*{ Discours néo-libéral FTQ, 1985 } Prendre notre place. Contrairement au dernier congrès, à l'ouverture de celui-ci, nous pouvons parler de la situation économique avec quelqu'espoir. En effet, même s'il n'y a pas de "reprise" à proprement parler, on remarque tout de même que la crise est moins aiguë qu'elle ne l'était en 1983. La vie économique ne sera cependant plus jamais ce qu'elle était. Les changements technologiques et une certaine réorganisation de l'économie nous placent dans des situations nouvelles qui posent des nouveaux défis au mouvement syndical. Dans certains milieux, on annonce tout bonnement notre déclin ou on rêve à notre disparition. Plus que jamais, aujourd'hui, il est nécessaire d'affirmer notre présence sur tous les fronts, de prendre notre place. Plus qu'un slogan de congrès ou qu'une fanfaronnade, cette expression doit traduire notre volonté de rester à l'avant-scène, notre refus d'être déclassé dans les bouleversements auxquels nous confronte l'économie. Nous retournons, semble-t-il, dans une économie sauvage marquée par une compétition dure. Nous devons réaffirmer, en tant que mouvement, que nous n'acceptons pas de retourner à la loi de la jungle, dont les plus petits et les plus démunis de la société font toujours les frais. Plus spécifiquement, "prendre notre place" ça veut dire que sans nous opposer aux mutations technologiques, nous exigeons que leur introduction se fasse en tenant compte du sort des travailleurs et travailleuses. Nous voulons négocier ces changements. Ça veut dire aussi que nous refusons un ordre social qui gaspille les générations entières de jeunes et que nous voulons travailler à leur faire une place sur le marché du travail. Comme nous voulons aussi que les progrès encore insuffisants réalisés par les femmes soient accélérés. Nous voulons aussi être au coeur des actions menées pour la francisation des entreprises. N'en déplaise aux nostalgiques qui voudraient nous ramener à l'époque où chaque individu devait se défendre seul contre les abus et les injustices patronales, nous sommes là pour y rester. Nous continuerons à combattre les inégalités et les discriminations sous toutes leurs formes. Une vigueur nouvelle. Au début, je parlais de la crise qui semble se résorber. Ce n'est pas encore le Pérou, mais on nous annonce des projets qui semblent le signe d'une vigueur nouvelle: reprise des travaux à Manic, la venue de Hyundai et, possiblement de Toyota, une papeterie dans le Bas Saint-Laurent, la réouverture du moulin d'ITT-Rayonier à Port Cartier, etc. Dans le secteur de la construction, les effets de la crise ont été amoindris par Corvée Habitation qui, en trois ans, a contribué à la construction de 57,000 logements. L'opération 20,000 logements de la Ville de Montréal, le programme de rénovation lancé par le Gouvernement, l'agrandissement de plusieurs usines, particulièrement dans l'industrie des pâtes et papier, des nouvelles entreprises comme Péchiney, Bell Hélicoptère, la construction de grands édifices, tout cela a contribué à créer une situation de quasi plein emploi dans l'industrie de la construction. On a même recommencé à émettre de nouveaux permis de travail à l'Office de la construction au cours de l'été et d'une partie de l'automne (certains métiers se voient même encore accorder des cartes à l'heure où je vous parle). Ceci ne s'était pas produit depuis longtemps. Par ailleurs, les taux d'intérêt, maintenus volontairement élevés par le Gouvernement Trudeau d'alors, ont considérablement diminué. Il en va de même pour le rythme de l'inflation. Ceci démontre encore une fois que le maintien de taux d'intérêt usuraires est loin d'être la meilleure façon de combattre l'inflation. Une saignée épouvantable. Nous avons tout de même continué d'être victimes d'une saignée épouvantable dans les secteurs primaire et secondaire, et même dans les services publics. Malheureusement, les nouveaux projets sont très loin d'avoir réussi à combler les immenses vides laissés par les réductions de personnel, les fermetures d'usines et de mines, etc. Et ce qui doit nous inquiéter, c'est que les nouveaux emplois qui apparaissent sont souvent moins permanents, morcelés, soumis à une organisation du travail qui les dévalue et laisse ceux et celles qui les occupent dans un état d'insécurité. Dans un tel contexte, la syndicalisation de beaucoup de nouveaux milieux de travail est impossible ou très difficile. Les employeurs, gâtés par les taux de chômage excessifs que nous avons connus et qui se maintiennent, savent qu'ils peuvent compter sur une main-d'oeuvre peu exigeante tant sur le plan salarial qu'au niveau des conditions de travail. Nous ne devons donc pas nous laisser leurrer par la vigueur économique nouvelle. Nous aurons à développer de nouveaux rapports de force dans ce nouveau contexte. Les employeurs qui se gargarisent. La longue période de chômage a en effet permis la naissance d'un nouveau type d'employeurs. De plus en plus de porte-parole patronaux et de politiciens proches des milieux d'affaires se gargarisent d un nouveau vocabulaire. Ils veulent se débarrasser des "rigidités" qui leur seraient imposées par les législations à caractère social et par les syndicats. Ils veulent maintenant plus de "flexibilité". Ils entendent par là une plus grande mobilité de la main-d'oeuvre sur le plan des occupations. Combien d'entre vous n'ont-ils pas fait face à des demandes patronales sur la "polyvalence des tâches"? Les patrons rêvent aussi à une main-d'oeuvre plus mobile, acceptant de changer de région sur demande. Cette main-d'oeuvre devrait être "élastique" aussi: c'est-à-dire, accepter de faire du temps supplémentaire excessif lorsque nécessaire ou se contenter de travail temporaire, de courte durée ou occasionnel, en d'autres temps. Elle devrait aussi quitter discrètement le marché du travail sur demande. Cette nouvelle catégorie d'employeurs qui affectionnent les grands mots, il proposent aux travailleurs de s'intégrer dans des cercles de qualité, de s'adonner à la "participation dans l'entreprise." On met aussi sur pied des comités d'aide aux employés destinés à régler des problèmes personnels tels l'alcoolisme, la toxicomanie, des problèmes psychologiques ou des situations d'endettement. L'objectif de tous ces programmes, comme ceux qu'on regroupe sous le nom de "qualité de vie au travail", c'est évidemment d'individualiser les rapports patrons-employés et, à la limite, de les éloigner de leur syndicat, voire même de les convaincre de son inutilité. Les nouveaux enjeux syndicaux. Ce contexte nouveau provoque des enjeux syndicaux nouveaux. Nous ne pouvons pas nous mettre la tête dans le sable. Il va nous falloir faire face à la transformation du marché de l'emploi et au déferlement de nouvelles stratégies patronales. Il va nous falloir développer un nouveau rapport de force, élaborer de nouvelles stratégies, ne pas hésiter à explorer des champs nouveaux d'intervention. Je vous invite à consulter le document de travail et de réflexion intitulé: "Prendre notre place dans le nouveau contexte économique et social", préparé par France Laurendeau et Mona-Josée Gagnon, du Service de recherche de la FTQ. Je veux vous citer un exemple d'initiative syndicale vouée à un grand succès: la Fondation de soutien à l'emploi, mise sur pied par la section locale 501 des TUAC pour venir en aide aux travailleurs dans leur recherche d'emploi à la suite de mises à pied. Le programme syndical comporte de la recherche systématique d'emploi, de la formation et du recyclage, un service de dépannage, une information sur les moyens, outils et services existants pour faciliter leur intégration au travail. La FTQ, dans le cadre du projet Relais, avait formé une équipe de "conseillers sociaux qui ont oeuvré au plus fort de la crise dans toutes les régions du Québec, afin de favoriser l'exercice plein et entier des droits sociaux des travailleurs et travailleuses jetés en dehors du marché du travail. Je m'en voudrais aussi de ne pas mentionner le travail formidable déjà accompli par notre comité sur l'alcoolisme et la toxicomanie. En très peu de temps, ce comité a soulevé un intérêt généralisé chez nos affiliés, qui en reconnaissent unanimement la nécessité. Le Fonds de solidarité. C'est pour faire face au nouveau contexte économique et social qu'à la FTQ, nous avons créé le Fonds de solidarité. Nous sommes très heureux que le Fonds soit maintenant réellement en marche. Ce fut plus long que nous ne l'avions prévu, mais aujourd'hui, avec des actifs de plus de 20 millions $, sans compter le prêt de 10 millions $ du Gouvernement du Québec, avec des entrées de plus de 120,000 $ par mois et de nouvelles adhésions par centaines, nous pouvons dire que le Fonds est lancé. Son apport à l'économie québécoise est encore bien humble, mais nous avons déjà investi quelques millions de dollars pour préserver et créer quelque 1,500 emplois. Nous avons réussi à réouvrir l'usine "Truscon", fermée depuis deux ans. Nous sommes sur le point d'en réouvrir deux autres, une à St-Jérôme et l'autre à Québec. Mais le plus important, je crois, est le prestige déjà atteint par le Fonds et le respect qu'il se mérite de plus en plus dans tous les milieux, et particulièrement dans le nôtre. En effet, de plus en plus de syndicats et de permanents font appel au Fonds pour obtenir des renseignements et des conseils. L'expertise, le sérieux et le savoir-faire de nos gens du Fonds ne peuvent qu'encourager tous les autres à le faire. Les interventions du Fonds peuvent aller au-delà du simple investissement; son apport est considérable et bien que nous n'ayons encore qu'une équipe relativement petite, son dévouement et son acharnement à la tâche lui permet d'accomplir énormément. Notre équipe est présente partout et rencontre tous ceux et celles qui en ont besoin. Elle se rend disponible et utile à un tas de gens. Aucun investissement n'est fait sans que le Fonds n'ait rencontré le syndicat en place, ainsi que les travailleuses et travailleurs concernés. En accord avec sa mission, l'équipe du Fonds se fait un devoir de véhiculer largement de précieuses notions économiques lors de ces rencontres. Je suis vraiment très heureux de la besogne accomplie par le Fonds jusqu'à ce jour, mais je demeure convaincu que c'est peu, comparé à ce que ce nouvel outil syndical sera en mesure de faire demain. Les déductions à la source augmentent continuellement, ce qui amène au Fonds de l'argent nouveau chaque mois. Ça ne peut que continuer d'augmenter, puisque les responsables locaux continuent de recueillir de nouvelles adhésions et puisque nous avons une dizaine de conventions collectives déjà signées, contenant une clause par laquelle l'employeur s'engage à verser au Fonds un montant égal à celui souscrit par ses employés, jusqu'à concurrence de 300 $ par année. Nous savons d'ores et déjà que plusieurs groupes importants sont en train de négocier des clauses similaires. Le Fonds s'avère un outil aussi remarquable que nous l'avions imaginé. Avec l'enthousiasme de notre équipe composée de Claude Blanchet, Denis Dionne, Normand Caron, Louis Fournier, tous les employés de bureau, de même que tous ceux et celles qui ont été libérés par leur syndicat pour travailler durant la campagne de recrutement du Fonds, et la collaboration des membres du Conseil d'administration, les Fernand Daoust, Claude Morrisseau, Claude Ducharme, Edmond Gallant, Clément Godbout, Fernand Boudreau, Aimé Gohier qui a remplacé le confrère Boudreau tout dernièrement, Lise Fortin et Jean-Guy Frenette, de même que les trois membres venant de l'extérieur, Nicole Forget, Raymond Bachand et Gaétan Couture, je suis convaincu que le Fonds ira beaucoup plus loin. Et ce, sans mettre en péril, comme le croyaient certains, ni notre militantisme, ni notre solidarité, mais en fournissant au contraire de nouvelles occasions de les exercer. Merci à tous pour les énergies qu'ils consacrent à l'avancement du Fonds. Permettez-moi de dire un sincère merci à Fernand Daoust qui, bien que déjà débordé comme Secrétaire général de la FTQ, n'a pas hésité une seconde à plonger dans cette nouvelle aventure et à accepter de devenir le Secrétaire du Fonds. Permettez-moi également de vous souligner que Fernand Daoust est Secrétaire général de la FTQ depuis 16 ans. Félicitations! Une autre source de satisfaction: le COMCOR. Le Comité de coordination des affiliés, que nous appelons communément le "COMCOR", a été mis sur pied il y a maintenant trois ans, après de longues discussions et plusieurs hésitations de la part de nos affiliés. Il a déjà fait un boulot remarquable et a su se gagner le respect et le support enthousiaste de tous les syndicats participants. A tel point que, lors de la dernière réunion régulière du comité, ils ont décidé à l'unanimité de poursuivre l'expérience du COMCOR indéfiniment, plutôt que d'en reconduire le mandat d'année en année comme c'était le cas jusque-là. En plus, le COMCOR faisant ses frais, grâce à la formule d'imputation des dépenses adoptée dès le début, il a également été décidé d'augmenter l'équipe du COMCOR en y ajoutant deux personnes. Bravo à l'équipe du COMCOR: Normand Fraser, Serge Albert et Réal Roberge. Notre participation. Nous avons, au cours de ces deux dernières années, participé à plusieurs commissions parlementaires, audiences de toutes sortes, tant régionales que nationales, conférences économiques et sectorielles, colloques sur l'accès à l'égalité en emploi pour les femmes, sur les changements technologiques, etc. Au cours de cette même période, nous avons participé à de nombreuses luttes et je suis heureux de pouvoir vous dire que nos interventions, dans certains cas, ont facilité ou permis le règlement de certaines grèves. Malheureusement, nous n'avons pas eu le même succès dans la grève des Caisses Populaires, où malgré les efforts de Fernand Daoust et les miens, il n'y a toujours pas de règlement. La Fédération des Caisses populaires de Montréal et de l'ouest du Québec, se cachant derrière la sacro-sainte autonomie des Caisses, a quand même établi une politique salariale respectée par les Caisses, et est même allée jusqu'à empêcher de le faire, deux Caisses populaires qui étaient disposées à régler. Je ne sais vraiment pas comment nous allons nous en sortir mais il est bien évident que l'attitude des Caisses et de la Fédération n'a pour but que de freiner la syndicalisation des employés des autres Caisses. Je tiens à souligner le travail d'André Leclerc et de Normand Guimond qui ont été mêlés à toutes ces luttes. Vous trouverez le détail de toutes ces interventions et représentations dans le rapport du Secrétaire général. Je m'en voudrais de ne pas mentionner, de façon particulière, nos préparatifs et nos représentations faites à la Commission Beaudry (Commission consultative sur le travail) aussi bien au niveau national que régional, grâce à l'appui de nos Conseils de travail et des permanents de la FTQ en régions. Je les en remercie sincèrement. Une urgence: Renforcer le droit d 'association Mais, tout ce temps et toutes ces énergies consacrés à cette Commission ne doivent pas être sans lendemain. Vous réalisez tous l'importance que nous accordons à la révision du Code du travail, particulièrement en ce qui a trait au droit d'association. Nous sommes évidemment intéressés à la révision de toutes les Lois du travail, mais ce qui se passe actuellement au service d'accréditation de même qu'au Tribunal du travail nous a poussés à demander la révision prioritaire du Code du travail. En effet, les décisions disparates prises par certains commissaires et les jugements contradictoires de certains juges du Tribunal du travail ne nous laissent pas le choix: nous devons absolument changer ce système qui, loin de promouvoir le droit d'association, en est devenu le pire empêchement. C'est sur cette question primordiale qu'a porté le gros de nos représentations et arguments devant la Commission Beaudry, insistant même pour obtenir un rapport préliminaire sur les amendements au Code. Et c'est pourquoi les deux prolongations de mandat accordées à la Commission nous ont si vivement inquiétés. Clément Godbout a bien exprimé notre opinion en dénonçant le deuxième délai accordé à la Commission. D'ailleurs, même si le rapport est déposé depuis déjà deux semaines, personne sauf le Gouvernement, ne l'a eu. Je peux comprendre que le Gouvernement hésite à le rendre public durant la campagne électorale, mais il devrait au moins prendre l'engagement solennel de le rendre public dès le lendemain des élections. Nous le sommons de prendre cet engagement, tout comme nous le demandons au PLQ. Le projet de Loi 42 adopté grâce à nous. Rarement avons-nous vu, à la FTQ, un projet de loi mobiliser autant de personnes, de ressources et d'énergies que ce projet de loi sur la réparation des lésions professionnelles, en commençant par la préparation de notre mémoire, de son adoption par le comité élargi de santé et de sécurité et sa présentation à la Commission parlementaire en février 1984. Le Gouvernement déposait par la suite un nouveau projet de Loi contenant de très nombreux amendements. Trente-deux des trente-six amendements majeurs que nous demandions dans notre mémoire ont été retenus. Une nouvelle série de rencontres débuta avec les membres du Bureau de la FTQ, de notre Service de santé et de sécurité et de notre comité élargi en santé-sécurité. Pendant ce temps se tenaient à Québec de nombreuses séances de la Commission permanente du travail de l'Assemblée nationale, qui passait le projet de Loi 42 article par article. Bien que nous n'ayons pas un droit de parole officiel lors de ces travaux, nous sommes demeurés en communication constante par téléphone et lors de rencontres avec les responsables du projet de Loi 42, particulièrement avec le ministre du Travail, afin d'obtenir de nouveaux amendements clarifiant et renforçant certaines clauses. Le confrère Jean-Marie Gonthier, qui était sur place et qui suivait les débats de très près, nous a tenus bien au courant de l'état des travaux. Vous vous souviendrez sans doute qu'au printemps dernier, il y avait une coalition regroupant la CEQ, la CSN, FATA, ATAQ, au Bas de l'échelle, etc, s'opposant farouchement, de façon démagogique à l'adoption de la Loi 42, tout comme le Conseil du patronat du Québec et de la Chambre de commerce. En fait, il semblait n'y avoir que la FTQ qui, tout en préconisant d'autres amendements, demandait l'adoption de ce projet de Loi avant la fin de la session. Nous craignions à juste titre qu'il n'y ait pas d'autres sessions avant le déclenchement des élections générales. Ce qui s'est passé depuis nous a donné entièrement raison. Mais, devant l'opposition farouche de tous ces groupes, nous nous sommes demandés à un certain moment si nous avions raison de continuer à supporter un projet de loi aussi contesté. Nous avons alors décidé de tenir une réunion spéciale du Bureau de la FTQ et de notre Service de santé-sécurité. Se sont joints à nous, André Forest, Roger Genest de notre Service d'éducation, et Gérard Proulx, le président du comité santé-sécurité FTQ, ainsi que Lionel Bernier et Denis Giasson de la CSST, qui agissaient comme conseillers du ministre du Travail sur ce projet de Loi. Durant toute la journée du 9 mars, nous avons discuté des principales clauses du projet de Loi 42. A la fin de cet exercice, le Bureau réitérait à l'unanimité son appui au projet de Loi et nous mandatait pour réclamer d'autres amendements. Cette position du Bureau fut entérinée le vendredi suivant par le comité élargi de santé-sécurité. Point n'est besoin de vous dire que cet appui unanime renouvelé nous encourageait et nous incitait à multiplier nos efforts pour obtenir d'autres amendements. Nous avons d'ailleurs réussi à en obtenir encore quelques-uns. Nous devions continuer à pousser sur le Gouvernement pour qu'il adopte le projet de Loi sur la réparation des lésions professionnelles avant la fin de la session. Nous connaissons tous la suite. Après des débats fort houleux, la Loi 42 a finalement été adoptée le 28 mai dernier, grâce à la détermination du ministre du Travail, Raynald Fréchette, et il faut bien le dire, grâce aussi à l'appui indéfectible de la FTQ. Nous sommes convaincus que, sans l'opposition acharnée des groupes que j'ai déjà nommés, nous aurions pu encore bonifier cette Loi 42. Toute imparfaite qu'elle soit, cette Loi accorde aux travailleurs et aux travailleuses du Québec une bien meilleure protection que toutes autres Lois semblables en Amérique du Nord. La bousculade pendant l'été. Comme la Loi entrait en vigueur le 19 août suivant, ce fut la bousculade à la FTQ durant tout l'été, y compris la période des vacances. Nous avons travaillé d'arrache-pied afin de réviser cette nouvelle Loi et d'en extraire les points les plus importants, afin de pouvoir diffuser cette information à tous nos affiliés et de préparer les cours pour les militants et militantes qui devaient siéger sur les bureaux de révision (paritaires) créés par cette Loi. Il tallait également choisir des candidats et des candidates aptes à recevoir ces cours et à siéger sur ces bureaux, rencontrer le comité élargi de santé-sécurité pour lui présenter le document que nous avions prépare. Ce document fut ensuite présenté à quelque 225 à 230 permanents de nos syndicats affiliés réunis les 6 et 7 août derniers et nous avons donné une première série de cours à nos "réviseurs". Tant et si bien que lorsque les premiers cas sont arrivés en révision, nous étions prêts. Nous l'étions grâce au zèle et à la collaboration magnifiques de tout notre monde concerné par la santé et la sécurité du travail. Il n'est pas facile normalement de tenir des réunions durant l'été mais, dans ce cas-ci, c'est sans aucun problème que nous avons réussi à tenir toutes ces réunions. Je tiens à remercier bien sincèrement tous les membres du Bureau que nous avons dû réunir à plusieurs reprises durant cette période, notre Service desanté-sécurité, les Robert Bouchard, Jean-Marie Gonthier, Guy Perreault et André Forest qui était avec le Service à ce moment-là, Roger Genest de notre Service d'éducation et Gérard Proulx du Syndicat des Métallos, le président du comité de santé-sécurité, ainsi que nos conseillers juridiques Gaston Nadeau et Laurent Roy pour leur travail acharné. Grâce à eux, nous étions prêts à temps. Ce que nous avons vécu ensemble l'été dernier devrait prouver à tous et à toutes que le militantisme est toujours bien vivant chez-nous. Nos " réviseurs " dans 60% des cas. Les "réviseurs" FTQ siégeront dans 60% des cas qui iront en révision. Bien que ceci soit rigoureusement proportionnel aux membres que nous représentons, ce n'est qu'après plusieurs rencontres et de longues discussions avec la CSD et la CSN que nous avons réussi à faire reconnaître notre représentativité. Car, contrairement à ce que nous aurions pu croire, la CSD, et surtout la CSN (qui s'était acharnée contre la Loi 42 en général et contre les bureaux de révision paritaires en particulier), tenaient mordicus à y être représentées. Notre représentativité mal reconnue. Je dois vous dire que nous devons constamment nous battre pour faire reconnaître cette représentativité, que ce soit au niveau des douze associations sectorielles paritaires déjà existantes dans le domaine de la santé, où nous avons une nette majorité dans huit de ces associations sectorielles, que ce soit à la Table nationale de l'emploi ou aux Tables régionales, que ce soit lors de sommets, conférences, etc, et même dans les médias d'information. Vous vous souviendrez peut-être de cette grosse manchette parue dans La Presse du 27 juillet dernier qui clamait que le syndicalisme était à la baisse partout, au Québec comme ailleurs, et même à la FTQ. Je veux profiter de cette occasion pour corriger cette déclaration. En effet, bien que nos syndicats aient perdu des milliers de membres au cours de la crise, (on en compte une quinzaine de mille, rien que chez les Métallos - sans compter tous les autres), nous n'avons jamais eu, à la FTQ, une diminution de notre membership. En fait, il y a quelques mois, la FTQ atteignait un nouveau sommet en ce qui a trait au nombre de ses cotisants. Et quand nous parlons de cotisants à la FTQ, nous nous basons sur une période de douze mois. Dans la construction, par exemple, ça prend un peu plus de deux membres pour en faire un cotisant à la FTQ, puisque la FTQ-Construction paie un per capita basé sur les heures travaillées. Pour revenir à l'article mentionné plus haut, il était basé sur un rapport préparé par le Département de la recherche du ministère du Travail et il nous attribuait 282,000 membres. J'ai demandé au Président du CCTM, monsieur Raymond Parent, de bien vouloir vérifier ce rapport. Il l'a fait avec empressement. Voici le résultat de sa vérification: le rapport ne portait que sur les conventions collectives déposées au ministère du Travail et ne comprenait ni la construction ni tous nos syndicats ayant des membres sous juridiction fédérale. En reprenant le nombre de membres cité dans ce rapport, soit 282,000, ce qui est exact, et en y ajoutant 47,000 membres que nous avons dans la construction et une centaine de mille sous juridiction fédérale, répartis dans une bonne vingtaine de nos syndicats, ça nous donne un total de 427,000 membres. Voilà le membership de la FTQ. Vent de folie: privatisation, déréglementation. Ceci étant dit, il n'en reste pas moins que nous avons perdu des milliers de bons emplois bien rémunérés dans les secteurs primaire et secondaire, surtout mais aussi dans les services publics, tant au niveau municipal que provincial et fédéral. Je le répète, bien que de nombreux nouveaux emplois soient créés, ce ne sont trop souvent que des emplois précaires, mal rémunérés et aucunement valorisants. Avec le vent de folie qui souffle et pousse tous nos Gouvernements vers la privatisation et la déréglementation, nous avons du pain sur la planche. Nous savons ce que ça veut dire la déréglementation et la privatisation: ca se traduit par des pertes d'emplois syndiqués, bien rémunérés, et leur remplacement par des emplois précaires, non syndiqués et généralement mal rémunérés. Le battage publicitaire, savamment orchestré par tous les groupes "pseudo-progressistes" (Chambre de commerce, Conseil du patronat du Québec, etc), a réussi à convaincre une bonne partie de la population que déréglementation et privatisation sont synonymes de réductions d'impôt et d'amélioration des services. Pourtant, il est évident qu'on ne peut espérer recevoir de l'entreprise privée la même qualité de services à meilleur marché à moins que ça se fasse sur le dos des travailleurs et des travailleuses, rémunérés tout près du salaire minimum, quand ce n'est pas en-dessous. Car il faut bien que l'entreprise y trouve son profit et, pour pouvoir arriver à un coût plus bas, elle le fait sur le dos des gagne-petit. Nous savons que c'est exactement ce qui se passe. Ce n'est malheureusement pas le genre de preuve qui attire, en dehors de nos rangs, ni énormément d'attention ni beaucoup de sympathie. Ce qu'il nous faut faire, alors, c'est de convaincre l'opinion publique que la déréglementation et la privatisation ne leur rapportera aucun bénéfice, bien au contraire. Nous avons réussi à le faire par le truchement de la Coalition contre la déréglementation du téléphone. Cette coalition, que nous avons constituée à la demande du STCC, a réuni des groupes d'âge d'or, des associations de consommateurs, d'handicapés, de bénévoles, des autres centrales syndicales, l'Union des producteurs agricoles, etc. La Coalition s'est opposée à la demande du CN-CP au CRTC, qui voulait concurrencer Bell Canada dans les services interurbains. Nous avons réussi à convaincre le CRTC, de même qu'une bonne partie de l'opinion publique, que cette nouvelle concurrence dans les appels interurbains serait bénéfique pour les grosses compagnies qui font la vaste majorité des appels interurbains, mais qu'elle serait une catastrophe pour une bonne majorité des citoyens. Bell Canada avait démontré qu'une réduction dans les profits énormes qu'elle fait dans ce secteur ne pourrait que se traduire par une augmentation dramatique des taux pour les services de base chez les individus. Nous avons démontré que les coûts d'une ligne pour les citoyens ordinaires, aussi bien les coûts d'installation, de location et d'entretien, deviendraient prohibitifs car ils tripleraient, et même plus dans certains cas. Le téléphone est devenu, pour de larges couches de la population, un service essentiel. Pensons aux personnes âgées, aux handicapés, aux gens vivant dans les milieux ruraux, etc, pour qui le téléphone est leur seul lien de communication rapide avec les autres. Que serait-il arrivé à ces gens-là s'il avait fallu que le CRTC se rende à la demande du CN-CP? Nous n'avons pas plongé dans cette bataille pour protéger les profits de Bell Canada, comme certains semblaient le croire au tout début, mais bien pour protéger tous ces gens pour qui le téléphone est une nécessité absolue. C'est bien gentil l'interurbain, mais pas toujours essentiel. Si je veux communiquer avec un parent ou un ami qui demeure loin d'ici, je peux toujours lui écrire, si je trouve que l'interurbain coûte trop cher; mais les personnes âgées, les handicapés, le gens des milieux ruraux, tous ces gens-là doivent pouvoir compter sur leur téléphone, en cas de besoin urgent, pour communiquer rapidement avec les autres. Bien souvent, ca peut même être une question de vie ou de mort. Nous sommes très heureux d'avoir obtenu une décision favorable du CRTC dans ce cas-ci, mais nous savons pertinemment que le fait d'avoir gagné cette bataille ne veut pas dire que la guerre soit gagnée, loin de là, et nous devrons demeurer très vigilants dans l'avenir. Cupidité et stupidité. Nous savons également que nous ne pourrons pas toujours compter sur des arguments aussi percutants pour imposer nos vues, mais nous devrons quand même essayer, car il y va de l'intérêt de nos membres en particulier, et des Québécois et Québécoises en général. Il y a quand même de l'espoir. En effet, la cupidité de certains et la stupidité des autres nous permettront toujours de trouver les moyens de faire valoir nos arguments. Comme illustration de ce que je viens de dire, rappelons-nous la récente affaire du thon avarié. La cupidité de la compagnie l'a poussée à faire les démarches nécessaires pour écouler son thon avarié; la stupidité d'un ministre l'a poussé à aller à l'encontre des avis des inspecteurs qui avaient découvert ce danger et à permettre la vente de cette denrée impropre à la consommation. Nous devons saluer le courage de ces inspecteurs, membres de l'Alliance de la fonction publique, et les remercier d'avoir fait leur boulot, en dépit des pressions énormes exercées sur eux. On peut facilement s'imaginer ce qui arriverait s'il fallait que ce service d'inspection soit privatisé! En plus d'avoir à souffrir de la cupidité des compagnies tentant d'écouler des denrées impropres à la consommation, nous aurions à subir la cupidité d'une autre compagnie pour laquelle travailleraient les inspecteurs. Ce serait proprement scandaleux. Pourtant nous avons encore beaucoup à faire avant de convaincre la population de réagir. Coupures d'effectifs, coupures de services. Déjà, nous subissons les effets des coupures démesurées effectuées par le Gouvernement fédéral dans le service de l'inspection, comme l'a dénoncé à maintes reprises notre affiliée, l'AFPC. Avec ces diminutions des effectifs, nous savons qu'il y a moins d'inspections, avec comme résultat que des tonnes de viande avariée, refusées aux États-Unis, ont été librement distribuées au Canada. Je pourrais vous fournir bien d'autres exemples, comme les coupures aux Postes, les réductions des effectifs aux douanes, ouvrant plus grande la porte aux importateurs de drogues, etc. Mais je me limiterai à un autre, soit la question de privatiser certains services dans les prisons. Alors qu'actuellement, même avec toutes les mesures de sécurité en force, on n'arrive même pas à contrôler parfaitement l'entrée de drogues dans les pénitenciers. A quoi pourrions-nous nous attendre s'il fallait qu'on privatise certains services dans les lieux de détention? Mais ce vent de folie n'est pas limité à Ottawa; il souffle aussi sur le Québec. Notons, par exemple, la privatisation du réseau de distribution de la Société des alcools du Québec, la teneur des discours de certains candidats libéraux, parlant de privatisation de Sociétés d'État, comme SOQUEM, SOQUIP, etc. Monsieur Bourassa a lui-même parlé de privatiser certains services dans le secteur des Affaires sociales. Les municipalités parlent à qui-mieux-mieux de privatisation de certains services et de la réduction de plusieurs autres, ce qui nous a déjà coûté, à Montréal seulement, quelques milliers d'emplois, et nous pourrions prolonger cette liste. Combattre le chômage pour défendre les jeunes et les femmes. La privatisation et la déréglementation sont des enjeux fort importants et nous ne les négligerons pas, mais nous devons penser aux jeunes qui deviennent de plus en plus désespérés de pouvoir un jour faire leur entrée sur le marché du travail, aux femmes qui ont besoin d'un emploi stable et bien rémunéré, afin de leur permettre de faire face à leurs responsabilités sociales et familiales. Elles sont de plus en plus nombreuses dans cette catégorie. Lors des derniers congrès, nous avons adopté plusieurs programmes sur l'accès à l'égalité pour les femmes, pour faciliter l'entrée des jeunes sur le marché du travail, sur l'implantation des changements technologiques, afin qu'ils se fassent sans créer de victimes. Tous ces programmes ont été rédigés avec soin et débattus longuement avant leur adoption, mais il faut bien reconnaître que tant et aussi longtemps que nous aurons un taux de chômage aussi élevé que celui que nous connaissons présentement, il y a de grosses chances pour que nos programmes demeurent de beaux projets et que leur implantation en soit d'autant plus retardée. En ce qui a trait à notre programme d'accès à l'égalité, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de réticence quand il s'agit d'embauche, mais c'est une toute autre histoire quand il s'agit de demander à quelqu'un de laisser sa place à une autre personne. Donc, il nous faut absolument réduire le chômage pour pouvoir implanter nos programmes et la meilleure façon d'y travailler est sûrement par le truchement d'une politique de plein emploi. Nous devons donc, lors de ce Congrès, prendre l'engagement de pousser sur le prochain gouvernement quel qu'il soit, pour qu'il adopte une politique de plein emploi. La Table nationale de l'emploi. Une politique de plein emploi veut dire pour nous que les politiques fiscales, les programmes d'aide aux citoyens et citoyennes, comme aux entreprises, les politiques de revenus garantis, l'exportation et l'importation, doivent être centrés sur une politique de plein emploi. Ça comprend également la réduction du temps de travail, la revalorisation des régimes de retraite, la révision du salaire minimum, la formation professionnelle, y compris les stages en entreprise, la négociation de l'implantation des changements technologiques, l'abolition du temps supplémentaire, une loi sur les fermetures et les licenciements collectifs, etc, Le prochain Gouvernement devra nous démontrer sa détermination de se donner une telle politique, car c'est la condition primordiale de notre participation continue à la Table nationale de l'emploi, par exemple. Cette table a été créée très tardivement par le Gouvernement du Parti Québécois, qui s'est d'ailleurs engagé à la maintenir après les élections. Nous n'avons pas encore entendu le PLQ se prononcer sur cette question. La Table nationale de l'emploi en est une de concertation et nous sommes prêts à y faire notre contribution loyale et sincère. Mais le prochain Gouvernement devra réaliser que la contribution de la FTQ sera plus utile et efficace lorsqu'il aura fait du Code du travail un véritable instrument de promotion du droit à la syndicalisation des travailleuses et des travailleurs du Québec et du droit à la négociation. Il devra en même temps nous démontrer qu'il ne nous demande pas notre collaboration alors que, du même souffle, il nie le droit à la négociation et à la grève des quelque 400,000 travailleuses et travailleurs du secteur public. Lutter farouchement contre la Loi 37. Nous sommes évidemment disposés à taire les efforts nécessaires pour en arriver à une entente négociée avec le Gouvernement, mais je ne vois vraiment pas comment on pourra y arriver sous l'égide de la Loi 37. Nous devrons décider à ce congrès de la FTQ de continuer à lutter farouchement, aux côtés de nos affiliés directement concernés par la Loi 37, afin de reconquérir, pour les travailleuses et les travailleurs des secteurs public et parapublic, leur droit à la négociation et à la grève. Nous devrons également obtenir du nouveau Gouvernement: une politique de plein emploi, comprenant la réduction du temps de travail, la revalorisation du régime de retraite, l'abolition du temps supplémentaire, une loi contre les fermetures et les licenciements collectifs, l'implantation sans victime des changements technologiques, des amendements au Code du travail, afin d'en faire un outil de promotion du droit d'association et de négociation. Nous devons prendre notre place dans la lutte indispensable qui doit être menée afin de bâtir une société plus juste, plus humaine pour les jeunes, pour les femmes, pour les handicapés, pour les minorités visibles et pour tous les autres. N'attendons pas que quelqu'un vienne nous la donner cette place: nous devrons la prendre nous-même et la seule façon d'y arriver, c'est de se serrer les coudes. Ca ne sera probablement pas facile, mais nous en avons vu d'autres et c'est toujours grâce à notre unité et à notre solidarité que nous nous en sommes sortis. Ce sera encore pareil cette fois-ci.