*{ Discours néo-libéral CTC, 1992 } Confrères, consoeurs, distingués invités et invitées, observateurs et observatrices, bienvenue à la Dix-neuvième Assemblée statutaire du Congrès du Travail du Canada qui se déroulera dans cette magnifique ville de Vancouver. Je vous souhaite tous la bienvenue aux activités de ce parlement syndical. Au cours des prochains jours, de nouvelles amitiés se formeront tandis que d'autres se renouvelleront. Nous entendrons des débats constructifs, renouvellerons notre engagement à une cause commune, et naturellement, nous ferons un peu de politique. Pour moi, revenir à Vancouver, c'est un peu refermer le cercle. C'est dans cette ville, lors de la Dixième Assemblée statutaire, plus précisément en 1974, que j'ai été élue vice-présidente exécutive du CTC. Dix-huit ans - ces années ont passées bien vite! Cette semaine le Congrès célèbre son trente-sixième anniversaire. Pour notre part, nous avons un programme bien rempli. En tête de liste, on retrouve deux mandats qui nous ont été donnés par les déléguées et délégués de l'Assemblée statutaire de 1990. Ces travaux ont d'ailleurs pris beaucoup de notre temps et de nos énergies au cours des deux dernières années. Premièrement, il y a le Rapport du Groupe de travail sur le rôle et la structure du CTC - "Bâtir le Congrès de l'avenir". Il s'agit de l'étude la plus approfondie qui a été entreprise depuis la fondation du Congrès en 1956. Ce Groupe de travail a entendu les commentaires, vos commentaires, et a réfléchi profondément à la restructuration et à la revitalisation de notre centrale syndicale nationale. Parmi les questions soulevées, on retrouve: les opérations internes du CTC et ses priorités; les relations entre le CTC et le gouvernement fédéral; les campagnes nationales et la formation de coalitions; la résolution des conflits juridictionnels; la participation au processus décisionnel du CTC; le processus des assemblées statutaires; les relations CTC - fédérations du travail - conseils du travail; l'affiliation de nouveaux syndicats. Les résultats de cette enquête vous sont maintenant soumis pour votre considération. Je suis persuadée que nous quitterons cette assemblée statutaire avec une structure renouvelée qui permettra, à l'avenir, au CTC de bien fonctionner et représenter les travailleurs et travailleuses du Canada. Merci au président du Groupe de travail, Jim Hunter du FCCET & AO et aux autres membres pour leur engagement et leurs efforts. Deuxièmement, il y a le suivi du document "Une nouvelle décennie: notre avenir". Tel que mandaté, le CTC a effectué une vaste consultation sur l'élaboration d'une vision de rechange en matière de politique sociale et économique pour le Canada. Le Groupe a tenu des audiences formelles et informelles, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du mouvement syndical. Une des contributions les plus excitantes à ce projet fut la conférence intitulée "Vers un gouvernement au service de la population" qui a eu lieu en décembre 1991. Elle a permis de rassembler un large éventail de personnes de toutes les couches de la société canadienne afin de discuter des questions principales et des problèmes majeurs et de partager les diverses perspectives pour un Canada meilleur. Les résultats de cette consultation seront soumis pour votre approbation, sous forme d'énoncés de politiques et de plans d'action. Ensemble, nous arriverons à compléter notre nouveau programme d'action. Aussi, jeudi, vous élirez un nouveau président, un secrétaire-trésorier, et deux personnes pour occuper les postes de vice-présidence exécutive, leur accordant une grande part de responsabilité pour répondre à vos aspirations, les aspirations de nos membres. Au cours des deux dernières années, votre centrale a travaillé très fort. J'ai déjà mentionné quelques sujets qui ont accaparé le temps de vos dirigeants et dirigeantes et du personnel. De plus, afin d'offrir les moyens de canaliser l'attention et de mobiliser nos ressources, nous avons organisé des conférences qui ont largement démontré les questions chères au mouvement syndical. Il y eu des conférences sur les droits de la personne, la santé et sécurité au travail, la condition féminine et l'environnement. Nous avons aussi mené des campagnes sur l'alphabétisation, le racisme et la TPS. Nous nous sommes efforcés de bâtir des coalitions, notamment avec le Réseau canadien d'action et en octobre 1991, nous avons tenu des manifestations ayant pour thème "Ça suffit". Tout comme le SEFPO, le SNESPG et la FTO, nous avons vu le redoutable cas Lavigne tiré à sa fin. Ce fut une décision unanime et triomphante de la Cour suprême par laquelle notre position, à savoir que les syndicalistes ont le droit de déterminer démocratiquement la façon dont leurs cotisations syndicales sont dépensées, fut finalement justifiée. Une victoire bien sûr, mais elle ne marquera sans doute pas la fin de notre lutte contre ceux et celles qui veulent le démantèlement des syndicats. Nous devrons toujours demeurer vigilants tant et aussi longtemps que des organisations telles la "National Citizens' Coalition" existeront. Nous avons lutté pour protéger le Centre canadien de la santé et sécurité au travail, une institution relativement nouvelle qui a subi les attaques d'un gouvernement fédéral sans coeur. Après avoir longuement préparé le terrain, nous avons vu naître une émission télévisée appelée "Workweek". Cette émission est entièrement dévouée aux questions relatives à l'emploi. Maintenant dans sa deuxième saison, "Workweek" peut être visionnée sur le réseau "Newsworld", TV Ontario et le "Access Network". Je vous invite à la regarder et à inciter vos amis à faire de même. Nous avons poursuivi nos discussions avec des groupes syndicaux hors du CTC afin d'obtenir leur affiliation. Il s'agit des enseignants et enseignantes, des infirmiers et infirmières, des métiers de la construction et des camionneurs. Il me fait grand plaisir de vous faire part que des pourparlers ont eu lieu entre le CTC et les syndicats des métiers de la construction, et que nous sommes sur le chemin de la réaffiliation des "Teamsters". A l'été 1990, nous avons fait front commun avec les aborigènes canadiens à Oka et depuis, nous les appuyons dans leur lutte pour l'obtention de leurs droits constitutionnels et la reconnaissance inhérente de leur droit à l'autonomie. En 1991, nous avons aussi appuyé nos braves confrères et consoeurs de l'AFPC et du SPC qui ont défié un gouvernement bien déterminé à détruire le syndicalisme au sein du secteur public. Nous avons travaillé avec le NPD et nous nous sommes réjouis de l'élection de non pas un, deux, mais bien trois gouvernements NPD. Ils ont été élus en Ontario, en Saskatchewan et ici même en Colombie-Britannique. Sans oublier celui qui est déjà en place au Yukon! Le temps approche où Audrey et son équipe du NPD vont répéter ces victoires provinciales aux dépens de Brian. Nous avons à maintes reprises exposé la destruction causée par l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis et nous avons dit "non, non, et encore non" à un accord nord-américain plus vaste qui engloberait le Mexique. A plusieurs reprises, nous avons aussi critiqué le programme Mulroney qui démantèle les institutions canadiennes et leurs valeurs pour les reconstituer à l'image de Washington. Le reste du monde a changé à une vitesse étourdissante. L'Europe de l'est et l'ancienne Union Soviétique sont devenues plus démocratiques et se sont vues fragmentées et bouleversées. On a assisté à la fin de la guerre froide, mais le souvenir graphique et sombre de la guerre du Golfe nous rappelle qu'un monde de paix n'est pas encore réalité. Les pressions internationales nous ont permis de réaliser des progrès vers la justice et l'égalité en Afrique du Sud. Toutefois, nous voyons malheureusement encore les preuves que le dossier des droits de la personne dans le monde est encore terni. Selon des rapports de Amnistie internationale et la CISL, en 1991 seulement, plus de 200 syndicalistes ont été assassinés. Des milliers d'autres ont été emprisonnés, enlevés, torturés et ont vu leur vie et celle de leur famille menacées. Des locaux de syndicats ont été envahis par la police, entièrement brûlés, détruits et bombardés. Pourquoi? Simplement parce qu'ils tentaient d'améliorer la vie des travailleurs et travailleuses. Cette situation est très malsaine et tant qu'elle ne s'améliorera pas, notre tâche ne sera pas accomplie. Il faut aussi dire que la situation ici au Canada ne se déroule pas exactement comme elle le devrait. Plusieurs facteurs tels qu'un sérieux manque de sécurité économique, des disputes constitutionnelles et un vaste mépris pour le gouvernement Mulroney à Ottawa, affectent la détermination et la patience des Canadiens et Canadiennes. Ces quelques exemples illustrent bien le malaise qui a envahi l'âme de notre nation. Les fermetures d'établissements, la crise dans les secteurs agricoles et de la pêche, la déréglementation du transports, les taux d'intérêts élevés, le libre-échange, la privatisation, les attaques portées à l'universalité de nos programmes sociaux, le dollar surévalué, les niveaux de vie réduits, le système fiscal injuste, la destruction des institutions nationales telles que la SRC, la destruction de la négociation collective dans le secteur publique, voilà qui témoigne de l'abus de confiance et du gaspillage de notre potentiel. En contrepartie, les avantages d'une société généreuse et productive - un régime de soins de santé adéquat, les logements à prix abordable, les services de garde accessibles, l'éducation et la formation professionnelle adéquate, la recherche et le développement et les pensions raisonnables - sont menacés ou ignorés. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Parce que la vision de la droite - si on peut se permettre de l'appeler ainsi - persiste premièrement à considérer le taux élevé de chômage comme un prix nécessaire à payer pour l'obtention d'une économie saine plutôt qu'un malaise fondamental qui doit être corrigé. Deuxièmement, elle ne reconnaît pas du tout la contribution du secteur public à notre productivité à long-terme. Troisièmement, elle voit les coupures dans les salaires et les programmes sociaux comme le seul moyen d'être compétitif, ignorant ainsi l'importance de la consommation domestique pour la croissance et rejetant la notion d'équité. Bref, il s'agit d'une vision mesquine et inhumaine qui prend un esprit bien développé de conscience sociale et de compassion et le détruit dans le seul but d'assurer la survie du plus fortpiétinant sur son chemin l'objectif d'un régime de vie respectable pour tous. Cette vision ignore complètement la signification du mot misère et la dévastation que peut entraîner le chômage. Elle ne perçoit pas les effets démoralisants d'une pauvreté chronique et croissante. Elle ne saisit pas le désespoir des sans-abri. Non, elle ne fait place qu'à l'insensibilité et l'égoïsme de ceux et celles qui en possèdent déjà plus et en veulent encore plus. "La compétitivité" - Combien de fois avons-nous entendu ce mot au cours de la dernière décennie? Combien de fois a-t-il servi à justifier les privations? Pour faire payer les travailleuses et travailleurs vulnérables? Et quel prix - des rêves anéantis, des collectivités détruites, un plus grand besoin d'assistance sociale, un plus grand nombre de sans-abri, plus de violence familiale et de banques alimentaires. "La compétitivité" - elle force les travailleuses et les travailleurs à miner d'autres travailleurs, à faire plus de concessions, et les gouvernements, volontairement ou non, à diminuer les normes sociales et à réduire les droits fondamentaux de la personne et du syndicalisme. En bref, le "progrès" fait place à des aspirations décroissantes, sauf, naturellement, pour les grandes entreprises qui sont laissées libres de parcourir le globe, de manipuler et agir comme bon leur semble impunément. Bien, confrères et consoeurs, nous avons toujours marché à un rythme différent, guidés par une vision fondamentalement différente - une vision digne de ce nom - une vision de plein emploi fondée sur un régime fiscal équitable et des programmes sociaux essentiels. Il est de notre devoir d'assurer que cette vision persiste - avant que des décennies de progrès social et économique ne soient effacées et remplacées par la sombre réalité des tisserands d'un rêve corporatif. Là où la compétitivité favorise l'efficacité et ridiculise l'équité, nous devons faire de la place aux deux. Là où la compétitivité traite les travailleurs et travailleuses comme des pions, nous devons rétablir leur dignité et leur valeur. Là où les employeurs nous font miroiter une vision de partenariat, nous devons insister pour obtenir l'égalité. Ceci ne se réalisera, comme ce fut accompli de façon intelligente dans certains pays, que si la responsabilité corporative remplace les promesses vides de sens de la compétitivité. Et, ceci ne deviendra réalité que si le commerce international est réglementé par des organismes nationaux et internationaux efficaces et démocratiquement responsables qui assurent une protection adéquate pour les travailleurs, les travailleuses, et les droits sociaux et syndicaux. Seuls un mouvement syndical fort et des gouvernements sympathisants pourront contrer l'anarchie compétitive imposée aux travailleurs et travailleuses par les architectes et les promoteurs de la mondialisation. Comme si nos problèmes sociaux et économiques n'étaient pas suffisants, nous nous retrouvons dans les sables mouvants sur le plan constitutionnel, l'intégrité et l'avenir de notre pays étant en péril. Les griefs sont nombreux. Plusieurs demandes sont justifiées et existent de longue date. Les solutions semblent insaisissables. L'aliénation des régions et les siècles d'abus de notre population aborigène ne font que démontrer l'urgence d'en arriver à une solution. Toutefois, il serait insensé de ne pas reconnaître qu'à ce moment dans notre histoire, un accommodement constitutionnel et la survie nationale se résument en un seul mot: Québec. Au sein du mouvement syndical, du CTC et de plusieurs organisations affiliées, nous avons reconnu pleinement les particularités du Québec. Les structures, les responsabilités, la dispense des services ont toutes été adaptées pour tenir compte de la réalité que le Québec est un élément particulier au sein de la famille canadienne. Nous avons conclu des ententes qui maintiennent la solidarité syndicale - une solidarité qui, j'en suis persuadée, survivra quelque soit le résultat du débat constitutionnel. Avec patience, bonne foi, sagesse, tolérance et imagination, j'espère que notre peuple en arrivera à des ententes qui refléteront les diverses réalités à considérer dans un pays aussi vaste et diversifié que le nôtre. Depuis les années 1970, le Congrès a officiellement appuyé le droit du Québec à l'autodétermination. Cet appui a la même signification aujourd'hui. Ceci étant dit, un de mes plus fervents espoirs, qui est d'ailleurs partagé par la plupart, si non par tous les non-québécois dans cette salle - est que les Québécois choisiront de demeurer dans la confédération, au sein de la famille canadienne. Un Canada sans le Québec est difficile - non, impossible à imaginer. Ce serait sans aucun doute une perte tragique. Les orientations et les priorités futures du mouvement syndical seront sans aucun doute une combinaison de travail en cours et de nouveaux défis. La négociation collective, l'action politique, la formation de coalitions, la syndicalisation des non-syndiqués et l'élargissement de la centrale syndicale - voici comment je décrirais le noyau de notre raison d'être. Nous devons assurer notre pertinence, tant envers nos membres qu'envers le public, sur la scène locale, nationale et internationale. Par exemple, la structure du marché du travail subit de profonds changements. Il y a eu une tendance dramatique vers le secteur des services en tant que source première de nouveaux emplois, dont plusieurs sont mal rémunérés, à temps partiel et occupés par des femmes. Il s'agit de petits employeurs qui sont difficiles à syndicaliser. De plus, ces employés et employées sont fréquemment jeunes et connaissent très peu le mouvement syndical. Nous devons identifier ces emplois et déterminer les obstacles auxquels nous devons faire face pour apporter le bienfait de la syndicalisation aux travailleurs et travailleuses qui les occupent. Les changements technologiques et l'interdépendance économique amènent les employeurs à promouvoir la création de formes d'organisation du travail nouvelles. Trop souvent, ces pressions se résument à des tentatives de minimiser le contrôle des travailleurs, des travailleuses et de leurs représentants sur les conditions de travail, par le truchement par exemple, d'une surveillance accrue de la productivité individuelle. Notre mouvement doit connaître et se sensibiliser aux stratégies des employeurs qui diminuent l'influence des travailleurs et travailleuses sur leur milieu de travail. Le vieillissement de la population augmente le besoin de services pour les personnes âgées. En même temps, un nombre croissant de retraités et retraitées perdent leur représentation syndicale et par le fait même, nous perdons leur expérience et leur savoir, voir même, leur appui. Nous devons les encourager à poursuivre leurs activités syndicales et former des liens avec les organisations de retraités et retraitées. Malgré les progrès considérables dans la lutte pour l'égalité, il existe encore de sérieuses iniquités basées sur le sexe, la race, et le handicap. Notre mouvement doit être en tête de file lorsqu'il s'agit d'assurer une participation égale dans le lieu de travail et dans la société en général. Il est maintenant très clair que l'environnement global ne peut supporter le genre d'activités économiques que les pays industrialisés prennent pour acquis. En même temps, on ne peut s'attendre à ce que les pays sous-développés s'abstiennent de rechercher des niveaux de vie plus élevés. Conséquemment, nous devons effectuer dès maintenant de sérieux changements pour réduire l'impact des agissements humains sur l'environnement. Une prospérité durable - des pratiques environnementales saines et le plein emploi, peuvent devenir réalité si l'intérêt public prévaut sur les profits personnels. Notre mouvement se doit de considérer les effets néfastes des milieux de travail sur l'environnement, tant dans ses opérations que ses produits et services - et il doit tenter de réduire ces effets négatifs tout en s'assurant que les travailleurs et travailleuses n'en porteront pas exclusivement le fardeau. Sur le plan international, notre mouvement doit mobiliser ses forces afin de contrer le pouvoir des multinationales - un pouvoir qui est utilisé avec succès pour imposer une politique protectionniste. Chez nous, nous devons élargir l'utilisation de nos fonds de pensions, des investissements des travailleurs et travailleuses et des collectivités afin d'accorder aux travailleurs et travailleuses un contrôle accru sur la création d'emplois. En général, la privatisation et la concentration du vrai pouvoir économique et politique, ont eu des effets drastiques sur les droits démocratiques des travailleurs, des travailleuses, des citoyens et des citoyennes. Nous devons corriger ce déséquilibre en participant intégralement au retour du pouvoir là où il appartient - au peuple. Bien que le défi du mouvement syndical ait été défini en réponse aux visées de la grande entreprise, nous devons aussi demeurer agressifs et proactifs en ce qui concerne les principales questions d'actualité. Par exemple, qui pourrait mieux que nous combattre le fléau de la pauvreté et mettre une fin à la violence faite aux femmes. Bien que ce ne sont pas de nouveaux phénomènes, ils sont malheureusement à la hausse et reflètent le cul-de-sac économique et social dans lequel se retrouvent trop de membres de notre famille canadienne. Considérez les tragédies humaines décrites par les statistiques suivantes: En 1990 seulement, 350 000 Canadiens et Canadiennes de plus ont sombré dans la pauvreté, pour un total de près de quatre millions. Une vraie honte! 19 pour cent de tous ceux et celles qui vivent dans la pauvreté sont des enfants âgés de moins de 18 ans. Une vraie honte! Plus de 60 pour cent des femmes chefs de familles monoparentales vivent dans la pauvreté. Une vraie honte! 44 pour cent des aînées et aînés âgés de plus de 65 ans vivent dans la pauvreté. Une vraie honte! Il y a trop de déshonneur, trop d'espoirs perdus, trop de personnes affamées. Ceci après une décennie où les écarts de revenus étaient à la hausse. Les 20 pour cent de Canadiens et Canadiennes les plus riches gagnaient déjà dix fois plus que les 20 pour cent de Canadiens et Canadiennes les plus pauvres. Cet écart a encore augmenté de 3 pour cent. C'est honteux! C'est injuste! Cela a trop duré! Considérez aussi ces statistiques déprimantes: En 1990, un total de 74 femmes ont été tuées par leur mari ou leur partenaire de vie commune; Au moins une femme sur 10 est agressée physiquement ou sexuellement chaque année par son mari, son ex-mari ou son partenaire de vie commune; A toutes les 17 minutes, il y a une agression sexuelle commise au Canada et 90 pour cent des victimes sont des femmes; Une femme sur quatre sera agressée sexuellement à un certain moment dans sa vie, la moitié d'entre elles avant qu'elles aient atteint l'âge de 17 ans; Une femme sur huit a rapporté avoir été victime de harcèlement sexuel au travail. Le 6 décembre a été reconnu par le Parlement comme Journée nationale du souvenir et d'action sur la violence faite aux femmes. C'est un début, un symbole positif. Toutefois, la tolérance zéro est le seul objectif acceptable! Une tolérance zéro est ce que méritent toutes les femmes. Une tolérance zéro, c'est ce que nous réaliserons très bientôt je l'espère. Confrontant ces problèmes et certains autres, je ne me fais pas d'illusion, mais ne suis pas non plus une pessimiste. Malgré le climat politique hostile et de trop nombreuses attaques portées à notre économie, ce mouvement syndical a su garder la tête haute. Une réalisation enviable selon les normes internationales. Nous avons connu des victoires importantes en matière de négociation collective dans des domaines tels que les congés de maternité, l'indexation des pensions et l'équité salariale. C'est notre tradition de regarder nos adversaires dans le blanc des yeux et de foncer de l'avant qui me donne la confiance en notre capacité, non seulement de survivre, mais de protéger davantage les intérêts des travailleurs et travailleuses à l'avenir. Conséquemment, tout au long des travaux de cette assemblée statutaire, et ensuite lorsque vous retournerez chez vous, souvenez-vous que nos batailles sont toutes importantes et nous pouvons toutes les remporter si nous faisons preuve de volonté collective. En terminant, vous me permettrez de faire quelques réflexions personnelles. C'est le temps pour moi de regarder en arrière sur tous ces souvenirs, et le temps de regarder en avant vers une vie nouvelle. Tellement de souvenirs, trop peu de temps! Je me souviens de la solide fondation d'une grande famille - mes parents, mes frères et soeurs - particulièrement lors des temps difficiles au début. Je me souviens de l'appui loyal et constant et de la force de mon mari et partenaire - Bruce - et maintenant qu'il doit faire face à sa propre bataille, je serai là à ses côtés. Je me souviens, il y a maintenant trente ans, d'un membre du Syndicat canadien de la Fonction publique à Niagara Falls, qui encore très inexpérimentée, ne pouvait s'imaginer les expériences et la satisfaction qui rempliraient son avenir. Je me souviens de l'appui et de l'encouragement de nombreux amis et collègues partout dans ce pays et au tour du monde. Et oui, je me souviens aussi de mes adversaires - quelquefois même avec tendresse! Je me souviens de mes consoeurs et confrères dirigeants du CTC - Joe Morris, Dennis McDermott, Don Montgomery, Julien Major, Richard Mercier, Dick Martin et Nancy Riche - tous des syndicalistes dévoués. Je me souviens d'avoir travaillé avec un personnel consciencieux - au cours des années, je suppose qu'il y en a eu quelques centaines. Au risque d'en vexer certains, j'en nommerai quelques-uns: Kay Pender, Bea Forster, Frank Chafe, Ed Johnston, Ron Lang, Joyce Jones, Carol Rose et Emile Vallée. Je me souviens de la grande confiance que vous m'avez témoignée et d'avoir toujours tenté d'en être digne. Je me souviens du plus grand honneur et privilège possible - représenter les travailleurs et travailleuses - et d'avoir toujours essayé de relever le défi. Je me souviens de certains accomplissements - tel que la mise sur pied du Bureau de la femme du CTC tard dans les années soixante-dix, de la création du Centre canadien du marché du travail et de la productivité et de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre - tous des organismes ayant pour but de faire valoir les préoccupations du mouvement syndical dans les institutions nationales. Mais, par dessus tout, je me souviens pourquoi nous sommes ici - les membres qui se chiffrent à plus de deux millions d'un océan à l'autre - dont plusieurs que j'ai eu l'occasion de rencontrer personnellement et qui tous m'ont donné une motivation constante au cours des dernières dix-huit années. Où aller maintenant? Probablement, je devrais dire j'espère - vers quelque chose de plus calme et moins exigeant. Rassurez-vous, je ne parle pas d'un manque total d'activité. Je prévois terminer mon mandat en tant que Chef du groupe des travailleurs de l'OIT. A part ça, rien de précis. Je n'abandonnerai toutefois pas la bataille. D'une certaine façon, quelque part, je serai là avec vous à tous les jours, toutes les semaines, tous les mois et toutes les années à venir. Pour terminer, j'ai fait appel à un grand Canadien, bien éloquent, un grand démocrate, un grand sympathisant de ce mouvement syndical qu'est le nôtre - Tommy Douglas qui a déclaré: «Dans le mouvement syndical, vous apprenez une importante leçon à savoir qu'aucune organisation peut survivre par elle même... Nous sommes les protecteurs de nos confrères et consoeurs. Nous devons lutter, non seulement pour nous-mêmes mais pour nos membres. Nous devons nous battre au nom de l'humanité. Nous devons être prêts à faire en sorte que partout où des gens sont affamés, je ne peux être rassasié; que partout où il y a des gens emprisonnés, je ne peux être libre; et que partout où des gens sont opprimés, je ne peux être confortable.» Je vous remercie de m'avoir permis de parcourir un grand bout de chemin avec vous. Ça me manquera.