*{ Discours néo-libéral FTQ, 1989 } Parler d'événements marquants, c'est quelquefois parler de choses qui ont été difficiles à vivre. Et il y en a une qui l'a été particulièrement depuis le dernier congrès: le décès tragique de nos quatre confrères de la FTQ-Construction: Guy Perreault, Claude Proteau, Jean-Claude Sureau et Gaëtan Boucher. Je dirais que je n'ai jamais été autant bouleversé, comme la majorité d'entre vous sans doute, ce matin du 23 février, en apprenant leur départ tout aussi soudain qu'imprévisible. Ils avaient tellement donné d'eux-mêmes pendant tant d'années et, ce qu'il y a d'encore plus triste, c'est qu'ils étaient prêts à continuer à nous faire bénéficier de leur expérience et de leur désir de servir. Je ne pouvais commencer ce congrès où nous aurions aimé les avoir avec nous, sans leur rendre cet hommage particulier et remercier toutes celles et tous ceux qui ont bien voulu partager notre chagrin. Vingt-cinq années de consolidation. vous vous doutiez bien que je ne saurais m'empêcher de parler de mes vingt-cinq années à la présidence de la FTQ. Rassurez-vous, je ne vais pas radoter. Je pense cependant qu'il est important de faire un survol de ce qui a été accompli à la FTQ depuis un quart de siècle parce que ça nous permet de réaliser le chemin que nous avons parcouru ensemble. Aussi parce que les plus jeunes d'entre vous, en âge ou en expérience syndicale, verrez comment votre centrale, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, a grandi, a progressé, a été de tous les débats qui ont secoué la société québécoise et est devenue la plus importante et la plus représentative des centrales syndicales québécoises. Ce survol permettra aussi de constater que notre plus grande réalisation, à nous tous et à nous toutes, a été de raffermir les liens qui nous unissent, de créer cette solidarité FTQ que plusieurs envient. Souvent dans le passé des oiseaux de malheur ont prédit, il y en a qui l'ont souhaité, des déchirements, des divisions ou des éclatements. Mais nous sommes plus présents et plus solidaires que jamais et c'est notre passé de luttes et de défense constante des intérêts des membres que nous représentons qui nous a mené là où nous sommes aujourd'hui. C'est cette faculté d'adaptation, c'est cette capacité d'obtenir les consensus nécessaires, c'est ce souci de rester collé à vos réalités de tous les jours, de vous écouter quand vous nous disiez que nous allions trop vite ou pas assez loin, ce sont toutes ces choses qui ont fait de nous la grande famille que nous sommes. Hydro-Québec: une première réussite de travail en commun. En 1964, la FTQ tenait son premier congrès extraordinaire et menaçait de faire la grève générale pour obtenir une réforme du Code du travail, réforme qui est venue quelques mois plus tard. A peu près en même temps commençait un campagne de syndicalisation à Hydro-Québec. La situation de départ n'était pas facile puisque à part du Syndicat canadien de la fonction publique qui avait des membres à l'Hydro-Québec, quatre autres affiliés de la FTQ avaient des membres dans les compagnies privées indépendantes. Mais nous avons alors réussi ce premier véritable tour de force qui a été de convaincre tout le monde qu'il fallait absolument n'avoir qu'un seul syndicat FTQ sur le bulletin de vote pour avoir une chance réelle de gagner cette bataille contre la CSN, qui représentait déjà quelques centaines de membres à la Shawinigan Water & Power. Ce fut une campagne mémorable à laquelle ont participé plusieurs permanents prêtés au SCFP par des syndicats FTQ, et la victoire fut éclatante! Il s'agissait là d'un véritable tournant pour la FTQ. Une poussée de syndicalisation. Peu d'entre vous savent que la FTQ ne représentait que 114 000 membres au début des années '60. Si aujourd'hui nous pouvons être fiers de parler de nos 450 000 membres, c'est en grande partie grâce aux nombreuses campagnes de syndicalisation couronnées de succès des années '60. Bien sûr, il y a eu Hydro-Québec mais il y a aussi eu les travailleurs et les travailleuses de GM à Boisbriand, de la United aircraft, de Kenworth, de Steinberg (entrepôts), et les gains réalisés dans le secteur de la construction et dans le secteur public lui-même. La FTQ, avec le CTC à l'époque, a été étroitement mêlée à toutes ces campagnes. En 1965, les facteurs et les postiers du Québec, et particulièrement ceux de Montréal, ont eu à lutter farouchement contre le ministère des Postes pour renouveler leur convention collective et ce, sans l'appui de leurs dirigeants canadiens. Ils ont même dû faire la grève, qui était illégale, puisque le droit de grève n'existait pas dans la Fonction publique fédérale. La FTQ a plongé dans ce conflit sans hésitation et a soutenu ses membres, tout le temps qu'a duré le conflit, avec la participation remarquable du confrère Maurice Hébert. Le militantisme des facteurs et des postiers leur a donné une brillante victoire et a pavé la voie qui a amené le droit de grève dans le secteur public fédéral. La FTQ participe à la construction d'un État moderne. Peu d'entre vous savent ou se souviennent qu'en 1969, il y a eu un front commun au Québec, avec les autres centrales syndicales québécoises et avec les autres forces vives du Québec, afin de forcer le gouvernement à mettre en place l'assurance-maladie. Nous avons réussi. Déjà, la FTQ réclamait un système d'éducation gratuit et nous avons donné notre appui aux principales recommandations du rapport Parent. Le soutien de la FTQ à l'ensemble des mesures mises de l'avant afin de doter le Québec des outils minimum dont il avait besoin pour assurer son développement a été constant: la Caisse de dépôt, la Société générale de financement, SOQEM, SOQIP, etc. Ces leviers ont permis de sortir le Québec de la grande noirceur et ont aussi permis de faire émerger certains de nos hommes d'affaires actuels, ceux-là mêmes qui aujourd'hui prônent le désengagement de l'État. Une présence plus québécoise. Des plus vieux vous diront qu'une partie de la direction de la FTQ était proche de l'Union nationale à l'époque. L'idée de l'auto-détermination, et encore plus celle de l'indépendance, n'étaient pas très populaires. Mais la FTQ n'était pas isolée des grands courants de la société québécoise à l'époque, pas plus qu'elle ne l'est aujourd'hui. Nous avons donc été sur la ligne de front lors des premières batailles sur la langue, entre autres à l'occasion des célèbres bill 63 et 22. Nous n'avons pas non plus hésité à nous joindre aux nombreux groupes progressistes qui ont dénoncé et combattu la loi des mesures de guerre en octobre 1970. Dans les deux cas, ces prises de position ont soulevé des vagues dans nos rangs: il y en a qui ont menacé de se désaffilier. Il a fallu faire des tournées, rencontrer les affiliés afin d'expliquer aux membres pourquoi nous ne pouvions rester silencieux. En se parlant, on s'est compris et on a refait notre unité. Ce ne fut pas facile, et un des grands responsables de notre réussite a été le Secrétaire général Fernand Daoust, qui s'est débattu comme un diable dans l'eau bénite sur ces questions. De La Presse au Front commun. Je garderai toujours un souvenir assez spécial du long et difficile conflit au journal La Presse. Après presque un an de grève, nous avions organisé une manifestation qui regroupait plus de 30 000 personnes et la police nous a foncé dedans, matraques en mains et en action. Cette attaque brutale, nous l'avons reçue comme un premier affront des pouvoirs en place, comme une sorte de mépris, un refus de considérer le mouvement syndical comme un interlocuteur valable et crédible. Je dois vous dire avec fierté que malgré tout ça, nous avons gagné cette grève, la première gagnée depuis longtemps contre un grand quotidien. André Leclerc, qui a été coordonnateur de la grève, pourrait vous en dire beaucoup plus. Les choses n'allaient pas s'améliorer dans les deux années suivantes puisqu'avec la négociation du premier Front commun des secteurs public et parapublic, le mépris s'est poursuivi. Des coups de matraque on est passé aux injonctions, aux lois spéciales, aux accusations devant les tribunaux et aux emprisonnements. A Ottawa, du pareil au même. Tout ça n'était pas pour nous ramener à de meilleurs sentiments. Du côté fédéral, les Trudeau, Marchand et Pelletier ne cessaient eux de mépriser tout le Québec. Ce n'est pas parce qu'on ne s'entendait pas avec Robert Bourassa qu'on trouvait drôle que le premier ministre du Québec se fasse traiter de «mangeur de hot dogs». Trudeau et son gouvernement ont aussi attaqué les travailleurs et les travailleuses avec la loi C-73, qui devait contrôler les prix et les salaires, mais qui, en fait se limitait surtout à contrôler les salaires. Cette loi a été adoptée alors que le mouvement syndical menait une bataille rangée pour obtenir l'indexation des salaires afin de se protéger contre une inflation galopante. Le contrôle des salaires a provoqué une mobilisation générale au Québec et au Canada. Au congrès de la FTQ en 1973, le principe de la grève générale était adopté et c'est avec ce mandat que nous nous présentions au congrès du CTC à Vancouver en mai 1974. Moins d'un an plus tard, des centaines de milliers de travailleurs et de travailleuses participaient à une grève générale de 24 heures, la première en autant que je me souvienne. En 1974, Vancouver a été plus qu'une belle ville. Déjà au début des années '60, les syndicats québécois reconnaissaient que leur Fédération jouait un rôle radicalement différent de celui que jouaient les autres fédérations provinciales: on accordait à la FTQ une certaine autorité morale et on acceptait de plus en plus l'idée que le CTC au Québec, c'était la FTQ. Lorsqu'à la fin des années '60, la FTQ échouait dans sa tentative de se faire reconnaître un statut particulier à l'intérieur du CTC, nous savions que ce n'était que partie remise. Au congrès de Vancouver en 1974, nous avions des revendications précises: la juridiction sur l'éducation, la responsabilité des Conseils du travail, et les argents dépensés au Québec par le CTC pour ce faire. C'est une FTQ unanime qui s'est présentée au Congrès du CTC et qui a gagné cette importante bataille pour la reconnaissance réelle du Québec dans les structures syndicales canadiennes accompagnée de moyens financiers qui nous permettaient d'assumer pleinement cette responsabilité. C'est au lendemain de ce congrès que la FTQ a développé son programme de régionalisation et que le service d'éducation a véritablement pris son essor pour devenir ce qu'il est aujourd'hui: un exemple de collaboration entre tous les syndicats à nul autre pareil au Canada. La Commission Cliche: une attaque sauvage contre le syndicalisme. La Commission Cliche a été une période noire pour nous. Tous les opposants du syndicalisme en ont profité pour se livrer à une véritable campagne de salissage contre nos syndicats de la construction et contre la FTQ. Profitant de la présence de quelques éléments indésirables qui avaient infiltré certains de nos syndicats, on a «saboté» le syndicalisme même, en enlevant aux travailleurs des pouvoirs qui leur étaient absolument essentiels. Malheureusement, encore aujourd'hui, les travailleurs et travailleuses de la construction n'ont pas réussi à reconquérir tout ce qui a été perdu il y a plus de dix ans. Cette période a été fort difficile à vivre à la FTQ parce que la confiance de plusieurs fut ébranlée par certains gestes déplorables posés par quelques uns et surtout par le charriage delà Commission Cliche et le battage publicitaire qui en découla, tant et si bien que pour une courte période, notre solidarité a connu des failles. La FTQ se donne des pouvoirs spéciaux. Le brassage des années '70 se passait aussi à l'intérieur de certains de nos syndicats, ce qui nous a conduit à modifier nos statuts, au congrès de 1975, afin de pouvoir recevoir dans nos rangs des groupes qui quittaient leur syndicat trop autoritaire ou trop ignorant des aspirations et des réalités québécoises. Et ces pouvoirs nous les avons utilisés, tout comme nous avons aussi utilisé nos pouvoirs d'enquête lorsqu'il est apparu évident que certains syndicats ne se conformaient pas aux normes morales et d'efficacité de la FTQ. Aujourd'hui nous ne nous en portons que mieux. Les syndicats qui ont accepté de changer sont encore avec nous, vivants et démocratiques. Les autres n'existent pratiquement plus... Ce ne sont pas les seules interventions que nous avons faites. Nous avons aussi souvent été impliqués dans certaines luttes de canadianisation. Ce n'est pas que nous favorisions une rupture avec les syndicats internationaux et la création de syndicats canadiens à tout prix. Mais nous avions la conviction qu'il fallait que soit reconnue la spécificité et l'autonomie des structures canadiennes et le contrôle de membres sur leurs dirigeants et dirigeantes. Aujourd'hui, nous croyons encore à cet objectif. Tout le mouvement syndical a profité de la grève à la United Aircraft. La grève de 20 mois des travailleurs de la United Aircraft a sans doute été celle dans laquelle la FTQ a le plus investi au cours des 25 dernières années. Malheureusement elle aura fait de nombreuses victimes puisque plusieurs travailleurs y ont tout perdu. Ce géant multinational a utilisé tous ses pouvoirs, et ils étaient nombreux, pour tenter d'écraser le syndicat mais sans succès. Aujourd'hui nous devons en grande partie aux travailleurs de la United Aircraft la loi anti-briseurs de grève et la retenue à la source pour les membres couverts par l'accréditation syndicale. En votre nom, je leur dis sincèrement merci. La FTQ chef de file en santé et sécurité au travail. Le premier colloque québécois qui traitait de santé et de sécurité du travail a été organisé par la FTQ: c'était le 25 janvier 1975. Que de chemin nous avons parcouru dans les années qui ont suivi pour enfin obtenir, en 1979, la réforme tellement souhaitée avec l'adoption de la loi 17. Pendant ces années nous avons multiplié nos interventions, soutenu toutes les luttes qui se menaient en santé-sécurité, comme celle des Métallos à la Union Carbide de Beauharnois, et organisé plusieurs autres colloques pour préciser nos revendications. Il y a 25 ans, plusieurs centaines de militants et de militantes s'occupaient surtout de réparation. Aujourd'hui, nous pouvons parler de plusieurs milliers qui s'occupent encore de réparation mais également de prévention. Il y a de quoi être fier. Je reviendrai plus loin sur le bilan actuel de ce dossier. L'euphorie et les espoirs de 1976. Jamais nous n'avons eu peur de nous mouiller. En 1976, rompant avec sa tradition de neutralité politique au niveau provincial, la FTQ recommandait l'appui au Parti Québécois et renouvelait cet appui en 1981. Il est bon de se rappeler que nous sommes la seule organisation syndicale québécoise qui a eu le courage de se prononcer et de recommander à ses membres une option claire. Nous n'avons pas hésité non plus à prendre position lors du débat référendaire de 1980. La période 1976-81 a été marquée par d'importantes législations que la FTQ a appuyées: la Loi 101, bien sûr, la création de la Régie de l'assurance automobile, la loi 17 et la réforme du Code du travail dont il a été question précédemment, la loi sur la protection du territoire agricole, pour ne mentionner que les plus significatives. D'autres percées importantes de syndicalisation. Tout le monde le dit: le syndicalisme indépendant prend des proportions inquiétantes au Québec. Mais il est bon de se rappeler que nous avons nous aussi fait des percées. Au milieu des années '70, le Syndicat des travailleurs en communication du Canada (STCC) réussissait à déloger des syndicats indépendants vieux de plusieurs années chez Bell Canada, chez les techniciens d'abord, puis chez les téléphonistes. Encore une fois, la FTQ a été de la lutte, lors de la syndicalisation et surtout lors de l'importante grève des téléphonistes au début des années '80. A peu près en même temps, les chauffeurs d'autobus de la STCUM, quittaient leur syndicat indépendant pour joindre les rangs du SCFP. Je pense que nous pouvons affirmer avec fierté que notre centrale n'a pas contribué à grossir les rangs du syndicalisme indépendant, bien au contraire. Au cours des dix dernières années, nous avons continué à faire des percées importantes dans de nouveaux secteurs, des secteurs qui étaient caractérisés par des conditions de travail difficiles, des salaires de famine et l'insécurité totale. S'il y a un secteur où l'on retrouvait ces problèmes, c'est bien celui de l'entretien ménager. Aujourd'hui, il est majoritairement syndiqué et régi par un décret, ce qui donne à ces travailleurs et travailleuses, majoritairement des immigrants, des conditions décentes. Nous avons réussi le même tour de force chez les agents de sécurité, une catégorie de travailleurs et de travailleuses plus âgés qu'on exploitait dans leurs dernières années de travail. Je dis bravo à l'Union des employés de service et au Syndicat des métallos. Nous subissons encore les contrecoups de la crise économique. Huit années se sont déjà écoulées depuis la pire récession que les pays industrialisés aient connue en cinquante ans. Il est encore trop tôt pour évaluer l'ampleur de ses conséquences. Je ne pense pas qu'il soit exagéré de dire que nous en subissons encore les contrecoups et les effets. Plusieurs de nos syndicats ont perdu des dizaines de milliers de membres à cause des fermetures et des licenciements massifs et les drames humains ne se comptent plus. Et quand les travailleurs et les travailleuses ne perdaient pas leur emploi, on les forçait à accepter des coupures et des concessions, ou on les leur imposait, comme ce fût les cas dans les secteurs public et parapublic. Je dis que nous en subissons encore les effets parce que c'est à partir de cette période qu'a commencé à souffler le vent de conservatisme. Les politiques de privatisation et de déréglementation ont vu le jour avec la crise. Elle a aussi donné un regain de vie à un ensemble de nouvelles stratégies patronales avec lesquelles nous devons composer depuis quelques années, sans compter l'accélération des changements technologiques. Les gouvernements élus depuis la crise, tant à Ottawa qu'à Québec, ont été d'ardents défenseurs et promoteurs de ces nouvelles politiques économiques de laisser faire. Notre lutte contre les effets de la crise est loin d'être terminée. Il faut en être conscients et conscientes. La FTQ ne reste pas les bras croisés. Face à ces bouleversements économiques qui faisaient des milliers de victimes, à la FTQ nous cherchions des solutions concrètes pour minimiser les dégâts. C'est ainsi qu'est né le projet Corvée Habitation. Pendant les trois ans qu'a duré le projet, plus de 45 000 emplois ont été créés dans le secteur de la construction, et à peu près le double dans les entreprises connexes, empêchant ainsi des centaines de travailleurs et de travailleuses de se retrouver en chômage ou sur le bien-être social. La recherche de solutions nous a aussi amenés à la création du Fonds de solidarité. On se souviendra que pour empêcher la fermeture de leur entreprise en difficulté financière, des groupes de travailleurs et de travailleuses allaient jusqu'à emprunter de l'argent. Quand l'entreprise fermait ses portes quelques mois plus tard, ils et elles se retrouvaient sans emploi et endettés en plus. C'était une réalité tout à fait inacceptable qu'il fallait changer. Et la réponse est venue un peu comme l'oeuf de Colomb: pourquoi ne pas créer un Fonds collectif dans lequel tout le monde mettrait de l'argent qui pourrait ensuite être investi dans des entreprises en difficulté ou voulant se développer. Cinq ans plus tard, nous pouvons nous enorgueillir d'avoir participé à créer ou à préserver quelque 15 000 emplois. Nous pouvons nous en féliciter, mais nous ne pouvons pas dire mission accomplie! Il en reste beaucoup à faire. A venir dans le deuxième tome de l'histoire de la FTQ. Il y en a sûrement parmi vous qui se demandent: «Est-ce qu'il va oublier mon dossier ou ma grève?» Vous comprendrez qu'un survol ne peut traiter de tout. Je suis conscient que je n'ai pas parlé de la lutte pour le français à la General Motors, de la grève des commis «CR» du fédéral, ou de celle des Métallos de la Côte Nord, ou encore de la bataille de nos amis à l'usine de pièces de Renault à St-Bruno, etc, etc. Je laisse à mon ami Émile Boudreau la lourde tâche de ne rien oublier. Pour ceux et celles qui ne le sauraient pas, Émile Boudreau travaille actuellement à l'écriture du deuxième tome de l'histoire de la FTQ. Je lui souhaite bonne chance et je l'encourage à continuer. Le premier tome est tellement intéressant que nous avons tous hâte de lire le deuxième. Bonne chance Émile! Nous avons réussi presque partout. Souvent on dit que les plus jeunes dans nos syndicats prennent la convention collective en vigueur comme du «cash», qu'ils et elles ne connaissent pas et ne reconnaissent pas les luttes qui ont été menées par les anciens, les sacrifices consentis, les emplois perdus dans certains cas. C'est un peu la même chose pour la FTQ. Ce bilan sommaire nous permet en effet de constater que la place qu'occupe aujourd'hui la FTQ sur la scène québécoise, ce n'est pas le fruit du hasard. Nous l'avons gagnée, tous et toutes ensemble au fil des années, avec notre militantisme, avec nos coeurs, avec notre courage et notre volonté de créer une société meilleure et plus juste. Une fin de décennie difficile. Parler des deux dernières années est plus ardu que de parler des vingt-trois autres. Sans recul, tout semble prioritaire: les deux élections, à Ottawa et à Québec, le libre-échange, la négociation dans le secteur public, la réforme de l'assurance-chômage, la TPS, la vente de Steinberg, la lutte pour le maintien des décrets, la question de l'avortement, les colloques de la FTQ, le dossier de la santé et de la sécurité du travail, la syndicalisation dans le taxi, la réforme dans la santé et les service sociaux, celle du Code du travail, les dossiers des BPC et de l'environnement, le front commun dans la construction, l'ouverture des magasins le dimanche, la lutte des syndicats du rail,... Que retenir parmi tous ces événements? Quels liens établir entre tous? Quelles leçons tirer pour l'avenir? Des bouleversements qui nous touchent de près. La vente de Steinberg a fait couler beaucoup d'encre et ce n'est pas encore fini. Pour les syndicats de la FTQ qui sont touchés, cette transaction peut conduire à des reculs importants mais ils sont prêts à livrer la bataille et ils peuvent compter sur notre appui. Nous étions tous heureux de voir que Steinberg avait été acheté par des intérêts québécois, mais pas au détriment de nos membres. Cette transaction économique n'est cependant qu'une parmi d'autres qui se sont produites depuis deux ans. Le nouveau contexte économique, créé principalement par l'entrée en vigueur du traité de libre échange, a ouvert la période de chasse: la vente de la Consolidated Bathurst, de la compagnie d'assurances Le Groupe Commerce, le dossier de l'Institut Armand Frappier, la fermeture de la Northern Telecom et de la MIL Vickers, la privatisation d'Air Canada, etc, voilà des changements qui ont de quoi inquiéter pour l'avenir. Ces changements nous interpellent parce qu'ils conduisent à un retrait progressif de l'État et à une plus grande concentration économique. Ce phénomène de la concentration économique grandissante, au Canada et au Québec, en plus de l'accroissement du contrôle étranger, ont d'ailleurs été confirmés dans une étude produite pour la FTQ par deux économistes. Nous avons lancé un cri d'alarme qui n'a malheureusement pas été entendu, la majorité des décideurs ayant adopté l'attitude du laisser faire. Nous vivons dans une ère d'internationalisme, de marchés mondiaux, disent-ils, et il faut laisser les forces du marché jouer leur jeu et s'adapter afin de devenir les meilleurs et concurrencer les autres sur leur terrain. Au diable les victimes! Ces gens se foutent éperdument des victimes que de telles décisions font sur leur passage. Cette théorie, on la retrouve entre autres dans le rapport De Grandpré sur la formation et la qualification professionnelles. Selon les conclusions de ce rapport, nous n'aurions besoin d'aucun programme particulier ou additionnel pour faciliter la vie aux travailleurs et travailleuses qui ont des besoins de formation dans le nouveau contexte économique. C'est de l'inconscience! A notre connaissance, ni le gouvernement d'Ottawa, ni celui de Québec, n'ont mis sur pied une quelconque commission ou comité qui serait responsable de vérifier les effets de l'entrée en vigueur du traité de libre-échange et de proposer des mesures concrètes pour minimiser les dégâts là où ils sont évidents. Encore une fois, c'est sur nos épaules que retombera la responsabilité de dénoncer les abus, de proposer des solutions, de faire des pressions. Nos gouvernements, vendus à l'idée des retombées fabuleuses que devait nous apporter l'accord sur le libre-échange, n'ont rien prévu pour défendre les intérêts de la majorité. On se prépare à nous étrangler avec une nouvelle taxe. Pendant que se réorganise l'économie sur le dos des moins bien nantis, le gouvernement lui-même devient plus avare et se prépare à imposer, dans le vrai sens du terme, un nouveau système de taxation avec la taxe sur les produits et les services, la TPS. Et il ne parle plus d'impôt minimum pour les corporations, c'est scandaleux quand on sait qu'en 1987, 93 000 corporations ayant réalisé des gains de 27 milliards avec profits n'ont pas payé d'impôts. De budget en budget depuis cinq ans, le gouvernement conservateur a augmenté systématiquement la part des impôts qui provient des taxes indirectes. Plusieurs ont vu une augmentation sur leur chèque de paye à cause d'une légère baisse des taux d'imposition. Mais toute cette opération était savamment orchestrée afin de nous faire avaler ce nouveau système qui est foncièrement injuste puisque, quel que soit votre niveau de revenu, vous paierez les mêmes taxes. C'est une bataille que nous aurons à livrer au cours de la prochaine année. Plus de taxes et plus de coupures. En même temps que les gouvernements viennent chercher plus d'argent dans nos poches (ils sont tellement obsédés par le déficit), ils en redistribuent moins: réduction de services, élimination ou modification de programmes existants, délégation de responsabilités et des coûts à d'autres niveaux. La réforme projetée de l'assurance-chômage constitue l'exemple parfait. Non seulement réduit-on considérablement les bénéfices et les conditions d'éligibilité des prestataires, mais de plus, on grossira les rangs de bénéficiaires de l'aide sociale, ce qui viendra augmenter les dépenses des provinces. En outre, le gouvernement fédéral a décidé qu'il ne financerait plus une partie du régime, ce qui se traduira inévitablement par une augmentation des cotisations. C'est d'ailleurs commencé. Mais ici au Québec, le gouvernement avait prévu le coup en adoptant le projet de loi 37 sur la réforme de l'aide sociale. C'est comme si, en voyant que la quantité de bénéficiaires pouvait augmenter, on réduisait les prestations pour que la facture reste la même. Sur la question de la réforme de l'aide sociale, je pense que nous avons des reproches à nous faire. Nous avons été trop timides dans nos dénonciations et trop absents des actions qui ont été menées pour bloquer son adoption. Dans le secteur de la santé et des services sociaux, nous avons investi des énergies considérables pour influencer le rapport de la Commission Rochon et la ministre Thérèse Lavoie-Roux. Mais les intentions du gouvernement indiquent que le réseau n'est pas à l'abri des réductions de services après avoir été victime de coupures. Les propositions de décentralisation risquent, elles aussi, de refiler les problèmes à des niveaux inférieurs, de placer sur les épaules d'organismes qui n'ont aucun pouvoir de taxation, la responsabilité des déficits. De plus, on parle de créer des réseaux privés de services de santé (OSIS), ce qui va à l'encontre des principes d'universalité, d'accessibilité et d'équité. Le dernier gros bloc de coupures de services touche le rail. Benoit Bouchard, le ministre responsable, voudrait que nous parlions uniquement du déficit de Via Rail et du peu de passagers qui prendraient le train. Mais jamais il n'accepte de discuter de ce dont l'industrie du rail aurait besoin pour devenir compétitive. Nos syndicats dans le rail ont décidé de ne pas jeter la serviette. Ils font du train et se démènent avec tout notre appui. Ils ne sont pas seuls d'ailleurs puisque les municipalités du Québec, les Chambres de commerce, le gouvernement du Québec lui-même s'opposent à ces coupures barbares. Il est encore temps de freiner ce projet et les travailleurs et travailleuses du rail comptent sur votre appui. Noir à Ottawa, gris foncé à Québec. Même si nous pouvons dire que le pourcentage du vote populaire du NPD fédéral a augmenté au Québec, même si l'opposition péquiste a considérablement été renforcie à l'Assemblée nationale, nous n'avons pas obtenu les résultats que nous souhaitions lors des deux dernières campagnes électorales. Dans les deux cas, on s'attendait à mieux. Nous avons des différends profonds avec le Parti conservateur à Ottawa et avec le Parti Libéral à Québec parce que nous voyons les stratégies de développement économique et social de façon radicalement différente. Nous ne croyons pas qu'il faille laisser entre les seules mains de l'entreprise privée notre devenir collectif. Nous ne croyons pas qu'il faille couper ou réduire les programmes sociaux. Nous ne croyons pas que les outils que nous nous sommes donnés au cours des vingt ou trente dernières années doivent être jetés par-dessus bord. Les conservateurs à Ottawa ont mis en marche leur rouleau compresseur mais nous ne nous laisserons pas impressionner. Nous osons espérer que le gouvernement de Robert Bourassa n'essaiera pas de mettre de l'avant des politiques semblables, car il nous trouvera sur sa route. Des changements au NPD. La FTQ demandait depuis plusieurs années au NPD fédéral de clarifier la question de la double allégeance. Lors des dernières élections fédérales, plusieurs de nos militantes et de nos militants ont encore hésité à plonger, ne voulant pas être pris dans ce problème de la double allégeance. Nos efforts ont finalement porté fruit et nous pensons que les deux partis ne s'en porteront que mieux. L'autre changement important que nous vivrons sous peu sera l'arrivée d'un nouveau chef. Pour le moment tout ce que nous pouvons dire sur la course à la chefferie, c'est que nous en connaissons au moins un que nous ne voulons pas. En ce qui concerne celui qui nous quitte, Ed Broadbent, je me dois de lui rendre hommage et de souligner ses efforts constants pour mieux faire comprendre le Québec à l'intérieur de son parti. Ed Broadbent était un travailleur infatigable qui a toujours été disponible, qui a toujours pris le temps de nous écouter et qui a constamment essayé de nous comprendre. Les travailleurs et les travailleuses perdent un homme qui a su défendre leurs intérêts en tout temps et nous lui souhaitons bonne chance. Avortement. La décision de la Cour Suprême fournissait une occasion en or au gouvernement fédéral de se prononcer intelligemment sur la question de l'avortement, mais peine perdue. Il ne s'agit pas de savoir si les hommes sont en faveur ou non de l'avortement. Il appartient aux femmes enceintes de prendre cette décision et je ne puis m'empêcher de dénoncer la Loi déposée récemment par la Chambre des communes. La position de la FTQ est très claire sur cette question: l'avortement doit être entièrement libre et gratuit et ne doit pas être considéré comme un acte criminel. En santé-sécurité, nous avançons et la CSST recule. Au cours des deux dernières années, la FTQ a été des plus active dans le dossier de la santé et de la sécurité du travail. Nos centaines de militantes et de militants qui oeuvrent en santé-sécurité et qui font tout en leur pouvoir pour protéger les droits des accidentés n'ont pas eu la vie facile durant cette période. Tous étaient confrontés à des directives très restreignantes de la CSST, à ses fonctionnaires, aux nombreux appels logés par la CSST en plus des appels des employeurs, et évidemment aux délais inacceptables à tous les niveaux d'appels. Les confrères Clément Godbout, Jean Lavallée, Claude Morrisseau et moi-même avons fait état de ces multiples plaintes et griefs au niveau du Conseil d'administration. Nous avons eu plusieurs réunions orageuses où les discussions furent vigoureuses, tant et si bien que nous avons réussi à faire changer la cap à la Commission. C'est ainsi que la Commission ne réclame plus de remboursement des supposés «surpayés» découlant de décisions de l'arbitrage médical. De nouvelles directives ont été données aux agents d'indemnisation à l'effet qu'ils doivent consulter leur supérieur immédiat avant de refuser un cas. La CSST ne va plus en appel, à moins qu'il y ait violation flagrante de la Loi ou fraude évidente. Quant à la travailleuse enceinte ou qui allaite, le ministre du Travail a fait en sorte que le diagnostic du médecin traitant ait priorité. Toutes ces améliorations sont bienvenues, mais elles sont loin de régler la situation, car il y a encore plus de 20 000 causes devant les bureaux de révision paritaires et plus de 9 000 à la Commission d'appel, ce qui représente des délais de un an et demi devant les BRP et de plus de deux ans à la CALP. Il est bien évident que des changements drastiques devront être apportés pour corriger cette situation inacceptable. Il est clair que si la Commission, grandement responsable de l'embourbement des rôles d'appel, n'y va plus ou presque, ça va certainement aider, mais ça ne sera pas suffisant. Le ministre du Travail a formé un comité pour regarder cette situation, remettant en question la révision administrative, les bureaux de révision paritaires, l'arbitrage médical, de même que la Commission d'appel. Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a lui aussi mis sur pied un tel comité; c'est vous dire qu'au cours des prochains mois, nous aurons de nombreuses rencontres à ce sujet et je demande à tous les membres de notre comité sur la réparation de se tenir disponibles. De plus, une relation spéciale a été mise en place par notre service de santé-sécurité qui, accompagné de militantes et de militants de notre comité sur la réparation, rencontre le vice-président aux opérations de la CSST pour discuter de toutes ces plaintes. Au cours de cette période, nous avons été très actifs aussi durant la semaine de la santé et de la sécurité du travail. Nous avons obtenu que le gouvernement du Québec reconnaisse le mercredi de la semaine annuelle, comme journée commémorative des victimes d'accidents du travail et des maladies professionnelles, et plusieurs municipalités ont emboîté le pas. Nous avons refusé près de 150 inscriptions lors d'un colloque sur la question des maux de dos. Près de 500 militantes et militants ont participé à ce colloque. Les publications spéciales du Monde Ouvrier sur l'assignation temporaire et les maux de dos, bien que tirées à 75 000 copies, se sont envolées comme des petits pains chauds. La formation s'est poursuivie, entre autre sur le dossier du SIMDUT. Je veux dire merci à toutes ces militantes et à tous ces militants qui oeuvrent sans cesse pour défendre les droits de nos accidentés, pour promouvoir la prévention, ainsi qu'à notre service en santé-sécurité et aux médecins qui ont donné un si précieux coup de main. La santé-sécurité, c'est aussi l'environnement. Pendant le congrès vous serez appelés à vous prononcer sur une déclaration de politique sur l'environnement. Ce sera la première intervention structurée de la FTQ sur ce sujet qui prend, enfin, de l'importance dans notre société. Quand nous parlons de création d'emplois, nous précisons toujours qu'il doit s'agir d'emplois de qualité. De la même manière, il faut que, quand nous parlons de développement économique, nous précisions qu'il doit se faire dans le respect de l'environnement. Il a fallu qu'arrivent les incidents de St-Basile pour que nous prenions collectivement conscience de la gravité de la situation et j'espère que mon ami Yvon Charbonneau ira jusqu'au bout avec sa Commission, comme il le faisait quand il était président de la CEQ. Il faut maintenant nous assurer que cette question ne soit pas qu'une mode et notre déclaration de politique devra nous servir de base à une plus grande implication dans ce dossier. Secteur public: Des gains importants pour les femmes. Il n'y a pas si longtemps, nous tenions un colloque sur l'équité salariale. A ce colloque, il avait été largement question des efforts que faisaient nos syndicats du secteur public pour corriger les injustices dont les femmes surtout étaient victimes dans la grille salariale de ce secteur. Ces injustices traînaient depuis toujours et le cadre régulier de la négociation ne semblait pas propice pour les corriger. Nos syndicats avaient donc accepté de prolonger leur convention collective d'un an avec une augmentation salariale de 4 %, pour leur permettre de concentrer toutes leurs énergies sur cette seule question. Nos syndicats ont fait le pari qu'ils réussiraient à démontrer au gouvernement qu'il y avait discrimination salariale ... et ils ont gagné. L'entente à laquelle sont arrivés nos syndicats établit enfin une courbe salariale juste dans le secteur public. Toutes les injustices n'ont pas été entièrement corrigées, mais maintenant les travailleurs et les travailleuses ont un outil qui va leur permettre de continuer le travail et une convention collective qui leur accorde plusieurs autres gains, notamment au niveau des emplois précaires et de l'indexation des salaires. Je tiens à féliciter toutes les militantes et tous les militants de ce secteur pour ce progrès énorme. Permettez-moi de souligner l'immense apport du confrère Henri Massé qui, comme coordonnateur des syndicats FTQ, a mené toute la négociation de main de maître. Les travailleuses du privé sont aussi victimes d'injustices. Nous savons que les médias sont friands de sensationnalisme. Pour eux, des conflits dans le secteur public, ça leur permet de vendre de la copie. Il est difficile de les intéresser à des luttes qui se mènent dans le secteur privé, même sur le dossier de l'équité salariale. Pourtant les problèmes sont aussi aigus pour les travailleuses du secteur privé et nous devrons en faire une priorité dans les années qui viennent. Des situations comme celles que vivent les 250 travailleuses de la compagnie Purolator, qui sont en grève depuis trois mois, sont inacceptables. Certaines ont des salaires de plus de 5$ l'heure inférieurs à celui d'hommes qui ont des emplois équivalents. On a réussi à sauver les décrets. Même si le Premier ministre tentait de minimiser l'importance des rapports Reed, Scowen et Fortier, certains de ses ministres en avaient fait leur livre de chevet. Pierre Paradis était un de ceux-là et il tentait de mettre fin au régime d'extension des conventions collectives, la loi des décrets. Plus de 150 000 travailleurs et travailleuses, parmi les moins favorisés, risquaient de se retrouver sans protection aucune. Nos syndicats ont fait la bataille, ils ont convoqué tous les autres groupes intéressés (CSN - CSD, Teamsters, etc) et ont réussi à mettre sur pied une vaste coalition les regroupant tous, même les employeurs. Devant l'ampleur de cette opposition, le gouvernement a reculé et le nouveau ministre du Travail, Yves Séguin, a déclaré il y a quelques mois que les décrets étaient une bonne chose et qu'il n'était pas réfractaire à renforcer la Loi des décrets au besoin. C'est toute une victoire, et encore une fois, félicitations à toutes et à tous. Jamais le dimanche. La majorité d'entre vous travaillez cinq jours semaine, du lundi au vendredi. Peut-être êtes vous tentés de trouver que ce serait une bonne chose que de pouvoir magasiner le dimanche. Mais si vous essayiez de vous imaginer derrière le comptoir ou sur le plancher à travailler le dimanche alors que les autres membres de votre famille sont en congé, vous changeriez vite d'idée. Si nous avons réussi à arrêter le projet, nous n'avons aucune espèce d'assurance que les faux pharmaciens de chez Jean Coutu et autres ne reviendront pas à la charge. L'ouverture des commerces le dimanche serait une très sérieuse détérioration des conditions de travail et de qualité de vie de dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs de cette industrie et augmenterait sensiblement la facture des consommateurs. La syndicalisation progresse, mais... Dans la totalité des pays industrialisés, le taux de syndicalisation est dramatiquement à la baisse. Chez nos voisins du sud, il est de 18 %, alors que chez nos cousins de France, il dépasse à peine 10 %. Au Québec nous avons réussi non seulement à le maintenir ce taux mais même à l'augmenter légèrement. Il se situe aujourd'hui à près de 41 %. Il ne faudrait cependant pas penser que nous sommes à l'abri des chutes qui se sont produites ailleurs et nous asseoir sur nos lauriers. Nous aurons des défis importants à relever dans les prochaines années: le marché du travail change avec la précarisation grandissante de l'emploi, la présence accrue des femmes et l'arrivée progressive des travailleurs et des travailleuses immigrants; l'organisation du travail change avec les nouvelles stratégies patronales et les nouveaux modes de gestion; l'économie est en profonde mutation avec le libre-échange et le sera sans doute encore plus avec les bouleversements qui se passent à l'est; les attaques contre le mouvement syndical ne vont pas en diminuant; le gouvernement réduit continuellement son rôle et sa présence. Les ajustements que nous aurons à faire risquent d'être énormes. Il faut s'y préparer dès maintenant. Cette réflexion nous aurons l'occasion de la commencer ensemble au cours du présent congrès lors des discussions en commissions demain. J'y reviendrai plus tard. Un cas concret, le taxi. Nous vivons actuellement à la FTQ un cas concret de syndicalisation dans un nouveau secteur. Avec l'aide de notre service du COMCOR, le Syndicat des métallos est sur le point de réussir une percée importante dans l'industrie du taxi. Pour en venir à bout, pour obtenir cette majorité, il aura fallu plus d'une année d'efforts, des semaines de travail de sept jours à raison de 12, 14 ou 15 heures par jour, des centaines de milliers de dollars et des ajustements dans certaines de nos mentalités face à cette nouvelle clientèle. Et qu'arrive-t-il quand nous l'avons? La valse des procédures judiciaires commence. Nous devons encore dépenser des énergies et des argents, faire des pressions à gauche et à droite. Il n'est pas normal que le cadre législatif actuel ne permette pas l'obtention d'accréditations, pour des groupes de travailleurs et de travailleuses qui veulent se syndiquer, sans passer par tout ce casse-tête juridique. La lutte pour que les chauffeurs...et chauffeures de taxi obtiennent leur syndicat n'est pas terminée. Je leur donne cependant l'assurance, devant ce congrès, qu'ils et elles peuvent compter non seulement sur l'appui de leur syndicat, les Métallos, mais aussi sur celui de la FTQ toute entière. En ce qui concerne la question plus générale de l'accès à la syndicalisation, la mini-réforme qui dort sur les tablettes et qui créerait la Commission des relations du travail serait un pas dans la bonne direction. Mais nous avons besoin de plus. Les grandes recommandations de la Commission Beaudry doivent voir le jour. Au cours des deux prochaines années, il faut que nous obtenions cette réforme du code qui nous permette d'accueillir ces travailleurs et travailleuses qui veulent se syndiquer. Nous savons que nous avons pratiquement fait le plein des gros groupes qui sont syndicables. Pour les plus petits, pour des secteurs comme le commerce, la restauration, la finance, etc, nous avons besoin de nouveaux outils. Je pense qu'il nous faudra mener au cours des deux prochaines années le même genre de bataille rangée que celle qui a conduit à la réforme des lois en santé et en sécurité du travail. Tenez vous prêts et prêtes pour répondre à cette mobilisation nécessaire. Personnes handicapées: il faut faire plus. Au dernier congrès, notre ami Serge Leblanc était venu nous entretenir de l'intégration au travail des personnes handicapées et il nous avait demandé d'accorder plus d'attention à cette question. Nous sommes sans doute encore loin d'avoir réalisé tout ce que lui pourrait souhaiter. Mais je peux lui dire que nous avons commencé le travail. Nous avons tenu une session d'étude sur la question, session qui a regroupé, pendant trois jours, plus de 400 personnes, et par la suite nous avons organisé une tournée de toutes les régions du Québec. Plusieurs centaines de personnes ont eu l'occasion de rencontrer des représentants et représentantes de groupes et ainsi mieux comprendre leurs réalités et leurs difficultés. C'est un pas dans la bonne direction. Malheureusement, les employeurs ne nous consultent pas lorsqu'il est question d'embauche, du moins pas encore. Le Forum pour l'emploi, toute une réussite. Il y a quelques semaines, plusieurs d'entre vous avez participé à une importante première: le Forum pour l'emploi. Cet événement couronnait quelques 18 mois d'efforts, de rencontres, d'échanges, de même que la tenue d'une douzaine de colloques régionaux, rendus possibles par le dévouement de plusieurs dizaines de personnes. A cette occasion, le mouvement syndical a fait la preuve, si besoin il y avait, qu'il est responsable, qu'il travaille pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises et non seulement pour ses seuls membres. Ce qu'il y a eu de plus impressionnant à la conclusion du Forum, c'est la volonté de toutes les parties impliquées de continuer à travailler ensemble pour que le plein emploi devienne une réalité. Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier chaleureusement toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont trimé dur pour ce Forum et tout particulièrement le président du Mouvement Desjardins, Claude Béland. Sans son leadership, sa patience et son engagement, nous n'aurions pas connu une telle réussite. Un des sujets abordés au Forum a été la formation professionnelle. C'est un élément fondamental de toute politique de plein emploi et nous aurons l'occasion d'en discuter durant ce congrès, puisque nous vous présentons un énoncé de politique sur cette question. Les experts prédisent que durant les années '90, les travailleurs et travailleuses changeront d'emploi en moyenne entre six ou sept fois durant leur vie active. Cela veut dire que chaque travailleur, chaque travailleuse, aura besoin de mettre à jour sa formation. La loi 101, notre langue. La FTQ avait souligné avec beaucoup de plaisir l'adoption de la Loi 101 en août 1977. Nous avons suivi avec soin sa mise en application de même que la création des trois organismes découlant de la Loi. Le plus important est sans contredit l'Office de la langue où siège le Secrétaire général de la FTQ. C'est aussi Fernand Daoust qui a travaillé avec le plus d'acharnement pour la promotion de la langue française, pour la formation de comités de francisation en milieu de travail. Il est le grand responsable de la nomination d'une permanente FTQ pour s'occuper de ce dossier. C'est également lui qui nous représente au Mouvement pour un Québec Français. Lorsque la Cour Suprême a sorti son jugement politique sur la langue d'affichage, le confrère Daoust fut l'un des premiers à promouvoir l'idée d'une riposte cinglante. C'est sans hésitation et tout naturellement que la FTQ a participé à l'enthousiaste ralliement du Centre Paul Sauvé le 18 décembre 1988. J'ai eu le vif plaisir d'y rencontrer plusieurs vice-présidents de la FTQ de même qu'un nombre impressionnant de militants et militantes. La FTQ était très bien représentée et sa présence fut remarquée, surtout qu'encore une fois, le service d'ordre était assuré par la FTQ-Construction, particulièrement par nos confrères de la FIPOE. Il en fut de même pour la merveilleuse manifestation du 12 mars dernier, où bien au-delà de 100 000 personnes ont voulu démontrer au gouvernement Bourassa combien elles tenaient à la Loi 101. Ce gouvernement doit tenir compte de notre détermination à préserver nos acquis. Les défis que devrons relever. Au début, quand je vous ai entretenu de certaines des grandes réalisations de la FTQ au cours des 25 dernières années, j'ai insisté sur une caractéristique particulière de notre histoire: la capacité que nous avons eue de rester unis, la capacité que vous avez eue de rendre la FTQ plus présente, plus utile, plus nécessaire. Nous avons réussi à nous donner collectivement un outil québécois bien à nous et j'en suis très fier. Mais rien n'est jamais terminé. Il faut continuer. Il faut aussi s'adapter, ajuster notre tir. Se regrouper sous un même toit. Dans les années qui viennent nous devrons travailler encore plus étroitement pour faire face à tous les nouveaux défis. Vous savez que nous vous demandons une hausse de la taxe per capita de 0,10 $ par membre afin de nous doter d'un édifice qui logerait tous les syndicats de la FTQ qui le voudront et qui le pourront. Pour moi, cet édifice n'est pas qu'une question d'image ou de fierté bien légitime. C'est beaucoup plus que cela. Ce regroupement est devenu essentiel pour notre cohésion, notre efficacité et notre identité. Pour faire face à tous ces changements auxquels nous sommes confrontés, nous aurons besoin de nous sentir les coudes, de nous côtoyer journalièrement, et d'être réunis sous un même toit ne peut que nous apporter tout cela. Nous serons en mesure de mettre nos ressources en commun, ce qui nous rendra plus efficace et nous permettra d'améliorer encore le service que nous donnons à nos membres. Éliminer définitivement nos luttes internes. Il est quelquefois difficile d'admettre que nous nous chicanons entre nous dans le recrutement syndical ou qu'il y a du maraudage au sein de notre propre famille. C'est pourtant la triste réalité. Mais c'est une réalité qui tend à s'effacer. Je suis on ne peut plus heureux et fier de pouvoir vous annoncer que 98 % des syndicats de la FTQ ont signé le «Protocole d'engagement». En signant ce protocole, les syndicats reconnaissent à la FTQ le pouvoir d'enquête et de recommandation lorsqu'il y a des conflits de juridiction entre affiliés. Le plus beau dans tout cela, c'est que grâce à vous, ça marche. Nous avons déjà eu à traiter d'une vingtaine de cas et nous avons réussi à obtenir l'accord des deux syndicats impliqués dans tous les cas, sauf dans deux. Et dans tous les cas, nous avons pris en considération et le désir des membres et la position des syndicats. Les transferts des membres (ou le non transfert) se sont toujours faits après explication aux membres, ce qui a évité tous les déchirements que nous avions connus avant. Lors du dernier Conseil exécutif du CTC tenu en septembre dernier, la Présidente, la compagne Shirley Carr, a soumis la question de notre protocole aux membres, puisque certains prétendaient qu'il venait en contravention des Statuts du CTC. Elle a fait un excellent exposé de la question et après un long débat de plus de quatre heures, notre protocole a été adopté à la quasi-unanimité. J'en étais des plus heureux, non seulement en ce qui a trait au vote, mais également pour ce qui regarde le sérieux des interventions. Vous vous doutez bien un peu que le débat a dépassé la question du protocole, en y incluant la place de la FTQ au sein du CTC. Je m'attendais évidemment à ce que tous les membres venant du Québec appuient le protocole et je n'ai pas été déçu: les Richard Mercier, Jean Lavallée, John Alleruzzo, Louisette Hinton, Gérard Docquier l'ont fait de brillante façon. J'ai été agréablement surpris des interventions de Jeff Rose, Nancy Riche, Léo Gérard, Dick Martin, Cliff Evans, Donald Holder, Reg Basken. L'intervention tout simplement exceptionnelle du confrère Bob White m'a ému et enthousiasme. Donc, pour le protocole, c'est fait, c'est réglé avec le CTC. Il ne nous reste qu'à continuer à le faire fonctionner. Je tiens à vous remercier tous et toutes pour ce geste extraordinaire de solidarité. Je salue d'une façon particulière le courage de tous nos syndicats qui ont accepté de faire des concessions pour faire fonctionner ce protocole. Élargir nos solidarités. Qui aurait pu prédire il y a 10 ou même 5 ans qu'il y aurait un jour un front commun entre la FTQ et la CSN dans le secteur de la construction? Pourtant il y en a un et on me dit que ça va très bien. Nous avons travaillé avec les autres centrales et avec l'UPA dans la Coalition québécoise d'opposition au libre-échange. Nous travaillons avec la CSN et la CEQ pour tenter de bloquer la réforme de l'assurance-chômage, pour obtenir les changements qui s'imposent dans le dossier de la santé et de la sécurité, pour obtenir des amendements aux articles 45 et 46 du Code du Travail et pour la mise en place de la nouvelle Commission des relations du travail. Quant à nos syndicats du secteur public, ils n'ont jamais eu d'objection à la renaissance du Front Commun. Ce sont les désaccords profonds qu'il y avait entre la CSN et la CEQ lors des dernières négociations qui l'ont rendu impossible. Les défis de taille qui s'imposent à la FTQ nous amèneront au cours des prochaines années à multiplier nos efforts de rapprochement: non seulement avec les autres centrales syndicales mais aussi avec ce que nous appelons les forces vives au Québec. Les solutions devront venir de toute la société. Qu'il s'agisse de la mise sur pied d'une politique de plein emploi qui faciliterait l'entrée des jeunes sur le marché du travail, de la correction de toutes les inéquités concernant les femmes et les handicapés, ou de l'adaptation des immigrantes et immigrants à la société québécoise, nous devrons travailler main dans la main. Dans le monde du travail de 1990, nous parlons de formation permanente. Dans le Québec de 1990, il faut parler d'adaptation permanente. Affaires internationales. Au dernier congrès, vous nous aviez donné le mandat d'aller négocier avec la Congrès du travail du Canada une place particulière pour la FTQ dans les affaires internationales. Au congrès du CTC qui a suivi nous avons réussi à faire adopter une résolution qui mandatait les officiers d'engager des pourparlers avec la FTQ afin d'en arriver à une entente sur cette question. Même s'il reste encore quelques détails à régler, je suis en mesure de vous annoncer que la FTQ sera présente dans toutes les représentations internationales du CTC et qu'elle aura sous son autorité, à très court terme, un nouveau ou une nouvelle permanente qui sera responsable du dossier des affaires internationales. Nous pourrons enfin faire entendre, en français, la voix du Québec auprès de nos confrères et compagnes des autres organisations syndicales à travers le monde et développer ici au Québec des programmes d'information, de sensibilisation et d'éducation. Nous avons encore du chemin à faire sur plein de dossiers. Pour que la FTQ et le mouvement syndical restent des interlocuteurs écoutés, pour qu'on nous respecte encore d'avantage dans le nouvel équilibre qui s'installe, nous devons absolument être plus forts, plus unis, plus ouverts et surtout, oui surtout, plus nombreux. C'est le défi que nous devons relever ensemble.