurs d'origine ethnique différente. La lutte syndicale fut, dès le début, dirigée contre les effets du libre marché de la main-d'oeuvre et contre le droit de gérance absolu, considéré par les employeurs comme le corollaire du droit de propriété. Elle a donc toujours été une lutte pour la dignité dans la solidarité, principalement ancrée dans le rapport au travail. Le droit au travail, le droit à la protection de son emploi, le droit à des conditions décentes de travail, le droit à un salaire décent, le droit à la santé et la sécurité au travail, le droit à une sécurité sociale, le droit à une protection contre l'arbitraire patronal, un droit de regard sur l'organisation de son travail, le droit à des règles de mobilité en emploi, le droit au repos réparateur (vacances, heures de travail, congés) et la réduction du temps de travail, ce sont toutes des revendications qui ont toujours animé le mouvement syndical. Très rapidement, ces revendications ont pris racine dans les manufactures et usines et ont débordé sur le terrain social et politique. La décriminalisation de l'action syndicale, l'interdiction du travail des enfants, la reconnaissance syndicale, l'obligation de négocier des contrats collectifs, le droit à des soins de santé, le droit à l'éducation se sont vite imposés comme revendications collectives des travailleuses et travailleurs regroupés dans les syndicats. Facteur de redistribution plus équitable du produit du travail, le mouvement syndical (initialement lié aux autres composantes du mouvement ouvriercoopératives et partis) devient aussi facteur de démocratisation sociale et économique. Mais son principal lieu d'ancrage fut toujours le travail et le rapport au travail. Au Canada et au Québec, ce rapport au travail s'exerce dans le cadre d'une économie libérale, où dominent la propriété privée des moyens de production des biens et services, les règles fondamentales de l'économie de marché et des processus de détermination des choix économiques qui reposent essentiellement sur la recherche de la meilleure rentabilité économique pour l'entreprise et ses actionnaires. Avant de procéder à un réexamen de nos stratégies syndicales, de nos champs d'investissements et de nos priorités, il convient que nous jetions un coup d'oeil intéressé et attentif sur la situation de l'emploi au Québec, sur l'état de la syndicalisation, sur la mutation en cours de l'économie québécoise et sur les conséquences de ces facteurs pour les adhérentes et adhérents de la CEQ. Nous vous proposons donc de procéder à un exercice qui vous permette de partager notre perception des tendances lourdes qui se dégagent de l'évolution observable et des discours publics. Nous serons collectivement en mesure d'agir, préférablement de concert avec d'autres sur certains des éléments de la conjoncture à laquelle est confrontée notre action collective, notre action syndicale. A - L'emploi au Québec. 1 - Constats de la Commission Beaudry. Récemment, la Commission Beaudry (Commission consultative sur le travail et la révision du Code du travail) publiait son rapport. Elle y traçait un portrait réaliste et dramatique de la situation de l'emploi au Québec: - le secteur de la fabrication a perdu, de 1980 à 1984, 54 000 emplois qu'il n'a pas réussi à récupérer; - le secteur de services fournissait, en 1984, 70 % de l'emploi au Québec après avoir triplé ses effectifs en 40 ans; - le taux de chômage demeure élevé (12,8 % en 1984), le chômage frappe plus durement les femmes, certaines minorités ethniques et les jeunes et dramatiquement les personnes handicapées (85 % à 90 % des personnes handicapées aptes au travail); - en quatre ans, l'emploi à temps partiel s'est accru de 31 %; - en trente ans, le nombre de salariées et salariés réguliers à temps plein a chuté de 69,8 % à 50,6 % des personnes en emploi; - l'emploi à temps partiel est d'abord le lot des femmes et des jeunes et occupe une très large place dans le secteur des services; - l'impact du recours à la sous-traitance s'est accru de 50 % de 1971 à 1982; - la rémunération hebdomadaire moyenne au Québec a chuté comparativement à celle de l'Ontario. En 4 ans, cette chute relative atteint 15,00$. Il y a 4 ans, elle était supérieure de 7,00$ à celle de l'Ontario; maintenant, elle lui est inférieure de 8,00$. Ce renversement serait largement attribuable au gel du salaire minimum légal québécois; - le salaire horaire moyen des femmes, tous les autres facteurs étant exclus, demeure inférieur de 14,8 % à celui des hommes; - l'écart de rémunération entre syndiqués et non-syndiqués est passé de 15 % à 20,6 % de 1978 à 1983; - la semaine moyenne de travail à temps plein continue de diminuer légèrement et se situait à 37,35 heures en 1983; elle était de 38,04 heures cinq ans plus tôt. De l'ensemble des constats de la Commission, on peut dégager le portrait suivant: chômage élevé persistant, déclin de l'emploi dans les secteurs primaire (agriculture et exploitation des ressources naturelles) et secondaire (industries de transformation) et dans les grandes entreprises de ces secteurs, développement de l'emploi dans le secteur tertiaire (les services) et dans les PME manufacturières, précarisation importante de l'emploi, maintien d'une discrimination salariale significative à l'égard de femmes, accroissement des écarts salariaux entre personnes syndiquées et non syndiquées au travail, détérioration relative des conditions de travail des travailleuses et travailleurs québécois comparativement à celles des travailleuses et travailleurs ontariens, maintien d'un taux élevé de marginalisation des groupes les plus discriminés, tendance faible et continue à une réduction de la semaine de travail à temps plein. Les traits dominants sont la tiertiarisation et la précarisation de l'emploi. 2 - Érosion de la protection contre le chômage et ses effets. Le nombre de personnes sans emploi pour de très longues périodes s'est accru considérablement à l'occasion de la dernière période de la «crise économique». Les coûts du régime d'assurance-chômage et de l'aide sociale ont, successivement, suivi la même courbe ascendante. Le patronat invoque le coût excessif de ces régimes et leurs effets désincitatifs au retour au travail sur les sans-emploi. Le patronat n'a pas grand peine à convaincre nos gouvernements de la nécessité de réduire la pression que ces régimes exerceraient sur l'équilibre des budgets gouvernementaux. Des règlements d'application de la Loi de l'assurance-chômage sont modifiés pour réduire la protection accordée aux prestataires de ce régime. Des modifications plus substantielles sont annoncées à la Loi de l'assurance-chômage. Une commission d'enquête est chargée de consulter le public et de proposer une réforme du régime actuel en tenant compte des orientations recommandées par la Commission MacDonald: alourdissement des conditions d'admissibilité, augmentation du délai de carence, réduction du niveau des prestations, etc. Au Québec, l'admissibilité à de pleines prestations d'aide sociale devient sélective et conditionnelle pour les prestataires de moins de 30 ans. Puis, l'on songe à abolir la discrimination selon l'âge en remplaçant le régime actuel par deux régimes distincts: l'un applicable aux personnes jugées inaptes au travail et l'autre visant les personnes jugées aptes au travail. On s'engage dès lors dans la généralisation du caractère sélectif et conditionnel du régime de sécurité sociale. Parallèlement, Québec retire l'indexation trimestrielle des prestations de l'aide sociale et applique diverses mesures comprises dans le Livre blanc sur la fiscalité des particuliers produit sous le précédent gouvernement. Rappelons que celui-ci s'était engagé à ouvrir un débat publie sur l'ensemble de cette déclaration d'intentions gouvernementales avant de procéder à son application. Cet engagement ne fut pas respecté et diverses mesures ont été progressivement annoncées et appliquées, dans une toute tranquille continuité, par l'ancien et l'actuel gouvernements québécois. 3 - Conscription des sans-emploi. A la faveur de l'augmentation importante du taux de chômage et de l'augmentation correspondante des coûts de l'aide sociale, le gouvernement du Québec, après avoir réduit les prestations de l'aide sociale dont pouvaient bénéficier les jeunes de moins de 30 ans, a élaboré une série de programmes (généralement connus sous le vocable de «Options déclic») leur permettant de se qualifier pour des prestations équivalentes à celles versées aux assistées sociales et assistés sociaux de plus de 30 ans. Parmi ces programmes, tous ne sont pas d'égale valeur. Les jeunes qui s'engagent dans les programmes de travaux communautaires ou de stages en entreprises n'ont droit ni à l'application de la Loi des normes du travail, ni à celle du Code du travail. Ces jeunes sont privés du statut de travailleuse ou travailleur salarié. Dans ce contexte, les jeunes sont littéralement privés du droit d'association et du droit à l'égalité, pourtant tous deux protégés tant par la Charte québécoise que la Charte canadienne. En plus de constituer une certaine forme de conscription des sans-emploi, ces programmes utilisent l'aide sociale comme mode indirect de subvention aux entreprises. Ce faisant, ces programmes renforcent la compétition ouvrière, créent une nouvelle forme d'emplois précaires et augmentent singulièrement l'appétit du patronat pour l'extension de tels régimes d'exception. Certains représentants du patronat revendiquent l'extension de ces règles d'exception aux premières années d'emploi des personnes qui auront d'abord été des participantes au programme «stage en milieu de travail». A la lumière des engagements électoraux du parti libéral et des déclarations publiques du ministre Paradis, il faut s'attendre à une extension de tels programmes à l'ensemble des prestataires de l'aide sociale jugés aptes au travail. Nous ne pouvons ignorer non plus les effets négatifs des programmes contestés sur le nombre des nouveaux postes offerts, sur les conditions de travail négociées et sur l'accès à la syndicalisation. 4 - Fragmentation de la collectivité des travailleuses et travailleurs. La concentration progressive de l'emploi dans le secteur des services, l'augmentation significative du niveau de l'emploi précaire, le maintien d'un taux élevé de chômage, les nouvelles formes de conscription des sans-emploi, la vulnérabilité et la fluidité des emplois dans plusieurs secteurs contribuent à une fragmentation de la collectivité des travailleuses et travailleurs, favorisent l'éclatement des solidarités sociales et facilitent l'exploitation de nouvelles contradictions entre les groupes suivants: a) une fraction de plus en plus restreinte de travailleuses et travailleurs jouissant: - d'un emploi stable dans des secteurs «sûrs»; - des avantages sociaux; - de la sécurité d'emploi; - de la syndicalisation; - d'une bonne protection; - de bonnes conditions de travail; b) une importante fraction de travailleuses et travailleurs en emploi précaire: - n'ayant accès qu'à du travail à temps partiel, à domicile, saisonnier ou contractuel; - sans sécurité d'emploi; - sans avantages sociaux ou presque; - travaillant dans des secteurs volatiles de pointe ou en déclin; - occupant des emplois isolés, décentralisés, en sous-traitance; - peu ou pas syndiqués; - alternant entre un état de travail et un état de chômage plus ou moins prolongé; c) les chômeuses et chômeurs: - de plus en plus permanents; - isolés, culpabilisés, harcelés, conscrits. Les effets de ces contradictions se multiplient dès lors que les femmes, les jeunes, les handicapés et les membres de certaines minorités ethniques ne peuvent que difficilement participer au premier groupe. Quand elles et ils y parviennent, leurs conditions sont trop souvent différenciées de celles applicables à la majorité de ce groupe. Pensons notamment aux nouvelles stratégies patronales qui réussissent à imposer, lors du renouvellement de certaines conventions collectives du secteur privé et du secteur péri-public, une échelle de salaires inférieure applicable aux nouveaux personnels. Pensons aussi aux ghettos d'emplois et à la discrimination salariale à l'égard des femmes. A leur tour, ces diverses contradictions sont exploitées pour réduire l'importance relative et absolue du premier groupe et pour diminuer la protection globale dont ces travailleuses et travailleurs bénéficient (qu'elles et qu'ils soient du secteur public ou privé) et pour accroître la division et la concurrence. Le mouvement syndical lui même développe, sous la pression de ces contradictions, ses propres contradictions internes et les organisations qui le composent résistent mal à la tentation de la concurrence entre elles. 5 - Loin des engagements internationaux du Canada. Pourtant, le Canada a souscrit à la «Déclaration universelle des droits de l'homme», adoptée par l'ONU le 10 décembre 1948, dont l'article 23 se lit comme suit: «Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.» Ce droit a été réaffirmé et précisé par l'article 6 du «Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels» adopté à l'unanimité par l'Assemblée générale de l'ONU le 16 décembre 1961 et entré en vigueur le 3 janvier 1976. Enfin la Convention 122 de l'OIT (Organisation internationale du travail) concernant la politique de l'emploi, adoptée en 1964, précise que les pays participants doivent «formuler et appliquer, comme un objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi». B - La syndicalisation au Québec. 1 - Constats de la Commission Beaudry. Depuis la deuxième grande guerre mondiale, les effectifs syndicaux québécois ont connu deux périodes de croissance rapide; la première, couvrant les 15 premières années considérées, est étroitement liée à la multiplication des syndicats industriels (qui s'implantent dans les secteurs où le travail à la chaîne domine) et à la croissance des effectifs des secteurs primaire et secondaire; la deuxième, de 1963 à 1974, est le produit de la généralisation de la syndicalisation dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de l'administration publique et de la croissance du personnel salarié dans ces secteurs. Mais, depuis 1975, on observe une certaine stagnation des effectifs syndicaux. Par ailleurs, on note aussi une diminution des effectifs syndicaux dans le secteur industriel qui est largement provoquée par un ralentissement de l'activité économique, par la modernisation des équipements industriels, par la croissance constante du recours à la sous-traitance, et le transfert d'activités productives vers d'autres pays (Tiers-Monde) ou d'autres régions. Par ailleurs, la description de l'état de la syndicalisation que fait la Commission Beaudry met en relief le développement inégal de la syndicalisation: - 33,2 % des femmes et 38,6 % des hommes salariés en emploi sont syndiqués (en 1984); - le taux de syndicalisation (mesuré en englobant toutes les personnes couvertes par les unités d'accréditation) varie de façon importante selon les secteurs d'activités: 80 % dans les secteurs public et para-public (sur 500 000 personnes), 60 % dans le secteur manufacturier (sur 600 000 personnes), 20 % dans le secteur privé des services (sur 1 200 000 personnes); - plus de 44 % des personnes syndiquées au Québec oeuvrent dans les secteurs public, para-public et péri-public. «La récession économique et l'amorce d'un redéploiement industriel qui l'a suivie ont donc lourdement affecté le syndicalisme québécois. La dynamique économique nouvelle a désavantagé toutes les organisations syndicales et entraîné une baisse constante du taux de syndicalisation. Les nouveaux foyers de développement économique qui ont émergé au cours des dernières années - comme les PME du secteur tertiaire - demeurent peu accessibles aux organisations syndicales». (Rapport Beaudry, page 20) De l'ensemble de ces constats, on peut dégager une image globale de l'état de développement inégal de la syndicalisation qui doit inquiéter toutes les composantes du mouvement syndical: - La première forteresse historique du mouvement syndical, le secteur manufacturier, est en déclin. - Les effectifs des secteurs les plus syndiqués, les secteurs public et para-public, ont, à toutes fins pratiques, cessé de croître depuis 1975 et ont déjà commencé à décroître en raison, d'une part, des coupures budgétaires dans ces secteurs et, d'autre part, de la croissance de la privatisation partielle par le recours massif à la sous-traitance (le «faire-faire») sous diverses formes. - Le seul secteur vraiment en croissance, le secteur privé des services, n'est pas encore significativement syndiqué (20 %) et est peu accessible pour les organisations syndicales. Les secteurs public et para-public, même s'ils sont fortement syndiqués, sont aussi les plus exposés à des vagues politiques anti-syndicales du seul fait du faible taux de syndicalisation dans les autres secteurs réunis. Après avoir rappelé que, selon une étude du BIT (Bureau international du travail), «l'ampleur de ces clivages (développement très inégal de la syndicalisation selon les secteurs) est plus grande ici que n'importe où ailleurs» et que «à cet égard, le Québec occuperait une position unique au sein des pays dont le BIT a estimé le taux de syndicalisation», la Commission Beaudry s'inquiète aussi de cette situation: «Position unique et sans doute peu enviable, si on songe à l'effet corrosif de contrastes si voyants sur la cohésion interne d'une société» (Rapport Beaudry, page 181). Un état de développement aussi inégal de la syndicalisation au Québec dénote une faiblesse structurelle de ce développement et une insuffisance du cadre de son développement. Cette faiblesse structurelle du développement de la syndicalisation explique, en partie, la fragilité politique des droits syndicaux, notamment dans les secteurs public et para-public. La stagnation du taux de syndicalisation et son développement inégal questionne aussi les pratiques d'organisation syndicale des composantes du mouvement syndical québécois qui réussissent plus facilement à s'échanger des effectifs syndicaux qu'à faire progresser le taux de syndicalisation. Cette situation est aussi le résultat de la résistance des employeurs à la syndicalisation de «leurs» salariés qui est davantage perçue comme une menace à la liberté d'entreprise que comme l'exercice d'un droit reconnu. Cette résistance devient plus brutale dans la petite entreprise. 2 - L'opposition patronale à la syndicalisation. Cette opposition patronale peut être perçue comme l'expression d'une certaine mesquinerie. Mais une telle interprétation serait trop simple, simpliste. Elle est davantage une résistance à une transformation profonde du rapport au travail et du mode de partage des fruits du travail. Pour l'employeur, la syndicalisation de «ses» salariés, c'est l'introduction des rapports collectifs là où il n'y avait que des rapports individuels, c'est l'apparition de la solidarité là où il exploitait la division et la concurrence, c'est inévitablement l'émergence de nouvelles contraintes générées par un encadrement négocié de son droit de gérance, c'est aussi la crainte de voir son entreprise supporter de nouveaux coûts résultant des négociations collectives et perdre ou sa capacité d'expansion ou sa position concurrentielle ou une partie de sa marge de profit. Dans ce contexte, il n'est guère étonnant que les employeurs résistent mal à la tentation de contrer toute campagne de syndicalisation qui atteigne leurs entreprises. La réaction patronale sera souvent brutale, notamment dans les petites entreprises. Les craintes des patrons devant la syndicalisation inspirent leur résistance farouche à son développement de même que leurs nombreuses demandes de modification à leur avantage des dispositions du Code du travail. Certaines données publiées dans le rapport de la Commission Beaudry, notamment le nombre moyen de plaintes contestant des mesures de représailles par requête en accréditation, tendent à démontrer que les employeurs québécois ont une réaction beaucoup plus agressive que les employeurs de la Colombie-Britannique face à la syndicalisation de «leurs» salariés. L'opposition patronale à la syndicalisation se manifeste de plusieurs façons et les employeurs recourent souvent à l'un ou l'autre - et quelquefois, successivement, à l'ensemble - des nombreux moyens expérimentés pour contrer la syndicalisation. Rappelons-en quelques-uns: - division de l'ensemble de leurs activités économiques en de multiples petites entreprises; - utilisation des techniques modernes de gestion des ressources humaines pour contrer toute éventuelle volonté de syndicalisation; - constitution de syndicats de boutique ou d'associations diverses dans l'entreprise; - congédiement de la première salariée ou du premier salarié qui ose évoquer l'opportunité de songer à la syndicalisation; - menace de fermeture de l'entreprise dès l'amorce d'une campagne de syndicalisation et, en quelques occasions. exécution de la menace de fermeture, souvent suivie du transfert de l'entreprise en un autre lieu ou de sa réouverture sous une autre raison sociale; - amélioration immédiate de certaines conditions générales de travail en échange d'une cessation immédiate de la campagne de syndicalisation; - attribution d'un statut privilégié aux personnes qui peuvent avoir une influence déterminante sur la majorité des salariées et salariés; - mesures de représailles à l'endroit des initiateurs de mouvements de syndicalisation; - ralentissement volontaire de l'activité de l'entreprise pouvant justifier des licenciements ou des mises à pied; - utilisation de tous les moyens juridiques possibles pour contrer ou retarder l'émission du certificat d'accréditation; - fermeture de l'entreprise ou déplacement de l'entreprise sous une autre juridiction des l'imposition de la première convention collective. Cette opposition patronale à la syndicalisation est forte, répandue et a la vie longue. Elle a permis l'émergence d'une véritable et très prospère industrie de services aux entreprises qui se spécialisent dans les techniques visant à faire échec à la syndicalisation et à casser les syndicats existants. C - L'économie québécoise en mutation. Taux de chômage élevé, tiertiarisation et précarisation de l'emploi, fragmentation de la collectivité des travailleuses et travailleurs en fractions opposables entre elles, plafonnement des effectifs syndicaux, développement dangereusement inégal de la syndicalisation, ce sont toutes des conséquences de l'évolution de l'économie québécoise. La Commission Beaudry a relevé un bon nombre de traits caractéristiques de l'évolution de l'économie québécoise que l'on peut résumer ainsi: - l'entreprise québécoise est généralement de taille modeste (87 % des entreprises comptent moins de 50 employés); - les PME augmentent leur nombre, leur part de l'emploi manufacturier jusqu'à 54,3 % (en 1984) et leur part de la valeur des livraisons manufacturières jusqu'à 40,5 % (en 1984); - certaines catégories de PME n'existent qu'en fonction de la sous-traitance; - la sous-traitance est un phénomène en plein essor, qui joue un rôle déterminant dans la stratégie de développement des entreprises; - les grandes entreprises continuent d'exercer une influence dominante sur l'économie; - le secteur des services se développe (79 % des entreprises sont dans ce secteur) pendant que les secteurs primaire et secondaire sont en déclin; - une restructuration économique et une nouvelle division du travail s'accentuent à l'échelle canadienne, nord-américaine et mondiale. Pour compléter ce portrait, il nous faut ajouter les éléments suivants: - la relance économique ne s'accompagne pas d'une remontée comparable du niveau de l'emploi; - la part de la richesse collective accaparée par les catégories de personnes ayant les plus hauts revenus continue de s'accroître au détriment des parts respectives de la classe moyenne et des catégories de personnes ayant les plus faibles revenus; - la croissance des profits des entreprises est relancée; - des concentrations importantes d'intérêts économiques s'opèrent par des prises de contrôle et des ententes de gré à gré; - dans plusieurs secteurs, les grandes entreprises prennent des mesures pour limiter l'émergence de nouvelles concurrences; - la privatisation d'entreprises contrôlées par des agences gouvernementales est amorcée; - la privatisation partielle des services publics se poursuit; - le soutien gouvernemental aux entreprises du secteur privé s'accroît et se diversifie (soutien à l'implantation, à la modernisation, à l'accès aux ressources naturelles, à la recherche et au développement, à la recherche de nouveaux marchés et à la capitalisation) et il prend des formes multiples (allégement du fardeau fiscal, augmentation des services directs, subventions, exemptions fiscales pour l'entreprise et ses actionnaires, tarifs préférentiels, prêts garantis, etc) dont la plus subtile est, sans doute, l'aide à la capitalisation des entreprises à même le régime fiscal applicable aux particuliers (les RÉA notamment); - la révision en cours de la réglementation dans la perspective d'assurer une plus grande liberté d'action à l'entreprise privée. La sortie de crise pour le patronat se réalise donc grâce à une nouvelle concentration du capital, une stagnation du niveau de l'emploi, l'implantation de nouvelles technologies, une croissance importante de l'emploi précaire au détriment de l'emploi régulier à temps plein, l'exploitation d'une nouvelle concurrence ouvrière, l'abandon du rôle social de l'État au profit d'un soutien à la modernisation, à la capitalisation et au développement des entreprises. Elle prend nettement le visage de la construction d'un nouvel ordre économique. Cette situation et ces facteurs exercent une pression extrêmement efficace - à défaut d'une opposition sociale suffisante pour une plus grande libéralisation du marché des biens de consommation et des services, des biens de production, des capitaux et de l'emploi, pour une diminution importante du rôle stabilisateur de l'État et pour l'appropriation d'une plus grande part de la richesse collective par l'entreprise privée. D'où, une augmentation de la pression pour la réduction du rôle social de l'État et pour une transformation de ses interventions dans la gestion économique. Cette évolution, cette mutation de l'économie québécoise, ce nouvel ordre économique en devenir, remet radicalement en question les progrès réalisés dans la recherche d'une plus grande démocratisation sociale depuis 25 ans. Elle souligne également l'urgente nécessité d'amorcer une démocratisation de l'économie afin que le développement économique soit orienté en fonction de la réalisation du plein emploi et de la satisfaction des droits humains et sociaux de la majorité et non pas de la recherche de la seule meilleure rentabilité pour l'entreprise. Aucun gouvernement n'aura le courage nécessaire pour amorcer un tel virage à moins qu'il n'y soit poussé par l'effet d'une large mobilisation sociale de la majorité populaire et qu'une voix politique importante ne s'élève pour promouvoir un tel projet de société. D - Les répercussions dans nos secteurs. Chômage élevé persistant, précarisation de l'emploi, fragmentation de la collectivité des travailleuses et travailleurs en fractions opposables entre elles, plafonnement de la syndicalisation, développement dangereusement inégal de la syndicalisation et mutation de l'économie québécoise, voilà autant de caractéristiques de notre époque qui ont des répercussions dans nos secteurs, avant même d'envisager les conséquences d'un éventuel accord global de libre-échange canado-américain. 1) Impacts de la situation générale de l'emploi. Il n'est pas nécessaire de reprendre, en détail, la démonstration déjà faite des effets d'un taux de chômage élevé et persistant, d'une précarisation accrue de l'emploi, d'une minorisation progressive des travailleuses et travailleurs réguliers à temps plein bien protégés et syndiqués qui provoquent une fragmentation de la collectivité des travailleuses et travailleurs en fractions opposables entre elles. Signalons seulement que ces situations sont susceptibles de créer des convergences occasionnelles entre les intérêts fondamentaux du patronat et des intérêts immédiats de celles et ceux qui sont en quête d'un emploi ou qui aspirent au statut de travailleuses et travailleurs réguliers à temps plein. De telles convergences sont susceptibles de menacer la sécurité d'emploi de ceux qui ont déjà acquis ce statut. Des mouvements prônant la prédominance de la compétence sur la sécurité d'emploi peuvent dans un tel contexte reprendre racine et s'amplifier. On a vu la capacité supplanter l'ancienneté pour fins de réaffectation - pourtant très étroitement liée à la sécurité d'emploi - chez les enseignantes et enseignants de commissions scolaire - a compter de 1980 au Texas, cette année, les 55 000 enseignantes et enseignants sont maintenant soumis à des tests de compétence académique en anglais écrit. Un échec à un tel test entraîne la révocation de l'autorisation d'enseigner. Ces tests, auparavant imposés dans deux autres états américains, s'étendent dans ces états à d'autres disciplines comme les mathématiques ou les matières spécifiques d'enseignement de chaque membre du personnel enseignant et comportent les mêmes conséquences. Par ailleurs, les dernières années ont vu disparaître les règles (rapports maître-élèves) de calcul du nombre d'enseignantes et enseignants qu'une commission scolaire devrait avoir à son service pour assurer l'enseignement aux clientèles qu'elle devrait desservir. Chez le personnel de soutien et les professionnelles et professionnels, le recours à la sous-traitance sous diverses formes est devenu une pratique courante. Dans le secteur de l'éducation en général, on assiste à une progression importante du nombre de travailleuses et travailleurs à statut précaire et à une prolifération de nouveaux statuts précaires. Dans le secteur des affaires sociales, la désinstitutionnalisation sert souvent de prétexte à l'introduction de nouvelles formes de sous-traitance. Dans le secteur de la fonction publique, les pigistes, les surnuméraires et les occasionnels augmentent alors que le nombre de salariées et salaries réguliers plafonne ou diminue et que se multiplient les contrats de sous-traitance. Il y a tout lieu de croire que les mêmes tendances sont observables dans les autres secteurs où la CEQ est présente. 2) Impacts du développement inégal de la syndicalisation. Les secteurs public et para public québécois sont largement syndiqués. Cela constitue une force importante pour les salariées et salariés que nous représentons. Elles et ils, à l'exception de celles et ceux qui appartiennent aux personnels à statut précaire les plus marginalisés, ont profité et profitent toujours des effets de la syndicalisation dans leurs conditions générales de travail. Elles et ils en profitent dans une proportion plus large que les travailleuses et travailleurs de tout autre secteur d'activités. C'est à la fois normal et inquiétant. C'est normal que les effets de la syndicalisation soient plus largement répandus dans les secteurs les plus syndiqués. Mais, en même temps. c'est inquiétant à cause des effets plus limités de la syndicalisation dans les autres secteurs. Les droits acquis par une minorité - aussi concentrée - des travailleuses et travailleurs québécois sont trop rapidement considérés comme des privilèges par la vaste majorité qui n'en bénéficie pas au moment où les tensions sociales prennent du relief. Le patronat peut plus facilement, dans ce contexte, presser le gouvernement d'introduire des mesures pour limiter les effets de la syndicalisation dans ce secteur. Pour y arriver, tous les arguments seront, selon les circonstances, utilisés: seul le gouvernement a la légitimité politique pour imposer ses orientations politiques, pour faire des choix budgétaires et déterminer sa masse salariale et les syndicats doivent accepter de transiger dans le cadre de ces contraintes; les conditions de travail dans les secteurs publie et para-public québécois doivent être comparables à celles prévalant dans le secteur privé; ces conditions ne doivent pas non plus être supérieures à celles que l'on observe dans d'autres secteurs publies. Le développement inégal de la syndicalisation ouvre donc la porte à des actions unilatérales des gouvernements à l'égard des conditions de travail des salariées et salariés des secteurs public et para-public (comme ce fut notamment le cas en 1982). à une réduction du droit a la libre négociation collective dans ce secteur (Loi 37 ) et à l'exposition des travailleuses et travailleurs des secteurs public et para-public à diverses pressions équivalentes à celles qui s'exercent sur les travailleuses et travailleurs des secteurs moins syndiqués. 3) Impacts de la mutation de l'économie. Acceptant de concourir ou d'assister à la réorganisation internationale du capital et du travail en cours, tout en aidant les entreprises d'ici à devenir plus concurrentielles, nos gouvernements se lais sent imposer par les entreprises et le patronat une réduction de leurs marges de manoeuvre budgétaire qu'ils tentent de regagner en demandant des sacrifices à la majorité: augmentation du fardeau fiscal des particuliers, réduction de la progressivité du régime fiscal, coupures dans les programmes sociaux, remise en question de leur universalité, compressions budgétaires dans les services publics d'éducation, de santé, de services sociaux; et dans la fonction publique et imposition de tarification aux usagères et usagers des services publics. A leur tour, ces mesures poussent les administrateurs des services publies à faire plus et mieux avec moins et, donc, à exiger de nouvelles marges de manoeuvre qu'ils ne peuvent acquérir que sur le dos de leurs salariées et salariés. D'où leurs demandes pressantes pour la décentralisation des négociations, pour l'élargissement du droit de gérance, pour la multiplication des statuts précaires, pour la déqualification de certaines fonctions, pour le recours à diverses formes de sous-traitance. Certes, nous pouvons combattre ces demandes patronales sur le terrain de la négociation. Notre force collective peut, si nous réussissons à construire un rapport de force valable, nous permettre de résister efficacement aux reculs conventionnels que l'on tentera de nous imposer. Mais, la partie patronale pourra toujours altérer la portée de nos acquis en modifiant le contexte dans lequel s'appliqueront nos conventions collectives. Pour éviter les détériorations que ces décisions patronales voudraient nous imposer, il nous faudrait ou élargir le champ du négociable à l'infini au moment même où les employeurs réellement plus de souplesse organisationnelle ou ouvrir lucidement d'autres fronts de lutte. Voyons maintenant les effets supplémentaires d'un éventuel accord global de libre-échange canado-américain sur la situation décrite. E - Les effets du libre-échange. De l'avis même des tenants d'un accord global de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, les petites entreprises ayant une production diversifiée pour répondre à la consommation domestique seraient les principales victimes d'un tel accord. Selon ces mêmes personnes, les industries de plu sieurs secteurs y perdraient sûrement alors que d'autres pourraient y gagner. Pour d'autres dont nous sommes, un accord global de libre-échange canado-américain ferait reposer sur le seul Canada tout le fardeau de l'ajustement, compte tenu de la supériorité de l'économie américaine et de sa capacité de production non utilisée. Un tel accord provoquerait un accroissement durable du chômage parce qu'il ouvrirait la porte à une centralisation de certaines productions, à une relocalisation des entreprises et à l'envahissement du secteur de services par les entreprises américaines. L'abolition des barrières tarifaires et des barrières non tarifaires ne nous mettrait pas totalement à l'abri des mesures protectionnistes américaines. Mais l'élimination des barrières non tarifaires remettrait directement en cause la souveraineté du pays. Le Canada et le Québec n'auraient plus de marge de manoeuvre pour définir leurs politiques industrielles et devraient vraisemblablement revoir, sous l'effet des pressions conjuguées des patronats américains, canadiens et québécois, leurs politiques sociales, leur soutien au développement régional, leurs politiques d'achat, leurs politiques de contenu canadien ou québécois, les mesures initiatives à la création d'emplois, les offices agricoles de mise en marché. Le régime fiscal et les régimes de subventions. Les conséquences néfastes d'un tel accord pourraient s'étendre à l'industrie culturelle, à l'évolution du taux de change, au financement publie de l'enseignement postsecondaire, aux droits syndicaux et aux conditions de travail. L'égalisation du terrain de jeu est la règle qui risque de dominer la négociation en vue d'un accord de libre-échange. C'est aussi par ce biais que nos droits syndicaux, nos politiques sociales et nos conditions de travail seront probablement attaqués. Par ailleurs, nous pouvons anticiper que l'accroissement du chômage dans le secteur privé aura aussi ses répercussions sur l'organisation des services publics et sur l'emploi dans ces services. Au moment de l'ouverture probable de ces négociations, rien n'est cependant encore joué. Les gouvernements provinciaux ne sont pas encore tous acquis à la nécessité d'un tel accord. Québec semble hésitant et l'Ontario, plutôt défavorable. Le mouvement syndical, pressentant bien les effets négatifs d'un tel accord, s'y oppose unanimement. Le patronat lui même est divisé. Mais cette division apparente du patronat peut améliorer sa capacité d'influencer les décisions gouvernementales en sa faveur: une égalisation du terrain de jeu avant la conclusion d'un accord de libre-échange et l'obtention d'un soutien accru de la part des gouvernements aux secteurs industriels les plus menacés soit en vue d'un renforcement de leur position concurrentielle par une modernisation accrue, soit en vue d'une transformation plus profonde (ou mutation) de la vocation des entreprises de ces secteurs. Mais la seule perspective d'un éventuel tel accord de libre-échange déclenche déjà une amplification des tensions déjà présentes dans notre société et. une accélération de la mutation de l'économie et du travail. Pour les travailleuses et travailleurs des secteurs public et para-public québécois, cela signifie probablement que, dans les discours patronaux, les comparaisons Québec Ontario sont remplacées par des comparaisons du type Québec-Alabama. Les gouvernements refusent, pour des motifs stratégiques évidents, de publier les études réalisées sur les impacts d'un accord de libre échange. Mais il y a fort à parier que ces négociations deviennent rapidement un enjeu électoral avant la conclusion d'un tel accord. A - cette occasion, le débat électoral pourrait être important parce que la perspective de conclusion d'un tel accord aurait déjà marqué les décisions politiques. F - La croisade anti-syndicale du patronat. L'offensive patronale «tous azimuts» à laquelle nous sommes actuellement confrontés se prépare depuis plusieurs années. Elle apparaît complète ment au grand jour dans une conjoncture qui lui est particulièrement favorable et que les entreprises et le patronat ont largement contribué à créer. Le patronat a investi les partis politiques dominants depuis quelques années et les lieux de pouvoir politique depuis deux ans. D'abord, Ottawa. Ensuite, Québec. Pour remodeler les interventions de l'État à leur convenance, il se donne d'autres lieux plus privés et sélects - où il passe littéralement au crible tous les programmes gouvernementaux, toute la réglementation et le rôle de chacune des sociétés d'État. Ce sont généralement des comités de «sages» bénévoles qui, en plus d'avoir un intérêt collectif évident à une transformation fondamentale du rôle de l'État, profitent de ces tribunes pour se faire confier des mandats spéciaux fort généreusement rétribués. Quand cela ne suffit pas, on organise même des sessions de travail pour les sous ministres et attachés politiques où d'éminents hommes d'affaires comme Lortie sont appelés à leur communiquer leur vision du rôle de l'État et à leur proposer des stratégies pour réduire les dépenses publiques, privatiser les services publics et mettre l'État au seul service des intérêts des entreprises et du patronat. Cette offensive patronale n'a qu'un objectif: faciliter le redéploiement économique en cours. Mais l'atteinte de cet objectif passe, pour eux, par l'établissement de conditions qui libèrent l'entreprise privée de toutes les contraintes qui nuisent à sa productivité, à sa rentabilité, à sa compétitivité et à son expansion. Dans le cadre de cette offensive, on peut s'attendre à des propos innovateurs au plan de la privatisation des services publics d'éducation, de santé et de services sociaux et de la remise en question des programmes sociaux de même qu'à un procès politique (doublé d'une stratégie planifiée de contestation judiciaire) des lois du travail et des droits syndicaux. Dans ce dernier champ, préparons-nous à une remise en question du principe de la responsabilité patronale à l'égard des accidents et maladies du travail, des dispositions anti-briseurs de grève, de la formule «Rand», de toute forme d'adhésion obligatoire au syndicat accrédité et de l'encadrement juridique applicable à la sous-traitance. Une démarche de codification des lois du travail pourrait éventuellement donner au patronat l'occasion de soulever de nouveaux «irritants». Le patronat ne ratera sûre ment pas l'occasion d'associer à certaines de ses propres campagnes des travailleuses et travailleurs syndiqués qui, parce qu'elles et ils auront perdu foi en l'action syndicale, seront retournés aux valeurs et comportements individualistes. G. Revoir nos priorités, nos stratégies et nos moyens Provoquée par une restructuration économique, un redéploiement de l'activité économique, une modernisation des équipements industriels et l'introduction des nouvelles technologies, la recherche d'une plus grande productivité et de l'ouverture de nouveaux marchés, une mutation profonde de l'économie et du travail est en voie de réalisation et a déjà bouleversé l'organisation du travail, le rapport au travail et la qualité de l'emploi. Cette mutation semble pouvoir être assimilée, par son importance et ses effets, à la seconde révolution industrielle (caractérisée par la généralisation du travail à la chaîne, l'élimination progressive de l'organisation du travail sur la base des métiers, la fragmentation de la classe ouvrière, la déqualification du travail, l'augmentation de la productivité, la concentration de la propriété des moyens de production). - Avons-nous le choix? Devant une mutation aussi profonde et importante, pouvons-nous prendre le risque de continuer de vivre le syndicalisme et l'action syndicale comme si rien n'était changé ou comme si les changements qui s'opèrent ne pouvaient avoir d'influence sur notre propre situation? Le syndicalisme de métier n'a-t-il pas été progressivement mis en difficulté avec la deuxième révolution industrielle parce qu'il ne voulait servir que les intérêts de «l'aristocratie» de la classe ouvrière (travailleuses et travailleurs de métiers), parce qu'il ne pouvait ou ne voulait comprendre le discours et les aspirations des travailleuses et travailleurs embauchés pour faire du travail à la chaîne et parce qu'il ne s'était pas attardé à résoudre la compétition entre les travailleuses et travailleurs de métiers et les travailleuses et travailleurs à la chaîne? Ne devrions nous pas interroger notre stratégie globale, réévaluer le dosage de nos moyens et de nos investissements pour la défense et la promotion des intérêts des travailleuses et travailleurs que nous représentons et des intérêts de l'ensemble des travailleuses et travailleurs? Les travailleuses et travailleurs que nous représentons n'ont-ils pas vaguement conscience que nos stratégies et nos moyens actuels ne suffisent plus, à eux seuls, dans la conjoncture actuelle, à promouvoir et défendre leurs droits? Cela peut-il, en bonne partie, expliquer leur disponibilité réduite pour l'action syndicale qu'on leur propose et leur tendance à l'individualisme? Nous avons décrit les contradictions générées par la persistance d'un taux de chômage élevé, le développement de l'emploi précaire et la minorisation des travailleuses et travailleurs réguliers à temps plein et bien protégés. Nous avons démontré les dangers de l'état très inégal du développement de la syndicalisation. Nous avons enregistré les tendances lourdes du redéploiement économique en cours et les effets d'un éventuel accord global de libre-échange canado-américain. Nous avons aussi présenté les effets, les répercussions, de ces éléments de la conjoncture dans nos secteurs. Nous avons, théoriquement, le choix entre subir les effets de cette conjoncture, accepter la situation décrite ou la déplorer sans agir pour la changer ou nous engager, maintenant et résolument. en discours et en action, pour agir sur cette conjoncture. Mais, concrètement, nous n'avons pas vraiment le choix, à moins que nous n'acceptions, délibérément, de réduire progressivement, aujourd'hui et pour longtemps, notre marge de manoeuvre collective et notre rapport de force, de rendre encore plus vulnérables les acquis des travailleuses et travailleurs que nous représentons et les droits syndicaux qui ne nous sont pas retirés et de limiter la portée et les effets de notre action syndicale, de notre action collective. Comme organisation syndicale dont les effectifs sont concentrés dans les secteurs public et para public et comme composante du mouvement syndical québécois, nous ne pouvons nous défiler. Il y va de l'intérêt des salariées et salariés que nous représentons tout autant que de l'intérêt collectif de l'ensemble des travailleuses et travailleurs québécois, syndiqués ou non, avec ou sans emploi. Si, par manque de courage ou de volonté politique ou par manque de conviction, nous n'assumons pas les responsabilités que la conjoncture nous impose, notre centrale et nos syndicats, tout autant que le mouvement syndical québécois, s'affaibliront, perdront leur légitimité, leur crédibilité et leur influence auprès des salariées et salariés qu'ils représentent et auprès de larges groupes de travailleuses et travailleurs québécois appartenant à des secteurs moins syndiqués que les nôtres ou confinés dans des emplois précaires ou privés de tout accès au travail. - Quelques perspectives... La situation décrite commande une révision de nos priorités, stratégies et moyens, qui traduise, en quel que sorte, une transformation importante de nos pratiques. Cela ne signifie pas qu'il faille pour autant rejeter et écarter nos stratégies et moyens actuels de lutte pour la promotion et la défense des droits des travailleuses et travailleurs. Nous devons, d'abord, resensibiliser les membres des affiliés à la situation que nous avons tenté de décrire fidèlement, aux effets des contradictions que nous y avons reconnues et aux réalignements de l'action syndicale que tout cela commande. C'est un prérequis essentiel. Sans une vaste et rapide campagne interne de cette nature - seul moyen d'aller chercher l'adhésion des membres des affiliés - aucune réorientation significative de notre action syndicale ne sera possible. Mais pour obtenir l'adhésion des membres des affiliés, nous devons, dès maintenant, établir, collectivement et lucidement, les nouvelles priorités que la conjoncture décrite nous impose. Pour devenir une composante à part entière du mouvement syndical québécois, pour assumer notre part des défis posés au mouvement syndical par l'évolution québécoise du rapport au travail et de la syndicalisation, pour améliorer notre propre rapport de force, pour préserver et améliorer les conditions de travail des membres que nous représentons et pour protéger les droits syndicaux en général et dans nos secteurs en particulier, nous devons prioriser: - le développement de modes d'organisation ou d'association permettant de contrer efficacement, dans les secteurs où nous sommes présents, la concurrence, la compétition et les contradictions entre les diverses fractions de la collectivité des travailleuses et travailleurs; - la lutte syndicale et sociale pour une stratégie de plein emploi, pour le droit au travail pour toutes et tous, sans marginalisation, ghettoïsation ou discrimination, pour l'accès à l'égalité en emploi des groupes actuellement discriminés et, particulièrement, des femmes; - l'opposition sociale au projet d'accord global de libre-échange canado-américain, favorisant plutôt une démocratisation de l'économie par un développement économique orienté en fonction de la satisfaction des droits humains et sociaux et par une transformation démocratique de l'État de façon à assurer une emprise populaire réelle sur les choix de société; - la lutte syndicale et sociale pour un cadre législatif favorisant un facile et égal accès à la syndicalisation dans tous les secteurs et renforçant la protection des droits syndicaux et un engagement collectif de notre part dans la syndicalisation des travailleuses et travailleurs non syndiqués. Dans cette conjoncture et compte tenu des défis que nous devons relever, il nous faut reconstruire l'unité d'action du mouvement syndical québécois, ce qui augmenterait sa capacité de réussir les larges mobilisations sociales devenues d'une urgente nécessité. (Nous reviendrons sur ce sujet, dans le cadre d'un autre chapitre du présent rapport). Reprenons maintenant chacune de ces grandes perspectives pour les situer plus concrètement au plan des engagements que cela nous commande. 1. Reconstruire la solidarité entre les diverses fractions de la collectivité des travailleuses et travailleurs. On peut pressentir les effets de la division de la collectivité des travailleuses et travailleurs québécois en fractions opposables entre elles. Certes, la lutte syndicale et sociale pour une stratégie de plein emploi, pour le droit au travail pour toutes et tous, sans marginalisation, ghettoïsation ou discrimination et pour l'accès à l'égalité en emploi des groupes actuellement discriminés peut contribuer à réduire les tensions nuisibles entre ces diverses fractions. Seules, cependant, la réalisation du plein emploi, la reconnaissance effective du droit au travail pour toutes et tous et la réalisation de l'égalité en emploi résoudront les contradictions exploitables entre ces fractions. Pour que le syndicalisme conserve et améliore sa légitimité, sa crédibilité et son influence auprès de larges groupes de travailleuses et travailleurs confinés dans des emplois précaires ou privés de tout accès au travail, le mouvement syndical doit s'ouvrir au discours et aux aspirations dé ces travailleuses et travailleurs. Il doit aussi tenter de résoudre, avec elles et eux, les contradictions auxquelles ils sont mutuellement exposés. Pour ce faire, il doit développer des mécanismes d'accueil, des modes de regroupement interne ou d'association qui permettent, aux travailleuses et travailleurs à statut précaire qu'il représente d'avoir une voix qui compte à l'intérieur du mouvement syndical, et aux travailleuses et travailleurs en quête d'un emploi de s'associer au mouvement syndical et de contribuer à l'élaboration de nouvelles stratégies qui permettent de dépasser les contradictions initiales. Comme organisation syndicale principalement pré sente dans le secteur de l'éducation, nous ne pouvons ignorer les effets cumulatifs de la baisse de la natalité et des compressions budgétaires dans ce secteur sur le niveau de l'emploi dans l'enseignement et sur l'ensemble des personnes qui sont en attente d'un emploi dans ce secteur. Des tensions importantes peuvent venir de ce côté. ;Nous avons par ailleurs intérêt à ce que les personnes qui acquièrent une formation les préparant à une fonction dans l'enseignement connaissent les réalités de ce secteur et soient minimalement sensibilisées sur le sens de l'action syndicale. Dans cette perspective, nous croyons que la CEQ et ses affiliés: - doivent convenir, dans les meilleurs délais, des modes de regroupement appropriés des personnes en quête d'un emploi dans le secteur de l'éducation et des modes d'association de ces groupes aux débats de la CEQ et de ses affiliés; - doivent assurer une présence syndicale appropriée dans les milieux de formation des futurs travailleuses et travailleurs de l'enseignement afin de les sensibiliser aux réalités de ce secteur et au sens de l'action syndicale; - doivent faciliter, pour les travailleuses et travailleurs à statut précaire qu'ils représentent, la constitution de lieux de débat particuliers qui leur permettent une appropriation collective de leurs situations diverses et la constitution d'une voix collective qui compte dans leur organisation syndicale. Parallèlement, les affiliés de la Centrale doivent intensifier leurs efforts de recrutement et de regroupement des travailleuses et travailleurs à statut précaire couverts par leurs unités d'accréditation. Nous ne croyons pas que le Congrès soit l'instance la mieux appropriée pour déterminer les moyens à mettre en oeuvre pour réaliser cet objectif; c'est pourquoi nous demanderons au Congrès de confier au Conseil général de la Centrale un mandat prioritaire en cette matière. 2 - La lutte sociale pour le plein emploi et le droit au travail. a) Plein emploi et droit au travail: nécessité et conditions. Sur la base des constats que nous avons rappelés quant à la situation de l'emploi au Québec, et des impacts possibles d'un accord global de libre échange, on peut déduire que le premier problème de notre société, c'est l'emploi. En effet, si l'on regroupe le nombre de travailleuses et travailleurs sans emploi et le nombre de travailleuses et travail leurs sous employés (les travailleuses et travailleurs en emploi précaire), l'on peut, même en faisant des distinctions dans cette dernière catégorie, conclure qu'une majorité imposante de la collectivité des travailleuses et travailleurs québécois est privée de son droit au travail, a des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. De l'ensemble de ces données, on peut comprendre que le droit au travail ne peut être vraiment exercé dans notre société, que l'accès a un travail sûr et bien protégé est limité et que certains groupes, dont les femmes, sont particulièrement marginalisés dans leur accès au travail et en emploi. - L'histoire et la situation actuelle de l'emploi démontrent que l'on ne peut se fier aux seules règles du libre marché de l'emploi et du capital pour réaliser le plein emploi et assurer l'exercice du droit au travail. Quelle entreprise privée, en effet, se reconnaît la responsabilité sociale de créer de nouveaux emplois productifs pour compenser les emplois per dus en raison d'une rationalisation de ses opérations qui provoque la fermeture d'établissements ou en raison d'une diminution du nombre potentiel d'emplois due à la modernisation de ses équipements de production? La seule règle de la meilleure rentabilité pour l'entreprise et ses actionnaires ne permet pas facilement de concilier les impératifs économiques de l'entreprise et les besoins économiques et sociaux de la majorité. - Une stratégie de plein emploi ne peut donc être accessible que dans le cadre d'une société qui place la démocratie économique au centre de ses préoccupations, qui refuse de faire reposer exclusivement ou même principalement le développement économique sur l'entreprise privée, qui reconnaît à la majorité populaire le droit à une emprise réelle sur les choix de société et qui se dote des instruments collectifs requis pour orienter le développement économique et le contrôler. - Une stratégie de plein emploi, telle que nous la concevons, doit viser à assurer: - le maintien et la protection des emplois existants socialement utiles et rentables; - le partage de l'emploi existant par la réduction du temps de travail et diverses autres mesures; - la création de nouveaux emplois; - la qualité des emplois; - l'accès à l'égalité; - le maintien et l'amélioration de la qualification de la main-d'oeuvre. - Une telle stratégie commande un ensemble de mesures, dont les suivantes: - une répartition plus équitable et progressive du fardeau fiscal entre les entreprises, entre les particuliers et entre entreprises et particuliers; - une politique de canalisation de l'épargne privée et collective à des fins collectives et des mécanismes démocratiques décentralisés de gestion de cette épargne; - un contrôle collectif rigoureux de l'exploitation des ressources naturelles et de leur utilisation; - un contrôle des flux (entrées et sorties) de capitaux; - une politique monétaire moins restrictive; - une meilleure anticipation des prévisions d'emplois; - un programme de travaux publics axé principalement sur la restauration et le développement des équipements collectifs; - une reconversion des industries militaires en industries de protection civile; - un programme de protection de l'environnement, incluant un large volet récupération et recyclage; - une politique d'échanges internationaux privilégiant le développement de relations d'État à État ou la poursuite de la libéralisation graduelle et prudente des échanges dans un cadre multilatéral; - une stratégie industrielle centrée sur l'exploitation de nos richesses naturelles et le développement de l'activité dans les secteurs économiques où nous bénéficions d'atouts majeurs. b) Plein emploi et droit au travail: état de la question à la CEQ. - Dès le 23 janvier 1983, le Congrès de la CEQ, en réunion spéciale, adoptait la résolution suivante: 1 - le Congrès exprime sa solidarité avec les chômeuses et chômeurs et mandate les instances appropriées de la Centrale de continuer à prendre en compte leur situation et leurs conditions de vie dans l'élaboration des politiques de la Centrale; 2 - le Congrès réaffirme la revendication fondamentale du droit au travail pour toutes et pour tous ainsi que la revendication du plein emploi, la protection de l'emploi dans le secteur public et dans le secteur privé, incluant le maintien des acquis des syndiqués; 3 - le Congrès mandate le Bureau national aux fins d'élaborer et de soumettre au Conseil général pour adoption une plate forme complète de revendications sur l'emploi; cette plate-forme promue par la Centrale tiendra compte des positions antérieures de la Centrale sur l'emploi et préconisera des politiques de plein emploi (conditions réelles d'exercice du droit au travail pour toutes et pour tous) et le droit à intervenir dans l'organisation du travail; 4 - le Congres mandate le Bureau national de rechercher la plus grande unité d'action possible des organisations syndicales et populaires dans la mobilisation pour l;emploi. - Depuis, divers travaux ponctuels ont été produits par la CEQ sur l'emploi, le droit au travail et le plein emploi. Depuis le dernier Congrès régulier, un groupe de travail CEQ sur l'emploi a été constitué et a, progressivement, élaboré un document de travail qui, une fois complété, pourrait constituer une plate forme CEQ sur l'emploi. Elle devrait normalement être soumise au Conseil général de la Centrale dès l'automne prochain pour appropriation et débat chez les affiliés. Nous pourrions donc, dès la prochaine année, nous doter collectivement d'une politique CEQ pour une stratégie de plein emploi. c) Plein emploi et droit au travail: une lutte sociale a organiser. - Aurions nous adopté la meilleure plate-forme syndicale possible sur l'emploi que nous n'aurions pas encore commencé à infléchir les choix politiques dans cette direction. Pour y parvenir, il faut d'abord sensibiliser les travailleuses et travailleurs que nous représentons à la nécessité d'une stratégie globale de plein emploi et aux conditions et moyens requis pour sa réalisation progressive et construire une alliance large (syndicale et populaire), fortement enracinée dans chaque région, qui se donne comme objectifs de sensibiliser la majorité populaire à l'urgence d'une telle stratégie et d'organiser la mobilisation sociale requise pour forcer des choix dans cette direction. Nous proposerons donc les mesures suivantes: la poursuite, de façon prioritaire, des travaux en cours pour l'élaboration et l'adoption d'une plate-forme syndicale sur l'emploi, définissant une stratégie de plein emploi; 2 - l'introduction au prochain plan d'action de la Centrale de mandats prévoyant, d'une part, la sensibilisation des membres des affiliés à la nécessité d'une stratégie globale de plein emploi et aux conditions et moyens requis pour sa réalisation progressive et, d'autre part, la construction d'une alliance large (syndicale et populaire) sur l'emploi et l'enracinement de cette alliance au niveau des régions. d) Accès à l'égalité. Parallèlement, dans les secteurs où nous sommes présents, nous nous devons de développer des politiques syndicales qui autorisent des revendications permettant un accès plus facile à l'emploi pour les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les autochtones et les diverses minorités ethniques et une réelle égalité des droits en emploi pour ces mêmes groupes. Nous nous devons aussi de résister a une différenciation des conditions de travail entre les travailleuses et travailleurs déjà en emploi et les futurs salaries et salariées. D'une part, il s'agit d'une condition essentielle à la réalisation du droit à l'égalité. D'autre part, la crédibilité de notre discours public sur l'accès à l'égalité en dépend. Enfin, dans un service public, il n'est que normal que chaque catégorie de la population soit justement représentée sans marginalisation ou ghettoïsation. A plusieurs reprises, nous sommes intervenus publiquement pour revendiquer un encadrement juridique approprié à l'implantation de programmes d'accès à l'égalité, pour critiquer la réglementation proposée dans ce domaine et réclamer la pleine négociabilité de ces programmes. Le temps est maintenant venu de s'équiper, collectivement, pour être en mesure de faire des propositions concrètes de programmes d'accès à l'égalité dans nos secteurs. C'est pourquoi nous proposerons d'inscrire, parmi les taches prioritaires de la Centrale, la poursuite des analyses, travaux et débats sur les programmes d'accès à l'égalité en vue d'assurer, principalement aux femmes mais aussi aux jeunes, aux personnes handicapées, aux autochtones et aux membres des minorités ethniques, un réel accès à l'emploi et une réelle égalité en emploi dans nos secteurs, sans marginalisation ou ghettoïsation. e) FEMMES ET TRAVAIL. Une des difficultés du mouvement syndical réside en ce qu'il reçoit les femmes comme travailleuses, c'est-à-dire inscrites dans des rapports de production. ainsi, il situe le travail en termes économiques et en rapport avec le salariat, négligeant les multiples réalités de la vie des femmes, dont le travail domestique invisible et gratuit. En concentrant son discours et sa pratique à dénoncer et à expliquer les freins à l'accès et à l'exercice du travail, en termes d'inégalités et de discriminations (ce qui n'est pas faux), il a parfois évacué la division sexuelle du travail et abordé le travail des femmes en termes de correctifs et non dans sa totalité. (Ce qui est limitatif puisque le travail des femmes englobe le travail domestique). Les femmes sont encore prioritairement les préposées au travail domestique, gratuit et invisible. De ce fait, elles organisent leurs périodes de travail professionnel en fonction des besoins et activités de la famille tout en composant avec les absences (revenu du couple, insuffisance des services de garde, des congés maternité et de responsabilité parentale) et bien évidemment la «difficile» implication des hommes aux responsabilités et tâches domestiques. Les hommes, eux, soumettent l'exercice de leur rôle parental aux impératifs professionnels. Cette approche différente du travail professionnel et domestique, selon le sexe. définit la place et la fonction de chacune et chacun au sein de la famille et conséquemment de l'emploi. Ultimement, c'est de cela qu'il s'agit lorsqu'on parle de la division sexuelle du travail. De plus, lorsqu'on parle des femmes et du travail salarié, il faut être capable d'aborder les apprentissages que les femmes font dans le travail, de valoriser les activités humaines qui sont la vie des femmes, d'interroger les motifs pour lesquels ce que les femmes font dans le privé vaut si peu dans le public. Parce que les femmes effectuent majoritairement leur travail rémunéré dans des secteurs d'activités où elles prolongent les tâches faites gratuitement à la maison, il n'est pas étonnant que -e travail soit si peu considéré socialement: menacé, mal reconnu, mal protégé, peu payé, déqualifié et entrecoupé de chômage. La précarité grandissante de leurs emplois devient la nouvelle forme de réduction de leur temps de travail. Voilà la valeur qu'on accorde aux activités affectives et humaines qui caractérisent le travail des femmes. Serait ce parce qu'elles découlent supposément de «la nature des femmes»? Est ce pour cela que le savoir-faire acquis par les femmes a si peu de valeur d'échange sur le marché de l'emploi? Malgré les obstacles, les femmes sont plus nombreuses à travailler contre rémunération (la moitié des femmes occupent actuellement un emploi rémunéré même s'il est précaire) et à mener des luttes pour leur égalité. Dans ce contexte, comment traiter la question femmes et travail et, conséquemment, femmes et emploi? Il importe de poursuivre la recherche sur cette question, mais aussi le «travail» amorcé vers une disparition des écarts salariaux, une réorganisation de l'emploi (via les programmes d'accès à l'égalité aux études et à l'emploi), la requalification des emplois occupés par des femmes, une juste répartition des tâches et responsabilités familiales, des politiques sociales comme support à la parentalité. Pour compléter nos analyses sur le rapport des femmes au travail, nous proposerons d'autoriser la conduite d'une recherche action sur l'organisation du travail et les femmes dans le secteur de l'éducation, qui élabore une problématique tenant compte de la division sociale et de la division sexuelle du travail, qui permette une meilleure appropriation du rapport global des femmes au travail et qui dégage des pistes facilitant le développement de nos politiques. 3. Le libre-échange. Un éventuel accord global de libre-échange canado-américain provoquerait, à coup sur, une augmentation très importante du chômage au Québec, menacerait la plupart de nos secteurs économiques de même que la souveraineté politique du Canada. L'égalisation du terrain de jeu qu'il sous tend amènerait, inévitablement, une remise en question de nos politiques sociales et de nos services publics, du financement public de l'enseignement postsecondaire, de nos droits syndicaux et de nos conditions de travail. voilà pourquoi nous proposerons de confirmer l'engagement de la CEQ dans le mouvement d'opposition sociale à tout éventuel accord global de libre-échange canado-américain et en faveur d'une démocratisation de l'économie par un développement économique orienté en fonction de la satisfaction des droits humains et sociaux et par une transformation démocratique de l'État de façon à assurer une emprise populaire réelle sur les choix de société. 4. La syndicalisation. Nous devons agir pour briser les contradictions entre les travailleuses et travailleurs syndiqués et les travailleuses et travailleurs non syndiqués. Nous devons agir pour réduire les tensions résultant du développement dangereusement inégal de la syndicalisation. Nous devons aussi tenir compte de la croisade anti-syndicale du patronat. Pour ce faire, nous devons continuer de revendiquer un cadre législatif favorisant un facile et égal accès à la syndicalisation dans tous les secteurs et renforçant la protection des droits syndicaux. De plus, nous devons contribuer, par la mobilisation des travailleuses et travailleurs que nous représentons derrière cet objectif et par la recherche d'alliances larges sur cette question, à l'organisation de la lutte syndicale et sociale pour un tel cadre législatif. Le mouvement syndical québécois a seul la responsabilité sociale de la syndicalisation des travailleuses et travailleurs non syndiqués. Comme composante à part entière de ce mouvement, la CEQ doit assumer sa part de cette responsabilité. Cette responsabilité, la Centrale doit la partager avec ses affiliés et les militantes et militants de ses affiliés. Elle s'étend de la promotion des valeurs fondamentales du syndicalisme dans l'enseignement et l'éducation et par le message public, de l'aide à la constitution et au fonctionnement de comités de défense des droits des travailleuses et travailleurs non-syndiqués jusqu'à la participation active de militantes et militants syndicaux CEQ dans des campagnes d'organisation syndicale auprès de travailleuses et travailleurs non syndiqués, en passant par l'élaboration de stratégies d'organisation syndicale des travailleuses et travailleurs non syndiqués. Le premier pas à franchir est la constitution d'un bassin de militantes et militants disposés à s'engager concrètement dans de telles actions sans chauvinisme et la formation de ces militantes et militants. Notre implication à ce niveau est susceptible de régénérer notre propre organisation dont la vaste majorité des membres se sont retrouvés dans une «institution» syndicale des leur entrée sur le marché du travail. Dans cette perspective, la CEQ doit définir des stratégies d'organisation syndicale mieux adaptées aux secteurs où les travailleuses et travailleurs non syndiqués sont les plus nombreux et, notamment, à la syndicalisation et au mode de regroupement des salariées et salariés des entreprises qui obtiennent la sous-traitance dans les secteurs public et para-public. Nous proposerons donc de confirmer l'engagement de la Centrale dans la lutte syndicale et sociale pour un cadre législatif favorisant un facile et égal accès à la syndicalisation dans tous les secteurs et renforçant la protection des droits syndicaux et de prioriser notre engagement collectif dans la syndicalisation des travailleuses et travailleurs non syndiqués. Recommandations. Prenant note. - du taux de chômage élevé et persistant, frappant plus durement les groupes discriminés; - de l'augmentation importante de l'emploi précaire; - de la minorisation progressive des travailleuses et travailleurs réguliers à temps plein; - de la fragmentation de la collectivité des travailleuses et travailleurs en fractions facilement opposables entre elles; - du plafonnement du taux de syndicalisation; - du développement dangereusement inégal de la syndicalisation selon les secteurs, le redéploiement économique en cours; - de la croisade anti-syndicale du patronat québécois, - des effets d'un éventuel accord global de libre-échange canado-américain, Réaffirmant. la volonté de la CEQ d'obtenir. - la reconnaissance du droit au travail pour toutes et tous, sans marginalisation, ghettoïsation et - ou discrimination et l'application d'une stratégie de plein emploi (Congrès spécial de 1983); - et un cadre législatif favorisant un facile et égal accès à la syndicalisation dans tous les secteurs et renforçant la protection des droits syndicaux (mémoire de la CEQ devant la Commission Beaudry dont les recommandations ont été adoptées par le Conseil général de la CEQ), Considérant. l'urgente nécessité. - de resolidariser les diverses fractions de travailleuses et travailleurs québécois; - d'agir collectivement pour obtenir une démocratisation de l'économie, un engagement politique ferme pour une stratégie de plein emploi et un cadre législatif favorisant un développement facile et plus égal de la syndicalisation; - de nous engager collectivement à participer au développement de la syndicalisation; - de nous équiper pour formuler des revendications concrètes au plan des programmes d'accès à l'égalité et de prendre en compte la réalité globale du rapport des femmes au travail, Nous recommandons. 1- Mode d'organisation. Que le Congrès mandate le Conseil général aux fins de développer des modes d'organisation permettant de contrer efficacement, dans les secteurs ou nous sommes présents. La concurrence, la compétition et les contradictions entre les diverses fractions de la collectivité des travailleuses et travailleurs, notamment entre les travailleuses et travailleurs en emploi et les travailleuses et travailleurs en quête d'un emploi, et entre les travailleuses et travailleur réguliers à temps plein et les travailleuses et travailleurs à statut précaire 2- Plein emploi. Que le Congrès engage la CEQ dans la lutte syndicale et sociale pour une stratégie de plein emploi, pour le droit au travail pour toutes et tous, sans marginalisation, ghettoïsation ou discrimination et pour l'accès à l'égalité en emploi des groupes actuellement discriminés, particulièrement les femmes, et en conséquence: a) demande l'accélération de travaux en cours devant conduire à l'élaboration et à l'adoption d'une plate-forme syndicale sur l'emploi, définissant une stratégie de plein emploi; b) mandate les instances appropriées de la Centrale aux fins de prévoir, comme priorité au prochain plan d'action de la CEQ, la sensibilisation des membres des affiliés à la nécessité d'une stratégie de plein emploi et aux conditions et moyens requis pour sa réalisation progressive de même que la construction d'une alliance large (syndicale et populaire) pour une stratégie de plein emploi et l'enracinement de cette alliance au niveau de chaque région; c) donne mandat aux instances appropriées de la Centrale d'accélérer les analyses, travaux et débats sur les programmes d'accès à l'égalité afin de définir, dans les meilleurs délais, des programmes syndicaux d'accès à l'égalité permettant d'assurer, principalement aux femmes, mais aussi aux jeunes, aux personnes handicapées, aux autochtones et aux membres des minorités ethniques, un réel accès égal a l'emploi et une réelle égalité en emploi dans nos secteurs, sans marginalisation ou ghettoïsation; d) demande la conduite d'une recherche-action sur l'organisation du travail et les femmes dans le secteur de l'éducation en vue d'élaborer une problématique complète de la division sociale et de la division sexuelle du travail, de permettre une meilleure appropriation du rapport global des femmes au travail et de dégager des orientations facilitant le développement et l'intégration de nos politiques concernant le travail, les équipements collectifs et les politiques sociales. 3 - Libre-échange. Que le Congrès confirme l'engagement de la CEQ dans l'opposition sociale d'un projet d'accord global de libre-échange canado-américain et en faveur d'une démocratisation de l'économie par un développement économique orienté prioritairement en fonction de la satisfaction des droits humains et sociaux et par une transformation démocratique de l'État de façon à assurer une emprise populaire réelle sur les choix de société et, en conséquence, demande à la direction de la CEQ et de ses affiliés de: a) sensibiliser les travailleuses et travailleurs qu'ils représentent aux effets négatifs d'un tel projet; b) ajouter leurs voix a celles des organisations syndicales, populaires et progressistes qui réclament la publication de toutes les études gouvernementales disponibles sur les effets d'un éventuel tel accord; c) participer à toute coalition québécoise ou canadienne progressiste qui vise à développer une opposition populaire critique à un tel projet et à promouvoir d'autres voies de développement économique et social mieux, accordées aux intérêts de la majorité; d) de supporter, comme alternatives possibles à ce projet de libre-échange, une politique d'échanges internationaux privilégiant le développement de relations d'État à État ou la poursuite de la libéralisation graduelle et prudente des échanges dans un cadre multilatéral. L'Accès à la syndicalisation Que le Congrès engage la CEQ dans la lutte syndicale et sociale pour un cadre législatif favorisant un facile et égal accès a la syndicalisation dans tous les secteurs et renforçant la protection des droits syndicaux et en conséquence, demande aux instances appropriées de la Centrale de prévoir, dans les meilleurs délais: a) une campagne de sensibilisation des membres des affiliés aux facteurs qui expliquent le plafonnement du taux de syndicalisation et aux dangers que comporte l'actuel développement inégal de la syndicalisation, visant à assurer une capacité de mobilisation en faveur du cadre législatif revendiqué; b) l'organisation d'une alliance large et enracinée porteuse de la revendication d'un tel cadre législatif. 5 - Notre engagement face à la syndicalisation. Que le Congrès accentue l'engagement de la CEQ dans la syndicalisation des travailleuses et travailleurs non syndiqués et en conséquence, demande: a) aux instances appropriées de la Centrale de définir des stratégies d'organisation syndicale mieux adaptées aux secteurs où les travailleuses et travailleurs non syndiqués sont les plus nombreux; b) à la direction de la Centrale de constituer, de concert avec les affiliés, un réseau national de militantes et militants syndicaux disposés à s'engager dans la promotion de la syndicalisation, dans l'assistance à la formation, au fonctionnement et à l'organisation des activités de comités locaux ou régionaux de défense des droits des travailleuses et travailleurs non syndiqués et - ou dans des opérations de syndicalisation de travailleuses et travailleurs non syndiqués. Proposition deux. Le premier terrain de notre action syndicale: le service public d'éducation. Depuis quelques années circule très largement un nouveau discours sur l'école. Il a pris son envol aux États-Unis, à la faveur de rapports «célèbres» (Nation at Risk, etc), mais il prend forme dans l'ensemble du monde occidental à travers l'effervescence néo-libérale de cette «sortie de crise», et la montée du néo-conservatisme en particulier. L'école, celle des grandes réformes des années soixante, aurait fait son temps, n'ayant pas rempli ses promesses. Mais au lieu de s'en prendre aux succès mitigés de la démocratisation, on s'attaque à la qualité de la formation donnée, mettant au compte de la démocratisation les lacunes qu'on y trouve. Les conclusions deviennent évidentes: il faut resserrer les exigences et la discipline, retourner aux apprentissages traditionnels et «soulager» l'école des incapables. Mais on ne s'arrête pas au discours. Des mesures sont prises en ce sens: réforme des programmes, hausse des conditions de promotion et projets visant à sortir de l'école celles et ceux qui ne se plieront pas à ces conditions. C'est peut être aussi en ce sens qu'il faut lire le projet péquiste-libéral d'implanter une politique d'apprentissage en milieu de travail qui viserait des jeunes en formation initiale aussi bien que des adultes. C'est sans doute aussi en ce sens qu'il faut comprendre par exemple, dans le cas du collégial, la multiplication de diplômes moins qualifiants (diplôme d'études professionnelles, attestation d'études collégiales, certificat d'études collégiales) qui viennent faire concurrence au diplôme d'études collégiales. Ces projets et ce discours conviennent à la conjoncture: ils permettent de réduire les dépenses tout en ajustant la «production» de travailleuses et de travailleurs adaptés au marché de l'emploi. La question à poser aujourd'hui n'est donc plus tant le nombre seulement de jeunes qui accéderont à un diplôme postsecondaire, mais bien de savoir quel diplôme ils obtiendront. Cela étant dit, la question de la qualité reste pour nous entière, mais elle doit être posée dans le contexte de l'objectif d'une plus grande accessibilité, et en prenant en considération les besoins des travailleuses et travailleurs, et des citoyennes et citoyens de demain. Ces exigences soulèvent des questions: comment concilier accessibilité et qualité? quelle pédagogie adopter pour concilier accessibilité-qualité-démocratisation? quel contenu transmettre pour répondre aux besoins du plus grand nombre? etc. Ce chapitre nous fournira tout d'abord l'occasion de faire le point sur les grandes préoccupations, mais aussi de rappeler les principaux objectifs de notre centrale, et du mouvement syndical. à l'égard du service public d'éducation, tant de niveau primaire-secondaire que de niveau postsecondaire. Un service public que nous voulons démocratique, accessible et de haute qualité. En deuxième lieu, nous nous arrêterons à des volets plus particuliers du système éducatif, sur lesquels nous voyons la nécessité ou l'intérêt de revenir dans la conjoncture présente: il s'agit de l'enseignement aux adultes, de la formation professionnelle et de l'enfance en difficulté d'adaptation, d'apprentissage, ou handicapée. Nous aborderons ensuite deux domaines, celui des services à la petite enfance et celui de l'enseignement du français, où, nous semble-t-il, quelque développement s'impose en ce qui a trait à nos propres politiques. Enfin nous traiterons de certaines conditions à réunir dans la poursuite de notre mandat éducatif, ce qui passe par l'autonomie professionnelle, une autonomie cependant qui doit prendre appui sur le développement d'un volant de recherche autonome et à moyen terme en la matière. De plus, notre intervention syndicale au chapitre de l'éducation doit tenir compte de celle des autres intervenants du milieu et, pour une efficacité et une pertinence accrues, elle doit rechercher les alliances et les convergences lorsque c'est possible, sans refuser le débat public lorsque cela s'impose. Le rôle du mouvement syndical. Le mouvement syndical, au Québec comme partout dans le monde, a toujours attaché une importance primordiale à la défense de l'école publique et à l'amélioration du service public d'éducation. Une éducation de base et une formation générale accessibles à tous sont considérées comme des conditions essentielles à l'instauration d'une véritable démocratie tant au niveau des institutions politiques que dans les entreprises et les milieux de travail. Cette éducation doit donner aux futurs travailleurs et travailleuses les instruments leur permettant de s'organiser, de défendre efficacement leurs intérêts ainsi que d'accroître leur autonomie au travail et leur compréhension des processus de production. L'accessibilité universelle à cette éducation de base a toujours été revendiquée par le mouvement syndical comme un droit. Aussi le mouvement syndical n'a cessé de soutenir toutes les grandes réformes visant à élargir cette accessibilité: gratuité de l'enseignement, scolarité obligatoire, création du ministère de l'Éducation, développement de l'enseignement secondaire dans les années soixante, établissement et expansion du réseau d'enseignement collégial dans les années soixante-dix. C'est pourquoi également il a toujours combattu vigoureusement les contre-réformes qui remettent en question les acquis dans le domaine de l'éducation et qui ont pour effet la dégradation du service public d'éducation. A plus forte raison, pour la CEQ, il est dans l'ordre des choses que le service public d'éducation soit le premier terrain d'enracinement de l'action syndicale. Et tout en défendant les intérêts de nos membres, il nous appartient aussi de faire valoir les intérêts des classes populaires et le point de vue de l'ensemble du mouvement syndical. A - Pour une école publique démocratique: un choix lourd de sens. Le service public d'éducation doit viser à la plus large accessibilité possible de façon à ce que l'école publique devienne un instrument efficace de promotion de l'égalité des personnes au sein de la société. Le service public d'éducation doit se donner aussi comme objectif d'éduquer aux valeurs démocratiques tels le respect de la dignité de la personne humaine, la reconnaissance de l'égalité fondamentale des personnes entre elles, le sens de la justice, de la liberté, de la tolérance et de la solidarité. Pour éduquer aux valeurs démocratiques, l'école doit s'interdire à elle même dans ses relations avec la communauté locale, avec ses élèves et avec ses personnels, tout comportement antidémocratique, toute attitude intolérante ou discriminatoire. Elle doit éviter autant que possible les cloisonnements artificiels entre les diverses catégories d'élèves et favoriser l'expérience du pluralisme social, religieux et culturel. En somme, ce que nous attendons de l'école publique, c'est qu'elle soit une véritable école publique, ouverte à tous sans exclusion, distinction ou préférence. Les structures de direction et de gestion de l'école publique et du système public d'éducation doivent refléter cet esprit. Si nous proposons une division des structures scolaires sur la base de la langue d'enseignement (non sur celle de la langue maternelle), c'est que la reconnaissance de deux langues d'enseignement détermine nécessairement la composition de classes distinctes avec des personnels enseignants distincts, étant entendu que nul ne peut dispenser ou recevoir l'enseignement dans plus d'une langue à la fois. En somme, cette division se justifie pour des raisons d'ordre pratique, un peu comme la division des commissions scolaires sur la base territoriale. Toute autre division a priori du système public d'éducation nous apparaîtrait artificielle et, par conséquent, injustifiable. Nous nous opposons donc au maintien des commissions scolaires confessionnelles, ce qui nous amènera à lutter pour leur déconfessionnalisation et donc pour l'abolition des garanties inscrites à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Nous devrons lutter également contre la reconfessionnalisation du système au niveau des écoles comme le prévoyaient le projet de loi 40 et la Loi 3. Nous devrons nous assurer que le système d'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral laïc fonctionne de façon équitable, sans pression camouflée ou indirecte. Nous devrons protéger nos personnels contre les politiques qui tendraient à leur imposer des comportements qui ne respectent pas leurs convictions profondes. L'école publique doit être, par excellence, l'école de la liberté dans l'égalité et la fraternité. La gestion démocratique du service public d'éducation s'oppose également à une excessive centralisation qui aurait pour effet de réduire les intervenants locaux à des rôles de purs exécutants. Le fonctionnement du système doit faire une place à la participation des collectivités locales, des parents, des personnels et des élèves, chacun pouvant intervenir de façon autonome sur la base de ses intérêts, de ses aspirations et de son point de vue propre. La possibilité d'être des partenaires valables repose tout d'abord sur la capacité et la volonté d'être des intervenants autonomes. L'autonomie des commissions scolaires et l'implication des divers intervenants dans leurs processus de décision sont donc des conditions d'une gestion démocratique. Mais les modes de participation et de collaboration entre intervenants restent encore largement à inventer ou à raffiner. Ce sera une de nos tâches dans les prochaines années. Pour la pleine responsabilité du Québec en éducation. La décentralisation ne doit pas cependant tout ramener au niveau local et réduire à des questions de pure forme le débat sur l'éducation au niveau national. Là aussi, les représentants nationaux des divers groupes d'intervenants doivent pouvoir participer à l'élaboration des grandes orientations nationales. Ce sera aussi notre rôle que de stimuler nos partenaires à la réflexion et de provoquer les débats. Ainsi dans l'état actuel des relations fédérales-provinciales au Canada, et avec le Québec tout particulièrement, il nous importe de bien identifier quel palier politique sera pleinement responsable de l'élaboration et de la mise en vigueur de la politique en matière d'éducation, et quel sera son niveau d'autorité en ces matières, tant face à Ottawa que face aux partenaires québécois. La souveraineté du Québec en éducation. Nous croyons et nous affirmons, quant à nous, que le peuple québécois doit être son propre maître en matière d'éducation et que c'est à sa seule autorité que doivent être soumis les pouvoirs publics responsables de l'éducation au Québec. Sans doute la Constitution canadienne reconnaît elle, en principe, la compétence exclusive des provinces en matière d'éducation. Mais cela n'empêche pas le fédéral d'intervenir constamment dans le financement des études postsecondaires, dans la formation professionnelle et dans l'éducation aux adultes. Nous allons continuer de dénoncer ces empiétements, ainsi que la tolérance inacceptable du gouvernement québécois à leur égard. Au cours des prochaines années, nous devrons nous intéresser spécialement au libre exercice de la compétence québécoise en éducation sous l'angle des dispositions constitutionnelles concernant la confessionnalité des commissions scolaires et la langue de l'enseignement (article 93 de la Loi constitutionnelle de 186, et article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982), ainsi que sous l'angle des ressources financières dont doit pouvoir disposer l'État québécois pour assumer valablement sa compétence. La compétence exclusive du Québec est vidée d'une partie importante de sa substance si, en matière d'éducation et d'enseignement, le législateur québécois est soumis à des prescriptions d'une constitution imposée de l'extérieur et qui ne peut être modifiée qu'avec l'accord du Parlement canadien et d'une majorité qualifiée des autres provinces. C'est pourquoi nous allons lutter pour que les garanties constitutionnelles en faveur des minorités du Québec en matière d'éducation soient inscrites dans la constitution propre du Québec de sorte qu'elles puissent être modifiées au Québec, selon une procédure spéciale prévoyant l'arbitrage ultime du peuple québécois s'exprimant par référendum. En conséquence, nous allons revendiquer l'abrogation des articles 93 de 1986 et 23 de 1982 en tant que dispositions de la Constitution du Canada faisant autorité au Québec. ...et les moyens de sa souveraineté. La compétence du Québec en éducation ne peut être vraiment efficace que dans la mesure aussi où le Québec dispose de ressources financières suffisantes et réserve à l'éducation la part dont elle a besoin. Il y a par conséquent un lien à établir entre notre lutte pour la défense de l'école publique et nos critiques de la politique fiscale, des priorités gouvernementales et du partage des ressources entre les niveaux de gouvernement. Il y a également un lien à établir entre notre parti pris pour un service public d'éducation de qualité et un projet de société où l'éducation, la santé, le bien-être, la culture, la qualité de vie ont priorité absolue sur le militaire, sur la production d'armements et sur tout ce qui s'y rattache. La compétence québécoise en matière d'éducation n'a son plein sens que dans la mesure où il est possible pour le peuple québécois de situer l'éducation dans l'ensemble des priorités gouvernementales de tous ordres et de répartir selon l'ordre de priorité retenu les fonds constitués à même son effort fiscal total. L'affirmation de la compétence exclusive du Québec en matière d'éducation appelle donc la vigoureuse affirmation du droit du peuple québécois à son autodétermination politique, ce qui inclut le droit de se dégager et de dégager sa législation propre des contraintes constitutionnelles qu'il juge nuisibles ainsi que le droit d'affecter à ses priorités toute la part du produit de ses impôts qu'il juge nécessaire d'y affecter. Contre la privatisation du système d'éducation. La problématique de la démocratisation du service public d'éducation nous amène aussi à nous resituer face à l'école privée. C'est bien en termes de démocratisation, d'égalité des conditions, aussi bien pour les personnels que pour les élèves, et de responsabilité collective que doit être analysé le phénomène de l'école privée. Nous assistons présentement à une recrudescence des inscriptions au secteur privé. Entre 1970 et 1980, la clientèle des écoles primaires et secondaires privées est passée de 3,6 % à 7 % de la clientèle totale des écoles primaires et secondaires. En 1985-86, la proportion est maintenant de 8,7 %. Dans tout le Canada, c'est au Québec que le secteur privé attire la plus forte proportion de la clientèle scolaire. Elle est, par exemple, de 4,1 % en Ontario et de 3,7 % dans l'ensemble du Canada contre 8,7 % au Québec. Pourquoi le phénomène est-il plus marqué au Québec? L'explication en est bien simple: le Québec est plus généreux (et de beaucoup) que toutes les autres provinces du Canada dans ses subventions à l'enseignement privé. Au Québec, les subventions gouvernementales représentent environ 61 % des revenus des écoles privées primaires et secondaires, alors qu'en Ontario, les subventions gouvernementales ne représentent que 9 % de ces revenus. De ce point de vue, le régime de subventions québécois s'avère être de 6 à, fois plus généreux que celui de l'Ontario. Au Québec, les frais de scolarité ne représentent que 36 % des revenus des écoles privées, alors qu'en Ontario ils en représentent 66 %. Dans l'ensemble du Canada, les fonds publics ont contribué pour 210 millions $ au financement des écoles primaires et secondaires privées en 1981-82. A lui seul, le gouvernement du Québec a fourni 78,3 % de ce montant, soit 3,6 fois plus que tout le reste du Canada réuni (y compris les subventions des commissions scolaires ontariennes aux écoles séparées). Ce n'est donc pas un pur hasard si les écoles privées prolifèrent au Québec plus rapidement qu'ailleurs. Comment réagir face à ce phénomène? Les écoles privées apportent-elles vraiment une contribution utile au progrès de l'éducation au Québec? Nous estimons, au contraire, que globalement elles jouent un rôle négatif, notamment en regard de la démocratisation de notre système d'enseignement. Certaines études ont démontré, chiffres à l'appui, que le secteur privé attire proportionnellement plus d'enfants des classes supérieures. D'autre part, le secteur privé sélectionne des enfants n'ayant pas de difficultés scolaires (sauf dans le cas de certaines institutions spécialisées qui ne rejoignent qu'une infime partie de la clientèle du secteur privé), et il ne leur offre en général que les types d'enseignement les moins coûteux en termes de ressources. De sorte que le secteur public doit assumer les enseignements qui demandent les investissements les plus lourds en termes de ressources matérielles, financières et humaines. Les montants dérivés des fonds publics au profit de l'école privée, les clientèles scolaires que celle-ci attire et les personnels qu'elle draine sont ainsi enlevés au secteur public auquel on impose coupure par-dessus coupure. Ainsi de 1983-84 à 1986-87, les sommes allouées à l'enseignement privé auront augmenté de 17,18 % en valeur nominale, alors que les montants alloués à l'enseignement public (primaire et secondaire) n'auront augmenté que de 1,19 %, toujours en valeur nominale. Alors que le système des commissions scolaires confessionnelles tend à établir des distinctions sur la base de l'adhésion à une confession religieuse particulière, la prolifération de l'enseignement privé tend à établir et à consolider des distinctions fondées d'abord sur le niveau économique des parents, ce qui recoupe aussi certains choix idéologiques particuliers. Nous devons donc réactiver le débat sur le financement de l'enseignement privé. Nous disons que le secteur privé doit cesser de profiter du financement à même les fonds publics ou cesser d'être privée. Parallèlement, nous devons continuer à exiger des pouvoirs publics qu'ils investissent dans l'amélioration du service public d'enseignement les montants qu'ils affectent présentement au soutien de l'enseignement privé. B - Pour l'accessibilité à l'enseignement postsecondaire. Il est certain que depuis les débuts de ce qu'on a appelé la Révolution tranquille, la population québécoise a réalisé des progrès considérables quant à son niveau moyen de scolarisation. Ce niveau moyen a continué de s'élever au cours de la dernière décennie. Ainsi, 74 % de la population de 15 ans et plus avaient atteint ou dépassé la 9e année d'études en 1981 par rapport à seulement 58 % en 1971. Par ailleurs, 13,5 % de la même population avaient eu accès aux études universitaires en 1981 contre un peu moins de 10 % en 1971. Les résultats sont évidemment très variables selon les groupes d'âge. Ainsi, en 1981, seulement 56,5 % des personnes de 35 ans et plus ont au moins une neuvième année; mais 89,8 % des 25-34 ans et 94,2 % des 15-24 ans ont atteint ce minimum. Par ailleurs, 42,8 % des 35 ans et plus avaient un diplôme du secondaire, contre 73,2 % des 25-34 ans, alors que 2,2 % des 35 ans et plus avaient accédé à l'université contre 21,1 % des 25-34 ans. Pour ce qui est de la population de 15-24 ans, il est impossible d'établir une comparaison sérieuse quant à l'accès aux études postsecondaires d'après les données du recensement canadien, puisqu'elle était encore en cheminement scolaire (échelonnée entre la neuvième année et l'université). Toutefois, à partir des inscriptions au CEGEP et en tenant compte de l'âge des inscrits, on peut comparer la progression du taux d'accès au collégial dans les populations successives atteignant chaque année l'âge de 17 ans. En 1975, ce taux était de 42,2 %; il atteignait 48,5 % en 1982, 52,3 % en 1983 et 56,4 % en 1984. Le rattrapage doit continuer. Cependant, le rattrapage scolaire auquel s'est employé le Québec au cours des vingt dernières années est loin d'être terminé. On s'en rendra compte en comparant notre situation a celle de l'Ontario. Ainsi, la population ontarienne qui, en 1981, avait entre 25 et 34 ans avait obtenu un diplôme d'études secondaires dans une proportion de 72,6 %. Or, le diplôme secondaire ontarien correspond à treize années de scolarité et il doit donc se comparer, du point de vue de l'accessibilité, à notre diplôme d'études collégiales générales. Par ailleurs, la même population ontarienne de 25 à 34 ans avait eu accès à l'université dans une proportion de 27,5 % contre seulement 21,1 % pour la population correspondante au Québec. De plus, les taux québécois que nous rapportons ici ne sont que des moyennes où sont confondus tous les groupes constitutifs de la société québécoise. Selon les études de Daniel Maisonneuve, d'Alain Massot et de Sylvail, Laforce et Trottier dont nous nous inspirons, la proportion des élèves inscrits en première année du secondaire qui se retrouveront au CEGEP général était il y a une dizaine d'années de 22 % chez les francophones et de 43 % chez les anglophones et. selon les auteurs des recherches, rien ne permet de supposer que l'écart s'est rétréci significativement depuis; la proportion d'élèves de secondaire V en 1971-72 qui ont poursuivi leurs études jusqu'à l'université est de 9 % chez les enfants d'ouvriers, de 16 % chez les enfants de cadres moyens et de 44 % chez les enfants de cadres supérieurs et de professionnels, alors qu'elle est de 15 % chez les francophones et de 42 % chez les anglophones. Pour ce qui est de l'inégalité entre les deux sexes, en regard de l'accessibilité aux diverses étapes du cheminement scolaire, elle est encore assez forte au sein de la population qui, en 1981, avait 3; ans et plus. Alors que 59,1 % des hommes et 54,2 % des femmes avaient au moins une neuvième année et que 46,9 % des hommes et 39,1 % des femmes avaient un diplôme du secondaire, seulement 9,1 % des femmes contre 15,5 % des hommes avaient eu accès à l'université. Au cours des dix dernières années, cet écart a été réduit de façon importante chez les générations qui ont réalisé une partie de leur cheminement scolaire durant cette période et les femmes de la génération qui est actuellement aux études semblent maintenant devancer les hommes, du moins quant aux chiffres globaux pour tous les niveaux avant l'université. A l'université même les femmes sont à peu près à l'égalité avec les hommes au premier cycle, mais elles tirent toujours de l'arrière aux deuxième et troisième cycles. Ce rattrapage mérite d'être souligné mais, à ne s'en tenir qu'aux chiffres globaux, on laisse de côté le fait qu'il existe encore des orientations scolaires qui semblent réservées en priorité à l'un ou l'autre sexe. Ainsi, les femmes dominent dans les langues et littératures, dans les arts, dans les techniques biologiques et dans les techniques de l'administration, mais elles sont faiblement représentées en sciences administratives et en sciences pures. Il y a donc encore des progrès à réaliser pour assurer une accessibilité égale, non seulement quant au total des inscriptions, mais aussi dans toutes les disciplines et spécialités, notamment celles qui sont présentement considérées comme les plus prestigieuses. Puisque d'une part, le rattrapage à l'égard du reste du Canada et des autres pays industrialisés n'est pas terminé, puisque d'autre part, il subsiste des inégalités marquées entre diverses catégories de la population en regard de l'accessibilité aux études postsecondaires, il faut en conclure que nous avons toujours besoin d'une politique d'accessibilité qui devrait être améliorée et renforcée. A moyen terme, il faudrait tendre vers un régime de gratuité du service public de l'enseignement collégial, tout en améliorant le système des bourses d'études de façon à ce que personne ne soit empêché de poursuivre ses études collégiales pour des motifs financiers. Dans l'esprit des recommandations de la Commission Jean, la gratuité devrait s'appliquer aussi aux adultes qui reviennent aux études. Le régime des bourses d'études devrait également pouvoir s'appliquer à eux. Il va sans dire que nous nous opposerons aux mesures récentes prises par le ministère de l'Éducation qui ont pour effet de hausser les frais de scolarité au moins pour les cours d'été et de réduire le montant des bourses d'étude (augmentant par le fait même la part d'endettement qui doit être assumée par l'étudiante ou l'étudiant). Si l'instauration de la gratuité des frais de scolarité et l'amélioration du régime de bourses d'études peut favoriser une meilleure accessibilité aux études collégiales, il ne faut pas croire que ces deux mesures peuvent suffire par elles-mêmes à corriger les inégalités entre groupes sociaux et groupes linguistiques dont il a été fait état ci-dessus. Il faut notamment corriger aux niveaux primaire et secondaire les causes profondes de ces discriminations systémiques. S'ensuit la pertinence de poursuivre le développement de notre proposition d'école afin de l'approfondir, en particulier au chapitre des moyens à utiliser pour assurer des chances égales quant au contenu des cheminements scolaires. C - Les défis actuels et les contenus de formation au collégial. Si on parle au secondaire d'un retour à la formation de base, on pratique déjà dans les collèges américains un retour à la formation fondamentale. Cela se traduit par l'imposition, aux premiers cycles post secondaires, de troncs communs larges (core curriculum) incluant une grande variété de disciplines: langues, philosophie, sciences humaines, sciences naturelles, arts. éducation physique. Ici de nombreux projets ont été concoctés en ce sens dans les officines du MEQ. Ils ont fait l'objet de débat, de protestation et de compromis au point où l'on constate l'échec quasi complet de leur implantation. Cet échec est dû à une série de facteurs où intervient peu l'examen des besoins réels en formation. Coûts, sécurité d'emploi des personnels, déclin du gouvernement promoteur, expliquent davantage l'abandon de ces projets. Faut-il se réjouir de cet échec? Non, si l'on considère que certains objectifs méritaient un débat plus sérieux. Notons, entre autres, la volonté de mieux asseoir la formation sur les fondements des savoirs, de «décoloniser» cette formation par rapport à l'université, de déspécialiser la formation professionnelle pour mieux la fonder sur des concepts de base, de concrétiser les savoirs et ainsi faciliter les apprentissages. Mais les solutions mises de l'avant n'avaient aucune commune mesure avec ces objectifs et conduisaient, somme toute, à une déqualification de la formation. Le débat sur les contenus. Durant cette même période où le gouvernement prônait ces réformes, c'est plutôt une orientation en sens contraire qui s'amorçait en formation professionnelle: multiplication des programmes offerts, accent mis sur la course aux technologies de pointe. Anarchique, ce développement touche inégalement les enseignements, les techniques industrielles et administratives prenant largement le pas sur les autres. Plusieurs facteurs expliquent ce développement: recherche de clientèle, offre de formation de pointe, sécurité d'emploi des enseignantes et enseignants, absence de volonté claire du MEQ ressources offertes par le fédéral, implantation de nouvelles industries réclamant des qualifications précises (Bell, Pechiney), etc. Cette évolution non planifiée soulève déjà des inquiétudes que le Conseil des collèges souligne à juste titre. On craint le développement de programmes trop pointus, trop ponctuels, une préparation insuffisante des enseignantes et enseignants, l'inféodation de la formation à l'industrie et des coûts prohibitifs aux dépens d'autres enseignements moins en pointe. Quant à la formation des adultes, elle semble nettement en déclin au collégial en termes de qualité. Alors que disparaît la formation générale, se surdéveloppe la formation dite «sur mesure»,. Les CEGEP s'instaurent là dans un véritable marché où les coûts moindres, la rapidité d'exécution, la «souplesse» emportent le morceau. En concurrence aux CEGEP se multiplient les boîtes privées, et l'entreprise emboîte le pas en offrant une formation maison. Cette tendance se voit encouragée par les dernières politiques fédérales en matière de formation professionnelle des adultes. Le fédéral propose, en effet, des coupures sévères aux institutions. Il entend financer en retour les demandeurs de cours. Les établissements scolaires devront alors se montrer plus compétitifs pour attirer la clientèle. Il va sans dire que le projet de politique d'apprentissage en industrie du MMSR risque d'évacuer des établissements scolaires toute la formation professionnelle des adultes. Les relations collèges - entreprises. Dans son Livre blanc sur «La formation professionnelle des jeunes», et par la suite dans une série de documents sur les relations collèges - entreprises, le MEQ projetait plusieurs mesures visant à rapprocher l'enseignement professionnel de l'entreprise: tables de concertation aux niveaux provincial, régional et local, comité départements - entreprises, implication importante de l'entreprise dans le processus d'élaboration des programmes, politique de stages, création des centres spécialisés. De tous ces projets, seul celui des centres spécialisés a été réalisé. Sans doute que les autres projets du gouvernement étaient trop ambitieux et trop lourdement bureaucratisés. Est ce à dire que l'entreprise n'est pas présente dans la formation collégiale? Nous croyons plutôt que sous un mode informel ces relations se sont développées mais dans un sens un peu différent de ce qui avait été prévu. Ce sont les administrateurs, les professionnelles et professionnels, les enseignantes et enseignants qui sont de plus en plus avides de savoir ce qui se passe en industrie, de connaître les besoins en formation et surtout les possibilités d'emploi pour leurs étudiants. Ce mouvement est normal et sans doute sain, étant donné d'une part les changements rapides qui se produisent dans l'entreprise et, d'autre part, les difficultés grandissantes à placer les étudiantes et les étudiants. Ces relations prennent diverses formes: stages d'étudiantes et d'étudiants qui se multiplient, visites, consultations pour l'élaboration des programmes, sondages sur les besoins, stages d'enseignantes et d'enseignants et même prêts d'enseignantes et d'enseignants à l'entreprise pour des projets précis. Quant aux centres spécialisés, voici le bilan que nous en faisions l'an dernier: - au plan juridique, nous avons soutenu que la vocation de recherche et d'aide à l'entreprise ne fait pas partie des missions attribuées aux CEGEP dans la Loi des collèges; - nous avons noté l'absence de liens administratifs dans plusieurs centres entre la direction des servi ces pédagogiques et l'enseignement qui s'y donne; et la soumission de cet enseignement aux comités de gestion des centres qui ont comme première préoccupation le service à l'entreprise; - nous avons émis de sérieuses réserves quant à l'obligation qui est faite aux centres de s'autofinancer; - nous avons relevé et dénoncé l'absence de politique de conditions de travail, notamment pour les tâches commanditées par l'entreprise, et souligné les besoins non planifiés en recyclage dans certains centres. Enfin, nous soulevions la question de l'existence même de tels centres, car il nous apparaît que si les collèges doivent offrir des services à la collectivité, celle ci doit être entendue dans son sens le plus large et le plus démocratique. Cependant, l'idée de concrétiser les liens entre le CEGEP et les milieux de travail par la recherche et l'assistance technique nous semble fort intéressante et riche en possibilités. A condition, d'une part, que les travailleuses et travailleurs et consommatrices et consommateurs en profitent aussi et qu'en conséquence, la gestion de ce concept prévoie une large autonomie face à l'entreprise. La politique de stages. Pour conclure ce tour d'horizon sur les relations entre la formation et les milieux de travail, il convient de dire un mot sur les stages des étudiantes et étudiants. Le gouvernement précédent projetait de multiplier et d'allonger ces stages, sans en préciser ni les conditions, ni l'encadrement. La question se pose d'autant plus que, dans son document sur «La politique d'apprentissage», le MMSR entend inclure les stages des étudiantes et étudiants en formation dans les établissements scolaires. Est-ce à dire que les étudiantes et étudiants en stage passeront sous la juridiction du MMSR? Qui définira les objectifs, évaluera les étudiantes et étudiants, qui les encadrera? Une autre question, nous semble-t-il, doit être soulevée: ne faudrait-il pas amener les travailleuses et travailleurs en place et leurs organisations à collaborer à ces stages en aidant à l'encadrement et à la formation des étudiantes et étudiants? Cette collaboration entre les travailleuses et travailleurs et leurs organisations d'une part, et les étudiantes et étudiants et les collèges d'autre part, pourrait être à double sens. Les travailleuses et travailleurs offrent leurs expériences aux étudiantes et étudiants en stage. En retour, collèges, enseignantes et enseignants offrent leurs connaissances aux travailleuses et travailleurs aux prises avec les nouvelles technologies et la réorganisation de la production. Quelques pistes de réflexion. Ce rapide survol des problèmes de formation nous amène à lancer quelques pistes de réflexion sur ce que devrait être la formation collégiale. Il nous semble que l'école peut jouer un très grand rôle dans l'évolution actuelle de notre société: ou elle s'ajuste bêtement aux tendances les plus négatives, ou elle tente d'imprimer le mouvement contraire en ouvrant largement ses portes aux jeunes et aux adultes, en leur donnant les outils permettant de collaborer à cette évolution. Pour ce faire, certains objectifs doivent être mis de l'avant et reconnus par la société, tels la maîtrise sociale des changements technologiques, la démocratisation du travail, le développement économique intégré. Transposés en système de formation, ces objectifs peuvent être transcrits ainsi: - élévation des qualifications, suite à la nouvelle articulation des savoirs, au cumul et à l'élargissement des connaissances; -développement d'un savoir-faire innovatif et adaptatif; - intégration de la technique à la culture pour éviter les risques de ruptures professionnelles et sociales du savoir technique; - meilleure maîtrise des connaissances de base; - diplômes ouvrant sur des formations ultérieures plus qualifiantes. Les contenus de formation doivent aussi être repensés à la lumière d'autres exigences: amélioration de la qualité dans un contexte de plus grande accessibilité, présence de plus en plus importante des adultes dans un milieu encore marqué par la pédagogie traditionnelle, utilisation des nouvelles technologies qui de plus en plus libéreront l'enseignante et l'enseignant de leur rôle d'informateurs, lien évident à assurer entre l'école et les milieux de travail, et aussi, malheureusement, compression accrue des ressources allouées à l'école. De grandes questions ressortent enfin de cette réflexion sur les contenus de formation, de même que des perspectives à moyen terme: où se situe la limite de la déspécialisation? L'existence des deux filières, générale et professionnelle, doit-elle être maintenue si tous doivent avoir une solide formation de base incluant la technologie et des savoir-faire utiles? La formation en cours d'emploi doit-elle nécessairement se faire en établissements scolaires? Sinon, quelle collaboration l'école peut-elle offrir aux travailleuses et travailleurs? D - Pour la revalorisation de l'éducation des adultes. Depuis la grande réforme scolaire amorcée dans la foulée de la Révolution tranquille, le taux de scolarisation s'est élevé régulièrement chez les nouvelles générations et le rattrapage doit se poursuivre et s'accentuer, car le Québec accuse encore des retards considérables par rapport aux autres pays industrialisés et aux autres provinces canadiennes, particulièrement en ce qui a trait à l'accès aux études supérieures. Mais si on considère l'état de scolarisation des personnes de 35 ans et plus, le retard du Québec apparaît comme encore plus dramatique. Des études sur l'analphabétisme reflètent des évaluations quantitatives très variables, mais on s'entend pour dire que le nombre des analphabètes est encore très élevé. La CEQ, l'ICEA et de nombreux groupes populaires réclament depuis plusieurs années la réalisation d'une vaste campagne d'alphabétisation de façon à ce que tous les adultes au Québec possèdent au moins les outils de base leur permettant de fonctionner adéquatement au sein de notre société. Il y a aussi toute une gamme de besoins éducatifs des adultes auxquels on doit répondre et que l'on peut grouper en trois grandes catégories: besoins de complément de formation générale, besoins de formation professionnelle, besoins de formation à des situations de vie particulières à des groupes donnés. Nous croyons que l'école publique est encore l'institution la mieux adaptée pour répondre à la plupart de ces besoins, même si nous admettons que d'autres intervenants, notamment les organisations syndicales et populaires, ont également un rôle à jouer dans ce secteur. Et nous croyons qu'il appartient au ministère de l'Éducation du Québec de définir la politique en éducation des adultes, de prévoir les contenus d'enseignement et de coordonner la mise en vigueur de l'ensemble. Un secteur instable et confus. Un des problèmes majeurs de l'éducation des adultes, c'est la mauvaise coordination des programmes. Le contenu des enseignements offerts varie annuellement, au gré des priorités établies sous la pression des entreprises par les gouvernements fédéral et provincial. La multiplicité des intervenants dans le dossier entraîne l'incertitude quant à ses véritables orientations et objectifs et fait en définitive qu'il n'est prioritaire pour aucune instance. Le peu de considération accordé au secteur de l'éducation des adultes se reflète dans les conditions d'emploi des personnels qui y sont affectés: trop faible proportion d'enseignantes ou d'enseignants avec contrat régulier à temps complet par rapport aux enseignantes et enseignants engagés à taux horaire; conditions de travail très précaires de ces personnes engagées à taux horaire; insuffisance de dispositions précises quant à la tâche de celles et ceux qui détiennent un contrat; manque de personnel professionnel et de soutien. La faible importance reconnue en haut lieu au dossier de l'éducation des adultes se reflète également dans les frais élevés imposés aux adultes qui reviennent aux études. Tout se passe comme si l'éducation aux adultes n'était considérée ni comme un véritable service public, ni comme une vraie priorité sociale, mais bien comme une occasion pour les institutions scolaires de se renflouer financièrement. Ceci apparaît de façon particulièrement criante au niveau collégial. Le nouveau ministre de l'Éducation s'est montré dans le passé particulièrement préoccupé par le dossier de l'éducation des adultes. vous attendons beaucoup de lui à cet égard, sans toutefois verser dans l'illusion: il nous faudra continuer à lutter et à revendiquer pour que l'éducation des adultes reçoive enfin le traitement qu'elle mérite. C'est ce que nous avons l'intention de faire, en concertation autant que possible avec l'ICEA et les autres organismes intéressés. E - Cinq ans de discours sur l'enseignement professionnel. En janvier 1980, le Livre vert, premier-né des documents du MEQ sur la formation professionnelle, était lancé pour consultation au cours du printemps 1980. Cette consultation devait culminer dans un grand colloque national à l'automne 1980. Ce colloque n'a jamais eu lieu. A l'automne 1980, le MEQ publiait son Livre beige, qui reprenait, en les améliorant, les orientations fondamentales du Livre vert. Au printemps 1981, le nouveau régime pédagogique (NRP) pour le préscolaire, le primaire et le secondaire était adopté. Il comportait une modification majeure pour l'enseignement professionnel: désormais, la formation professionnelle allait être dispensée après la cinquième secondaire. En mai 1982, le ministre Camille Laurin lançait son Livre blanc sur la formation professionnelle sous-titré: Propositions de relance et de renouveau. Ce Livre blanc a fait l'objet d'une nouvelle consultation dont la synthèse n'a retenu que «les critiques positives». Les exigences préalables à l'application de la nouvelle politique et les points de désaccord n'ont pas été retenus. A l'automne 1983, le rouleau compresseur continue sur sa lancée. Une nouvelle «consultation» est mise en marche. Elle porte sur quatre thèmes: - le plan d'action de la formation professionnelle; - la carte nationale des options; - la concertation école-travail; - l'amélioration, la révision et la mise à jour des programmes. En même temps qu'il sème la pagaille dans tout le réseau scolaire avec son projet de loi 40, le ministre Camille Laurin se dit prêt à mettre ces dossiers en marche dès décembre 1983. On connaît la suite: Bérubé succède à Laurin au ministère de l'Éducation et le dossier de la formation professionnelle est mis en veilleuse. Au printemps 1984, dans le cadre des audiences du CSE sur la condition enseignante, la situation de l'enseignement professionnel est abondamment dénoncée. En mai, lors de la réouverture du décret, on signe une lettre d'entente créant un comité national paritaire «pour examiner les hypothèses de solution et faire les recommandations appropriées» concernant la mise en oeuvre, tant aux niveaux national que local, du Régime pédagogique en matière de formation professionnelle. A l'automne 1984, les deux parties conviennent de reporter d'un an la mise en application du nouveau régime pédagogique pour permettre d'en réduire les impacts négatifs, tant pour les élèves que pour le personnel enseignant de ce secteur. En décembre, le MEQ est scindé en deux et François Gendron est nommé ministre pour le préscolaire, le primaire et le secondaire. En janvier 1985, une directive adressée aux commissions scolaires relativement à l'organisation de l'enseignement pour l'année scolaire 1985-86 officialise le report d'un an de tout ce dossier. En même temps, le MEQ présente «aux autorités responsables des commissions scolaires un certain nombre d'orientations, de décisions, de propositions et d'informations pour faciliter l'application du Régime pédagogique et de la politique de formation professionnelle». Le document s'intitule: Des convergences en formation professionnelle au secondaire et vise manifestement à donner «l'heure juste» en ce qui a trait à la formation professionnelle. En décembre dernier, un nouveau gouvernement est élu, un nouveau ministre de l'Éducation entre en fonction et un nouveau moratoire est décrété afin de permettre une prise en compte du dossier par le nouveau titulaire du MEQ. De plus, on nous promet pour le printemps 1986 de nouvelles propositions que nous attendons toujours. Après 5 ans de discours et j ministres de l'Éducation, où en est la situation de l'enseignement professionnel au Québec? La réalité après cinq ans de discours. Nous ne reprendrons pas ici l'énumération des analyses, critiques, propositions et revendications formulées par la CEQ au cours de ces cinq années sur le «dossier» de la formation professionnelle. Nous nous limiterons à esquisser un portrait d'ensemble de la situation vécue dans les écoles sous le règne des coupures budgétaires et décrets. Elle se caractérise ainsi: - baisse de 10 % annuellement de la clientèle étudiante en formation professionnelle; - réduction considérable du nombre d'options offertes aux élèves en formation professionnelle. Selon une étude de la FCSCQ, cette réduction serait passée de 32 % en 1979-80 à 62 % des commissions scolaires en 1983-84. Et ça continue... Dans certaines écoles, l'enseignement professionnel a pratiquement disparu. La régionalisation de certaines options oblige plusieurs jeunes ou bien à abandonner leur choix de telle option ou bien à accepter de vivre hors foyer; - vieillissement et détérioration des équipements dont on n'assume plus le renouvellement faute de financement; - stagnation des montants alloués pour le perfectionnement; - application systématique du nombre maximum d'élèves par groupe dans les ateliers, quand ce n'est pas son dépassement, et intégration des jeunes en difficulté au détriment des règles de sécurité; - gratuité scolaire battue en brèche et pratique de l'autofinancement des ateliers par la vente de la production des étudiants. Cette pratique amène certaines écoles à privilégier les options «rentables» au détriment des autres; - augmentation du nombre de décrocheurs; - mise en disponibilité massive d'enseignantes et d'enseignants du secteur professionnel. Voilà, très sommairement, ou nous auront conduits cinq années de discours sur la formation professionnelle. La contradiction entre le discours du Livre blanc et la contre réforme en cours, dénoncée à de multiples occasions par la CEQ, n'était pas une invention de syndicalistes radicaux. La contradiction entre le discours et les mesures concrètes est en train de saper les bases mêmes de la formation professionnelle au secondaire: la responsabilité de ce cafouillage sans nom est tout entière du côté gouvernemental . Des orientations à considérer. En tout premier lieu, il est essentiel de dire que nous considérons le MEQ comme étant l'interlocuteur tout désigné en regard de la formation, y inclus la formation professionnelle des jeunes et des adultes, tant pour ce qui est des contenus que des structures de dispensation des services. Au secondaire. Afin d'éviter le décrochage et dans le but de permettre à tous les jeunes d'acquérir une formation de base solide en même temps qu'une formation professionnelle, il nous faut mettre de l'avant l'acquisition des deux types de formation sur 3 ans à partir du secondaire IV. Dans cette perspective, les jeunes obtiendraient à la fois un diplôme d'études secondaires et un diplôme d'études professionnelles, et les obstacles au passage à des études postsecondaires seraient levés. Examiner une telle hypothèse à la lumière d'un bilan sérieux et d'objectifs clairement définis. préciser les moyens de mise en oeuvre - structures, programmes et contenus -, procéder à des expérimentations, à des vérifications et à des applications progressives, tenir compte, dans tout ce processus, non seulement de l'avis des personnels du secteur professionnel, mais aussi de leurs besoins de perfectionnement, voilà une démarche logique qui contribue rait à de bons résultats dans l'implantation d'une nouvelle politique en enseignement professionnel. Pour une formation professionnelle qualifiante. Bien que nous ne puissions nier le nécessaire arrimage qui doit s'établir entre le milieu de l'éducation et le milieu du travail, nous ne croyons pas qu'il faille désinstitutionnaliser la formation professionnelle et instaurer un type de formation sur mesure au bénéfice des entreprises et en entreprise comme tendent à le faire le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Une politique d'apprentissage devrait mener à l'acquisition d'une formation professionnelle qui soit qualifiante et ainsi éviter de donner naissance à une classe de travailleuses et travailleurs à la merci des entreprises. Elle devrait aussi permettre aux clientèles de poursuivre vers des voies supérieures de formation en comblant des lacunes au niveau de la formation de base. Elle devrait enfin démontrer l'importance des cours de formation théorique dans une démarche d'apprentissage. Cette formation devrait voir son application dans des stages en milieu de travail. Les entreprises et leurs travailleuses et travailleurs négocieraient des plans de formation incluant le paiement des frais de scolarité par les entreprises et le congé éducation payé. Les programmes de formation définis dans ces plans de formation seraient dispensés en institution d'enseignement afin: - d'éviter le détournement des investissements du secteur de l'éducation vers les entreprises; - de garantir à cette formation la reconnaissance scolaire et sociale; - de permettre aux travailleuses et aux travailleurs d'acquérir la formation de base pouvant leur manquer; - de permettre aux travailleuses et aux travailleurs la mobilité et l'adaptabilité ainsi que la maîtrise des techniques et des processus de travail, leur donnant ainsi prise sur les changements qui surviennent dans la structure d'emploi; - d'éviter la coupure formation initiale - formation continue qui priverait les établissements d'enseignement d'une dynamique de mise à jour de la formation initiale. L'élaboration des programmes demeurerait sous la responsabilité du MEQ, cela n'excluant pas une possible collaboration des milieux de travail. Les programmes d'insertion professionnelle et sociale permettraient à leurs clientèles de compléter leur formation de base, d'acquérir une formation professionnelle qualifiante et de faciliter ainsi l'intégration et le maintien en emploi. La formation initiale devrait être conçue en fonction des intérêts des futurs travailleurs et travailleuses; elle devrait se donner en institution afin de maintenir un niveau de qualité supérieur, une polyvalence possible, une plus grande souplesse dans le choix des options et des orientations. Une politique de stages de formation en entreprise garantirait que les objectifs de formation ne seraient pas détournés vers des objectifs de production et définirait les stages comme des compléments à la formation professionnelle et non comme le fondement de cette formation. F- Pour des services adéquats aux enfants en difficulté. On peut avoir l'impression que tout a été dit sur les conditions essentielles et les limites de l'intégration des élèves en difficulté. Ce qui est certain, c'est que tout n'a pas été fait, ni tout bien fait. Il nous faut donc revenir à la charge, réitérer nos positions de base, les réexpliquer et surtout insister de nouveau pour la mise en place d'une politique responsable à cet égard. Comme l'écrivait le Conseil supérieur de l'Éducation en 1984: «Intégrer les enfants en difficulté ne consiste pas d'abord à les «mêler» aux autres, mais surtout à mettre en place les conditions qui leur permettent de ne pas se sentir marginalisés, et d'accéder à un état de bien-être personnel, d'autonomie, de confiance, de responsabilité et de réelles possibilités de progresser dans leur apprentissage et leur développement personnel». La pire façon d'aborder le problème des enfants en difficulté d'apprentissage serait sans doute de les confondre tous dans une catégorie unique sans égard aux raisons différentes pour lesquelles ils connaissent ces difficultés d'apprentissage. Il faudrait éviter d'étiqueter les individus qui n'accusent des retards scolaires qu'en raison des conditions socioculturelles défavorables dans lesquelles ils ont vécu. Il faut reconnaître que ces enfants ont des besoins particuliers mais qu'ils ne sont pas handicapés. Tous les enfants en difficulté ne peuvent pas être intégrés aux classes régulières et ceux qui peuvent l'être devraient profiter de services complémentaires de façon à ce que cette intégration représente pour eux une expérience positive, enrichissante et stimulante. Par ailleurs, une intégration réalisée sans les conditions requises amène des réactions négatives et se fait au détriment aussi bien de l'enfant en difficulté que des autres enfants. C'est donc dire que toute politique d'intégration des enfants en difficulté requiert l'affectation de ressources humaines, matérielles et donc aussi financières, à défaut de quoi elle aboutira à un échec. Ce qu'il faut surtout dénoncer, c'est la tendance des autorités à choisir une forme d'intégration selon les économies de ressources qu'elle peut engendrer. De concert avec ses composantes concernées, la Centrale doit, au cours des prochaines années, poursuivre la lutte pour l'amélioration des conditions qui sont faites aux élèves en difficulté. Notre programme rejoint les propos d'Albert Jacquard qui disait: «Adaptons l'école pour qu'elle donne des chances de développement à chacun, pour qu'elle aide chacun à s'accomplir au maximum». G- Pour une politique de la petite enfance. Plusieurs raisons militent aujourd'hui pour la mise en place d'une véritable politique de la petite enfance en liaison avec le projet éducatif national. L'inégalité des conditions sociales et des niveaux de fortune des familles a des répercussions directes sur les conditions dans lesquelles les enfants des divers milieux amorcent leur développement physique, émotif, intellectuel et social. Les mesures prises par la suite pour promouvoir l'égalité des chances et une accessibilité égale à tous les niveaux d'enseignement risquent d'être partiellement inefficaces dans la mesure où l'inégalité dans l'apprentissage scolaire est une conséquence des inégalités acquises et développées dans la petite enfance. Plusieurs études ont démontré qu'il n'y avait pas de différence significative d'aptitude ou d'intelligence entre les enfants de milieux sociaux différents, les différences déterminantes se situant au niveau de l'acquisition des préalables. Or la pauvreté ne favorise pas l'acquisition des préalables valorisés par l'école. Dans la société traditionnelle, on attribuait spontanément à la mère la mission d'assurer la première éducation de l'enfant; la mission éducative de la mère était tout particulièrement intense et considérée comme irremplaçable durant toute la période du développement de l'enfant allant de la naissance jusqu'à son entrée à l'école. La mère pouvait par ailleurs compter, pour la relaver au besoin, sur le puissant réseau des solidarités familiales et de voisinage. Le contexte social est maintenant complètement transformé. Le rôle de la famille et la mission éducative jadis réservée à la mère le sont de manière conséquente. Les solidarités familiales et le voisinage ne fonctionnent plus sur le même modèle. La réduction du nombre d'enfants par famille et l'insertion des femmes dans le monde du travail sont probablement les deux facteurs les plus déterminants dans cette mutation du rôle de la famille et de la mission éducative parentale. Il faut ajouter à cela la prolifération de nouveaux modèles de familles: familles monoparentales, familles adoptives, familles d'accueil, familles dont les parents sont mariés et vivent ensemble, familles dont les parents sont séparés, familles constituées par des couples non mariés, etc. En conséquence, on ne peut plus s'en remettre comme autrefois uniquement à «la famille» pour assumer la première éducation. On reconnaît de plus en plus aujourd'hui que la mission du service public d'éducation ne se limite pas aux seuls apprentissages de connaissances intellectuelles. Cette mission comporte désormais une dimension éducative en regard du développement intégral de la personne. Au plan intellectuel, elle ne se limite pas à transmettre des connaissances pour fin de mémorisation; elle vise d'abord à équiper l'enfant pour qu'il apprenne à apprendre par lui-même pendant toute sa vie. Elle se préoccupe aussi du développement sensori-moteur, du développement affectif et du développement psychosocial. La nécessité d'une action éducative et de services connexes pour la petite enfance ne devrait plus faire de doute. Ces services doivent tenir compte des besoins fondamentaux de l'enfant et des situations d'inégalité économique et sociale dans lesquelles ces besoins s'expriment. Il y a les besoins rattaches à sa santé physique (développement harmonieux de son corps, bonne alimentation, etc). Il y a les besoins rattachés à son épanouissement psychosocial (prise de conscience de ses émotions, équilibre psychologique, hygiène mentale, minimum de repos et de tranquillité, etc). Il y a également les besoins rattachés à son développement intellectuel (développement de sa curiosité naturelle, de son sens de l'émerveillement, du goût de la découverte et de l'exploration, etc) parmi lesquels il faut inclure le besoin de s'exprimer avec une certaine aisance, ainsi que le besoin de comprendre et de savoir interpréter les messages des adultes et des camarades. Un des objectifs que doivent poursuivre les servi ces à la petite enfance devrait être le dépistage et le traitement précoces des anomalies qui risquent de perturber le développement normal de l'enfant. Un autre objectif devrait être de promouvoir une plus grande égalité, par delà les milieux socio-économiques d'origine, des conditions dans lesquelles pourront se réaliser les premiers apprentissages de l'enfant. Les services à la petite enfance doivent aussi concourir à des relations positives et harmonieuses entre l'enfant et son milieu d'origine, notamment avec sa famille, son quartier, son environnement physique et social. S'ensuit la nécessaire implication des parents qui doivent être appelés a collaborer de façon étroite avec les personnels. Un tel programme requiert aussi des ressources financières importantes, des équipements matériels et des personnels compétents. Les pouvoirs publics doivent cesser de couper dans les services déjà en place (maternelles 4 ans à temps plein pour les enfants handicapés), et accepter d'investir dans de tels services et dans le développement d'un réseau de services de garde universel et de qualité, en reconnaissant qu'il s'agit là d'un investissement socialement rentable. Les commissions scolaires doivent être invitées à s'impliquer, mais étant donné la disparité des moyens financiers entre commissions scolaires et la disparité des besoins selon les milieux sociaux, l'implication financière et politique du gouvernement du Québec est tout à fait indispensable. Nous revendiquons donc la mise en vigueur d'une véritable politique québécoise de la petite enfance impliquant l'affectation des fonds nécessaires. H- Pour un meilleur enseignement du français. Dans son rapport annuel 1983-84, le Conseil supérieur de l'Éducation lançait un cri d'alarme à propos de la qualité de l'apprentissage du français langue maternelle dans les écoles du Québec. Selon le CSE, il existerait sur cette question «un constat général de piètre qualité». L'ancien ministre de l'Éducation, monsieur François Gendron, reconnaissait en janvier 1985 l'exactitude de ce diagnostic global, tout en affirmant qu'on ne pouvait blâmer de cet état de choses «ni les programmes, ni les enseignants». En mars 1985, le ministère de l'Éducation rendait publique une étude qu'il avait menée en mai 1984 auprès de 3 200 élèves du secondaire II dans l'ensemble du Québec. Sur la foi des résultats de cette enquête, la situation était jugée «préoccupante et désolante». Les élèves du secondaire II feraient une faute à tous les six mots (50 fautes dans des compositions françaises d'environ 300 mots et cela avec l'aide du dictionnaire). On a constaté, par ailleurs, que les élèves avaient la capacité de bâtir et de structurer un récit d'aventures. A peu près en même temps que le MEQ rendait publique sa propre enquête, le Conseil de la langue française publiait une étude menée quelques années plus tôt sur le français écrit au secondaire. Selon cette étude, les élèves du secondaire feraient de 33 à 45 fautes en moyenne par deux pages de texte. L'auteur ne panique pas pour autant et soutient que la situation pourrait être corrigée en deux ans, à condition d'appliquer les bons remèdes (Le Rapport Bureau). Le rapport du CSE, les commentaires du ministre et la publication des deux études précitées ont contribué à attirer l'attention sur le problème de la qualité de la langue française utilisée au Québec. Les éditorialistes et chroniqueurs de l'éducation des principaux journaux du Québec y sont allés de leurs commentaires alarmistes. Un sentiment de crise s'est développé en regard de la qualité du français au Québec et en regard de son enseignement dans les écoles. On semble admettre implicitement, en plusieurs milieux, même s'il est difficile d'en établir la preuve, que la qualité du français se serait gravement détériorée chez nous ces dernières années par rapport aux générations précédentes, que les méthodes d'enseignement de la langue seraient moins bonnes que celles d'autrefois, et que la situation serait de plus en plus alarmante. En réponse à ces critiques, nous pourrions bien rappeler qu'elles font écho à une préoccupation et à une inquiétude permanentes au Québec, dont on pourrait relever des manifestations à toutes les époques, au moins depuis l'existence de l'école publique. Depuis Arthur Buies qui, en 1867, dénonçait la piètre qualité du français enseigné dans les écoles de paroisse tenues par les religieuses enseignantes jusqu'à Lysianne Gagnon qui vient de signer dans La Presse une série d'articles portant sur «le drame» de l'enseignement du français, en passant par les conférenciers des congrès de la langue française de 1912 et de 1938 et par Victor Barbeau (1952), Archélas Roy et Adrien Thério (pour les années '60), il s'est trouvé, à chaque génération, des observateurs pour déplorer la détérioration du français. Mais il serait irresponsable de nous en tenir à cette réponse facile. Il va effectivement un problème quant à la maîtrise et à la qualité du français écrit et parlé. Que nos prédécesseurs l'aient constate avant nous ne corrige en rien la situation présente. Il ne faut cependant pas céder à la panique: il serait plus sage de s'entendre sur les causes réelles d'une telle situation, et sur les correctifs à y apporter. A entendre certains critiques, la décision prise il y a une quinzaine d'années de mettre l'accent sur l'enseignement du français parlé aurait été une erreur. Il faudrait, selon ces gens, revenir à un enseignement normatif centré essentiellement sur l'écrit. Il est vrai que l'enseignement de la langue écrite a souffert au cours des dernières années de certaines lacunes, et il est bon de vouloir les corriger. C'est dans cet esprit que le nouveau programme de français a replacé l'apprentissage de la langue écrite sur le même pied que celui de la langue parlée. Ce avec quoi nous pouvons être d'accord si c'est là une façon de revaloriser l'apprentissage de l'écrit. Mais il ne faudrait pas pour autant remettre en question les acquis en ce qui a trait à l'amélioration de l'expression orale. A d'autres époques (notamment au Deuxième congrès de la langue française en 1938), on déplorait que, suite à une forte insistance sur la correction du français écrit, «l'orthographe ait fait, toutes proportions gardées, plus de progrès que le langage». Il faut sûrement éviter en matière d'enseignement du français un jeu de va-et-vient entre l'insistance sur l'oral et l'insistance sur l'écrit. L'oral et l'écrit sont tous deux importants et méritent tous deux d'être enseignés de façon compétente. Mais s'il fallait reconnaître une certaine priorité à l'un ou à l'autre, c'est à l'oral que nous devrions l'accorder. Une langue est d'abord parlée avant d'être écrite. Il serait fort peu utile d'apprendre à écrire une langue qui ne serait plus parlée. D'autre part, l'écriture de toutes les langues occidentales modernes repose d'abord et avant tout sur un système de transcription graphique des sons de la langue parlée (même si cette transformation est souvent incohérente et capricieuse dans certaines langues, tels le français et l'anglais). S'il faut donc revaloriser la qualité du français écrit, ce ne doit surtout pas être au détriment du temps et des ressources nécessaires à la qualité de l'apprentissage du français oral. Que la qualité du français écrit se soit détériorée au cours des vingt dernières années, ne serait-ce pas dû tout simplement au fait que le temps consacré globalement aux activités d'apprentissage linguistique a diminué considérablement dans l'horaire scolaire à tous les niveaux. Comme le signalait le professeur Bibeau dans son étude sur les perceptions et attentes concernant l'apprentissage du français (1984): «En général, le temps consacré à l'enseignement apprentissage du français au primaire et au secondaire a été coupé de moitié, sinon plus, depuis une vingtaine d'années». Durant la même période, le temps consacré à l'apprentissage de l'anglais a augmenté constamment. Cette situation préoccupe la CEQ depuis longtemps. Ainsi, la résolution 55 du dix-huitième Congrès en 1968 s'exprimait ainsi: «Attendu que le ministère de l'Éducation a créé une situation injuste réduisant le nombre des périodes de français au profit des périodes d'anglais, particulièrement au niveau secondaire 1 et 2; il est résolu que des pressions soient faites auprès du ministère de l'Éducation afin qu'il révise cette situation». Notre préoccupation là-dessus a été d'une constance remarquable. La qualité de l'apprentissage du français ne tient sans doute pas seulement au nombre d'heures qu'on lui consacre, mais le temps demeure tout de même un facteur essentiel. Or, le temps consacré à l'enseignement du français n'est pas du temps perdu pour les autres disciplines, puisque les déficiences dans la maîtrise de la langue constituent un obstacle majeur au progrès dans les autres disciplines. Plusieurs études ont démontré notamment qu'il y a corrélation directe entre le succès en français et le succès en mathématiques à l'école francophone. La langue n'est pas un moyen de communication parmi d'autres. Elle est présente dans tous les moyens de communication, du moins dans la mesure où il s'agit de transmettre des informations précises, des connaissances ou des idées. Bien plus, elle fournit les matériaux à l'élaboration de la pensée et à sa formulation intérieure. On pense dans une langue, tout autant qu'on parle une langue. En milieu scolaire. l'apprentissage de la langue d'enseignement est la condition première de tous les autres apprentissages; son perfectionnement est une condition essentielle du progrès dans toutes les disciplines. C'est pourquoi nous soutenons que la meilleure façon de favoriser l'égalité des chances au plan des apprentissages scolaires, c'est de procurer à tous les élèves le meilleur enseignement possible du français dès la maternelle et le début du primaire et tout au long des études. Nous allons donc attirer de nouveau l'attention du ministère et de l'opinion publique sur la nécessité de consacrer plus de ressources à l'enseignement du français. En même temps, il nous faudra rappeler constamment la nécessité d'un environnement linguistique favorable à un bon apprentissage du français et susceptible de motiver les élèves quant à la qualité de la langue. Cet environnement linguistique doit être promu notamment aux niveaux de la langue du travail, de la langue des affaires, de la langue des médias, de la langue de l'affichage public. Il implique aussi un souci constant de promouvoir une langue claire, précise et accessible (dépouillée le plus possible des jargons techniques, des locutions étrangères et des archaïsmes) dans tous les écrits publics et privés, ce qui pourrait s'appliquer même dans le texte des conventions collectives et des directives ministérielles. I- L'autonomie professionnelle. L'autonomie au travail est un des éléments significatifs de l'ensemble des conditions de travail d'un groupe de travailleuses et de travailleurs. Les études qui traitent du sujet s'insèrent généralement dans la perspective plus large de la qualité de vie au travail ou de la satisfaction au travail. On peut définir l'autonomie comme le degré de liberté substantielle, d'indépendance et de discrétion que possède l'individu dans la planification de son travail et dans la détermination des procédures à utiliser pour le réaliser. On peut aussi considérer l'autonomie professionnelle comme l'une des conditions d'un service public plus efficace et plus dynamique. Ce degré d'autonomie que possèdent les individus dans l'exercice de leur métier dépend en bonne partie de la place qu'ils occupent dans la division sociale du travail. Certains auront, par exemple, la possibilité de définir l'utilisation de leur temps de travail, alors que pour d'autres, le poinçon, les tâches parcellisées et répétitives seront le lot quotidien. Nos interventions et revendications dans la recherche de l'autonomie des travailleuses et travailleurs se développent en opposition au discours sur la crise financière de l'État. Les travailleuses et les travailleurs du secteur public sont particulièrement affectés dans leur travail par les coupures de services et par les différents moyens mis en oeuvre pour diminuer, à tout prix, le coût des services publics. Notre secteur n'est pas le seul touché. Pensons, par exemple, à l'introduction du système PRN en milieu hospitalier qui cherche à contrôler minutieusement le temps consacré à chaque acte infirmier, au détriment de la qualité de vie au travail et des rapports humains exigés par les soins de santé. L'État cherche à contrôler plus étroitement l'école, non seulement pour rentabiliser au maximum les investissements publics, mais aussi pour s'assurer de l'uniformité des contenus transmis et maîtriser la répartition des étudiantes et des étudiants dans les différentes filières scolaires. D'où l'instauration d'un ensemble de mécanismes de contrôle au niveau des contenus et de l'évaluation scolaire. Il est devenu urgent de redonner aux personnels des services public et parapublic le pouvoir d'intervenir dans l'octroi de services de qualité à la population du Québec. La qualité des services, c'est l'objectif que tous nos membres poursuivent dans leurs interventions individuelles et quotidiennes dans leur milieu de travail, mais aussi dans leurs interventions collectives en négociation, en table de discussion ou dans tout autre lieu ou ils ont voix au chapitre. Votre capacité de contribuer à l'élaboration de solutions aux différents problèmes ou questionnements touchant l'éducation, la santé, le loisir, les communications, la fonction publique, etc, n'a plus à être démontrée. C'est pourquoi nous exigeons d'avoir voix au chapitre dans la définition des politiques et dans l'organisation de ces services. Nous voulons bénéficier d'une marge de manoeuvre dans l'organisation de notre travail. Nous voulons être reconnus en tant qu'intervenants de première ligne dans la promotion des services publics. Selon nous, cette valorisation passe par le dynamisme, l'intérêt, la détermination et l'implication de tous les personnels. Mais en tant qu'agents responsables oeuvrant dans les services publics, nous aurons aussi à coeur de nourrir et d'éclairer cette autonomie que nous revendiquons à partir de recherches sérieuses qu'il nous incombe de mener sur nos propres bases. La nécessité de s'outiller. La montée du courant néo-conservateur risquant de se poursuivre et de s'amplifier: il nous faut nous outiller davantage pour y faire face adéquatement. Un travail de recherche d'une certaine ampleur s'impose, ne serait-ce que pour définir correctement la ligne de l'horizon de l'an 2000 en éducation Du côté théorique, il s'agira d'étudier les principales transformations économiques, sociales et culturelles, en cours ou prévisibles, avec leurs conséquences sur l'éducation dans son sens large. Il faut carrément démontrer que les propositions conservatrices ne peuvent préparer adéquatement à la société de demain. .Du côté empirique, il nous faudrait mieux connaître les caractéristiques actuelles du système scolaire québécois. Les grandes études sociologiques sur l'éducation au Québec datent du milieu des années soixante-dix. Il faudrait refaire le point. Plutôt qu'une étude descriptive ou longitudinale comme celle conduite par ASOPE entre 1972 et 1976, la recherche s'attarderait à une connaissance approfondie du vécu scolaire. En attendant les premières conclusions de ces travaux de recherche, nous disposons pour orienter notre action d'un certain nombre de balises nous facilitant une approche unitaire et efficace. Ces interventions viseraient à influencer positivement les autorités gouvernementales québécoises, autorités souveraines en matière d'éducation, afin qu'elles inscrivent leur action dans le sens d'une démocratisation de l'école tant au niveau de la formation professionnelle, de l'éducation des adultes que de l'enseignement postsecondaire, afin qu'elles ne reprivatisent pas le système d'éducation, afin qu'elles permettent un meilleur enseignement du français, des services adéquats aux enfants en difficulté, afin qu'elles proposent une politique de la petite enfance. Ces interventions, il nous faudra tenter de les partager avec les autres intervenants en éducation. Mais encore faut-il que notre interlocuteur principal, le gouvernement du Québec, assume véritablement le contrôle du développement de l'éducation au Québec. Nos relations avec les intervenants. Il est devenu important que nos discours et nos revendications soient portés en différents lieux par divers moyens. Les liens que nous créons de plus en plus avec les intervenants en éducation sont devenus des moments d'échanges, de discussions sur un grand nombre de dossiers. Le succès de pareil exercice repose sur l'affirmation de l'autonomie de chacun des intervenants quant a ce qui lui est spécifique. Avant d'être partenaires, il faut démontrer la capacité et le courage d'être des intervenants autonomes, faut-il le répéter. Il est aussi essentiel que les intervenants travaillent sur le fond des questions: orientation du système éducatif, conception des apprentissages de base, perception des priorités, démocratisation, etc. C'est de la confrontation de ces points de vue que nous pourrons évaluer si des consensus sont possibles et à quelles conditions. Toutefois, même minimes, ces consensus seraient revalorisants pour la place des services publics dans notre société. De plus, pour ce qui est de la recherche de moyens en appui à ces consensus, on verrait, de l'intérieur du système, de quel bois veulent se chauffer ceux qui, à tous les paliers, se voient confier des responsabilités et, de l'extérieur du système, quelles caractéristiques les citoyens et les groupes attendent des services publics, et quelle part ils croient que la société devrait y consentir. Nous nous devons de provoquer un débat permanent entre les différents intervenants. Sans cet effort, les services publics risquent à court terme d'être orientés en fonction d'intérêts particuliers. Dans le secteur de l'éducation peut être plus qu'ailleurs, nous avons à notre crédit quelques démarches impliquant les autres intervenants, que ce soit les parents, les commissions scolaires, les directeurs d'école, etc; nous n'avons qu'à penser aux États généraux de l'Éducation d'avril dernier. Plus que jamais, nous devons faire valoir notre point de vue sur les questions qui nous interrogent quotidiennement. Nous avons intérêt aussi à confronter nos dires avec celles et ceux qui interfèrent sur notre quotidien. Les parents. Les contacts directs entre parents et les personnels concernant le cheminement d'un enfant, de même que les rencontres collectives, permettent d'expliquer aux parents les approches pédagogiques choisies, les changements de méthodes. Ces pratiques doivent être encouragées pour permettre aux parents d'être informés et d'émettre des points de vue sur le type d'enseignement dispensé aux élèves. En plus de ces contacts directs, il existe des champs d'intervention qui peuvent être communs aux travailleuses et travailleurs de l'enseignement et aux parents. Il faut trouver des lieux pour permettre et favoriser des échanges et des débats. Les personnels attendent cependant des parents qu'ils surmontent cette difficulté de passer du «je» au «nous», le «nous» devant être le reflet des situations et des préoccupations des parents de diverses conditions sociales et économiques plutôt que la simple expression des préoccupations personnelles des uns et des autres. Nous avons déjà affirmé qu'il appartient aux groupes concernés de mettre en place ce qu'il faut de structures, d'occasions et de moyens pour échanger et débattre des sujets qui les préoccupent. ;Nous affirmons clairement que nous sommes prêts comme Centrale et comme travailleuses et travailleurs de l'enseignement à rechercher des mécanismes de communication avec les parents qui nous mettent sur la voie d'une coopération fructueuse dans le respect des responsabilités spécifiques des uns et des autres. Les étudiantes et les étudiants. La CEQ estime que les étudiantes et étudiants devraient se voir reconnaître le droit d'intervenir sur des sujets concernant la vie de l'école; et ce, non seulement les élèves du secondaire mais également les élèves du primaire qui devraient eux aussi, graduellement, faire l'apprentissage de la vie démocratique. Au secondaire il importe, selon nous, non seulement de reconnaître le droit d'expression et d'organisation des étudiantes et étudiants; de façon concrète, il faut permettre la mise sur pied d'organisations étudiantes autonomes qui devraient être consultées sur les éléments concernant la vie générale de l'école, plus particulièrement sur les règles de vie interne, les activités étudiantes, les fermetures d'options, etc. En conclusion. A l'heure où l'éducation est un objet important de questionnements, de réflexions, d'orientations et de discussions tant au niveau des différents intervenants du monde de l'éducation que de la population québécoise et des fabricants d'opinion, nous devons amplifier et améliorer notre intervention de façon à contrer la montée d'une conception utilitariste de l'éducation qui remet au jeu la démocratisation de notre système d'éducation. Nous devons revendiquer que l'école publique soit le lieu privilégié pour permettre aux étudiantes et étudiants du Québec de tous les niveaux de trouver réponse à leurs besoins de formation. Nous devons contribuer à une école qui permette le progrès de tous et de chacun selon ses possibilités, ses aptitudes et ses intérêts. Prenant note. - que le courant néo-conservateur touche actuellement de plein front la démocratisation du système d'éducation, Réaffirmant. - la nécessaire accessibilité universelle à une éducation de base et à une formation générale (Congrès 1980), Considérant. - que le service public d'éducation est le premier terrain et le lieu privilégié de notre action syndicale; - la nécessité de regrouper les forces progressistes qui s'opposent à la dégradation du service public d'éducation, Nous recommandons. 6- Rôle du mouvement syndical. Que le Congrès reconnaisse la nécessité de travailler de concert avec les usagères et usagers, les organisations syndicales et les organisations du mouvement populaire pour promouvoir un service public d'éducation qui réponde aux besoins et aux attentes de la population. Prenant note. - que la Constitution canadienne ne reconnaît pas au Québec une compétence exclusive en matière d'éducation (confessionnalité, langue d'enseignement, financement); - de l'interventionnisme sans cesse croissant du gouvernement fédéral en matière d'éducation (éducation des adultes, formation professionnelle, financement des études postsecondaires), Réaffirmant. - l'importance primordiale que la CEQ attache au principe et à la reconnaissance effective de la compétence exclusive et de la pleine souveraineté du Québec en matière d'éducation, d'enseignement et de formation (Congrès 1968, Congrès 1972), Considérant. - l'acuité des questions de compétence reliées à la confessionnalité et à la langue d'enseignement, Nous recommandons. Compétence du Québec en éducation. a) Que la CEQ revendique l'abrogation de toute disposition de la Constitution canadienne faisant obstacle au libre exercice de la compétence du Québec en éducation. b) Que la CEQ revendique pour le Québec les moyens financiers requis pour le plein exercice de cette compétence. Prenant note. - de l'incertitude actuelle en regard du processus de restructuration scolaire, Réaffirmant. - notre opposition au régime des commissions scolaires confessionnelles et notre appui à la formation de commissions scolaires constituées sur la base des langues d'enseignement (Congrès 1980, Conseil général 1982); - notre opposition à la catégorisation des écoles sur la base d'une option confessionnelle (Congrès 1980, Conseil général 1982), - notre appui au régime d'option pour les élèves entre l'enseignement moral laïc et un enseignement religieux confessionnel ou multi-confessionnel (Congrès 1980, Conseil général 1982), Considérant - que l'école doit éviter autant que possible les cloisonnements artificiels entre les diverses catégories d'élèves et favoriser l'expérience d'un pluralisme social religieux et culturel; - que l'autonomie des commissions scolaires et l'implication des divers intervenants dans leur processus de décision sont des conditions d'une gestion démocratique; - l'urgence de mener à terme une restructuration scolaire qui favorise la démocratisation du système d'éducation, Nous recommandons. 8- Structures scolaires. Que la CEQ réitère l'importance d'une réforme des structures scolaires sur la base de la langue d'enseignement. Prenant note. - de la générosité du gouvernement du Québec pour le financement du secteur privé d'enseignement et des besoins non satisfaits dans le secteur public d'enseignement, Réaffirmant. - le besoin de mener une campagne d'information démontrant a la population la menace que constitue l'expansion de l'enseignement privé pour ce qui est de l'accentuation des inégalités sociales et du recul démocratique (Congrès 1972); - que l'État doit assumer un service public d'enseignement à tous les niveaux, et qu'en conséquence il doit y affecter des ressources humaines et financières suffisantes (Congrès 1980); - qu'il doit y avoir intégration dans le secteur public d'enseignement des établissements et des personnels du secteur privé d'enseignement (Congrès 1980); - que cette intégration doit se faire dans le respect des droits des personnels concernés (Congrès 1980). Considérant. - l'orientation de l'actuel gouvernement en regard de l'avenir du secteur privé d'enseignement; - les coupures effectuées dans le secteur public tant au niveau des ressources que des services; - le faible taux de syndicalisation du secteur privé (environ 0,33%) et la précarité des conditions de travail dans certains de ces milieux, Nous recommandons. 9- Enseignement privé. d) Que la CEQ dénonce l'investissement de plus en plus grand du gouvernement québécois dans le secteur privé d'enseignement. b) Que la CEQ affirme que tous les personnels du secteur privé ont droit à la syndicalisation et à des conditions de travail décentes. c) Que la CEQ, de concert avec la composante concernée, accentue son effort de syndicalisation dans ce secteur. Prenant note. - que les mesures adoptées par les autorités gouvernementales, en regard des contenus de formation au postsecondaire, plutôt que de mieux asseoir la formation sur les fondements des savoirs, ont conduit à une déqualification de la formation; - que ces mesures adoptées en regard de la formation professionnelle nous permettent d'appréhender le développement de programmes de formation trop pointus, Réaffirmant. - que l'accessibilité à une formation postsecondaire de qualité doit être garantie à toutes et à tous, Considérant. - la nécessité d'une réorientation des contenus de formation au niveau collégial. Nous recommandons. 10- Enseignement collégial. a) Que le Congrès mandate la Centrale afin que d'ici le prochain Congrès statutaire, elle initie un débat large sur la spécificité de la formation collégiale, avec la participation d'autres organismes intéressés. b) Que le Congrès affirme qu'une réforme progressiste de l'enseignement collégial devrait tenir compte des exigences suivantes: - améliorer la qualité tout en maintenant l'objectif d'une plus grande accessibilité; - offrir aux adultes une formation et une pédagogie adaptées à leurs besoins et à leurs aspirations; - faire en sorte que l'utilisation des nouvelles technologies dans l'enseignement serve à enrichir cet enseignement au lieu de le déqualifier; - privilégier les liens entre l'enseignement et les milieux de travail qui permettent une réelle implication des travailleuses et des travailleurs et de leurs organisations représentatives. Prenant note. - que les problèmes actuels de l'éducation des adultes résident dans la mauvaise coordination des programmes, l'incertitude quant à ses véritables orientations et objectifs, les conditions d'emploi précaires des personnels qui y sont affectés, les frais élevés imposés aux adultes qui reviennent aux études, Réaffirmant. - la nécessité d'une loi qui reconnaisse le droit des adultes à l'éducation et la nécessité de règles assurant l'exercice de ce droit en termes d'accessibilité et de gratuité (Congrès 1980, Conseil général - avril 1984); - notre revendication de la constitution d'un corps enseignant régulier avec contrat d'engagement à temps complet pour l'éducation des adultes et ce, pour assurer le maintien et la stabilité des services (Conseil général avril 1981) - la compétence exclusive du Québec en éducation des adultes et en formation de la main-d'oeuvre et reconnaissant le ministère de l'Éducation comme véritable maître d'oeuvre pour l'application de la politique en éducation des adultes (Congrès 1980, Conseil général - avril 1981); - nos revendications de mesures favorisant le retour aux études des adultes qui n'ont pas complété le cours secondaire (gratuité des frais de scolarité, non contingentement des inscriptions, horaires plus souples, régimes de bourses et prêts, etc) (Conseil général - avril 1984); - l'urgence de la mise en marche d'une campagne d'alphabétisation sous la direction du ministère de l'Éducation (Conseil général - avril 1984), Considérant. - la gamme de besoins éducatifs des adultes auxquels le système public doit répondre, Nous recommandons. 11- Éducation des adultes. a) Que la CEQ demande au gouvernement de reformuler l'énoncé de politique sur l'éducation des adultes en affirmant le droit des adultes à une éducation gratuite et adaptée à leurs besoins. b) Qu'en vue d'assurer le maintien et la stabilité des services d'éducation des adultes, la CEQ revendique: - l'instauration de tels services dans toutes les régions du Québec; - des règles stables de financement des ressources humaines (personnel administratif, professionnel, de soutien et d'enseignement) et des ressources matérielles. Prenant note. - que l'inertie du MEQ a placé la formation professionnelle dans une situation alarmante; - de la place de plus en plus grande prise par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu en matière de formation, Réaffirmant. - que la formation professionnelle doit être conçue en fonction des intérêts des futurs travailleurs et travailleuses (Congrès 1980); - que la CEQ s'oppose à toute formation professionnelle qui tiendrait davantage compte des intérêts des entreprises au détriment des intérêts des travailleuses et travailleurs (Congrès 1980), Considérant. - que pour éviter le décrochage et dans le but de permettre à tous les jeunes d'acquérir une formation de base solide et une formation professionnelle, il nous faut mettre de l'avant l'acquisition des deux types de formation sur 3 ans à partir du secondaire IV; - que le MEQ est l'interlocuteur tout désigné en regard de la formation, y inclus la formation professionnelle; - que le nécessaire arrimage entre le milieu de l'éducation et le milieu du travail ne doit pas amener la désinstitutionnalisation de la formation professionnelle, Nous recommandons. 12- Enseignement professionnel. a) Que la politique du MEQ en matière de formation professionnelle rende accessible à tous les étudiants une formation générale et une formation professionnelle à partir du secondaire IV; b) Que la CEQ exige du gouvernement québécois de repenser complètement ses orientations en mettant principalement l'accent sur les besoins de la main-d'oeuvre plutôt que sur les besoins en main-d'oeuvre, en revalorisant le rôle fondamental des établissements scolaires et en évitant la dépendance des établissements scolaires face aux entreprises. c) Que la CEQ réaffirme que l'élaboration des programmes de formation doit demeurer sous la responsabilité du ministère de l'Éducation, après consultation des travailleuses et travailleurs concernés et de leurs organisations représentatives. d) Que la CEQ préconise que les entreprises et leurs travailleuses et travailleurs négocient des plans de formation incluant le paiement des frais de scolarité par les entreprises et le congé-éducation payé. Les programmes de formation définis dans ces plans de formation doivent être dispensés par les institutions d'enseignement. e) Que toute politique d'apprentissage mène à l'acquisition d'une formation professionnelle qui soit qualifiante. f) Que la CEQ affirme que les programmes d'insertion professionnelle et sociale doivent permettre à leurs clientèles de compléter leur formation de base, d'acquérir une formation professionnelle qualifiante et de faciliter ainsi l'intégration et le maintien en emploi. Prenant note. - de la tendance des gouvernements à déterminer un type de service selon les économies de ressources qu'il peut engendrer, Réaffirmant. - que chaque enfant, quel que soit son handicap ou sa difficulté, quelle que soit son origine, a le droit de recevoir les services et un enseignement appropriés qui tiennent compte de ses acquis pédagogiques et de ses besoins, afin de lui permettre d'accéder à la meilleure formation de base possible, dans des conditions favorables à son épanouissement personnel et à une réelle insertion sociale (Conseil général avril 1983), Considérant. - que tous les enfants en difficulté ne peuvent pas être intégrés en classe régulière; - que pour celles et ceux qui peuvent être intégrés, l'intégration doit se faire dans les conditions requises, sinon elle se fera au détriment aussi bien de l'enfant en difficulté que des autres enfants; - l'importance de répondre aux besoins des enfants handicapés et - ou déficients mentaux par des services de qualité, Nous recommandons. 13- EDAA. a) Que la CEQ revendique pour tous les élèves en difficulté (handicapés ou déficients) des conditions et des services complémentaires adaptés aux situations particulières de chacun et qui tiennent compte des causes réelles de leurs difficultés. b) Que la CEQ s'oppose à toute politique d'intégration des enfants en difficulté qui ne ferait pas les distinctions qui s'imposent entre les types de difficultés selon leurs causes, ou qui se réaliserait sans les mesures complémentaires de soutien pédagogique requises pour une intégration harmonieuse et profitable aux élèves visés. c) Que la CEQ s'oppose à toute politique de coupure dans les services aux élèves en difficulté. Prenant note. - des transformations sociales actuelles (rôle et composition de la famille, insertion de la femme au monde du travail), Considérant. - que l'inégalité des conditions sociales entraîne des répercussions directes sur les conditions du développement physique, émotif, intellectuel et social des enfants; - que pour cette période importante du développement de l'enfant qui va de la naissance jusqu'à son entrée à l'école, la transformation profonde qu'a subie le rôle de la famille et de la mère en particulier doit trouver une réponse dans les services publics; - que la mission du service public d'éducation ne se limite pas aux seuls apprentissages de connaissances intellectuelles; - que les enfants ont le droit à un développement intégral qui tienne compte des besoins spécifiques selon chaque âge, Nous recommandons. 14- Petite enfance. a) Que la CEQ revendique l'application d'une véritable politique de la petite enfance qui tienne compte du contexte sociologique contemporain, et qui reconnaisse la responsabilité de la société à l'égard des besoins de la petite enfance aux plans physique, affectif, intellectuel et psychosocial. b) Que la CEQ revendique des gouvernements qu'ils assurent aux enfants et aux familles un réseau de services de garde universel et de qualité. Prenant note. - des interrogations, soulevées à l'endroit de la qualité de l'enseignement et des apprentissages du français, Considérant. - que la langue est un moyen de communication fondamental et un outil essentiel à l'élaboration de la pensée, et qu'en ce sens son apprentissage est la condition première de tous les autres apprentissages. Nous recommandons. 15- Enseignement du français. a) Que la CEQ reconnaisse que la maîtrise du français comme langue maternelle est d'une importance primordiale pour l'apprentissage dans toutes les disciplines. b) Quelle revendique des conditions plus adéquates pour assurer un enseignement de qualité du français, ce qui comporte, entre autres, un environnement politique, économique et socioculturel pouvant motiver les élèves à améliorer leur connaissance et leur maîtrise de la langue. Prenant note. - de la gigantesque offensive idéologique que comporte le courant actuel de néo-conservatisme, Considérant. - la nécessité pour notre organisation de s'adapter aux nouvelles réalités, tout en s'éclairant d'analyses qui lui soient propres, Nous recommandons. 16- La recherche en éducation. Que le Congrès invite les instances appropriées de la Centrale à faire le nécessaire pour réaliser d'importants travaux de recherche en éducation, ayant comme objectifs: - d'étudier les principales transformations économiques, sociales et culturelles, en cours ou prévisibles avec leurs conséquences sur l'éducation dans son sens large; - de mieux connaître les caractéristiques actuelles du système scolaire québécois. Prenant note. - de la perte d'autonomie professionnelle chez les personnels de l'éducation découlant de la centralisation excessive, de la bureaucratisation, des coupures budgétaires et de l'élargissement des droits de gérance imposés par les politiques gouvernementales et les pratiques de plus en plus fréquentes de chevauchement des tâches d'une catégorie de personnel à l'autre, Réaffirmant. - que l'autonomie professionnelle des personnels est une condition nécessaire et essentielle à la qualité et à la démocratisation des services publics et que la défense et l'amélioration de l'autonomie professionnelle des personnels qu'elle regroupe sont partie intégrante de son mandat (Congres 1984); - que les premiers intervenants en milieu scolaire sont encore les travailleuses et les travailleurs de l'enseignement (Conseil général, avril 1983); - que l'ensemble des personnels et des usagers (parents et - ou étudiants) est concerné par la vie de l'école dans son ensemble (transport scolaire, politique d'évaluation, intégration des enfants en difficulté, etc), et que de ce fait, chaque groupe doit être obligatoirement consulté sur les différents aspects de la vie collective de l'école selon des modalités qu'il détermine, par voie de négociation ou autrement (Congrès 1984), Considérant. - les nombreux facteurs qui ont une incidence sur le travail des personnels (organisation pédagogique, règlements, programmes, etc); - l'importance de pouvoir échanger avec les autres intervenants sur les questions d'éducation, Nous recommandons. 17- Autonomie professionnelle. a) Que tous les personnels de l'enseignement, par le biais de leur organisation syndicale, aient la possibilité effective d'intervenir sur tous les aspects majeurs de leur travail, tels les programmes, l'organisation pédagogique, les règlements de l'école; qu'ils puissent codécider ou encore décider sur des questions pédagogiques de leur compétence; b) Que la CEQ revendique des conditions favorisant la participation des personnels (libérations, délais, information). 18- Relations avec les autres intervenants en éducation. a) Que la CEQ accentue sa volonté d'échanges et de discussions avec les parents sur les questions d'éducation. h) Que la CEQ confirme son appui aux étudiantes et étudiants quant à la mise sur pied d'organisations étudiantes autonomes. c) Que la CEQ revendique la participation des organisations étudiantes à l'élaboration des politiques de leur école. Proposition trois. Une centrale porteuse d'un projet de développement des services publics. En cette période où on entend gérer l'État comme une «business», où la nouvelle «religion» s'appelle privatisation et déréglementation, le mouvement syndical se doit plus que jamais d'être le porte parole de la lutte pour la justice sociale. De concert avec les groupes populaires et les organismes qui militent contre le rétrécissement des acquis démocratiques, nos organisations syndicales se doivent de se porter à la défense des services publics, seul patrimoine des travailleuses et des travailleurs. Par définition, l'État dispose toujours des moyens utiles à l'atteinte de ses objectifs. Tout est question de choix. Or, lorsque la majorité politique élabore ses décisions en vase clos, avec l'aimable collaboration de quelques distingués membres du pouvoir économique, et lorsque telle majorité axe ses interventions vers une réduction des services à la population, cela doit devenir l'une de nos priorités que de forcer le débat public sur ces questions. La CEQ en se plaçant dans le rapport de force social, se doit d'exiger et de promouvoir des services publics accessibles et de qualité. Que ce soit en éducation, en services sociaux et de santé, en loisir, en communications ou dans la fonction publique, nos prises de position doivent être comprises comme s'inscrivant dans un mouvement social visant l'édification d'une société basée sur une plus grande justice économique et sociale, fondement même du progrès démocratique. Des prises de position à s'approprier. Depuis quelques mois nos collègues du SPGQ ont mené diverses analyses et ont retenu quelques orientations fondamentales quant à l'avenir de la fonction publique québécoise. Dans le dossier des communications, la Centrale a dépose un mémoire au Comité permanent de la communication et de la culture, en mars 1985, concernant le projet de loi C-20 qui se proposait de changer les règles du jeu en matière de radiodiffusion canadienne. Nous avons exigé alors un véritable débat public sur les politiques fédérales des communications. A la même époque, la Centrale est intervenue devant la Régie des services publics lors du dépôt de la requête de Radio Québec visant à faire déclarer éducative l'ensemble de sa programmation. Nous avons insisté alors pour que ce service public soit considéré comme un instrument essentiel à la promotion et à la défense de notre culture. En mars 1986, la CEQ a fait des représentations à la Commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux (Commission Rochon). Nous avons alors réaffirmé notre accord au maintien des principes d'accessibilité et de gratuité et nous avons exprimé le souhait que ladite Commission confirme la primauté du social sur le «rationnel économique» comme guide des politiques de l'État. Enfin, dans le domaine du loisir, de concert avec notre fédération oeuvrant dans ce secteur, nous avons participé, au cours des dernières semaines, à diverses conférences sectorielles. Nous y avons réclamé la reconnaissance du loisir comme service public. C'est pourquoi il nous semble important à ce moment-ci de soumettre au Congrès les analyses effectuées sur ces questions au cours des derniers mois. De même, nous croyons opportun que ce Congrès endosse un certain nombre de recommandations à l'égard de la fonction publique, des communications, du loisir, de la santé et des services sociaux. A - Fonction publique. Au cours des dernières années, nous avons assisté à une négation de plus en plus marquée de l'autonomie et de la responsabilité professionnelle des travailleuses et des travailleurs de la fonction publique. La déqualification des tâches et la réduction de personnel ont pris le pas sur la satisfaction des besoins des citoyennes et des citoyens. De plus, dans chaque ministère, les restrictions budgétaires ont signifié l'abandon d'activités d'information sur les services disponibles ou sur les droits des bénéficiaires de programmes. Dans nos interventions, il nous faudra faire comprendre à la population que son droit à l'information ne peut être garantie dans la mesure où les travailleuses et les travailleurs de la fonction publique peuvent exercer leur travail de façon indépendante. Un autre phénomène qui s'est amplifié au cours des dernières années est celui de la sous-traitance, devenant ainsi une menace de précarisation des emplois de la fonction publique. Le développement d'une expertise nouvelle est donc détourné; les ressources de qualité que la fonction publique avait attirées dans le sillage de la Révolution tranquille voient leur travail se déqualifier. De plus, il faudrait soulever le problème de la concentration du pouvoir de décision à un niveau partisan. Non seulement l'ingérence politique empêche-t-elle un développement planifié des services gouvernementaux mais, quotidiennement, elle empoisonne le travail des travailleuses et travailleurs de la fonction publique. Un changement de cap s'impose. Le bilan que nous pouvons tracer des dernières années appelle un changement de cap pour la fonction publique québécoise. Sans cela, l'éloignement de la population à l'endroit de sa fonction publique ira grandissant et la contribution de celle-ci à la richesse collective s'amenuisera. Vous soutenons que l'orientation de «rapetissement» que nous proposent certains dirigeants politiques est économiquement coûteuse. Il serait plus rentable d'oser rendre la fonction publique québécoise moderne et efficace, de lui confier des défis supplémentaires, d'affirmer que le développement de notre société passe aussi par un secteur public en santé. Un secteur public qui doit croître en force et en adaptabilité. Notre fonction publique regorge de ressources bien formées, pleines de talent, de sagacité et de générosité, qui ne demandent qu'à mieux servir la population. Il est criminel de les confiner au suicide de leurs idées et de leurs capacités de développement. Trop peu de gens s'offusquent de ce gaspillage énorme, au moment où notre société a besoin de toutes ses forces vives pour dompter le sous-emploi. Une richesse collective. La CEQ se doit de rappeler que, par les services qu'elle donne à la population, les recherches qu'elle mène et les diverses politiques qu'elle contribue à élaborer, la fonction publique crée une immense richesse collective et constitue un agent majeur de notre développement démocratique. Cette richesse prend entre autres la forme de services que l'État est seul à pouvoir donner: la justice, la sécurité publique, les transports, l'aménagement du territoire et sa qualité, la culture, etc. Elle prend aussi la forme de services que nous avons collectivement choisi de rendre universels et publics, dans un effort de distribution plus équitable de la richesse: l'éducation, la santé et les services sociaux, les régimes de retraite et l'assurance automobile. Elle prend également la forme de services qui visent à augmenter la qualité de vie de segments entiers de notre société: l'aide sociale et la création d'emplois, la santé au travail, l'accueil et la formation des immigrantes et immigrants, la protection des consommatrices et consommateurs, la sécurité du revenu, etc. Ce patrimoine collectif que la fonction publique québécoise contribue à constituer donne un minimum de qualité de vie et donc de richesse à chacune et chacun. Il vise à une égalité des chances, encore a parfaire, pour la formation, la santé, l'accès à l'emploi, le revenu, l'habitation, l'alimentation, la justice, etc, pour l'ensemble de la collectivité québécoise. Voilà ce qu'attaquent sournoisement celles et ceux qui pourfendent notre fonction publique et s'acharnent à son rétrécissement. De telles attaques sont une agression contre nos acquis démocratiques collectifs. Une stratégie suicidaire. Un élément important de la stratégie que le gouvernement libéral semble suivre dans sa chasse au déficit, c'est de couper dans les services publics et particulièrement dans la fonction publique. Là où les gouvernements ont utilisé cette stratégie, elle s'est révélée globalement être un échec malgré tous les avocats qui la défendent. Nous pourrions citer l'exemple de la Grande-Bretagne d'où nous est revenu l'écho des ravages du gouvernement Thatcher. Mais nous nous attarderons plutôt sur l'expérience de la Colombie Britannique. Depuis 1982, le gouvernement du Crédit social y a mené une politique de coupures massives dans les services publics (coupures dans les dépenses publiques, abandon de programmes, coupures et contrôle des salaires). La déréglementation et la privatisation ont été érigées en système; le développement de méga-projets a été perçu comme le moyen de relancer l'emploi. Ce programme de politiciens qui prétendaient, eux aussi, gérer leur province comme une entreprise, avait parmi ses objectifs de couper 25 % des emplois dans le secteur public; on estime que plus de 13 000 emplois y ont été perdus depuis 1982. A maints égards, de telles politiques ressemblent à celles qui ont été mises de l'avant au Québec depuis 1983 et que compte accentuer le présent gouvernement. Comme nos politiciens, les dirigeants de la Colombie-Britannique soutenaient que de tels sacrifices étaient nécessaires pour relancer l'économie et que les emplois perdus seraient largement compensés par un nouveau dynamisme du secteur privé actuel on laissait toute la place. Or, les résultats ont été désastreux. Alors que le Québec et l'ensemble du Canada voulaient leur situation s'améliorer et une reprise, insuffisante mais véritable, s'effectuer, la situation de la Colombie-Britannique n'a cessé de se détériorer. Ainsi, au niveau de la performance économique globale, l'augmentation du PIB de la Colombie Britannique s'est depuis 1982 éloignée de l'évolution du PNB canadien. En 1984, il y a eu une augmentation du PIB de la Colombie Britannique d'à peine 0,5 % par rapport à l'année précédente, comparativement à 5,0 % pour le PNB canadien. En ce qui a trait à la situation du chômage, alors qu'avant la récession le taux de chômage de l'autre côté des Rocheuses se situait dans la moyenne canadienne, il a augmenté depuis la fin de la récession: au cours des six premiers mois de l'année 1987, il était en moyenne de 15,2 %, comparativement à une moyenne canadienne de 11,4 %. L'évolution du salaire industriel moyen, depuis 1981, a eu tendance à progresser plus lentement d'une année à l'autre partout au Canada, illustrant le recul de la capacité de négociation des travailleuses et des travailleurs. En Colombie-Britannique, ce recul a été plus important. Parallèlement, le taux d'augmentation du total des revenus d'emplois a continue sa descente en Colombie Britannique alors que le taux d'augmentation pour l'ensemble du Canada s'est stabilise. Ainsi en 1984, ce taux était d'à peine 1,2 % en Colombie-Britannique, alors qu'il était de 6,0 % pour l'ensemble du Canada. Ce bref portrait est suffisant pour provoquer diverses inquiétudes quant aux désastres qu'une politique semblable pourrait causer si elle était mise en oeuvre au Québec. Pour une croissance démocratique. Quant à nous, nous souhaitons ardemment la croissance de la société québécoise; une société qui veille au lot de chacun, en lutte contre la pauvreté et pour le plein emploi, engagée en faveur du développement des intérêts de la majorité et soucieuse des droits de tous ses membres. Le Québec s'est donné, au prix de nombreux efforts, un tissu social original, d'inspiration égalitaire, auquel les programmes publics participent très largement. Pourquoi jeter par terre cc que nous avons construit? Continuer à bâtir le Québec sur ces fondements démocratiques et égalitaires, en redonnant à la fonction publique l'oxygène dont elle a impérieusement besoin, voilà la revendication à maintenir au cours des prochaines années. Recommandation. Prenant note. - qu'aucune société ne peut se prétendre démocratique lorsqu'elle accepte le gaspillage d'une partie importante de son patrimoine collectif que constituent les ressources humaines à son service, Réaffirmant. - le droit du public à l'information sur les contenus des programmes et des services gouvernementaux; - notre opposition à toute action gouvernementale - y incluant l'ingérence politique partisane - visant à déqualifier la tâche des personnels de la fonction publique (Congrès 1984); - que le recours à la sous-traitance va à l'encontre d'un renforcement de l'expertise des employées et employés de la fonction publique dans l'exercice de leurs fonctions, Considérant. - la nécessité pour le mouvement syndical, et pour notre centrale tout particulièrement, de défendre et de promouvoir les services rendus par la fonction publique, comme outils indispensables de notre développement démocratique, Nous recommandons. 19- Fonction publique. Que le Congres affirme la nécessité pour le Québec de développer une fonction publique compétente, accessible et ouverte à la satisfaction des besoins des citoyennes et des citoyens. 20- Notre action. Que la CEQ poursuive son action en vue d'obtenir toutes les conditions nécessaires au développement d'une fonction publique qui contribue à la préservation de notre patrimoine linguistique, culturel et écologique; une fonction publique qui, par les services qu'elle rend, permet de lutter contre les inégalités et de renforcer la solidarité sociale. B - Communications. Que l'on parle de la télévision, de la radio, de la presse écrite, ou de tous les autres moyens de communication, il faut se rappeler l'importance du rôle qu'ils jouent dans notre vie collective tant aux plans social, économique, politique que culturel. Ces moyens sont devenus les principaux véhicules de notre culture, à tel point qu'on peut affirmer que le niveau culturel de notre société dépend tout autant de la qualité, par exemple, de la programmation télévisée que de la qualité de l'enseignement. Ils constituent également la principale source d'information pour la population; ils jouent un rôle éducatif non négligeable et ils exercent une influence déterminante sur l'opinion publique. Inséparables, les industries de communication et de culture représentent un secteur économique très important et en pleine expansion. Des dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs en dépendent. Que l'on songe simplement qu'en 1983, 70 % de tous les cachets versés au Québec aux membres de l'Union des artistes provenaient d'activités reliées à la télévision. Il en va de même pour les gens qui oeuvrent au niveau de l'écriture, de la musique, du cinéma, et dont la diffusion des «produits» dépend des divers médias. L'explosion des nouvelles technologies dans le secteur des communications et la prolifération de nouveaux services (multiplication des canaux de télévision, canaux spécialisés, télé payante, vidéocassettes, etc) posent des défis énormes à notre société. Cette explosion technologique a des conséquences majeures notamment sur la préservation de notre langue et de notre culture. Étant donné l'importance de son rôle, le secteur des communications ne peut pas être considéré comme une industrie «ordinaire» déterminée d'abord par des considérations de profits. Il importe de réaffirmer son caractère de «service essentiel» pour la qualité de la vie démocratique, pour le niveau culturel et la spécificité de notre collectivité. Notre langue et notre culture menacées. Partout dans la francophonie, mais au Québec tout particulièrement, les réseaux de communication et les productions sont de moins en moins en mesure de faire face à la concurrence étrangère. Le problème de l'envahissement des contenus étrangers essentiellement américains et anglophones, prend une ampleur alarmante. A titre d'exemples, au niveau de la presse écrite, les produits anglais et américains occupent une part de plus en plus importante; le cinéma américain domine massivement les réseaux de salles de cinéma et de vidéocassettes au Québec; les ondes sont envahies par la musique américaine; la prolifération des radios MF a conduit à une augmentation du contenu anglophone; le développement de nouveaux produits extrêmement coûteux à réaliser, tels les vidéoclips, a accentué la pénétration du showbizz américain à la télévision; moins de chansons francophones à la télévision et à la radio signifie moins de ventes, ce qui handicape la production culturelle locale. De plus, l'apparition de nouvelles technologies (logiciels, banques de données, etc) fortement dominées par les États-Unis risque d'accentuer davantage la standardisation culturelle américaine. Ainsi, qu'il s'agisse de notre identité culturelle comme peuple ou plus simplement de la survie de notre langue, une situation grave se développe et de nouveaux défis nous confrontent, qui vont bien au-delà du problème de l'affichage et de la Loi 101... Abandon des responsabilités politiques. Au niveau politique, il nous faut souligner et dénoncer une tendance majeure, soit l'abandon progressif et «en douce» des responsabilités du gouvernement québécois en matière de communications et de culture au bénéfice du gouvernement fédéral. On est loin des batailles épiques des années soixante dix; le leadership au niveau des politiques et des interventions se situe aujourd'hui a Ottawa. On n'a qu'à observer le désintérêt évident du gouvernement Bourassa face a ces questions, notamment dans le débat sur le libre échange dont les effets sur la culture et les communications risquent pourtant d'être désastreux. Il est donc important de réaffirmer le rôle primordial de l'État québécois en matière de culture et de communications et d'exiger que le gouvernement en fasse l'objet d'un large débat démocratique. Un secteur d'intérêt public. A cause de son importance vitale, le secteur des communications a été considéré au Canada comme un secteur d'intérêt public, et ce, depuis fort longtemps. Ainsi les ondes sont reconnues de propriété publique et il faut obtenir un permis et se soumettre à une réglementation du CRTC pour pouvoir exploiter une station de radio ou de télévision. Toutes les commissions d'enquête et tous les débats publics ont fait ressortir l'incapacité du secteur privé à respecter ses obligations sociales dans ce domaine, et son absence de volonté à prioriser les objectifs socio-culturels plutôt que la recherche de profits. Des investissements considérables ont été consentis dans le développement de Radio-Canada qui est devenu, au fil des ans, un des principaux moteurs de production et de diffusion de la culture canadienne. La naissance de Radio Québec origine de la même analyse. Il fallait que le Québec se dote d'un service public de télédiffusion pour pouvoir développer sa culture propre. Or, depuis quelques années, soumis aux impératifs d'un secteur privé qui veut se développer dans une industrie aussi rentable, et désireux de restreindre leurs dépenses, les gouvernements, tant à Ottawa qu'à Québec, ont entrepris d'imposer d'importantes coupures budgétaires aux télévisions publiques. Ainsi Radio-Québec se voit forcée de réduire considérablement sa production régionale. Par ailleurs, ces télévisions sont de plus en plus contraintes de se financer par la vente de publicité: cela implique la mise au second rang de la mission éducative et culturelle au profit de la mission divertissement qui est plus en mesure de faire grimper les cotes d'écoute et les revenus de commandite. D'autre part, les gouvernements semblent miser complètement sur le développement de l'industrie privée de la production d'émissions pour faire face aux transferts des auditoires vers la télévision anglophone. On mise sur la création d'une deuxième chaîne privée francophone à Montréal sans s'inquiéter du fait que, dans un marché publicitaire aussi restreint, son arrivée risque fort d'exercer une pression a la baisse sur la qualité des productions dans l'ensemble des télévisions. On oblige Radio Canada à transférer une partie importante de sa production vers le secteur privé. D'ici cinq ans, 50 % des émissions diffusées aux heures de grande écoute devront être produites par le secteur privé. Face à cette situation, il faut réclamer que les services publics (Radio-Canada et Radio-Québec) redeviennent les axes principaux de mise en oeuvre des politiques et des investissements des gouvernements en matière de communications. En particulier en ce qui concerne Radio-Québec, non seulement les coupures doivent-elles cesser, mais un important développement du rôle et des ressources de cette société doit être entrepris pour en faire un outil efficace de défense de la langue française, de promotion et de diffusion de la culture québécoise. Enfin, il faut mettre en branle une véritable politique de soutien au développement des médias communautaires (télés, radios, journaux) jusqu'à présent plus ou moins abandonnés à leur propre sort. La nécessité d'un contrôle public. Au fur et à mesure que le secteur privé se développe et que les gouvernements misent sur celui-ci au détriment des services publics, une pression croissante se fait sentir en faveur de la déréglementation dans les communications; un relâchement des contraintes et des obligations est à l'ordre du jour. Le secteur des communications, étant donné son importance pour l'avenir de nos sociétés, ne peut être laissé au libre jeu de la concurrence et du profit. Il faut réaffirmer la nécessité du contrôle public sur ce secteur en vue de garantir l'atteinte des objectifs socioculturels. Il faut même réclamer un accroissement de ce contrôle puisqu'il ne suffit pas, par exemple, de s'en tenir à assurer un minimum de contenu canadien. Face aux menaces nouvelles qui pèsent sur la langue et la culture québécoises, un ensemble de mesures doit être mis en oeuvre. De plus, une réglementation nouvelle doit garantir dans tous les médias l'équilibre de l'information, la diversité de la programmation, l'accès des groupes aujourd'hui dépossédés, le pluralisme des points de vue, etc. Concentration des médias. Le projet d'achat de Télé-Métropole par Power Corporation a remis en évidence le problème de la concentration des médias au Québec qui a atteint un niveau inquiétant. La presse écrite est aux mains de trois concentrations: Québécor (Péladeau), Power Corporation (Desmarais) et Unimédia (Francoeur). Quatre-vingt-dix-sept pour cent des quotidiens vendus sont entre leurs mains. Les hebdos régionaux tombent peu à peu sous leur coupe. Quatre-vingt pour cent de la centaine de stations de radio sont affiliées à quatre réseaux d'information (Radio-Canada, Radiomutuel, Télémédia et NCR-Presse canadienne) qui centralisent à Montréal la production des informations nationales et internationales. La moitié des stations de télévision francophone sont reliées à Radio-Canada et l'autre moitié à Télé-Métropole. La nouvelle chaîne privée francophone est la propriété du groupe Pouliot qui possède déjà la chaîne privée anglophone CFCF et Cable TV, seconde plus importante entreprise de câblodistribution au Québec après Vidéotron. De nombreuses études, dont certaines menées par le CRTC lui-même, ont démontré les risques et les conséquences néfastes de la concentration des médias: réduction des sources de nouvelles, dépendance accrue des journalistes, baisse de la quantité et de la qualité de l'information véhiculée, uniformisation de l'information, etc. Il nous faut réaffirmer notre opposition à cette concentration des médias et exiger la mise en oeuvre de mesures pour réglementer la propriété des médias et pour préserver l'autonomie des salles de rédaction; on se doit de rétablir l'équilibre quantitatif et qualitatif de l'information en provenance des divers groupes sociaux et de garantir une couverture équilibrée et pluraliste. Un débat public nécessaire. Les récentes coupures décrétées à Radio-Québec illustrent bien le sort réservé à la démocratie et au droit d'expression de la population par les gouvernements actuels. Alors que la naissance de Radio-Québec, et notamment ses objectifs de régionalisation, avait donné lieu à une vaste consultation populaire et à un débat public, on remet sa vocation en cause maintenant sans même convoquer une commission parlementaire qu'on avait pourtant promise pendant les élections! Les gouvernements révisent actuellement l'ensemble de leurs politiques en matière de communications, sans prendre les moyens d'organiser un véritable et nécessaire débat public. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a misé de moins en moins, ces dernières années, sur la consultation publique pour guider ses décisions. Celles-ci se prennent de plus en plus en fonction d'une logique économique douteuse qui ne tient pas compte des besoins de la population. Il nous faut, encore une fois, réaffirmer le caractère public des communications et demander que des mécanismes démocratiques soient mis en place pour permettre l'expression des besoins, des préoccupations et de la volonté de la population, en particulier quand il s'agit de déterminer les objectifs socioculturels et les contenus véhiculés par les moyens de communication. Délaissé par le gouvernement québécois, concentré entre les mains de quelques entreprises qui veulent le soumettre aux seuls impératifs du profit, envahi massivement par des contenus américains et anglophones, privatisé et déréglementé, de moins en moins soumis au débat démocratique, le secteur des communications n'est-il pas condamné à n'être de plus en plus que le simple véhicule de l'uniformisation de la culture et de l'information? Et les sociétés publiques, réduites et marginalisées de plus en plus, sont-elles condamnées a devenir les derniers bastions d'une culture plus élitiste à l'intention d'une minorité? Il devient urgent, pour une organisation comme la nôtre, de susciter une prise de conscience collective des en jeux démocratiques spécifiques aux communications dans le grand débat sur les services publics et le rôle de l'État. Recommandations. Prenant note. - d'une réduction croissante de l'engagement gouvernemental à l'égard des communications et d'une présence accrue du secteur privé dans ce champ d'intérêt public, Réaffirmant. - le rôle primordial de l'État québécois en matières de culture et de communications; - notre opposition à la concentration des médias, Considérant. - que des mécanismes démocratiques doivent être mis en place par les gouvernements fédéral et provincial pour permettre l'expression des besoins et des préoccupations de la population en matière de communications, Nous recommandons. 21- Communications: un service public. Que la CEQ exige que les services d'État en radiotélévision soient de véritables services publics sous contrôle démocratique et voués de façon privilégiée à la promotion et à la diffusion de notre identité culturelle. 22- Mesures d'autonomie. Que la CEQ exige des mesures qui préservent l'autonomie des salles de rédaction et permettent l'expression démocratique des besoins de la population. 23- Mesures de soutien. Que la CEQ revendique du gouvernement québécois une véritable politique de soutien au développement des médias communautaires. C - Le loisir. Conséquence directe des gains du mouvement syndical à l'égard de la réduction du temps de travail, le loisir continue de prendre une place qui ne cesse de croître dans notre société. Les personnels de l'éducation doivent se sentir interpellés par le phénomène car leur travail contribue largement à susciter une prise dé conscience des jeunes et des adultes envers les multiples facettes de l'organisation sociale, dont le loisir. Que ce soit par l'éducation physique, par l'apprentissage de la musique, par des activités scientifiques, littéraires ou culturelles, nous sommes en quelque sorte les premiers initiateurs aux divers choix de loisir de la population. Le désir d'apprendre acquis à l'école se poursuit dans la vie adulte et se caractérise par la pratique de multiples activités dans des domaines aussi variés que le sport, le plein air, le loisir socioculturel, etc. Le loisir: un bien public. L'ensemble de la population peut aujourd'hui jouir d'un certain encadrement nécessaire a ces pratiques parce qu'elle s'est donné les moyens d'investir ce champ de l'activité humaine. Le mouvement associatif, qui compte de nombreux citoyens intéressés par cette cause, a été et semble demeurer l'intervenant le plus présent et le plus efficace. L'État s'est aussi impliqué tant au plan de l'organisation et de la formation que de l'équipement, le loisir devenant ainsi un bien public. Mais, en contrepartie, celles et ceux qui ont le plus contribué à l'avènement du temps de loisir n'y jouent probablement pas le rôle qui doit être le leur. Le mouvement syndical a tardé jusqu'à maintenant à s'impliquer tant dans la définition que dans l'organisation de cet acquis de société. Et pourtant, cela correspond à l'évidence aux intérêts économiques et sociaux de ses membres. Des attentes à satisfaire. C'est pourquoi nous croyons qu'il serait opportun pour notre centrale d'exprimer les attentes suivantes à l'égard du service public de loisir: - plus grande accessibilité; - satisfaction des besoins de la majorité; - encadrement par du personnel qualifié; - participation à son organisation. Mais force nous est de reconnaître qu'au cours des dernières années, et de façon encore plus accentuée en 1986, l'État et les municipalités ont tenté de réduire leurs responsabilités dans ce domaine. Les réductions budgétaires et leurs effets concrets doivent aujourd'hui nous indiquer qu'il est temps de sonner l'alarme. Détérioration des conditions de travail des employées et employés et perte nette d'emplois, abolition de services. réduction des règles de sécurité, disparition de l'encadrement qualifie: telle est la réalité observée de plus en plus dans le secteur du loisir. Mettant en relief la contribution sociale du loisir, le mouvement syndical doit maintenant en réclamer la reconnaissance comme service public et exiger des pouvoirs publics qu'ils assument leurs responsabilités en la matière, tout en respectant les règles du débat démocratique et les besoins de développement de la population. Prenant note. - que les politiques gouvernementales récentes de compressions budgétaires ont mis un frein à l'avènement d'une réelle accessibilité au loisir pour une large couche de notre société, Réaffirmant. - notre revendication de la démocratisation des services dans le domaine du loisir (Congrès 1982), Considérant. - que le loisir est un droit démocratique pour le plein épanouissement de la personne et qu'il y a nécessité pour le mouvement syndical de réclamer un service public de loisir assuré par du personnel qualifié en vue de la satisfaction des besoins de la population. Nous recommandons. 24- Loisir: un service public. Que le Congrès affirme que le loisir doit être considéré comme un service public, sous contrôle démocratique. 25- Mesures de soutien. Qu'en conséquence, la CEQ exige des pouvoirs publics (gouvernements et municipalités) qu'ils y affectent les ressources humaines et financières nécessaires à son développement. D- Santé et services sociaux. Des principes à maintenir. Les politiques sociales et de santé sont des instruments majeurs dont dispose l'État pour assumer son rôle de redistribution sociale. Le principe de l'accessibilité de toutes et tous aux services sociaux et de santé doit demeurer le pivot des politiques en ces domaines. Bien que ce principe ait été au coeur des orientations de la réforme de la fin des années soixante dix, des barrières ont entretenu des inégalités certaines d'accès. Barrières géographiques, barrières économiques, barrières culturelles, toutes ont contribué à maintenir ces inégalités. Quant à l'universalité qui est aussi un fondement de l'accessibilité, elle est actuellement menacée. On risque de se retrouver dans une situation telle que l'appareil de surveillance et d'éligibilité qui accompagnerait une politique de sélectivité coûterait plus cher que l'universalité. L'universalité est menacée entre autres par le courant de privatisation actuel, courant qui entraîne déjà des différenciations sociales majeures sur la base de la pauvreté et de la richesse. C'est le cas de certaines politiques de désinstitutionnalisation sur lesquelles nous reviendrons. Bref, l'accessibilité de toutes et tous à des services sociaux et de santé de qualité et en toute égalité doit demeurer le principe clef des politiques sociales et de santé; la mise en oeuvre de ce principe repose principalement sur la gratuité et l'universalité. Des pratiques à modifier. Par ailleurs, un certain nombre de pratiques actuelles doivent être revues. C'est le cas du mode de rémunération des médecins et de la médecine privée. La rémunération à l'acte a pour effet que les médecins (plus ou moins consciemment) ont tendance à poser les actes les plus payants et à les multiplier. Elle favorise la rapidité du contact patient-médecin; donc une certaine déshumanisation et une médecine de rapports individuels plutôt qu'une approche sociale de la maladie. Une remise en question de ce mode de rémunération s'impose, le nouveau mode devra être compatible avec les objectifs d'une médecine globale, plus humaine, multidisciplinaire et préventive en même temps que curative. On sait que les grands objectifs de la réforme, médecine globale, pluridisciplinaire et préventive, ont été court-circuités par la médecine privée, individuelle et curative. Les CLSC ont été pris de vitesse par les polycliniques dont le réseau s'est développé à l'instigation des associations des médecins omnipraticiens et des médecins spécialistes. Les CLSC eux-mêmes non seulement ne se sont pas développés au rythme prévu, mais l'innovation souhaitée dans le sens mentionné y serait très diversement implantée. N'y aurait-il pas lieu de donner une nouvelle impulsion à la médecine globale, multidisciplinaire et préventive? N'y aurait-il pas lieu aussi de remettre en question le caractère privé d'une importante partie des services de santé? On reproche aussi à la médecine dominante d'entretenir la dépendance des patients et surtout des patientes. Sachant l'importance de la motivation dans la guérison, il serait souhaitable d'insuffler un esprit de renouveau favorisant des pratiques de relations humaines, d'information et de développement de l'autonomie des personnes. Il ne faudrait pas pour autant culpabiliser les victimes et rendre les individus responsables des problèmes sociaux qui sont a l'origine de la plupart des problèmes de santé. Enfin, le moins qu'on puisse dire des structures des services sociaux et de santé, c'est qu'elles manquent de transparence. Le commun des mortels ne connaît que très peu les services disponibles. Sous-traitance et désinstitutionnalisation. Deux formes de reprivatisation nous inquiètent particulièrement: la sous-traitance et la désinstitutionnalisation. Par la sous-traitance, on remet à l'entreprise privée des secteurs d'activités des institutions: cafétéria, buanderie, et même la gestion... Si la sous-traitance coûte moins cher, ce qui n'est pas toujours évident, les économies réalisées ne peuvent l'être qu'au détriment des conditions de travail de ceux qui assurent les services et au détriment aussi de la qualité de ces services. On ne peut en effet s'attendre à ce que l'entreprise privée mette de côté sa nécessaire recherche de profits. Quant à la politique de désinstitutionnalisation, même si elle s'est appuyée sur des principes d'humanisation des soins et des services, dans les faits elle s'est appliquée et s'applique encore selon la logique de diminution des coûts. Et comme ce sont les personnes âgées et les personnes souffrant de problèmes de santé mentale qui coûtent le plus cher en frais institutionnels, ce sont elles qui font les frais de cette politique. La désinstitutionnalisation peut aussi prendre la forme d'une privatisation insidieuse. D'abord placées dans des foyers de groupe, les personnes se retrouvent à brève échéance dans des familles qui sont chargées d'assurer les services. Dans les familles d'accueil rémunérées, le but lucratif peut l'emporter sur la bonne volonté. Dans la famille d'origine, c'est sur le dos des femmes que se réalise la désinstitutionnalisation. Concernant la désinstitutionnalisation en santé mentale, la FSPIIQ et la CEQ ont déjà reproché aux autorités l'évaluation incomplète des personnes renvoyées en société, sans consultation du personnel ni de la famille, souvent sans sensibilisation préalable du milieu d'intégration. C'est donc toute la façon «sauvage» de désinstitutionnaliser, sans consultation ou préparation adéquate, sans ressources externes permettant une véritable amélioration des conditions de vie des «désinstitutionnalisés», qui est dénoncée par les organisations syndicales, et non la recherche de solutions de rechange à l'institution. Dans la situation actuelle, on assiste en fait bien souvent à une détérioration des conditions de vie de ces personnes. Des ressources multiples doivent coexister pour assurer le bien être des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. C'est ce bien-être qui doit être à la base d'une diversification des ressources et non la recherche d'économies faites sur le dos des bénéficiaires, de la communauté, des femmes, des travailleuses et des travailleurs. De plus, dans le cas des personnes âgées, la désinstitutionnalisation favorise le développement de réseaux parallèles de services; un réseau privé riche pour les riches, un réseau privé pauvre pour les pauvres et un réseau public en partie vidé de ses ressources pour les personnes qui ont perdu toute autonomie. Politique alimentaire en milieu scolaire. Au cours de l'automne 1987, le précédent gouvernement a soumis à la consultation un «énoncé de politique relative à l'alimentation en milieu scolaire». Comme cette question touche la santé et l'éducation, nous croyons que notre centrale devrait insister sur l'importance de traduire une telle politique alimentaire en objectifs de formation et de sensibilisation à l'apprentissage d'une alimentation saine. De plus, la CEQ devra exiger que, nonobstant l'autonomie des commissions scolaires dans la mise en application de certaines politiques gouvernementales, aucune d'entre elles ne soit autorisée à se soustraire à l'obligation d'appliquer une éventuelle politique alimentaire. Sur la question de la prise en charge des services de cafétéria et de cantines dans les établissements scolaires, nous considérons que dans le cadre d'une politique globale visant à la fois une meilleure alimentation des élèves et une formation à de bonnes habitudes alimentaires, les services de vente de produits alimentaires devraient être considérés comme un prolongement des services éducatifs et donc, comme un service public. Lorsque les commissions scolaires assument elles mêmes le service, celui-ci s'autofinance sans profit; la sous-traitance du service aux mains des concessionnaires privés implique que ceux-ci fassent des profits et donc, qu'ils fassent des économies quelque part. Il semble que la principale économie se réalise au niveau des salaires et des conditions de travail des employées et employés. Ceux-ci sont souvent payés au salaire minimum et ne jouissent d'aucun avantage autre que ceux qui sont garantis par la Loi sur les normes de travail. La politique alimentaire en milieu scolaire vise à l'amélioration de la qualité de vie de la population scolaire; on ne devrait pas la mettre en application sans tenir compte de la qualité des conditions de travail des employées et employés affectés à l'alimentation. Enfin, nous devrions continuer à réclamer que soit exclue des écoles la vente des aliments dits non essentiels, des cigarettes et autres produits nocifs. Les services en milieu scolaire. Une recherche menée par la CEQ auprès des professionnelles et professionnels des commissions scolaires démontre que 0,67% des répondants (1 000) ont une charge de travail trop élevée, ce qui les amène à intervenir trop souvent à la pièce et leur donne l'impression qu'il est impossible de répondre aux besoins de leur clientèle. Les causes de cette surcharge de travail sont l'insuffisance de personnel et l'augmentation de la clientèle pour ceux qui ont à assurer les services. Ils se sentent réduits à n'assurer qu'un service minimum à leur clientèle. Pourtant, l'école est un lieu où le dépistage et l'intervention précoces pourraient améliorer la situation de jeunes qui éprouvent entre autres des problèmes de comportement ou des problèmes émotifs. Les services des professionnelles et professionnels en milieu scolaire sont aussi un élément important de démocratisation de certains services dont le coût est encore assumé souvent par la famille (nous pensons particulièrement aux services de psychologie). La jonction établie en 1975 entre les services des institutions des Affaires sociales et le système d'éducation, qui voulait permettre une action complémentaire dirigée vers la famille d'une part et l'étudiante ou l'étudiant d'autre part, n'a pas produit les résultats escomptés. A vrai dire, la jonction ne s'est pas produite... et les coupures ont été de fait des coupures de services. Quant au service d'infirmières en milieu scolaire, on observe un niveau inégal de répartition à travers le Québec. Or, ce service devrait jouer un rôle prioritaire dans l'éducation des jeunes à la santé, et par conséquent connaître une extension dans plusieurs régions. Permettre une intervention suivie auprès des étudiantes et des étudiants sur des questions de santé qui les interrogent (alimentation, hygiène, phénomènes biologiques), voilà un moyen d'assurer un ancrage intéressant et essentiel à l'intervention des infirmières en milieu scolaire. Prenant note. - que dans le secteur de la santé et des services sociaux on assiste à un transfert graduel vers l'entreprise privée de la responsabilité de dispenser des services publics, Réaffirmant. - notre opposition à la sous-traitance comme élément réducteur des conditions de travail de celles et ceux qui assument les services ainsi que de la qualité de tels services (Conseil général, mars 1986); - notre désaccord à une politique de désinstitutionnalisation qui ne préserve pas le droit des bénéficiaires à des services de qualité (Conseil général, mars 1986), Considérant. - la nécessité de réclamer l'accessibilité pour toutes et tous à des services sociaux et de santé, le maintien de l'universalité et de la gratuité, de même que le développement d'une médecine multidisciplinaire et préventive conduisant à une plus grande autonomie de la personne, Nous recommandons. 26- Une politique CEQ. Que le Congrès mandate le Conseil général aux fins d'élaborer une politique CEQ en matière de santé et de services sociaux. 27- Une politique alimentaire. Que la CEQ revendique l'implantation d'une véritable politique alimentaire en milieu scolaire, telle politique ayant comme objectifs la formation et la sensibilisation des jeunes à l'importance d'une saine alimentation. 28- Prévention en santé. Que la CEQ affirme que la prévention est un élément essentiel d'une politique de santé; et qu'en conséquence, l'organisation des services dispensés à l'école par des professionnelles et professionnels (psychologues, infirmières et infirmiers, etc) puisse y répondre. Proposition quatre. Une centrale porteuse d'un projet d'organisation syndicale à la mesure des besoins des salariées et salariés des services publics. L'histoire de notre organisation a été marquée depuis une quinzaine d'années par trois traits majeurs: - notre entrée de plain-pied dans le mouvement syndical québécois; - notre ouverture progressive à plusieurs groupes de salariées et salariés autres que les enseignants de commissions scolaires; - notre participation acharnée à toutes les luttes pour la démocratisation du service public de l'éducation, et de l'ensemble des institutions et des services publics du Québec. Nous avons vécu ces transformations dans l'unité au plan interne, et dans la solidarité avec nombre d'autres organisations syndicales et populaires progressistes. Toutefois, malgré les alliances inter centrales, intersyndicales, sociales dont nous avons été, malgré aussi le taux élevé de syndicalisation du secteur public et para-public, nous avons constaté à maintes reprises les limites de l'action syndicale du moins à l'intérieur des formules d'organisation qui nous caractérisent actuellement. Tout particulièrement en cette période de déferlement néo-libéral, où les services publics et nos acquis démocratiques les plus vitaux sont pris à partie, ne sentons-nous pas plus que jamais la nécessité d'évoluer vers des formes d'organisation syndicale plus efficaces, plus unitaires, plus acharnées encore dans la défense et la promotion inconditionnelles des services publics en tant qu'institutions démocratiques? Sans présumer de la réponse collective que nous apporterons à cette interrogation à travers les années, nous croyons que le seul fait de nous arrêter à cette question peut générer en nos rangs, et chez les syndiquées et syndiqués des secteurs public et para-public en général, une réflexion et une dynamique de renouvellement, en même temps qu'une démarche de resserrement et de cohésion. Autant d'éléments qui ne pourraient que contribuer à l'impact de notre action syndicale. Quel est l'avenir du syndicalisme dans notre secteur d'activités, dans l'ensemble des secteurs public et para-public? Quelle place doit y tenir notre organisation? A quelle évolution pouvons-nous nous associer? Quelle démarche envisager? Telles sont les questions pressantes que nous avons entrepris d'examiner depuis trois ans déjà, et auxquelles il faudrait formuler une réponse dans les deux prochaines années. Mais auparavant, reconstituons les étapes et les termes de ce débat auquel nous convions maintenant le Congrès de s'associer. Le Congrès de 1982 soulève la question. En juin 1982, le Congrès adoptait le principe de l'élargissement de la Centrale «à d'autres catégories de travailleuses et de travailleurs», tout en demandant «de poursuivre la réflexion et le débat sur les types de catégories de travailleuses et de travailleurs à l'endroit desquels se fera cet élargissement». En attendant un prochain Congrès le Conseil général recevait le mandat de prendre les décisions ponctuelles appropriées. 1983-1984: un premier débat. C'est à l'hiver 1983-84 que s'est conduite une première consultation en nos rangs sur cette question a l'aide d'un document de travail intitulé «L'Avenir de la Centrale». Nous y exposions ainsi les objectifs de ce projet: a) travailler à l'unité des forces syndicales; b) mieux se situer face à l'État et au patronat en général; c) étendre à d'autres groupes un type d'action syndicale qui a fait ses preuves; d) renforcer le niveau d'organisation syndicale du secteur public. Et nous y faisions état de deux hypothèses de réorganisation (centrale du secteur public; centrale des services publics, pouvant se réaliser à travers l'expansion de la CEQ actuelle, ou à travers la création d'une nouvelle centrale syndicale. Cette première consultation, réalisée de façon limitée à cause du contexte de réouverture des décrets où s'est retrouvée la majorité de nos membres, a tout de même permis de mieux entrevoir quelques aspects de ce débat: - Comment s'assurer que l'avènement d'une nouvelle centrale ne vienne pas ajouter à la division actuelle des forces syndicales québécoises? - Quelle priorité accorder à la syndicalisation des non-syndiquées et des non-syndiqués? - Quelles énergies les effectifs actuels de la CEQ peuvent ils mettre à la réalisation d'un tel projet? - Comment préserver l'identité des groupes composant l'effectif actuel de la CEQ et comment conserver un niveau convenable de participation et de démocratie, dans le cadre d'une centrale encore plus grande et plus complexe? - Comment renforcer le secteur public sans tomber dans le panneau d'une polarisation accrue des secteurs privé et public du mouvement syndical? - Avec quelles autres organisations syndicales serait-il envisageable de réaliser un tel projet? - Quelles seraient les structures, quel serait le financement d'une telle organisation? Il était évidemment impossible de mener un débat en profondeur sur de telles questions pour le Congrès de 1984, d'autant plus que des préoccupations de réaménagement interne commençaient à devenir plus accaparantes. En 1984-85, le dessein prend forme. Inscrit officiellement au plan d'action de la Centrale tel que défini par le Conseil général, le projet d'une nouvelle centrale a fait l'objet de débats suivis tout au long de l'année 1984-85, à partir de divers scénarios lancés par le Bureau national, pour fin de débats. Pendant la même période, on se doit d'enregistrer les réalités suivantes: - tendance à l'autodétermination de la part de la CECS; - émergence d'une fédération de professionnelles et de professionnels de commissions scolaires; - démarche de rapprochement, puis de fusion de nos deux fédérations de professionnelles et professionnels des niveaux collégial et universitaire; - difficulté de cohabitation de nos secteurs «affaires sociales» et «enseignement privé» au sein d'un même regroupement; - accueil froid à ce projet de la part de certaines autres organisations syndicales. Des documents de travail sont aussi élaborés, traitant des structures politiques, de modes de représentation, du repartage des services, de la détermination des regroupements sectoriels. A la suite d'un débat assez large en nos rangs. c'est finalement le Conseil général spécial élargi de juin 1985 qui établit les grandes lignes de ce projet que nous avons toujours à notre ordre du jour: - consensus à rechercher la mise sur pied d'une nouvelle organisation syndicale du secteur public, - recherche de partenaires intéressés; - adoption d'un modèle d'organisation à trois paliers, comportant le renforcement du palier sectoriel (intermédiaire); - adoption d'un découpage provisoire des effectifs envisagés en neuf secteurs; - demande d'études approfondies sur les finances, la péréquation, les modes de représentation et de coordination . 1985-86: la poursuite du débat Malgré la négociation, la CEQ et d'autres organisations (le SPGQ la FSPIIQ, et la FAPUQ pendant quelque temps) structurent, à l'automne 1985, leurs échanges autour de cette idée d'une nouvelle centrale du secteur public à créer: orientations, structures, services... Des travaux fructueux, compte tenu de la disponibilité de chacun, ont été mis en route, travaux qu'il s'agit de réactiver dès qu'un nouvel espace se dégagera. Pendant ce temps le débat s'est poursuivi quant à des réaménagements internes, ce qui a donné lieu aux propositions d'amendements aux statuts dont le présent Congrès est par ailleurs saisi. D'autre part, notre centrale a consenti ces dernières années un effort accru en organisation syndicale, ce qui nous a permis de prendre pied dans les secteurs des communications et des garderies, tout en approfondissant nos liens avec le SPGQ et des organisations du secteur de la santé. La période 1986-88: des décisions à prendre. La période actuelle est marquée, avons-nous dit, par une recrudescence des attaques contre les services publics et contre plusieurs de nos acquis démocratiques. Le mouvement syndical doit riposter de façon unitaire certes, mais chaque organisation syndicale a le devoir de faire de son mieux pour occuper de la façon la plus efficace le terrain qu'elle se détermine. La CEQ était il y a 20 ans un regroupement d'enseignantes et d'enseignants; elle est devenue une centrale présente à tous les niveaux et dans tous les secteurs des réseaux de l'éducation, présente aussi dans les secteurs des affaires sociales, du loisir, des communications, de la fonction publique... Quelle orientation voulons-nous imprimer au développement de notre organisation à compter de maintenant? C'est la question sur laquelle nous invitons le Congrès à s'arrêter en 1986, non pas pour qu'il la tranche, mais pour qu'il l'inscrive à l'ordre du jour de nos grands débats pour les deux prochaines années. Nous croyons vraiment que la prise en considération de cette perspective de développement peut contribuer à relever notre taux de vitalité syndicale, à condition cependant que le débat se fasse en pro fondeur et à l'intérieur de balises claires. L'avènement d'un tel projet, tout comme la démarche y conduisant, ne pourraient, croyons nous, que renforcer la démocratie syndicale, et la contribution du syndicalisme à la démocratie sociale du Quebec. Prenant note. - du cheminement suivi par le débat sur l'avenir de notre centrale et l'avenir du syndicalisme dans le secteur public québécois; - de la nécessité pour le syndicalisme du secteur public d'en arriver à un niveau d'organisation plus efficace; - de l'importance de renforcer notre action syndicale face à l'assaut que fait subir aux services publics l'actuel courant de néo-libéralisme, Réaffirmant. - l'intérêt de mener ce débat sur le syndicalisme du secteur public avec d'autres organisations syndicales intéressées; - la nécessité absolue d'impliquer dans ce débat nos propres effectifs, et ce, par une démarche soutenue d'animation et de participation; - que cette démarche a pour objectifs de renforcer l'unité syndicale dans le secteur des services publics, et de contribuer à la syndicalisation des non syndiquées et non-syndiqués; - que cette démarche doit se réaliser dans le respect des principes suivants, tels qu'établis par le Conseil général de juin 1985: a) recherche de l'unité et de la concertation entre les affiliés; b) respect total de l'autonomie des syndicats affiliés; c) maintien de la représentation directe à tous les paliers; d) non-augmentation de la cotisation par suite de ce projet, Considérant. - que le Conseil général (juin 1985) a déjà accepté de mettre en débat, à l'interne et avec nos partenaires, un modèle d'organisation de la vie politique et des services comportant trois paliers: la centrale, le palier intermédiaire ou sectoriel, le palier local; - qu'à l'intérieur de ce modèle d'organisation le palier intermédiaire-sectoriel aurait comme mandats prioritaires: les conditions de travail et les questions professionnelles qui lui sont particulières; - que le découpage sectoriel envisagé peut servir de référence, mais doit continuer d'être discuté; - le besoin d'études plus fouillées sur plusieurs questions telles que la cotisation, la péréquation, les modes de représentation, la coordination intersectorielle, etc, Nous recommandons. 29- L'avenir de la Centrale. a) Qu'à l'instar du Conseil général de juin 1985 le Congrès exprime son intérêt pour cette démarche de mise sur pied d'une nouvelle organisation syndicale ouverte aux salariées et salariés du secteur public, regroupant la CEQ et d'autres organisations intéressées; b) Que le Congrès autorise les instances appropriées à faire les études et démarches requises par ce projet dès la fin de la présente ronde de négociation des secteurs public et para-public. c) Que le congrès invite les organisations indépendantes intéressées à se joindre à ce projet. d) Que le Congrès demande que le débat entourant cette proposition se fasse dans le cadre d'une activité d'animation et d'éducation syndicales en profondeur, visant à provoquer une compréhension réelle des enjeux de ce projet et une adhésion sérieuse aux perspectives de changement qu'il comporte. e)Que le Congrès autorise la tenue d'un colloque intersyndical large sur le syndicalisme dans le secteur public et sur ce projet d'une nouvelle centrale. Que ce colloque réunisse l'équivalent des instances intermédiaires (vg notre Conseil général) de chaque organisation intéressée. f) Que, par la suite, et sur la base d'une recommandation formelle du Conseil général, les composantes et les affiliés soient formellement consultés, en vue d'une prise de décision par le prochain Congrès statutaire. Une centrale, foyer de nos solidarités. A - Un ancrage social à approfondir. Le redéploiement économique en cours est une manifestation de la profonde mutation de l'économie déjà amorcée depuis le début de la «crise» économique et dont la majorité de la population subit encore les effets. Ce redéploiement commande, pour les entreprises et le patronat, une transformation fondamentale du rôle de l'État. Celui-ci doit être mis au service de ce redéploiement économique. Toutes les autres préoccupations doivent céder le pas devant cette grande priorité de l'heure. L'État-redistributeur, l'État-régulateur, doit se transformer radicalement pour devenir l'État-facilitateur, l'État-catalyseur. Non seulement l'État doit-il permettre un retour brutal au libre marché des biens de consommation et des services, des biens de production, des capitaux et de l'emploi, mais il doit encore le favoriser. Il doit soutenir, directement ou indirectement, l'implantation, la modernisation, l'approvisionnement, la capitalisation et le développement des entreprises pour favoriser la consolidation et l'élargissement de leurs marchés. Il doit, aussi, récompenser la réussite. Tout cela commande, à leurs yeux, la privatisation des entreprises contrôlées par des agences gouvernementales qui feraient une concurrence «déloyale» à l'entreprise privée ou la priveraient de nouvelles sources de profits. Tout cela exige aussi toujours a leurs yeux, la déréglementation afin de libérer les entreprises de toute contrainte et la réduction du fardeau fiscal de ces dernières. Tout cela impose enfin l'encouragement des particuliers à investir sous forme de capital-action et l'élimination des autres «irritants» sociaux (droits linguistiques, droits syndicaux, droits sociaux). Pour préparer le progrès qui serait essentiellement assuré par le dynamisme de l'entreprise privée, il faut sabrer dans les dépenses sociales et dans les services publics, et privilégier l'investissement social dans les individus susceptibles de rapporter davantage à la société telle qu'ils la conçoivent (rappelons-nous le discours de Marc Garneau à l'ouverture des États généraux de l'Éducation). Puisque les tentatives de réduction des inégalités sociales limitent la liberté d'entreprise, cessons de les assumer et acceptons de vivre avec les inégalités naturelles tout en favorisant prioritairement l'épanouissement, le développement et l'avancement des personnes les mieux nanties et les plus entreprenantes. Les programmes sociaux, les régimes d'assurance et de sécurité sociale sont pris à partie parce qu'ils grèveraient les budgets gouvernementaux et diminueraient l'incitation au travail. La Loi sur les accidents et maladies du travail et toute amélioration des normes minimales du travail sont dénoncées parce qu'elles imposeraient des contraintes financières exagérées aux entreprises dans un contexte où le libre marché du travailleur permettrait d'exploiter davantage la compétition ouvrière. Les programmes d'accès à l'égalité doivent demeurer incitatifs parce qu'autrement ils inféreraient dans la gestion des entreprises. La Loi 101 doit être fondamentalement revue parce qu'elle effraierait les investisseurs, multiplierait des embûches tant dans la gestion quotidienne et dans les pratiques commerciales que dans le recrutement de personnels d'encadrement ou de personnels spécialisés et limiterait la mobilité de la main-d'oeuvre. Ce courant idéologique (inspiré à la fois des valeurs néo-libérales et néo-conservatrices) sert de justification à une dynamique de changement qui favorise l'émergence d'entreprises fortes et l'amélioration de la situation des mieux nantis de notre société tout en provoquant l'appauvrissement croissant des plus défavorisés et l'affaiblissement progressif de la classe moyenne. Sous la pression des tensions et contradictions sociales que ce courant génère, l'intolérance et les valeurs d'extrême-droite émergent et stimulent, notamment, l'intégrisme religieux. Dans ce contexte, seul le mouvement syndical peut, en s'associant avec les organisations populaires, communautaires et politiques progressistes, initier un mouvement d'opposition sociale substantielle capable de lutter contre les mesures antidémocratiques qui s'annoncent et de reprendre l'offensive avec des projets qui nous remettent sur la voie d'une plus grande démocratisation de notre société. La Centrale est déjà engagée dans cette perspective sur divers fronts: - participation active à la Ligue des droits et libertés; - soutien à la Coalition pour l'abolition de la peine de mort; - soutien et participation à la Coalition sur les normes du travail et l'accès à la syndicalisation; - participation à des campagnes contre la désindexation des pensions de vieillesse du Canada et contre la désindexation des allocations familiales; - participation à des campagnes pour le maintien et la consolidation de l'universalité des programmes sociaux; - soutien à la campagne pour l'augmentation du nombre de logements sociaux et du soutien gouvernemental aux coopératives d'habitation; - promotion du développement des services publics, également accessibles à toutes et tous sans égard à la situation financière de chacun; - opposition à la discrimination fondée sur l'âge dans l'allocation des prestations d'aide sociale; opposition aux règles d'exception privant les prestataires de l'aide sociale engagés dans les travaux communautaires ou les stages en milieu de travail du statut de travailleuses et travailleurs salariés et du droit à l'application du Code du travail et des normes du travail; - opposition à toute révision à la baisse de la protection de l'assurance-chômage et revendication, devant la Commission Forget, de plusieurs améliorations à ce régime; - demandes d'améliorations substantielles à la Loi des normes du travail, incluant un relèvement substantiel immédiat du salaire minimum légal, désindexé partiellement depuis 1978, puis gelé depuis 1981; - déconfessionnalisation des structures scolaires québécoises et remplacement des commissions scolaires actuelles par des commissions scolaires linguistiques; - promotion d'une école publique pluraliste, ouverte, tolérante, non discriminatoire; - maintien de la protection juridique de la langue française au Québec; - participation et soutien à la Coalition pour l'abolition de la discrimination des régimes de retraite et les avantages sociaux; - participation à la Coalition pour le droit à une retraite décente; - participation et soutien à la Coalition contre le règlement privant les retraitées et retraités du droit à l'assurance-chômage même lorsqu'elles et ils demeurent disponibles pour un nouveau travail; - soutien à des initiatives en matière de récupération; - soutien à l'association québécoise de lutte contre les pluies acides; - participation à la Coalition contre la déréglementation dans le secteur de la téléphonie; - participation à la Coalition contre la concentration des entreprises d'information; - par le biais de l'ICEA, soutien à la Coalition des organismes volontaires d'éducation populaire pour le maintien d'un financement gouvernemental approprié; - participation et soutien à la Coalition pour la proportionnelle; - participation à la relance du Mouvement du Québec français; - participation à la Coalition pour le droit à l'autodétermination du Québec; - participation à la Coalition pour le libre choix à l'avortement; - participation et soutien à divers mouvements et coalitions pour la paix et le désarmement et contre le racisme. Nous n'avons certainement pas négligé l'importance des coalitions ponctuelles formées autour d'un objectif précis et limité qui réussissent, occasionnellement, à regrouper un plus grand nombre d'organismes dont les positions convergent sur une question donnée et peuvent diverger dès lors que l'on s'en écarte. Nous avons cependant tendance maintenant à privilégier le rassemblement d'une vaste coalition regroupant des organisations qui partagent largement les mêmes orientations et les mêmes objectifs. Cette vaste coalition serait l'assise principale des solidarités sociales indispensables à notre époque. Depuis plus d'un an maintenant, nous avons donc surtout investi dans le rassemblement d'une large coalition syndicale et populaire vouée à la défense et à la promotion des programmes sociaux, des services publics et du plein emploi. Connue sous le nom de Solidarité populaire Québec, cette coalition regroupe maintenant plusieurs dizaines d'organisations, dont la CEQ et la CSN et bon nombre de leurs affiliés, les organisations de chômeurs, d'assistés sociaux, de défense des consommateurs, le FRAPRU, des organisations de jeunes et de femmes, etc. Dans la présente conjoncture, nous devons considérer le champ des luttes sociales comme un terrain privilégié pour contrer la compétition, la concurrence et les contradictions entre les diverses fractions de la collectivité des travailleuses et travailleurs québécois. Ces luttes constituent une occasion unique pour mettre en relief les valeurs de solidarité sociale qui justifient le développement des services publics accessibles sans tarification directe et sans imposition sélective pour les usagères et usagers, la consolidation de l'universalité des programmes sociaux, l'amélioration des régimes d'assurance ou de sécurité sociale et des normes minimales du travail. Démocratisation sociale et économique et développement de la solidarité sociale justifient aussi la construction d'une société et d'une école pluralistes, tolérantes, ouvertes et non discriminatoires ainsi que la lutte pour la protection des droits sociaux et collectifs. Recommandations. Prenant note. - que la transformation du rôle de l'État réclamée par les entreprises et le patronat est déjà en voie de réalisation; - que cette transformation menace sérieusement les maigres acquis de la démocratie sociale et les solidarités sociales; - que cette transformation provoque l'accroissement des intolérances sociales et l'émergence de valeurs d'extrême-droite, Réaffirmant. - l'engagement de la Centrale pour la défense et la promotion des droits et libertés (mémoires sur la Charte québécoise), pour le droit à des conditions de vie décentes pour toutes et tous (Congrès de 1982), pour le maintien et le développement des services publics (Congrès de 1982), pour le droit à l'auto-détermination du Québec (Congrès de 1979) et pour un Québec français (mémoire CEQ sur les projets de loi 1, 101 et la Loi 101), pour des améliorations substantielles aux normes du travail (mémoire à la Commission Beaudry) pour la déconfessionnalisation des structures scolaires (Congrès de 1980), Considérant. - que seule une mobilisation sociale large pourra permettre de freiner le mouvement de transformation de l'État en voie de réalisation et de relancer l'offensive pour une plus grande démocratisation sociale et l'amorce d'une démocratisation économique, Nous recommandons. 30- Les droits sociaux. a) Que la CEQ revendique l'inclusion des droits sociaux (droit au travail et à la protection contre le chômage, droit d'organiser et adhérer à un syndicat, droit à un niveau de vie qui assure le nécessaire, droit aux soins de santé indépendamment de la situation économique, droit à la santé et à la sécurité au travail, droit à la protection de sa famille, droit à l'éducation et droit à la sécurité et à l'assurance sociale) et des droits collectifs (droit à la négociation collective de ses conditions de travail et droit de grève) aux chartes des droits et libertés. b) Que la CEQ réclame les modifications appropriées à ces chartes pour renforcer le caractère prépondérant des droits et libertés, incluant les droits sociaux et collectifs. c) Que la CEQ exige l'abrogation de l'article 11,3 de la Loi de l'aide sociale qui prive de la liberté d'association et du droit à l'égalité les jeunes assistées sociales et assistés sociaux de 30 ans qui sont engagés dans certains programmes «option déclic» (travail communautaire et stage en milieu de travail) en les excluant de toute application du Code du travail et de la Loi des normes du travail), et s'oppose énergiquement à toute extension de ces mesures d'exclusion. 31- Politiques sociales. Que la CEQ milite activement: a) pour un régime fiscal équitable et vraiment progressif; b) pour le renforcement des régimes d'assurance ou de sécurité sociale; c) pour la consolidation de l'universalité des programmes sociaux; d) pour l'amélioration du régime de bourses aux étudiantes et étudiants et contre l'augmentation des frais d'inscription et de scolarité pour les études post-secondaires; e) contre toute tarification et toute imposition fiscale sélective pour les usagères et usagers des services publies d'éducation. de santé et de services sociaux. 32- L'environnement. Que la CEQ accentue son engagement en faveur d'un environnement sain et sur et que, de concert avec ses affiliés, elle mette à contribution ses adhérentes et adhérents (déjà engagés dans ce secteur de la lutte sociale) pour le développement de ses politiques en ce domaine et pour appuyer les initiatives d'organisations nationales de lutte pour la qualité de l'environnement. 33- Alliances. Que la CEQ continue de s'associer à l'ensemble des organisations (syndicales, populaires, communautaires et politiques) qui poursuivent les mêmes objectifs à l'intérieur des coalitions à caractère national et invite ses affiliés à enraciner ces coalitions au niveau local ou régional. B - Pour une consolidation de l'apport CEQ et de ses affiliés au niveau international. L'internationalisme, de plus en plus présent. Si nos liens solidaires avec les groupes populaires, les organisations syndicales et les mouvements progressistes au Québec sont facilement explicables, il est souvent plus difficile de comprendre la portée de ceux que nous entretenons et développons au niveau international. Pourtant, nous ne pouvons nier l'évidente montée de l'internationalisme qui se manifeste par différentes formes de regroupements. S'il est admis depuis longtemps que le capital n'a pas de frontière et que la recherche de surprofits est habituellement basée sur l'exploitation des travailleuses et des travailleurs, peu importe leur nationalité, ce n'est que depuis quelques années que nous pouvons constater une concertation internationale de plus en plus orchestrée afin d'influencer les politiques internes des pays. Les principales cibles de cette concertation, que ce soit au sein de l'OCDE ou du FMI, sont, règle générale, les politiques sociales. Ainsi, les services de santé, les services d'éducation, les services publics devront s'adapter aux exigences des gérants internationaux. A cela s'ajoutent le discours de la productivité, de la compétitivité et les attaques aux droits syndicaux. Face à ces phénomènes, deux choix s'offrent à nous. On peut se laisser imprégner du sentiment de culpabilité et se laisser berner par la thèse du dégraissage, ce qui amènera des concessions qui risquent de conduire à une régression sociale. C'est la théorie du nivellement vers le bas dans le but supposément de répondre aux impératifs du marché international. La CEQ et ses affiliés se sont toujours battus pour le maintien de nos acquis démocratiques, pour le développement des services publics et principalement pour l'amélioration du système d'éducation au Québec. A l'instar de la CEQ, plusieurs organisations syndicales, professionnelles et populaires mènent les mêmes luttes dans leur pays respectif. C'est ainsi qu'en se concertant avec ces organismes et en les appuyant, nous pouvons aider à combattre le dis cours dominant et tenter d'amorcer, de concert avec d'autres, le nivellement vers le haut dans le but avoué de réduire les inégalités. C'est la deuxième option. Notre situation au plan international (pays industrialisé et riche) nous favorise au niveau des moyens de lutte que nous pouvons collectivement nous donner. Cette situation avantageuse ne doit pas servir à nous isoler de ceux qui possèdent peu ou pas de moyens pour défendre leurs droits, mais plutôt nous inciter à apporter notre contribution et notre appui pour aider ces organisations à mener leurs propres luttes et à réaliser leurs projets. Pour ce faire, il est essentiel de bien connaître ces organismes et de comprendre leurs objectifs en s'informant le plus directement possible. Déjà, à la Centrale, nous avons adopté certaines pratiques en vue de concrétiser notre volonté en ce domaine. Ces pratiques, nous devons maintenant les réexaminer dans le but de circonscrire notre action et d'améliorer les éléments les plus faibles de ce secteur d'activités. Une question reste prioritaire. Comment intéresser les affiliés aux questions internationales et comment leur offrir la possibilité de s'impliquer concrètement dans le domaine des relations et des solidarités internationales? Nous y reviendrons plus loin. Le CISO: un instrument d'information et de sensibilisation. Le Centre international de solidarité ouvrière (CISO), créé après la Conférence de 1975 par la CEQ, la CSN, le CCM, le SQAL, le SUCO et le Comité Québec-Palestine, a pour objectifs la sensibilisation des travailleuses et travailleurs québécois face aux conditions de vie et de travail de celles et ceux d'autres pays et de susciter la solidarité par une meilleure connaissance et compréhension de ces conditions de vie et de travail. L'existence du CISO nous permet d'avoir accès à une banque de données et à une expertise importante. Elle permet aussi, et ce n'est pas négligeable, de mener des actions d'information, de sensibilisation et des campagnes de souscription en coordination avec la CSN, le CCM et des groupes de solidarité ici au Québec. Le CISO est la seule table de concertation et de coordination syndicale et populaire qui ait plus de dix ans d'existence au Québec. Au cours des deux dernières années, le CISO a organisé et coordonné des tournées d'information et de sensibilisation sur le FMI et contre le régime d'apartheid. Des dossiers en appui à ces tournées ont été préparés par le CISO et des ressources directement impliquées ont été invitées à livrer leurs expériences et leurs commentaires. Le CISO prépare aussi régulièrement des sessions de travail afin de permettre aux militantes et militants d'approfondir un aspect particulier de la conjoncture internationale. Le CISO organise aussi des stages syndicaux à Cuba et au Nicaragua dans le but de permettre aux travailleuses et travailleurs d'ici d'avoir accès à une connaissance directe de pratiques syndicales dans un autre système économique et politique. Étant conscients que l'existence du CISO ne repose que sur des décisions d'instances de ses partenaires et que ceux-ci constituent sa principale source de financement, outre une subvention de la DGEA, nous pensons que la Centrale doit continuer à privilégier sa participation à CISO comme axe majeur de son engagement à la sensibilisation des membres aux solidarités internationales et inviter ses affiliés à collaborer et à soutenir notre centre international de solidarité ouvrière au Québec. Le Fonds de solidarité: un acquis indispensable. a) Rappel. Le Congrès de juin 1982, en plus d'avoir défini les grandes lignes de notre action internationale quant à la défense des libertés démocratiques et des droits syndicaux, quant à la poursuite de notre action avec les organisations syndicales et quant à l'information et la sensibilisation de nos membres, a adopté la résolution suivante: «Il est résolu que le Congrès accepte le principe de la création d'un fonds de solidarité et autorise le transfert, à compter de l'année prochaine, et pour la durée de quatre ans de l'équivalent de 1,00 $ par membre pris à même les sommes versées au Fonds de résistance syndicale». Cette résolution a amené le Conseil général de décembre 1982 à adopter les règlements du Fonds de solidarité et à les réviser en janvier 1985 dans le but de les rendre plus opérants, tout en respectant l'esprit de la résolution du Congrès. Essentiellement, il fut question de transférer au Bureau national la gestion du Fonds de solidarité et d'abolir le comité relevant du Conseil général, tel que défini par le Conseil général de décembre 1982. Quoi qu'il en soit, le Bureau national et le Conseil général ont reçu périodiquement l'état des allocations versées par le Fonds de solidarité. Ces rapports, approuvés par le Bureau national, sont produits par le comité relevant de cette instance qui est constitué des trois vice présidences impliquées dans ce dossier et du directeur du service concerné. b) D'où viennent les sollicitations? Nombreux sont les groupes ou organismes qui présentent des projets conformes aux grandes orientations de la Centrale. On peut classer les organisations qui nous sollicitent selon les grandes catégories suivantes: - les syndicats québécois et canadiens en lutte; - les groupes sociaux et de défense des droits et libertés; - les groupes de jeunes; - les comités de solidarité internationale au Québec; - les groupes pacifistes; - les projets internationaux de solidarité et les demandes de secours humanitaire. c) Qu'avons-nous pour exécuter ce mandat? Selon la résolution du Congrès de 1982, le Fonds de solidarité a maintenant atteint son plafond. L'intérêt utilisable selon la formule nous donne un montant d'environ 30 000 $. C'est le fruit du versement à partir du FRS d'environ 350 000 $ depuis 1982. Si la création de ce fonds fut, selon nous, une initiative heureuse de la CEQ, il n'en demeure pas moins que nous avons pu constater ses limites à l'expérience. Une centrale syndicale qui dispose d'un budget annuel de plus de 17 000 000$ au Fonds général d'administration peut-elle se contenter d'un montant de 30 000 $ au chapitre des solidarités? Certaines fédérations du secteur de l'éducation au Canada et même certains syndicats ont un budget de solidarité deux ou trois fois supérieur à celui de la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ). La formule du Fonds de solidarité est en elle-même très sécurisante. En effet, le capital investi ne peut, pour aucune considération, être dépensé. Si la Centrale connaissait un jour un vrai chaos financier, le Congrès pourrait toujours revenir sur sa décision, abolir ce fonds et se servir du capital pour contribuer à sortir l'organisation de son marasme. Par contre, selon cette formule, il est nécessaire d'investir passablement d'argent pour avoir un peu de liquidité générée par les intérêts afin de répondre minimalement aux besoins exprimés et de prendre quelques initiatives dans le secteur de la solidarité internationale. d) Quelles solutions avons-nous? Il est incontestable, et c'est tout en notre honneur, que les instances reconnaissent l'importance des solidarités à la CEQ. Le Conseil général, saisi de questions de cette nature, considère souvent les propositions qui lui sont soumises trop modestes et vote des montants d'aide supérieurs à ceux que nous proposons. Cette attitude louable complique la gestion du Fonds. Car être ainsi généreux sans augmenter le budget global risque d'épuiser rapidement les sommes disponibles et de nous placer dans l'obligation de répondre négativement a d'autres causes aussi importantes, faute de fonds suffisants. On pourrait imaginer toutes sortes de moyens pour accroître le Fonds de solidarité. Toutefois, comme nous l'avons dit précédemment, la formule votée en 1987 nous apparaît adéquate. Si nous évaluons sérieusement que les sommes actuellement allouées aux solidarités sont insuffisantes pour une centrale syndicale comme la nôtre, nous croyons qu'il serait acceptable au minimum de reconduire, pour quatre autres années, la formule originale du Fonds de solidarité. Et si chaque affilié imitait ce geste en l'adaptant à sa situation particulière? La coopération internationale: plus une relation que de la charité. a) Un pas en avant: pourquoi pas? Si le Fonds de solidarité correspond bien à ce qu'on pourrait qualifier de secours d'urgence, d'aide immédiate, de solidarité ponctuelle, il y a lieu, selon nous, d'entrevoir l'avenir avec un peu plus d'envergure et de faire notre part en coopération internationale. En se référant aux décisions du huitième Congrès, nous croyons possible d'ouvrir conjointement avec les affiliés un volet de coopération inter nationale respectant la nature de notre organisation et la nature des organisations des pays en voie de développement. Sur notre propre base, en agissant dans notre champ spécifique de préoccupations, il est pensable de construire des projets de coopération et ainsi envisager un travail international à moyen et long terme. Sans amoindrir l'importance du secours d'urgence, les organisations du secteur de l'éducation des pays en voie de développement reconnaissent comme primordial l'établissement de liens continus basés sur le respect mutuel, sur l'échange d'information et sur un appui moral permanent. Ces organisations développent aussi des projets qui dépassent le secours d'urgence ou l'aide immédiate, donc qui vont au delà du court terme. Cela correspond aussi à leur légitime fierté et au besoin qu'elles éprouvent de s'impliquer pour améliorer leur condition et celle de leur peuple. Sensibilisés de plus en plus aux tristes réalités de certains pays (famine en Afrique, volcan en Colombie, lutte contre l'apartheid, etc), les membres et les affiliés ont démontre leur générosité en posant des gestes très concrets. Ces gestes ont prouvé leur intérêt à venir en aide aux plus démunis. Cet intérêt, il ne faut pas le laisser s'amoindrir, mais plutôt tenter de lui donner un espace plus permanent pour qu'il puisse continuer à s'exprimer. Cette étape ou ce pas en avant, nous sommes collectivement capables de le franchir et, par conséquent, faire davantage notre part en matière de coopération internationale. b) Le jumelage: une formule à exploiter. Il est évident qu'à nous seuls nous ne pouvons pas tout faire. Il ne s'agit pas de prétendre tout faire et tout régler, mais entre peu et tout, il y a cette vaste marge que nous devons définir. Bien que la Centrale ait acquis une solide réputation sur la scène internationale, principalement dans le domaine de l'éducation, elle ne peut à elle seule avec les faibles moyens dont elle dispose, suffire à la tâche. D'ailleurs, ce serait une erreur de confier à la Centrale l'entièreté de ce champ de responsabilités, et cela même si on lui donnait des moyens accrus pour réaliser ce mandat. Certes, la Centrale doit demeurer un moteur, un catalyseur en la matière, à cause principalement de son expertise et de sa présence sur la scène inter nationale, ainsi qu'aux relations qu'elle a su développer au cours des années. Toutefois, l'implication des syndicats et des fédérations affiliés ainsi que de leurs membres est essentielle si nous souhaitons atteindre les objectifs d'une meilleure compréhension et d'une meilleure pénétration de ce dossier. Nous devons donc parler ici d'une responsabilité partagée entre la Centrale qui agira à titre de coordonnatrice, d'appui politique et technique, et les affiliés qui bâtiront leurs relations et leurs projets avec leur jumeau. Ceci pourrait éventuellement déboucher sur des ententes de coopération tripartites. Techniquement, chaque syndicat, chaque fédération ou groupe de syndicats, serait jumelé à une organisation du secteur de l'éducation d'un pays en voie de développement. Ce jumelage pourrait s'effectuer en tenant compte des capacités de chacun, de la taille du syndicat ou de la fédération CEQ et de l'importance du pays-cible ainsi que des besoins de l'organisation-soeur. Cette formule a l'avantage de concentrer les énergies de chacun tout en permettant à la Centrale d'intervenir et de couvrir un important ensemble au niveau international. Elle a aussi l'avantage de favoriser les échanges bilatéraux et de développer une importante expertise tout en favorisant une meilleure compréhension des réalités internationales et en aidant à mesurer plus concrètement les effets de notre contribution au développement. Dans un tel projet, la dimension des relations humaines prend tout son sens. nous ne pouvons honnêtement penser en termes de coopération internationale sans nous préoccuper de cet aspect essentiel. C'est, entre autres, cette préoccupation constante qui aide à voir la coopération internationale de façon non paternaliste. Comme nous, ces organisations tiennent des congrès, des instances larges. Des échanges de déléguées ou délégués, lors de ces événements, s'avèrent un excellent moyen de connaître l'organisation, d'approfondir les relations, d'identifier les besoins et d'élaborer des projets de coopération. Se déplacer pour aller en Amérique centrale, en Amérique latine, dans les Caraïbes, en Afrique, aux Philippines..., afin d'échanger avec une organisation du secteur de l'éducation et de participer à ses activités n'a rien à voir avec le Club Med. Il en est de même, si nous savons organiser un bon programme d'activités, lorsqu'on invite un représentant d'une organisation amie. c) Les projets de coopération: quoi et avec qui? Selon la situation et les choix de chaque syndicat, groupe de syndicats ou fédération concerné, et des besoins exprimés par l'organisation jumelle, les projets peuvent prendre plusieurs formes. A titre d'exemples, on peut envisager des échanges de ressources, des sessions d'éducation syndicale des échanges au niveau professionnel, un appui à la construction d'une école, l'achat de fournitures scolaires, l'envoi de spécialistes, la tenue de séminaires ou forums, de l'aide à l'organisation syndicale, etc. Ces types de projets peuvent être de durée variable et se situer à différents moments au cours de l'année scolaire. La FCE possède un programme de coopération internationale qui se situe uniquement pendant la période de vacances. La Fédération canadienne envoie ainsi près d'une centaine de coopérantes et de coopérants à chaque année dans différents pays, surtout en Afrique. Cette année, avec la participation du Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais, dans le cadre du programme «outre-mer» de la FCE, la CEQ enverra une coopérante pour la première fois à l'étranger. Depuis plusieurs années, la CEQ a développé des relations et des liens de solidarité en privilégiant l'axe Nord-Sud sur le continent américain. Que ce soit avec l'Amérique centrale ou l'Amérique latine, beaucoup de gestes posés ont servi de manifestation concrète de l'expression de notre solidarité (Campagne d'alphabétisation au Nicaragua, appui à Andes du 21 juin du El Salvador, appui à l'AGECH du Chili, aide à la CNT de l'Uruguay, participation à des projets du Pérou, reconnaissance de la FOMCA et tournée en Amérique centrale, appui moral et financier à la CATH d'Haïti, appui au NUDT de Jamaïque, etc). Cet accent particulier de nos relations et de nos solidarités a amené la Centrale à suivre de près l'évolution de la CEA (Confédération des éducateurs américains) et à être représentée à son dernier congrès. Nous reviendrons plus loin sur cette question particulière. Tout en privilégiant l'axe Nord-Sud sur le continent américain, la CEQ a su soutenir, à sa façon, notamment la juste cause du peuple palestinien, la lutte contre l'apartheid, la tenue d'une conférence au Mozambique, et apporter son appui à un projet d'éducation syndicale de l'ACT aux Philippines. Toutefois, nous devons constater que nous avons eu très peu de projets et très peu de présence en Afrique. Nous croyons qu'il y aurait lieu de combler cette lacune, surtout en établissant des liens principalement avec les organisations du secteur de l'éducation de l'Afrique francophone. Il semble que nous pourrions faire beaucoup plus de ce côté, compte tenu du caractère spécifique de notre organisation. Plusieurs organisations de pays en voie de développement seraient susceptibles de répondre positivement à une telle approche. Nos ententes avec la FISE et la CMOPE pourraient aussi être mises à contribution pour nous aider à identifier les organisations à contacter en priorité, selon le type d'intérêt de nos affiliés. Il est ainsi pensable d'établir des relations directes et concrètes de coopération avec une vingtaine, une trentaine d'organisations et plus qui, comme nous, travaillent pour l'amélioration de leurs conditions de travail et pour le développement d'un service d'éducation publique de qualité. d) Des ressources humaines: une pierre angulaire. Il est toujours assez problématique à chaque plan d'action d'affecter une ressource aux relations et solidarités internationales. Depuis deux ans, la Centrale a connu sa pire période de ce côté. Pensons que nous avons déjà eu deux ressources au secteur socio-politique et solidarités. A une autre époque, un conseiller spécial s'occupait en grande partie de ces questions, tandis que de 1982 à 1984, une ressource était affectée aux solidarités. Cette situation a amené le Bureau national à affirmer en introduction au plan d'action 1984-86 que du côté des solidarités, la CEQ se situe sous le seuil de la pauvreté. A chaque adoption du plan d'action, c'est la même incertitude: y aura-t-il ou n'y aura-t-il pas une ressource qui pourra minimalement s'occuper de ce secteur d'activités? Lorsqu'il est difficile de répondre à nos besoins immédiats, il est compréhensible que le secteur des relations et solidarités internationales soit le premier victime des coupures budgétaires. Nous devrons donc trouver de nouvelles solutions. Chez les affiliés, la situation n'est pas beaucoup meilleure. En effet, depuis mars 1982, la Centrale a essayé de constituer un réseau de répondantes et répondants des solidarités internationales. Ce réseau, confirmé par le Conseil général d'octobre 1982, n'a jamais réellement été formé. Malgré une session d'éducation syndicale sur les questions internationales, malgré l'obligation d'organiser des campagnes d'information, de sensibilisation et de levée de fonds dûment votées, malgré des tentatives de réunion de planification et d'organisation, le réseau n'a jamais regroupé plus d'une quinzaine de personnes. Sans cet instrument, il est difficile d'organiser des activités capables de répondre aux attentes locales et de tenir compte des contraintes locales. On se prive ainsi de ressources humaines importantes. Dans le contexte d'une véritable planification en coopération internationale, il faudra remédier à cette lacune et désigner localement et dans chaque fédération des ressources humaines intéressées à ce dossier et habilitées à le mener correctement. Ces ressources existent dans tous les milieux (enseignantes et enseignants en sciences humaines ou en formation de la personne, professionnelles et professionnels et personnel de soutien ayant acquis une certaine compétence ou ayant vécu des expériences en cette matière, etc). Nous n'avons qu'un petit effort à faire pour les repérer. Si chaque milieu concerné fait le nécessaire pour s'équiper minimalement en ressources humaines et si nous pouvons compter sur une ou deux sessions nationales annuellement pour échanger nos expériences respectives et se ressourcer, nous aurons acquis les conditions de base nécessaires à l'atteinte de nos objectifs. Toutefois, conscients des difficultés de chacun, nous devrons aussi trouver ici de nouvelles solutions. e) Des moyens: peu individuellement mais beaucoup collectivement. Beaucoup d'organismes non gouvernementaux sollicitent le public pour différentes causes à caractère humanitaire et la réponse est habituellement bonne. Par contre, peu d'organismes partageant les mêmes objectifs que la CEQ sont en mesure de réaliser ce que nous pouvons accomplir sur notre propre base. Si nous croyons en notre action syndicale telle que nous l'avons définie, nous devrions aussi croire en celle des organisations qui ont défini la leur sensiblement de la même façon que nous. Si nos membres répondent généreusement aux sollicitations venant de l'extérieur de nos rangs, ils devraient être aussi bien disposés si la sollicitation venait de leur syndicat et de leur centrale, sachant qu'ils sauront exactement à quoi serviront leurs contributions. Comme nous l'avons vu précédemment, s'il est nécessaire d'équiper la Centrale convenablement, il est aussi nécessaire de fournir aux affiliés des possibilités adéquates. Ce n'est qu'en pensant à une formule partagée entre les deux niveaux que nous pourrons résoudre cette problématique. Ce n'est aussi qu'en se dotant collectivement de moyens spécifiques à la réalisation de ce projet de coopération internationale que nous pourrons arriver à le mettre décemment en application. La constitution d'un poste budgétaire protégé, alimenté par une cotisation spéciale annuelle volontaire, nous apparaît être la solution la plus pratique, la plus contrôlable et la plus gérable financièrement parlant. En plus d'être une garantie de soutien à l'infrastructure, une modeste cotisation spéciale volontaire permettra de disposer de fonds pour l'établissement et le suivi des relations internationales et pour le démarrage de certains projets de coopération internationale. Ainsi, une cotisation spéciale annuelle volontaire de 0,50$ par paye, répartie également entre la Centrale et la fédération ou le syndicat concerné, à l'intérieur d'un poste budgétaire protégé pour les fins de la coopération internationale, donnerait à ce secteur d'activités des moyens autonomes de subsistance. Selon cette hypothèse, en supposant que 50 % du membership adhère à ce plan, en sachant qu'une cotisation syndicale peut être déductible de l'impôt, la Centrale disposerait d'un montant approximatif de 300 000$ annuellement (50 000 adhésions X 0,25$ X 24 payes). Selon cette même hypothèse, un affilié ou un groupe d'affiliés qui recueillerait 1 000 adhésions au plan disposerait d'un montant annuel de 6 000$ (1 000 adhésions X 0,25$ X 24 payes) à consacrer exclusivement aux relations et à la coopération internationales. Dans cette optique, à l'instar du projet de coopération convenu entre la Centrale et le Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais, il y aurait lieu de multiplier les collaborations entre la Centrale et ses affiliés, tant au niveau technique qu'aux niveaux financier et politique. Pourquoi la Centrale ne pourrait-elle pas se faire représenter par un affilié à un événement issu d'une initiative d'une organisation amie et auquel elle est invitée à participer? Cela est d'autant plus probable si le jumelage se concrétise. Malgré le fait que nous établissions un poste budgétaire protégé, nous ne jugeons pas nécessaire de créer une structure administrative indépendante. Le Bureau national, dans le cadre de son champ de responsabilités, est à même de gérer efficacement ce budget comme il le fait pour le budget global de la Centrale. Au niveau des affiliés, chaque CE ou CA pourrait être mandaté à cet effet. Bien que la formule proposée nous permette d'agir en toute autonomie, sur nos propres bases, il est pensable de pouvoir augmenter nos moyens en faisant appel à l'ACDI et, pourquoi pas, au ministère des Relations internationales et au MEQ. Il est aussi pensable d'impliquer certaines commissions scolaires, CEGEP ou universités dans la réalisation d'un projet précis. f) L'implantation: une question de volonté politique. Ce n'est pas suffisant de voter, même à l'unanimité, ce projet de coopération internationale. Encore faut-il prendre les moyens pour le faire connaître et pour recruter des adhésions. Comme tout repose sur le volontariat, il est nécessaire de créer l'espace et l'intérêt qu'il faut pour réussir à obtenir l'aval le plus large de la part des instances locales ou fédératives. Malgré cela, nous pouvons prévoir que ce projet n'atteindra pas beaucoup sa vitesse de croisière avant un an. C'est le temps nécessaire à la mise en place des adhésions volontaires, de l'établissement des contacts avec les organisations des pays en voie de développement désireuses de créer cette sorte de lien et pour identifier les projets concrets à piloter. Un préalable demeure toutefois évident, tant pour la Centrale que pour ses affiliés, c'est l'investissement de base essentiel en ressources humaines pendant cette période de mise à jour de notre projet en coopération internationale. Une affiliation internationale; c'est le temps. L'histoire: un moyen pour bâtir. Historiquement, la CEQ a toujours vu ses relations internationales sous l'angle de la solidarité. C'est cette vision qui a amené notre centrale à établir de nombreux contacts bilatéraux et multilatéraux avec différentes organisations. En votant en 1982 la désaffiliation du Secrétariat professionnel international de l'enseignement (SPIE), le Congrès ne fermait pas toutes les portes à une possible affiliation internationale. Au contraire, le Congrès et le Conseil général nous mandataient pour explorer d'autres avenues et revenir avec des propositions concrètes. Tout en maintenant son entente de collaboration avec la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE), entente qui nous permet de rejoindre un certain nombre d'organisations, la CEQ, poursuivant ses objectifs de solidarité, est devenue depuis 1984 membre associé de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE). Pendant ce temps, nous avons aussi suivi avec intérêt l'évolution de la Confédération des éducateurs américains qui a tenu son treizième Congrès à Managua, en novembre 1985. Cette confédération régionale, sans affiliation internationale, vise à regrouper toutes les organisations du secteur de l'éducation des Amériques. La lecture de la déclaration de principe et l'examen des statuts de la Confédération des éducateurs américains (CEA) nous apparaissent rejoindre les grandes orientations de notre centrale et correspondre aux résolutions votées par le Congrès en 1982. C'est, selon nous, une excellente voie pour comprendre rapidement les problématiques communes et les réalités spécifiques à chaque pays du continent. Quand dans notre pays industrialisé nous subissons des reculs au niveau de nos conditions de travail et une diminution de la qualité du service public d'éducation, nous pouvons facilement imaginer ce qui arrive dans les autres pays du continent. La possibilité de pouvoir partager de façon organisée nos stratégies de lutte et nos volontés de corriger ces situations comporte un grand intérêt. De plus, l'affiliation de la CEQ à la CEA est un geste concret qui s'exprime dans le respect mutuel des organisations et démontre notre volonté de s'inscrire formellement dans l'axe Nord-Sud du continent américain. La paix: un objectif à atteindre. a) Une question qui nous interpelle toutes et tous. De plus en plus, la question de la paix et du désarmement est à l'ordre du jour des débats publics. Que ce soit le personnel politique, les éditorialistes ou journalistes, les représentantes ou représentants d'organismes syndicaux et populaires, la femme ou l'homme de la rue, tous et chacun semblent préoccupés par cette question. Nous ne pouvons rester muets devant cette course aux armements qui d'un côté constitue une menace à la sécurité et de l'autre côté nous impose des coûts effarants. En effet, personne ne peut demeurer insensible à la menace croissante qui pèse actuellement sur l'humanité. Une guerre nucléaire peut être déclenchée à tout moment, accidentellement ou volontairement. Les conséquences d'une telle guerre seraient désastreuses pour l'humanité. Certains avouent, dans une telle éventualité, qu'ils préféreraient mourir plutôt que de voir la catastrophe qui en découlerait. C'est pourquoi, un peu partout dans le monde, des millions de personnes ont manifesté et continuent à le faire contre la fabrication, le transport et l'entreposage d'armes nucléaires et d'autres armes aussi dangereuses. Ces millions de personnes revendiquent le droit de vivre dans un climat de paix et l'établissement d'une plus grande justice sociale et d'une meilleure coopération entre les peuples. Ces revendications rejoignent nos objectifs et les grandes orientations définies par nos différents Congrès. Nous rejetons aussi la maxime «Qui veut la paix prépare la guerre» pour adopter la suivante: «Qui veut la paix prépare la paix». C'est dans cette perspective que le mouvement syndical organisé a un grand défi à relever et que la CEQ faisant partie de ce mouvement, a aussi son rôle à jouer comme agent de conscientisation et de mobilisation. b) Nous ne partons pas à zéro. Le souci de la Centrale de l'enseignement du Québec de promouvoir des activités centrées sur la paix remonte déjà à quelque temps. En octobre 1983, elle distribuait à des milliers d'exemplaires, 24 000 plus précisément, un cahier pédagogique sur les Droits humains. Ce cahier se consacrait principalement aux droits humains dans le monde. En 1984, la CEQ s'est dotée d'une politique en matière de paix et désarmement, laquelle a été adoptée par son Conseil général, l'instance suprême entre les Congrès. Cette même année, elle proposait à ses adhérentes et adhérents un cahier contenant des activités pédagogiques à l'occasion de la semaine du désarmement sous le thème «Qui veut la paix prépare la paix». Des dossiers sur l'armement, la guerre nucléaire, la paix et le développement, la guerre et des solutions pacifiques ont été soumis à la réflexion des étudiantes et étudiants du primaire, du secondaire et du collégial. En 1985, dans son cahier pédagogique «La jeunesse: s'engager au-delà des mots» qui a d'ailleurs reçu un excellent accueil du ministère de l'Éducation du Québec, la CEQ consacrait des fiches au thème de la paix. c) Et ça continue. Dans le cadre de l'Année internationale de la paix, la CEQ a pris l'initiative de fabriquer un outil pédagogique dont seront dotés, dès l'automne 1986, l'ensemble des enseignantes et enseignants. ainsi que les autres personnels oeuvrant dans le réseau scolaire. Cet instrument veut permettre aux jeunes de faire une réflexion sur le thème de la paix. De plus, la Centrale et des affiliés auront certainement à s'associer à des manifestations de toutes sortes montées par des groupes pacifistes ou encore à prendre part aux travaux de conférences nationales ou internationales spécifiques à cette question. A mesure que chaque individu, chaque école, chaque commission scolaire, chaque village, chaque ville, chaque province, chaque pays, manifestera sa volonté de vivre en paix, plus nous favorisons son avènement. La paix est une question trop importante pour ne pas s'en occuper. Conclusion. Il est indéniable que nous profitons tous plus ou moins directement de l'exploitation du Tiers-Monde. Se le cacher serait essayer de camoufler une importante réalité. Ce n'est pas parce que nous refuserions de le voir que le phénomène n'existerait pas. Nous avons la responsabilité et le devoir d'agir. Heureusement aussi, nous avons la possibilité de le faire sur nos propres bases et sans nous appauvrir. Certains diront qu'au lieu de s'occuper des gens dans le besoin des pays en voie de développement, nous ferions mieux de nous occuper des plus démunis d'ici. Certes, cette intention est louable en elle-même, mais pourquoi une action empêcherait-elle l'autre? D'ailleurs, ce sont souvent ceux qui s'occupent des plus démunis de leur propre pays qui sont les plus ouverts à la solidarité internationale. Poser un geste de coopération et de solidarité internationales ou en faveur de la paix, n'est-ce pas reconnaître implicitement que nous sommes aussi citoyens du monde, n'est-ce pas tout simplement prolonger sur un terrain plus large l'action de renforcement de la démocratie que nous menons à l'intérieur de nos propres frontières? Recommandations. Prenant note. ¨ que notre action syndicale s'inscrit dans le contexte d'une concertation internationale de plus en plus évidente, Réaffirmant. - que les relations, la coopération et la solidarité internationales ainsi que la lutte pour la paix font partie intégrante de notre mandat syndical, Considérant. - la nécessité de consolider l'apport de la CEQ et de ses affiliés au niveau international, Nous recommandons. 34- Fonds de solidarité. Que le Congrès reconduise pour les quatre prochaines années, à compter du prochain exercice financier, la formule originale du Fonds de solidarité. 35- Cotisation volontaire. Que le Congrès vote le principe d'une cotisation spéciale volontaire annuelle de 0,50 $ par paye par membre à être versée dans un poste budgétaire protégé et répartie également entre la Centrale et les affiliés dans le but exclusif de mener des actions de relations et de coopération internationales. 36- Affiliation à la CEA. Que le Congrès décide du principe de l'affiliation de la CEQ à la Confédération des éducateurs des Amériques (CEA) selon des modalités a être entérinées par le Conseil général. 37- La paix. Que le Congrès appuie l'initiative de la CEQ à l'effet de souligner l'année internationale de la paix, par la production d'un cahier pédagogique et par la célébration, le 24 octobre prochain, d'une journée de la paix dans les écoles et CEGEP. C- La relance de l'action syndicale unitaire. Au cours des dernières années, nous avons pu observer, dans toutes les composantes du mouvement syndical québécois, un refroidissement des relations inter-centrales et intersyndicales et un affaiblissement de l'unité d'action intersyndicale et inter-centrales au Québec. Cette évolution est. dans une certaine mesure, le résultat: - d'une concurrence accrue entre les organisations syndicales pour le leadership au plan de l'influence syndicale, sociale et politique. - de divergences fondées sur des lectures différentes de la conjoncture et de certaines mesures gouvernementales. - des contradictions internes émergeant dans chaque organisation sous l'effet de la mutation profonde de l'économie et du travail. - d'élargissements réels des champs de juridiction de certaines organisations syndicales ou de la seule tenue de débats sur l'élargissement du champ de juridiction de notre propre centrale. - de réorganisations administratives et restructuration de services publics qui génèrent une concurrence réelle entre les organisations syndicales pour la représentation des mêmes groupes de salariés, suscitent des appréhensions d'accroissement de cette concurrence et provoquent des bouleversements dans la carte syndicale de plusieurs secteurs. Malgré cette conjoncture syndicale difficile, l'action unitaire intersyndicale et inter-centrales a connu ses meilleurs moments dans la période qui a précédé l'adoption du projet de loi 37. La menace que constituait le projet gouvernemental de réforme du régime de négociation des secteurs public et para-public a permis de rassembler les centrales syndicales québécoises et la vaste majorité des organisations syndicales indépendantes des secteurs public et para-public dans une large coalition syndicale (la Coalition pour le droit de négocier). Au sein de cette coalition, toutes ces organisations ont réussi à s'entendre sur la nécessité de s'opposer au projet gouvernemental, sur une proposition syndicale alternative, sur une campagne commune auprès de la population, sur une campagne de sensibilisation et de mobilisation des salariées et salariés qu'elles représentaient et sur les relations à établir entre elles et le gouvernement en regard de ce projet gouvernemental. Cette coalition a réalisé les opérations prévues. La mobilisation des salariées et salariés a atteint un développement inégal à l'intérieur des organisation membres. La coalition n'a toutefois pas réussi à faire échec au projet gouvernemental et, malgré la volonté de certaines organisations de maintenir cette coalition pour la contestation politique et juridique de la Loi 37, elle a été dissoute, notamment parce que sa structure et son fonctionnement n'étaient plus adaptés à la période de négociation et parce que certaines organisations, la CSN en particulier, ne croyaient pas opportun d'élargir aux organisations syndicales indépendantes le cercle habituel de l'unité inter-centrales pendant la négociation des secteurs public et para-public. Des relations inter centrales et une certaine unité formelle d'action inter-centrales ont été maintenues par les travaux de l'IRAT (Institut de recherche appliquée sur le travail), de CISO (Centre international de solidarité ouvrière) - bien que la FTQ refuse toujours d'adhérer à CISO -, et de l'ICEA (Institut canadien d'éducation des adultes). Des relations inter-centrales et intersyndicales, de niveau et d'intensité variables, ont aussi été établies à l'occasion de la constitution et des activités subséquentes de diverses coalitions. Des relations inter-centrales ont en outre été développées à l'occasion des travaux du CCTM et des conférences socio-économiques auxquelles nous avons participé. Mais ces relations n'ont été généralement que marginales en regard des enjeux majeurs (emploi, syndicalisation) auxquels le mouvement syndical est confronté. Les diverses composantes du mouvement syndical ont continué à procéder à des analyses séparées - forcément partielles - de la conjoncture politique, économique, sociale et syndicale et à élaborer séparément les lignes de force des mémoires. Il nous est arrivé, à plusieurs reprises, de constater que l'angle d'attaque des problèmes différait mais que, sur le fond, les interventions des centrales convergeaient et auraient gagné à être unifiées. Ce jugement pourrait probablement être étendu aux organisations syndicales indépendantes. Les nuances et les différences entre les positions des organisations syndicales ont réduit la portée et la force politiques du message principal Au moment même où l'offensive des entreprises et du patronat pour la transformation du rôle de l'État colore tous les débats sociaux, économiques et politiques, au moment même où l'absence d'une opposition sociale importante et unifiée est nettement et largement ressentie, ne vaudrait-il pas la peine de relancer l'unité d'action intersyndicale et inter-centrales même si chaque organisation pouvait perdre, de ce fait, une partie de sa visibilité distincte et devait renoncer à la mise en relief des différences dans son approche et ses conclusions? Sur le droit au travail et une stratégie de plein emploi, faut-il véhiculer autant de positions nuancées qu'il y a d'organisations syndicales plutôt que de rechercher une position commune? Sur la revendication d'une législation plus favorable à la syndicalisation dans tous les secteurs et au renforcement des droits syndicaux, ne serait il pas préférable de parvenir à une position unique pour l'ensemble des composantes du mouvement syndical? N'y a-t-il pas de meilleures chances de contrer le discours patronal avec une démarche unifiée du mouvement syndical québécois qu'à coups de représentations différenciées où le patronat et le gouvernement peuvent exploiter les divergences? N'y a-t-il pas de meilleures chances de réaliser une mobilisation large et significative à partir d'une position commune du mouvement syndical québécois? A notre avis, l'heure de l'unité a sonné. Un mouvement syndical ayant retrouvé le goût et la volonté de l'unité serait plus susceptible de réussir les larges mobilisations sociales nécessaires pour contrer le nouvel ordre économique en devenir et éviter l'assujettissement de l'ensemble des besoins et droits sociaux aux seuls objectifs de la meilleure rentabilité pour l'entreprise privée et ses actionnaires. De telles mobilisations sont maintenant devenues particulièrement essentielles: - pour faire reconnaître les droits sociaux et collectifs accompagnés de dispositions juridiques les rendant véritablement accessibles; - pour obtenir une réforme des lois du travail, favorable à l'accès à la syndicalisation dans tous les secteurs et au renforcement des droits syndicaux; - pour garantir le maintien et le développement des acquis démocratiques que sont nos services publics et nos politiques sociales; - pour forcer des choix de société orientés vers la réalisation du plein emploi et la reconnaissance effective du droit au travail. Certes, en associant les membres des affilies à l'élaboration des orientations syndicales, en votant des orientations dans les instances syndicales, en les diffusant largement et en les défendant sur toutes les tribunes qui nous sont ouvertes, nous pouvons influencer les décisions politiques dans une certaine mesure. Mais, au moment même où nos fragiles acquis au plan de la démocratie sociale sont menacés, il faudra davantage pour faire un pas déterminant dans le sens d'une démocratisation économique. Tel est bien l'enjeu principal: l'extension de la démocratie jusqu'à permettre une emprise populaire réelle sur les choix de société, incluant les stratégies économiques. C'est le seul contrepoids efficace à la restructuration du capital à l'échelle supranationale et c'est probablement le premier lieu de convergence de l'ensemble des travailleuses et travailleurs d'ici. Par ailleurs, il faut considérer que l'unité d'action du mouvement syndical québécois devrait permettre une certaine mise en commun des moyens et ressources et, par conséquent, dégager une plus grande capacité d'anticipation des transformations en cours et de meilleures interventions syndicales. Recommandations. Prenant note. - des enjeux que constituent pour le mouvement syndical l'emploi et le développement de la syndicalisation, l'offensive patronale en cours contre les droits syndicaux et les acquis découlant d'une certaine démocratisation sociale, - des blocages sociaux générés par la concurrence entre les diverses composantes du mouvement syndical québécois, Réaffirmant. - la volonté de la CEQ de poursuivre la recherche de l'unité d'action entre les centrales, les syndicats indépendants et les organisations populaires qui poursuivent les mêmes objectifs (Congrès de 1982), Considérant. - l'impact négatif de la concurrence intersyndicale et inter centrales sur l'élargissement de la syndicalisation, - l'urgente nécessité de larges mobilisations sociales pour concrétiser les orientations auxquelles nous adhérons. Nous recommandons. 38- Solidarité intersyndicale. Que le Congrès affirme la nécessité d'une relance importante de l'action unitaire intersyndicale et inter-centrales au Québec, 39- Unité d'action. Que la CEQ et ses affiliés profitent de toutes les occasions pour promouvoir, tant dans leurs propres rangs qu'à l'extérieur, la nécessité d'une large unité d'action intersyndicale et inter-centrales comme moteur des larges mobilisations sociales pour faire contrepoids aux pressions du patronat sur les gouvernements. 40- Mise en commun. Que la CEQ prenne l'initiative de proposer aux autres composantes du mouvement syndical québécois des rencontres périodiques de niveau politique pour procéder à un échange d'informations permettant une lecture commune de l'évolution de la conjoncture, pour identifier les priorités communes et pour prévoir, le cas échéant, une mise en commun des ressources syndicales disponibles et appropriées. 41- Démarches communes. Que la CEQ propose aux autres composantes du mouvement syndical québécois des démarches communes sur: - le droit au travail et le plein emploi; - le droit du travail; - la syndicalisation des travailleuses et travailleurs non-syndiqués; - le maintien et le développement des services publics et la protection des acquis au plan de l'accessibilité pour toutes et tous à ces services sans frais direct aux usagères et usagers et sans imposition fiscal sélective; - la déréglementation; - la privatisation; - le libre-échange; - les droits et libertés fondamentales, incluant les droits sociaux et collectifs; - les négociations dans les secteurs public et para-public dans le cadre des mandats définis et réévalués par les instances appropriées; - le soutien aux luttes syndicales majeures; - la question linguistique; - le mode de scrutin; - la déconfessionnalisation des structures scolaires québécoises; - toute autre question d'intérêt commun. 42- Intersyndicale des femmes. Que nos rapports avec les groupes de femmes du mouvement syndical (Intersyndicale) de même qu'avec l'ensemble du mouvement féministe soient intensifiés et consolidés. 43- Pacte de non-maraudage. Que la CEQ prenne l'initiative de proposer aux autres centrales syndicales québécoises la relance de discussions en vue de la conclusion d'un pacte de non-maraudage des travailleuses et travailleurs syndiqués appartenant à l'une ou l'autre centrale, dans la perspective d'accroître les possibilités de syndicalisation des travailleuses et travailleurs. D - La dimension politique de notre action syndicale. A toutes les époques de notre histoire syndicale, de Laure Gaudreault jusqu'à maintenant, la CEQ, même sur le terrain de la promotion et de la défense des conditions de travail et des droits syndicaux des membres de ses affiliés, a dû affronter à plusieurs reprises le pouvoir politique. La persistance et le durcissement progressif de ces affrontements de même que la conscience que les intérêts de ses membres ne pouvaient tous être défendus par la seule négociation collective, nous ont progressivement amenés à élargir nos analyses et à rechercher le développement de nouvelles solidarités, solidarité avec les autres composantes du mouvement syndical québécois et solidarité sociale plus large s'étendant aussi aux organisations populaires et communautaires. Parallèlement, la Centrale a été amenée à développer des politiques dans bon nombre de secteurs où les intérêts de ses adhérentes et adhérents étaient en cause. Progressivement, les instances de la Centrale ont voulu marquer les nouvelles politiques en élaboration de leur volonté de promouvoir des orientations et des mesures qui servent les intérêts de l'ensemble des travailleuses et travailleurs. Cette évolution progressive, plus marquée à compter de 1970, a fait de la CEQ une organisation syndicale porteuse d'un message social, économique et politique large, dense et pertinent. Par notre action collective et nos diverses représentations, nous diffusons ce message, nous le faisons partager par divers groupes, nous le nourrissons aussi des analyses réalisées et des propositions élaborées par les organisations syndicales, populaires et communautaires avec lesquelles nous collaborons. Nous le défendons, seuls ou avec d'autres, à toutes les tribunes qui nous sont ouvertes et devant les Parlements et les comités et commissions parlementaires. mais, une fois ce parcours terminé, malgré même une mobilisation substantielle, notre discours ne franchit pas facilement les portes de lieux de décision politique en l'absence d'une voix politique défendant un projet de société correspondant à nos aspirations, à celles de l'ensemble du mouvement syndical et des organisations populaires et communautaires. Entre 1970 et 1976, avant que le Parti québécois ne fasse des choix d'orientations entre celles des diverses factions qui le composaient et qu'il ne conduise à terme sa mutation de parti indépendantiste et social-démocrate en parti nationaliste et néo-libéral sous l'effet, notamment, de la domination de sa direction sur sa base militante, l'opposition parlementaire péquiste reflétait une bonne partie des aspirations populaires. Le mouvement syndical et les organisations populaires et communautaires progressistes ont donc pu. durant cette période bénéficier d'une forme de relais parlementaire à leurs revendications. Cette voix parlementaire permettait de prolonger le discours progressiste - malgré les ambiguïtés péquistes de l'époque - au sein de l'Assemblée nationale. En même temps, il amplifiait et renforçait le discours de l'opposition sociale québécoise. Une analyse sommaire de la période correspondante de notre histoire révélerait sûrement une augmentation significative du militantisme syndical. Il ne serait pas étonnant que le même phénomène ait été enregistré dans les organisations syndicales et les organisations populaires et communautaires. Ce qui ne doit cependant pas nous amener à conclure que la position politique du PQ d'alors soit la cause de cette effervescence sociale . Notre cheminement interne. Depuis 1968, nos Congrès ont progressivement ouvert le secteur socio-politique comme large champ légitime d'intervention de la CEQ. En 1968, le Congrès détermine que l'action politique de la CEQ doit être centrée sur «la contestation des structures sociales, économiques et politiques», sur la constitution de «comités d'éducation et d'action politique " et sur l'action politique au niveau local et précise que la CEQ ne doit être affiliée à aucun parti politique et doit écarter l'action politique partisane. En 1969, le Congrès demande une plus grande implication de la CEQ dans les débats sociaux, économiques et politiques du Québec, invite «les enseignants» à s'engager davantage dans l'action sociale, réitère le besoin de comités d'éducation et d'action politique à tous les niveaux. Le Congrès de 1970 «affirme que la préoccupation socio-politique doit être composante de l'orientation de la CEQ», qu'elle doit «servir prioritairement les secteurs défavorisés et sans voix de notre société» et «à l'édification d'une société québécoise orientée dans le sens des besoins prioritaires de l'ensemble des citoyens et qui soit le reflet des aspirations de paix, de justice et de liberté du peuple québécois». Le Congrès de 1971 inscrit cette préoccupation dans le cadre «des besoins, des intérêts et des aspirations du peuple québécois ainsi que des solidarités naturelles qui nous situent au coeur du mouvement ouvrier québécois», tout en insistant sur le développement de la conscience politique des adhérentes et adhérents et sur le besoin d'une participation constante des affiliés au développement des politiques et du discours de la Centrale. Le Congrès de 1972 insiste de nouveau sur l'élargissement des solidarités et sur la priorité à donner «à l'organisation politique par les travailleurs dans leur milieu». Il demande que la CEQ dénonce «les vices du système» et resitue «ses combats dans le cadre d'une stratégie de plus en plus politique. De plus, il exige que la CEQ «conserve sa pleine indépendance vis-à-vis tous les partis politiques» et «rejette, pour le moment, la participation à la formation d'un nouveau parti politique». Il ordonne aussi que la CEQ ne donne son appui à aucun parti politique sans le consentement de la majorité des membres. Le Congrès de 1973 demande «l'élaboration d'un programme social et politique visant la libération des travailleurs» avec «la participation intensive des travailleurs de chaque région, syndiqués ou non, des chômeurs, des assistés sociaux et des groupes populaires». Ce même Congres précise que ce programme ne doit pas pour l'instant nous inscrire dans la formation d'un parti politique. Le Congrès de 1974 demande de poursuivre «le débat sur le projet de société que nous avons entre pris de définir». Le Congrès de 1980 autorise la publication d'une analyse syndicale des enjeux en présence» à l'occasion d'élection et à en dégager une orientation sans «appuyer d'aucune façon aucun des partis politiques existants» et engage la CEQ à lutter «pour une réelle démocratisation, économique, sociale, culturelle et politique de la société québécoise». Le Congrès de 1982 reconnaît «que, sans nous définir en fonction d'un système, notre action syndicale vise l'obtention de réformes sociales, économiques et politiques ainsi que la transformation des rapports sociaux dans le sens des intérêts des travailleurs», et «que les intérêts des membres affiliés sont liés aux intérêts des autres travailleurs» et réaffirme que la CEQ doit conserver sa totale indépendance face à l'État et à toute formation politique. L'évolution de notre attitude à l'égard des élections. Dès les années soixante, la CEQ amorce une implication directe de sa part dans le cadre du débat électoral québécois. Elle prend alors la forme de l'expédition d'un questionnaire aux formations politiques engagées dans l'élection portant sur les priorités syndicales et professionnelles de l'époque et de la publication d'un document, publicisé et largement diffusé auprès des adhérentes et adhérents, présentant en parallèle les réponses des partis politiques. Au milieu des années soixante-dix, les interventions de la CEQ à l'occasion des élections québécoises comportent un bilan critique du gouvernement qui sollicite un renouvellement de mandat et des principaux partis en lice, bilan diffusé tant à l'externe qu'à l'interne. Au cours de la même période, à l'occasion des élections fédérales, la CEQ a adopté une attitude semblable, quoique avec une intensité moindre. A l'automne 1985, la CEQ tient un Conseil général spécial sur les élections québécoises, produit un document qui analyse les programmes et discours de quatre formations politiques - préalablement identifiées par le Conseil général - à la lumière de ses propres politiques et conclut que, face à deux courants politiques principaux, un courant progressiste minoritaire et un courant largement inspiré des valeurs néo-libérales et néo-conservatrices, la CEQ se devait de nourrir, sur sa propre base, le courant progressiste et d'inviter ses adhérentes et adhérents à considérer avec attention les formations politiques qui défendaient des orientations plus compatibles avec celles de la Centrale. L'évolution de notre rapport au politique. A l'examen des décisions des Congrès de la CEQ à l'égard du champ d'intervention socio-politique, on peut constater une évolution progressive vers un engagement socio-politique à la fois plus large et plus signifiant, et une constante prudence à l'égard des formations politiques alors existantes de même qu'une nette volonté de préserver l'indépendance de l'organisation syndicale dans ses rapports avec les formations politiques. Par ailleurs, l'évolution de notre implication pendant les élections générales témoigne de l'élargissement de nos préoccupations et de l'approfondissement de nos analyses, qui peuvent autoriser au moins de départager, parmi les discours politiques des partis, ceux qui sont compatibles avec les orientations de la Centrale et ceux qui s'inspirent de valeurs toutes différentes. De plus le Conseil général, dans le souci de favoriser l'émergence de formations politiques progressistes et une meilleure représentation des courants politiques à l'Assemblée nationale, a endossé un projet de réforme du mode de scrutin que la Centrale a fait valoir dans le dernier débat public sur cette question. Au moment d'interroger le Congrès sur l'opportunité de poursuivre et d'élargir le débat sur le rapport à établir entre notre action syndicale et l'action politique, il convient cependant d'examiner davantage les contraintes qui sont nôtres. Les contraintes. Notre organisation syndicale représente l'ensemble des salariées et salariés couverts par les accréditations détenues par ses affiliés, indépendamment de leurs orientations politiques. Le mouvement syndical québécois est divisé en plusieurs organisations qui, à bien des égards, sont concurrentes. La gauche politique québécoise organisée est, elle aussi, divisée. Notre organisation doit négocier l'essentiel des conditions de travail de la vaste majorité de ses adhérentes et adhérents avec le gouvernement québécois, quel qu'il soit. Enfin, la loi électorale québécoise interdit, notamment, le financement d'un parti politique par une organisation syndicale. Tous ces facteurs commandent une attitude responsable: respect des adhérentes et adhérents, prise en compte de la conjoncture, et préservation de la capacité d'influence de l'organisation syndicale. Les questions majeures. Les décisions des Congrès et du Conseil général autorisent la Centrale à intervenir sur toute question sociale, économique et politique pour la promotion et la défense des droits de ses adhérentes et adhérents et de ceux de l'ensemble des travailleuses et travailleurs québécois. Ne serait-ce pas que le prolongement normal de ce mandat que de pouvoir intervenir dans le débat public au moment où l'ensemble de ces intérêts sont en jeu en même temps? Ne serait-il pas important que notre analyse collective des enjeux soit transmise aux membres? De même que les conclusions qui s'en dégagent? Est-il possible de préserver l'indépendance de notre organisation syndicale même en n'adoptant pas une attitude de neutralité à l'égard des organisations politiques? A quelles conditions? Le cas échéant, l'appui public à une organisation politique véhiculant des orientations très semblables aux nôtres peut-il être admissible? A quelles conditions? Quel rôle une organisation syndicale comme la nôtre peut-elle ou doit-elle jouer dans l'unification de la gauche politique québécoise? Voilà, au moment où l'absence d'une substantielle opposition politique progressiste se fait douloureusement sentir à Québec et à Ottawa, autant de questions qu'il convient de débattre largement au sein de notre organisation à la lumière de notre propre expérience et des expériences d'autres organisations syndicales. Recommandations. Prenant note. - de notre propre évolution à l'égard de l'action politique syndicale de même que de l'insuffisante utilisation de notre poids collectif au plan politique, Réaffirmant. - que la CEQ doit défendre les intérêts collectifs des salariées et salariés qu'elle représente de même que ceux de l'ensemble des travailleuses et travailleurs québécois, Considérant. - la nécessité d'une voix politique porteuse d'un projet de société répondant aux aspirations du mouvement syndical et des organisations populaires et communautaires, Nous recommandons. 44- Notre action au plan politique. Que la CEQ organise, en préparation de son prochain Congrès régulier, une démarche de réflexion collective, à laquelle les membres des affiliés seraient associés. Cette démarche prendrait en compte notre expérience et les expériences vécues par d'autres organisations syndicales et viserait à marquer une étape additionnelle au plan de notre engagement à l'égard de l'émergence d'une voix politique porteuse d'un projet de société correspondant à nos orientations. Proposition six. Une centrale, lieu de services collectifs. Il est bon de se rappeler que longtemps le mandat syndical a été réduit, tant à l'interne qu'à l'externe, à la négociation des conditions de travail et à leur application. Cependant, depuis le début des années soixante dix, l'impact sociétal de l'intervention syndicale fait partie intégrante du discours de la CEQ. Ainsi, la lutte pour un salaire minimum dans le secteur public est présentée comme le levier du relèvement de celui du secteur privé. Tout en préservant ce modèle d'intervention, il nous apparaît de plus en plus souhaitable d'y intégrer d'autres moyens de promotion des intérêts économiques de nos membres, particulièrement en cette période où la négociation apporte difficilement une croissance satisfaisante du niveau des revenus. Le développement des services collectifs: facteur de changement social. Le développement d'un service d'achats collectifs se présenterait donc comme un complément à la mission de base de l'organisation qu'est la négociation de conditions de travail. Les entreprises et plusieurs institutions québécoises n'ont pas hésité à se doter de moyens susceptibles de réduire leurs coûts d'achat de certains biens. Alors que ces dernières ne recherchent presque exclusivement qu'un avantage financier, nous croyons que nous pourrions y ajouter la dimension du changement social. Un bref retour en arrière nous permet de se souvenir qu'à la fin des années soixante, la CEQ et plusieurs de ses syndicats affiliés ont contribué à la naissance d'une trentaine de caisses d'économie. De plus, quelques syndicats ont participé à l'implantation de coopératives alimentaires dans leur milieu. Après avoir procédé, dans les années soixante dix, à la mise en oeuvre de régimes collectifs d'assurances de personnes, la CEQ, au cours de l'année 1985-1986, décidait de s'impliquer dans le secteur de l'assurance IARD ainsi qu'au niveau du tourisme social. Le tourisme social. Ce dernier projet vise à permettre l'établissement d'échanges directs entre les personnels oeuvrant notamment dans le secteur de l'éducation en France et ceux exerçant la même profession au Québec. Cet objectif correspond aussi aux intérêts des retraitées et retraités de l'enseignement ainsi qu'aux différentes clientèles desservies par les travailleuses et travailleurs de l'enseignement. Il s'agit de mettre sur pied des programmes touristiques souples qui, tout en permettant des échanges socio-culturels ou sportifs entre collègues, laissent place au repos, à la détente et à la découverte, et cela, à des prix très abordables, en deçà du marché. A cette fin, le Bureau national a entrepris des discussions avec les éventuels partenaires français en vue d'élaborer un protocole d'entente et des projets concrets dans le secteur du tourisme social afin que nous puissions avoir accès aux installations touristiques que possèdent ces partenaires qui sont liés à la Fédération de l'éducation nationale (FEN). Bien que le Conseil général de février 1986 ait entériné un projet de protocole d'entente et que les partenaires français se soient montrés très intéressés par la formule et disposés à collaborer avec nous en ce sens, il a été techniquement impossible de produire en temps opportun des propositions concrètes pour l'année en cours. Pour les mêmes raisons, nous n'avons pu structurer un projet d'accueil mettant à contribution le personnel des établissements de loisir (FPEL-CEQ), ce qui correspondait à une volonté de nos partenaires français. A notre sens, ce projet aurait grand intérêt à être remis en route aussitôt que possible. RésAut CEQ. Relativement au régime collectif en assurance IARD, il est utile de signaler qu'une étude de marché démontrait un fort intérêt chez nos membres à ce que la Centrale s'implique dans ce domaine. De plus, plusieurs voulaient un effet d'entraînement pour les autres groupes, de même qu'une pression en faveur du consommateur sur les autres compagnies d'assurance. A cela est venu s'ajouter un renforcement du sentiment d'appartenance à l'organisation. Après quelques mois d'existence, il est intéressant de mentionner qu'environ, 0 % des membres qui ont demandé une soumission ont adhéré à RésAut CEQ. Ainsi, quelque 3 000 polices ont été émises à ce jour. De plus, la réaction du marché s'est avérée particulièrement «stimulante». En effet, notre régime a subi des attaques de plusieurs compagnies d'assurance. Certaines ont diminué leurs primes pour conserver leur clientèle; d'autres ont donné des marges de manoeuvre aux courtiers pour contrer notre produit. Bref, RésAut CEQ a «dérangé» passablement la «libre entreprise» en assurances au cours des quatre derniers mois. Il nous faudra cependant poursuivre la sensibilisation des membres aux avantages de notre régime à moyen et à long terme pour contrer les assauts permanents de nos concurrents. Ce qui se fait ailleurs. Avant d'aborder la question de la poursuite du développement des services collectifs, il nous a semblé intéressant de jeter un regard sur ce qui se faisait ailleurs. Ainsi avons nous pu observer qu'en France, autour de la Fédération de l'éducation nationale (FEN), a pris forme tout un réseau d'organisations de «construction sociale». En effet, quelque soixante trois (63) oeuvres mutualistes et coopératives se préoccupent de questions aussi variées que l'assurance-automobile, les assurances de personnes, l'épargne-retraite, l'épargne et le crédit, les produits de consommation, l'activité sportive et culturelle, le tourisme, l'éducation populaire, etc. ... et chez nous. Par ailleurs, chez nous, bon nombre de syndicats se sont donné divers services reliés à la consommation; les secteurs touchés allant du livre au meuble, en passant par l'huile à chauffage et l'informatique. Si nous décidions que la Centrale doive aller de l'avant dans le domaine des achats collectifs. il nous faudrait donc prendre en compte cette réalité, tout en accordant une attention particulière au modèle de fonctionnement à retenir, compte tenu de la dispersion géographique de notre membership des problèmes d'accessibilité et des modalités de financement. Il serait particulièrement important de prévoir une structure qui permette un service de qualité tout en minimisant les coûts d'opération. Secteurs à privilégier. Quant aux secteurs de développement à privilégier dans le domaine de la consommation, nous croyons qu'il faudrait accorder la priorité aux éléments suivants: - impact significatif sur le budget personnel de nos membres; - réponse à des besoins de consommation exprimés par nos membres; - effet d'entraînement sur le reste du marché favorable à d'autres consommateurs québécois. Pour ce qui est du tourisme social, comme nous avons pu vérifier les intérêts et la volonté de nos vis-à-vis en France, nous pouvons indiquer que ce service peut être rendu disponible pour nos affiliés et les clientèles qu'ils desservent. Ainsi, nous pourrions, à partir de quelques expériences même modestes, vérifier l'intérêt de nos membres, découvrir de nouveaux besoins et franchir la deuxième étape en offrant, par l'intermédiaire des syndicats, des propositions concrètes. Le cadre politique. Le moment est donc venu, croyons-nous, pour notre Congrès de s'approprier la question du développement des services collectifs en déterminant dans quel cadre politique tel développement doit s'exercer. Nous sommes d'avis que notre engagement dans un secteur donné doit d'abord comporter une dimension sociale importante. Il doit s'appuyer sur une approche collective à l'égard de la consommation et respectueuse des orientations sociales que l'on se donne. En deuxième lieu, il faut que l'engagement de la Centrale dans le développement d'un nouveau service permette aux membres d'y trouver un avantage économique personnel; tel avantage devant être perçu comme le résultat de l'action collective. Enfin, tout développement des services collectifs doit comprendre la mission de faire progresser le sentiment d'appartenance de nos membres à leur organisation. Ainsi encadré, le développement des services collectifs pourra se faire en pleine conformité avec l'un des objectifs de notre Centrale, à savoir la promotion des intérêts économiques et sociaux de nos membres. Recommandations. Prenant note. - que chaque outil collectif que nous nous donnons augmente notre influence aux plans social et économique, Réaffirmant. - que notre organisation a toujours été attentive au développement de services collectifs qui correspondent aux besoins des membres, notamment dans le domaine de la sécurité sociale, Considérant. - L'intérêt manifesté par bon nombre de membres de nos syndicats affiliés à l'endroit de nos initiatives récentes en assurance IARD et en tourisme social; - que l'intervention de la Centrale dans le marché des biens de consommation, par le biais d'un instrument à caractère coopératif, constituerait l'expression de notre volonté d'assumer concrètement notre mission démocratique, Nous recommandons. Services collectifs. a)Que la CEQ poursuive le développement de services collectifs sur la base des critères suivants: - impact social significatif; - avantages économiques pour les membres; - promotion de la force collective et du sentiment d'appartenance à la CEQ. b) Que la CEQ soit autorisée à mener les études nécessaires en vue de la mise sur pied d'un organisme à caractère coopératif d'achats collectifs qui privilégierait d'abord le secteur des biens de consommation correspondant aux besoins de nos membres. c) Que tout projet d'intervention de la CEQ dans le domaine de la consommation comporte un effet d'entraînement positif évident pour l'ensemble des consommatrices et consommateurs québécois. d) Que le Congrès se montre favorable à la poursuite des travaux. pour la mise en oeuvre d'un service CEQ en tourisme social. Proposition sept. Une centrale, lieu de militance. La démocratie, ce n'est pas seulement un système particulier de règles et de mécanismes destinés à organiser l'exercice du pouvoir dans une société. La démocratie est essentiellement une aventure humaine toujours à recommencer. C'est un défi historique: un combat incessant pour faire reculer les frontières et les limites de la liberté et de l'égalité. Elle est le produit de l'action revendicative, critique et contestataire des mouvements sociaux, dont principalement le mouvement syndical, à l'oeuvre dans les pays occidentaux depuis deux siècles. Sans mouvements sociaux, il n'y a pas de démocratie véritable. Et sans militantes et militants, il n'y a pas de mouvements sociaux véritables, ni évidemment de syndicalisme véritable. La culture militante, c'est le sens du collectif et de l'intérêt général, fondement même du civisme et de la démocratie. Cette culture militante, pierre angulaire de notre organisation, doit faire l'objet de nos préoccupations constantes. Vivre démocratiquement au sein de la CEQ, c'est accepter de vivre ensemble et de se transformer. C'est accepter de faire place aux forces internes nouvelles. C'est concevoir notre centrale comme ouverte et flexible, capable de s'interroger sur elle-même, de se questionner en permanence et de se remettre en cause constamment. C'est, pour prendre un cas concret que nous allons aborder dans les pages qui viennent, accepter de revoir nos structures profondes, nos formes d'organisation, nos règles du jeu, nos valeurs et nos orientations fondamentales pour reconnaître aux femmes le droit de prendre réellement la place qui leur revient dans notre organisation. C'est aussi mettre à profit la force montante qu'elles représentent pour étendre, élargir et approfondir le champ des droits individuels et collectifs dans notre société. A - La dimension militantisme. L'enquête menée en 1984 sur la participation et le militantisme nous a tracé un portrait assez clair des conditions objectives à changer pour favoriser une plus grande participation de nos membres. Plusieurs pistes de solution ont été élaborées en collaboration avec le réseau des femmes, des syndicats locaux et des regroupements sectoriels. Lés changements à apporter passent par l'inventaire de nouvelles méthodes de travail, l'ajustement des horaires pour tenir compte des responsabilités parentales et des conditions de vie normales, l'ajustement de nos moyens de communication, la présentation de nos dossiers, la présence en plus grand nombre et plus active des femmes. Il nous semble, comme en fera état le rapport d'activités, que nous avons amorcé le travail dans le bon sens et que l'objectif à moyen terme visé par plusieurs de ces résolutions du Congrès de 1984 est en bonne voie de réalisation. Mais nous avons aussi constaté au cours des deux dernières années que le nombre de militantes et de militants n'est pas en progression. Nous nous sommes interrogés sur le sens du militantisme, les caractéristiques particulières à son exercice en milieu syndical, sur l'apport de l'éducation syndicale et nous avons cherché des terrains concrets d'intérêt pour nos militantes et nos militants. Qu'est-ce que militer? Pour une travailleuse ou un travailleur salarié qui s'engage dans l'action syndicale. il y a bien des façons de militer, et aussi bien des façons de devenir militante ou militant syndical. Pour commencer, beaucoup de choses dépendent du milieu concret où chacun se trouve. La «conscience syndicale» est tout le contraire d'une conscience abstraite: elle ne se développe qu'à partir de la conscience d'appartenance à des groupes concrets et commence souvent en se manifestant sous la forme d'une simple identification professionnelle. Les conditions professionnelles et techniques de son travail fournissent presque naturellement le cadre dans lequel le militant syndical va s'exprimer. D'où le caractère souvent «catégoriel», voire corporatif de son activité. Très souvent, cependant, à travers ses propres problèmes, ce sont ceux des autres qu'il découvre. Il devient par la suite conscient du cadre général où son action s'inscrit. Et c'est ainsi qu'il prend en charge une action sociale continue que d'autres ne peuvent, ne savent ou ne veulent pas assumer. Pour des raisons précises. Les motivations qui poussent les individus à s'engager dans la voie de la militance peuvent aller depuis une prise de conscience pratique des nécessités de la défense des conditions de travail ou des conditions d'exercice du métier, en telle ou telle occasion, jusqu'à une détermination proprement politique portant sur le pouvoir et son exercice dans notre société. Tout au long du parcours syndical d'un individu, les motivations initiales peuvent évoluer et ce, dans les deux sens. Aller du plus particulier vers le plus large, et c'est ce que l'éducation syndicale tente principalement de provoquer, ou bien aller du plus large vers le plus particulier dans un mouvement de retour sur la profession, le plus souvent dans des moments difficiles. Les motivations peuvent aussi vaciller entre les deux pôles, entre les solidarités étroites et les plus larges, sous l'impact des événements et le retournement des situations. Cette notion d'identification professionnelle est centrale à notre syndicalisme et elle est renforcée par le système de relations de travail: les structures de la négociation et des conventions collectives se sont en effet construites elles-mêmes à partir de l'identité professionnelle, dans le sillage tracé par le mouvement ouvrier. La dynamique de notre syndicalisme est construite sur des communautés de militantes et de militants mobilisés, là où ils se trouvent et à partir de la condition objective qui est la leur, par la contestation du pouvoir en place et par une autre conception du rapport au travail. L'identité professionnelle est d'abord le support de l'intégration sociale de la communauté de travail. Dans la mesure où elle rejoint une certaine forme de «conscience syndicale» large, l'identité professionnelle est le fondement culturel de notre action collective et il ne faut pas voir immédiatement, dans toutes ses manifestations, une manifestation de corporatisme. Compte tenu de notre vécu de centrale. Jusqu'ici, la tradition syndicale de la CEQ caractérisée par une conjugaison des impératifs du syndicalisme de combat et ceux de l'identité professionnelle, a permis une cohabitation assez heureuse de toutes les motivations; et le niveau de militantisme, défini tant par le nombre des militantes et des militants que par l'intensité de leur engagement, s'était maintenu à des niveaux remarquables et bien au-delà des attentes habituelles dans d'autres organisations syndicales à travers le monde et pourtant très actives sur le plan social. Profondément marquées par la philosophie de la participation, les directions nationales, sectorielles et locales de la CEQ ont traditionnellement fixé à un très haut niveau les attentes face à l'engagement des membres de la base. Un ensemble de circonstances liées à l'évolution de la société québécoise, à ses priorités, à son effervescence sociale, à la démographie du milieu ont permis, pendant un certain temps, la satisfaction de ces attentes. Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Selon des conditions objectives. Le niveau de militantisme qu'on pourrait qualifier de normal, tant du point de vue du nombre que de l'intensité, se situe quelque part entre les pics déjà atteints et les creux vécus aujourd'hui. La recherche de ce niveau satisfaisant devra tenir compte d'un certain nombre d'éléments objectifs. L'action militante syndicale côtoie, le plus souvent dans la même personne et dans la même foulée, l'activiste professionnel, politique, voire même culturel (défense de la primauté du français au Québec, etc). Au-delà des difficultés concrètes rencontrées par notre syndicalisme, et qui sont abordées ailleurs dans le rapport, une partie substantielle du déclin de la militance syndicale s'explique aussi par les culs-de-sac où la gauche québécoise s'est enfermée, et l'effondrement conséquent de la militance politique de gauche qui se répercute durement sur les militants syndicaux motivés par les solidarités larges, ceux la mêmes qui ont permis, dans le passé. de croire que les syndicats pouvaient remplir le vide créé par l'absence de tradition politique ouvrière et servir de catalyseur à un mouvement de forces ouvrières et populaires. La détermination militante est loin d'être seulement l'effet d'un choix purement personnel et occasionnel. Elle est aussi reflet du mouvement collectif lui-même et si ce mouvement entre dans une phase de redéfinition de ses lignes d'action, il n'est que normal que la détermination militante s'en ressente. Le regain de la détermination militante passe par la résolution des incertitudes collectives. Le militant syndical n'est pas un conscrit. Ce qu'il fait, il le fait délibérément. C'est une femme ou un homme engagé qui accepte de participer à la lutte sociale - à quelque poste qu'il soit ou presque à condition d'être associé à la définition du plan de campagne. Il s'accommode mal d'un fonctionnement autoritariste de la structure de commandement. De plus, un militant, ce n'est pas une collègue ou un collègue qui prend part occasionnellement à une activité. Militantisme est synonyme de continuité et il appartient aux responsables syndicaux de trouver les accommodements nécessaires entre l'exercice de la prise de décision par les instances et le besoin d'association des militantes et militants au processus de prise de décision. Le militant syndical l'est rarement à vie et n'est pas identifiable à une forme, à une manifestation précise de militance, à partir du constat que l'intérêt à s'engager est lui-même multiforme. De plus, l'espace de vie consacré à la militance varie: les unes et les uns préférant y investir l'ardeur de leur jeunesse, d'autres s'y intéressant après quelques années de travail, d'autres, enfin, attendant que les responsabilités parentales soient moins exigeantes. Nous avons donc, comme centrale, à tenir compte de ces conditions objectives et à recourir à la variété dans les moyens que nous suggérons à nos membres. On comprendra aussi aisément que la campagne de dénigrement systématique menée par le gouvernement péquiste contre les travailleuses et travailleurs de l'éducation a porté un dur coup à l'identification professionnelle. Et qu'ainsi atteints aux deux franges extrêmes de notre univers militant, il nous faut lier nos efforts de consolidation du militantisme avec nos efforts de clarification de nos orientations sociales et politiques, d'une part, ce sur quoi nous revenons ailleurs, et, d'autre part, nos efforts de revalorisation de nos champs professionnels. Recommandations. Prenant note. - des formes variées de l'engagement militant syndical et des nouvelles sensibilités qui parcourent notre organisation et la société québécoise en général; - de l'importance des préoccupations professionnelles dans le développement de l'engagement militant syndical; - du lien étroit entre un niveau élevé de participation interne et le caractère démocratique de notre vie interne; - de la nécessité de se détacher d'une vision trop idéalisée de la militance syndicale et de la ramener à des dimensions plus humaines compatibles avec les aspirations personnelles, Réaffirmant. - la nécessité d'apporter des changements à nos méthodes de travail aux fins de permettre une plus grande participation et de meilleures conditions d'exercice de la militance (décisions 34 à 68 du Congrès de 1984); - la nécessité de poursuivre l'application des mesures visant à favoriser la militance et adoptées dans la foulée de l'enquête menée en 1984, Considérant. - la nécessité de mieux ancrer socialement notre action collective par une implication active de nos militantes et de nos militants dans les milieux visés par notre action collective; - la nécessité d'offrir, dans un cadre compatible avec les impératifs de la vie personnelle, des occasions d'engagement militant. Nous recommandons. 46- Ancrage communautaire. a) Que les activités commandant la participation active des membres s'axent principalement sur des préoccupations professionnelles à connotation sociale large et s'inscrivent dans le sens d'un meilleur ancrage communautaire et régional de notre action collective. b) Qu'à ce titre, un accent particulier soit mis sur l'instauration de comités de liaison avec les différentes composantes disponibles des milieux visés (usagères et usagers, associations de jeunes, de femmes, etc). 47- Ancrage professionnel. a) Que le Congrès invite les affiliés à rencontrer, Sur une base régulière, les étudiantes et les étudiants qui se préparent à exercer nos métiers, en vue de commencer à tisser des liens de solidarité syndicale et professionnelle. b) Que le Congrès invite les affiliés à impliquer les ressources dites occasionnelles, surnuméraires ou remplaçantes dans les activités axées sur des préoccupations professionnelles. c) Qu'aux fins d'assurer efficacement la relève, la Centrale développe un volet spécifique d'éducation syndicale à l'adresse des militantes et militants qui ont commencé à travailler au cours de ces dix dernières années (les 20-30 ans). B - La dimension féministe. Depuis plus de dix ans, la lutte des femmes a été une préoccupation majeure à la Centrale. Le mouvement féministe constitue une force mon tante qui est appelée à intervenir constamment dans le mouvement social qu'est le mouvement syndical. La question féministe à la CEQ ne doit plus se situer à la périphérie des analyses, des stratégies syndicales et des politiques sociales et économiques. Elle se doit d'être placée au coeur de toutes nos préoccupations. Nous ne pouvons plus dorénavant considérer les femmes comme une catégorie sociale sur le même pied que les autres (jeunes, handicapés, etc) ni aborder la «question femme», seulement lorsque son aspect spécifique devient trop évident (exemple: la maternité). Cela dit, il ne s'agit pas de prôner l'abandon de la spécificité de la lutte des femmes, mais plutôt d'éviter qu'au nom de cette spécificité on réduise les femmes à un «traitement différé». Nous savons que la réalité sociale n'est pas neutre. C'est à nous d'identifier ce qui se dissimule sous une apparente neutralité, de découvrir les multiples facettes de la réalité des femmes et de transcrire cette réalité dans nos orientations et nos stratégies syndicales. A propos du militantisme féminin. Un des aspects de cette réalité, c'est la difficulté qu'ont les femmes d'organiser un rapport de force au sein de la Centrale. Ce qui est délicat dans une organisation syndicale où les hommes et les femmes luttent ensemble pour l'atteinte des mêmes objectifs, c'est que ces mêmes femmes et ces mêmes hommes ont une approche souvent différente des en jeux sous-tendus par chacune des questions et ce, dans une structure syndicale qui a de la difficulté à composer avec la réalité quotidienne des femmes (horaire, hiérarchie syndicale, prise de parole...), tel que l'a démontré l'enquête de 1984. En effet, notre enquête réalisée en 1984 démontre que les femmes continuent d'être considérées soit comme «inférieures», soit comme devant performer en «femmes exception». On peut d'ores et déjà affirmer qu'une plus large prise de conscience des difficultés liées au militantisme est amorcée. A l'aide d'un «avis de recherche» élaboré par le comité des femmes grâce auquel des portraits locaux devaient se tracer (représentation des femmes - hommes, prise de parole, fonctionnement des réunions, dossiers, information et éducation syndicale), on peut avancer que la moitié des syndicats locaux et regroupements sectoriels ont entrepris de mieux connaître la réalité de base du militantisme. Ce véritable travail de «moines» valide l'ensemble des résultats de l'enquête sur les difficultés objectives de militer. Plusieurs syndicats ont aussi expérimenté des moyens pour changer le cours des choses. Signalons, au passage, les tours alternatifs de parole femmes - hommes, la collaboration étroite entre le comité local d'éducation syndicale et le conseil d'administration pour trouver des méthodes nouvelles d'animation, la disposition différente des salles, de nouvelles approches de présentation des dossiers, l'élaboration d'un code de procédures allégées, une plus grande visibilité du comité des femmes. Bref, le travail de sensibilisation vers un changement des pratiques syndicales prépare à l'élaboration concrète d'objectifs et de moyens pour atteindre l'égalité formelle, ainsi que les changements de perceptions et d'attitudes. Le «grand ménage» est commencé. Support des hommes à la lutte des femmes D'autre part, face à l'esprit d'ouverture démontré par de plus en plus d'hommes, il faut situer correctement l'espace que ces derniers peuvent et doivent occuper dans la lutte. L'aspect mixité de notre organisation constituera un atout majeur si nous réussissons à trouver des moyens pour que la mixité serve à la lutte des femmes. Les hommes doivent reconnaître les fondements de l'analyse féministe, se situer à la fois en questionnement face à leurs propres comportements et pratiques, et ce aussi bien dans la vie privée, au travail que dans la vie syndicale et en soutien à la lutte des femmes. Ce soutien demandé aux hommes ne signifie pas qu'ils doivent acquiescer aux revendications tout en se cantonnant dans le rôle de spectateurs. Il est temps que la simple solidarité masculine face au sexisme cède la place à de véritables rapports humains et sociaux égalitaires. A la recherche de nouvelles pratiques pour désexiser les apprentissages. Un des supports majeurs que nos adhérents peu vent apporter à la progression de l'égalité entre hommes et femmes se situe au niveau même de l'éducation. Ce domaine, malgré tous les bouleversements qui l'ont secoué, demeure hiérarchisé et sexiste. Pourtant la lutte contre le sexisme s'y est affirmée. Nous avons procédé à la critique des manuels scolaires, nous avons interpellé les règles régissant l'orientation scolaire des jeunes, mais les mécanismes de reproduction du sexisme se maintiennent. Il nous faut dès maintenant vérifier si les contenus des programmes et des pratiques éducatives amènent les élèves à changer leurs comportements et attitudes sexistes. Dans ce sens, il nous faut porter une attention plus grande aux agentes et agents en éducation. Si changer nos pratiques signifie un changement des mentalités de notre part et l'invention de nouveaux moyens, un effort de recherche s'impose pour inventer et initier les nouveaux modèles pluralistes. Nos cahiers pédagogiques, nos «8 Mars Jeunesse» et les recherches sur la formation professionnelle et la micro-informatique à l'école constituent des étapes intéressantes. Mais il faut pousser plus avant nos efforts de désexisation des apprentissages. Il nous revient comme travailleuses et travailleurs de l'enseignement de pousser la réflexion sur les rapports que les jeunes entretiennent entre eux et de fournir des modèles différents et des exemples de pratiques scolaires non sexistes, de présenter un autre portrait des rapports garçons-filles véhiculant des valeurs non discriminatoires. Cela dit, la pédagogie ne saurait régler seule la totalité des problèmes reliés à l'éducation, particulièrement ceux issus de la hiérarchisation des rôles et des responsabilités. Il faut questionner les formes d'exercice du pouvoir dans les écoles, particulièrement à l'égard des fonctions assumées par les adultes. Les femmes occupent majoritairement les postes de réceptionniste, de secrétaire, d'enseignante, alors que ce sont des hommes qui sont à la direction. Il faudra insister sur les conséquences de cet état des faits sur l'identification par les jeunes de leur futur rôle social. De plus, il faut interroger l'organisation même du travail dans l'enseignement qui reproduit à la fois la division sociale et la division sexuelle du travail. A propos de la santé, nous avons soutenu devant la Commission Rochon qu'il était important de tenir compte des inégalités socio-économiques face à la santé. Il nous faut donc également nous attaquer aux inégalités engendrées sur la base du sexe. L'état d'infériorisation sociale, politique, culturelle, physique et psychologique vécu par les femmes se manifeste à des degrés divers et déteint sur leur état de santé. De plus, comme plusieurs études l'ont démontré, les conditions de travail affectent l'état de santé des femmes. Il nous faut donc rapidement établir le tableau de la santé de celles oeuvrant dans le réseau scolaire et s'interroger sur les origines et les conséquences des problèmes constatés. La connaissance des risques inhérents au travail (exemple: stress, burn-out) nous permettra de faire valoir les revendications jugées essentielles et de proposer des correctifs à l'organisation du travail susceptibles de faire progresser le dossier. A l'occasion du Forum des femmes, la nécessité du développement positif des relations entre le féminisme et le syndicalisme a été clairement exprimée. Les militantes féministes croient au syndicalisme, vecteur principal des revendications sociales. Elles aspirent aussi à ce que le féminisme joue son plein rôle dans l'action collective du syndicalisme et assure ainsi la confluence entre les intérêts des femmes et de la collectivité. C'est dans cette optique que les militantes féministes suscitent de plus en plus de rencontres entre elles et avec d'autres, pour mettre en commun des stratégies et en définir d'autres en fonction de l'évolution de la conjoncture, et ce, aussi bien avec les femmes de notre centrale qu'avec celles des autres organisations syndicales regroupées dans l'Intersyndicale des femmes. Ce vaste réseau de solidarité qu'est l'Intersyndicale des femmes permet de poursuivre les mêmes objectifs et d'élargir les espaces d'intervention des femmes et de la Centrale. Il faut aussi trouver des moyens pour élargir et consolider les liens avec le mouvement autonome des femmes. Il est essentiel que ce mouvement continue à nous «pousser dans le dos» et a presser les femmes à préciser le modèle de société qu'elles souhaitent. Des contacts fréquents devront aussi être maintenus avec les féministes dans l'administration publique. Il y a une différence à faire entre elles et l'État qui a le pouvoir de disposer de leurs travaux d'analyse comme bon lui semble. Et enfin, des relations plus étroites devront être établies avec les féministes engagées dans la recherche universitaire. En somme, il s'agira donc de renforcer les liens avec les femmes dans tous les lieux où elles se trouvent, tout en préservant notre rôle de vigilance. Les luttes menées sur le terrain syndical (sur les stéréotypes sexistes, les droits parentaux, les discriminations dans le travail, le harcèlement sexuel en milieu scolaire et au travail, etc) n'ont de sens que parce qu'elles s'inscrivent dans l'ensemble des luttes du mouvement féministe. Nous sommes un maillon de la chaîne. Un maillon important, bien sûr, puisque nos conditions objectives telles les ressources financières et humaines facilitent considérablement l'action, mais un maillon quand même. Recommandations. Prenant note. - des grands pas déjà franchis et de la nécessité de faire définir par les femmes les nouveaux pas à franchir en harmonie avec les aspirations du mouvement syndical; - des résultats de l'enquête menée en 1984 identifiant les correctifs à apporter à nos pratiques syndicales, Réaffirmant. - la nécessité d'élaborer des mesures d'accès à l'égalité à l'intérieur des structures syndicales (décision 85 du Congrès 1984), Considérant. - la composition majoritairement féminine de la Centrale; - l'importance de la préoccupation féministe à la Centrale; - la nécessité de poursuivre nos travaux (études, instruments de mesure, outils de sensibilisation) pour que nos pratiques éducatives soient exemptes de sexisme, Nous recommandons. 48- Dimension féministe. Que le Congrès reconnaisse la nécessité pour la Centrale et les affiliés d'intégrer la dimension féministe aux problématiques et stratégies syndicales. 49- Accès à l'égalité. Que la Centrale, en collaboration avec les affiliés, élabore un programme d'accès à l'égalité syndicale qui tiendra compte des constats de discrimination ressortis dans l'enquête sur le militantisme en 1984 et du travail effectué dans la moitié des syndicats locaux et regroupements sectoriels. 50- Enquête en santé-sécurité. Qu'une enquête soit conduite auprès de nos membres féminins ayant pour objectif de connaître si le travail dans le milieu de l'éducation a des répercussions spécifiques sur l'état de santé et de sécurité des femmes. Conclusion. De l'action sur tous les fronts. Au terme de l'examen du rapport et des recommandations du Bureau national, d'aucuns auront peut-être l'impression, à première vue, que le paquet est trop gros, qu'il y a risque de dispersion dans toutes les directions à la fois, qu'on ne peut pas faire tout cela! Nous croyons pourtant que les propositions et recommandations que nous soumettons au débat, auxquelles s'ajoutera l'apport des congressistes, constituent l'ordre du jour inévitable d'un mandat syndical pleinement responsable face aux impératifs de la conjoncture. Nous nous sommes posé comme défi de relancer notre action collective à partir d'enjeux et de terrains fort concrets. Nous nous sommes proposé comme tache de répondre a ce défi dans la cohésion, mais sur la base d'engagements précis et stimulants. Notre activité syndicale est faite de beaucoup d'actions distinctes: négociation, alliances, représentation, débats publics, animation de nos structures. Ces actions sont complémentaires les unes des autres, mais elles n'ont de sens qu'en s'intégrant dans un véritable projet collectif. Nous avons analysé la conjoncture où nous plonge la présente poussée néo-libérale. Nous avons pris la mesure du questionnement large qui traverse nos organisations tout comme l'ensemble du mouvement social, tant au plan des orientations, des stratégies que de «la représentation politique». Nous nous sommes rappelé les aspirations fondamentales que nous portons, notamment le droit de négocier et l'exercice responsable de nos métiers et fonctions. A la lumière de ce tour d'horizon, une perspective s'impose à nous: il est indispensable de revenir à l'ABC de notre propre resyndicalisation, ce qui passe par l'inscription de notre action syndicale à l'enseigne de «la défense et de l'illustration» de la démocratie sociale. C'est à ce niveau que nous sommes attaqués. C'est là que nous devons riposter. C'est à partir de là qu'il nous faut reprendre l'offensive. Notre action syndicale doit certes retrouver son poids dans la co-détermination de nos conditions de travail, mais elle doit tout autant conquérir un nouvel espace social, ce qui passe, nous semble-t-il, par les voies suivantes: - consolidation de nos droits syndicaux et accroissement de notre présence sur les questions du travail et de l'emploi; - développement de nos responsabilités professionnelles; - défense et promotion des services publics; - approfondissement de nos solidarités, externes et internes; - accroissement de notre présence au plan politique. Tels sont les grands axes que nous proposons à la poursuite de notre action syndicale et démocratique pour les prochaines années. Cette stratégie comporte, il est vrai, de l'action sur plusieurs fronts à la fois. Mais tous savent, d'expérience de Québécois, qu'on ne réchauffe pas sa maison en cal feutrant sa porte, si d'autre part on laisse les fenêtres ouvertes en hiver. C'est sur tous les fronts qu'il faut intervenir, parce que c'est de tous les côtés que nous sommes malmenés. A quoi nous servirait le plus beau régime de négociation sur papier, si nous étions indifférents à la situation des sans-emploi et des jeunes, à la lutte pour les droits et libertés ici et dans le monde, a l'extension de nos toujours vacillantes conquêtes démocratiques? A quoi nous servirait d'investir toujours le plus gros de nos énergies dans le seul volet des relations de travail au sens strict, pendant que nous serions absents du débat public le reste du temps, que nous manquerions à nos responsabilités professionnelles, que nous serions en retrait au plan des solidarités? Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que les actions que nous menons à divers niveaux se complètent, s'entraident et se renforcent les unes les autres. C'est ainsi que la négociation «aux tables» prend appui sur nos dossiers professionnels, sur nos campagnes d'opinion, sur notre présence politique globale, sur nos alliances sociales. Notre action professionnelle nous sert à son tour dans le rapport d'opinion publique, tout comme elle contribue à la démocratisation et à la qualité des services publics. Notre présence publique, nos représentations politiques, les grands enjeux démocratiques que nous soulevons, à travers notre mandat syndical, font que nous sommes «dans la mêlée» et non spectateurs ou commentateurs de la mêlée sociale. C'est le propre d'un Congrès que d'inspirer cette indispensable action combinée à plusieurs niveaux que nous devons mener, pour mieux l'orienter, pour mieux y adhérer aussi, non seulement en en faisant un mandat pour la Centrale, mais en prenant l'engagement de la porter chacun dans son terrain respectif. Nous voulons l'édification d'une société plus démocratique, car nous croyons que nos droits et libertés sont l'en jeu de l'heure, du point de vue des forces dominantes. Nous y pouvons quelque chose. La démocratie, c'est notre perspective, c'est notre préoccupation, ce doit être aussi notre ligne de conduite. Notre projet de société s'élabore à travers nos débats et notre action quotidienne. Notre Congrès, c'est l'instrument politique principal dont nous disposons pour dessiner ce projet. Les deux années qui constituent l'Entre-Congrès, c'est l'espace-temps dont nous disposons pour démontrer que nous croyons en ce que nous votons.