*{ Discours néo-libéral FTQ, 1983 } Mobilisation contre la crise. Vous vous souviendrez sans doute que lors du dernier congrès, nos préoccupations majeures étaient la crise épouvantable que nous traversions, les taux d'intérêts absolument usuraires, le chômage abominable que nous connaissions, chômage amplifié par la politique néfaste du Gouvernement fédéral qui s'entêtait à suivre les politiques des Reagan et des Tatcher en maintenant les hauts taux d'intérêts, tout en amplifiant le chômage dans le but de combattre l'inflation. Vous vous souviendrez aussi qu'au lendemain de l'ajournement de ce dernier congrès, nous devions nous rendre sur la colline parlementaire à Ottawa afin de manifester notre profond désaccord, notre désapprobation la plus totale contre les politiques du Gouvernement fédéral et demander que le gouvernement se penche d'abord et avant tout sur le sort des plus démunis, sur ceux qui avaient perdu leur emploi, sur ceux qui, avec les taux d'intérêts absolument exagérés que nous connaissions, se voyaient menacés de perdre leur emploi, leur voiture, leur maison, leur ferme, et malheureusement dans certains cas, leur famille. Profond dégoût. A ce sujet, je veux dire un profond merci à tous ceux et à toutes celles qui ont travaillé pour faire de cette manifestation sur la colline parlementaire le succès retentissant qu'elle a remporté. En effet, grâce au travail des militantes et des militants, nous étions au-delà de 50,000 travailleuses et travailleurs du Québec qui sont allés manifester leur profond dégoût vis-à-vis l'entêtement du gouvernement Trudeau de créer délibérément du chômage en maintenant de façon artificielle des taux d'intérêts prohibitifs, et tout ceci dans le but de combattre l'inflation. Nous n'allions pas à Ottawa que pour manifester contre les politiques du Gouvernement. Nous avions aussi des revendications bien précises: la diminution des taux d'intérêts, la relance de l'économie particulièrement, la construction de logements qui pourraient se vendre ou se louer à des prix que pourraient payer les travailleuses et les travailleurs que nous représentons, l'augmentation du crédit à la consommation pour les biens durables fabriqués au Canada, des prêts à des taux d'intérêts réduits aux agriculteurs et aux petites et moyennes entreprises. Ce programme se voulait la base d'une politique bien arrêtée de plein emploi. Je dois dire que si cette manifestation à Ottawa a remporté le succès qu'on lui connaît, nous le devons aussi à la participation active de la CSN et de la CEQ de même qu'à celle de nos compagnes et compagnons de travail venus des autres provinces et particulièrement de l'Ontario. L'emploi avant l'inflation. Malgré ce précédent historique dans l'histoire du Canada alors qu'au-delà de 100,000 travailleurs manifestaient sur la colline parlementaire, le Gouvernement fédéral a continué tout aussi aveuglément dans sa politique pour présumément combattre l'inflation. Nous avons toujours dit, et je le répète encore, nous pouvons vivre avec l'inflation, mais nous ne pouvons vivre sans emploi. Et durant cette période, le gouvernement québécois nous annonçait coupures par dessus coupures dans le secteur public et le chômage augmentait encore plus vite au Québec qu'ailleurs, de plus les négociations du secteur public et parapublic s'annonçaient pour être très dures. D'ailleurs, dans les semaines et dans les mois qui suivirent cette manifestation à Ottawa, il y a eu pas moins de dix rencontres entre les trois centrales au Québec, afin de donner suite à la manifestation du 21 novembre pour combattre le chômage éhonté que nous connaissions au Québec. La manif dans la tempête. Durant ces rencontres, nous avions décidé de faire ensemble une mini-tournée à travers les régions du Québec afin de mobiliser nos membres contre les coupures de postes qui commençaient à se faire sentir douloureusement dans le secteur public et parapublic et contre le chômage grandissant qui affligeait nos membres dans le secteur privé. Nous avions aussi convenu d'organiser une manif avec départ du Parc Lafontaine pour le 3 avril suivant. Vous vous souviendrez sans doute tous de la température peu clémente que nous avons eue ce samedi là, de la neige, du grésil, des vents, enfin, tout y passa. Et malgré cette température absolument épouvantable, 35 à 40,000 travailleuses et travailleurs se rendirent à cette manifestation. Nous en sommes ressortis trempés et pour plusieurs enrhumés, mais encore là, un geste de solidarité venait d'être posé. Sommet économique de Québec. Cette manif du 3 avril à Montréal fut suivie par le sommet économique de Québec, alors que le gouvernement mit cartes sur table, nous dévoila son déficit budgétaire, nous annonça sa ferme intention de réduire les salaires et de diminuer le nombre d'emplois dans le secteur public et parapublic. Seules les centrales syndicales, et particulièrement la FTQ, firent des suggestions pour essayer de mettre fin à ce gaspillage de la main-d'oeuvre que nous connaissions au Québec et tenter de relancer l'économie. Et c'est ainsi que la FTQ lança l'idée de créer un fonds spécial afin de pouvoir prêter sur hypothèque à des taux d'intérêts beaucoup plus bas que ceux du marché à ce moment-là afin de mettre en construction 50,000 nouveaux logements. C'est d'ailleurs l'idée qui a le plus retenu l'attention à l'occasion de ce sommet économique. Bien sûr, le premier ministre, en essayant de dégager une espèce de consensus à la fin du sommet parla de relance de l'économie, d'amendements au Code du travail, du rôle que les travailleurs devraient jouer, de la revalorisation du régime de rentes au Québec, d'une caisse de stabilisation que nous demandions depuis toujours, et de faire de Montréal un centre international de la finance. Ses vraies couleurs. Ce qui ressort aussi de ce sommet économique, c'est que le gouvernement Lévesque venait de montrer ses couleurs. Il nous annonçait sa détermination de ne pas respecter les conventions collectives qui avaient pourtant été signées de bonne foi entre le gouvernement et les syndicats qui faisaient partie du front commun du secteur public et parapublic. Et là encore, il y a eu de multiples rencontres, tout d'abord, au niveau de la FTQ, alors que lors d'un colloque sur les coupures, au-delà de 600 délégués venant du 298, du SCFP et du Local 57 démontraient leur détermination farouche de s'opposer à ces coupures. Ce fut aussi le cas à l'occasion du congrès du Conseil du Québec du SCFP, qui regroupait plusieurs centaines de délégués, d'une réunion des exécutifs du 298 avec au-delà de 500 délégués présents, et d'une réunion au niveau du local 57 et de plusieurs rencontres au niveau des trois centrales, se précisait la réponse que nous devions donner au Gouvernement. Non aux coupures. Cette réponse au gouvernement fut très claire: c'était non aux coupures et nous exigions que le gouvernement respecte la signature qu'il nous avait donnée lors de la conclusion des conventions collectives précédentes. D'autre part et pour la première fois depuis fort longtemps, les trois centrales ont rencontré le caucus des députés libéraux du Québec siégeant à Ottawa. Et durant cette période fébrile se préparait le congrès du CTC qui s'est tenu à Winnipeg du 22 au 28 mai. Il y a eu aussi durant cette période de nombreuses rencontres entre les représentants de la FTQ, du ministère des finances, du ministère du revenu, qui eux avaient bien saisi l'idée que nous avions lancée pour la construction de 50,000 logements, et qui allaient de l'avant avec ce projet. Malheureusement, en cours de route, le projet que nous avions lancé lors du sommet fut passablement changé. Des projets néfastes et rétrogrades. Ce qui en ressortit finalement fut le projet connu sous le nom de Corvée Habitation, dans lequel projet nous décidions quand même de participer. Quelques sous-ministres sont même venus nous rencontrer à Winnipeg afin de hâter le lancement de ce projet qui fut finalement annoncé lors d'une conférence de presse donnée par le gouvernement du Québec, en présence de toutes les associations représentatives, syndicales et patronales, le 8 juin. Mais en même temps, le gouvernement avait annoncé trois projets de loi, plus néfastes et rétrogrades les uns que les autres. C'était les projets de loi 68, 70 et 72, changeant de façon unilatérale les cotisations dans le régime de retraite pour les travailleuses et travailleurs du secteur public, annonçant les coupures de salaire et la récupération que le gouvernement ferait au début de l'année 1983, puisque nous l'avions forcé à respecter les conventions collectives, et le dernier qui établissait une commission sur les services essentiels. Le 11 juin était tenue une commission parlementaire sur les trois projets de loi et encore une fois, les trois centrales dénoncèrent véhémentement ces projets rétrogrades, mais rien n'y fit. Il s'avérait donc de plus en plus certain que nous nous dirigions vers un affrontement majeur avec le gouvernement. Et à cette occasion, il y a eu de très nombreuses rencontres, non seulement au niveau du front commun, mais aussi au niveau des trois centrales, où nous discutions avec la CSN d'un pacte de non-maraudage qui n'a jamais vu le jour, mais malgré cet échec, nous avons poursuivi nos discussions sur les meilleurs moyens à prendre afin de faire face à cette volonté farouche du gouvernement de procéder avec les coupures annoncées. Durant toute cette période, les autres activités continuaient quand même au sein de la FTQ. Partout, même en Angleterre. C'est ainsi qu'il y a eu le congrès du Trades Union Congress en Angleterre où j'ai eu l'honneur d'être délégué par le CTC. C'était d'ailleurs ma première visite en Angleterre; il y eut aussi le congrès de la FTQ-Construction, deux réunions du Conseil exécutif du CTC, le colloque de la FTQ sur le travail partagé, au début d'octobre, une manif organisée par l'Union de la robe pour protester contre les importations et le chômage élevé qui existait dans leur industrie. Vers la fin du mois d'octobre, les Métallos, en bloc, bien secondés par les autres syndicats ayant des membres sur la Côte Nord, organisaient à Sept-Iles une manifestation pour protester contre les mises-à-pied scandaleuses que nous avions subies dans cette région et contre la menace de fermeture d'une ville ou deux. Corvée habitation profitable malgré tout. C'est le 8 novembre 1982 que le Fonds de solidarité fut présenté pour la première fois au Conseil général, lequel se prononça en faveur du principe de l'établissement d'un Fonds de solidarité qui n'avait pas encore pris une forme définitive mais qui était un peu le résultat de la déception que nous avions connue suite au changement du programme que nous avions lancé lors du sommet économique et qui est devenu Corvée Habitation. Nous sommes heureux d'avoir participé quand même au programme de Corvée Habitation puisque d'après les rapports officiels, plusieurs milliers de logements ont été construits et ne l'auraient jamais été sans ce projet. Cette construction de milliers de logements voulait dire du travail non seulement pour les travailleuses et travailleurs des industries connexes qui fabriquent des réfrigérateurs, des cuisinières, des lave-vaisselle, des fenêtres, des portes, etc. D'après les chiffres officiels, 50,000 logements veulent dire 50,000 emplois dans l'industrie de la construction et de 1-1,5 à 2 fois plus dans les industries connexes. Pendant cette période, il y eut aussi des rencontres avec les ministres concernés au sujet de la menace de fermeture partielle ou totale de Sidbec-Dosco; une commission parlementaire fut tenue au début de novembre sur cette question là. J'ai assisté au congrès du Conseil du travail de l'Abitibi-Témiscamingue tenu à Val d'Or, des rencontres sur les amendements au Code, à l'assemblée annuelle des Métallos du Québec tenue les 26 et 27 novembre, au congrès de la fondation de l'Union nationale des poseurs de systèmes intérieurs, tenu le 27 novembre, au Conseil exécutif du CTC à Ottawa, au congrès du Syndicat canadien des travailleurs du papier au mois de décembre. La bataille du secteur public. Il y a eu une rencontre, le 17 décembre, du Local 298, du Syndicat canadien de la fonction publique, et du Local 57, pour dénoncer le projet de loi 105 établissant des décrets comme règlement dans le secteur public et parapublic et annonçant le mandat de grève que nous avions obtenu des membres du Local 298 et du SCFP. Cette rencontre fut suivie par une réunion des trois centrales où nous leur faisions part du mandat de grève qui avait été obtenu de la majorité des membres chez-nous à la FTQ. Au tout début de l'année '83, nouvelle rencontre des trois centrales. Le 10 janvier, réunion du Conseil consultatif de la FTQ où les amendements proposés au Code du Travail étaient passés en revue. Déception générale, bien sûr, puisque nous nous attendions à une révision en profondeur alors qu'on ne nous présentait que quelques amendements au Code, dont certains étaient quand même très importants. Par exemple, le renforcement des mesures anti-briseurs de grève, le gel des effectifs lors du dépôt d'une première requête en accréditation, etc. La Grande Marche. Il faut vous dire que dans les six derniers mois de l'année 1982, la CSN et la CEQ avaient lancé l'idée de la Grande Marche, qui se voulait une marche à travers plusieurs villes du Québec, pour se rendre finalement de nouveau à Ottawa. Lors de cette réunion du Conseil consultatif du 10 janvier où près de 175 permanents étaient présents, nous avons finalement réussi à établir un consensus, de peine et de misère, sur notre participation à la Grande Marche à la condition expresse que le programme soit différent. Nous ne voulions pas retourner à Ottawa, pour des raisons économiques et nous avons été mandatés pour rencontrer les autres centrales afin de leur faire part de notre participation à la Grande Marche à la condition de ce changement de programme. Pendant tout ce temps là, des rencontres avaient lieu avec le gouvernement. Je parle de rencontres parce que nous ne pouvions pas appeler cela de la négociation, et après trois ou quatre rencontres, il a bien fallu se rendre à l'évidence que même si nous avions obtenu quelques concessions mineures, il n'y avait plus grand chose d'autre à faire. Grève de la CEQ. C'est ainsi que le 27 janvier 1983, la CEQ, tel que convenu, sortit en grève, suivie de très près par le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec. A peu près en même temps, la CEQ et la CSN avaient décidé d'organiser une manifestation à Québec pour le 29 janvier et après quelques discussions, les syndicats de la FTQ impliqués dans le front commun décidaient d'y participer. Finalement, le 29 janvier, il y avait entre 45 et 50,000 travailleuses et travailleurs réunis en face de l'Assemblée nationale à Québec et lors des discours prononcés à cette occasion, le président du Syndicat des fonctionnaires et la présidente du Syndicat professionnel des infirmiers et infirmières du Québec ont assuré tout le monde de leur détermination à continuer la bataille et à supporter ceux et celles qui étaient déjà en grève. Retour au travail des infirmières. Malheureusement, dès le lendemain de la manif, le Syndicat Professionnel des infirmiers et infirmières du Québec concluait une entente avec le gouvernement et, quant au syndicat des fonctionnaires, il continuait à écouler le temps. Devant tout ce qui précède, il y a eu encore rencontres des centrales pour voir ce qui pourrait être fait dans les circonstances, non seulement pour supporter ceux et celles déjà en grève mais bien pour respecter les dates de sortie des autres travailleuses et travailleurs du secteur public et parapublic. Douche d'eau froide. La Fédération des affaires sociales de la CSN était à ce moment là en réunion au Centre des Congrès de Québec et nous dûmes attendre des heures qui nous ont semblé interminables avant de connaître la décision de cette fédération. A notre grande surprise la Fédération des affaires sociales nous annonça que ses membres ne sortiraient pas en grève aux dates prévues parce qu'elle n'avait pu obtenir un vote de grève majoritaire. Pour une douche d'eau froide, c'en était une, car au mois de novembre 1982, la Fédération des affaires sociales de la CSN avait tenté de faire passer la CEQ et la FTQ comme peureuses parce que, disait-elle, ses membres étaient prêts à sortir en grève dès ce moment-là. Comme je vous l'ai dit plus haut, le moment venu, elle ne sortait plus en grève. Une loi ignominieuse. Le gouvernement adopta le 16 février 1983 l'ignominieuse Loi 111 pour forcer les enseignants et les professionnels du gouvernement à retourner au travail. Les enseignants défièrent la Loi 111 pendant deux jours et décidèrent de mettre une fin temporaire à leur grève puisque, de toute façon, ils devaient, à partir de cette date là, prendre à tour de rôle et étendu sur 3 semaines, une semaine de congés pédagogiques tel que convenu dans leur dernière convention collective. La CEQ décida donc de surseoir temporairement à sa grève avec une intention bien arrêtée de la reprendre le 14 mars et, entre temps, d'essayer de rebâtir au sein du Front Commun une unité qui était pour le moins fragile. Appui actif aux enseignants. Le Bureau de la FTQ, lors d'une réunion spéciale qu'il tenait les 18, 19 et 20 février 1983 discuta longuement de toute cette situation, dénonça avec vigueur la Loi 111 et décida de prendre les meilleurs moyens à sa disposition pour combattre la Loi 111 et donner un support actif aux enseignants qui devaient retourner en grève à compter du 14 mars. Il fut en même temps question lors de cette réunion d'approcher nos membres dans le secteur privé pour voir jusqu'où pourrait aller le support que nous voulions donner. Soit dit en passant, lors de cette même réunion, il y a eu une présentation spéciale du Fonds de solidarité qui commençait à prendre une forme de plus en plus définitive. Donc, le 22 février, la FTQ participa à une conférence de presse avec la CEQ et la CSN pour annoncer les préparations qui se faisaient chacun chez-nous en vue du 14 mars. Un geste on ne peut plus stupide. Et puis arriva le 23 février, où nous devions prendre des décisions très importantes concernant le conflit dans le secteur public et parapublic; c'est lors de cette réunion que nous fûmes mis au courant d'une lettre de la Fédération de la Métallurgie-CSN recommandant à ses membres d'aller faire de l'organisation de façon prioritaire dans les endroits qu'elle leur indiquait, en leur fournissant une liste d'entreprises où comme par hasard, les travailleuses et travailleurs étaient déjà syndiqués. Et comme par hasard aussi, de 75 à 80 % de ces syndiqués appartenaient à la FTQ, dont la majorité au Syndicat des Métallos. Je n'ai pas besoin de vous dire que cette lettre a vraiment eu l'effet d'une bombe, l'unanimité s'est faite au sein du Bureau et nous avons immédiatement demandé une réunion des trois centrales où nous avons vertement dénoncé la CSN pour ce geste non seulement anti-syndical mais, dans les circonstances, on ne peut plus stupide. Par la même occasion, nous avons annoncé à la CEQ que nous redoublerions d'ardeur pour les aider dans leur grève, discutant même de la possibilité pour nous de les rejoindre sur les lignes de piquetage. Situation délicate. Nous savions que nous étions tous dans une situation délicate et c'est pourquoi nous n'avons pris aucune chance. Avant même de rencontrer les autres centrales, nous avions déjà convoqué une conférence de presse que nous avons donnée à nos bureaux pour expliquer la nouvelle situation et les raisons qui nous avaient amenés à prendre une telle décision. Il est bien évident que tout ceci a quelque peu décontenancé la CEQ déjà grandement désappointée, pour ne pas dire davantage par la Fédération des affaires sociales qui malgré tout son battage publicitaire, n'avait pu obtenir un mandat de grève. De toute façon, la CEQ était bien consciente qu'une fois que les enseignants avaient quitté les lignes de piquetage pour trois semaines, il serait pour le moins problématique de leur demander d'y retourner le 14 mars. Verte semonce. Entre-temps, chez-nous, nous avons décidé de convoquer une réunion extraordinaire du Conseil général et du Conseil consultatif pour leur expliquer ce qui venait de se passer dans le front commun et la verte semonce que nous avions servie à la CSN. Au-delà de 300 militantes et militants étaient présents et c'est à l'unanimité qu'ils endossèrent un télégramme que nous envoyions à la CSN pour dénoncer le geste anti-syndical qui avait été posé. Nous avons, lors de cette même réunion, reparlé de la Grande Marche, car malgré les avatars, il y avait toujours un chômage éhonté au Québec et nous nous devions de manifester notre désapprobation face aux politiques du Gouvernement fédéral et du Gouvernement du Québec. Et par la même occasion, nous avons parlé encore une fois du Fonds de solidarité et répondu à plusieurs questions venant des militantes et militants. D'autre part, j'ai participé à la Conférence économique du CTC à Ottawa les 1er et 2 mars et à la Conférence du CTC sur l'égalité des chances tenue à Québec les 7 et 8 mars alors que 500 syndiqués y participaient. Le 8 mars, il y eut une autre rencontre des trois centrales pour faire le point et c'est alors que tout le monde s'est bien rendu à l'évidence qu'il n'était vraiment pas question ni pour la CEQ de ressortir en grève le 14 mars ni pour les autres de les y rejoindre. Bonne participation FTQ. Le 9 mars, il y eut une réunion du COMCOR, c'est-à-dire, du comité de coordination des affiliés, mis sur pied par la FTQ selon une décision prise au dernier Congrès. Et le 15 mars, les trois centrales syndicales donnaient une conférence de presse pour parler de la Grande Marche qui aurait lieu tel que convenu le 28 mai, mais que cette marche se tiendrait à Montréal plutôt qu'à Ottawa. La Grande Marche eut effectivement lieu le 28 mai mais n'a pas remporté tout le succès escompté. Il faut pas trop s'en surprendre après tout ce qui venait de se passer. D'après les journalistes qui ont couvert l'événement, il n'y avait que 22 à 25,000 participants et participantes mais j'étais quand même assez heureux de la participation de la FTQ parce que, malgré toutes nos hésitations, il y avait de 12 à 15,000 travailleuses et travailleurs de la FTQ à cette manifestation. Ça bourdonne. Durant toute cette période et même après, ça continuait de bourdonner à la FTQ. Sans entrer dans les détails puisque vous en trouverez la nomenclature dans le rapport du Secrétaire général, il y a eu deux colloques: un sur l'information et l'autre sur la réduction du temps du travail. J'ai participé également à deux colloques organisés par l'Institut national de productivité. J'ai participé au congrès du Conseil provincial des TUAC tenu à Rouyn, à l'ouverture du Congrès du Conseil du travail à Montréal, au Congrès du Conseil provincial des affaires sociales du SCFP tenu à Sherbrooke, au Congrès du STEC, au Congrès mondial de la santé et de la sécurité tenu à Hull, au congrès des Métallos canadiens tenu à Québec, au congrès du Conseil provincial du SCFP tenu à Québec, au congrès International des TUAC au Palais des Congrès à Montréal, au Congrès du Local 791 des Opérateurs de machinerie lourde, au congrès du Conseil du travail du Saguenay. Réunions multiples. Durant cette période, j'ai participé à trois réunions du Conseil exécutif du CTC, à plusieurs réunions du Conseil consultatif de la FTQ et plusieurs commissions parlementaires, une sur les amendements au Code du travail, une autre sur la Loi 192 créant le Fonds de Solidarité des travailleurs du Québec, et la troisième sur l'Énergie, pendant que le Secrétaire général a participé lui aussi à deux commissions parlementaires, une sur le problème des gens à pourboire et l'autre sur la Loi 101. Je veux mentionner aussi le sommet économique sur l'Industrie du vêtement, et un autre sur les Communications, sommets auxquels la FTQ a participé à plein. Le Conseil général s'est réuni aussi, le 4 mars, les 26 et 27 avril, et les 23 et 24 août; c'est lors de cette dernière réunion que le Conseil général nomma les sept premiers administrateurs du Fonds de Solidarité des travailleurs du Québec. Arrogance grandissante des employeurs. Comme vous pouvez le constater, nous avons eu plusieurs occasions de rencontrer des membres, de rencontrer nos militants et militantes et après avoir disposé des sujets à l'ordre du jour, nous avons discuté de la situation économique, des mises-à-pied, des fermetures d'usines, des menaces de licenciements collectifs, de l'arrogance grandissante des employeurs qui de jour en jour, devenaient plus audacieux dans les demandes qu'ils font lors des négociations. Dans certains cas, ce n'était qu'un gel de salaire ou de conditions de travail, mais dans bien des cas, malheureusement, les employeurs voulaient gruger dans des droits durement acquis. Négociations difficiles. Les négociations sont extrêmement difficiles et les règlements encore pires. L'on assiste présentement à une augmentation assez drastique du nombre de lock-out et une diminution quasi aussi sensible du nombre de grèves. Nous n'avons qu'à regarder ce qui s'est passé dans le secteur de l'alimentation alors que le syndicat a été en lutte dans douze abattoirs pour le renouvellement d'une convention collective, ce qui auparavant, se faisait quasi automatiquement. Le même syndicat continue la bataille chez A & P. Regardons les employés de commerce, face à Provigo, à Steinberg, à Miracle Mart, le Syndicat des Métallos face à de nombreuses entreprises dont Noranda Mines, le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile face à Cougar qui a finalement fermé ses portes, et d'autres; je pourrais presque nommer tous les syndicats, les Machinistes, le STEC, le SCTP, l'Union des Employés de service, le SCFP etc. Partout, les négociations sont extrêmement difficiles. Et si dans bien des cas, nos syndicats réussissent quand même à s'en sortir assez bien, il faut reconnaître que, dans d'autres cas, nous ne réussissons qu'à sauver notre peau. Le sort terrible des non-syndiqués. Le sort de nos membres n'est pas rose mais si l'on pense à ce que doit être la vie des 65 % ou un peu plus de travailleuses et de travailleurs au Québec qui ne sont pas syndiqués, on peut facilement s'imaginer toute la pression qu'ils doivent subir et toutes les coupures auxquelles ils ont dû faire face. Personne n'en entend parler, ils n'ont pas de voix, mais il reste que leur sort est absolument terrible. Le mouvement syndical, tant pour les travailleuses et les travailleurs que nous représentons que pour tous les autres, ne peut pas demeurer sur la défensive. Nous devons bien reconnaître que malgré tout ce que nous avons fait et dit jusqu'à maintenant, la situation ne s'est pas tellement améliorée. Il est vrai que les taux d'intérêts ont diminué de façon drastique mais ils n'auraient jamais dû monter au niveau incroyable que nous avons connus. Il est vrai aussi que l'inflation a diminué mais ça n'aide pas beaucoup les chômeuses et les chômeurs qui n'ont pas d'argent de toute façon pour acheter quoi que ce soit. Les taux d'intérêts diminués, le prix réduit des marchandises, cela ne veut pas dire grand chose. Pour le plein emploi. Au dernier congrès de la FTQ au mois de décembre 1981, le taux de chômage était de 12 %. Au mois de décembre 1982, il était de 14,9 %. Aux mois d'octobre, novembre de cette année, il était de 12,6 % et tout le monde sait fort bien que ce sont des chiffres officiels. Ces chiffres ne tiennent compte que du nombre de travailleuses et de travailleurs en chômage qui se cherchent un emploi et qui sont enregistrés. Mais il y en a combien d'autres qui, désespérés de ne jamais trouver un emploi, ont tout simplement décidé de ne plus rechercher l'impossible. Misère abominable. Mais en dehors de ces chiffres officieux ou officiels, que de misère abominable, que de crimes sont commis parce que nos gouvernements, tant celui d'Ottawa que celui de Québec, n'ont pas le courage de donner le coup de barre qui s'imposerait dans les circonstances. D'autres pays, bien moins riches que le Québec, ont réussi à garder le taux des sans emplois à un niveau acceptable tant sur le plan humain que sur le plan social. Pourquoi pas nous au Québec, un pays très riche, qui pourrait le faire s'il s'en donnait la peine? Ce n'est donc pas par hasard que la FTQ a choisi comme thème de ce congrès «Faire le plein... d'emplois». Le mouvement syndical et la FTQ en particulier se préoccupent depuis toujours de la situation de l'emploi. D'ailleurs la vaste majorité de nos revendications du passé en fait foi. Nous avons toujours exigé de nos gouvernements qu'ils se donnent une politique de main-d'oeuvre, une politique d'emploi, de formation professionnelle afin de permettre à nos jeunes, de plus en plus désespérés, de pouvoir entrer sur le marché du travail et de décrocher un emploi dont ils ont besoin. Un certain courage politique. Mais pour un gouvernement, se doter vraiment d'une politique de plein emploi prend un certain courage politique. Et c'est à nous de la FTQ qu'il appartient de donner la poussée qu'il faut à notre gouvernement, celui dont nous sommes le plus près, le gouvernement du Québec, pour qu'il adopte une politique de plein emploi Il y a bien eu tout récemment une annonce faite par le premier ministre qui, timidement, lançait l'idée que le gouvernement se dirigeait vers une politique de plein emploi. Nous devons, chez-nous, avoir la détermination de l'aider s'il veut vraiment doter le Québec d'une politique de plein emploi et de lui pousser dans le dos s'il hésite encore. Un engagement non-équivoque. Dans tous les pays où une politique de plein emploi a été instaurée, il y a eu un engagement non-équivoque du mouvement syndical. Il ne peut en être autrement au Québec. Il est évident que la pluralité syndicale que nous rencontrons rend cet engagement un peu plus délicat mais je crois fermement qu'à la FTQ, nous n'avons pas le droit d'hésiter. Nous devons plonger. Une politique de plein emploi, ça veut dire un engagement de la FTQ pour des rencontres avec le patronat, avec le Gouvernement et avec les autres groupes, afin de mettre sur pied une base solide qui assurerait à tous les citoyens et citoyennes du Québec qui sont aptes à travailler et qui veulent travailler la possibilité de se trouver en emploi permanent ou peut-être un emploi à temps partiel quand ils le désirent. Mais un emploi qui a de l'allure et non pas une «jobine» comme celles offertes par nos deux niveaux de gouvernement depuis quelques années. Cet engagement, il faut le comprendre, se veut sans équivoque. Nous réclamons depuis toujours une loi contre les fermetures et les licenciements collectifs, nous réclamons depuis toujours une caisse de stabilisation des emplois pour aider les travailleuses et travailleurs déplacés à se recycler, à se réadapter, et dans certains cas, à déménager d'endroit afin de trouver un autre emploi qui leur convient mieux. Du chemin à faire. Le chômage au Québec n'est ni conjoncturel, ni accidentel et, à l'exception des trois années qui ont précédé Expo '67, le taux de chômage au Québec depuis 25 ans se maintient aux alentours de 6 %. Mais apparemment, selon les experts, ce n'est rien à côté de ce qui nous attend. Plusieurs économistes et le Conference Board of Canada prédisent qu'au Québec, la situation de l'emploi va s'améliorer plus rapidement qu'ailleurs. Tant mieux si c'est vrai, parce que nous partons de très loin. Avec un taux d'au-delà de 12 % encore actuellement, nous avons beaucoup de chemin à faire. Mais quand on considère l'avènement de la haute technologie, de la bureaucratique, de la robotique et de l'informatique, nous savons dans nos tripes que bien que cette haute technologie créera sans aucun doute un certain nombre d'emplois, le nombre de travailleurs déplacés dépassera de beaucoup les emplois qu'elle créera. Deux millions de travailleurs affectés. En fait, il y a des experts canadiens qui prédisent que d'ici les six ou sept prochaines années, quelque deux millions de travailleuses et de travailleurs au Canada seront affectés par l'avènement massif de la micro-technologie. Deux millions d'emplois affectés au Canada veut dire combien au Québec? 400,000, 500,000? ajoutés à ce que nous connaissons déjà, c'est absolument inacceptable. C'est d'ailleurs toutes ces considérations qui nous ont amenés à ce congrès en proposant aux délégués autre chose que des solutions incomplètes sur des jambes de bois. Nos revendications passées étaient légitimes et elles auraient certainement aidé dans une situation normale. Mais nous ne sommes justement pas dans une situation normale. N'ayons pas peur du mot concertation. Nous devons foncer, tête baissée, dans ces rencontres et ces discussions et, n'ayons pas peur du mot, dans cette concertation, afin d'essayer de sauver la génération des jeunes actuellement en très grand danger et les dizaines de milliers de femmes qui ont besoin d'un emploi et qui, dans les circonstances, ne peuvent en trouver. Toutes les autres politiques que nous avons justement mises de l'avant au cours des années: chance égale pour les femmes, les travailleurs handicapés, l'action positive, un emploi rémunérateur qui permet aux travailleuses et aux travailleurs de pouvoir s'épanouir. Toutes ces revendications sont toutes excellentes mais demeurent dans les circonstances actuelles insuffisantes. Nous nous devons donc de nous donner une politique de plein emploi. Nous avons d'ailleurs à ce congrès un document qui va permettre aux délégués de mieux comprendre ce que nous voulons dire par une politique de plein emploi. Des délégués vont sursauter. Je prévois qu'il y a des délégués qui vont sursauter et déclarer: «voici la concertation, le tripartisme». La FTQ est une centrale syndicale qui s'est toujours tenue debout dans les moments difficiles, qui a toujours combattu au côté et avec ses affiliés chaque fois qu'une lutte devait être menée. Et on continuera à le faire. Mais les solutions que nous avons envisagées en temps normal ne sont plus suffisantes dans l'état actuel de la situation. Le Fonds de solidarité nécessaire. J'ai eu l'occasion au cours de toutes ces années comme Président de la FTQ, de rencontrer des milliers de travailleuses et de travailleurs qui, à l'occasion de mises-à-pied et de fermetures, se sentaient complètement désespérés. A l'occasion des quelques voyages, que j'ai faits au nom de la FTQ, j'ai eu l'occasion d'aller voir un peu ce qui se passait en Suède, le Secrétaire général pour sa part est allé en Autriche et en Allemagne, et quand on considère que dans ces pays là, pas plus riches que le Québec, ils ont réussi à se sortir de la crise, avec des taux de chômage de 4 % et moins, on a pas le droit de demeurer silencieux. Peut-on rester insensible. Et ici, je m'adresse particulièrement à ceux et celles qui ont un emploi, et qui ne sont pas menacés dans leur emploi, et je vous demande: est-ce que vous avez déjà rencontré des jeunes, des femmes, des travailleurs handicapés, qui voudraient travailler, qui ont absolument besoin d'un emploi, et qui ne réussissent pas à s'en trouver? Est-ce que vous pouvez demeurer insensibles quand vous voyez des jeunes de 18 ans se suicider parce qu'ils sont désespérés? Est-ce que nous pouvons demeurer insensibles quand nous voyons des travailleurs et des travailleuses comme ceux et celles que j'ai connu aux entreprises Désourdy à Saint-Jean? Cette entreprise florissante de maisons usinées, qui a déjà employé jusqu'à 1,000 travailleuses et travailleurs et qui, à cause d'une malchance, s'est vue acculer à la faillite par les banques, ces bonnes banques qui ne prêtent que l'argent qu'elles sont absolument sûres de récupérer lorsqu'elles forcent une entreprise à la faillite. J'ai vu ces travailleuses et ces travailleurs qui étaient prêts à investir 10 % de leur salaire, j'ai accompagné les officiers de la section locale alors que nous rencontrions financiers et investisseurs. A un certain moment, nous étions rendus tellement loin dans nos discussions qu'il n'aurait manqué qu'un million et demi pour garder cette entreprise ouverte, et j'en suis convaincu, si nous avions eu à ce moment là le Fonds de Solidarité, ces travailleurs et ces travailleuses seraient représentés ici à ce Congrès pour parler de ce qui s'est fait. Des expériences difficiles. Nous avons vécu à la FTQ plusieurs de ces expériences par exemple, la Métallurgie Frontenac à Thetford, les entreprises Pylonex à Québec qui ont été obligées de fermer tout dernièrement, parce qu'elles n'ont pu obtenir une marge de crédit alors que ses affaires étaient florissantes et que les travailleuses et travailleurs propriétaires de leur usine se sentaient tout confiants devant un gros contrat qui leur assurait du travail pour une couple d'années à venir. Malheureusement, ils n'ont pas pu trouver la marge de crédit nécessaire. Mais nous avons aussi connu des expériences plus difficiles. J'ai vu des travailleurs, membres des Travailleurs amalgamés du vêtement et du textile, décider d'aller emprunter à une Caisse populaire pour essayer de préserver leur emploi et de garder leur entreprise ouverte. Malheureusement, mal préparés pour ce genre de chose, ces travailleurs n'ont peut-être pas pris toutes les précautions voulues et l'entreprise a quand même fait faillite et ils se sont retrouvés avec un endettement, en plus d'avoir perdu leur emploi. Le confrère Fernand Daoust et moi avons eu à négocier avec le Mouvement Desjardins pour la remise de dettes. Heureusement que ce n'était pas une banque ordinaire et que nous avons pu quand même nous entendre assez bien, mais ces travailleurs là ont été forcés de rembourser. «Ce que nous avons ramassé ne vaut plus rien». Quand je suis allé à Sept-Iles il y a un peu plus d'un an, lors d'une manif qui avait été organisée par le Syndicat des Métallos et par les autres syndicats qui ont des membres sur la Côte Nord, j'ai rencontré des militants et des militantes que je connais depuis des années et qui me disaient: «cher Ti-Louis, on ne sait plus trop si on pourra se revoir. Nos emplois sont menacés, il est même possible que la ville ferme, et que tout ce que nous avions réussi à ramasser ne vaille plus rien.» Je ne sais pas combien de délégués ont vécu ce genre d'expérience. Il y en a certainement beaucoup parmi vous qui ont de leur connaissances, des membres de vos familles, qui se sont retrouvés dans des situations aussi désespérées. N'êtes-vous pas tannés de ne pouvoir leur offrir qu'un peu de sympathie? En ce qui me concerne, je crois que nous n'avons pas le droit de nous limiter à leur montrer que nous sommes sympathiques. Nous nous devons de faire plus que cela. Et c'est là qu'a germé l'idée du Fonds de solidarité. Diluer les risques. Nous voyons que de plus en plus de nos travailleuses et nos travailleurs dans les entreprises où nous les représentons sont prêts à investir de leur propre argent dans leur propre usine, avec tous les risques que cela comporte, alors qu'en mettant sur pied un fonds comme le Fonds de solidarité, on peut diluer le risque en investissant dans plusieurs entreprises où nous allons préserver les emplois de nos membres, et en préservant d'abord les emplois de nos membres dans ces entreprises, nous allons en même temps maintenir les emplois de nos membres dans les services et dans le secteur public et parapublic, parce que plus il y aura de travailleuses et de travailleurs à l'ouvrage, plus il y aura d'impôts de payer, plus il y aura de services adéquats fournis à la population. C'est ça le Fonds de solidarité Ça fait juste partie des outils que la FTQ veut se donner pour mieux représenter les travailleuses et les travailleurs et pour en représenter encore beaucoup plus qu'actuellement. Le Fonds de solidarité fait couler beaucoup d'encre. Je suis certain qu'il y en a plusieurs parmi vous qui se posent de sérieuses questions et c'est normal. C'est quelque chose de nouveau, c'est quelque chose d'absolument inédit. L'expérience suédoise. Je lisais tout dernièrement un article nous venant de la Suède, où là-bas, avec un gouvernement social-démocrate qui a tenu les guides du pays pendant des années, et avec deux centrales syndicales qui représentent tout près de 90 % des travailleuses et des travailleurs, on discute depuis déjà 21 ans de l'établissement de fonds collectifs, évidemment sur une base différente de ce que nous voulons faire ici. Les centrales demandent une législation qui irait prendre une certaine partie du profit des employeurs pour le mettre dans ces fonds collectifs qui seraient investis pendant cinq ans et ensuite retournés à la Caisse de retraite. Avec un gouvernement social-démocrate, ils peuvent peut-être aspirer à ce genre de chose, et tant mieux. Mais il reste que ça fait 21 ans qu'ils en discutent. Et évidemment, personne n'est vraiment pressé là-bas puisque le taux de chômage se situe aux alentours de 3 %. C'est très différent chez nous. Nous n'avons pas encore un gouvernement social-démocrate, bien qu'il y ait certains ministres qui prétendent l'être. Nous n'avons pas un taux de chômage de 3 ou 4 % qui nous permet d'être patients. Nous avons un taux effarant de 12, 13 et 14 % si on sort des chiffres officiels, nous avons des tragédies sociales et humaines à tous les jours. Encore, au moment où je travaillais à ce discours inaugural, nous avons vu dans les journaux un jeune homme de 35 ans qui se cherchait un emploi depuis quatre ans et qui, en désespoir de cause, a pris un patron en otage pour essayer d'obtenir un emploi. Nous plongeons. On ne peut pas demeurer insensibles devant cette misère inutile, alors que, j'en suis convaincu, par notre décision de plonger, nous allons en charrier bien d'autres qui devront plonger à leur tour afin de sauver ceux qui actuellement, deviennent de plus en plus désespérés. Nous avons adopté, lors du congrès de 1979, notre projet pour une société plus juste, plus équitable. Nous avons adopté, lors du congrès de 1981, des projets pour donner aux travailleurs le droit de se syndiquer et nous avons même formulé que la meilleure façon de leur permettre vraiment de se syndicaliser était par le truchement de l'accréditation multipatronale. Nous revendiquons, depuis nombre d'années, une loi contre les licenciements collectifs et les fermetures, l'établissement d'une caisse de stabilisation, nous ne cessons de répéter que l'état doit être le moteur de l'économie, que nous devons avoir un meilleur contrôle sur les entreprises, que les épargnes des québécoises et des québécois doivent être canalisés pour les faire servir au développement économique. Tout ceci forme un beau programme que nous n'avons pas encore réalisé. Le temps passe. De plus en plus de travailleuses et de travailleurs se voient dans une situation désespérée, ayant perdu emploi, voiture et maison. Je crois très sincèrement qu'il est temps de passer à autre chose. Un engagement total et complet. C'est évidemment une décision extrêmement importante que vous, les délégués, aurez à prendre. Comme je vous le disais tantôt, c'est un engagement total et complet. Nous devons foncer ou continuer à revendiquer, à adopter de belles résolutions, sans trop de lendemain. Il y a, j'en suis convaincu à ce congrès, comme on en retrouve dans toute assemblée délibérante, deux sortes d'intervenants. D'une part il y a les faiseux de discours et ceux et celles qui adoptent les résolutions. D'autre part il y a ceux et celles qui font des discours et qui adoptent des résolutions mais qui veulent de l'action. J'ai choisi d'être du groupe qui, en plus de faire des discours et des interventions, en plus de voter des résolutions, veut de l'action. Bien secondé dans cette décision que j'ai prise par le Secrétaire général, Fernand Daoust, par tous les membres du Bureau qui ont endossé le thème du congrès et le Fonds de solidarité, et appuyé aussi de façon vastement majoritaire par le Conseil général, je vous invite à passer à l'action. Nous devons nous servir de nos bras pour façonner le monde de demain et pour voter les décisions que nous avons à prendre durant ce congrès. Servons-nous de nos têtes, de nos coeurs et de nos tripes pour diriger l'action de nos bras.