*{ Discours néo-libéral CTC, 1988 } Chères compagnes et chers confrères, distingués invités, observateurs et observatrices, je vous souhaite une cordiale bienvenue à la dix-septième Assemblée biennale du Congrès du Travail du Canada, le Parlement des travailleurs et travailleuses. Je vous souhaite la bienvenue à cette rencontre absolument unique d'hommes et de femmes du monde du travail qui viennent de tous les coins du grand pays qui est le nôtre. Je vous convie à relever «Le défi d'aujourd'hui: l'avenir de notre pays», comme le dit le thème de ce congrès. Un peu partout dans la salle, je reconnais avec plaisir un grand nombre de visages familiers, des anciens et anciennes de notre mouvement qui ont donné tant de leurs efforts, de leur temps et de leurs énergies pour que le sort des travailleurs et travailleuses soit meilleur. La présence de tant de délégués qui assistent aujourd'hui à leur première Assemblée du CTC me fait chaud au coeur et je les salue tout spécialement. J'espère que votre participation aux travaux de cette semaine, qui sont la célébration d'un mouvement syndical démocratique et libre, demeurera dans votre esprit un événement mémorable et important. Cet amalgame d'expérience et de sang neuf que représentent tous ceux et celles qui sont assemblés ici nous rappelle que la vitalité de notre mouvement vient justement de la régénération permanente de nos effectifs. D'une part, les nouveaux visages, mais d'autre part, il y a ceux qui nous ont quittés. Au cours des deux années écoulées depuis notre dernière Assemblée à Toronto, nous avons déploré le décès de plusieurs syndicalistes exceptionnels: Donald MacDonald, Bill Dodge, Garth Brown, Charles (Bud) Clark, Pat Conroy, Jack Haley, George Mclnnis, Cyril Strong, Nels Thibault, Jack Williams, Jim Nicholson, Georges Boudreau, Guy Perreault, Gaétan Boucher, Jean-Claude Sureau, Claude Proteau, Jacques Chaloult, Alfred Schlesiger et de plusieurs autres dont nous chérirons la mémoire avec fierté pour leur contribution au bien-être des travailleurs et travailleuses. En rappelant leur mémoire, il convient de nous souvenir que nous sommes les gestionnaires d'un dépôt précieux qui s'est accumulé avec les années grâce à l'intelligence, aux sueurs et à l'engagement de ceux et celles qui nous ont précédés, un dépôt qu'il nous incombe de conserver et d'augmenter pour les travailleurs et travailleuses qui viendront après nous. Nous tous ici avons été choisis pour représenter les deux millions de membres qui adhèrent au Congrès du Travail du Canada. C'est un grand privilège et une grande responsabilité. Au moment de commencer cette semaine de travaux importants, où nous tracerons une voie vers le genre de société que nos membres veulent réaliser pour eux-mêmes, pour leurs familles et pour leurs collectivités, ne perdons pas de vue ce privilège et cette responsabilité. Faisons en sorte que nos membres puissent être fiers de nous! Ayant eu le grand honneur d'être élue présidente du CTC, il y a deux ans, j'ai tâché de m'acquitter de cette grande responsabilité le plus honnêtement et le plus efficacement possible, avec l'appui de mes collègues dirigeants et dirigeantes et du Conseil exécutif. Mais c'est à vous, militants et militantes et chefs de la base, qui méritez une mention et des félicitations spéciales. Toutes les fois que nous avons dû relever un défi - et les défis ont été nombreux - vous avez répondu avec enthousiasme. Vos efforts, votre ingéniosité, votre refus de reculer lorsque les conditions étaient défavorables, voilà de quoi est fait un mouvement syndical dynamique et musclé. Combien de fois me suis-je étonnée, toujours avec fierté, de ce que nous avons accompli ensemble, confrères et compagnes, salariés du secteur public et du secteur privé, travailleurs et travailleuses d'âge respectable et jeunes militants et militantes. Lorsque les circonstances l'exigeaient, nous, c'est-à-dire vous et moi et les centaines de milliers d'autres qui ne sont pas ici aujourd'hui, nous avons relevé le défi. Lorsque les membres des TUAC employés chez Gainers ont dû affronter un employeur brutalement anti-syndical, un gouvernement provincial complice, des scabs et l'escouade anti-émeutes, nous avons relevé le défi. Lorsque 20 000 membres du SITBA en Colombie-Britannique sont entrés en grève pour protéger leurs emplois contre la sous-traitance, nous avons relevé le défi. Lorsque l'Association de la Fonction publique de Terre-Neuve (AFPTN) a résisté aux Conservateurs de Peckford, nous avons relevé le défi. Lorsque les Conservateurs fédéraux et la Société canadienne des postes ont commencé à réduire le service postal, provoqué deux grèves chez les facteurs et les postiers (UFC et SPC), engagé des scabs et fait venir la police, nous avons relevé le défi. Lorsque les forces de la droite ont menacé de démolir notre régime d'assurance-chômage, et qu'il a fallu le défendre avec acharnement, nous avons relevé le défi. Lorsque Michael Wilson a annoncé une désindexation partielle des pensions de vieillesse, nous avons relevé le défi. Lorsque la population noire de l'Afrique du Sud réclame à grands cris à la fin de l'apartheid, nous sommes solidaires et nous le resterons jusqu'à ce que le régime raciste de Botha soit remplacé. Lorsque le lobby anti-syndical de la National Citizens' Coalition cherche à exploiter la Charte des droits et libertés de manière à contrer les activités démocratiquement décidées de notre mouvement, nous avons relevé le défi. Lorsque les Conservateurs ont présenté leur projet de loi sur les médicaments en cédant aux pressions des multinationales, et qu'il a fallu réclamer l'accès à des médicaments à prix raisonnable, nous avons relevé le défi. Lorsque la pénurie de services convenables de garderie a atteint des proportions de crise et que la réponse gouvernementale n'a pas été à la hauteur, nous avons relevé le défi et nous resterons sur la brèche jusqu'à ce que nous obtenions au Canada un programme universellement accessible, financé par les pouvoirs publics et à coût abordable. Et lorsqu'il a fallu sonner l'alarme devant la triple menace catastrophique du libre-échange, de la déréglementation et de la privatisation, nous avons relevé le défi des conservateurs et nous lutterons tout le temps qu'il faudra! Nos syndicats ont-ils été actifs? Oui, et comment! Nous avons travaillé sur tous les fronts et dans tous les recoins du pays. Guidés par nos principes, motivés par notre sentiment d'intégrité et d'engagement, nous avons courageusement livré notre message. C'est là une tâche épuisante, mais elle est toute naturelle lorsqu'on se préoccupe passionnément de la société et du monde dans lequel nous vivons. Si nous laissions tomber cette tâche, le prix à payer serait impensablement élevé. Nous reconnaissons qu'un grand nombre de nos luttes et de nos campagnes des dernières années ont été des réactions de défense pour conserver nos acquis et notre héritage commun. Oui, nous avons dû repousser les attaques des forces rétrogrades. Mais aussi, heureusement, nous avons avancé sur plusieurs fronts. Prenons par exemple l'indexation des pensions de retraite qui a été négociée avec succès l'an dernier par les Travailleurs canadiens de l'automobile et par les Machinistes et travailleurs de l'aérospatiale. Mentionnons aussi qu'après une période de diminution du pourcentage des travailleurs et travailleuses syndiqués qui sont représentés au sein du CTC, la tendance commence à se renverser, comme on peut d'ailleurs le voir par le retour dans nos rangs de milliers de travailleurs et travailleuses des métiers de la construction, ici même en Colombie-Britannique. Ayant à coeur l'unité de tous les travailleurs et travailleuses, nous continuerons nos efforts pour attirer dans notre centrale tous les syndicats qui ne font pas partie du CTC. Remarquons aussi qu'au même moment où les syndicats de l'Europe de l'Ouest, du Royaume-Uni et des États-Unis, pris dans l'étau du conservatisme Reagan-Thatcher, ont perdu des membres et de l'influence, le mouvement syndical canadien au contraire, a augmenté encore le nombre de ses effectifs, phénomène quasiment unique dans le monde occidental. Et cela, nous l'avons réalisé malgré une décennie d'attaques: gel des salaires, taux d'intérêt élevés, exigences patronales de concessions, dépression du début des années 1980 (qui a été pire ici que dans toutes les autres nations industrielles occidentales), chômage élevé, privatisation et déréglementation, spectre de l'accord commercial de Mulroney, anti-syndicalisme flagrant des employeurs et des gouvernements... Malgré tout cela, nous n'avons pas cédé de terrain, et nous en ressortons aguerris. Nos réussites, mes amis, sont une source où nous pouvons puiser beaucoup de force. Je n'ai pas l'intention de peindre la vie en rose, car en effet le chemin parcouru a été cahoteux et il reste encore bien des ornières à franchir, mais nous n'avons pas seulement survécu, nous allons de l'avant. Et nous ne sommes pas seuls. Plus que jamais auparavant, le mouvement syndical a formé des alliances à tous les paliers avec d'autres groupes progressistes, soucieux de justice, de dignité et d'équité pour tous. Il existe un énorme potentiel de coalitions comme le Réseau Pro-Canada, qui permettent à divers groupes syndicaux, d'églises, de femmes, d'Autochtones, de cultivateurs et cultivatrices, de pensionnés, d'étudiants et étudiantes, de gens du domaine de la santé et de bien d'autres encore, de travailler à une cause commune. Dans la politique canadienne, ce secteur «populaire» était un géant endormi et les réactionnaires regretteront le jour où ils l'ont réveillé! Dans les organisations bénévoles de services on se ressent de l'effet des politiques gouvernementales rétrogrades et la population réclame davantage leurs services alors qu'elles doivent se débattre avec des budgets réduits. Voilà pourquoi des conflits sont survenus de temps à autre entre syndicats et organisations bénévoles, lorsque certains organismes financés par Centraide ont accepté d 'effectuer à contrat pour les gouvernements des tâches qui étaient exécutées antérieurement par des employés syndiqués, ou lorsqu'ils ont remplacé des travailleurs et travailleuses rémunérés par des bénévoles. Mais parce que les syndiqués ont besoin des services sociaux de la communauté, parce que nous croyons tous que nos communautés doivent être saines et fortes, parce que les syndicats et Centraide ont démontré qu'ils peuvent collaborer au sein du Programme des délégués sociaux, le CTC et Centraide Canada - United Way ont reconnu qu'il fallait résoudre ces conflits afin de mieux servir la collectivité et de mieux répondre aux besoins de tous. En mars de cette année, le CTC et Centraide Canada ont signé une entente historique sur les questions de bénévolat et de sous-traitance, et nous avons mis en place des mécanismes pour la solution des différends. Les délégués peuvent obtenir une copie de cette entente au kiosque du Programme des délégués sociaux. Bien des yeux sont actuellement tournés vers nous, ceux de nos membres, de nos amis et alliés, et aussi ceux de nos ennemis au Canada et à l'étranger. Nous tenons un congrès ouvert, tout le monde peut savoir ce qui s'y passe, et soyez-en certains, on jugera notre performance. La façon dont nous nous prononcerons sur les questions et politiques d'actualité, les solutions que nous proposerons dans le domaine des affaires nationales et internationales, tout cela constituera un message disséminé au Canada et à l'étranger, dans un monde qui est de plus en plus interdépendant et interrelié. Mentionnons un exemple récent de cette interdépendance et de notre obligation d'accepter une proportion équitable des réfugiés du monde. Personne n'a oublié la maladresse avec laquelle les Conservateurs d'Ottawa se sont conduits. Sous prétexte de nous protéger des gens qui abuseraient du système canadien, les Conservateurs ont montré au reste du monde que notre pays est maintenant moins accessible qu'auparavant et qu'il fait preuve de moins de compassion. Quel message atterrant pour les personnes qui fuient la persécution! Je conviens que les abus doivent cesser. Mais nous devons avoir pour principal objectif de créer un système équitable et universellement accessible qui correspond aux principes et réalités qui sont au coeur de la société canadienne. Le Canada a été construit par des immigrants et immigrantes et des réfugiés! Allons-nous maintenant renier cette tradition? Certainement pas! Un autre sujet d'inquiétude vient du Livre blanc sur la défense qui a été publié par les Conservateurs l'année dernière. Bien peu de Canadiens et Canadiennes contesteront la nécessité de protéger notre manière de vivre, les valeurs et la culture canadiennes par un programme de défense rationnel, adéquat et conforme aux besoins. Malheureusement, le Livre blanc outrepasse considérablement ces critères. En effet, il reflète la psychose désuète de la guerre froide, il accorde une importance accrue aux techniques et armes nucléaires et il laisse entendre que le meilleur moyen d'obtenir la paix consiste à nous préparer pour une guerre nucléaire dont, comme nous le savons, personne ne sortirait vainqueur. Selon le Livre blanc, notre première riposte à une intrusion dans l'Arctique sera militaire, non pas diplomatique. Les Conservateurs projettent de déployer dans les eaux du Nord une douzaine de sous-marins offensifs, propulsés par l'énergie nucléaire, qui coûteront des sommes énormes, pour détecter les intrus. Cela équivaudrait, en temps de paix, à dépêcher des troupes armées pour faire la chasse aux mauvais piétons! Nous rejetons cette vision étroite et provocante des Conservateurs et nous nous opposons à leurs sous-marins nucléaires! Les questions de paix, de sécurité et de désarmement ont constitué une grande priorité au sein du CTC au cours des deux dernières années. Le CTC participe activement à l'Alliance canadienne pour la paix, coalition qui regroupe environ 400 mouvements canadiens pour la paix, et je suis ravie de dire qu'un très grand nombre de nos affiliés et organisations à charte adhèrent également à cette Alliance. A titre de vice-présidente de la Confédération internationale des syndicats libres, j'ai rencontré en personne au cours des derniers mois les chefs des deux superpuissances, le secrétaire-général Gorbatchev et le président Reagan. Je leur ai dit que la paix est trop importante pour être laissée aux mains des politiciens et des généraux, et que les travailleurs et travailleuses ne cesseront jamais d'alerter l'opinion publique avant qu'une paix durable soit devenue une réalité. Je les ai félicités pour le commencement que constitue le Traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire, mais je leur ai rappelé qu'il ne concerne que 3% de l'arsenal nucléaire mondial. A cette occasion, j'ai aussi exprimé une autre crainte très réelle, c'est-à-dire le fait que les nouvelles technologies feront passer de l'Europe à l'Arctique la cible hypothétique des armes nucléaires. J'ai imploré les deux Grands de limiter le genre d'armes qui peuvent être déployées dans l'Arctique, et de viser ultimement à dénucléariser et à démilitariser cette région! Les injustices qui persistent partout dans le monde, l'écart qui s'élargit entre les nations riches et les nations pauvres, la pauvreté, le chômage, la répression des droits fondamentaux et syndicaux, tous ces problèmes ont leurs répercussions sur la quête de la paix et sur la sécurité de tous les pays. A titre de présidente du Conseil syndical du Commonwealth, j'ai été l'hôte d'une réunion des chefs syndicaux du Commonwealth ici à Vancouver, l'année dernière, qui coïncidait avec la rencontre des chefs d'État du Commonwealth. Lors de ces rencontres, auxquelles nous avions également amené des Sud-Africains représentants du COSATU et du NACTU, nous avons instamment prié les chefs d'État de prendre les mesures voulues pour isoler le régime sud-africain actuel. Nous avons parlé de ce qui se passe réellement sous le régime répressif de Botah, qui persiste à proposer des réformes superficielles à un système dont le racisme et l'inhumanité éclatent aux yeux de tous et toutes. J'ai publiquement félicité le Canada pour le leadership dont il a fait preuve sur la question de l'apartheid, mais comme cela n'a pas été suivi d'une campagne plus concertée, mes pires craintes se sont vues justifiées. Devant la léthargie de la communauté internationale, et sous les pressions des extrémistes sud-africains, Botha a écrasé encore plus lourdement les citoyens et citoyennes qui s'opposent à l'apartheid, ne réussissant qu'à ouvrir la porte plus grande à une violence accrue. Avec chaque jour qui passe, on voit diminuer la possibilité d'une influence économique et politique constructive de l'extérieur; avec chaque enfant mis en prison, avec chaque assassinat, avec chaque confrontation entre syndicalistes et policiers; et avec chaque transaction économique, politique et culturelle entre le monde civilisé et l'apartheid. Le temps presse; c'est maintenant qu'il faut agir pour isoler complètement ce régime! D'autres événements survenus ailleurs dans notre monde troublé ont aussi sérieusement inquiété le CTC. Nous avons offert des suggestions constructives en vue d'une politique de non-intervention et pour la solution pacifique des conflits en Amérique centrale, aux Philippines, au Moyen-Orient, au Chili, en Haïti, au Sud-est Asiatique et partout où les droits de la personne sont violés régulièrement et où les aspirations des gens ordinaires sont étouffées. C'est notre devoir et nous continuerons de nous en acquitter! Lors des préparatifs du congrès, le Conseil exécutif du CTC a soigneusement examiné les priorités dont l'ensemble servira de lignes directrices pour le programme des deux prochaines années. La conséquence de ces réflexions est contenue dans cinq importants énoncés de politique que le Conseil vous demandera d'étudier cette semaine. Je viens justement de traiter de plusieurs éléments de l'un de ces documents, c'est-à-dire l'énoncé de politique sur les affaires internationales, intitulé «Préparons la paix - Une optique syndicale». Quant à l'énoncé sur la politique énergétique, il précise les conséquences de la déréglementation pour notre sécurité énergétique, il s'oppose sans équivoque à toute privatisation de Pétro-Canada et met en garde contre la proposition de continentalisation de l'énergie qui est contenue dans l'entente commerciale du gouvernement Conservateur. Le document donne la version syndicale d'une véritable politique énergétique et il présente en conclusion une section sur la question controversée de l'énergie nucléaire. Pour ce qui est de notre énoncé sur la garde d'enfants, il parle de l'évolution des familles canadiennes, de la nécessité évidente et croissante de services de grande qualité, de l'obstacle que l'insuffisance de ces services constitue pour une véritable égalité dans la main-d'oeuvre, et de la réponse tiède du gouvernement à la crise dans ce domaine. L'énoncé redit quel genre de programme il faut pour répondre à ce besoin, comme le réclament les syndicats et d'autres groupes préoccupés. L'énoncé de politique sur le revenu annuel garanti, intitulé «A tous les Canadiens, un revenu suffisant: c'est possible!, «s'inscrit nettement dans nos aspirations de longue date pour une société juste et équitable. Reconnaissant le scandale que constitue la pauvreté dans un pays aussi riche que le Canada, l'énoncé précise le genre de revenu annuel garanti que les syndicats pourraient appuyer, dans le contexte d'un ensemble global de politiques, y compris le plein emploi, des programmes sociaux stables et adéquatement financés, et une réforme fiscale progressiste. Dans l'énoncé de politique sur l'économie, «Le défi d'aujourd'hui: l'avenir de notre pays», on trouve une critique détaillée et accablante des mesures proposées par les forces de la droite (taux d'intérêt élevés, politiques fiscales régressives, domination étrangère sur notre économie, programmes anti-syndicaux et anti-sociaux, mesures hostiles aux femmes, et l'impact destructeur du libre-échange, de la déréglementation et de la privatisation, qui sont prééminents à l'heure actuelle). L'énoncé présente un tableau contrastant, en présentant les divers éléments d'une perspective syndicale en vue d'une économie plus saine et plus humaine. J'anticipe un débat animé sur ces questions et sur les centaines de résolutions qui vous sont présentées. J'ai confiance qu'avant la fin de nos travaux, vendredi prochain, nous aurons tracé un plan d'action ambitieux et complet pour les années qui viennent. Malheureusement, nous ne pouvons pas consacrer tout notre temps aux exigences pressantes de la société et du monde qui nous entourent. Nous devons également sérieusement et soigneusement examiner notre propre maison. En 1966, lors de la sixième biennale du CTC, le président d'alors, Claude Jodoin, «Les conflits de compétence sont souvent les problèmes les plus ardus auxquels doit faire face le Conseil exécutif. Il n'y a pas de place pour les luttes fratricides dans un mouvement syndical uni. Il faut y mettre fin.» Cela n'est pas moins vrai aujourd'hui. Depuis 1986, nous avons connu vingt-quatre litiges internes, impliquant trente-deux affiliés. Je ne révèle rien de secret en disant que depuis notre dernier congrès, tenu sous le thème de «La paix et l'unité», plusieurs incidents, dont certains ont reçu beaucoup de publicité, ont créé un climat de malaise, d'amertume et de dissension au sein de notre mouvement. Chers confrères et chères compagnes, ce n'est pas le moment ici de blâmer ni de rétribuer. Non, mes amis, c'est le temps maintenant de veiller à ce que notre famille reste unie. C'est le temps d'un examen de conscience collectif. Il faut que nous mobilisions toute notre créativité et notre bonne volonté pour trouver des solutions aux querelles qui ont sapé trop de nos énergies. Si nous ne le faisons pas, personne d'autre ne le fera. Et si nous échouons, pas un seul syndicaliste du pays n'en profitera. Au contraire, nos divisions ne peuvent que nous nuire à tous et toutes, et profiter à ceux et celles qui se réjouiraient si le mouvement syndical était affaibli. Notre défi aujourd'hui consiste à affronter carrément les problèmes difficiles. Et c'est pourquoi la Commission des Statuts et des structures nous proposera des moyens de favoriser des relations intersyndicales stables. Vous aurez à vous prononcer sur des questions telles que les procédures d'accommodement et le règlement des litiges internes. Il est de notre devoir à tous de contribuer à cet examen de la façon la plus constructive possible. Les intérêts du mouvement doivent passer avant tout. Je suis heureuse de vous dire que depuis le premier juillet 1985, neuf fusions d'affiliés du CTC ont eu lieu, et je félicite ces syndicats pour avoir eu la sagesse et la clairvoyance de mettre leurs forces en commun pour multiplier leur puissance. Pour continuer ce regard que nous jetons sur nous même, je mentionnerai deux autres développements qui viennent. Ces derniers mois, les dirigeants, dirigeantes et le Comité exécutif du CTC ont analysé intensément notre structure interne. Il est ressorti de cette activité salutaire, qu'une certaine réorganisation s'impose si nous voulons rendre le CTC plus efficace; et plus opérant. Toute institution doit s'adapter ou risquer de perdre du terrain. Votre centrale syndicale nationale n'échappe pas à cette règle. Pour répondre aux besoins changeants de nos membres, pour assumer notre rôle devant de nouvelles exigences, pour que le CTC vous rende les services que vous attendez et que vous méritez, j'ai l'intention d'apporter les changements nécessaires pour que nous marchions avec vigueur vers les années 1990. En deuxième lieu, les conseils du travail du CTC sont l'échelon vital qui permet aux membres de la base l'accès à notre mouvement. Un grand nombre d'entre-eux sont actifs et plein de vie. Mais pour être franche, il faut dire que d'autres ne le sont pas. Nous attendons des conseils du travail qu'ils portent notre message aux régions et aux collectivités de la nation, et pourtant, ils n'ont pas toujours reçu l'encouragement, les ressources ou les outils pour le faire. Nous devrons trouver les moyens de corriger la situation, et nous le ferons. J'envisage avec enthousiasme les jours que nous passerons ensemble. Notre tâche sera lourde, et j'en ai mentionné quelques aspects, mais je sais que nous serons à la hauteur. Nous aurons le privilège d'entendre certains de nos invités, les délégués fraternels du Royaume-Uni et des États-Unis, ainsi que le confrère Cesar Chavez des United Farmworkers of America. Je sais que bon nombre d'entre vous ont vu avec émotion le court vidéo des UFA, ce puissant film, qui décrit le sort des travailleurs et travailleuses agricoles américains, particulièrement les cueilleurs de raisins, et je vous signale que bien des travailleurs et travailleuses agricoles en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada connaissent aussi un sort peu enviable. Enfin, nous pourrons entendre celui dont nous espérons vivement qu'il sera le prochain premier ministre du Canada, Ed Broadbent, chef du Nouveau Parti démocratique. Chers amis, les élections fédérales qui viennent auront pour enjeu la souveraineté même du Canada. Il s'agit de savoir si les Canadiens et Canadiennes conserveront le droit politique fondamental de prendre leurs décisions sans influence étrangère. Si nous voulons le maintien et l'expansion de nos programmes sociaux. L'accord de Mulroney sur le libre-échange met ces libertés en péril, la chose est évidente! Rarement avons-nous vu deux visions aussi contraires de ce que le Canada doit être. Dans ce même contexte, nous avons entendu prêcher l'évangile du marché, ce même marché qui a permis que la croissance économique défavorise des régions et des classes complètes de personnes; ce même marché qui cause d'énormes disparités de revenus et de richesses, et où les largesses des Campeau, Reichman, Black et Bronfman coexistent avec la misère des sans-emploi, des sans-abri et des pauvres. Sur ce marché, il y a des bien-nantis et des démunis, et c'est devant ce marché que se prosternent le libre-échange, la déréglementation et la privatisation. Nombreuses sont donc les tâches qui font appel à notre engagement: protéger la santé du secteur public et des services sociaux, et lutter pour une montagne de revendications encore non satisfaites: l'obtention d'une réforme fiscale progressiste, des lois anti-scabs, la réforme des pensions, l'action positive, des milieux de travail plus sûrs et la lutte contre l'analphabétisme. D'après les plus récents sondages que j'ai vus, trois Canadiens et Canadiennes sur quatre veulent des élections fédérales avant la ratification et la mise en oeuvre de l'accord Mulroney sur le libre-échange. Trois sur quatre, c'est 75% des Canadiens et Canadiennes, peu importe qu'ils soient d'accord avec cette entente ou qu'ils s'y opposent. Monsieur le premier ministre, vous avez le choix. Vous pouvez passer outre à la volonté d'une grande majorité de Canadiens et Canadiennes et vous précipiter dans une entente pour laquelle vous n'avez reçu aucun mandat, ou vous pouvez respecter cette volonté et soumettre votre programme au jugement des électeurs et électrices. Quel choix ferez-vous? Lorsque les élections seront décrétées, notre mouvement syndical luttera pour les principes sociaux-démocrates qui sont profondément inscrits dans notre mouvement. Nous appuierons plus que jamais le parti qui adhère à ces principes, le Nouveau Parti démocratique. C'est notre Parti! C'est notre bras politique! Avec le déclenchement des élections, le CTC sera sur un pied de guerre et nous mettrons une armée de syndicalistes à l'oeuvre. Guerre, armée, ce sont là des mots puissants, mais lorsque l'avenir de notre pays est en jeu, lorsque nous sommes menacés d'une intégration continentale, quels autres mots pourraient décrire notre riposte? Compagnes et confrères, notre mouvement est en train de connaître un rajeunissement. Tous ensemble, nous avons affronté de pied ferme une longue tempête. C'est dans les rues que notre mouvement est né, et nous sommes retournés dans les rues. Nous avons marché, manifesté, piqueté et fait campagne d'un bout à l'autre de notre grand pays. Nous n'avons jamais reculé! Chères compagnes, chers confrères, nous avons bien le droit d'être en paix avec nous-mêmes et avec notre mouvement. Mettons-nous maintenant à l'ouvrage!