*{ Discours néo-libéral CSN, 1992 } Assez! Relançons le progrès. S'ouvre aujourd'hui le cinquante-sixième Congrès de la Confédération des syndicats nationaux. A tous les deux ans, la CSN réunit le congres de ses syndicats. C'est un moment privilégié dont nous disposons toutes et tous pour orienter notre mouvement en identifiant bien les enjeux pour nos membres, le syndicalisme et l'ensemble de la société québécoise. Que dire sinon Assez! C'en est assez du chômage et de la pauvreté. C'en est assez de l'exclusion d'un nombre croissant de travailleuses et de travailleurs du marché du travail, de la précarisation et de la marginalisation de beaucoup d'autres. Assez des reculs constants dans la protection acquise par notre système de sécurité sociale. Assez de l'élimination progressive des allocations familiales et des pensions de vieillesse. Assez des reculs dans l'assurance-chômage et dans l'aide sociale. Assez des attaques aux droits des travailleuses et travailleurs accidentés. Assez du démantèlement de nos outils collectifs, de ce que nous mettons en commun dans cette société et particulièrement, de l'accès à la santé, aux services sociaux et à l'éducation. Assez d'une fiscalité qui ajoute constamment au fardeau des gens à revenus moyens ou faibles et qui demande toujours moins aux biens nantis. Assez des pressions constantes, des menaces de tous genres pour obtenir la réouverture de nos conventions collectives. Assez de ceux qui renient leur signature. Assez des tergiversations sans fin sur la question nationale. Nous vivons une époque charnière. Les conditions qui président à la croissance et au développement économique se modifient de plus en plus rapidement; la protection sociale et la place qu'occupe l'État dans le développement économique changent rapidement; les lieux ou se prennent les décisions qui nous concernent tous sont souvent trop éloignés de nous; la nature ne doit plus être utilisée sans tenir compte de son épuisement ou de sa capacité de se régénérer. Bref, les conditions dans lesquelles nous avons évolué ces dernières décennies sont maintenant profondément transformées et il est impossible de préciser avec certitude de quoi demain sera fait. Dans une époque de crise, de changement, nous devons constamment renouveler notre capacité d'agir, notre capacité d'influencer le cours des choses. Nous devons, en tenant compte des conditions, des circonstances dans lesquelles nous avons à évoluer, donner une impulsion nouvelle à une vision différente du développement social et économique. Une vision dans laquelle le droit à l'emploi, le droit au travail, occupe une place centrale, une vision dans laquelle les droits à la santé et aux services sociaux, à un environnement sain, à l'éducation, à la protection sociale sont reconnus, une vision ou la démocratie gagne du terrain dans la société et dans les milieux de travail. Il nous faut relancer le progrès. Le renouveau dans l'organisation du travail. Au cinquante-cinquième Congrès, nous avons posé un important jalon à notre action syndicale. On s'en rappellera, c'était le Bloc 1 dans lequel nous avons articulé réflexions et actions quant à l'introduction des technologies, quant à l'emploi, quant à la formation professionnelle, quant au droit à l'information, bref sur notre pouvoir syndical de changer et de mieux contrôler notre travail. Depuis, les débats sur l'organisation du travail ont pris une ampleur considérable. Un nombre important de syndicats se sont engages dans des démarches variées pour que soit développée une prise sur la façon dont le travail se fait, sur l'avenir des emplois. Au cinquante-sixième Congrès, nous croyons essentiel d'approfondir notre compréhension de ces enjeux. Parce que nous croyons que la qualité et l'avenir des emplois de même que notre action syndicale de demain en dépendent. L'environnement économique conditionne largement l'avenir d'une entreprise ou d'un secteur économique. Cependant, nous prétendons que les choix de l'entreprise et son organisation du travail effectues et penses sans les travailleuses et les travailleurs, sont sources de mauvaises conditions de travail, de précarité des emplois, de mauvaise qualité de services et de produits. La façon de faire de l'entreprise conditionne aussi ses perspectives de développement. Il y a la un espace, un potentiel d'amélioration de nos conditions de travail et de vie qu'il nous faut exploiter. Pour le développement économique. Le chacun pour soi est la norme capitaliste par excellence. Les entreprises d'ici ainsi que les gouvernements du Canada et du Québec agissent sans cesse en fonction de ce credo. Ils sont en train d'y laisser notre chemise. Si nous voulons avoir quelque contrôle sur notre destinée, les conditions économiques qui se mettent en place actuellement nous obligent à intervenir, à imprimer et à soutenir certaines orientations économiques. La négligence ou le refus d'agir nous mènerait certainement à une plus grande marginalisation économique. La CSN doit donc travailler à la mise en place de stratégies de développement économique ou les travailleuses et les travailleurs ont un espace pour agir, ou les citoyennes et citoyens des régions peuvent agir sur leur développement. Notre action dans ces domaines est primordiale si nous voulons vraiment travailler pour que le plein emploi soit un objectif de société. La solidarité sociale. Nos préoccupations pour le renouveau dans l'entreprise, pour le développement de droits dans l'entreprise, pour une économie tournée vers l'emploi, réunissent les conditions nécessaires à l'atteinte de notre objectif d'une plus grande justice sociale. C'est aussi cet objectif d'une plus grande justice sociale qui amène ce mouvement à vouloir être l'expression des droits et des besoins des travailleuses et travailleurs, et de l'ensemble de la population. C'est le propre d'une confédération syndicale comme la nôtre de représenter plus que la somme des intérêts de ses membres. Nous avons la responsabilité d'oeuvrer pour la démocratie et la qualité de la vie de l'ensemble de la société. Il y en a trop qui ne se reconnaissent pas cette responsabilité et qui, en refusant les regroupements syndicaux plus larges, abandonnent toute responsabilité sociale et ce, au détriment même de la protection sociale de leurs membres. Le développement social est lie au développement économique. Nous devrons développer les moyens pour contrer le chômage, pour maintenir et développer nos acquis sociaux. Mais il faut se rappeler aussi que le développement économique est lie au développement social, car il est tributaire de la qualité de l'éducation, de la santé et des services sociaux, de la solidarité sociale. La finalité du développement économique doit être de servir le développement social. Il n'y aura pas de développement d'un Québec avec une économie moderne sans un Québec tourne vers la satisfaction des besoins de ses citoyennes et citoyens. Il n'y aura pas de développement économique digne de ce nom, d'accroissement de l'espace démocratique sans, par exemple, un réseau d'éducation de qualité accessible à l'ensemble des citoyennes et citoyens. Nous ne pouvons passer sous silence un certain nombre d'événements qui ont eu lieu au cours des deux dernières années. Notre mouvement est toujours en effervescence, plus de 2 000 syndicats le composent, des milliers d'assemblées sont tenues chaque année, des centaines de négociations, de luttes sont menées à chaque année. Nous voulons ici souligner certains des enjeux soulevés par les syndicats CSN. D'abord, nous souhaitons la bienvenue aux 172 nouveaux syndicats et aux 11 000 membres qui se sont joints à la CSN depuis 1990. Ces syndicats font la démonstration quotidienne du fait que notre mouvement est une force en faveur du changement, ces syndicats renouvellent constamment cette force. Le mouvement leur apporte beaucoup, le mouvement leur doit beaucoup. Les négociations et les luttes des dernières années ont été nombreuses et souvent ardues. Nous aimerions souligner particulièrement ceux qui ont à vivre ou qui ont vécu de longs conflits de travail, nous voudrions leur exprimer ici toute notre solidarité. Nous pensons particulièrement au Syndicat des travailleurs de la Reynolds à Ste-Thérèse, au Syndicat des employés de bureau du Port de Montréal, au Syndicat des travailleuses de la Caisse populaire de Brossard. Bref, nous saluons toutes celles et tous ceux qui ont pris les moyens pour se faire respecter, les moyens pour faire avancer leurs revendications. L'ensemble des secteurs connaissent une activité intense: le secteur public a réussi à regagner dans un contexte difficile une plus grande unité d'action; dans le secteur de la construction, on a vu beaucoup d'activités de la part de nos syndicats pour obtenir l'application des recommandations du rapport Picard-Sexton et, même si des revendications importantes ne sont pas satisfaites, des gains significatifs ont été réalisés dans le financement de la formation professionnelle. Les secteurs de l'hôtellerie, des pâtes et papier ont connu des négociations difficiles, particulièrement longues dans le papier, mais qui ont permis, entre autres, une amélioration du pouvoir d'achat de nos membres. Des luttes importantes sur la réduction du temps de travail ont aussi été menées, dans les sociétés de transport en commun, dans certaines municipalités. Un règlement qui a beaucoup attiré l'attention au début de 1991 est survenu aux Aciers Atlas de Tracy. Cette convention, d'une durée de six ans, si certaines conditions sont remplies, garantit leur emploi à l'ensemble des salaries, prévoit des conditions salariales intéressantes et un contrôle syndical important sur la formation et l'implantation des technologies. Nos acquis sont toujours à défendre, plusieurs gains des deux dernières années sont déjà remis en cause. C'est le cas dans le secteur public ou le gouvernement, après avoir encaisse notre partie du contrat, refuserait de livrer la sienne! Pareillement, dans les secteurs de l'hôtellerie et des pâtes et papier. L'encre est à peine sèche, si je peux me permettre d'utiliser cette analogie, que nos syndicats sont confrontés à des pressions continues pour céder sur les salaires et les conditions de travail. Sur plusieurs fronts, des syndicats mènent des luttes dures et longues qui auront des effets pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs du Québec, pour toute la société québécoise. Je voudrais saluer la persévérance du Syndicat de Simonds de Granby qui a gagné la première manche de la lutte destinée à récupérer les surplus dans leur caisse de retraite; je voudrais saluer la persévérance du Syndicat Provigo de Port-Cartier qui mène une lutte pour le droit à des bancs pour les caissières; je voudrais saluer les efforts du Syndicat de l'Hôpital Ste-Justine et de d'autres aussi pour assurer un contrôle sur la gestion des déchets biomédicaux; les efforts aussi que nous menons pour la qualité du français au travail particulièrement à l'hôtel Centre Sheraton. Enfin, je tiens à offrir le soutien du Congrès au Syndicat de l'Hôtel-Dieu de Montréal qui lutte contre le déménagement de cette institution du centre-ville de Montréal. Cette décision est absolument inacceptable. On s'est empare d'un morceau prestigieux du patrimoine de Montréal, lui aussi age de 350 ans, pour le soumettre à des impératifs de développement spéculatifs de l'est de l'Ile. Vraiment, 260 millions $ sans aucun ajout de lits! Qui du ministre de la Santé ou de l'organisateur libéral a pris la décision? Je vous laisse deviner. Je m'arrête ici. Il serait vain de tenter de souligner tout le travail mené dans l'ensemble du mouvement. Rappelons seulement l'investissement constant d'un grand nombre de militantes et de militants pour l'amélioration de nos conditions de travail et de vie. C'est le gage premier du progrès de la société. Je dois en terminant rappeler le départ de Monique Simard. Elle a occupé le poste de première vice-présidente pendant huit ans. En tout, elle a compté plus de dix-huit ans de militance à la CSN. Monique fut et demeure une femme engagée. Son apport a été original. Il marque encore le mouvement. Je la salue. La désagrégation sociale. Un chômage effarant. La situation économique et sociale dans laquelle se trouve le Québec est grave et dangereuse pour notre avenir. Nous vivons à la fois une période de récession et une période intense de changement de structures économiques. C'est ce qui explique la profondeur de la crise actuelle. Les taux de chômage au Canada et au Québec sont en hausse constante depuis plus de 40 ans. Officiellement, le Québec compte toujours au moins une personne sur huit en chômage. Plus dramatiques cependant sont les données réelles du chômage. Partout au Québec on compte une proportion élevée de femmes et d'hommes qui, découragés par l'absence d'emplois dans leur région, déclarent qu'ils ne cherchent plus de travail. Ces gens se sont officiellement retires de la population active. Avec pour résultat qu'en Gaspésie il y a moins de 50% des personnes en age de travailler qui sont au travail ou considérées en «recherche d'emploi». Dans une région à plus faible taux de chômage comme l'Outaouais, plus de 70% de la population en âge de travailler se trouve sur le marché du travail. Il n'y a qu'une raison qui explique que les gens de la Gaspésie travaillent moins que ceux de l'Outaouais. C'est le manque scandaleux d'emplois qui crée cette situation. Il en va de même dans plusieurs régions du Québec. Si on prend la peine de tenir compte de tous ceux qui sont exclus du droit de travailler, on mesure alors différemment le chômage. Le vrai taux de sans-emploi au Québec dépasse toujours les 20%! Constamment, tous les jours parmi nous, parmi nos proches, nos amis, une personne sur cinq n'a pas droit à l'emploi! Les deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes au chapitre de l'emploi. Lors du dernier Congrès, la récession était déjà entamée dans le secteur manufacturier, nous avions mis en garde les gouvernements: le marasme est maintenant généralisé. Au Canada depuis 1989, plus de 450 000 emplois manufacturiers ont été perdus, soit plus d'un emploi manufacturier sur cinq! Plusieurs choix de politiques conjoncturelles par les gouvernements, comme les taux d'intérêt élevés, ont contribué à cette situation mais aussi plusieurs facteurs dont les effets seront durables, structurels. Les politiques commerciales ont établi un nouveau contexte; des secteurs entiers se trouvent dans une situation concurrentielle inconnue jusqu'à maintenant. Les fermetures et licenciements majeurs se succèdent à un rythme effarant: les Lavalin, Coopérants, Ateliers Angus, Maple Leaf, Yogourt Crescent (Béatrice), Great Lakes Carbon, Donohue, Marine Industries, Stuart, Cascades! Dans toutes les régions, dans la plupart des secteurs surviennent des dizaines de fermetures d'usines, de commerces, de mises à pied. Le Québec inc, celui qui pour une grande partie a supporté les politiques conservatrices de la dernière décennie, celui dont on a tant vanté la nouvelle puissance serait-il ébranlé? Aurait-il manqué de vision? Tous les mois, un nouveau contingent de travailleuses et de travailleurs se trouve réduit à l'aide sociale pour survivre. Près de 700 000 personnes, soit 10 % de la population totale du Québec, hommes, femmes et enfants, dépendent de ces prestations! Un marché du travail éclaté. La situation est difficile aussi pour ceux qui sont sur le marché du travail. La précarité de l'emploi est une réalité fortement établie dans le commerce et les services, tant publics que prives. Dans nombre de centres hospitaliers, c'est plus de la moitié de nos membres qui vivent une telle situation. L'intérim: une profession! Dans l'ensemble du marché du travail au Québec, c'est un emploi sur six maintenant qui est à temps partiel. A cela, il faudrait ajouter toutes les formes atypiques d'emplois comme le travail sur appel, les occasionnels à durée déterminée ou indéterminée, à contrat, et même la croissance du travail dit autonome. Plusieurs évaluations de l'importance de cette réalité nous amènent à la conclusion que la moitié seulement de la population active participe au marché du travail à temps plein toute l'année. (3) Les femmes présentes sur le marché du travail subissent largement cette situation. Plus de 70% des emplois à temps partiel leur échoient et ce statut d'emploi est de plus en plus involontaire. A l'exception des étudiantes et étudiants, près de 50% des travailleuses et travailleurs occupant des emplois à temps partiel le font maintenant à défaut de travail à temps plein. Ce n'est pas seulement l'exclusion du marché du travail qui impose des conditions de vie impossibles aujourd'hui. Il s'opère une marginalisation économique grandissante des travailleuses et des travailleurs en emploi. Nos conditions de vie se détériorent non seulement à cause du chômage mais aussi à cause d'emplois, souvent non syndiqués, aux conditions de travail et de salaire inacceptables. Le développement de l'emploi dans le secteur des services, ce qu'on appelle la tertiairisation, c'est aussi le développement d'emplois à faible revenu qui demandent peu de qualifications, qui offrent peu de perspectives professionnelles et enfin, qui sont souvent précaires. On retrouve beaucoup de ces emplois dans le commerce, dans les services personnels, etc. En plus de ces conditions difficiles, un nombre croissant de personnes subit des aller-retour constants entre le marché du travail et le chômage. De plus en plus confines en marge du marché du travail, ces travailleuses et travailleurs ont de la difficulté à maintenir un niveau de vie décent. Les salaires. Le plafonnement des revenus et les pertes de pouvoir d'achat constituent des facteurs déterminants des conditions de vie et du contexte économique actuel. Ce phénomène nous est tous connu, le maintien du pouvoir d'achat est au coeur de toutes nos négociations. Depuis plus de dix ans, la valeur réelle des revenus des familles demeure sensiblement la même mais nous devons travailler beaucoup plus pour obtenir ce résultat. Les femmes étant de plus en plus présentes sur le marché du travail, il y a maintenant plus d'une personne en emploi dans la large majorité des familles. La place des femmes sur le marché du travail est croissante. Toutefois, nombre d'entre elles travaillent à temps partiel contre leur volonté et le revenu des femmes travaillant à plein temps gagne fort lentement du terrain par rapport au revenu des hommes. Leur revenu, encore aujourd'hui, dépasse à peine les deux tiers de celui des hommes. Cela aussi explique la pauvreté que vit un nombre croissant de femmes et donne tout son sens aux luttes pour l'équité salariale. Les politiques du salaire minimum ont été gravement dévaluées depuis quinze ans au Canada. Le salaire minimum moyen prévu par les lois provinciales devrait être de 7,25 $ l'heure en 1992 pour avoir le même pouvoir d'achat qu'en 1976! Il est de 5,55 $ l'heure au Québec actuellement. Il en est de même pour les salaires minimum qui ont été largement diminues par rapport aux salaires moyens verses au Canada. A cette pression continue sur les salaires s'est ajoute le déplacement du fardeau fiscal vers les personnes à revenus moyens et faibles. Comment alors s'étonner du niveau d'endettement extrêmement élevé des travailleuses et travailleurs actuellement. Endettement des consommateurs. Les dettes totales des consommateurs (prêts personnels, hypothèque, etc) atteignent en 1991 92 % de leur revenu annuel disponible. Un niveau jamais vu depuis 20 ans et beaucoup plus élevé que lors de la récession de 1982. C'est une des raisons de la durée de la récession. La pauvreté. Le Québec vit la situation sociale la plus dure que nous ayons vue depuis la grande crise des années 30. La pauvreté devient de plus en plus évidente. Le développement de l'itinérance le démontre largement. L'utilisation par des milliers de personnes des services des différents organismes qui donnent des repas gratuits ou distribuent des vêtements et de la nourriture en est une autre preuve. C'est certainement la manifestation la plus crue de la marginalisation économique que nous connaissons ici. Au Québec, en 1988, bien avant les pertes massives d'emplois des deux dernières années, sur 835 000 personnes seules, 356 000 étaient pauvres. Parmi elles, 266 000 étaient des femmes. La composition des familles a beaucoup changé depuis vingt ans et notre société est peu adaptée à ces changements. Plus de 11 % des familles du Québec, soit 200 000 familles au total, sont monoparentales. Elles comptent pour le tiers des familles pauvres et elles sont majoritairement dirigées par des femmes. Le Québec est au Canada la seule province à regrouper autant de ménages pauvres: La pauvreté est présente dans une proportion qui dépasse de 30% le poids relatif du Québec dans la fédération canadienne. Toutes les régions du Québec subissent durement cette réalité mais la situation de la région et de la ville de Montréal, pourtant pôle de développement du Québec, devient dramatique à ces égards. Montréal a perdu 28% de ses emplois manufacturiers entre 1989 et 1991. Plus qu'une restructuration économique, c'est là une grave désindustrialisation. Plus du quart des familles montréalaises et la moitié des personnes seules vivent maintenant sous le seuil de pauvreté. En termes économiques, si on se réfère à la mesure du produit intérieur brut et du chômage officiel, la récession actuelle est sensiblement moins dure que celle de 1982. Au plan social cependant, la situation est nettement plus grave qu'à cette époque. L'effet cumulé de l'affaiblissement de la protection sociale, de la précarisation croissante des emplois, du plafonnement des revenus, a provoqué une extension de la pauvreté. Plus de pauvreté exige davantage de nos ressources publiques en santé, en services sociaux, en éducation et aussi du réseau communautaire qui vient en aide aux clientèles plus difficilement prises en charge par les réseaux institutionnels. Pourtant, en même temps, on parle de coupures supplémentaires de budgets, de personnel, de services. Violence et discrimination. Dans une situation sociale difficile, la violence est souvent appelée à gagner du terrain. Les femmes qui en étaient déjà les premières victimes la subissent plus encore. La violence faite aux femmes se traduit par différentes manifestations. Au travail, le plus souvent, elle prend la forme de harcèlement sexuel, quelquefois d'agression, et à l'extérieur du travail, la violence conjugale en est la forme la plus fréquente. Il importe de développer nos politiques et de contribuer à une plus grande sensibilisation à ces problèmes. De toute évidence, les tensions raciales se font aussi plus vives. Les migrations vers le Canada ne sont plus depuis longtemps le fait des blancs européens. Les pays industrialisés qui ont une quelconque ouverture envers les réfugiés qui fuient des régimes autoritaires et souvent tyranniques accueillent depuis longtemps des personnes de toutes races et de toutes origines. Au Québec, l'intégration des immigrants dans une vision canadienne ou nord-américaine plutôt que québécoise a été bien longtemps le principal écueil à des relations harmonieuses entre les communautés. Sans ouverture des communautés les unes envers les autres, sans adhésion suffisante à un tronc commun de valeurs, les tensions ne peuvent que s'exacerber à l'occasion. Depuis vingt ans, les tensions se sont cependant déplacées. Jadis, elles avaient comme cible la langue, aujourd'hui ce sont davantage les problèmes d'intégration, de discrimination ou de ghettos d'emploi qui attirent l'attention. Le développement de groupes jouant de la provocation pour promouvoir la haine raciale pollue également l'atmosphère. On peut le voir à Montréal dans les actes de violence de plus en plus nombreux qui ont été dirigés vers des personnes membres de minorités visibles. On peut le voir dans de nombreux pays: en France où le parti d'extrême-droite récolte maintenant plus de 15 % des voix dans les élections régionales; pareillement en Belgique où des partis d'extrême-droite ont fait des gains significatifs; pareillement dans les États-Unis d'Amérique où un ancien dirigeant du Ku Klux Klan a, sans être élu, quand même récolté une majorité de voix des électeurs blancs dans l'État de la Louisiane. Le Conseil Central du Montréal Métropolitain a eu l'heureuse initiative d'agir avec les autres organismes syndicaux de la région de Montréal dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre le racisme. Ils ont développé une déclaration de principe sur les relations interculturelles et interraciales destinée à être adoptée par les assemblées générales des syndicats du Québec. Nous proposons que le Congrès fasse sienne cette démarche et reprenne plusieurs éléments de cette déclaration. Avec d'autres organisations, la CSN a par ailleurs entrepris une démarche avec les nations autochtones du Québec. La CSN, la FTQ, la CEQ, le Mouvement Desjardins, l'UPA, l'Assemblée des Évêques du Québec et la Ligue des droits et libertés ont transmis aux nations autochtones du Québec une proposition de mise sur pied d'un forum paritaire. Ce forum aurait comme objectif d'établir des liens formels entre nos nations et, plus précisément, de cerner les enjeux que posent la reconnaissance des droits des autochtones et la souveraineté du Québec. Une déclaration commune pourrait éventuellement émerger de ces travaux. Cette proposition a été bien reçue par les nations autochtones; des délégations ont été formées et la première rencontre doit se tenir prochainement. Malgré les difficultés prévisibles, nous croyons que ce processus peut permettre à nos nations respectives d'avancer vers une plus grande compréhension mutuelle et une plus grande liberté. La toile de fond. La situation économique et sociale actuelle est le fait de ceux qui mènent l'économie du Québec et du Canada. Elle est le fait de dirigeants qui maintiennent une vision à court terme, qui versent de façon inconsidérée des dividendes à leurs actionnaires au lieu d'investir, qui écument trop souvent le potentiel de développement d'une entreprise, qui trouvent le moyen d'épuiser des ressources renouvelables comme la forêt. Les travailleuses et travailleurs font régulièrement les frais des mauvaises décisions de l'entreprise. Cette situation de chômage et de difficultés est aussi le fait de dirigeants qui n'ont pas de vision du développement de leur secteur ou qui mesurent mal les conséquences de l'action des intervenants dans leur secteur; par ailleurs, la plupart de ces dirigeants ne réalisent pas l'importance cruciale de la place que doit occuper leur personnel pour développer leur établissement ou leur entreprise. Cette situation est aussi le fait de gouvernements qui trop souvent sont les haut-parleurs de ces dirigeants. Qui éliminent les réglementations, qui diminuent au minimum la place qu'occupe l'État dans l'économie, qui coupent dans les programmes sociaux, qui font végéter le droit du travail, qui déprécient le salaire minimum, qui montrent la voie des compressions salariales, qui enseignent le refus de négocier. Oui, nous sommes dans une période de crise économique, mais aussi nous sommes dans une période de transition sociale. Le modèle économique et social sur lequel nous avons longtemps construit, dans lequel nous nous sommes battus pour tenter de rendre la société plus conforme à nos aspirations, ce modèle change. Le développement économique ne se fait plus de la même façon, les facteurs qui l'influent ne sont plus les mêmes, le mode de production, l'organisation du travail, les procédés de production, les produits et services ne sont plus les mêmes. L'intégration économique et politique des sociétés prend parfois une allure surprenante. Une autre société se construit tranquillement au quotidien. Depuis dix ans, les courants conservateurs ont largement eu le haut du pavé mais cela ne signifie pas qu'ils occuperont tout le terrain et qu'on ne peut changer les choses. Ne sous-estimons pas notre capacité de développer des alternatives et de forcer le changement dans le sens de nos aspirations. Nous croyons que plusieurs pistes d'action se présentent à nous dans l'entreprise ou l'établissement comme sur les terrains politique, économique et social. La réalité de la mondialisation. L'économie du Canada, davantage que celle de nombreux pays du monde, est intégrée dans un espace économique de plus en plus vaste. La marge de manoeuvre des gouvernements et des entreprises s'en trouve réduite. La nôtre également dans une certaine mesure. Que penser de cette mondialisation? Il y a effectivement une intégration de plus en plus forte des économies du monde. Le commerce international a augmenté ces dernières décennies plus rapidement que la production mondiale. Plus récemment, on a vu surtout les investissements croître plus vite que la production. On assiste aussi à un déplacement des capacités de production, à un réaménagement de l'activité productive à travers le monde. Les sociétés multinationales mènent le bal évidemment, en exerçant les choix d'investissement à partir de leur propre stratégie. Aussi, les gouvernements font pression pour assurer une plus grande production sur leur propre territoire. La mondialisation de l'économie est un phénomène croissant depuis longtemps. Les travailleuses et travailleurs des secteurs du textile, du vêtement, de la chaussure par exemple en savent quelque chose. Les secteurs qui ne connaissent pas une croissance de leurs exportations ou encore une intrusion plus forte des importations sur leurs marchés se font maintenant de plus en plus rares. L'activité économique gérée par les sociétés multinationales dépasse plus que jamais les limites des territoires nationaux. Le secteur de l'automobile est éclairant à cet égard. Les sociétés américaines ont beau jouer le jeu du «nous les Nord-américains» contre «eux les Japonais», il devient de plus en plus difficile de déterminer qui est quoi au juste et qui produit où. Les liens financiers liant les sociétés américaines aux sociétés japonaises sont très nombreux (Mazda-Ford, Chrysler-Mitsubishi, Gm-Isuzu, etc) et de plus en plus diversifiés dans leurs effets: production de voitures japonaises au Canada, aux États-Unis et au Mexique, voitures «américaines» importées du Japon, de Corée. Les emplois liés à ce secteur se déplacent aussi à un rythme élevé: actuellement on retrouve au Mexique les trois grands américains qui produisent des pièces et font de l'assemblage d'automobiles mais aussi Nissan, Volkswagen, Renault et bientôt Mercedes. Ces usines produisent évidemment pour les marchés des Amériques mais aussi dans certains cas pour l'Europe et pour le Japon. De nouveaux pôles de croissance se sont aussi développés au cours de la dernière décennie. La division du travail dans le monde évolue, une dizaine de pays en voie de développement ont pris une place croissante dans la production manufacturière et dans le commerce mondial. Ce sont ceux qu'on appelle les nouveaux pays industrialisés: Brésil, Corée du Sud, Singapour, Taiwan, etc. Ces pays contrôlent maintenant 80% des exportations totales du tiers monde. Pour un nombre grandissant de produits, ils occupent les marchés dans les pays industrialisés. Dans plusieurs de ces pays subsistent des conditions de travail et de salaire dérisoires, le travail des enfants y constitue une dure réalité. La circulation rapide des marchandises comme la circulation instantanée de l'information et des capitaux permettent aux sociétés multinationales de se déployer autrement. Elles disposent maintenant d'une très grande flexibilité dans leurs choix de développement. En centralisant énormément leur prise de décision, elles peuvent décentraliser de façon extraordinaire bon nombre de leurs opérations. La recherche par les sociétés multinationales des «avantages comparatifs» (main-d'oeuvre à bon marché, fiscalité, subventions) est ainsi poussée à l'extrême. L'ouverture des pays de l'est de l'Europe accroîtra considérablement l'espace sur lequel cette dynamique se développera. La mondialisation est une réalité de plus en plus dure pour le marché du travail: un nombre croissant d'emplois non seulement manufacturiers mais aussi liés au traitement de l'information se déplacent de plus en plus facilement dans le monde. Ainsi des compagnies d'assurance font maintenant du traitement de données nord-américaines dans des pays asiatiques. Il y a une redéfinition majeure des blocs commerciaux et aussi des règles commerciales: accords de libre-échange, GATT, Europe 1993, création de nouveaux pays en Europe de l'Est et aussi de nouveaux rapports économiques entre ces pays, développement des nouveaux pays industrialisés, etc. Les outils créés à la fin de la deuxième guerre mondiale au moment de la domination sans limites de l'économie américaine cèdent progressivement leur place à une gestion des échanges commerciaux qui tient compte de l'existence de nombreux pôles économiques. Des enjeux pour la démocratie. Au chapitre de la démocratie, du contrôle des citoyennes et citoyens sur le développement de leur société, les conditions économiques actuelles posent des problèmes nouveaux et complexes. Il nous apparaît évident, par exemple, que la réunion annuelle des sept pays industrialisés les plus importants, ce qu'on appelle la réunion du G7, a un impact majeur sur les politiques économiques poursuivies par les différents gouvernements. Le taux de chômage que nous connaissons au Canada est donc lié directement aux orientations déterminées à ce niveau. Le taux de chômage et bien d'autres politiques encore. Par exemple, le Fonds monétaire international (FMI) est chargé par le G7 de faire le suivi des décisions communes. Le FMI fait donc des rapports annuels au gouvernement du Canada avant que celui-ci ne présente son budget. Dans son rapport présenté à Ottawa en 1991, le FMI félicitait le gouvernement pour les coupures réalisées dans le programme d'assurance-chômage et l'encourageait à couper plus encore dans les prestations liées au chômage régional pour forcer la mobilité de la main-d'oeuvre. Des choix de sous-développement. La compétitivité dans le contexte de la mondialisation, tel est le mot d'ordre qu'on entend partout. Bien peu de pays ou d'entreprises réussiraient à s'en sortir selon ce discours - et il n'y aurait qu'une voie pour le faire, nous dit-on. Essentiellement, la voie de l'entreprise privée à laquelle il faut laisser toute la marge de manoeuvre possible pour s'établir et gagner les marchés mondiaux. De là résulteraient l'emploi et le bien-être futurs. Mais cette vision exige la compression immédiate des coûts par des rationalisations et une réduction de l'emploi, la compression des salaires, des charges sociales, le relâchement des réglementations sur l'environnement, etc. Les États qui choisissent le seul libre marché pour assurer leur développement choisissent la concurrence entre eux pour la course aux avantages de toutes sortes pour l'entreprise privée, aux faibles réglementations et aux faibles salaires. Ils choisissent le terrain du plus bas dénominateur commun, le terrain du sous-développement à long terme. Une économie en difficulté. Si nous sommes à même de constater que nous vivons une situation de dégradation de nos conditions sociales et économiques, nombre d'études, de travaux, font la démonstration que nous ne sommes pas non plus dans une direction qui assure le développement économique et social que nous souhaitons. Une importante étude sur le développement de l'industrie américaine a identifié plusieurs problèmes qui handicapent sérieusement son potentiel, et la situation est plus difficile encore au Canada. Cette étude conclut que l'industrie américaine connaît plusieurs problèmes par rapport au développement de nouvelles technologies et de nouveaux produits. L'omniprésence de l'industrie militaire a un impact bien connu de drainage de ressources, de compétences qui ne sont plus disponibles dans la vie civile. On insiste aussi sur l'absence de coopération entre et même à l'intérieur des sociétés, sur l'absence de stratégie commune avec le gouvernement afin de tenir compte des réalités technologiques, commerciales ou autres. On constate enfin la négligence des entreprises par rapport à leur personnel, c'est-à-dire une attitude où on favorise constamment l'utilisation des mises à pied comme mesure d'adaptation aux fluctuations du marché et où on attache peu d'importance aux politiques de formation. On identifie aussi la valorisation à outrance des résultats à court terme: les résultats financiers à court terme priment sur tout et donc dévalorisent le développement de produits et de marchés qui exigent des investissements à plus long terme. Cela a un impact dans l'exploitation des développements technologiques. D'autres travaux insistent fortement sur le fait que le modèle dominant d'organisation du travail tel que développé particulièrement en Amérique du Nord a atteint ses limites. L'inefficacité et le gaspillage qu'il génère, les résistances individuelles et collectives à ce modèle sont telles qu'il ne permet plus de soutenir la croissance économique et encore moins le développement économique. La situation canadienne n'est pas substantiellement différente à ces chapitres et un certain nombre de problèmes s'ajoutent même à ceux-ci: la propriété étrangère est élevée et a des impacts importants sur la recherche et le développement ainsi que sur les sorties de capitaux. L'investissement en formation est plus faible encore, les secteurs fortement établis sur les marchés mondiaux sont peu nombreux, le Canada produit peu de machinerie et en conséquence, en exporte peu, son économie enfin repose largement sur une transformation primaire des ressources naturelles. Une stratégie de laisser-faire. Nous soutenons depuis longtemps que l'État doit assumer un leadership dans les questions sociales et économiques qui permette d'atteindre des objectifs d'emploi, de répartition des richesses, de qualité de vie. A plusieurs égards, au cours des années, cela a été le cas. La société québécoise et aussi la société canadienne ont considéré que le libre marché, l'action de l'entreprise privée, ne suffisaient pas pour satisfaire équitablement les besoins d'éducation, de santé, les besoins culturels, les besoins de développement économique régional, etc. Depuis dix ans, et encore maintenant, c'est un autre choix qu'on nous impose: celui de diminuer l'intervention de l'État. Nous avons abondamment commenté et aussi dénoncé ce qu'on appelle le désengagement de l'État: vente des sociétés publiques, abolition de réglementations, volonté de privatiser des services publics. C'est le credo de l'entreprise privée: l'investissement du secteur privé serait plus productif, la richesse serait créée seulement par le secteur privé. Cette approche conditionne la mise en place des choix fiscaux, des politiques commerciales et explique l'absence de stratégie active au plan économique. Les politiques conservatrices constituent un ensemble dont les morceaux se renforcent, interagissent: la politique commerciale tient lieu de stratégie économique, la fiscalité doit être concurrentielle et supporter les entreprises exportatrices. Pour les tenants de cette politique, il faut éviter de développer des stratégies interventionnistes qui faussent les règles du jeu. Nous mesurons aujourd'hui les conséquences économiques et sociales désastreuses de cette stratégie de laisser-faire. Dans le contexte économique international qui continue à se mettre en place, les gouvernements fédéral et québécois ont choisi ces dernières années une voie qui conduit à l'appauvrissement graduel. Relançons le progrès. Le Québec doit se doter maintenant d'une stratégie économique d'envergure qui permette le maintien et le développement de l'emploi dans des secteurs industriels et économiques compétitifs, sinon nous glisserons de plus en plus vers une plus grande marginalisation économique. Les entreprises et les établissements doivent revoir leur façon d'organiser le travail, leur façon de mettre à contribution les travailleuses et les travailleurs. Nous devons nous-mêmes ouvrir ce champ d'action syndicale en faveur de la démocratie et des droits dans l'entreprise, dans l'établissement ou le milieu de travail. Il faut savoir créer cette opportunité. Réussir à avancer dans le contrôle de notre propre travail est important en soi. C'est aussi une contribution à une organisation sociale différente. Toute prise sur le développement économique permet de favoriser le développement social. L'exclusion du marché du travail, la précarité de l'emploi, les emplois à faibles revenus constituent une réalité dont la transformation présente un défi majeur. Il faut lutter contre la marginalisation économique notamment par une mise en commun des richesses, par une fiscalité équitable et par des programmes et services sociaux de qualité. L'organisation du travail: un champ d'action syndicale renouvelé. Le Congrès de 1990 a appelé l'ensemble des syndicats affiliés à la CSN à prendre les devants pour agir sur l'organisation du travail, sur la finalité du travail, sur les droits d'être informés et d'agir dans l'entreprise. Cet appel découle de la conclusion que les systèmes traditionnels d'organisation du travail très hiérarchiques ont atteint leurs limites, que les emplois et nos conditions de travail sont menacés si les entreprises et établissements ne revoient pas leur façon de mettre à contribution le savoir des travailleuses et des travailleurs. Beaucoup d'entreprises, avec l'introduction de nouvelles technologies ou à cause de problèmes de production ou de marché, cherchent effectivement à modifier leur façon de faire. Cependant, la plupart ne tiennent absolument pas compte des besoins, des droits et des intérêts des travailleuses et des travailleurs. Dans bien des cas, ils cherchent à pousser plus loin leur système traditionnel d'organisation du travail, de dépossession du travail, de parcellisation des tâches. Cette vision conduit, à terme, à un échec retentissant tant à l'égard de la qualité des produits et services, qu'à celui de la productivité, des emplois et des conditions de travail. Mais les choses évoluent rapidement. Depuis deux ans, les discussions sur l'organisation du travail deviennent centrales dans un nombre croissant de négociations de conventions collectives ou même de négociations pendant la durée de vie de la convention collective. Que l'on pense à la façon dont les technologies sont introduites, au contrôle syndical sur la formation, aux questions de flexibilité, de rémunération et d'équité salariale, etc. Nombre de syndicats ont choisi de prendre les devants dans ces questions en définissant leurs objectifs en termes d'emploi, de santé et de sécurité au travail, de charge de travail, de formation, d'encadrement du travail, de classification, de rémunération, etc. Cette action s'est surtout développée dans le secteur manufacturier mais l'idée d'une réorganisation du travail se développe aussi dans plusieurs types de services, publics comme privés. Aujourd'hui, des expériences de négociation sur l'organisation du travail sont en cours dans la métallurgie, l'éducation, les pâtes et papier, le textile, la transformation alimentaire; des démarches sont en cours dans des hôpitaux, dans le commerce de détail, etc. Ces démarches sont déterminantes pour nos emplois, pour nos conditions de travail et de vie. Prendre une position défensive sur ces questions équivaudrait à se laisser enfermer par l'employeur dans des débats étroits, limités par exemple, à la seule flexibilité de la main-d'oeuvre. Prendre une position défensive équivaudrait aussi à laisser les problèmes s'aiguiser, s'aggraver jusqu'à ce que les enjeux soient lourds de conséquences, pour l'entreprise ou l'établissement bien sûr, mais aussi pour nous. L'action syndicale sur l'organisation du travail est une voie indispensable et privilégiée pour à la fois redonner la parole au plus grand nombre dans les lieux de travail, revaloriser la qualité de vie au travail et lui redonner un sens, accroître l'autonomie et la démocratie, réformer les entreprises, réduire le gaspillage des ressources matérielles et humaines, améliorer la qualité et agir sur les choix de production des biens et des services. Occuper un terrain dont s'étaient emparés les employeurs, intervenir maintenant sur les objectifs de l'entreprise, sur son fonctionnement, s'inscrit dans la continuité de la mission de la CSN. Les valeurs fondamentales dont nous sommes porteurs sont plus que jamais indispensables et doivent être rappelées avec vigueur: justice sociale, démocratie, équité, progrès social et économique, promotion des droits dans l'entreprise, respect des personnes, etc. Ces valeurs constituent la base d'une véritable éthique de nouveaux droits et de nouvelles responsabilités. Ces valeurs souffraient de ne plus pouvoir s'exprimer et se réaliser dans le travail. Dans un monde en changement, porteur d'insécurité et d'incertitude, elles sont notre point d'ancrage, elles sont la base de notre projet de société. Dans une situation en transformation, face à de nouveaux défis, notre mouvement doit constamment ajuster sa stratégie pour être toujours plus efficace dans la recherche de ses objectifs fondamentaux. Il faut mieux comprendre et faire les débats nécessaires pour mieux agir. Adapter notre stratégie, c'est la renforcer pour agir sur des terrains dont nous avions été exclus, c'est élargir le champ de notre action, de nos discussions avec les employeurs, de nos négociations, c'est mieux prendre en charge les nouveaux besoins de nos membres et de la société. Le mouvement syndical doit diversifier ses actions, renouveler sa combativité, lui donner un contenu nouveau. Nous vous proposons ici les principales étapes d'une démarche syndicale pour prendre les devants dans l'organisation du travail. Il s'agit essentiellement de faire en sorte que le syndicat définisse ses objectifs sur ses propres bases et qu'il s'assure qu'ils soient largement compris et partagés pour ensuite les mettre de l'avant dans le cadre d'une démarche avec l'employeur. En cette matière comme en d'autres, il n'y a guère de recettes magiques. Ces nouvelles formes d'organisation du travail doivent viser conjointement, d'une part, plus d'autonomie, de responsabilité, d'équité, de sécurité d'emploi, de sécurité physique, de créativité dans le travail, plus de collaboration entre travailleuses et travailleurs, un contenu de tâche plus diversifié, plus enrichi et d'autre part, une plus grande efficacité de l'entreprise, une meilleure compétitivité, plus de qualité dans les produits et les services. Plusieurs de nos objectifs en matière de santé et de sécurité au travail peuvent se traduire concrètement dans l'entreprise à travers notre implication syndicale dans l'organisation du travail. L'élimination des dangers à la source passe par des changements dans l'organisation du travail, des changements dans les technologies et aussi par un accroissement du rôle des travailleuses et travailleurs et de leur syndicat dans leur implantation. Pareillement, les problèmes d'épuisement professionnel, certains problèmes de santé mentale, d'alcoolisme et de toxicomanie sont liés à la façon dont le travail est organisé. Ces problèmes méritent notre attention, nous devons encourager une plus grande prise en charge collective axée sur la prévention et l'aide à apporter aux travailleuses et aux travailleurs qui vivent ces difficultés. L'action sur l'organisation du travail doit aussi intégrer notre vision du droit au travail pour toutes et tous, particulièrement pour le droit au travail des personnes membres de groupes discriminés et des travailleuses et travailleurs moins qualifiés. Le mouvement consacre déjà beaucoup d'énergie dans le soutien aux syndicats actifs sur les questions d'organisation du travail et aussi dans la formation des militantes, des militants et des salariés. Nous devons continuer à développer nos moyens d'action et, particulièrement, nous proposons d'élaborer des stratégies sur la réorganisation du travail propre aux différents secteurs. Enfin, lutter pour obtenir une voix dans l'entreprise, dans l'établissement, est une chose possible si on a les moyens de se battre et les moyens de parler. La syndicalisation constitue la seule voie qui permette aux travailleuses et travailleurs de s'exprimer et d'agir collectivement. C'est la seule voie qui permette d'identifier des droits et de les gagner pour les individus dans l'entreprise ou l'établissement. Nous devons occuper un terrain où nous avons toute notre légitimité mais que, invoquant les prétendus sacro-saints droits de gérance, le patronat s'est approprié. Nous affirmons, et nous avons entrepris d'en faire la preuve, qu'un développement véritable et viable, que l'amélioration de la qualité de vie au travail et de la vie en société passent nécessairement par plus de démocratie et dans les milieux de travail et dans la société. Pour des politiques de développement économique et social. Échanges commerciaux. Les échanges commerciaux sont au coeur des débats économiques de tous les pays du monde. Les tensions commerciales se sont faites plus nombreuses et plus aiguës au fur et à mesure que la carte mondiale de la production industrielle s'est modifiée notamment à cause de l'évolution des technologies, des modifications aux politiques agricoles et de la fluctuation des monnaies. Les négociations dans le cadre du GATT réunissent au-delà de 100 pays du monde. Il s'agit là du principal mécanisme de gestion du commerce des marchandises depuis 1945. Aujourd'hui, les conditions économiques et techniques ont évolué de telle façon que l'actuelle ronde de négociation constitue une partie de bras de fer entre les principales puissances du monde industriel. Les objets en sont les politiques agricoles, le pouvoir des États «subalternes» (comme la province de Québec) d'intervenir dans leur développement économique et aussi de nouveaux enjeux comme le commerce des services (financiers et autres) et la protection de la propriété intellectuelle (droits d'auteurs, marques de commerces, brevets). Nous pressons les gouvernements du Canada et du Québec de protéger le pouvoir des provinces d'agir sur leur développement économique et d'assurer le maintien des mécanismes de gestion de la production agricole. Ces mécanismes sont des instruments importants de stabilisation des prix des denrées et des revenus pour les producteurs agricoles. Ce sont des instruments qui ont contribué au développement de notre autosuffisance alimentaire ainsi que d'une industrie agro-alimentaire fort importante dans toutes les régions du Québec. Il est capital de soutenir le développement de ce secteur. Parallèlement à ces négociations cruciales, un certain nombre de régions du monde cherchent à développer ou à renforcer des blocs commerciaux régionaux. C'est le cas en Europe évidemment mais aussi en Asie et dans les Amériques depuis quelques années. Après l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, un nouvel accord est en voie d'aboutir entre ces deux pays et le Mexique. Ni les objectifs poursuivis par le gouvernement du Canada, ni le contenu des négociations ne sont soumis à quelque débat public. Cela est scandaleux. Malgré l'importance de ces négociations sur nos emplois, ce n'est que par des fuites, probablement calculées, que la population canadienne a accès à quelques informations. Pendant ce temps, on assiste là aussi à une partie de bras de fer menée par les Américains. Par exemple, dans le dossier des voitures Honda fabriquées en Ontario, le gouvernement américain joue toutes les cartes possibles pour prétendre qu'elles ne rencontrent pas la norme minimale de contenu nord-américain. Plus cette norme sera sévèrement appliquée ici, plus elle le sera ensuite au Mexique. Le résultat recherché par les Américains, c'est que les Japonais et les Européens seraient obligés de produire sur le territoire américain pendant que les trois grands américains (GM, Ford et Chrysler), ceux qui prônent le «Buy american», utilisent eux, de plus en plus, le territoire mexicain et les salaires de 1,75 $ l'heure. Outre ces stratégies commerciales, l'Amérique du Nord est toujours guidée par l'idéologie du laisser-faire. On développe de nouvelles règles du jeu qui poussent les pays à s'uniformiser, qui contraignent ceux qui voudraient adopter une politique différente. On trouve peu ou pas la volonté de préserver et encore moins de promouvoir le développement économique et social. Les négociations commerciales actuelles poussent vers une intégration négative des différents pays. Ces changements structurels, la récession et les politiques conservatrices qui les accompagnent accroissent les écarts entre les pays et à l'intérieur des pays. Nous croyons à l'ouverture commerciale comme moyen essentiel du développement économique mais cette ouverture doit se faire de façon positive, en favorisant, et en faisant la promotion du développement économique et social, de la protection de l'environnement, de la promotion des droits des femmes, des droits humains, de la démocratie. Les politiques économiques nationales et sectorielles. L'idée de conjuguer les efforts des différents intervenants sociaux et économiques pour assurer le développement du Québec a gagné du terrain ces derniers mois. Cela illustre un certain changement de mentalité. Nous faisons ici référence particulièrement à la politique de développement des secteurs, déjà mieux connue sous le nom des grappes industrielles, du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Le ministère propose une stratégie industrielle qu'il prétend capable d'accroître la compétitivité des entreprises, d'assurer le développement de productions à haute valeur ajoutée, de créer une société plus forte et porteuse d'avenir, de créer des emplois permanents de qualité. L'élément clé de la proposition consiste en la mise sur pied de grappes industrielles. Ces grappes constituent un regroupement, dans un secteur, de l'ensemble des entreprises pour mieux identifier les complémentarités, les projets conjoints possibles, pour avoir une meilleure connaissance des fournisseurs, des clients, des marchés, etc. Cette stratégie prétend aussi travailler dans le sens d'une meilleure capitalisation des entreprises, d'un développement de la formation de la main-d'oeuvre, pour un accroissement dans la recherche et le développement, pour la mise en place d'un « climat de travail propice ». La composition de chacune des grappes prévoit une représentation syndicale. Nous avons, au cours des années, fréquemment insisté sur la nécessité d'une intervention plus structurée dans l'économie. Plusieurs congrès de la CSN, particulièrement ceux de 1986 et de 1988, ainsi que les stratégies sectorielles développées par les fédérations du privé et la CSN en 1982 et 1991, exigeaient du gouvernement du Québec une stratégie industrielle axée sur le plein emploi et la reconnaissance des organisations syndicales comme intervenants privilégiés. Nous énoncions alors les objectifs que doit viser cette politique, tels que le plein emploi, le développement régional, et un meilleur contrôle du Québec sur son développement économique. Nous avions identifié des outils indispensables à un certain succès tels les sociétés d'État et des mécanismes de planification et de démocratisation économique au niveau du Québec et aussi des régions. Forts de ces orientations, nous travaillons dans quelques secteurs à la mise sur pied de ces grappes industrielles. C'est ainsi que la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt et la CSN sont à l'origine de la mise sur pied du regroupement dans ce secteur. Déjà un premier rapport, dont les suites se font cependant attendre, a été produit. Les propositions gouvernementales soumises jusqu'ici sont loin d'être claires à tous égards. Les interrogations sont nombreuses; par exemple, dans la mesure où la philosophie dominante du gouvernement consiste toujours à voir l'État jouer un rôle minimum, comment nos objectifs pourront-ils être atteints? Pareillement, le développement social est très peu présent dans l'ensemble des énoncés du gouvernement comme si les problèmes sociaux étaient nécessairement réglés du seul fait de la croissance économique. L'accroissement des inégalités entre riches et pauvres, ici comme aux États-Unis, témoigne, à notre avis, du contraire. De plus, les mesures concrètes pour atteindre certains objectifs, comme une meilleure capitalisation des entreprises, sont inexistantes. Le rôle donné aux sociétés d'État, s'il y a lieu, n'est pas précisé. Les liens avec les régions non plus. C'est pourquoi il vous est proposé ici d'établir nos objectifs dans le cadre de cette politique. D'abord, une véritable politique de formation continue, une politique avec des moyens, où les entreprises investiront réellement, une politique où les droits de se former, de se recycler, de se réorienter seront enfin reconnus aux travailleuses et aux travailleurs. Il est temps que l'on passe des déclarations d'intention à une action concrète, décisive, dans ce domaine. Une participation authentique des travailleuses et des travailleurs passe aussi par le droit d'être informé sur l'entreprise ou l'établissement, par le droit de débattre des orientations des entreprises. Plusieurs de nos revendications doivent être avancées dans le cadre de ces travaux, sur l'égalité en emploi, sur des mécanismes réels de protection de l'emploi, sur le développement de politiques de prévention en matière de santé et de sécurité au travail, sur l'importance de l'environnement. D'autres moyens et objectifs doivent aussi être soutenus, tels la promotion de la recherche et du développement, l'utilisation des sociétés d'État, une politique d'incitation au réinvestissement des profits. Ce n'est qu'en avançant sur ces terrains que nous aurons travaillé au développement d'emplois de qualité et que pourra se développer une prise durable sur la finalité du travail et son organisation. Le développement régional. Il y a une certaine effervescence dans les régions du Québec. Il y a une volonté de plus en plus affirmée de la part des régions de contrôler au maximum leur développement et de posséder les outils politiques et financiers pour ce faire. On veut voir cesser l'exode des populations des régions vers les centres, on veut s'assurer que les emplois des administrations publiques se trouvent aussi dans les régions. Bref, une volonté d'exister et de se développer. Les derniers congrès de la CSN ont soutenu nos réflexions et orienté notre action sur le développement régional. Les conseils centraux étaient particulièrement appelés en 1988 à accroître leur implication avec les autres organisations syndicales et populaires dans le développement social, économique et culturel de leurs régions. Plus récemment, le conseil Confédéral a eu à se prononcer sur les différentes initiatives gouvernementales relatives au développement régional ainsi que sur les principes et objectifs qui guident notre action. Nous proposons au Congrès d'adopter l'essentiel de ces principes. Le développement des régions doit être contrôlé par les régions elles-mêmes, en tenant compte des politiques nationales ou sectorielles et en assurant leur adaptation et intégration en fonction des spécificités des régions. La démocratisation des régions passe par une décentralisation politique, par des ressources financières qui permettent une véritable prise en charge des régions et enfin, par des structures de participation par lesquelles les groupes représentatifs des intérêts de la population pourront influer le cours des choses. Nous devons là aussi poursuivre la mise en place d'un développement global, qui intègre les différentes facettes de notre vie et qui soit viable. Pour une nouvelle politique sociale, pour une fiscalité équitable. Pour l'universalité. Notre système social est en danger. Au cours des cinquante dernières années, nous avons progressivement réussi à construire différents programmes sociaux et un système de sécurité du revenu qui, sans être parfaits, ont permis une amélioration sensible de notre niveau de vie et de notre qualité de vie. Ces programmes sont aussi l'expression d'un choix démocratique; l'accès aux services de santé et d'éducation a cessé d'être lié à la fortune des gens. La société, par les pensions de vieillesse, reconnaît dans une certaine mesure la contribution que les personnes, aujourd'hui âgées, lui ont apportée et ce, indépendamment de leur rôle social, qu'elles aient été au travail ou qu'elles aient élevé des enfants. La société reconnaît aussi par les allocations familiales la contribution particulière, la richesse, que lui apportent les parents qui élèvent des enfants. Enfin, nous avons gagné la protection au moins partielle de nos revenus en cas de chômage, d'accident de travail, d'accident de la route, etc. Ces éléments constituent des acquis sociaux de première importance malgré le fait que les services soient insuffisants, que les pensions ou la protection du revenu soient trop faibles. Les attaques contre les régimes de protection du revenu, contre les prestations sociales, contre l'accès aux services sociaux, de santé et d'éducation sont légion maintenant. Le Canada et le Québec ont longtemps retenu le principe de l'universalité pour établir l'accès à l'éducation, aux services de santé ainsi que pour les pensions de vieillesse et les allocations familiales. Cette approche est constamment remise en question par les conservateurs et par ceux qui se prétendent «libéraux» parce que, disent-ils: «On n'a plus les moyens de donner ces avantages à tous»; «Il faut diriger l'aide de l'État vers ceux qui en ont besoin». Il faut d'abord se rendre compte qu'en éliminant l'universalité, en créant une catégorie de payeurs qui n'ont pas droit aux prestations et services et une catégorie de bénéficiaires, qui reçoivent sans pouvoir payer parce qu'ils gagnent peu, on tue la solidarité sociale. Quel support politique de tels programmes peuvent-ils recevoir pour leur amélioration ou même leur maintien alors qu'un grand nombre n'y aura jamais accès? En créant des programmes pour les pauvres, on se prépare de pauvres programmes! Des exemples? Le gouvernement fédéral a aboli il y a quelques années l'universalité des allocations familiales et des pensions de vieillesse; elles devenaient alors remboursables au gouvernement à partir d'un revenu imposable annuel de 50 000 $. C'était raisonnable, disait-on, ces gens n'ont pas besoin de telles prestations de l'État. Il faut savoir d'abord que ce 50 000 $ n'est que partiellement indexé (au-delà de 3% d'inflation seulement) et que le salaire moyen le rattrapera progressivement. Il viendra un temps, pas si lointain, où cette pension ne sera plus payable qu'aux faibles revenus. Une grande partie des délégués ici présents, n'y auront pas droit. Ce sera un pauvre programme . Pour les allocations familiales, on a accéléré le processus: le dernier budget fédéral a décrété qu'elles commenceraient à être remboursées à partir du seuil de pauvreté. C'est maintenant un pauvre programme. Pour l'aide juridique, les seuils sont tels maintenant, que même des personnes qui vivent du salaire minimum n'y ont plus accès. C'est un pauvre programme. Dans l'éducation, les frais de scolarité à l'université ont plus que doublé depuis trois ans. Aujourd'hui, on évoque sérieusement l'idée de frais de scolarité au cégep! Reculerons-nous sur l'universalité de l'accès à l'éducation? Plus encore, le réseau collégial est menacé au Québec. Ce système, reconnu internationalement, qui a contribué et contribue toujours à la démocratisation de l'éducation supérieure, est remis en cause. Il est question de le départager entre le niveau universitaire et le niveau secondaire. Il est question de réduire la part de la formation générale comme si on cherchait à ratatiner le rôle de l'école au développement de la capacité d'occuper des emplois. L'éducation occupe une place croissante, de plus en plus déterminante dans la qualité du développement économique, mais nous devons veiller plus que jamais à ce qu'on ne limite pas son rôle à cette seule fonction. La qualité de la vie démocratique dépend largement de l'éducation, non seulement par les connaissances acquises, le savoir-faire mais aussi parce qu'on peut y apprendre à exercer son jugement. Dans la santé et les services sociaux, bien que les coûts de nos réseaux publics demeurent raisonnables et qu'ils offrent une protection supérieure par rapport à un système privé comme celui des États-Unis, le gouvernement du Québec remet la gratuité en question (les coûts sont de 40%, per capita, plus élevés aux États-Unis). On veut exiger cinq dollars par visite au médecin aujourd'hui, combien demain? Des centaines de personnes ici présentes savent par expérience à quel point on a rogné dans les ressources affectées au réseau de la santé et des services sociaux, dans le nombre de postes, dans les heures de travail, dans les services. Aujourd'hui, le gouvernement remet en question la non-tarification de certains des services médicaux (soins dentaires aux enfants, examens de la vue chez les optométristes et tarification des médicaments pour les personnes âgées). C'est l'accès aux soins de santé qui est remis en cause. Nous devons renverser ces tendances; il faut préserver et assurer le développement de ces acquis sociaux. Notre qualité de vie en dépend. Il en va de la spécificité et de l'originalité de notre société. Il est évident que le chômage éhonté que nous subissons rend le financement de tous nos services et programmes plus compliqués. L'intégration croissante des économies du monde crée également une pression sur les petites économies, tendant à forcer l'uniformisation des politiques. Nous soutenons cependant que la clé d'une politique sociale de qualité se trouve dans l'adoption de politiques et de mesures plus efficaces de création d'emplois de même que dans une fiscalité plus équitable. Une telle politique sociale doit s'accompagner de modes de participation permettant à la population, aux travailleuses et travailleurs, d'agir sur les décisions majeures de développement et d'investissement. Une fiscalité équitable. Le Canada et le Québec sont en crise fiscale. La population réagit de toutes les façons à un fardeau fiscal inéquitable. L'économie souterraine gagne du terrain. Il est temps là aussi que les choses changent. Il faut repenser maintenant une fiscalité équitable qui donne les moyens de maintenir l'accessibilité à des programmes sociaux de qualité. Les gains de capital (le profit qu'on fait lorsqu'on vend une action ou d'autres biens) ne sont pas imposés avant qu'une personne n'en ait encaissé pour 100 000 $ dans sa vie. Par la suite, ils sont aussi moins imposés que les salaires. On a évalué que, par cette seule mesure, le gouvernement fédéral abandonne environ 3 milliards $ de revenus par année. Qui est exempté de payer ces impôts? Les statistiques fiscales démontrent que 70% de ces exemptions ont été réclamées par des contribuables dont les revenus étaient supérieurs à 80 000 $. Plus du quart de cet argent va à des contribuables qui gagnaient plus de 250 000 $ en 1989. Le dernier budget conservateur, en même temps qu'il coupait les allocations familiales, trouvait le moyen de donner une réduction d'impôt sur le revenu. Ainsi une famille à un seul revenu de 100 000 $ est coupée de 234 $ en allocations familiales mais en gagne 442 $ en réduction d'impôt. Fumisterie! Si on aidait moins ces contribuables, on aurait peut-être les moyens d'aider davantage tous les contribuables! Nos travaux en cours sur la progressivité du système fiscal applicable au Québec, en incluant les taxes à la consommation et les impôts, nous indiquent que notre système fiscal est progressif jusqu'à plus ou moins 50 000 $. A partir de là, l'effort supplémentaire demandé est beaucoup plus faible. En fait, si on inclut une déduction substantielle pour des gains de capital, le fardeau fiscal plafonne et parfois diminue après 50 000 $ de revenus. Ce système est inéquitable. Les impôts des entreprises constituent une faible part dans les revenus des gouvernements. Parmi les principaux pays industrialisés, le Canada est celui qui taxe le moins ses entreprises. Ce système est inéquitable. Voilà pourquoi nous considérons qu'il existe au Canada et au Québec l'espace fiscal nécessaire pour exercer d'autres choix de société que ceux qui sont retenus par et pour les classes dominantes actuellement au pouvoir à Ottawa et à Québec. Voilà pourquoi nous croyons important de donner plus d'ampleur à notre campagne sur la fiscalité, important de développer une alternative équitable au régime fiscal actuel. Voilà pourquoi nous exigeons du gouvernement du Québec une commission d'enquête chargée de préparer une réforme fiscale qui redonne une crédibilité à cet outil important de partage des richesses. La santé et la sécurité au travail. Le militantisme syndical sur la question de la santé et de la sécurité au travail est un acquis majeur du mouvement. Partout nous avons progressé sur cette question, nous investissons constamment des ressources dans la formation, dans la prévention, dans la négociation, dans la défense des accidentés et malades du travail. La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles demeure notre objectif premier en matière de santé et de sécurité au travail. Il reste beaucoup à faire dans ce système qui sollicite beaucoup de nos énergies pour la défense des accidentés. La prévention doit demeurer une priorité, il faut réussir à forcer le changement. Les préoccupations relatives à la santé et à la sécurité doivent aussi traverser les nouveaux champs qu'occupe le militantisme syndical. Le travail syndical sur l'organisation du travail constitue un terrain privilégié entre tous pour agir en matière de prévention et d'élimination des dangers à la source et pour assurer une meilleure protection de notre intégrité physique et mentale. L'action sur l'organisation du travail, c'est une action sur les conditions dans lesquelles notre savoir-faire et notre créativité pourront servir; c'est une action sur les technologies, sur les procédés de production et leur impact sur la façon dont le travail se fait, sur ses dangers, sur le travail répétitif, sur l'ergonomie de nos postes de travail; c'est une action qui détermine notre pouvoir d'agir quotidiennement sur notre travail et donc sur les conditions qui menacent notre sécurité et minent notre santé. L'action syndicale en environnement est aussi un terrain privilégié pour assurer notre protection comme travailleuses et travailleurs et comme citoyennes et citoyens. Les liens sont constants entre les produits et procédés dangereux pour notre santé et ce qui constitue un danger pour l'environnement. Nous avons réalisé des progrès en santé et sécurité au travail en termes de droits mais la situation demeure grave. L'incidence des accidents demeure élevée. Les nouvelles technologies ne sont pas porteuses automatiquement de meilleures conditions. Au contraire, elles créent souvent de nouveaux problèmes de bruit, de vision ou autres. Les maladies professionnelles sont toujours peu reconnues et on progresse peu à ce chapitre. Le droit de retour au travail des travailleuses et travailleurs accidentés constitue un autre sujet majeur de préoccupation. Malgré les droits reconnus par la loi, leur réinsertion au travail est fréquemment retardée. Il importe de développer des mécanismes plus efficaces ou de forcer les employeurs à reconnaître effectivement ce droit. Nous devons absolument accentuer nos efforts en ce sens. La Commission de la santé et sécurité au travail (CSST) a connu cette année un important déficit. Son origine? Plusieurs facteurs sont identifiés: baisse des taux de cotisation des employeurs, prolongement des périodes d'invalidité, carences majeures en matière de réadaptation des travailleurs accidentés, judiciarisation excessive des processus de reconnaissance des accidentés du travail. La CSST n'a cependant pas encore réussi à démontrer ou à expliquer ce qui a occasionné l'augmentation significative au niveau de la durée des indemnisations, pourtant une source certaine du déficit encouru. Toute modification qui remettrait en question des droits majeurs inscrits dans la loi actuelle de la santé et sécurité au travail serait donc un signe d'irresponsabilité et de panique puisqu'aucune analyse précise et structurée n'est en mesure de nous démontrer de façon probante les causes exactes d'un déficit qui atteint 792 millions $. Le déficit de la CSST, bien qu'alarmant et sérieux, ne doit pas servir de prétexte aux employeurs et au gouvernement pour sabrer dans ce régime. Loin d'être parfait, il a, à tout le moins, le mérite de placer au coeur de ses préoccupations les réparations et les dédommagements à des femmes et à des hommes qui, dans leur travail, ont été exposé à des accidents ou à des maladies de toute sorte. Ce ne sont pas les premières tensions sur les finances de la CSST. La lourdeur du processus administratif et la judiciarisation grandissante du système exercent depuis longtemps une pression à la hausse sur les dépenses de la CSST. Il est urgent que la Commission et le gouvernement agissent pour assurer la viabilité des opérations de la Commission mais cela doit passer non par une réduction des droits des travailleurs mais d'abord et avant tout par une tarification plus adéquate, par la déjudiciarisation des procédures et par une véritable politique de prévention des maladies et accidents du travail qui assure une meilleure qualité de vie au travail. Les surplus dans les régimes complémentaires de retraite. Nos fonds de pension constituent des outils importants pour assurer le remplacement d'une partie de notre revenu à la retraite. Au cours des années, nous avons traité de cette question en soulignant l'importance d'un plus grand contrôle syndical sur les régimes de retraite. Cela est important pour éviter que nos régimes ne soient des boîtes à mauvaises surprises et aussi pour contrôler les fins pour lesquelles sont investies nos économies. Nos régimes de retraite possèdent souvent des surplus d'actif, c'est-à-dire que, selon l'évaluation faite par un actuaire, il y a, à une date donnée, et à partir de certaines hypothèses, plus d'argent dans le régime qu'il n'est nécessaire pour payer l'ensemble des prestations dues aux participantes et participants. Nous prétendons que ces sommes appartiennent aux participantes et participants et, qu'à moins d'entente contraire avec les syndicats, elles doivent être utilisées au bénéfice des participantes et participants. Il y a toujours une interdiction légale (un moratoire) de toucher aux surplus de fonds de pension lors de la fermeture d'un régime. Le gouvernement cherche actuellement une formule qui permettrait de revenir à un régime légal normal. C'est pourquoi nous pensons important que le Congrès réaffirme l'orientation de la CSN sur cette question. Nous encourageons aussi les syndicats, dans le cadre de la négociation de leur convention collective à développer le meilleur contrôle possible de leur régime. Il faut avoir minimalement s'assurer, qu'en aucun cas, l'employeur ne puisse modifier le régime sans avoir obtenu au préalable le consentement du syndicat. La CSN a commencé à élaborer une politique de placement sécuritaire des actifs des régimes de retraite dans la perspective du soutien le plus grand possible au développement économique du Québec. Ce travail devrait être complété, nous devrions nous assurer d'une diffusion large de cet outil dans les années à venir. La force des femmes: une clé essentielle du progrès. A plusieurs reprises dans ce rapport, nous avons évoqué des problèmes de précarité de l'emploi, de précarité des revenus, de pauvreté, d'affaiblissement de la protection sociale et des services sociaux. Les femmes portent particulièrement le poids de ces problèmes. Parce que la discrimination dans l'emploi est encore présente, parce que la discrimination salariale est encore présente, parce que les rôles sociaux, particulièrement les rôles de soutien aux enfants ou aux personnes ayant besoin de support, sont toujours très définis en fonction du sexe. Nous affirmons ici que les préoccupations d'égalité en emploi et aussi d'équité salariale doivent se retrouver en bonne place dans nos travaux sur l'organisation du travail, les politiques économiques, les politiques sociales. Nous proposons aussi au Congrès qu'une réforme de la fiscalité porte une attention particulière à la question des politiques familiales. Enfin, le mouvement continue à exiger une législation pro-active sur l'équité salariale. Nous proposons au Congrès que la CSN revendique l'établissement d'un mécanisme qui assure la perception automatique et la redistribution des pensions alimentaires. Une telle mesure constituerait une amélioration sensible de la condition des femmes responsables de familles monoparentales. La Régie des rentes du Québec pourrait, il nous semble, très bien jouer ce rôle. Les niveaux de salaire payés dans un grand nombre d'emplois ne permettent pas à beaucoup de femmes chefs de familles monoparentales d'intégrer ou de réintégrer le marché du travail. Le gouvernement du Québec a adopté des mesures punitives dans le cadre de la Loi sur la sécurité du revenu (Loi de l'aide sociale) . Il nous apparaît évident qu'il faut plutôt développer des mécanismes positifs, qui encouragent ces personnes exclues du marché du travail à y retourner ou encore de la même façon à intégrer un programme d'études. Nous avons souligné précédemment les problèmes de la violence faite aux femmes et du harcèlement sexuel. Nous vous proposons de prendre des moyens pour sensibiliser davantage nos membres sur ces questions et pour établir des politiques destinées à renforcer l'action de nos syndicats. Enfin, le rapport du Comité de la condition féminine fait état de la place que les femmes occupent dans le mouvement, dans les différentes instances et aussi de la place que les femmes occupent dans la société. La CSN a comme politique établie de veiller à une présence équitable des femmes dans les différents comités ou délégations. Nous invitons tous les organismes à procéder de même. L'État est particulièrement responsable du traitement équitable de l'ensemble des citoyennes et citoyens. C'est pourquoi nous exigeons du gouvernement qu'il prenne des mesures pour s'assurer d'une place équitable des femmes aux différents paliers de responsabilité des organismes publics et des sociétés d'État. L'environnement. Il y a une remise en cause significative du type de développement qui sur-utilise systématiquement et souvent détruit notre environnement. Les taux de croissance économique sans précédent que nous avons connus cachaient une forme d'endettement à long terme qu'on ignorait. Il faut maintenant rembourser la dette environnementale. Évalué sur une plus longue période, le développement économique de l'après-deuxième guerre n'est plus aussi reluisant. Il nous faut constater que les bénéfices de cette croissance ont été privatisés mais les pertes, la dégradation de l'environnement, ont été socialisées, abandonnées à l'ensemble de la société. La pression sociale pour que les choses se passent autrement ne peut plus être ignorée. De nombreux syndicats ont intégré cette sensibilité dans leur action au niveau de l'entreprise, cela doit continuer et nous devons développer les moyens pour accroître notre efficacité. Nous devons particulièrement nous arrêter aux liens existants entre la recherche d'un développement viable et l'emploi. Ces réalités ne s'opposent pas. C'est déjà évident que la perpétuation du système actuel ne peut que créer des difficultés et une échéance qui seront plus dures à affronter que les changements que nous devons apporter aujourd'hui. Ne pas tenir compte de l'environnement, c'est scier la branche sur laquelle on est assis. Le secteur des pâtes et papier qui n'a pas profité des années de vaches grasses pour moderniser de façon convenable ses installations et remédier aux problèmes environnementaux en est l'illustration la plus percutante. Aujourd'hui, ce secteur connaît des pressions de certains de ses clients (l'Europe) pour régler ses problèmes au moment I même ou d'autres producteurs (des États-Unis, du Brésil, du Chili) s'attaquent à certains de ses marchés. La Fédération des travailleurs des pâtes et papier de la CSN développe une approche qui réussit à intégrer les différentes exigences environnementales, économiques et syndicales. Force nous est de reconnaître que la marge de manoeuvre est étroite. Une préoccupation véritable par rapport à l'environnement constitue une approche exigeante car il nous faudra apprendre, en plus de gagner un droit d'expression sur les questions environnementales, à intégrer cette dimension dans nombre de dossiers comme les changements technologiques, l'organisation du travail ou la santé et sécurité au travail. Bien malin qui s'y retrouve actuellement dans les développements législatifs par rapport à l'environnement. On légifère en effet constamment à la pièce, sans permettre l'articulation d'une vision d'ensemble. Il nous semble donc nécessaire de disposer d'énoncés de politiques qui permettraient d'éclairer le débat public sur l'environnement. La législation doit nous reconnaître des droits: droit à l'information, droit d'enquête, droit de refuser de polluer, droit de dénoncer publiquement et sans représailles les entreprises qui ne se conforment pas aux normes. Nous exigeons de plus que toute entreprise ait l'obligation de faire préparer annuellement et de rendre public un audit environnemental. La population a le droit de connaître les risques auxquels elle est soumise et d'évaluer les efforts faits pour améliorer la situation. Un audit est un bilan établi par des spécialistes externes à l'entreprise et qui fait état des problèmes que pose cette entreprise à l'environnement. Les méthodes de disposition des déchets occupent une place centrale dans les débats sur l'environnement. Nous sommes de l'approche qui vise la réduction maximale de la production de déchets, la réutilisation, la récupération et le recyclage optimal des matières. Dans la perspective où nous devons disposer de déchets, nous souhaitons le développement et l'utilisation de techniques qui permettent la transformation sécuritaire et la valorisation des déchets (compost, énergie, etc) dans le respect de la santé publique. Les fédérations et les régions seront invitées à établir des plans de travail propres à leurs secteurs ou à leurs territoires pour identifier les problèmes environnementaux spécifiques, les défis qu'ils posent en termes de normes, de technologies, d'emploi et d'action syndicale. Les acquis de notre pratique syndicale en matière de santé et sécurité au travail nous prédisposent à intégrer nos préoccupations environnementales dans un cadre large d'interventions incluant le milieu de travail et l'environnement global. Discrimination, racisme et violence. La discrimination, le racisme et la violence doivent être dénoncés. Les présentes propositions invitent les syndicats à condamner le racisme et la discrimination ainsi qu'à revendiquer l'égalité des chances et l'égalité de traitement. Ils devraient aussi favoriser l'accès de toutes et de tous à des responsabilités syndicales. La CSN s'engage pour sa part à développer une déclaration de principe destinée à contrer toutes les formes de discrimination. Ainsi des efforts particuliers devront être faits pour contrer la discrimination que vivent les personnes handicapées. Cette année prend fin la décennie des personnes handicapées décrétée par l'Organisation des Nations unies en 1983. Même si certains progrès ont été accomplis, l'intégration sociale et l'intégration en emploi de ces personnes restent pour la société québécoise un défi majeur. On considère qu'environ 12% de la population aura à un moment ou à un autre de la vie, pour une durée plus ou moins longue, à vivre avec une incapacité. Les accidentés du travail et les victimes des maladies professionnelles sont de ce nombre. L'isolement et l'exclusion sociale sont souvent le lot de ces personnes. Dans la vie quotidienne, les difficultés d'accès aux lieux publics et aux lieux de travail, aux moyens de transport, à l'éducation et aux loisirs, viennent freiner leur intégration sociale et leur intégration au travail. Les milieux de travail se montrent souvent réfractaires à l'embauche de personnes ayant une incapacité et à leur maintien en emploi. Plus de 60% des personnes handicapées en âge de travailler sont sans emploi. Des stratégies d'intégration au travail s'imposent et nous avons des responsabilités en ce sens. Responsabilités envers les travailleuses et les travailleurs qui doivent pouvoir réintégrer leur travail suite à un accident ou à une maladie du travail. Responsabilités envers les personnes handicapées pour faire connaître leur réalité et travailler à contrer les obstacles qu'elles rencontrent afin qu'elles aient des chances égales d'obtenir un emploi et d'y demeurer. Notre efficacité dépend de l'organisation de nos ressources. Depuis plus de dix ans la question des structures du mouvement revient constamment dans nos débats. Nous avons débattu tantôt de la réorganisation des régions et des conseils centraux, tantôt de la répartition des ressources entre les fédérations ou tantôt du partage des responsabilités entre les organismes et la confédération. Ce n'est un secret pour personne qu'il est bien difficile de faire avancer ces dossiers Le présent Congrès sera saisi de nouvelles propositions concernant le support complémentaire à apporter aux régions et aux fédérations. De plus, le Comité exécutif et le Comité pré-congrès proposent la formation d'un nouveau comité de travail qui aurait la responsabilité de ramener au prochain congrès, ou au plus tard à un congrès spécial qui se tiendrait l'année suivante, des propositions sur les structures du mouvement. Ces propositions devront être élaborées en fonction d'un certain nombre de critères: équilibre des services, qualité et équité des services, viabilité et efficacité des organismes et du mouvement. Nous souhaitons instamment que ce travail permette de revoir nos façons de faire avec ouverture sur l'avenir. Notre pays. Nous sommes, comme peuple, à la croisée des chemins. Dans les mois qui viennent, nous aurons à choisir notre avenir. Le Congrès de 1990 a engagé sans équivoque la CSN dans le soutien à la cause de l'indépendance du Québec. Il soutenait en effet que: La CSN considère que le moment est venu pour le Québec de choisir son avenir, d'exercer sa pleine autonomie et son indépendance, à travers des structures politiques et organisationnelles à déterminer collectivement et que la CSN s'engage immédiatement à en faire la promotion. La CSN occupe depuis ce temps une place significative dans les débats constitutionnels. Notre choix a été affirmé haut et clair. Les occasions ont été nombreuses au cours des deux dernières années pour faire valoir notre vision du Québec. Les mémoires de la CSN et de plusieurs conseils centraux présentés à la Commission Bélanger-Campeau ont constitué un apport original et significatif au débat public. Nous avons pu aussi, conformément à nos décisions, développer des alliances sur la question nationale. La fondation du Mouvement Québec a permis d'accroître l'audience des regroupements qui font la promotion de l'indépendance. Ce mouvement travaille encore actuellement à recueillir un million de signatures pour forcer le gouvernement libéral à respecter la Loi 150 qui prévoit un référendum sur la souveraineté au plus tard en octobre 1992. Rappelons enfin le succès des référendums sur la souveraineté dans un grand nombre de nos syndicats alors que plus de 70 000 membres de la CSN ont soutenu cette action au printemps 1991. La bataille pour ou contre la souveraineté se fera encore sur le terrain économique. Tous les opposants à la souveraineté joueront sur la peur du lendemain. C'est là le terrain sur lequel se déterminera notre avenir. Le rapport de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec (Bélanger-Campeau) s'est longuement arrêté sur l'impact économique du passage à la souveraineté. La Commission a ainsi affirmé que, sans que la souveraineté ne soit un remède à tous les problèmes politiques, économiques ou sociaux du Québec, la possession de tous les leviers d'un état souverain représente certainement un puissant instrument de changement. Le Québec pourrait plus facilement procéder à un examen global de l'ensemble des dossiers et établir des priorités et objectifs publics. Un examen a aussi été fait de la question des accords internationaux sur le commerce, de la question des législations de nature économique, des réglementations, de la monnaie, des finances publiques, du marché du travail. La Commission concluait qu'un Québec souverain disposerait d'un certain nombre de moyens pour maintenir sa participation aux courants commerciaux mondiaux et nord-américains, ainsi que l'essentiel du marché commun canadien actuel. D'un autre côté, le Conseil économique du Canada, chargé de conseiller le premier ministre canadien en matière économique, a longuement examiné cette question et a conclu à la viabilité d'un Québec souverain et à des coûts de transition, somme toute modestes, vers la souveraineté. Nous enjoignons le gouvernement de tenir au plus tard le 26 octobre prochain un référendum sur la souveraineté du Québec. Il est temps que nous disposions d'un pays qui nous permette de construire notre avenir. Dans les démarches qui suivront la tenue d'un référendum donnant au Québec le mandat d'exercer son droit à l'autodétermination, il faudra prioritairement s'atteler au travail de définition d'une nouvelle constitution québécoise. C'est là le travail de ce qu'on appelle une assemblée constituante. Nous vous soumettons ici certains objectifs par rapport à la composition et au mandat de cette assemblée. Elle devrait évidemment être représentative des composantes de la société ce qui signifie pour nous, plus particulièrement, qu'elle devrait être composée à part égale d'hommes et de femmes. D'autre part, nous vous soumettons que cette assemblée devrait avoir pour mandat d'inclure dans la constitution ce qu'on appelle une charte sociale. Nous entendons par là une charte qui reconnaisse à la fois les droits individuels et les droits collectifs. Une telle charte devrait avoir pour objectif d'établir de nouveaux droits pour les citoyennes et citoyens, par exemple le droit d'accès gratuit à l'enseignement public et laïc, le droit d'accès aux services sociaux et de santé, le droit des femmes à une maternité librement consentie. On devrait aussi y prévoir des droits collectifs comme le droit de grève des syndicats et des objectifs sociaux et économiques comme par exemple le droit au travail et le droit au logement. Les alliances. Il nous faut les moyens de nos espérances. Les dix dernières années, nous l'avons beaucoup dit, ont été des années où nombre d'acquis sociaux ont été rognés, où le droit du travail n'a pas progressé, où le droit de négocier et le droit de faire la grève ont reculé. Les positions intersyndicales ont été relativement nombreuses au cours de toutes ces années mais on ne peut que constater encore une fois la difficulté de tenir les rangs serrés particulièrement lorsqu'il est question d'action. On ne peut que constater nos difficultés à tous de faire avancer nos objectifs de façon significative. Il faut cesser de reculer en rangs dispersés. Au dernier Congrès, nous avons sollicité et obtenu un mandat pour développer avec les autres organisations syndicales une plate-forme commune de revendications et aussi pour mettre en branle une coalition intersyndicale pour faire avancer ces revendications. L'évolution du droit du travail par rapport à l'accès à la syndicalisation constitue un objectif sur lequel nous souhaitons travailler. Le taux de syndicalisation dans le secteur privé est toujours faible, des pans entiers de l'activité économique ne sont toujours pas organisés. Nous avons tous intérêt à ce que les choses changent. La société québécoise a intérêt à ce que les choses changent. Par ailleurs, les différentes organisations syndicales prennent position sur un nombre considérable de sujets communs. Nous devrions, à notre avis, travailler plus systématiquement à l'harmonisation des revendications et des stratégies à poursuivre. Nous ne vous cacherons pas que de tels exercices ne relèvent pas de la simplicité. Il faut cependant souligner les rapprochements qui commencent à être substantiels dans le secteur public et qui sont particulièrement importants dans la conjoncture actuelle. Nous croyons essentiel de continuer à travailler avec les autres organisations autour des thèmes d'une part, de l'accès à la syndicalisation, de la mécanique et des effets des maraudages et d'autre part, sur la fiscalité et la promotion des intérêts populaires dans le cadre de l'accession du Québec à la souveraineté. Nous travaillons aussi depuis nombre d'années avec des groupes populaires qui regroupent des personnes âgées, des chômeurs, des bénéficiaires de l'aide sociale, des travailleuses et travailleurs préoccupés de logement, d'environnement, de justice, etc. Nous avons contribué à la mise en place de Solidarité populaire Québec dans la suite de la lutte pour le maintien de l'universalité des programmes sociaux. La CSN continue à investir des ressources dans l'action de cet organisme parce qu'il permet de regrouper des sensibilités qui sont différentes, mais des valeurs semblables. Le mouvement syndical occupe une place unique dans la société. Il est au coeur des rapports économiques. Par ses luttes continues pour les droits dans l'entreprise, il crée une impulsion en faveur de la démocratie, dans l'entreprise bien sûr mais aussi dans toute la société. Nous contribuons à accroître l'espace démocratique dans la société. Dans ce contexte, il est important que le mouvement syndical continue à bâtir des liens avec les regroupements qui partagent une vision sociale convergente. Au niveau canadien, une coalition large s'est aussi constituée. Beaucoup de syndicats au Canada jugent nécessaire de développer les liens avec les organisations actives sur d'autres terrains. Appelée le Réseau canadien d'action, cette coalition regroupe la CSN, le Congrès du travail du Canada et la plupart de ses fédérations provinciales ainsi que nombre d'organismes, de groupes d'action sociale à travers le Canada. Cette coalition s'est particulièrement fait entendre au moment de la lutte à l'accord de libre-échange et dans le cadre des négociations trilatérales Canada - États-Unis - Mexique. Dans le cadre de ces négociations, la CSN travaille en coalition avec les autres organisations syndicales et plusieurs organismes de coopération internationale. La Coalition québécoise sur les négociations trilatérales a notamment développé un projet de rechange au libre-échange. Ce projet permettrait à chaque pays de gérer son économie pour créer des emplois et redistribuer la richesse tout en reconnaissant l'interdépendance croissante de nos économies. Nous avons investi beaucoup d'énergie dans la mise en place de ces coalitions et pour en faciliter le développement; cet effort doit se continuer. Affiliation internationale. Nous nous étions engagés en 1990 à faire rapport à ce congrès sur la question de l'affiliation internationale. Toute réflexion sur cette question doit tenir compte d'abord de l'importance d'une affiliation au niveau international et ensuite, à la fois de l'évolution des conditions économiques internationales et des conditions politiques et syndicales internationales. La non-affiliation n'est surtout pas un choix de principe pour la CSN, au contraire. La CSN a mis fin à son affiliation à la Confédération mondiale du travail (CMT) en 1986 parce qu'elle était insatisfaite de certains de ses choix ainsi que de sa représentativité relative. Elle n'a pas alors rejoint d'autre confédération internationale parce qu'elle jugeait aussi insatisfaisants les choix qui s'offraient. Nous avons depuis cherché à développer et à maintenir des liens avec plusieurs organisations syndicales dans le monde, particulièrement en Europe et dans les Amériques. Une telle approche n'avait pas la prétention de se substituer à une affiliation internationale. Une affiliation permet de développer une compréhension commune des enjeux internationaux, d'agir avec plus de force au niveau des organisations internationales par exemple à l'Organisation internationale du travail (OIT) qui émane des Nations unies. Une affiliation permet aussi de construire des échanges sectoriels plus substantiels. Alors qu'il y a cinq ans plusieurs organisations représentatives dans différents pays n'étaient pas affiliées, cela n'est plus le cas aujourd'hui. Nombre d'entre elles ont rejoint, ou sont en voie de rejoindre, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). Nous vous proposons d'entamer une démarche pouvant mener à l'affiliation de la CSN à la CISL. L'effondrement du bloc des pays de l'Est de l'Europe a déclenché un mouvement de recomposition du mouvement syndical international. Les organisations syndicales de ces pays ont quitté la Fédération syndicale mondiale (FSM) et certaines ont adhéré à la CISL. Ce mouvement de rapprochement à la CISL ne se limite pas à l'Europe de l'Est. Les plus importantes centrales syndicales d'Italie et d'Espagne, anciennement proches des partis communistes de leur pays ont récemment adopté des résolutions en congrès visant à amorcer un processus d'affiliation à la CISL. Il n'est de même en Amérique du Sud où, dans plusieurs pays, de nouvelles grandes centrales ont émergé au cours des années 1980, ces centrales avaient choisi la non-affiliation au niveau international. La majorité de ces organisations, notamment au Brésil, au Chili et au Paraguay, ont maintenant amorcé des processus qui, vraisemblablement, se termineront avec l'affiliation à la CISL en 1992. Dans certaines organisations nationales n'ayant pas démarré un tel processus, on constate que les fédérations membres sont souvent affiliées aux structures professionnelles de la CISL, les Secrétariats professionnels internationaux (SPI). Autrefois dominée par la centrale américaine AFL-CIO (American Federation of Labour - Congress of Industrial Organizations), la CISL a connu des changements importants avec la présence croissante des centrales de tendance sociale-démocrate et plus récemment avec l'arrivée de centrales aux traditions de lutte syndicale et sociale bien établies et de nouvelles centrales militantes du Tiers monde. Les instances de la CSN en sont venues à la conclusion que l'affiliation à la CISL devrait permettre, dans le respect de nos orientations, le développement des acquis de la CSN en matière d'action internationale. C'est pourquoi nous demandons au Congrès es pays ont quitté la Fédération syndicale le mandat d'évaluer les conditions et éventuellement, de procéder à une adhésion de la CSN à la CISL. Conclusion. L'insistance constante qu'a mis le mouvement au cours des années pour que l'emploi soit au coeur des préoccupations des sociétés québécoise et canadienne nous pose des défis comme organisation syndicale. Nous avons exigé d'être associé à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques économiques au niveau national, bien sûr, mais aussi aux niveaux sectoriel et régional. Nous l'avons voulu ainsi parce que c'est le seul moyen de faire valoir nos convictions en matière de qualité d'emploi, d'accès à l'emploi pour toutes et pour tous, de santé et de sécurité au travail, d'environnement, etc. Cette volonté d'être partie prenante, d'être en place pour proposer, pour faire avancer nos revendications est aussi présente dans notre action dans l'entreprise et l'établissement. Cela nous impose de plus en plus d'être actifs dans des forums de discussion et de décision différents en plus des tables de négociation habituelles. Cela est vrai pour la Confédération qui est active dans nombre de lieux tels le Forum pour l'emploi et la Conférence permanente de la main-d'oeuvre. Cela est aussi vrai pour nombre de syndicats qui négocient une part appréciable des conditions de travail de leurs membres à travers des comités de formation, d'implantation de technologies nouvelles ou de réorganisation du travail pendant la durée de vie de la convention. Cela est également vrai pour les régions qui doivent agir dans plusieurs types de regroupements ayant pour objet le développement régional. Cela crée parfois du désarroi de devoir développer ces actions syndicales en même temps que nous faisons face à des fermetures d'entreprises, à une opposition dure à l'organisation de nouveaux syndicats, à une opposition farouche à la négociation de conditions de travail, à des lock-out. Il n'y a pas de contradiction. Nous devons déployer notre action, développer notre rapport de force pour être capables à la fois de lutter pour nos droits et pour de meilleures conditions de travail, pour investir les lieux où nous pouvons gagner du terrain dans la société par nos revendications sociales et dans l'entreprise par les revendications nous donnant une plus grande prise sur notre avenir. Cela exige de l'ensemble du mouvement, et en particulier des syndicats, un fonctionnement où la démocratie soit sans faille. C'est notre seule façon de concilier les exigences de notre travail syndical. Nous l'avons dit, la situation économique et sociale actuelle est dangereuse pour notre avenir. Ce congrès doit travailler au développement de plusieurs stratégies. Nous devons tenir en main tous les morceaux à la fois. Nous croyons que là se trouvent les conditions pour relancer le progrès social et économique.