*{Banque des Règlements Internationaux, 47e Rapport Annuel, Bâle, 1977, pp.3-9, 173-179.} *{ pagination originale du document: p. 3} 1. ÉVOLUTION CONJONCTURELLE ET PROBLÈMES DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE. Au cours de l'année écoulée, la situation économique a été marquée par une succession d'ombres et de lumières. Tant sur le plan interne qu'à l'échelle internationale, des sujets d'espoir et de préoccupation sont apparus simultanément. En raison de cette diversité, il est plus difficile qu'à l'accoutumée d'évaluer la signification des indicateurs économiques, des statistiques sur les balances de paiements, de la situation des réserves et des taux de change, tous en rapide évolution. Par suite, pratiquement chaque événement important a donné lieu lui-même à interprétations divergentes, pessimistes ou optimistes. Le rythme de la reprise s'est relâché, mais n'est-ce pas là le moyen le plus sûr d'obtenir une croissance durable non inflationniste à longue échéance? De surcroît, la pause de l'activité observée cours de l'été n'a-t-elle pas fait place depuis l'hiver à un renouveau d'expansion dans quelques grands pays? Si le taux d'inflation s'est maintenu à un niveau en général inquiétant, certains pays l'ont combattu avec un succès dépassant leurs espérances, cependant que d'autres ont pris dans ce sens des mesures énergiques. Malgré la persistance des déséquilibres les paiements internationaux, un ajustement non négligeable a été réalisé en ce domaine. Au début de 1976, les taux de change ont subi de fortes variations, tandis que l'hiver 1976-77 s'est révélé remarquablement calme. Le rôle du système bancaire privé dans le financement des déficits extérieurs a suscité des craintes légitimes; mais comment eût-il été possible de financer aussi rapidement sur une aussi vaste échelle les déficits pétroliers? Enfin, en l'absence de règles rigoureuses pour régir le processus d'ajustement, il n'est pas exagéré de désigner les mécanismes monétaires internationaux actuellement en vigueur par le terme de "non-système". Et pourtant, le commerce international, loin de s'effondrer, a encore enregistré une saine expansion en 1976. Le présent Rapport donnera bien sûr une description détaillée des événements survenus en 1976 et au début (le 1977, en particulier dans les domaines monétaire et financier. Il s'efforcera également de rendre compte de la manière la plus objective qui soit des interprétations divergentes de ces événements et des conclusions que l'on peut tirer quant aux politiques à mettre en ouvre. Mais il ne s'abstiendra pas de prendre position dans le débat; il essaiera, au contraire, de porter un jugement sur les multiples changements qui se sont produits dans les pays industrialisés occidentaux depuis l'année dernière, pour le meilleur ou pour le pire. Les grandes lignes de cette évaluation sont esquissées dans ce chapitre d'introduction, tandis que les recommandations de politique générale seront résumées dans la conclusion. Événements encourageants sur la scène internationale. Malgré les apparences, la plupart des événements favorables ont trait à la situation internationale: ils concernent, dans une certaine mesure le fonctionnement du processus niais plus encore le financement des déséquilibres persistants des balances des paiements courants. *{ pagination originale du document: p. 4} Certes, le montant total des déséquilibres des paiements mondiaux - mesurés par les totaux des excédents ou déficits courants dans les divers pays - est demeuré aussi élevé en l9î6 que l'année précédente et n'est, par suite, que peu inférieur au chiffre record de 1974. Cette situation s'explique à la fois par la persistance - et la légère aggravation - du déséquilibre pétrolier global et par les déséquilibres - entre les pays industrialisés non producteurs de pétrole et les pays en voie de développement. Cependant, la position de certaines économies importantes a évolué de façon positive; paradoxalement, cette constatation vaut tout particulièrement pour les États-unis qui, en raison du déficit actuel de leur balance des paiements courants, prennent en charge une fraction du déficit pétrolier global imputable en partie, cela va sans dire, à spectaculaire des importations américaines de pétrole. Parallèlement, l'excédent courant de l'Allemagne, toujours élevé en chiffres absolus, est désormais relativement faible par rapport au produit national brut et pourrait fort bien s'infléchir encore en 1977. Le Royaume-uni a pris des mesures draconiennes pour réduire suri déficit extérieur et l'on s'attend que cette action, conjuguée aux avantages attendus de l'exploitation des champs pétrolifères de la Mer du Nord produise son effet au cours de l'année 1977. La balance commerciale de la France a commencé à se redresser sensiblement. Parmi les pays en vole de développement, les plus importants, l'Inde et l'Argentine ont enregistré des surplus en 1976, cependant que l'Asie, considérée dans son ensemble (même en excluant le japon) a obtenu de meilleurs résultats qu'en 1975. Le déficit des transactions courantes de la Yougoslavie a fait place à un excédent, alors qu'un grand nombre de pays du Comecon sont parvenus à réduire le leur. De multiples raisons d'inquiétude subsistent évidemment; la première réside dans l'ampleur que pourra atteindre cette année le déficit des paiements courants des États-unis. Si, dans les circonstances actuelles, un tel déficit favorise la reprise économique dans le monde et contribue au bon fonctionnement du processus d'ajustement, il n'est dans l'intérêt de personne qu'il atteigne une dimension excessive ou se prolonge par trop longtemps. Ce serait une grave erreur de croire que, sous prétexte que le dollar flotte, on ne doive tenir compte ni de la situation ni de la structure de la balance américaine des paiements. En effet, les États-unis ne sauraient s'installer en permanence dans une position fortement déficitaire de leurs transactions courantes, même compensée par des importations de capitaux; cela est d'autant plus vrai qu'une telle compensation n'a pas eu lieu. D'autre part, il est devenu clair que, les prix du pétrole se maintenant à leur niveau actuel, le déséquilibre pétrolier ne disparaîtra que si des mesures draconiennes sont appliquées pour économiser l'énergie. En troisième lieu, les fluctuations sensibles des taux de change depuis le début du flottement n'ont provoqué jusqu'à présent qu'un ajustement relativement limité des balances de paiements. Enfin, les déficits accusés par les pays méditerranéens ont atteint des niveaux records et semblent, dans de nombreux cas, particulièrement tenaces. Force est don ' c de prendre en compte toutes ces données; mais, dans le même temps, les exemples précités donnent à penser qu'un renversement des positions externes de tel ou tel pays reste tout à fait possible, à condition toutefois que les autorités soient disposées à s'engager dans la voie de politiques d'ajustement appropriées et complémentaires. *{ pagination originale du document: p.5} Plus encourageante encore est la constatation que des ressources suffisantes, tant privées que publiques, ont été dégagées pour financer la plupart des déficits de la zone OCDE et des pays en voie de développement non producteurs de pétrole. L'expérience a prouvé - et l'on pouvait dans une certaine mesure s'y attendre - que J'offre totale de capitaux pouvait s'ajuster à la demande émanant des pays déficitaires. D'une manière globale, aucune pénurie n'a été décelée au niveau des liquidités internationales. À nouveau, il ne s'agit pas de nier que certains pays puissent se retrouver endettés au point de devoir supporter un fardeau excessif au titre du service des emprunts. De même, ne sauraient être sous-estimés les problèmes pouvant naître de l'importance prise par les circuits bancaires privés dans le financement des balances de paiements. Il s'agit, d'une part, du risque que chaque banque, prise individuellement, est en mesure d'assumer, d'autre part, de la question de savoir si cette méthode de financement contribue le mieux au processus d'ajustement. La fixation de conditions est un élément essentiel de ce processus, et il n'est pas certain, c'est le moins qu'on puisse dire, que les banques privées soient individuellement en mesure de jouer le jeu des prêts conditionnels avec autant d'efficacité, de progressivité et de régularité que les organisations internationales sont censées le faire. Dans le Rapport, il est néanmoins estimé qu'il est plus facile de trouver une solution aux -problèmes externes qu'à ceux que rencontrent les pays sur le plan interne. Les problèmes d'ajustement et de financement en tant que tels peuvent être maîtrisés, d'une part, parce qu'ils sont désormais mieux compris et, de l'autre, parce qu'un consensus se dégage sur la façon de les résoudre en pratique. Au niveau interne, on constate, en revanche, un manque de compréhension et l'absence de consensus sur le choix des politiques à mettre en ouvre. C'est pourquoi notre optimisme relatif concernant l'ajustement et le financement des balances de paiements ne nous procure un réconfort limité, si les divers pays sont incapables d'empoigner à bras le corps le double problème fort préoccupant qui les assaille, à savoir l'inflation et le chômage. U principale tâche des autorités pour 1977 - et pour plusieurs années peut-être - consiste à mettre au point des stratégies adéquates permettant de lutter contre ces fléaux. Si les politiques internes aboutissent sur ce point aux résultats escomptés, alors la gestion de l'économie mondiale ne posera pas de problèmes insurmontables. Les thèmes centraux: chômage et inflation. Dans ce domaine, le ton du Rapport est beaucoup moins optimiste et les recommandations sur les politiques à suivre nettement moins tranchées. Alors que l'on redoutait l'an dernier un emballement synchronisé de que, ces appréhensions se sont, fort heureusement, révélées sans fondement; 'autres motifs d'inquiétude, plus complexes, les ont remplacées. pendant l'été ut de l'automne 1976, la reprise a, contre toute attente, marqué un temps même dans les trois grands pays - États-unis, japon et Allemagne - qui tiré le monde de la récession. Depuis lors, les facteurs d'expansion semblent s'être intensifiés, tout particulièrement aux États-unis ainsi que, dans une certaine en République fédérale d'Allemagne,, et la confiance des milieux d'affaires s'est à nouveau renforcée dans quelques autres pays européens. *{ pagination originale du document: p.6} En outre, la poursuite de la "normalisation" (les marchés financiers et de la restructuration des bilans, tout comme les politiques monétaires avisées mises en ouvre par la plupart des pays ont jeté des bases saines pour une croissance modérée à long terme. On doit toutefois se rendre à l'évidence et admettre que les taux d'expansion actuel et escompté ne permettront pas de ramener de sitôt le chômage à des niveaux Considérés autrefois comme acceptables. Bien plus, rares sont les signes (sauf dernièrement aux États-unis) qui laissent augurer une reprise vigoureuse de l'investissement productif. Or, il est généralement admis que l'absence d'un tel renouveau risque de compromettre la vigueur de la reprise elle-même et de rendre beaucoup plus difficile la solution de maints problèmes à plus long terme. Dans le même temps, le taux tendanciel d'inflation dans les pays industrialisés occidentaux fait preuve Depuis l'été dernier d'une dangereuse résistance à la baisse, sauf dans ces pays précisément où l'appréciation des taux de change a contribué au succès des efforts de stabilisation interne - mais de telles exceptions ne peuvent malheureusement pas devenir partout la règle. La coexistence, fort déconcertante, d'une croissance relativement faible, de dépenses d'équipement stagnantes et d'un taux de chômage élevé avec une inflation tenace constitue le principal défi auquel sont confrontés les responsables de la politique économique des pays industrialisés du monde occidental. Rejeter ce défi ne sera pas chose facile. Non seulement le coût social de la mise en ouvre des politiques appropriées est susceptible de représenter pour la communauté un fardeau politiquement inacceptable.. mais, en outre, aucun accord d'ensemble ne semble se dégager, tant à l'échelle internationale que dans les divers pays, sur le dosage optimal des politiques à mettre en ouvre. Ce désaccord traduit, dans une certaine mesure, les différences constatées au niveau des priorités politiques, que ce soit entre les divers pays ou au sein de chacun d'eux. Il reflète également des divergences plus fondamentales, tenant à la manière de juger et d'expliquer les événements - en d'autres termes, à l'analyse économique proprement dite. Enfin, la plus grande source de confusion provient du fait que, pour l'heure, les pays sont confrontés à des problèmes de nature fort différente. En dépit du flottement, les échanges internationaux continuent de transmettre des impulsions expansionnistes ou déflationnistes, et l'évolution de la production réelle ne diffère donc guère d'un pays à l'autre. Mais les variations considérables des taux de change se sont accompagnées de disparités d'inflation fort accusées; de plus, des différences notables sont apparues entre les pays dans l'utilisation des ressources réelles et dans le fonctionnement du marché du travail. Ces constatations amènent à penser que chaque pays devrait trouver lui-même le dosage optimal de ses instruments de politique économique. S'il est de première importance que chaque pays pris individuellement soit à même de trouver la réponse juste à chacune de ces questions, cela est également de la plus haute importance pour la communauté internationale dans son ensemble. Quel que soit notre degré de compréhension du processus d'ajustement des balances de paiements et notre habileté à organiser des circuits appropriés de financement externe, aucun cadre institutionnel ne résistera aux dérèglements provoqués par les attitudes radicalement divergentes des divers pays devant le double défi de l'inflation et du chômage. Les taux de change flottants peuvent coexister avec de faibles discordances entre les politiques adaptées dans les divers pays; ils peuvent même s'adapter à de profonds écarts dans ce domaine pendant une période déterminée - ce qui a été le cas jusqu'à présent. *{ pagination originale du document: p.7} Mais il serait illusoire de croire qu'ils peuvent constituer le fondement d'une indépendance plus durable des politiques économiques. À plus long terme, les pays industrialisés du monde occidental resteront tout aussi interdépendants sous un régime de taux flottants qu'avec un système de parités fixes. La permanence de profondes différences entre les taux d'inflation, alors que sévit parallèlement un chômage d'une ampleur inacceptable, risque de conduire, dans n'importe quel régime de change, au protectionnisme et à l'effondrement du libre-échange - sans parler de la libre circulation des capitaux. Des symptômes troublants de cette nature se manifestent déjà, même s'ils ne revêtent pour l'heure qu'une importance limitée. Là réside la nécessité de coordonner, à l'échelle internationale, les politiques de lutte contre l'inflation et le chômage. Bien sûr, par suite des différences de pays à pays précédemment évoquées, les autorités seront amenées à adopter des attitudes sensiblement différenciées. Puisque tous les pays se trouvent confrontés au dilemme de l'inflation et du chômage, ils devraient s'efforcer de s'accorder sur leurs responsabilités et sur les objectifs, plutôt que sur le dosage des politiques à mettre en ouvre ou sur le choix des instruments; encore faudrait-il que ces derniers soient compatibles au niveau international. Les grandes lignes du Rapport. L'analyse de la reprise conjoncturelle, présentée dans le Chapitre 11, constitue la toile de fond du Rapport. Deux grandes questions intimement liées sont abordées: pourquoi l'expansion en cours s'est-elle ralentie -- même dans les pays qui n'ont pas été assujettis à des contraintes extérieures P Que peut-on ou que doit-on faire:, Il n'est pas fourni, dans le Rapport, de réponse simple à la première question; il est su-1géré cependant que la faiblesse des dépenses d'investissement, point central de l'analyse, -st attribuable à la fois à l'insuffisance de la rentabilité, au coût élevé du financement sous forme d'actions, à l'existence de capacités excédentaires et aux nombreuses incertitudes (lu entourent l'évolution de la situation économique, on peut penser que tous ces facteurs sont à l'origine du manque de confiance dans la poursuite d'une expansion à long terme vigoureuse et régulière. C'est pourquoi, si certains pays peuvent avoir de bonnes raisons de stimuler la demande globale et d'accroître directement les dépenses d'investissement, les politiques menées ne devraient pas provoquer de réactions allant à l'encontre du but recherché. Il faudrait renoncer au " réglage fin " de la demande, mais les autorités devraient administrer la preuve qu'elles sont résolues - et aptes - à assurer une croissance modérée à moyen et à long terme. Tandis qu'une régulation appropriée de la demande contribuera à l'apparition d'une expansion régulière eu modérée, les pays industrialisés devront s'accommoder pour quelque temps d'un chômage supérieur à la normale. Et pourtant, ils ne peuvent guère escompter un nouveau fléchissement spontané du taux d'inflation (Chapitre III). En effet, malgré l'excédent de capacités et les ressources de main-d'ouvre inutilisées, les politiques de lutte contre l'inflation sont devenues de moins en moins efficaces, dans maints pays, depuis l'été de 1976. Le taux tendanciel moyen d'inflation de la zone OCDE a fait preuve d'une résistance opiniâtre à la baisse au cours des douze derniers mois, le ralentissement constaté dans les pays dont les monnaies se sont appréciées ayant été compensé par une accélération ailleurs. *{ pagination originale du document: p.8} Ces circonstances ont donné naissance aux concepts de cercles vertueux et de cercles vicieux, que le chapitre examine en opposant l'expérience de l'Allemagne et de la Suisse à celle du Ro~7 2ume-uni et de l'Italie. Il n'est évidemment lias possible de "stabiliser" l'inflation aux niveaux 1 ci 1 - actuels, car aucun taux d'inflation n'a jamais connu le stabilité durable à des niveaux Pareille stabilisation n'est pas davantage admissible sur le plan international, car elle implique de larges écarts en valeur absolue entre les pavs et comporte donc le risque de faire renaitre l'agitation sur les marcliés des Les marchés ~irianc1ers et monétaires nationaux (Clinpitre IV) ont tous é-,é caractérisés par une amélioration c(--)ntinuelle-ci~core qu'inégale-de leurs structures financières et par une albsence totale de siores C'les dépenses du secteur privé par les déficits élevés du secteur public. _mais ce comportement a été nettement différencié, selon qu'il s'agissait de pavs à rvthme d'inflation en baisse el non exposés à des contraintes extérieures, ou, au contraire, de pavs davantage en proie à l'inflation, qui ont dû lutter simultariémc-nt contre le déséquiiibre interrie et le déficit des comptes extérieurs. Dans le premier Lroupe, sous l'effet con~u,Yu,, de Fatténuaiion des anti cipations Îrf~-,tjo1-inîstes~ de la pause mornentanée dans la reprise économique et de la croissance -nodérée, nuais continue, des agrégats monétaires, la "normalisation" des marchés s'est poursuivie, ce qui impliquait, àans J'ensemble, une stabilisation ou une tendance à la baisse des taux d~intérét. Dans le second groupe de pays, plus dense, les autorités ont été contraintes d'appliquer des politiques monétaires résolu ment restrictives, ce qui a provoqué à différentes reprises, en 1976, de fortes hausses cles taux d'intérêt - Suivies toutefois par des reculs sensibles, chaque fois que le ren versement de la position extérieure du pays lui permettait d'atténuer la rigueur de sa politique. La situation des paiements internationaux est demeurée sous l'emprise de déséquilibres importants, et parfois tenaces (Chapitre V). Résultat direct de la reprise conjoncturelle, le déséquilibre pétrolier s'est encore aggravé, l'excédent avant nettement été concentré sur un très petit nombre de pays de l'OPEP à faible capacité d'absorption. On ne peut donc guère nourrir l'espoir de voir disparaître rapidement ce déficit. Comme indiqué précédemment, les balances extérieures des pays consommateurs de pétrole ont évolué légèrement dans le sens d'une amélioration, et ceci non seulement au sein de la zone OCDE, mais également parmi les pays en voie de développement non producteurs de pétrole. Le total des déséquilibres des paiements mondiaux - c'est-à-dire la somme des divers déficits ou excédents courants - n'a toutefois pas diminué par rapport à 1975. De plus, la forte concentration des déficits sur quelques pays en voie de développement et sur une douzaine environ de pays de l'OCDE soulève des inquiétudes légitimes. Quoi qu'il en soit, le financement de ces déséquilibres ne s'est pas heurté pour l'instant à des difficultés majeures, grâce au flux des capitaux privés, des prêts bancaires et des fonds publics. Le chapitre se termine par l'examen des succès et des échecs du processus d'ajustement, et par l'étude du rôle que pourraient jouer les mouvements des taux de change pour en améliorer le fonctionnement. Il ressort de ces considérations que le processus d'ajustement peut être sensiblement perfectionné, mais que le monde devra s'accommoder de déséquilibres importants. Le courant de moyens de financement internationaux sera-t-il adéquat ? *{ pagination originale du document: p.9} Si l'on en juge par l'expérience récente, la réponse est sans aucun doute "oui". Les prêts bancaires internationaux (Chapitre VI) ont continué de fournir de vastes ressources aux pays déficitaires, tant par l'intermédiaire du marché des euro-monnaies, dans sa définition étroite, que par le biais des prêts extérieurs libellés en monnaies nationales. L'année 1976 a vu la confirmation de la plupart des tendances qui s'étaient manifestées deux années plus tôt: l'importance croissante des prêts accordés par les banques américaines, soit directement depuis les États-unis, soit par le truchement d'autres centres financiers; l'extension des centres offshore; enfin, la place prépondérante occupée par le financement des balances de paiements dans les prêts bancaires internationaux. Le terme "confirmation" est peut-être un euphémisme; ces tendances se sont en effet fortement accélérées en 1976 en particulier pendant le dernier trimestre; elles ont évidemment soulevé des problèmes spécifiques, en ce qui concerne notamment les risques supportés par les banques. Le chapitre plaide en faveur d'une meilleure information et d'un renforcement de la coopération entre les bailleurs de fonds privés et les institutions internationales. Le Chapitre VII décrit l'évolution des taux de change, le déroulement des interventions officielles et la situation du marché de l'or. Il aborde ensuite les deux grandes questions interdépendantes, auxquelles la politique monétaire internationale se trouve actuellement confrontée: la gestion des taux de change et l'adéquation ou l'inadéquation de la liquidité internationale. En ce qui concerne la première question, il est certain que lu, gouvernements doivent rester libres de "gérer" les taux de change, tout en se soumettant à la surveillance internationale du FMI. Les taux de change doivent pouvoir refléter des écarts prononcés et prolongés entre les taux d'inflation intérieurs; mais il serait tout aussi erroné de permettre aux fluctuations des taux de change d'accentuer les écarts des taux d'inflation que de les empêcher d'y répondre. En outre, seule une modification des taux de change réels permettra de remédier à certains déséquilibres extérieurs - or, pareille modification est inconcevable sans un changement d'orientation radical des politiques nationales. Pour juger la politique des changes menée par tel ou tel pays, il faudra donc se référer chaque fois aux circonstances spécifiques et aux objectifs que se fixés les autorités. La surveillance de la politique des changes ne devra donc pas s'appuyer sur de simples, fixées à l'avance. Elle ne pourrait d'ailleurs pas le faire. Pour ce qui est de la seconde question, le Rapport souligne combien il est difficile de définir sans équivoque la notion de internationale. Depuis plusieurs années, il semble qu'en matière de financement des déficits l'offre ait, été déterminée par la demande, et il est à penser qu'à l'avenir aura pas - parce que cela est impossible - de pénurie globale de moyens de financement des balances de paiements. Dans cette acception large et générale, la liquidité internationale est probablement suffisante. Mais des pénuries spécifiques peuvent toujours se produire, vu qu'il n'est pas du tout certain que les prêts internationaux continueront à s'orienter dans la bonne direction ou qu'ils seront assortis de conditions adéquates. Cette incertitude montre qu'une coopération entre les institutions officielles et les prêteurs privés est souhaitable; considérée sous cet angle, la liquidité internationale doit être renforcée, notamment en mettant à la disposition du FMI un plus important de ressources., de façon à lui permettre d'accorder des prêts conditionnels. *{ pagination originale du document: p.173} CONCLUSION. Un certain nombre d'événements positifs se sont produits depuis la publication du Rapport annuel de Van dernier. Après la pause inattendue survenue au cours de l'été et au début de l'automne de 1976, la croissance industrielle s'est ranimée dans quelques grands pays. Les taux d'inflation ont continué de fléchir en Allemagne fédérale, en Suisse, au Canada, en Belgique, au Danemark, en France et aux Pays-bas. Sur le plan international, le redressement du commerce mondial s'est poursuivi, la répartition des déséquilibres de paiements entre les pays importateurs de pétrole a été mieux assurée, tandis que le financement international s'est effectué dans l'ensemble sans heurts. Force est de reconnaître, cependant, que les responsables de la politique économique restent confrontés à maints problèmes délicats. Le plus pressant, qui apparaît en filigrane tout au long du Rapport, concerne la situation des économies nationales des pays industrialisés du monde occidental, et plus particulièrement la coexistence de taux élevés de chômage et d'inflation. Les succès remportés dans la lutte contre l'inflation n'ont pas revêtu partout, tant s'en faut, la même ampleur; et bien que certains pays continuent d'enregistrer des résultats 'satisfaisants dans ce domaine, à court terme, les perspectives d'accentuer encore ces progrès ne sont guère encourageantes. Parallèlement, l'allure de la reprise demeure hésitante dans la plupart des cas; et même là où elle semble assez générale et se développe à un rythme relativement soutenu - comme aux États-unis - il est peu probable qu'elle engendre une réduction rapide du chômage. Les niveaux de chômage actuels sont manifestement inacceptables. Il apparaît tout aussi clairement que le seul taux d'inflation qui soit acceptable est un taux décroissant. C'est pourquoi les problèmes clés de politique économique qui se posent aux pouvoirs publics peuvent être ramenés à deux questions fondamentales: comment maintenir le mouvement de reprise à un rythme qui permette de réduire le chômage? Et comment obtenir d'Iris le même temps une diminution régulière des taux d'inflation? La réponse à la première question devrait être recherchée essentiellement au niveau de stratégies visant à réactiver massivement l'investissement. Les raisons sous-tendent cette proposition sont multiples et bien fondées. La plus importe tient au fait que, si la consommation et les exportations ont été des facteurs d'expansion, les dépenses d'équipement n'ont pas suivi. De ce fait, le chômage et les capacités excédentaires se sont surtout concentrés sur les industries productrices de biens d'équipement. D'ailleurs, quel secteur, sinon celui-là pourrait fournir les stimulants nécessaires â l'accroissement de la dépense globale, La lutte contre l'inflation requiert une modération constante dans les augmentations de salaires. Une vigoureuse relance globale émanant de la consommation et des transferts sociaux du secteur public n'est manifestement pas souhaitable à ce stade. Il est vrai que, dans s cas, la croissance devrait être induite par les exportations; mais cette thérapeutique ne peut être appliquée par l'ensemble des pays industrialisés. Enfin, une accélération du rythme de formation du capital serait en soi une bonne chose: elle contribuerait à assurer la croissance future de la productivité, aiderait à éliminer les goulets d'étranglement qui pourraient se manifester au niveau des capacités de production, même en présence d'une offre de main-d'ouvre abondante, et, dans une perspective plus vaste, c'est-à-dire à l'échelle mondiale, elle permettrait d'opérer le transfert nécessaire des ressources réelles des pays industrialisés du Nord vers les pays en voie de développement non producteurs de pétrole. *{ pagination originale du document: p.174} Les perspectives d'un renouveau de l'investissement des entreprises ne sont pas aussi sombres qu'on pourrait le croire. L'une des conditions nécessaires, mais non suffisante, est l'amélioration des profits. Dans nombre de cas, cette condition est de plus en plus satisfaite, bien que la situation des bénéfices varie considérablement selon les pays et d'un secteur à l'autre. L'augmentation des marges brutes d'autofinancement a permis d'accroître le capital, d'assainir les structures financières et d'augmenter la liquidité des entreprises. En outre, dans maints pays, les marchés financiers ont réservé un accueil favorable au développement des emprunts à long terme. Même si ces processus n'exercent une influence positive sur les dépenses d'équipement qu'au bout d'un certain temps -spécialement après une longue période d'inflation accélérée - ils permettent de rétablir progressivement les conditions d'un croissance saine des investissements. Ce qu'il faut, c'est persuader les entreprise que la croissance économique reprendra saris qu'il en résulte pour autant une résurgence de l'inflation. Leur confiance a été sérieusement ébranlée par la gravité et la durée de la récession, la persistance d'importantes capacités excédentaires, les modifications profondes et imprévues des prix relatifs, ainsi que par divers facteurs d'incertitude. Les dépenses d'investissement ne se développeront que si les chefs d'entreprise sont convaincus que l'accroissement des bénéfices n'est pas éphémère et qu'ils peuvent compter sur une croissance assez régulière de la demande. En conclusion, puisque l'amélioration du niveau de l'emploi dépend d'une reprise soutenue et qu'une telle reprise devra s'appuyer sur une majoration des dépenses d'équipement, les autorités ne seront en mesure de réduire le chômage que si elles parviennent à créer l'environnement qui permettra aux entreprises de reprendre confiance dans une croissance équilibrée à long terme. En ce qui concerne l'évolution des prix, nous savons à présent que l'explosion inflationniste de 1973-74 a été engendrée par l'emballement synchronisé de la conjoncture mondiale au début des années soixante-dix; elle est donc en grande partie imputable, abstraction faite du relèvement massif du prix du pétrole, aux faiblesses de la gestion monétaire et budgétaire de certains grands pays industrialisés. Il est par ailleurs évident que le niveau obstinément élevé des taux d'inflation actuels ne peut plus s'expliquer par l'existence d'une demande excédentaire généralisée, ni même probablement par l'apparition occasionnelle de goulets d'étranglement dans tel ou tel secteur; ces taux résultent, au contraire, des pressions qui s'exercent au niveau des revenus et, partant, des coûts. Dans bon nombre de pays, cette poussée provient essentiellement de la persistance de -l'inflation salariale; dans d'autres, où la progression des rémunérations s'est notablement ralentie, elle tire sa source de la reconstitution indispensable des marges bénéficiaires, qui avaient été considérablement laminées par la montée des salaires, la détérioration des termes de l'échange et l'effondrement de la demande finale. Si ce processus s'explique en partie par le comportement d'agents économiques désireux de se protéger contre les effets de l'inflation antérieure, il provient également de la permanence de vives anticipations inflationnistes. Comment expliquer autrement qu'un marché, où depuis si longtemps l'offre dépasse la demande, exerce une influence aussi faible sur les prix de tant de facteurs de production, de biens et de services ? *{ pagination originale du document: p.175} C'est en raison de la persistance de ces attentes inflationnistes que, dans le Rapport, l'accent a été mis tout particulièrement sur le problème des pays où la hausse des prix internes s'est trouvée amplifiée par une dépréciation de la monnaie. Il est certain' que dans tous les pays, le déclenchement du processus inflationniste peut être mis sur le compte de politiques intérieures trop laxistes; là où l'inflation sévit toujours, elle est nourrie le plus souvent par l'expansion monétaire. Il est tout aussi vrai que de telles politiques sont de nature à favoriser les anticipations inflationnistes; mais il serait erroné de sous-estimer le fait que c'est l'expérience elle-même de l'inflation, et particulièrement de son accélération, qui entretient le plus directement les anticipations - quelle que soit par ailleurs L'origine immédiate de la hausse des prix. Aussi serait-ce une gageure que de prétendre extirper l'inflation par la seule application d'une politique interne rigoureuse, alors qu'une monnaie qui se déprécie ne cesse, par son incidence sur les prix intérieurs, d'alimenter les attentes inflationnistes des salariés, chefs d'entreprise, consommateurs et investisseurs. Tel est le cas lorsque le mouvement de dépréciation se prolonge, en dépit de l'application de politiques restrictives appropriées sur le plan monétaire, budgétaire ou dans le domaine des revenus. S'il est reconnu qu'un de leurs objectifs essentiels est de maîtriser les anticipations de hausses des prix, les autorités doivent en conséquence accorder toute l'attention requise à la stabilisation des taux de change, qui viendra compléter l'application de politiques restrictives internes - mais ne pourra jamais s'y substituer. Deux conclusions générales émanent de ces propositions. La première est qu'il n'existe pas de thérapeutique susceptible de faire disparaître rapidement le chômage et l'inflation. Seule une action patiente, à moyen et à long terme, permettra de faire renaître l'optimisme dans les milieux d'affaires, eu égard à la rentabilité des entreprises et aux perspectives de croissance équilibrée, et parviendra à susciter la confiance de l'opinion publique dans le retour à la stabilité des prix. La seconde conclusion est qu'inflation et chômage sont intimement liés. La croyance à la persistance de l'inflation constitue désormais l'une des principales entraves aux investissements, l'inflation étant elle-même source d'incertitude: son taux peut varier; la dispersion des prix individuels autour de la moyenne est très élevée; enfin, il est fort probable que l'inflation amène les pouvoirs publics à adopter des mesures restrictives. Inversement, pour que la lutte contre l'inflation soit efficace, elle doit s'accompagner d'une modération dans la progression des coûts de main-d'ouvre. Mais pour conjurer le risque d'une stagnation de la demande, il conviendra de développer suffisamment les investissements afin qu'ils engendrent des emplois ec des revenus, et que, par voie de conséquence, ils accroissent la dépense globale à la fois directement, en favorisant la demande de biens d'équipement, et indirectement, en stimulant les dépenses en biens de consommation et en services. Pour combattre l'inflation et le chômage, les Pouvoirs publics devront concevoir une stratégie à moyen et à long terme utilisant tout l'arsenal des instruments politiques disponibles, et doser ces moyens d'action en fonction des besoins spécifiques des divers pays. Quelques recommandations générales semblent toutefois pouvoir être émises. Elles reposent toutes sur l'hypothèse que la politique visera avant tout à maintenir un régime de croissance modéré mais régulier. *{ pagination originale du document: p.176} La politique monétaire peut jouer un rôle primordial en fixant - et de préférence en annonçant - des objectifs quantitatifs de croissance des agrégats. Les pays désireux d'intervenir le moins possible sur le marché des changes opteront plutôt pour l'objectif de la masse monétaire, alors que pour ceux qui choisissent de ne pas trop exposer leur taux de change à l'influence des forces du marché, il peut être préférable de définir l'objectif en termes d'expansion du crédit interne. Le simple fait de fixer des objectifs crédibles, et de rendre en même temps publique l'intention de ramener graduellement la progression des agrégats à des rythmes plus appropriés, peut nettement contribuer à atténuer les anticipations inflationnistes. En ce qui concerne la politique budgétaire, les autorités devraient se garder de deux attitudes extrêmes: lui assigner la tâche de compenser les moindres fluctuations de la demande privée ou, au contraire, considérer qu'elle a perdu toute efficacité. Elles devraient plutôt se montrer ouvertement disposées à administrer des stimulants budgétaires dans l'hypothèse où l'insuffisance de la demande globale du secteur privé serait clairement démontrée et non point dans le cas où l'on constaterait un léger écart par rapport à l'évolution escomptée des dépenses. S'il s'avère nécessaire de recourir à ces stimulants, il pourrait être plus indiqué de réduire les impôts que d'accroître délibérément les dépenses. Mais il conviendrait également de développer les investissements publics, tout en freinant les éléments de dépenses publiques - consommation et transferts sociaux - qui ont précisément fait preuve d'une progression foudroyante dans de nombreux pays. Il apparaît, en outre, que la plupart des pays seront amenés à compléter leur politique monétaire et budgétaire traditionnelle par des mesures de limitation directe de la croissance des revenus nominaux. C'est un domaine dans lequel chaque pays modulera, sans nul doute, son action en fonction de l'environnement national, politique et économique. Les solutions qui s'offrent sont multiples, et vont de la politique des revenus imposée par les autorités à l'adoption d'objectifs de caractère général bénéficiant de l'assentiment de la communauté nationale. Enfin, l'importance accordée aux politiques globales à moyen et à long terme n'exclut certainement pas le recours à des mesures visant à atténuer l'incidence de la concentration du chômage dans certaines zones ou certaines catégories de la population, notamment parmi les jeunes. Sur le plan de l'économie mondiale, la situation se présente sous un jour plus favorable, tarit en ce qui concerne les problèmes que leurs solutions, même si, de prime abord, cet optimisme relatif semble à peine justifié, C'est ainsi que nous sommes toujours confrontés, au niveau des paiements internationaux, à de lourds déséquilibres qui, en termes globaux, ne sont pas près de se réduire, et encore moins de se résorber, dans un proche avenir. En l'absence d'économies draconiennes dans l'utilisation de l'énergie, l'excédent pétrolier, fortement concentré pour l'heure sur une poignée de pays à faible capacité d'absorption, demeurera. Dans le même temps, le groupe des pays en voie de développement non producteurs de pétrole connaîtra encore des déficits "structurels" des transactions courantes, et certains déséquilibres sont appelés à se perpétuer au sein du groupe des pays développés. *{ pagination originale du document: p.177} Ces prédictions se fondent, en premier lieu, sur la conviction que le processus d'ajustement s'opérera lentement, étant donné que les modifications des taux de change, pourtant inévitables et nécessaires dans bien des circonstances, n'entraînent pas un ajustement rapide. En ce qui concerne l'excédent pétrolier global, il est manifeste que les variations des taux de change ne donnent lieu à aucun ajustement. Dans le cas des pays en voie de développement non producteurs de pétrole, l'efficacité de la dépréciation est atténuée par l'inélasticité de l'offre et de la demande inhérente à des rigidités structurelles. Dans ceux des pays développés - et c'est la majorité des cas -dont les économies sont de taille relativement modeste et largement ouvertes sur l'extérieur et dont les prix et revenus internes réagissent rapidement à l'évolution des taux de change, les dépréciations et appréciations en tant que telles ne conduisent que rarement à des modifications des taux de change réels. Il n'est de changement effectif dans la compétitivité que si l'évolution de la valeur externe de leur monnaie s'accompagne de mesures internes appropriées: restrictions monétaires et budgétaires dans les pays dont la monnaie se déprécie, orientation expansionniste dans ceux où elle s'apprécie. À défaut de telles politiques, les mouvements des taux de change risquent fort d'entraîner dans leur sillage les prix internes, de telle sorte que l'évolution des taux d'inflation internes neutralisera rapidement les modifications de la valeur externe de la monnaie. Mais, l'état actuel de l'économie mondiale - en particulier dans les pays industrialisés occidentaux - justifie-t-il la mise en ouvre généralisée de politiques rigoureuses d'ajustement interne La réponse n'est pas évidente. D'un côté, comme les anticipations inflationnistes sont toujours vivaces, ce serait une grave erreur que d'insister auprès des pays excédentaires afin qu'ils accélèrent leur rythme d'expansion interne, simplement parce que certains observateurs sont d'avis que les prévisions de croissance officielles pour 1977 pourraient pêcher par excès d'optimisme. Les pays excédentaires se sont taillé une position de force grâce à une gestion prudente de la demande, et sont en droit de considérer la stabilité des prix internes comme un objectif essentiel de leur politique économique; bien plus, il est de l'intérêt général qu'il en soit ainsi. Mais il serait tout aussi erroné pour l'ensemble des pays déficitaires de s'engager simultanément dans la voie de politiques fortement restrictives, dans un climat de reprise hésitante et de chômage généralisé. De toute façon, c'est à ces pays que la tàche échoira essentiellement d'amorcer l'ajustement; dans le même temps, la période d'ajustement est, dans certains cas, appelée à se prolonger. La persistance probable de déséquilibres globaux continue donc d'assombrir les perspectives d'évolution des balances de paiements dans le monde. Cependant, les raisons d'être optimistes en ce qui concerne leur financement l'emportent sur le pessimisme que pourraient inspirer ces considérations. Tout d'abord, l'offre de fonds destinés à financer les balances de paiements a, jusqu'à présent, répondu normalement à la demande: il suffit pour s'en convaincre de se référer à l'intensification totalement imprévue du volume net des prêts internationaux privés en 1976. Il ne s'agit pas là simplement d'une constatation ex post - les déséquilibres effectifs des transactions courantes étant financés par définition - mais d'un phénomène beaucoup plus significatif: la preuve en est que maints pays en proie à des déficits considérables des paiements courants sont parvenus à accroître leurs réserves extérieures et que peu d'entre eux ont eu à recourir à des restrictions commerciales. Ensuite, ces flux financiers privés peuvent très bien se poursuivre dans l'avenir sur une assez vaste échelle, à condition toutefois qu'il existe une souplesse suffisante dans la situation de la balance des paiements des pays pris individuellement et non pas considérés par groupes. *{ pagination originale du document: p.178} Fort heureusement, il ne s'agit pas là simplement d'un voeu pieux: nombre de pays déficitaires ont en effet réussi en 1976 à améliorer leur solde extérieur, alors que d'autres sont en voie de le faire en 1977. Si ce réaménagement des positions extérieures individuelles ne s'interrompt pas, la crainte d'un écroulement de l'intermédiation financière des banques entre pays excédentaires et pays déficitaires s'en trouvera fortement atténuée, Enfin, si le fardeau du service de la dette est devenu d'un poids excessif dans quelques pays, il ne semble pas que ce soit le cas pour les pays en voie de développement non producteurs de pétrole considérés dans leur ensemble. En d'autres termes, le volume loi0bai des prêts peut se maintenir à un niveau élevé, dans la mesure où l'ajustement s'opère dans les pays qui accusent depuis un certain temps d'importants déficits et ont ainsi accumulé un endettement excessif. Ces considérations autorisent à un optimisme raisonnable quant au financement futur des déséquilibres de paiements. En même temps, cependant, elles indiquent un certain nombre de directions dans lesquelles la communauté internationale dans -un ensemble se devrait d'orienter son action, pour que les banques continuent (comme le préconise le Rapport) à fournir des capitaux aux pays déficitaires même si ces apports n'atteignaient pas les montants de ces trois dernières années. Deux lignes d'action, en particulier, doivent être suivies. Il convient d'abord de disposer de meilleures informations sur les pays débiteurs. Cet objectif pourrait être réalisé à la fois par l'entremise des organismes internationaux, et en incitant les banques prêteuses à rassembler - et les pays emprunteurs à fournir - des données plus détaillées, mises à jour et fiables, sur l'endettement extérieur et l'importance des charges supportées au titre du service de la dette par les débiteurs potentiels. Certes, l'amélioration de l'information ne garantit pas automatiquement une amélioration des méthodes d'octroi de prêts. Elle n'élimine pas les risques non plus; mais elle permettrait à cette compétition de se dérouler au grand jour plutôt que dans les coulisses. Sur tous les marchés, l'information adéquate est la condition préalable à un fonctionnement correct des relations entre la demande et l'offre. Ensuite, il faut promouvoir d'autres formes de financement susceptibles d'alléger la charge des banques privées. Les banques seront mieux à même de poursuivre leur rôle d'intermédiaires financiers, si les risques de liquidité qu'elles assument dans le processus d'allongement des échéances et les engagements qu'elles contractent vis-à-vis des pays pris individuellement ne prennent pas des proportions excessives. C'est, à n'en pas douter, le financement additionnel à long terme qui permettrait d'obtenir les progrès les plus tangibles. Les courants de capitaux à long terme supprimeraient le besoin de recourir à l'allongement d'échéances par le biais des intermédiaires financiers, et fourniraient également un cadre financier plus approprié pour opérer le transfert de ressources réelles vers les pays à déficit "structurel", qu'il s'agisse de pays en voie de développement non producteurs de pétrole ou d'économies plus développées engagées dans un processus d'industrialisation rapide. Les pays à excédent courant chronique se doivent d'encourager les exportations de capitaux de cette nature, qui pourraient prendre la forme d'une aide au développement, de prêts à long terme ou d'investissements directs. *{ pagination originale du document: p.179} En plus de ces modifications dans les mouvements de capitaux, on peut également envisager une seconde forme de substitution, impliquant un élargissement du rôle de bailleurs de fonds joué par les institutions international es, par l'intermédiaire de la facilité spéciale mise en place par le FMI par exemple, ou d'un système de garantie multinationale, tel que le filet de sécurité de l'OCDE. De tels prêts s'avèrent tout à fait justifiés pour des pays dont le déficit courant et l'endettement à court terme sont à ce point élevés qu'ils tendent à dissuader les banques d'augmenter leurs avances. Heureusement, peu de pays connaissent semblable situation. Mais lorsque ce problème se pose, il peut se révéler souhaitable que le pays emprunteur bénéficiant d'un prêt à plus longue échéance s'engage en même temps résolument à mettre en ouvre une politique d'ajustement rigoureuse. Pour ce type de prêts conditionnels, les organismes officiels conviennent manifestement mieux que les prêteurs privés. En outre, les prêts conditionnels pourraient grandement faciliter les variations dans les positions extérieures des pays individuels, ce qui, comme indiqué plus haut, constitue le préalable à tout fonctionnement adéquat des marchés financiers privés. Si les autorités optent pour de telles orientations - et il y a quelque raison de penser qu'elles le feront - rien ne permet de supposer que le cadre institutionnel actuel ne serait pas en mesure d'assurer le financement des balances de paiements, même si les chiffres globaux demeurent impressionnants. Dans une perspective à plus long terme, toutefois, le maintien de l'ordre international à divers niveaux - commerce, monnaies, finance -dépendra de la capacité des pays, pris individuellement, de s'attaquer aux problèmes spécifiquement internes: croissance inadéquate, chômage excessif et inflation élevée. On peut admettre que, dans les dernières années de son existence, le système de Bretton Woods a quelque peu contribué à l'apparition du boom inflationniste mondial observé au début des années soixante-dix et de la profonde récession qui s'ensuivit. Pour l'heure cependant, la responsabilité de l'initiative repose à nouveau indiscutablement sur les épaules des autorités nationales. Les pays déficitaires ont appris à leurs dépens que la dépréciation d'une monnaie ne les met pas à l'abri du chômage, mais qu'elle ajoute encore à la difficulté de juguler l'inflation; dans le même temps, les pays excédentaires, s'ils ont obtenu dans la lutte contre l'inflation de meilleurs résultats que n'en ont enregistrés leurs voisins dans la réduction du chômage, ne sont pas parvenus à éliminer totalement l'inflation, et sont tout autant affectés par le problème du chômage. Ainsi, la nécessité d'améliorer notre système monétaire international, toujours fort imparfait, ne doit pas faire oublier que les problèmes du chômage et de l'inflation doivent être traités à leur source, c'est-à-dire, lu niveau des économies nationales elles-mêmes.