*{ Banque des Règlements Internationaux, 55e Rapport Annuel, Bâle, 1985, pp.3-12, 202-210. } *{ pagination originale du document: p. 3} 1. CROISSANCE: NOUVEAUX DÉFIS. La reprise économique dans le monde industriel occidental se trouve maintenant bien engagée dans sa troisième année. Elle a démarré aux États-unis dans les derniers mois de 1982 et n'a cessé d'être stimulée par l'économie américaine. Le processus de reprise s'est à présent diffusé non seulement à tous les pays industrialisés, mais aussi à une grande partie du monde en développement. Ce renouveau d'expansion a incontestablement exercé des bienfaits considérables sur l'économie mondiale. Il a marqué un tournant à l'issue de la récession la plus longue, et dans certains pays la plus profonde, de l'après-guerre. Il s'est traduit par la création de millions d'emplois dans l'économie américaine et a au moins permis d'enrayer la détérioration de la situation sur les marchés du travail en Europe. Il a grandement facilité les efforts d'ajustement extérieur des pays débiteurs et contribué à désamorcer la crise de l'endettement. Dans un tel contexte, les systèmes bancaires des pays industriels sont parvenus à renforcer leurs fonds propres. La reprise actuelle présente également d'autres aspects encourageants. Il s'agit avant tout des résultats assez impressionnants obtenus sur le plan de l'inflation. Cette fois, il n'a pas été nécessaire de recourir à un freinage anti-inflationniste de la demande qui, dans le passé, a si souvent entravé la reprise économique après seulement quelques années de croissance. Le mérite en revient en grande partie à la modération de la hausse des salaires nominaux. De plus, par suite de l'évolution relativement satisfaisante des coûts unitaires de main-d'ouvre, la rentabilité des entreprises s'est sensiblement améliorée dans la plupart des pays industriels. L'activité d'investissement s'est accélérée de manière vigoureuse aux États-unis, mais elle s'est également raffermie au japon et dans quelques pays d'Europe occidentale. En même temps, de nombreux gouvernements ont entrepris une action résolue, souvent couronnée de succès, pour réduire à la fois le déficit du secteur public et le poids des dépenses de l'État; de même, ils se sont employés à éliminer ou à atténuer les rigidités structurelles sur les marchés du travail et des biens. Enfin, même l'instabilité fortement accrue, et la baisse récente, du cours de change du dollar ne semblent pas avoir perturbé pour l'instant le climat favorable des affaires dans le monde et n'ont pas non plus provoqué de tensions au sein du Système monétaire européen. Dans ce contexte somme toute positif - que les observateurs les plus optimistes ne se seraient guère hasardés à prévoir durant les mois de crise de 1982 - le présent Rapport se propose d'examiner quelques secteurs critiques où des difficultés risquent de se poser dans l'avenir. Certaines pourraient compromettre directement la croissance économique en cours dans les pays industriels, voire provoquer une récession prématurée. D'autres risquent d'engendrer un surcroît d'instabilité et d'agitation sur la scène financière et de conduire, en fin de compte, au même résultat. Dans ce Rapport, l'attention du lecteur est appelée sur quatre domaines de préoccupation: les problèmes étroitement liés du chômage et de l'inflation; les implications, pour la conduite de la politique monétaire et l'activité de surveillance bancaire, de marchés des capitaux de plus en plus intégrés à l'échelle internationale, innovateurs et progressivement libérés des contraintes administratives; l'évolution des taux de change et les déséquilibres des comptes extérieurs entre les pays industrialisés; enfin, la situation de l'endettement international. Chômage et inflation. Pour le premier de ces domaines, l'une des composantes est ressentie dans toute son acuité, du moins en Europe occidentale, où les divers responsables de la politique économique sont directement confrontés au problème du chômage. Ce qui est perçu moins nettement, en revanche, c'est le fait que, par rapport à l'ampleur du sous-emploi des ressources humaines, les succès remportés dans la lutte contre l'inflation tendent à paraître plus modestes et l'on peut légitimement se demander si ces progrès sont définitivement acquis. Certes, l'évolution des prix a été satisfaisante, si l'on se réfère aux taux d'inflation élevés enregistrés il y a quelques années, et a peut-être même dépassé les espérances. Mais ce succès relatif dans la lutte contre l'inflation ne saurait être isolé du niveau préoccupant du chômage, particulièrement en Europe occidentale. Si, à cet égard, les résultats obtenus par les États-unis sont relativement bons, ils ne sauraient toutefois, pour diverses raisons, être considérés comme pleinement satisfaisants. L'inflation ne s'est pas accélérée aux États-unis jusqu'à présent, malgré un recul sensible du chômage, mais que se passerait-il si le dollar devait revenir à des niveaux plus normaux? D'autre part, les progrès accomplis en Europe occidentale contre l'inflation sont assez remarquables, en dépit de la vigueur du dollar, mais au prix de quel taux de chômage? Le japon est peut-être le seul pays qui puisse prétendre, non sans raison, que ni l'inflation ni le chômage ne constituent un problème sérieux pour son économie. Cette situation soulève des questions fondamentales, tant sur le plan de l'analyse qu'en termes de politique économique, qui ne peuvent rester beaucoup plus longtemps sans réponse. Deux faits préoccupants devraient servir de point de départ à une réflexion novatrice, dont le besoin se fait cruellement sentir dans ces deux domaines. Le premier est que des politiques macro-économiques anti-inflationnistes sont appliquées depuis près de cinq ans maintenant dans la plupart des pays occidentaux sans avoir réussi à extirper l'inflation. Le second est que la reprise se trouve à un stade déjà avancé et qu'elle a tout au plus permis d'enrayer la montée du chômage en Europe et de procurer aux États-unis un soulagement qui n'est que partiel et inégalement réparti. Pis encore, les perspectives d'un recul vraiment sensible du chômage en Europe sont limitées, même si la croissance devait se poursuivre à un rythme modéré pendant quelques années. *{ pagination originale du document: p. 5} La conclusion qui se dégage, à l'évidence, de cette double constatation est que quelque chose de fondamental s'est déréglé dans le mécanisme de formation des prix de nombreux pays industriels occidentaux, tout particulièrement, mais pas uniquement, sur le marché du travail: les prix ne remplissent plus leur rôle d'équilibrage du marché en présence d'une offre excédentaire, alors qu'ils réagissent de façon assez rapide et asymétrique à un excédent de demande. Comment expliquer cela? Une longue période de plein emploi, accompagnée d'une inflation rampante et d'un engagement officiel de s'opposer à toute récession, a-t-elle introduit un déséquilibre dans les anticipations de prix des agents économiques? Le cadre institutionnel à l'intérieur duquel fonctionne le marché du travail - salaires minimaux, allocations de chômage généreuses et prolongées, coût élevé associé à la réduction de la main-d'ouvre excédentaire - a-t-il fondamentalement perturbé les mécanismes de formation des salaires? L'indexation a-t-elle permis à de vastes secteurs de la population de se protéger contre l'érosion des revenus par l'inflation? Les agents économiques doutent-ils du sérieux de l'engagement pris ces dernières années par les autorités de poursuivre la lutte contre l'inflation? Ou estiment-ils simplement que, si la politique monétaire restrictive ne bénéficie pas du soutien d'autres composantes de la politique économique, elle ne parviendra pas, à elle seule, à extirper l'inflation? Il ne serait pas raisonnable de prétendre connaître les réponses à ces questions, mais, sous l'angle de l'action des autorités, une conclusion importante semble néanmoins s'imposer: si l'on ne parvient pas à conférer une plus grande souplesse, dans les deux sens, au processus de formation des prix et des salaires, on ne peut espérer que nos économies industrielles bénéficient d'une croissance suffisamment rapide pour résorber le chômage dans un avenir proche. Toute accélération marquée de l'activité résultant uniquement d'un assouplissement des politiques macro-économiques risque fort de raviver l'inflation, ce qui mettrait rapidement un terme au processus de croissance lui-même. D'autre part, des taux de croissance suffisamment modérés pour permettre de garder la maîtrise de l'inflation s'accompagneraient sans doute de gains de productivité plutôt que d'un relèvement du niveau de l'emploi, particulièrement en Europe, où les rigidités du marché du travail pourraient parfaitement continuer à orienter la formation de capital fixe vers des investissements destinés à économiser de la main-d'ouvre. La conclusion, plutôt amère, qui en découle, est que, compte tenu de la situation actuelle sur les marchés du travail et des biens, aucune politique macro-économique, quel qu'en soit la forme ou le contenu, ne peut, par elle-même, engendrer simultanément le plein emploi et la stabilité des prix. En termes plus positifs, si l'on veut restaurer l'efficacité des politiques macro-économiques, il faut nécessairement doter les marchés d'une souplesse beaucoup plus grande. Modifications structurelles sur les marchés des capitaux. Un deuxième domaine de préoccupation concerne les modifications structurelles intervenues depuis quelque temps déjà dans l'activité des intermédiaires financiers et le fonctionnement des marchés des capitaux. *{ pagination originale du document: p. 6} Ces changements, de trois types, sont liés dans une certaine mesure. Il s'agit, tout d'abord, des innovations financières, c'est-à-dire de techniques et d'instruments financiers nouveaux. Leur apparition a été favorisée par divers besoins, dont le plus important est le désir des agents économiques de réduire au minimum les coûts dérivant de la fiscalité et des réglementations et de se prémunir contre l'incertitude suscitée par les fluctuations imprévues des taux d'intérêt et des taux de change. Dans de nombreux cas, le progrès technologique facilite la mise en ouvre d'idées novatrices. Les principaux exemples de ces innovations sont l'utilisation croissante des contrats à taux d'intérêt variable, des swaps de taux d'intérêt et de devises, des émissions d'obligations ou d'effets assorties de diverses clauses de mobilisation et de prise ferme, et les marchés à terme d'instruments financiers. Un deuxième type de modifications, qu'on peut appeler pour plus de commodité "déspécialisation institutionnelle", concerne l'effacement des lignes de démarcation entre les diverses catégories d'institutions financières ou entre le rôle des institutions financières et celui des marchés. Ce processus s'est réalisé en partie de manière progressive, dans le cadre des réglementations existantes, souvent d'ailleurs parce que de nouveaux instruments financiers ont été utilisés simultanément par différentes catégories d'intermédiaires. Il a, en outre, été stimulé par l'action délibérée entreprise par les autorités pour assouplir les contraintes administratives. Il résulte, enfin, de la croissance rapide de l'épargne financière et des efforts mis en ouvre à cet égard par les institutions financières pour élargir la gamme des services offerts à leur clientèle. La troisième catégorie de changements structurels affectant les activités des intermédiaires et des marchés a trait à leur internationalisation; cette évolution, qui s'était amorcée dès les années soixante, se trouve peut-être déjà en phase de ralentissement. Toujours est-il que, de par son ampleur, elle a radicalement modifié la nature de l'intermédiation financière. Elle apparaît, dans son sens le plus large, dans l'expansion considérable des flux internationaux de capitaux, avec des conséquences spectaculaires pour l'évolution des taux de change, comme l'examine la section suivante. D'une manière plus précise, cette internationalisation a surtout touché les systèmes bancaires des pays industriels. Les engagements internationaux des banques se sont gonflés de manière considérable au cours des quinze dernières années, ainsi que l'attestent les données suivantes: part élevée des actifs et passifs extérieurs dans leur bilan; proportion, souvent croissante, des postes du bilan libellés en monnaies étrangères; recours parfois massif au financement interbancaire international et rapport élevé entre les risques-pays et les fonds propres. Ces changements ont d'amples et profondes implications et affectent l'ensemble du cadre opérationnel des marchés des capitaux et des intermédiaires financiers, surtout aux États-unis et au Royaume-uni, bien que les systèmes financiers des autres pays industriels s'en ressentent aussi fortement, ne serait-ce que par le biais des innovations massives qui se sont produites dans le compartiment international de leurs activités. Dans le même temps, tous les systèmes financiers ont dû s'accommoder d'un processus de désinflation qui, presque par définition, implique des chocs et des risques, au niveau tant national qu'international, ainsi que d'amples fluctuations des taux d'intérêt et d'une instabilité nettement accrue des taux de change. *{ pagination originale du document: p. 7} Cette situation est sans précédent dans l'histoire économique; l'expérience antérieure ne peut donc pas servir de guide à l'analyse. Un aspect positif de ces changements est qu'ils contribuent tous à intensifier la concurrence et à proposer à la clientèle non financière une gamme élargie de services financiers mieux adaptés à ses besoins. En d'autres termes, ils devraient provoquer une réduction des coûts de transaction et assurer une allocation plus efficace des ressources sur les marchés des capitaux. Ils soulèvent en même temps certaines questions assez préoccupantes, dont deux présentent une importance plus particulière. La première concerne l'efficacité de la politique monétaire, surtout dans les pays qui ont adopté des agrégats monétaires comme objectifs intermédiaires. Du fait de l'extension progressive de la gamme d'instruments financiers et de l'effacement des frontières entre les institutions, il est devenu difficile de déterminer quels types d'engagements de quelles catégories d'institutions les autorités doivent retenir comme variable-objectif; et, du fait de la plus grande substituabilité des actifs financiers, il est de plus en plus malaisé d'atteindre l'objectif fixé. En outre, le mécanisme de transmission, autrement dit la manière dont l'objectif intermédiaire influence l'économie "réelle", peut également avoir été affecté par l'innovation financière. Il n'apparaît pas clairement, par exemple, comment et dans quelle mesure des taux d'intérêt variables, ou la possibilité de se couvrir contre les variations des taux d'intérêt par le biais de contrats à terme d'instruments financiers, vont influencer les décisions d'investissement. En somme, la belle simplicité de l'approche fondée sur les objectifs - si tant est que l'on ait jamais pu parler de simplicité -pourrait fort bien se transformer en une grande complexité technique, susceptible de remettre en cause l'un de ses principaux avantages, à savoir sa capacité de modifier les anticipations inflationnistes des agents économiques. Dans ces conditions, la crédibilité de l'action monétaire devient de plus en plus tributaire des résultats finals obtenus, ce qui fait peser un fardeau vraiment très lourd sur la politique monétaire. La seconde préoccupation suscitée par ces changements concerne leur incidence potentielle sur la stabilité financière. Il est fort possible que des marchés financiers libérés de toute contrainte, hautement concurrentiels et innovateurs, soient aussi stables, sinon plus, que des marchés soumis à des règles strictes imposées par la tradition ou la réglementation officielle - même si, comme on vient de le voir, un tel espoir ne peut reposer que sur des considérations théoriques et non sur l'expérience passée. De toute façon, là n'est pas la question. La déréglementation et l'innovation ne peuvent, surtout dans un cadre international, engendrer du jour au lendemain un marché absolument libre. Ce sont deux éléments d'un long processus, qui risque fort de modifier profondément la rentabilité des diverses catégories d'intermédiaires financiers, de soumettre les responsables bancaires à une difficile période d'apprentissage et d'adaptation et d'assombrir la transparence des institutions, des transactions et des marchés financiers, qui revêt une telle importance pour les décisions des agents économiques à l'égard des risques encourus. *{ pagination originale du document: p. 8} L'activité de surveillance bancaire, sur laquelle il faut s'appuyer pour exercer une action compensatrice de stabilisation, est soumise à une rude épreuve durant cette phase de transition. Évolution des taux de change et déséquilibres extérieurs. L'une des caractéristiques les plus frappantes de 1984 et des premiers mois de 1985 a été la conjonction d'un dollar très fort et d'un déficit croissant de la balance américaine des paiements courants. Entre le mois de janvier 1980 et le début de mars 1985, le taux de change effectif réel du dollar s'est accru de près de 60 pour-cent; cette appréciation est intervenue pour un quart environ entre juin 1984 et le début de février 1985. Le déficit de la balance des opérations courantes des États-unis en 1984 a atteint le chiffre énorme de $100 milliards, qui ne représente pourtant "que" 2,75 pour-cent du produit national brut de ce pays, soit un pourcentage comparable à celui de l'excédent de la balance des paiements courants du japon. Les raisons de cette situation sont, jusqu'à un certain point, assez simples et difficilement contestables. Le déséquilibre extérieur des États-unis est dû pour une partie - près de la moitié environ - à la position en flèche de l'économie américaine dans le cycle par rapport au reste du monde industrialisé. Le protectionnisme étranger a certainement touché nombre d'industries américaines, mais ce phénomène n'est pas vraiment nouveau et n'a probablement pas joué un rôle déterminant dans la détérioration des comptes extérieurs des Etatsunis. Celle-ci a été essentiellement provoquée par l'appréciation du dollar, qui a considérablement érodé la compétitivité de l'ensemble du secteur de l'économie américaine exposé à la concurrence internationale. Comme ce mouvement de hausse s'est accompagné d'un élargissement du déficit des échanges de biens et services, il ne peut s'expliquer que par l'ampleur des importations de capitaux. C'est à ce stade que l'analyse devient sujette à controverse. D'aucuns prétendent que la vigueur du dollar n'a fait que refléter la position des États-unis en tant que pôle d'attraction des placements. Par suite de la politique d'allégements fiscaux et de stimulation de l'offre mise en ouvre par l'Administration américaine et du fait de la puissante expansion de l'activité économique qui en est résultée, les perspectives de rendement des investissements sont devenues nettement plus intéressantes aux États-unis qu'ailleurs. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater le vif redressement de l'activité d'investissement au sein même de l'économie américaine. D'autres soulignent le rôle des taux d'intérêt et du déficit budgétaire des États-unis. L'attrait du dollar aurait été conforté par la persistance d'un écart, certes variable, des taux d'intérêt à long et à court terme favorable aux actifs financiers libellés en dollars. Toujours selon cette opinion, le niveau élevé des taux d'intérêt nominaux et réels aux États-unis serait surtout la conséquence de l'ampleur et de la progression de la composante "structurelle" du déficit budgétaire américain. En même temps, la vigueur de la demande interne de crédit, combinée avec la réticence des banques américaines à accroître au même rythme qu'il y a quelques années leurs créances extérieures sur les pays à hauts risques, a attiré d'importantes entrées de fonds bancaires aux États-unis. *{ pagination originale du document: p. 9} L'examen de la balance américaine des opérations en capital semble corroborer ce point de vue. Il montre en effet que les flux bancaires ont massivement contribué aux mouvements de capitaux vers les États-unis; il révèle également que le rôle des flux financiers sensibles à l'évolution des taux d'intérêt a été nettement plus important que celui des investissements directs ou des acquisitions d'actions. Enfin, on peut encore faire valoir, compte tenu en particulier de l'instabilité nettement accrue du dollar durant les premiers mois de 1985, qu'à des niveaux aussi éloignés de la situation fondamentale de l'économie un taux de change peut évoluer de manière autonome - en d'autres termes, que la spéculation peut finir par s'entretenir d'elle-même. Ces différences dans l'analyse influent évidemment sur le choix des solutions à adopter. Leur importance n'est peut-être pas aussi primordiale lorsqu'il s'agit d'évaluer les dangers de la situation actuelle. Ces dangers sont de trois ordres. Le premier, qui est également le plus immédiat, concerne la situation des secteurs de l'économie américaine exposés à la concurrence internationale. Par suite de la hausse continue du dollar et de la détérioration de la balance des paiements courants des États-unis, l'expansion vigoureuse de la demande interne n'a guère exercé d'effets stimulants sur la production de ces secteurs. C'est ainsi que la production industrielle américaine n'a pratiquement pas varié au cours de la période de dix mois se terminant en mars 1985. Par voie de conséquence, l'effet stimulant de la reprise américaine sur le niveau de l'emploi a surtout profité aux autres secteurs - services principalement - qui ne sont pas soumis à la concurrence étrangère. Cette situation suscite, à juste titre, des préoccupations au sujet des implications à plus long terme, pour l'évolution sur le marché du travail, d'un retour à des niveaux de taux de change plus normaux. Pour l'heure, le problème le plus urgent est la vague de protectionnisme qui affecte les États-unis et qui pourrait compromettre sérieusement l'expansion future des échanges internationaux. jusqu'à présent, l'Administration est parvenue, à travers une action judicieuse, à endiguer ces pressions. En posant comme hypothèse que cette opposition demeure efficace, la deuxième préoccupation, exprimée hors des États-unis, et relative aux conséquences d'un dollar fort pour le reste du monde, ne doit pas être exagérée. Il est vrai que l'appréciation du dollar a engendré dans maints pays industriels une hausse des prix à l'importation et entravé de ce fait les effets des politiques désinflationnistes, encore que cette influence ait été atténuée dans une certaine mesure par la modération correspondante des cours des matières premières libellés en dollars. Il est tout aussi vrai que le décrochage des taux d'intérêt n'a pu être aussi complet que ce qui aurait été souhaitable eu égard à la faiblesse de la demande d'investissement dans un certain nombre de pays industriels. C'est pourquoi les taux d'intérêt réels se sont maintenus à des niveaux relativement élevés, hors des États-unis également. Mais ces deux influences défavorables émanant des États-unis ont été largement compensées par les avantages qu'ont retirés les autres pays tant du rôle de locomotive joué par l'économie américaine, sans lequel le commerce mondial n'aurait pas connu d'expansion, que de l'énorme déficit américain des paiements courants, sans lequel l'effort d'ajustement extérieur des pays déficitaires aurait été moins efficace et plus douloureux. *{ pagination originale du document: p. 10} La véritable préoccupation à l'échelle internationale doit davantage porter sur l'évolution future que sur la situation présente - c'est-à-dire sur le caractère potentiellement déstabilisateur du dénouement de la situation actuelle. Il est évident que le déficit américain des paiements courants ne peut pas se maintenir à son niveau actuel; il entraîne, en effet, une détérioration rapide du "bilan" international des États-unis, tant et si bien que le pays le plus riche du monde affiche déjà une position extérieure débitrice nette. Si personne ne peut prévoir les limites quantitatives ou temporelles d'un tel développement, il ne fait aucun doute que ces limites existent. Or, étant donné le degré élevé d'intégration des marchés internationaux et la rapidité habituelle avec laquelle les marchés financiers s'adaptent aux modifications des anticipations, le danger réside dans une réévaluation brutale, par les opérateurs, des avantages d'une nouvelle accumulation d'actifs libellés en dollars. Si ce phénomène devait aller au-delà de certaines limites, le niveau des taux d'intérêt aux États-unis s'en ressentirait nécessairement, en raison de l'importance primordiale des flux de capitaux extérieurs dans le financement de l'économie américaine. Comme les marchés de biens et services ne réagissent pas rapidement, le déficit des paiements courants est relativement rigide et sera donc financé par des entrées de capitaux. Mais à quels niveaux de taux d'intérêt et de taux de change? Au prix de quels chocs réels ou financiers? Et que se passerait-il si cet ajustement coïncidait avec un ralentissement naturel, voire une récession, de l'économie américaine? Cela n'empêcherait-il pas un recul substantiel des taux d'intérêt aux États-unis, pourtant indispensable pour atténuer les conséquences, sur les plans interne et international, d'un essoufflement de l'économie américaine? Au moment de mettre sous presse le présent Rapport - le 13 mai - le dollar était inférieur de 8 pour-cent en termes effectifs à son niveau maximum enregistré durant la seconde moitié de février; son repli était même plus prononcé par rapport à la livre sterling et aux principales monnaies du SME. Si ce mouvement a été parfois brutal et s'est accompagné de brusques accès d'instabilité d'un jour à l'autre, voire d'une heure à l'autre, il n'a pas déclenché pour autant cette séquence d'événements potentiellement déstabilisateurs. Il est d'ailleurs impossible de savoir si cela risque ou non de se produire: on ne peut pas exclure l'éventualité d'un fléchissement modéré et sans à-coups du taux de change actuel à partir de son niveau élevé et insoutenable. Mais l'enjeu est de taille et il incombe aux responsables de la politique économique de tout mettre en ouvre pour éviter l'apparition de perturbations financières, du genre de celles qui viennent d'être évoquées, même si l'on ne peut évaluer, ne serait-ce qu'approximativement, la probabilité d'une telle éventualité. La recherche de solutions visant à résorber de manière ordonnée le déséquilibre extérieur des États-unis est la tâche qui devrait figurer au premier plan des préoccupations des responsables de la politique économique. Situation de l'endettement international. L'évolution favorable de la situation de l'endettement international mentionnée dans le Rapport annuel de l'an passé s'est confirmée depuis lors. Conduites sous l'égide du Fonds monétaire international, les négociations de rééchelonnement et de financement entre les principaux pays débiteurs et les banques se sont généralement déroulées de manière satisfaisante. Les obstacles n'ont pas été faciles à surmonter, mais le sens des responsabilités a fini par prévaloir de part et d'autre de la table de négociation. La conclusion de tels accords n'aurait pas été possible sans la poursuite des efforts d'ajustement extérieur entrepris par de nombreux pays débiteurs. Certes, l'obtention d'excédents commerciaux souvent considérables a été grandement facilitée par l'essor de la demande interne aux États-unis et par le déficit extérieur élevé de ce pays ainsi que par la reprise générale dans le reste du monde industrialisé. Dans le même temps, des différences profondes subsistent entre les divers pays débiteurs en ce qui concerne le degré et la nature de leurs efforts d'ajustement et les résultats obtenus - ce qui donne à penser que l'approche cas par cas utilisée pour résoudre les problèmes d'endettement était justifiée. Malgré ces progrès, on ne peut guère prétendre qu'une solution durable ait été apportée aux problèmes rencontrés par certains pays débiteurs, principalement d'Amérique latine et d'Afrique. Les raisons de cette réserve tiennent à la fois à la situation interne des pays concernés et aux développements qui peuvent se produire sur le plan international. Les problèmes internes des pays débiteurs d'Afrique sont d'une toute autre nature que ceux des pays d'Amérique latine. L'effort d'ajustement extérieur de nombreux pays africains s'inscrit dans un contexte très défavorable: dénuement le plus total d'importants secteurs de la population, situation catastrophique de l'agriculture frappée par la sécheresse et mauvaise gestion économique, des années durant, qui a transformé un timide mouvement de redressement en un processus de décadence économique. Dans un tel environnement, toute tentative d'assainissement à court terme de l'économie doit s'accompagner de politiques de développement interne à long terme et s'appuyer sur l'aide internationale. La plupart des pays débiteurs d'Amérique latine sont engagés depuis longtemps déjà sur la voie du développement; ils disposent, en outre, de ressources humaines abondantes et compétentes, d'une base industrielle relativement diversifiée et, très souvent, d'amples ressources naturelles, même énergétiques dans certains cas. D'autre part, ils ont prouvé qu'ils étaient capables en très peu de temps de renverser complètement la situation de leur balance commerciale. On est en droit de se demander, toutefois, si l'ajustement externe s'est accompagné d'un ajustement interne suffisant pour être durable. Deux domaines, dont Pimportance relative varie selon les pays, suscitent des préoccupations. Il s'agit, tout d'abord, de l'inflation, qui échappe encore pratiquement à tout contrôle dans un grand nombre de pays et s'est même aggravée dans plusieurs. Il est à tout le moins douteux qu'un ajustement externe durable puisse être mené à bien tant qu'on ne se sera pas attaqué à ce problème et à tout ce qu'il implique probablement en termes de politiques monétaires laxistes, de taux d'intérêt réels négatifs et d'indexation des salaires. *{ pagination originale du document: p. 12} Le second domaine, pour lequel l'expérience des pays d'Asie offre un contraste saisissant, concerne la politique industrielle de repli, toujours protectionniste, qui privilégie la substitution de productions nationales aux importations au détriment d'une expansion des exportations. Des signes d'une évolution positive ont été observés dans certains pays, mais il ne s'agit là que d'exceptions. Cela dit, le problème de l'endettement revêt une telle ampleur dans un grand nombre de pays d'Amérique latine, et quelques pays d'autres zones géographiques, que, quelles que soient l'intensité et la nature des efforts d'ajustement entrepris, ces pays ne pourront obtenir des résultats durables que si l'environnement international demeure relativement favorable. Dans le cas des pays les plus lourdement endettés, la dette extérieure représente plus de trois fois les recettes annuelles d'exportations. Avec une charge d'intérêts de 11-12 pour-cent, cela signifie que, pour équilibrer complètement les paiements courants, c'est-à-dire pour être en mesure d'assurer intégralement le service des intérêts sans accroître la dette extérieure, il faut dégager un excédent de balance des opérations courantes (à l'exclusion des paiements d'intérêts) équivalant à plus d'un tiers des recettes d'exportations. Ce ratio s'est légèrement amélioré en moyenne l'an dernier, ce qui confirme que, même en présence d'un endettement extérieur aussi lourd, le rôle de locomotive de l'économie américaine a effectivement compensé l'influence négative des taux d'intérêt élevés sur le dollar. Il importe au plus haut point que cette évolution non seulement ne s'inverse pas mais, si possible, qu'elle s'amplifie. Voilà qui montre l'impérieuse nécessité d'un "atterrissage en douceur" de l'économie américaine; en d'autres termes, les répercussions internationales d'un ralentissement de l'activité aux États-unis doivent être compensées dans une large mesure par une augmentation de la croissance dans les autres pays industriels et s'accompagner d'un recul des taux d'intérêt sur le dollar. Même si l'on y parvenait cependant, les chiffres qui viennent d'être mentionnés montrent clairement que la plupart des pays fortement endettés ne pourront pas dégager un équilibre extérieur durable s'ils misent uniquement sur une évolution positive de leurs paiements courants. Il faut qu'ils bénéficient également d'un retournement favorable des flux de capitaux spontanés qui ne soit pas de nature à alourdir la charge d'intérêts de leur dette extérieure. Deux catégories de mouvements de capitaux semblent répondre à ce critère: l'investissement direct ou les prises de participations et le rapatriement de capitaux évadés. Dans les deux cas, la confiance joue un rôle essentiel et ne saurait être restaurée sans l'application d'un ensemble approprié de politiques internes. *{ pagination originale du document: p. 202} CONCLUSION. L'objectif prioritaire des responsables de la politique économique des pays industrialisés du monde occidental est clair et net: maintenir l'élan de la reprise. C'est la condition indispensable pour pouvoir résoudre la plupart des autres problèmes qui se posent à la fois dans leur propre économie et au niveau de l'économie mondiale en général. Les principales difficultés qui pourraient entraver la réalisation de cet objectif ne sont pas non plus vraiment sujettes à controverse. Dans la situation actuelle, parvenir à une croissance durable implique qu'on se préoccupe spécialement de deux domaines critiques. D'un côté, il convient d'éviter de s'engager dans la voie de politiques susceptibles de raviver l'inflation; en termes plus positifs, les autorités devront s'employer à réaliser de nouveaux progrès sur le front de l'inflation. D'un autre côté, il faut reconnaître qu'une croissance soutenable ne peut s'appuyer sur une structure insoutenable des paiements extérieurs et des taux de change; là aussi, en termes plus positifs, des mesures devront être prises pour résorber de manière ordonnée le déséquilibre extérieur des États-unis. Ces deux conditions préalables d'une croissance durable ne sont pas faciles à satisfaire. Il n'est donc pas étonnant que des divergences se manifestent dès qu'il s'agit de formuler des propositions spécifiques quant aux pays et aux politiques qui devraient entrer en ligne de compte pour réaliser l'objectif que tout le monde s'accorde à reconnaître comme prioritaire. L'un des points fondamentaux de désaccord concerne la contribution que les États-unis eux-mêmes pourraient apporter à un ajustement sans heurts de leur position extérieure, par l'adoption, en particulier, de mesures susceptibles de ramener graduellement le dollar à un niveau plus approprié. Outre le rôle éventuel des interventions sur les marchés des changes, qui est examiné par la suite, la controverse porte sur deux points d'analyse. Les écarts de taux d'intérêt en faveur du dollar ont-ils une responsabilité majeure dans l'appréciation et le niveau élevé de la monnaie américaine? Doit-on attribuer la hauteur des taux d'intérêt américains au dosage des politiques, c'est-à-dire à la combinaison d'un déficit budgétaire "structurel" croissant et d'une politique monétaire "non accommodante"? Le présent Rapport répond par l'affirmative à ces deux questions. Il reconnaît, en même temps, que la valeur du dollar a fort bien pu être influencée aussi par d'autres facteurs, tels que le rétablissement de la confiance dans l'avenir de l'économie américaine, les incertitudes entourant les perspectives économiques ou politiques dans d'autres parties du monde et les ajustements de portefeuille opérés dans le sillage de la libéralisation des marchés financiers dans des pays comme le japon. Il n'exclut pas non plus la possibilité que, en plus de l'influence budgétaire, d'autres facteurs internes - déductibilité fiscale généralisée des charges d'intérêts, amélioration des perspectives de rentabilité, et peut-être persistance d'anticipations inflationnistes - aient pu contribuer à maintenir les taux d'intérêt à des niveaux élevés aux États-unis. Ces éventualités ne doivent pas cependant être exclusives de l'explication principale. Il s'agit de l'importance relative de ces facteurs et non pas d'explications s'excluant mutuellement. *{ pagination originale du document: p. 203} C'est pour deux raisons principales que l'on peut attribuer à l'écart de taux d'intérêt le rôle dominant dans la vigueur du dollar. L'une est l'acceptation, a priori, d'une proposition économique évidente, à savoir que la rémunération d'un actif influe sur sa demande, en particulier lorsque les agents économiques estiment que la qualité de l'actif en question est aussi bonne, voire meilleure, que celle d'autres formes de placement. L'autre raison tient à l'observation statistique. Les statistiques de la balance des paiements des États-unis montrent que les flux bancaires et les autres flux financiers hautement sensibles à l'évolution des taux d'intérêt prédominent dans les entrées de capitaux aux États-unis. Elles ne confirment guère la thèse selon laquelle les capitaux se seraient dirigés vers les États-unis en raison, principalement, de l'attraction exercée par les taux de rentabilité plus élevés des entreprises: le montant net identifié des investissements directs ou des acquisitions d'actions n'a pas joué un grand rôle dans les entrées de capitaux aux États-unis. De même, les statistiques relatives aux bénéfices des entreprises n'indiquent pas non plus que, d'une manière générale, les taux de profit se sont accrus à un rythme beaucoup plus rapide aux États-unis ni qu'ils ont atteint des niveaux sensiblement plus élevés que dans certains autres grands pays industrialisés. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille s'attendre à trouver une corrélation étroite et invariable entre le niveau, ou le taux de variation, de la valeur du dollar, d'une part, et le niveau, ou le taux de variation, des écarts de taux d'intérêt, d'autre part. À certaines périodes, assurément, les anticipations de taux de change finissent par s'entretenir d'elles-mêmes, se dissociant des données réelles, y compris des niveaux ou des variations des taux d'intérêt. Ce phénomène a le plus de chances d'intervenir au terme d'une longue période d'appréciation ou de dépréciation des taux de change. L'histoire économique abonde d'exemples de prix d'actifs qui ont connu une évolution autonome, c'est-à-dire qui ont enregistré des fluctuations vers le haut ou vers le bas, pour s'établir à des niveaux que ne justifiaient pas les données de fond de l'économie; c'est ce qui se produit généralement à l'issue d'une hausse ou d'une baisse prolongée, engendrée par une réévaluation totalement justifiée, à l'origine, des perspectives de rendement. Un phénomène spéculatif de ce genre s'est développé pendant les mois d'hiver 1984-85, lorsque le dollar a poursuivi son ascension, en dépit du rétrécissement, en particulier, de l'écart de taux d'intérêt à court terme par rapport au deutsche mark. Pourtant, malgré ce rétrécissement, l'écart est resté important - et même très élevé dans le compartiment à long terme du marché, de sorte que le cours de change du dollar n'a cessé d'être fortement soutenu par ce facteur. Pour plusieurs raisons également, il convient d'attacher une grande importance au rôle que la politique budgétaire américaine joue dans le maintien des taux d'intérêt à long terme à un niveau élevé aux États-unis. En effet, si les autorités monétaires se sont efforcées - à juste titre - de poursuivre une politique n'accompagnant pas la demande globale de crédit et, partant, les besoins d'emprunt du secteur public, on ne saurait affirmer pour autant que la politique monétaire ait été fortement restrictive dans la pratique. *{ pagination originale du document: p. 204} Les taux tendanciels de croissance des divers agrégats monétaires n'ont pas été spécialement bas; et les taux d'intérêt (nominaux) à court terme sont maintenant revenus à leur niveau de l'été 1978. D'un autre côté, l'élément structurel du déficit budgétaire américain s'est accru à un rythme très rapide au cours des trois dernières années, au point que son expansion a compensé, et au-delà, le recul naturel prononcé de l'élément conjoncturel. En même temps, la demande de crédit du secteur privé s'est raffermie sans qu'il y ait eu amélioration correspondante du taux d'épargne des entreprises et des ménages, de sorte que l'accroissement du déficit budgétaire a été pratiquement identique à l'augmentation du déficit des paiements courants, c'est-à-dire, à celle des entrées nettes de capitaux. En outre - et c'est peut-être l'argument le plus décisif - sauf modifications radicales des programmes de dépenses ou de la fiscalité, ou des deux, non seulement l'élément structurel du déficit budgétaire américain va se maintenir, mais encore il est appelé à s'aggraver au cours des années à venir. Et, comme les paiements d'intérêts nets des États-unis à l'étranger s'accroissent inexorablement, le spectre d'un déficit structurel de la balance des paiements se profile à l'horizon. Ces effets d'anticipation peuvent fort bien expliquer par eux-mêmes pourquoi les taux d'intérêt à long terme demeurent si obstinément élevés, en dépit des résultats impressionnants obtenus dans la lutte contre l'inflation. Ce raisonnement conduit à conclure que la résorption ordonnée du déséquilibre des comptes extérieurs des États-unis passe avant tout par une inflexion sensible de la politique budgétaire américaine, autrement dit par l'adoption d'un ensemble de mesures destinées à ramener progressivement le budget des États-unis à l'équilibre structurel. Il n'est évidemment pas possible de réduire immédiatement et radicalement ce déficit. Une telle compression n'est d'ailleurs pas souhaitable non plus, car l'économie américaine risquerait fort de s'acheminer vers une récession prématurée. Ce qui importe, en revanche, c'est que, très rapidement, gouvernement et Congrès parviennent à un accord crédible sur des mesures incisives, comportant nécessairement une première réduction significative du déficit, mais dont les effets seraient étalés dans le temps. Comme les marchés des capitaux sont de plus en plus dominés par les anticipations, aux États-unis en particulier, on peut raisonnablement espérer que la baisse des taux d'intérêt, notamment dans le compartiment à long terme du marché, provoquée par l'annonce d'un tel accord, l'emporte dans l'immédiat sur l'effet de freinage que peut exercer la compression du déficit sur l'activité économique. On peut également espérer, pour le plus long terme, voir se concrétiser davantage l'éventualité d'un scénario d'atterrissage en douceur. Un tel scénario comporterait un ralentissement modéré de la croissance américaine, un repli additionnel prononcé du loyer de l'argent et de la valeur externe du dollar ainsi qu'une substitution de la demande extérieure à la dépense intérieure. Mais qu'en est-il au sujet de la contribution des autres pays industrialisés à une croissance durable? C'est le second domaine qui est loin de faire l'unanimité, malgré peut-être une certaine convergence d'idées. *{ pagination originale du document: p. 205} Tout d'abord, le point de départ de l'analyse ne suscite pas vraiment de désaccord. Pour que la croissance globale des pays industriels puisse se maintenir durablement aux alentours d'un taux de 3-3,5 pour-cent (par rapport au rythme exceptionnel et insoutenable de 5 pour-cent réalisé en 1984), il faudrait que l'atterrissage en douceur de l'économie américaine s'accompagne d'une certaine accélération du rythme d'expansion de la dépense intérieure dans les autres économies industrialisées. Faute d'une telle accélération, l'allégement du déficit de la balance des paiements courants des États-unis - sans parler d'un retour à l'équilibre - entraînerait nécessairement un essoufflement de la croissance non seulement aux États-unis, mais aussi dans les autres pays industriels. Pour transformer l'accroissement potentiel des exportations américaines en accroissement effectif, il faut que quelque part dans le monde la demande de produits américains se développe. Pour y parvenir, on semble généralement s'accorder sur la nécessité de contenir, voire d'inverser, le courant protectionniste qui affecte le monde industrialisé. Il s'agit là d'un objectif qui demeure valable en toute circonstance, mais dont la réalisation pourrait se révéler capitale dans la situation actuelle, puisque la persistance de la croissance dépend aussi d'une restructuration profonde du commerce mondial. Comment cette mutation pourrait-elle s'opérer si les modifications des échanges internationaux, que devraient induire des mouvements appropriés des taux de change, étaient en fait contrecarrées par des obstacles administratifs ou autres aux importations? En termes plus précis, comment la balance des paiements courants des États-unis pourrait-elle s'acheminer vers un équilibre raisonnable sans risquer de freiner dangereusement le commerce mondial si, pour ne citer que cet exemple, l'excédent des opérations courantes du japon ne pouvait être réduit au travers d'un accroissement sensible des importations dans ce pays? Ce résultat pourrait-il être obtenu par la seule dépréciation du dollar à l'égard du yen? Enfin, un certain consensus semble se dégager sur la nécessité, pour l'Europe occidentale, d'éliminer, ou de continuer à éliminer, les inhibitions fiscales, les obstacles juridiques et les empiétements de tout genre de l'État et des administrations, qui empêchent un véritable renouveau de l'activité d'investissement, même dans un environnement qui, en termes de rentabilité, est devenu nettement plus propice à la formation de capital. En revanche, les avis sont très partagés sur la question de savoir si trois grands pays - japon, Allemagne et Royaume-uni - dont le déficit structurel du secteur public a été ramené à un niveau peu élevé, voire à zéro, ne devraient pas adopter une politique de relance par la voie budgétaire. Pour certains, compte tenu des succès obtenus par ces pays dans la maîtrise du déficit du secteur public et de l'inflation (en particulier, sur ce dernier plan, en Allemagne et au japon), un allégement dans l'immédiat de la fiscalité serait non seulement tout à fait compatible avec l'équilibre interne de ces pays mais aussi souhaitable, en raison de son incidence directe sur la dépense intérieure et la demande d'importations. Les gouvernements de ces trois pays ont jusqu'à présent refusé de s'engager dans cette voie, et ce, pour quatre raisons principales. *{ pagination originale du document: p. 206} Premièrement, des doutes sont exprimés quant au concept même de chômage conjoncturel, dès lors que les autorités sont convaincues que le chômage est en grande partie un phénomène structurel, imputable à la dimension excessive du secteur public, au niveau élevé des salaires réels et aux rigidités du marché. Quelle valeur peut-on accorder, dans ces conditions, à la notion d'équilibre budgétaire de plein emploi? Deuxièmement, on fait valoir qu'à partir du moment où un déficit est recréé ou accru - ne serait-ce que par le biais d'un allégement de la fiscalité - il devient très difficile d'en retrouver la maîtrise, si la nécessité vient à s'en faire sentir ultérieurement. Le processus politique est tel que la politique budgétaire est nécessairement asymétrique quant à la rapidité et la facilité avec lesquelles elle est conduite. La réduction d'un déficit est toujours une entreprise plus lente et plus douloureuse, et par conséquent plus incertaine, que l'opération inverse. Les praticiens de la politique économique qui défendent ce point de vue s'appuient sur les faits constatés dans le passé dans presque tous les pays, et en particulier sur ceux qui ont tout récemment confirmé leurs craintes, à savoir les difficultés rencontrées par les États-unis eux-mêmes dans leurs efforts de compression du déficit. Troisièmement, il est fait observer que les agents économiques sont tout à fait conscients de cette asymétrie. Ils seront donc enclins à penser que toute politique de création délibérée d'un déficit produit nécessairement, à terme, des effets inflationnistes, étant donné surtout qu'elle devra tôt ou tard être financée par une politique de création monétaire. Le quatrième argument se réfère à la contrainte extérieure et se fonde sur les expériences de nombreux pays et, plus récemment, celles de la France en 1981-82 et de l'Allemagne en 1979-80. L'adoption de mesures budgétaires visant à accélérer l'expansion interne entraîne une détérioration de la balance des paiements courants et risque fort d'affecter la valeur externe de la monnaie du pays en cause. Il est, bien entendu, admis que la modification du solde des paiements courants constitue précisément l'un des objectifs à atteindre, mais l'argument relatif à la contrainte extérieure va plus loin. On estime, en effet, hautement improbable que l'influence compensatrice des flux de capitaux spontanés puisse neutraliser la pression exercée sur le taux de change par la détérioration de la balance des transactions courantes, d'où les craintes d'une dépréciation de la monnaie. De même, si ces apports spontanés ne se produisent pas ou s'ils sont insuffisants, les pressions à la hausse sur les taux d'intérêt internes, du fait de l'aggravation du déficit budgétaire, ne seront pas tempérées par le financement extérieur, ce qui réduira l'incitation des entreprises à développer leurs investissements. En d'autres termes, l'expérience actuelle des États-unis n'est tout simplement pas "exportable"; aucun gouvernement hors des États-unis ne pourra appliquer sans risque une politique de relance budgétaire en partant de l'hypothèse qu'elle attirera durablement des financements extérieurs spontanés. C'est là un autre exemple, géographique cette fois, d'une asymétrie marquée de la politique économique. Il s'agit là de puissants arguments qui montrent combien il est difficile d'essayer de coordonner les politiques à l'échelle mondiale. Le fait de reconnaître leur valeur ne doit cependant pas conduire à un pessimisme excessif sur les perspectives d'évolution de l'économie mondiale. Vouloir pratiquer un réglage fin conjoncturel au niveau international est aussi risqué, et donc aussi susceptible d'aller à l'encontre du but recherché, que de l'entreprendre sur le plan intérieur. *{ pagination originale du document: p. 207} Il est impossible de dire avec précision à quel moment et avec quelle intensité l'économie américaine réagira à la mise en ouvre d'une politique de réduction du déficit, telle que la recommande le présent Rapport. Les arguments en faveur d'une cohésion des politiques internationales sont irréfutables; il pourrait toutefois s'avérer dangereux de proposer, pour certains grands pays, en contrepartie d'un processus long et encore incertain d'assainissement budgétaire aux États-unis, l'adoption de politiques budgétaires expansionnistes destinées à produire leurs effets à brève échéance. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille faire abstraction de la dimension internationale des politiques internes, ni même, dans certains cas, lui dénier une importance prioritaire. Les réserves émises au sujet du réglage fin conjoncturel visent simplement à préciser que les politiques nationales ont les meilleures chances d'être efficaces quand elles sont conçues dans une perspective à moyen ou à long terme, sauf en cas de crise financière imminente. Il en va de même pour une politique internationale coordonnée dont l'horizon devrait également se situer à cette échéance. De ce point de vue, l'adoption de mesures propres à réduire à terme le déficit budgétaire structurel des États-unis demeure un objectif prioritaire, tant pour des raisons internes que pour assurer un meilleur équilibre de l'économie mondiale. Dans le même temps, pour améliorer leurs perspectives de croissance, et donc pour soutenir l'économie mondiale, les pays européens ont tout intérêt à intensifier, voire à radicaliser, leurs efforts d'élimination des rigidités structurelles: cela devra se faire nécessairement au prix de nouvelles compressions des dépenses du secteur public. L'allégement de la charge fiscale devra s'opérer au même rythme que les progrès accomplis dans cette direction au lieu d'être entrepris longtemps à l'avance. Quel type d'action pourrait être menée dans le domaine monétaire ou, d'une manière plus générale, par les autorités monétaires pour épauler de telles stratégies à moyen terme? En tout premier lieu, il importe de poursuivre, sur le plan interne, les politiques monétaires de lutte contre l'inflation. Pour les pays à monnaie flottante, il s'agit de fixer des objectifs monétaires compatibles avec une croissance réelle durable, et en partant de l'hypothèse d'un ralentissement progressif de la hausse des prix. Pour les autres, en particulier pour les plus petits pays du Système monétaire européen, le taux de change pourrait constituer l'objectif direct, ou du moins l'élément contraignant de la politique. Ces propositions, qui recueillent à présent une adhésion (presque) générale, appellent toutefois deux réserves. La première est motivée par la diffusion de l'innovation financière et l'effacement des lignes de démarcation entre instruments et institutions. La politique d'objectifs ne s'en trouve pas facilitée, que ce soit sur le plan de sa formulation ou sur celui de sa réalisation. Vouloir à tout prix atteindre des objectifs monétaires hebdomadaires, mensuels, voire trimestriels, définis une fois pour toutes est devenu un exercice encore moins réaliste que dans le passé. Ce serait cependant une erreur d'y renoncer purement et simplement. *{ pagination originale du document: p. 208} Ce qui demeure beaucoup plus valable, c'est de replacer la politique d'objectifs dans une perspective à plus long terme, en se réservant la possibilité de modifier l'objectif de manière discrétionnaire chaque fois que le commande l'évolution de l'environnement institutionnel ou économique. Une conduite totalement discrétionnaire de la politique monétaire n'est d'aucun secours - pour ne pas dire plus - pour dissiper les incertitudes ou apaiser les anticipations inflationnistes. Des normes doivent être fixées, que ce soit sous la forme d'un objectif de masse monétaire ou de taux de change, pour offrir un point d'ancrage aux anticipations débridées des agents économiques, rendre les autorités monétaires responsables de leurs actes, y compris de leurs décisions de s'écarter d'objectifs préétablis, et leur donner du poids dans leur dialogue avec les gouvernements et les parlements. L'autre réserve concerne les espoirs que l'on peut placer dans l'efficacité de la politique monétaire à l'égard de l'inflation. Ces dernières années, le Rapport annuel n'a cessé de soutenir que, si une politique monétaire, du genre de celle qui est préconisée ici, est une condition essentielle du succès de la lutte contre la hausse des prix, elle ne saurait cependant être considérée comme suffisante. Pour réduire au minimum le risque de voir la décélération du rythme d'expansion monétaire peser davantage sur la croissance réelle que sur les prix, il convient de conférer de manière symétrique une plus grande souplesse et une plus grande capacité d'adaptation au processus de formation des prix et des salaires. L'une des solutions pourrait consister à lier, du moins en partie, l'évolution des rémunérations à la rentabilité des entreprises, sur le modèle, par exemple, du système de primes et de rétribution des heures supplémentaires en vigueur au japon, où les fluctuations des revenus du travail sont allées de pair avec une relative sécurité de l'emploi. Ce système explique peut-être pourquoi le japon est mieux parvenu que les autres pays industrialisés à assurer à la fois un bon niveau de l'emploi et une quasi-stabilité des prix. Ce n'est qu'en s'écartant radicalement des pratiques actuelles que les salaires pourront se former selon les conditions du marché et le chômage se résorber progressivement. Les résultats relativement satisfaisants obtenus sur le front de l'inflation ne devraient pas faire oublier la nécessité impérieuse de modifier sensiblement le processus de fixation des prix et des salaires. Une deuxième responsabilité incombant aux autorités monétaires, qui, dans certains pays, devrait être assumée en collaboration avec d'autres organismes officiels, est de préserver la stabilité de leur système financier. Une politique d'objectifs monétaires, appliquée avec pragmatisme, peut s'avérer utile à cet égard, précisément parce qu'elle confère au cadre macro-économique une stabilité supplémentaire et qu'elle s'attaque aux déséquilibres inflationnistes, qui sont l'une des principales causes d'instabilité financière. Les autorités monétaires devraient également venir en aide aux marchés, en leur fournissant, comme elles l'ont toujours fait par le passé, des liquidités en période de tensions financières. Cependant, les circonstances actuelles requièrent également d'autres initiatives. Tout d'abord, il importe de bien maîtriser le processus complexe d'innovation, de déspécialisation et de déréglementation pour qu'il s'effectue de manière ordonnée et équilibrée sans risquer d'exposer des catégories entières d'intermédiaires financiers à des chocs brutaux. *{ pagination originale du document: p. 209} Une deuxième nécessité est de préserver, ou de restaurer, la transparence des marchés et des opérations des diverses institutions, en mettant à la disposition de toutes les parties intéressées une information de meilleure qualité sur les modifications structurelles de l'intermédiation financière et les nouveaux risques qu'elle comporte. Le troisième impératif est d'adapter le cadre de la surveillance bancaire à cet environnement éminemment innovateur et plus concurrentiel. Il faut, enfin, coordonner tous ces efforts à l'échelle internationale, en raison du degré élevé d'intégration financière auquel le monde est actuellement parvenu. Malgré les progrès enregistrés dans toutes ces directions, il convient de ne pas sous-estimer l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir. Un troisième domaine dans lequel les autorités monétaires peuvent apporter un certain soutien aux politiques de stabilisation à moyen terme est celui des interventions sur le marché des changes - l'accent étant toutefois mis autant sur certain que sur soutien. Les interventions sur le marché des changes, même lorsqu'elles revêtent un caractère massif, n'ont guère de chances en soi d'influer durablement sur l'évolution ou le niveau des taux de change. Elles peuvent cependant s'avérer utiles dans deux cas. D'abord, lorsqu'elles interviennent en complément d'un changement d'orientation des politiques internes, auquel cas leur effet d'annonce peut fort bien épauler ou accélérer le mouvement de taux de change induit par ce changement. Il s'agit là de la thèse, bien connue, des autorités qui "joignent le geste à la parole". Ensuite, les interventions Peuvent avoir un effet extrêmement salutaire chaque fois que le marché des changes vient à connaître une vague de spéculation manifestement à sens unique où la contre-spéculation ne joue simplement plus aucun rôle. Si les interventions sont d'une grande ampleur, si elles sont bien coordonnées à l'échelle internationale et, en particulier, si elles sont pratiquées au bon moment, elles peuvent, dans des circonstances exceptionnelles comme celles-là, rappeler avec force aux agents économiques que les fluctuations des taux de change peuvent très bien aller dans les deux sens. Il peut en résulter un meilleur équilibre dans le fonctionnement du marché et l'arrêt d'un mouvement de hausse spéculative qui aurait Pu autrement durer des semaines et des mois, même s'il doit s'ensuivre un accroissement temporaire de l'instabilité au jour le jour des taux de change. Cela étant dit, il faut admettre que, si les idées émises dans ce Rapport sur la manière d'aborder les problèmes qui se posent sur les marchés des changes peuvent paraître à certains trop optimistes par rapport à l'efficacité escomptée, elles revêtent en réalité un caractère assez modeste. Elles se limitent, en définitive, à suggérer qu'un meilleur équilibre des politiques internes pourrait, le moment venu, ramener le dollar à un niveau plus soutenable et que, parallèlement, les interventions sur les marchés pourraient tempérer certains mouvements spéculatifs excessifs des taux de change. Néanmoins, même si l'on obtenait des résultats probants à cet égard, certaines questions fondamentales demeureraient malgré tout sans réponse. Doit-on s'accommoder de variations excessives à moyen terme des taux de change réels, dont l'appréciation du dollar quatre années durant n'a été qu'un exemple? Doit-on continuer à tolérer une instabilité des taux de change à court terme, qui a atteint, ces derniers mois, une ampleur sans précédent? *{ pagination originale du document: p. 210} Ces phénomènes sont-ils les conséquences inévitables d'un monde financièrement intégré dans lequel les transactions sur les marchés sont dominées par des anticipations nées de la succession rapide d'informations nouvelles? Si ce n'est pas le cas, que peut-on faire? Ce sont là de graves questions, sur lesquelles les avis divergent, et auxquelles ce Rapport s'est abstenu, délibérément, de fournir une réponse. En effet, tant que des déséquilibres aussi importants subsistent dans la configuration des paiements extérieurs et des taux de change au sein du monde industrialisé occidental, il est difficile de dire dans quelle mesure les deux phénomènes évoqués ci-dessus doivent être attribués uniquement à ces déséquilibres et à l'orientation des politiques qui les sous-tendent, ou dans quelle mesure ils sont imputables à des causes plus "systémiques". Il n'est pas exclu cependant que les événements imposent, tôt ou tard, un examen plus approfondi de ces questions.