*{ Discours néo-libéral FTQ, 1981 } Introduction. Alors que notre congrès en 1979 se tenait à un moment où les Québécois s'apprêtaient à prendre des décisions importantes quant à leur avenir, le présent congrès s'ouvre dans une atmosphère politique et économique beaucoup plus lourde. En 1979, nous nous demandions quelle voie choisiraient les Québécois; nous nous inquiétions de la remontée du Parti libéral sous la direction conservatrice de Claude Ryan et nous nous demandions si le gouvernement Lévesque aurait le courage de mettre en branle certaines réformes qui se faisaient attendre comme par exemple une législation sur les fermetures et les licenciements ainsi qu'une loi permettant un accès massif à la syndicalisation. A ce chapitre, nous pouvons dire que nous avons évité le pire. En avril dernier, les Québécois ont clairement rejeté la voie de l'ultra-conservatisme, comme celle choisie par les Américains, en faisant mordre la poussière aux libéraux de Ryan. La FTQ a contribué de façon importante à cette victoire. Mais, une fois le pire danger écarté, nous sommes en droit de nous demander ce qui va se passer avec le gouvernement du Parti québécois; nous attendons toujours les réformes promises et nous nous inquiétons de la politique de coupures systématiques et anti-sociales entreprises dans le secteur public et parapublic. A notre congrès de 1979, nous étions aussi à la veille de la grande campagne référendaire sur l'avenir politique du Québec. Celle-ci n'a pas donné lieu au déblocage que nous souhaitions. La FTQ a plongé du coté des forces du changement et une réflexion importante s'est faite sur la question nationale. Nous avons assisté au plus grand rassemblement jamais vu des forces réactionnaires qui voulaient empêcher le peuple québécois de s'affirmer. Leur victoire n'est que provisoire car la question nationale demeure entière et exige une solution à plus ou moins long terme. Aujourd'hui, ce qui préoccupe le plus tous les travailleurs et leurs familles, ce sont les dimensions dramatiques que prend la crise économique. Commencée au début des années '70, cette crise s'approfondit sans cesse et les remèdes que prétendent y apporter les gouvernements ne font que l'empirer. Le chômage atteint de nouveaux sommets et ni le gouvernement d'Ottawa, ni celui du Québec n'ont l'imagination politique de tenter de le combattre; bien au contraire, le gouvernement fédéral pousse le cynisme jusqu'à augmenter délibérément le chômage sous prétexte de combattre l'inflation. Nous assistons au spectacle déprimant d'un gouvernement, qui il y a une douzaine d'années se targuait de bâtir la «société juste», et qui aujourd'hui s'aligne sur les politiques les plus réactionnaires de Reagan et de Thatcher: augmenter les taux d'intérêt, augmenter le chômage et restreindre la consommation, afin de faire baisser les prix. Cette politique est une faillite totale: les taux d'intérêt augmentent et le chômage aussi, mais l'inflation ne baisse pas; bien au contraire, en un an et demi, le taux d'inflation est passé de 9,5 % à 13 %! La FTQ, de concert avec l'ensemble du mouvement syndical canadien et québécois, a mis en branle une nouvelle riposte contre les effets de la crise qui frappent tout particulièrement les travailleurs et les citoyens les plus démunis. La prochaine étape de cette riposte sera la grande manifestation de samedi prochain à Ottawa. Pendant le présent congrès, nous devrons définir les autres étapes qui suivront. Les deux années que nous venons de vivre ont aussi été fertiles en luttes et en bouleversements a l'intérieur même de nos rangs. Le réaménagement sans doute le plus significatif s'est produit dans le secteur de la construction où est née une nouvelle FTQ-construction; nous devons tirer certaines conclusions de ce bouleversement qui touche un secteur névralgique. Nous devons aussi brosser une brève rétrospective des luttes menées par les syndiqués de la FTQ et en identifier les lignes de force; par exemple, nous interroger sur la signification que revêt le fait que plusieurs luttes portent encore aujourd'hui sur la reconnaissance syndicale, comme ce fut le cas à la Banque impériale de commerce à East Angus et comme c'est le cas au magasin Zeller's de Lachute où les travailleurs et travailleuses célébreront le 7 décembre le deuxième anniversaire de leur lutte. Enfin, la préoccupation majeure qui est la nôtre actuellement, c'est la stagnation et même le recul du taux de syndicalisation. Près de 7 travailleurs sur 10 ne sont pas syndiqués et la majorité ne peut même pas se syndiquer même si elle le voulait. Cela a des conséquences dramatiques pour les non-syndiqués qui sont laissés sans recours face à l'arbitraire des employeurs; mais cela a aussi des conséquences très graves pour les travailleurs syndiqués qui sont condamnés à demeurer minoritaires. A son congres de 1979, la FTQ avait défini les grandes lignes de son «projet de société», ce que nous avons appelé le «Québec des travailleurs»; il faut bien être conscients, et nous l'avions alors souligné, que ce beau projet demeurera sur papier tant et aussi longtemps que le mouvement syndical n'aura pas atteint un degré de représentativité et de force qui lui permette d'en promouvoir la mise en application. C'est pourquoi l'enjeu majeur du présent congrès est l'accès à la syndicalisation; nous devons raffiner nos revendications à cet effet et surtout nous devons décider des moyens à prendre pour qu'elles deviennent réalité dès maintenant. 1 - Deux années de lutte. Lorsque l'on regarde l'ensemble des luttes que les travailleurs et les travailleuses de nos syndicats affiliés ont mené depuis deux ans, on est frappé par le nombre de plus en plus important et la dureté des conflits qui concernent la négociation d'une première convention collective. Les téléphonistes de Bell Canada ont dû mener une très dure grève pour faire reculer le puissant monopole et signer une première convention collective et ce après plus de trente ans sous le règne d'un syndicat de boutique. Les travailleuses du magasin Zeller's à Lachute de leur côté luttent depuis bientôt 2 ans pour la reconnaissance syndicale. Nous pourrions ajouter de nombreux exemples: grève de plus d'un an des 7 employées de la Banque canadienne impériale de commerce à East Angus, tentative de syndicalisation dans les stations service BP, ... qui montrent bien l'urgence d'une action syndicale vigoureuse pour contrer les stratégies patronales qui s'appuient sur un code du travail plein de trous ou qui font carrément fi de la loi. Une arrogance incroyable. Le contexte a l'intérieur duquel s'insèrent nos luttes a considérablement changé. Les boss profitent de la crise économique actuelle pour attaquer les droits acquis lors de négociations et de luttes antérieures. Les travailleurs de la compagnie Kruger à Anjou ou ceux de chez IPA se battent ou se sont battus pour conserver des droits acquis. Les employeurs affichent une arrogance incroyable lors des fermetures ou des licenciements collectifs qui prennent une ampleur dramatique. Le jour de la signature du contrat de travail négocié après une longue et dure grève, les travailleurs de Canron apprennent que l'usine ferme ses portes. La compagnie Iron Ore qui déclare des profits faramineux pour la seule année 1979 annonce la mise-à-pied de plus de 1350 travailleurs et menace la survie de la population de toute une région. Le problème est d'une telle gravité qu'à la suite d'un colloque sur les fermetures et les licenciements collectifs en février dernier les délégués ont réclamé l'adoption immédiate d'une loi anti-fermetures et se sont donnés des moyens d'action face à cette tragédie sociale. Lois spéciales et coupures. Les travailleurs subissent également la pression du gouvernement qui aggrave la situation en coupant des postes, en licenciant des employés et en bloquant la création d'emplois dans les secteurs publics et parapublics. L'État-employeur est devenu un employeur comme les autres. Il a adopté une des pires lois matraques des dix dernières années contre les 11,600 travailleurs de l'Hydro-Québec. Les cols bleus de la Ville de Montréal ont subi à peu de chose près le même traitement avec la loi spéciale 93 qui les obligeait à retourner au travail après 41 jours de grève. Ces comportements antisyndicaux sont particulièrement odieux lorsqu'ils viennent d'un gouvernement qui se targue d'avoir un préjugé favorable envers les travailleurs. Fonction publique fédérale: un militantisme nouveau. Au cours des dernières années, des conflits importants ont été menés par nos affiliés dans la fonction publique fédérale. Nous voulons saluer ici le courage et la détermination des commis aux écritures suite à leur grève historique de l'automne 1980. Nous avons assisté à la naissance d'un syndicalisme militant et ce malgré une structure syndicale extrêmement lourde qui obligea les dirigeants et les militants québécois à traîner comme un boulet les travailleurs et travailleuses de la plupart des régions du Canada, dont le militantisme était quelque peu chambranlant avec des dirigeants peu enclins à un tel combat syndical. Même si le règlement de ce conflit n'a pas été mirobolant, le militantisme qui s'est développé au cours de cette lutte avec la participation très active des permanents de la FTQ est un acquis capital. C'est certainement à ce niveau que se situe dans l'immédiat les véritables gains de cette bataille. Ce ne sera plus jamais pareil dans la fonction publique fédérale. D'autant plus que la nouvelle victoire des postiers démontre qu'il est possible de vaincre l'arrogance du gouvernement fédéral. Les postiers ont fait entre autres des percées très importantes au niveau des congés de maternité et de la santé et sécurité au travail. Notre centrale a organisé un important colloque sur la situation des préretraités et des retraités. Encore ici notre mouvement est à l'avant-garde et la nécessité de la solidarité entre les générations est partagée désormais par un très grand nombre de nos membres. Un énoncé de politique va d'ailleurs vous être soumis lors de ce congrès. Enfin il est important de souligner l'implication grandissante de la FTQ dans l'appui accordé aux luttes menées par nos affiliés. A titre d'indications qu'il suffise de rappeler que 55 % des déclarations de la centrale ont été faites pour appuyer les groupes en conflit chez nos affiliés. Il s'agit d'une augmentation importante depuis le dernier congrès (38 %). Tous les services de la FTQ ont été impliqués à un degré ou à un autre dans cette tâche en particulier le Service d'information et le Service du Soutien aux luttes. La mise en oeuvre de la loi 37. Dans cette brève rétrospective des deux dernières années, je tiens a souligner les pas importants que nous avons franchis dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail. Les années qui avaient précédé notre dernier congrès de 1979 avaient été marquées par notre lutte sans répit pour obtenir une réforme en profondeur dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail; cette lutte a abouti à la passation de la fameuse loi 17, en décembre 1979. Les deux années que nous venons de vivre ont été celles de la mise en place des mécanismes prévus dans cette loi, tout particulièrement la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je dois dire que la mise en place d'une réforme, qui bouleverse profondément un secteur aussi complexe que celui de la santé et de la sécurité, n'est pas chose facile. Avec la CSST, nous faisons l'expérience de quelque chose de fondamentalement nouveau: l'administration paritaire d'un domaine très étendu; cela ne vas pas sans entraîner une certaine lourdeur. Mais le bilan est tout de même positif: les principaux mécanismes de mise en application de la loi sont en place et la presque totalité des règlements devraient être prêts pour la fin de cette année. Nous avons donc en main des outils pour améliorer considérablement les conditions de santé et de sécurité dans nos lieux de travail. Cela ne veut pas dire que la lutte se termine pour autant. Car, en définitive, le changement des conditions de travail pour les rendre vraiment sécuritaires et salubres, dépendra toujours du rapport de force que développera le syndicat à l'intérieur de l'entreprise. Par exemple, le droit de refuser un travail dangereux dépend avant tout de la détermination du syndicat à faire respecter ce droit. Cela implique que nous devrons plus que jamais miser sur la formation de nos militantes et militants dans ce domaine et, à ce propos, il me fait bien plaisir de mentionner qu'avec les subventions que nous avons obtenues cette année de la CSST, nous avons pu former quelque 6,000 militants et militantes. La formation professionnelle: à surveiller de près. Un des débats majeurs auquel nous devrons continuer de participer activement au cours des prochains mois, c'est celui portant sur la formation des adultes. La question de la formation professionnelle a toujours tenu particulièrement à coeur à la FTQ et à ses syndicats: nous sommes exclus de ce secteur et pourtant ce sont les travailleurs qui sont les premiers concernés. Au cours de toutes les audiences tenues par la Commission Jean qui enquête sur tout le domaine de la formation rattachée au travail, la FTQ et ses affiliés ont vivement dénoncé cette injustice et ont réclamé des réformes importantes. Seul un contrôle paritaire sur toute la formation rattachée au travail pourra permettre la mise en branle d'une réforme significative comme celle que nous vivons dans le domaine de la santé et de la sécurité. En effet, seule une véritable participation du mouvement syndical permettra à toute réforme de coller vraiment à la réalité vécue par les travailleurs et à leurs besoins. Dans le même sens, nous croyons qu'un solide coup de barre devra aussi être donné afin de débloquer un financement adéquat pour la formation syndicale. 2 - Dans la construction: un tournant décisif. Même si les 45,3 % récoltés par nos syndicats de la construction lors du dernier vote d'allégeance syndicale ne répondent pas à nos attentes, nous nous réjouissons du fait que la FTQ-construction demeure l'association la plus représentative et que des pas décisifs aient été franchis. Un tournant majeur pour le syndicalisme dans cet important secteur d'activité a été enregistré avec la formation de la FTQ-Construction. Il s'agissait là bien plus que d'une simple chicane interne suivie d'une scission. La création de ce regroupement québécois autonome, démocratique, libéré du joug des Building Trades constituait l'aboutissement d'efforts fournis depuis plusieurs années par des militants déterminés a se donner des structures à leur image. Éliminer les disparités régionales. Dès le début et à chaque moment de l'histoire du syndicalisme dans la construction, la FTQ a été intimement mêlée à tout ce qui allait permettre aux travailleurs de ce secteur de progresser. Qu'on se rappelle la refonte des lois en 1968, qui allait ouvrir la province à tous nos métiers jusque là surtout concentrés dans la région métropolitaine et sur les chantiers industriels, qu'on se remémore toutes les batailles que nous avons menées et gagnées pour éliminer les disparités régionales. Vous vous souviendrez qu'à cette époque, il y avait quatorze zones au Québec et c'était la CSN-Construction qui négociait dans toutes les zones, à l'exception de celle du Grand Montréal et c'est donc elle qui était responsable du fait que les travailleurs des régions en dehors de Montréal et des grands chantiers industriels que nous contrôlions gagnaient jusqu'à 1,75 $ l'heure de moins (2,46 $ Iles-de-la-Madeleine) que les travailleurs pour lesquels nous négocions, sans compter des différences énormes dans les conditions de travail et dans les bénéfices marginaux. Contrairement à ce que vous pouvez lire dans l'Histoire de la CSN, c'est nous qui avons éliminé ces disparités causées par la CSN. C'est l'arrêté en Conseil 1424 publié le 17 avril 1971 qui accordait la parité presque partout pour le premier mai 1972. A ce moment-là, le salaire des manoeuvres était de 3,63 $ l'heure alors que celui des électriciens et des plombiers était de 4,98 $ l'heure à Montréal. Voici quelques exemples des différences qu'avait négociés la CSN-Construction: Nord de Montréal (St-Jérôme, etc) de même que dans la zone de Joliette: 1,74 $ en moins. Dans la zone Nord-Ouest (comme on l'appelait à ce moment-là): 1,59 $ en moins. Dans le Bas St-Laurent: 1,35 $ en moins. Dans les Cantons de l'Est: 1,28 $ en moins. Dans l'Outaouais: 1,24 $ en moins. Toujours sur la ligne de feu! Qu'on se rappelle aussi les luttes que nous avons menées pour la sécurité, les avantages sociaux, la sécurité de l'emploi par le contingentement de la main-d'oeuvre, qu'on se souvienne de la crise que nous avons connue au moment de la commission Cliche, de la tutelle que nous avons dû exercer sur le Conseil provincial à l'époque, qu'on évoque chacune des campagnes de recrutement menées tous les trois ans depuis douze ans... toujours la FTQ était sur la ligne de feu. Jamais nous nous sommes défilés. Au contraire nous avons plongé et nous avons déployé tous les efforts que ces différentes situations réclamaient. Au cours de toutes ces années ce qui nous a guidé, c'est la volonté ferme de faire en sorte que ces travailleurs qui oeuvrent dans des conditions extrêmement difficiles aient accès à un syndicalisme aussi dynamique et démocratique que tous les autres affiliés de notre mouvement. Nous n'avons cependant pas constaté la même volonté du coté du Building Trades dept de l'AFL-CIO et ni de son semblant de pendant canadien. Les dirigeants de ces organismes dont faisaient pourtant partie nos métiers de la construction brillaient plutôt par leur absence. Ils n'étaient pas là lors des grandes campagnes de recrutement, pas là en négociation, pas là au moment des crises graves que nous avons connues. Nous les voyions cependant réapparaître lorsque des mouvements d'autonomie menaçaient leur per capita. Nous les avons vus aussi au terme de la tutelle sur le Conseil provincial. Le Building Trades rejette notre constitution. A ce moment-là, la FTQ appuyée par les dirigeants de quelques locaux prépara un projet de constitution pour le Conseil et invita les membres réunis en congrès à en discuter et à l'adopter. Ce projet comportait des garanties solides de vie démocratique, la consécration du lien avec la FTQ et la possibilité pour les affiliés des sections locales de maintenir leur affiliation au Conseil quelque soit leur allégeance, internationale ou canadienne. Profitant du fait que beaucoup des leaderships avaient été décapités, les représentants internationaux et le directeur canadien du Building Trades sont sortis de l'ombre et ont entrepris une opération de pressions tellement forte que finalement le projet a été amputé de ses éléments essentiels. La FTQ a alors laissé les affiliés du Conseil décider de leur sort, sa tutelle prenant fin. Elle s'est seulement assurée que la constitution comporterait au moins la garantie du maintien de l'affiliation des électriciens et des monteurs de lignes qui avaient rompus les liens avec leur internationale. Tout cela se passait en 1975. Quatre ans plus tard, en 1979, les événements ont démontré que notre projet de constitution était plus adéquat que ce qui avait finalement été adopté. Entre-temps en effet, de nouveaux leaders avaient pris la direction de plusieurs de ces syndicats et le militantisme aussi s'était raffermi. Certains syndicats comme les opérateurs, les menuisiers et bien d'autres sentaient qu'ils ne retiraient pas de leur union internationale tout le support auquel ils étaient en droit de s'attendre. Lorsqu'ils essayaient d'en parler à leurs dirigeants, ils faisaient face à un mur d'incompréhension. Mais aucun ne pouvait songer à remettre en cause son allégeance internationale. La constitution du Conseil l'interdisait. Et sortir du Conseil, c'était renoncer à être représenté à la table de négociation, puisque c'est le Conseil qui était l'association représentative. Le congrès de San Diego. Se doutant bien que la situation ne pourrait être tolérée indéfiniment et que tôt ou tard les affiliés du Conseil voudraient amender leur constitution pour permettre à une section locale de demeurer membre tout en rompant avec son bureau-chef américain, certains valets québécois du Building Trades américain ont posé l'un des gestes les plus dégueulasses de l'histoire du syndicalisme: ils ont présenté lors d'un congrès international du Building Trades, à San Diego en septembre 1979, une résolution qui avait pour effet d'amender les statuts du Conseil. Ce dernier qui existe en vertu d'une charte du Building Trades ne pouvait plus maintenir l'affiliation des électriciens et des monteurs de lignes à cause de cet amendement. C'en était trop. La majorité des affiliés du Conseil ont été révoltés par ce manquement grave à la démocratie syndicale. Ils ont tenté par tous les moyens de combattre cette décision en assemblée générale ou lors d'un congrès. Toutes ces tentatives ont été bloquées par les Maurice Pouliot, Guy Dumoulin alors officiers du conseil et porte-voix serviles des bureaux-chefs. Incapables de soutenir un débat, ils ajournaient assemblées générales et congrès. Que faire quand la démocratie est à ce point étouffée? Rappelons-nous qu'en vertu de la loi, c'est le Conseil qui avait le mandat de négocier. Et, justement, nous étions en pleine négociation. Ce fut une expérience pénible qu'ont vécue nos syndicats, qui durent faire des pieds et des mains pour éviter que ne soit signée une convention collective à rabais. Ils ont réussi à éviter le pire par leur seul rapport de force sur les chantiers. La loi 109. Entre-temps nous avions entrepris des représentations auprès du gouvernement pour qu'il reconnaisse dans la loi la FTQ-Construction comme une association représentative distincte du Conseil provincial, puisque la majorité des affiliés de cet organisme voulaient le quitter. Le gouvernement a beaucoup tardé à le faire. Ce retard n'est d'ailleurs pas étranger au résultat du vote du début du mois qui aurait été bien différent si nous avions pu commencer l'organisation de notre nouvelle structure un an plus tôt. En effet, ce n'est qu'à la fin de 1980 que le gouvernement adoptait la loi 109 qui amendait la loi des relations de travail dans la construction. Cette loi demandait aux affiliés du Conseil de choisir entre le Conseil et la FTQ-Construction. Un vote tenu au mois de mars permit à des locaux représentant 72 % des travailleurs du Conseil et 49,3 % de l'ensemble de la main-d'oeuvre de la construction de passer à la FTQ-Construction. Le CTC nous appuie. La création de cette nouvelle association représentative libre, démocratique et indépendante aura des conséquences qui débordent de beaucoup le Québec. Dès le début de la crise, le Building Trades a fait des pressions sur le CTC pour que ce dernier mette la FTQ au pas et enraye le mouvement d'autonomie. Le CTC au début a été secoué par ces pressions. Mais la présence active que la FTQ y exerce et la détermination de nos métiers de la construction ont amené vite la centrale canadienne à reconnaître la légitimité de notre action. On connaît la suite: devant la décision du CTC de nous appuyer le Building Trades a suspendu le paiement des taxes per capita et, en revanche, le CTC a suspendu l'affiliation des membres du Building Trades jusqu'au prochain congrès, alors que la suspension peut se transformer en expulsion définitive. Entre-temps, logique avec lui-même, le CTC a mis sur pied une structure d'accueil canadienne semblable à la FTQ-Construction, qui y a d'ailleurs adhéré. Nous savons que des débats de fonds ont lieu à travers tout le Canada. Plusieurs locaux n'acceptent pas que le Building Trades les aient entraînés en dehors du mouvement syndical canadien. Plusieurs adhéreront au CTC directement si la situation n'est pas rétablie. Les unions internationales qui n'accepteront pas ce choix légitime de leurs membres en subiront les conséquences. Nous savons déjà que certaines unions comme celle des journaliers ne s'opposeront pas à ce choix. Comme d'ailleurs elle ne s'est pas opposée à la décision des locaux 1675 et 62 de s'affilier à la FTQ-Construction plutôt qu'au Conseil. D'autres, comme l'union des plombiers qui regroupe aussi les frigoristes, l'union des monteurs d'acier de structure, l'union des briqueteurs feront probablement le même chantage qu'elles ont fait au Québec pendant la campagne de maraudage. Cela aura probablement pour effet de propager dans le reste du pays le mouvement de canadianisation entrepris au Québec. Le CTC n'aura pas d'autres choix que de créer des syndicats canadiens de la construction pour recevoir les travailleurs dont les unions décideront de rester à l'écart. Les résultats du vote. Pour revenir au dernier vote d'allégeance dans la construction, plusieurs facteurs expliquent le résultat décevant que nous avons récolté: Le gouvernement a mis un an avant de reconnaître la FTQ-Construction et cette dernière a reçu ses premières taxes per capita qu'au mois d'avril dernier. Les travailleurs de la construction ont toujours eu l'habitude d'identifier les unions de métier à des unions internationales. Une très grande confusion a été créée par la situation complexe engendré par la division (certains locaux de la FTQ-Construction demeuraient internationaux, d'autres ne savaient pas s'ils ne seraient pas expulsés de leur union par leur bureau-chef et, enfin, nous avions créé au dernier moment des unions québécoises pour les menuisiers, les plombiers, les ferrailleurs, les monteurs d'acier de structure, les mécaniciens de chantier et les ferblantiers). Le Conseil provincial a mené une campagne de bas étage se limitant à menacer d'interdire le travail dans le reste du Canada à quiconque voterait FTQ-Construction. Dans un contexte de crise comme celui que nous connaissons, ce genre d'argument a beaucoup de poids. Des lettres de menaces d'expulsion ont été envoyées par certains bureaux-chefs internationaux à tous les membres de leurs locaux québécois. Quelques heures avant le vote l'union internationale dont font partie les frigoristes leur imposait une tutelle. Un syndicalisme fort et démocratique. C'est avec énormément de confiance que nous envisageons l'avenir dans la construction. Nous savons que nous avons désormais tous les moyens pour bâtir sur du solide. Les cotisations vont désormais servir à la défense des membres, la démocratie syndicale sera respectée et surtout le chantage exercé ces derniers temps ne sera plus possible. Le développement d'un mouvement semblable dans le reste du Canada ne peut que renforcer celui qu'on bâtit au Québec dans la construction. Nous allons tout mettre en oeuvre pour faire disparaître les groupuscules dans la construction qui retirent des cotisations des salariés sans pouvoir leur donner le moindre service et nous allons trimer dur pour faire amender la loi qui nous force à tous les trois ans à mener une véritable campagne électorale sur tout le territoire du Québec à des coûts astronomiques - c'est autant d'argent et d'énergie que nous n'avons pas pour donner du service aux membres. La dernière campagne aura coûté au bas mot de deux à trois millions. C'est carrément scandaleux et dans le but de limiter un peu les dégâts, la FTQ-Construction avait approché les autres centrales pour essayer de conclure une entente pour l'élimination de toute publicité électronique (qui à elle seule a probablement coûté près d'un million). La CSN et le Conseil Provincial se sont dits d'accord avec la FTQ-Construction mais la CSD a carrément refusé, forte des cotisations qu'elle avait retirées au cours des trois dernières années des 7,000 membres qu'elle avait dans la construction et pour lesquels elle n'a à peu près rien dépensé, ne leur donnant aucun service. Je ne connais aucune bonne raison pour que dans l'industrie de la construction ce ne soit pas comme partout ailleurs: dès qu'un syndicat obtient une majorité de travailleurs et de travailleuses, il les représente tous - et le grand principe de la liberté de choisir pour les travailleurs serait respecté, parce que comme partout ailleurs, il y aurait période d'ouverture qui permettrait l'intervention d'une autre centrale. 3 - La FTQ est en droit d'exiger des réformes profondes. Au cours des deux dernières années, la FTQ n'est pas demeurée les bras croisés au plan politique. Comme principale organisation de la classe ouvrière au Québec, la FTQ avait la responsabilité d'intervenir dans tous les débats politiques d'importance pour faire connaître et défendre le point de vue des travailleurs. C'est ce que nous avons fait, comme je l'ai souligné dans l'introduction à ce présent discours, au moment de la campagne référendaire en mai 1980; nous avons alors adopté la position qui correspondait aux intérêts des travailleurs québécois et du Québec en général avec l'assentiment de la vaste majorité de nos membres. Rappelons-nous le congrès spécial qui nous amena quelque 2,200 délégués venant de nos sections locales et Conseils du travail et rappelons-nous aussi l'instant sublime du vote alors qu'une trentaine de délégués seulement votait contre la recommandation du Conseil général et qu'une centaine s'abstenait et que tous les autres votaient avec enthousiasme pour le oui. Contre le coup de force d'Ottawa. Aux lendemains de ce référendum perdu, lorsque le gouvernement Trudeau a mis en branle son coup de force unilatéral contre le Québec, nous avons encore été aux premiers rangs de l'opposition: les travailleurs sont les premiers à souffrir quotidiennement des conséquences de l'oppression nationale et toute tentative du pouvoir central de domestiquer le Québec, est un coup direct porté aux travailleurs. C'est pourquoi la FTQ continuera à lutter pour que le peuple québécois ait en main les véritables pouvoirs lui permettent de bâtir une société plus conforme à nos intérêts et à nos aspirations de travailleurs. C'est dans ce sens que nous avons vivement dénoncé l'accord intervenu entre Ottawa et les 9 provinces anglophones sur le rapatriement de la Constitution. Le Canada anglais s'est donné une Constitution; nous lui disons bravo! Mais nous ajoutons que cette Constitution ne saurait être celle du Québec qui a été exclu de cet accord, conclu en cachette pendant la nuit. En avril 1981: nous avons évité le pire! D'autre part, en avril dernier, au moment des élections, la FTQ, par la voie de son Conseil général, a redonné son appui au Parti québécois. Pas plus qu'en 1976, il ne s'agissait là d'un appui inconditionnel. Il s'agissait avant tout d'aider à la réélection du parti le plus susceptible de satisfaire nos revendications et, en plus, il s'agissait d'éviter le pire, c'est-à-dire la prise du pouvoir par le Parti libéral de Claude Ryan Ceci aurait eu des conséquences dramatiques pour le mouvement syndical et l'ensemble des travailleurs; non seulement ce parti, lié aux éléments les plus réactionnaires de notre société, n'aurait pas donné suite à nos principales revendications mais il aurait fort probablement remis en question les réformes mises en branle lors du premier mandat du gouvernement péquiste, comme par exemple celle en santé et sécurité du travail. Enfin, nous avions dressé un bilan largement positif des quatre premières années du gouvernement Lévesque: loi sur la santé et la sécurité, amendements au Code du travail, Charte du français, loi sur les normes du travail, reconnaissance de la FTQ-Construction, assurance-automobile, zonage agricole, etc. Le gouvernement Lévesque doit se brancher! Nous avons travaillé ardument à faire réélire le gouvernement Lévesque et nous sommes maintenant en droit d'exiger de ce gouvernement qu'il ait le courage politique de réaliser les principales réformes pour lesquelles il a reçu un large appui des travailleurs. Mais nous devons malheureusement constater que depuis sa réélection, le gouvernement péquiste a plutôt tendance à se traîner les pieds dans plusieurs dossiers. Nous attendons toujours une intervention vigoureuse permettant un véritable accès à la syndicalisation, par le biais de l'accréditation multipatronale ainsi que par des mesures visant à raccourcir les délais d'accréditation et décrétant le gel des effectifs dans une unité au moment du dépôt de la requête jusqu'à l'accréditation. Le gouvernement Lévesque ne peut plus hésiter. Il doit se brancher. C'est bien beau d'adopter des mesures sociales (la loi 17 et loi 124) mais quand on sait que ces deux excellentes lois demeureront lettre morte pour la vaste majorité des travailleurs et travailleuses, justement parce qu'ils ne sont pas syndiqués et qu'ils ne peuvent faire respecter leurs droits et qu'on se targue en plus d'être un gouverne ment social démocrate, on se doit d'y aller carrément et de légiférer pour que le droit d'association devienne une réalité pour tous les travailleurs et non pas pour trois sur dix comme présentement. Nous attendons aussi impatiemment que le gouvernement fasse son lit sur le problème aigu des fermetures d'usines et sur les licenciements collectifs; le temps des beaux discours est terminé et le gouvernement doit agir. Depuis 1976, le gouvernement Lévesque s'est montré très timide sur ce problème; nous n'avons qu'à nous rappeler les fermetures de la Wayagamack et de ITT-Rayonier; tout récemment, nous avons encore vécu d'autres fermetures, dont certaines très sauvages comme celle de Canada Dry; nous n'accepterons pas les demi-mesures sur cette question: le présent congrès est invité à adopter des revendications très claires et réalistes sur ce problème et celles-ci devront être satisfaites dans les meilleurs délais. Des coupures anti-sociales et inhumaines. S'il est une question à propos de laquelle nous entretenons les plus vives inquiétudes, c'est celle des coupures budgétaires. Nous savons fort bien que la situation économique n'est pas très rose; mais nous croyons que le gouvernement péquiste fait fausse route. Alors que le ministre Parizeau promettait de ne couper que dans le gras, nous nous apercevons qu'il est en train de gruger les os. Nous n'hésitons pas à affirmer que les coupures projetées et réalisées sont aveugles, anti-sociales et dans bien des cas inhumaines, tout particulièrement dans le domaine des affaires sociales. Ces coupures ont pour effet d'allonger les listes d'attente dans les hôpitaux, de réduire la quantité et la qualité des soins, de trancher dans les service sociaux de tout genre. Où est donc passé la fameuse transparence dont se vante le gouvernement? Nous mettons en demeure les ministres Pierre-Marc Johnson, des Affaires sociales, et Yves Bérubé, du Conseil du Trésor, de prouver comment la quantité et la qualité des soins et services ne sont pas affectées par les coupures. Comment peut-on parler ainsi alors que les listes d'attente dans tous les établissements sociaux sont de plusieurs mois et que les besoins de la population sont loin d'être satisfaits? Comment peut-on soutenir que les coupures n'affecteront pas les services alors que l'on sait que dans un hôpital comme l'Hôtel-Dieu de Montréal, il y a déjà une liste d'attente de 2,300 patients et que ça va prendre 18 mois pour répondre à cette demande et qu'à Maisonneuve-Rosemont la liste d'attente est déjà de 1,700 et s'allonge constamment? Nous sommons le gouvernement de mettre cartes sur table. Si c'est vrai qu'il y a des coupures à effectuer, il faudrait sans aucun doute jeter un coup d'oeil du côté de la rémunération de certains professionnels de la santé, du côté du nombre de cadres de même que des équipements de luxe. Et, il faudrait peut-être aller faire un tour en-dehors des affaires sociales, comme par exemple du côté des budgets fabuleux consacrés à la publicité ou encore du côté des Fêtes nationales... Quoi qu'il en soit, nous servons une sévère mise en garde au gouvernement québécois contre toute tentation de vouloir emprunter le même chemin qu'Ottawa et Washington pour supposément sortir de la crise économique; nous n'accepterons jamais qu'il fasse porter le fardeau de cette crise aux citoyens les plus démunis, en coupant en premier lieu dans les services sociaux. Les Québécois ont payé très cher les réformes sociales des 20 dernières années et ils n'accepteront pas aujourd'hui de faire machine arrière. L'électricité: un curieux dossier. Nous trouvons enfin fort curieux la façon d'agir du gouvernement Lévesque dans certains dossiers, comme par exemple celui de l'électricité. Il y a à peine 5 ans, le gouvernement québécois, à coup de millions de dollars en publicité, incitaient tous les Québécois à devenir des Hydroquébécois; ceux qui ne convertissaient pas leur système de chauffage à l'électricité étaient presque considérés comme des «traîtres à la nation». Et, on nous rabattait les oreilles avec le «projet du siècle» à la Baie James. Mais qu'arrive-t-il présentement? Les installations de la Baie James commencent à peine à fonctionner et elles sont d'ailleurs sous-utilisées. Tout dernièrement, des visiteurs à LG2 ont pu constater que seulement deux turbines fonctionnaient et qu'on laissait échapper de l'eau parce que le réservoir était trop plein. Il serait sans doute très intéressant d'apprendre combien nous coûte chaque litre qu'on laisse ainsi échapper. Pourquoi le gouvernement tente-t-il de contraindre les Québécois à lâcher l'électricité pour passer au gaz? Et, il n'y va pas de main morte: la dernière augmentation de 16,7 % accordée gracieusement à Hydro-Québec frappe principalement les consommateurs individuels, c'est-à-dire ceux qui ont cru la publicité gouvernementale d'il y a quelques années et ceux qui paient le développement de la Baie James par leurs taxes. Et comment va-t-il pouvoir attirer des industries à grande consommation d'électricité si cette source d'énergie devient aussi chère que les autres? Encore là, où est donc passe la transparence gouvernementale? Où est donc cette transparence lorsque le ministre des Finances tente de nous refiler en douce des impôts indirects avec la nouvelle loi d'Hydro-Québec? La FTQ sera vigilante et exigeante. La FTQ a l'intention de rester très vigilante et très exigeante face au gouvernement qu'elle a contribué à porter au pouvoir. Nous sommes prêts à soutenir toute initiative qui va dans le sens des intérêts des travailleurs et de la majorité. Tout dernièrement, nous avons applaudi la déclaration du Ministre Guy Tardif, responsable des Consommateurs, Coopératives et Institutions Financières, annonçant la promulgation de l'article 223 de la loi sur la protection du consommateur, obligeant l'étiquetage de toutes les marchandises vendues en magasin. Cet article est d'une importance capitale non seulement pour les salariés dans le commerce mais bien pour tous les consommateurs. Il est à noter que cette décision va à l'encontre de la tendance que l'on note depuis quelques années vers la généralisation des caisses enregistreuses dotées du Code Universel. Cette victoire est due principalement aux démarches de la FTQ et de son affilié, l'Union des employés de commerce. Nous sommes aussi prêts à combattre toute tentative d'Ottawa visant à réduire les pouvoirs et les argents du Québec. Mais nous serons impitoyables si le gouvernement essaie d'échapper à ses responsabilités et promesses dans des dossiers comme l'accès à la syndicalisation et les fermetures d'usines et licenciements collectifs ou s'il s'entête à couper dans les services sociaux. 4 - Crise économique: notre riposte doit s'amplifier. Ne pas être capables de joindre les deux bouts. Etre obligés de couper dans des biens essentiels, comme par exemple la qualité de la nourriture. Ne plus être capables de rencontrer les paiements sur sa maison. Etre obligés de trouver un deuxième travail par les soirs et les fins de semaine. Se retrouver en chômage et sans espoir. Etre menacés d'une hausse exorbitante de loyer et ne pas trouver d'endroit où déménager... Nous pourrions allonger encore bien longtemps la liste des inquiétudes, des déceptions, des angoisses qui sont le lot quotidien des travailleurs et de leurs familles. Un chemin insensé. Ce n'est pas nouveau parler de chômage et d'inflation. Ce qui est nouveau et dramatique, c'est que cette crise est devenue permanente et qu'elle s'approfondit sans cesse. Toutes les sociétés capitalistes sont secouées par la crise et très peu de gouvernements ont le courage et l'imagination suffisante pour essayer d'y faire face et au moins d'en limiter les dégâts. Bien au contraire, bien des gouvernements adoptent des politiques qui rendent encore plus aigus les effets de la crise. C'est le cas du Canada où Trudeau a décidé de jouer à Reagan. A l'instar du gouvernement américain, celui d'Ottawa a emprunté le chemin insensé de la politique qui consiste à réduire l'accroissement du volume monétaire en haussant les taux d'intérêt, supposément pour combattre l'inflation. Les résultats sont désastreux: plusieurs petits propriétaires sont acculés à la faillite, les fermetures d'entreprise se multiplient, le chômage atteint de nouveaux sommets, les citoyens les plus démunis, comme les personnes âgées et les chômeurs, sont les plus frappés, la construction de logements est paralysée... et, en plus de tout cela, l'inflation qui devait baisser, passe de 9,5 % à 13 % en moins de deux ans. Malgré cela, le gouvernement fédéral s'entête. C'est qu'il est au service des grands intérêts financiers qui, eux, profitent de cette crise. En premier lieu, les banques qui ont vu grimper leurs profits de 79 % pour les premiers mois de 1981 par rapport à 1980. Aussi les grandes entreprises capables de financer à même leur argent propre le gros de leurs investissements et de profiter en plus des taux d'intérêt élevés sur leur argent en caisse. Aussi les personnes les plus riches qui s'enrichissent encore plus avec les intérêts élevés sur leur argent. C'est ainsi que les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Que pouvons nous faire? Mais que pouvons-nous faire face à cela? Rien répond Trudeau, qui dit que tout dépend des États-Unis. Presque rien, dit Lévesque, qui renvoie la balle à Ottawa. Ces réponses évacuent complètement le problème. C'est totalement faux de prétendre qu'il n'y a rien à faire face à la crise et que nous n'avons pas d'autre choix que de suivre les Américains. Nous ne prétendons pas avoir des réponses à tout; mais nous savons que le problème numéro un pour les travailleurs, c'est le chômage et nous savons que la politique de hausser les taux d'intérêt est catastrophique. C'est pourquoi, à l'occasion de la grande manifestation du 21 novembre, la FTQ a mis de l'avant une proposition a deux volets: premièrement, une politique visant au plein emploi; et, d'autre part, une politique de réduction sélective des taux d'intérêt. Vers une politique de plein emploi. Le plus urgent c'est de s'attaquer au cercle vicieux engendré par la spirale Intérêts élevésRalentissement économique - Chômage - Croissance limitée - Inflation, tout en soulageant les groupes les plus durement frappés par les taux d'intérêt élevés. Parmi de telles mesures, soulignons: Programme massif de construction de logements publics et privés afin de relancer l'industrie de la construction et les industries qui en dépendent, rétablir un équilibre entre l'offre de logements à loyer abordable et les besoins, influencer à la baisse le prix des maisons neuves et les loyers des logements vacants, ce qui réduira d'autant l'impact des paiements hypothécaires et des loyers élevés. Augmenter les revenus des gens à faible revenu par une amélioration des programmes publics (aux personnes âgées, aux chômeurs et assistés sociaux) afin de relancer la demande, stimuler l'activité économique et l'emploi, améliorer les revenus et les perspectives de financement des PME. C'est là la seule façon certaine de rendre efficaces et rentabiliser les opérations des PME et leur donner les capacités financières pour rencontrer leurs paiements auprès des banques: quand on a les mains pleines de stocks invendus et qu'on opère au ralenti, c'est difficile de rembourser son gérant de banque... Intervenir plus directement dans l'économie pour réaliser des objectifs comme une plus grande autosuffisance alimentaire, une plus grande transformation sur place de nos richesses naturelles ou un contrôle étranger moins grand sur notre économie, afin de réduire notre dépendance face aux importations de biens étrangers et aux variations des taux de change et des taux d'intérêt à l'étranger. En ce sens, toutes les revendications que formule depuis des années la FTQ pour une politique de plein emploi, pour un rôle central de l'État dans un développement planifié, pour un contrôle des sociétés multinationales, et pour une nationalisation et une canalisation de l'épargne constituent les bases d'une politique pour minimiser les effets des taux d'intérêt élevés. Pour une réduction des taux d'intérêts. Il y a tout un débat, qui est loin d'être terminé, sur les effets qu'aurait une réduction généralisée des taux d'intérêt: vouloir réduire à court terme l'ensemble des taux d'intérêt serait très difficile car les détenteurs de capitaux enverraient leur argent profiter à l'étranger et cette grève du capital aurait surtout pour effet de faire dégringoler le dollar canadien et relancer encore plus l'inflation. Cependant, de façon immédiate et urgente: La FTQ exige que le gouvernement fédéral oblige les banques à réduire de façon sélective les taux d'intérêt frappant les citoyens les plus démunis. Ainsi, au moyen d'une loi, le gouvernement fédéral devrait plafonner immédiatement de façon sélective les types de prêts suivants à 12-13 % par an: Hypothèques jusqu'à $50,000. Crédit à la consommation pour les biens durables fabriqués au Canada. Prêts aux PME et aux agriculteurs. Pour compléter la mesure qui précède, le gouvernement fédéral devrait obliger les banques et autres institutions financières à y consacrer une part minimale de leurs actifs. En ce qui concerne les locataires, dans l'hypothèse où il y aurait réduction du taux d'intérêt de l'hypothèque (jusqu'à $50,000), toute baisse de paiements hypothécaires devrait se refléter directement par une baisse de loyer correspondante pour les locataires à faible et moyen revenu (c'est-à-dire ceux qui doivent consacrer plus de 25 % de leur revenu pour défrayer le loyer). De plus, comme il n'est pas question de subventionner les gros propriétaires d'immeubles à location, les autres locataires à faible et moyen revenu, qui ne seraient pas affectés par notre revendication principale, devraient être éligibles à un crédit d'impôt fédéral pour toute hausse de loyer imputable à de forts taux d'intérêt (au-dessus de 12-13 %). Le gouvernement fédéral devrait également limiter l'écart permis entre la rémunération des dépôts et le rendement des prêts et placement de façon à limiter les profits des banques et autres institutions financières. Le gouvernement fédéral devrait enfin pénaliser davantage au niveau de l'impôt les revenus d'intérêt et de placement réalisés à l'étranger, de façon à augmenter les disponibilités de capitaux sur le marché canadien et faire ainsi pression à la baisse sur les taux d'intérêt. Le 21 novembre: seulement une étape. En octobre, la FTQ a invité ses affiliés et le public à poser un premier geste de protestation contre les hauts taux d'intérêt, contre le chômage et contre l'inflation. 500,000 cartes de protestation, adressées au premier ministre canadien, ont été distribuées dans nos syndicats et dans la population. C'était une façon de sensibiliser les travailleurs à cette question et de poser un premier geste concret de protestation. A sa réunion du 9 et 10 septembre dernier, le Conseil général de la FTQ a aussi adopté une résolution prônant l'organisation d'une Journée nationale de protestation pour dénoncer la détérioration économique que nous vivons actuellement. Nous avons acheminé cette proposition jusqu'au Conseil exécutif du CTC qui a alors accepté d'organiser la grande manifestation de samedi prochain à Ottawa. Des efforts gigantesques ont été déployés pour que cette manifestation soit la plus importante jamais vue à Ottawa. C'est l'occasion de faire savoir au gouvernement canadien que nous en avons assez de ses politiques économiques qui font porter le poids de la crise aux travailleurs et aux citoyens les plus démunis. Inutile de vous rappeler que nous devons tous veiller a ce que tout se fasse cette semaine pour que cette manifestation soit une réussite complète. Nous devons voir dès maintenant quels seront les lendemains de la manifestation de samedi. Car il faut bien être conscients qu'il ne s'agit que d'une étape et que la mobilisation devra aller en grandissant si nous voulons forcer les gouvernements à satisfaire nos principales revendications. C'est pourquoi j'invite le présent congrès à débattre la question et à donner un mandat clair à la FTQ pour la mise en branle de toutes les actions jugées nécessaires pour faire plier le gouvernement fédéral sur la question du plein emploi et des taux d'intérêt. Ces actions pourront aller de manifestations locales ou régionales jusqu'à l'organisation d'une Journée nationale de protestation, comme celle que nous avons connue le 14 octobre 1976 contre les mesures de contrôle, ce qui inclut un débrayage généralisé. Il faudrait aussi prévoir la mise en marche d'un boycottage bien planifié et systématique des taux usuraires. Je crois que nous ne pouvons pas réellement imaginer quelle serait la réaction des associations prêteuses si un bon jour, nous réussissions à réunir quelque dizaines de milliers de propriétaires de voitures sur la finance, quelque milliers de propriétaires de maisons hypothéquées, quelque centaines de cultivateurs pris avec les mêmes problèmes et pourquoi pas quelque dizaines de propriétaires de PME, et que tous ensemble nous leur disions «non, merci», nous ne payons plus. Je ne puis vous garantir que ça réglerait ce problème scandaleux mais je sens jusque dans mes tripes que nous devons prendre la décision de nous battre jusqu'à ce que nos gouvernements fassent passer les intérêts des citoyennes et citoyens avant ceux des requins de la finance. C'est le programme que je vous propose et si vous l'adoptez nous nous engageons à tout mettre en oeuvre pour le réaliser au Québec et à convaincre le CTC de l'étendre à tout le Canada. Nous inviterons aussi les autres centrales québécoises et toutes les organisations démocratiques à se joindre à cette action. Dans ce sens, je dois dire que nous avons été très heureux de la décision de la CSN et de la CEQ de participer à la manifestation du 21 novembre; il s'agit d'un rapprochement autour d'une action précise qui concernait tous les travailleurs; sans sonner le clairon de l'unité intersyndicale, chaque centrale participe à cette action à sa manière. S'il est possible de refaire la même chose pour les prochaines actions, nous y sommes favorables car cela est dans l'intérêt de tous les travailleurs. 5 - La bataille de la syndicalisation. La grande bataille que nous devons engager dès ce congrès et qui devra drainer le gros de nos énergies au cours des prochains mois, c'est celle de la syndicalisation. Depuis la fin des années '60, la FTQ réclame une réforme en profondeur permettant un accès massif à la syndicalisation pour les travailleurs non-syndiqués. Plus de 10 ans plus tard, nous devons bien nous rendre à l'évidence: cette réforme se fait toujours attendre et le taux de syndicalisation, s'en va à la baisse. Et cela, malgré les efforts et les ressources considérables que les syndicats consacrent à la syndicalisation. Je ne veux pas reprendre ici l'ensemble des données et les propositions de réforme que l'on retrouve dans le document «L'accès à la syndicalisation». Ce document et les recommandations qui en découlent feront l'objet d'une étude en commissions au cours du congrès et d'un débat en plénière. Je veux cependant insister sur la nécessité de nous organiser pour que ce document ne reste pas un simple voeu pieux. Même si l'accréditation multipatronale, qui est la seule réforme pouvant permettre un accès au syndicalisme pour la majorité des travailleurs et travailleuses, est inscrite au programme du Parti québécois, la partie est loin d'être gagnée: nous devrons nous mobiliser pour rappeler au gouvernement Lévesque ses responsabilités dans ce domaine et pour le forcer à agir. Il ne faut pas non plus penser que l'accréditation multipatronale sera une recette magique; l'opposition patronale à toute syndicalisation continuera d'être féroce, et peut-être encore plus, étant donné que l'accès à la syndicalisation sera davantage possible. C'est pourquoi nous devons nous organiser dès maintenant pour obtenir la syndicalisation multipatronale et pour, de toute façon, être en mesure de mener des campagnes de syndicalisation de grande envergure. Mieux nous organiser. Depuis le dernier congrès notre réflexion sur la syndicalisation nous a menés à nous interroger sur nos ressources en organisation. En effet, nous dénonçons les législations du travail actuelles et le plafonnement qu'elles imposent à la syndicalisation des travailleurs, mais sommes-nous prêts au niveau de nos structures a accueillir une réforme en profondeur, qui nous inviterait à syndiquer de larges secteurs d'activité? Nous avons constaté que la plupart de nos affiliés ont des équipes très réduites de recruteurs à plein temps... lorsqu'elles en ont. Cela n'a pas qu'une incidence sur notre préparation à une éventuelle syndicalisation multipatronale. Dans les circonstances actuelles, lorsque l'un de nos affiliés n'arrive à percer que dans une minorité d'établissements dans un secteur donné, le groupe syndiqué est habituellement en situation de faiblesse et doit se contenter de conditions médiocres. Ou encore, comme ce fut le cas pour les travailleuses de la Banque impériale de commerce à East Angus ou pour celles de Zeller's à Lachute, ces petits groupes doivent s'engager dans des luttes surhumaines pour faire reconnaître des droits élémentaires. Il y a aussi les difficultés que nous éprouvons lorsque nous faisons face à des campagnes de maraudage d'envergure de la part de la CSN et, maintenant de la part de la CSD. Ces deux centrales ont des structures beaucoup plus centralisées que les nôtres. Nous ne voulons pas de ces structures. Mais, pour leur faire face, il faut nous donner une coordination efficace. Lorsque nos amis d'en face sauront que nous avons non seulement des moyens de riposter, mais aussi de puissants moyens d'attaquer, ils seront peut-être plus enclins à discuter du pacte de non-maraudage que le dernier congrès nous a donné mandat de négocier. Enfin, si par des efforts concertés, nous arrivions à percer dans des secteurs peu touchés jusqu'ici, nous serions en posture d'exiger avec plus de force du gouvernement qu'il modifie ses lois. Échange d'information. Nous avons déjà l'embryon d'un comité de coordination des affiliés. Ce comité va permettre l'échange d'informations sur les principales difficultés rencontrées dans les campagnes d'organisation: manoeuvres et tactiques patronales, mise sur pied de syndicats de boutiques, rivalité intersyndicale, problèmes causés par les dispositions de la loi actuelle, délais indus au ministère. A ce sujet, d'ailleurs, nous avons été en mesure de faire des représentations au comité de travail chargé de proposer au ministre des modifications et amendements pour corriger les lacunes les plus criantes. Le comité de coordination est aussi chargé d'établir des conditions favorables à la collaboration entre les syndicats affiliés: mise sur pied d'un réseau de communication entre les syndicats (quel syndicat est en train de syndiquer telle usine); identification des juridictions de base de chaque syndicat; identification des régions où un syndicat ne peut remplir sa juridiction; participation à la recherche de solutions à l'occasion de conflits de juridiction. Une équipe permanente d'organisation. Mais nous ne devons pas en rester là. Il faut dépasser le simple échange d'information. C'est pourquoi nous avons conçu le projet de constituer une équipe d'organisateurs capables d'entreprendre ensemble des campagnes d'envergure. Cette équipe pourrait être plus ou moins grosse selon les besoins, mais elle serait composée d'un noyau de base de 10 à 12 permanent(e)s. La FTQ créerait un poste de coordonnateur permanent pour diriger cette équipe. La création de ce poste est d'ailleurs l'une des raisons de l'augmentation de la taxe per capita que nous vous proposons de voter au cours du présent congrès. Une telle équipe pourrait mener de front une ou plusieurs campagnes dans des secteurs que le comité de coordination aurait identifiés au préalable. Il s'agirait de campagnes qui peuvent avoir un effet d'entraînement dans des secteurs peu touchés ou encore, permettre à certains affiliés de sortir de l'isolement et de se donner un rapport de force convenable. Enfin, nous serions en mesure, comme je l'évoquais plus tôt, de contrer des campagnes de maraudage ou d'en entreprendre nous-mêmes lorsque justifié. La financement du comité de coordination. Nous avons déjà effectué des consultations auprès d'un grand nombre d'affiliés. La réaction est excellente. Comme nous visons à l'autofinancement de cette équipe, nous avons voulu sonder un peu les intentions de chacun. Dans certains cas, des syndicats se sont dits prêts à débloquer des fonds importants. Dans d'autres cas, ils ont affirmé qu'ils pourraient mettre à notre disposition pour des périodes déterminées, un ou des permanents. L'une ou l'autre formule pourrait convenir pour mettre l'opération en branle dès le début de 82. Nous pourrions nous donner comme objectif d'aller chercher, en argent ou en personnel, l'équivalent de $1.00 par membre pour les premiers six mois. Par la suite, nous avons songé à une formule qui pourrait assurer au moins en partie l'autofinancement: il s'agirait, pour le syndicat qui accueillerait les nouveaux syndiqués à la suite d'une campagne de la FTQ, de renoncer à la cotisation pendant les deux ou trois premiers mois et de verser ces sommes dans un fonds d'organisation-FTQ. Je suis conscient qu'une telle proposition bouscule un peu notre fonctionnement traditionnel. Mais je suis confiant de recevoir la collaboration active de tous les affiliés dans ce nouveau projet. La situation a évolué. Nous faisons face à de nouveaux impératifs. Il ne faut pas hésiter à se donner les moyens de continuer à progresser.