*{Banque des Règlements Internationaux, Rapport Annuel, Bâle, 1987, pp.3-9, 220-225. } *{ pagination originale du document: p. 3} Des Perspectives Moins Favorables Que l'an Dernier. Si l'on procède à un tour d'horizon de l'évolution économique mondiale durant l'année écoulée, force est de reconnaître que la tâche qui attend les responsables de la politique économique apparaît, à certains égards, plus rude actuellement qu'elle ne l'était douze mois auparavant. Cette constatation s'applique aux deux grands domaines de préoccupation que sont encore les déséquilibres extérieurs dans le monde industriel et la situation de l'endettement international. Les principaux pays industriels - qui ont marqué leur accord sur l'analyse globale des problèmes, sur le principe d'une amélioration de la coordination des politiques et sur le caractère souhaitable de la stabilité des cours de change - se trouvent à présent placés devant trois réalités peu réjouissantes: l'augmentation des risques de conflits commerciaux liée à la persistance de déséquilibres considérables des balances des paiements; le ralentissement de la croissance économique dans les pays excédentaires à la suite des réalignements de taux de change de ces deux dernières années; et le fait qu'il est plus difficile de stabiliser que de modifier les taux de change au moyen d'interventions sur le marché des changes tant que les marchés n'ont pas pu constater que les données fondamentales de l'économie évoluent nettement dans la bonne direction. S'agissant de l'autre problème majeur, les balances des paiements d'un certain nombre de pays lourdement endettés se sont détériorées, sous l'effet de facteurs externes ou d'erreurs de gestion dans la politique économique interne. En outre, des signes de lassitude à l'égard de la stratégie actuelle en matière d'endettement ont commencé à se manifester dans quelques pays débiteurs et dans certaines parties de la communauté bancaire internationale. Face à ces domaines de préoccupation, le tableau d'ensemble de l'économie mondiale présente évidemment des éléments plus encourageants. Certains d'entre eux, toutefois, sont précisément ceux qui étaient déjà en évidence il y a un an et sur lesquels se fondaient les espoirs d'améliorations, c'est-à-dire les niveaux peu élevés de l'inflation, des taux d'intérêt nominaux et des prix pétroliers. Malheureusement, ils n'ont pas apporté à la croissance économique le soutien que la plupart des observateurs avaient cru pouvoir annoncer en toute confiance. Si, initialement, ce contretemps a paru imputable à des délais de réaction supérieurs aux prévisions, on a plutôt l'impression aujourd'hui que l'incidence positive nette que ces facteurs ont pu exercer a été largement compensée par les effets, plus défavorables que prévu, des amples modifications des taux de change. Ces deux explications présentent une caractéristique commune, mise en relief une nouvelle fois en 1986 et qui, rétrospectivement, peut paraître assez évidente: lorsque des évolutions rapides et importantes exercent des effets néfastes sur certains et une incidence favorable sur d'autres, les réactions qu'elles provoquent interviennent presque toujours plus rapidement dans le premier cas que dans le second. Cette différence peut être simplement due au fait qu'il faut moins de temps pour prendre une décision négative qu'une décision positive. *{ pagination originale du document: p. 4} Annuler ou différer, par exemple, un programme d'investissements peut demander moins d'une semaine et avoir des conséquences immédiates; en revanche, la décision d'entreprendre un programme d'investissements peut exiger plusieurs mois, et un délai encore plus long sera nécessaire avant que cette mesure ne commence à porter ses fruits, d'abord au niveau des commandes, puis de la production. Mais des facteurs d'ordre psychologique accentuent encore ce clivage: en effet, si les incidences défavorables affectent rapidement les anticipations, les agents économiques ne croient généralement pas à leur chance et veulent s'assurer qu'une évolution positive est durable avant de modifier leur comportement en conséquence. À cet égard, les chocs extérieurs fréquents survenus au cours des quinze dernières années ont contribué à renforcer cet attentisme. La chute des prix du pétrole en 1986 a constitué l'un de ces développements, dont les conséquences ont été néfastes pour certains et favorables pour d'autres. La réaction des producteurs de pétrole à la diminution de leurs recettes a été nette et rapide; celle des consommateurs à l'accroissement de leur revenu réel a été tardive et moins tranchée. La réduction des importations des pays en développement producteurs de pétrole a joué un rôle essentiel dans les résultats économiques obtenus en 1986 et au cours des mois suivants. Il en a été de même de l'annulation généralisée de plans d'investissements dans les pays industriels producteurs de pétrole. L'autre développement important de cette nature a eu pour cadre, bien entendu, le marché des changes - avec, d'une part, des répercussions négatives sur les exportateurs des pays dont la monnaie s'est appréciée et, d'autre part, des avantages pour les exportateurs des pays dont la monnaie s'est dépréciée. Alors que les commandes de produits d'exportation et même les volumes exportés ont enregistré une progression aux États-unis du fait de la dépréciation du dollar, on n'a guère constaté pour l'instant de réaction notable des investissements productifs face à cette reprise. Dans le passé, l'appréciation de la monnaie a souvent été considérée comme un stimulant incitant les exportateurs à donner le meilleur d'eux-mêmes, l'accroissement des dépenses d'investissement constituant le moyen le plus indiqué pour améliorer l'efficacité et pouvoir ainsi faire face à la diminution des bénéfices et défendre les parts de marché. Lorsque le dollar était à son apogée, les marges bénéficiaires des exportateurs vers les États-unis étaient certainement plus que confortables dans la plupart des cas, de sorte qu'elles ont pu supporter assez facilement une part notable de l'ajustement des taux de change. Mais c'est évidemment une question de mesure. Vers le milieu de 19 8 6, au japon tout d'abord puis, assez rapidement, en Allemagne ainsi que dans d'autres pays européens, les industries d'exportation ont commencé à réduire de manière considérable leurs dépenses d'équipement. L'équilibre a alors été modifié et, malgré la vigueur de la consommation privée, la demande interne est sans doute tout juste parvenue à compenser la forte baisse de la demande externe. Les perspectives de croissance des pays dont la monnaie s'est appréciée se sont ainsi trouvées compromises. Pour de nombreux observateurs, les perspectives de croissance des pays excédentaires apparaissent préoccupantes, tant en raison de leurs liens apparents avec les problèmes existant dans d'autres parties de l'économie mondiale que vis-à-vis de l'avenir même de cette croissance. On est amené à se demander, par exemple, comment les États-unis peuvent espérer ramener leur déficit des paiements courants à des proportions supportables si la croissance n'atteint pas au minimum 2,4 à 3 pour-cent dans les pays excédentaires et si celle de la demande intérieure n'y est pas encore plus forte. *{ pagination originale du document: p. 5} Comment la demande globale dans l'économie mondiale peut-elle être soutenue au moment où un resserrement de la politique budgétaire est opéré aux États-unis? Comment s'opposer à de nouvelles tendances protectionnistes sans une réduction du déficit des paiements des États-unis et des excédents correspondants de leurs partenaires? Comment les pays débiteurs peuvent-ils envisager d'exporter suffisamment pour assurer le service de leur dette si la croissance est insuffisante dans les pays industrialisés? On ne peut que se réjouir, à cet égard, de la prise de conscience accrue, ces dernières années, de l'existence de liens internationaux de cette nature. Dans le même temps, il conviendrait de ne pas perdre de vue le fait que les résultats économiques d'un pays relèvent d'abord et avant tout de sa propre responsabilité; leurs répercussions sur les autres pays ne sauraient constituer qu'un aspect additionnel important. Tenter d'imposer de l'extérieur des priorités de politique économique à un pays ne peut être qu'une source d'irritation et de tensions. La détérioration actuelle des perspectives de croissance dans les principaux pays excédentaires n'apparaît toutefois pas moins préoccupante si on la considère sous l'angle interne. Les problèmes observés sur les marchés du travail des pays européens avaient commencé, enfin, à s'atténuer grâce à l'amélioration notable de la situation de l'emploi, et ce malgré une diminution moins sensible du chômage, due au fait que la population active continuait à s'accroître sous l'effet de nouvelles arrivées et de quelques retours sur le marché du travail. Si cette évolution favorable de l'emploi paraît s'être poursuivie jusqu'à une période assez récente, on voit mal, cependant, comment elle pourrait résister à un ralentissement prononcé de la croissance économique. Il convient d'ajouter que le chômage est maintenant devenu un problème important au japon, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale. La situation actuelle ne peut donc que relancer la discussion sur le rôle de la régulation de la demande. S'il est vrai que la situation de l'offre s'est sensiblement améliorée au cours des dernières années et que les difficultés actuelles sont dues essentiellement à des facteurs extérieurs, il se peut cependant que certains arguments traditionnels utilisés à l'encontre de la stimulation de la demande ne soient plus valables. De toute évidence, le réglage fin ne trouvera guère de partisans puisqu'il ne permet pas d'obtenir des résultats rapides. Toutefois, l'idée du recours à la politique budgétaire pour soutenir la croissance économique semble gagner du terrain. Ainsi, l'impact de la réduction de la fiscalité prévue en Allemagne pour 1988, pour ne citer qu'un seul exemple, sera renforcé par l'application anticipée d'allégements nets au bénéfice des contribuables, dans le cadre de la vaste réforme fiscale envisagée pour 1990. Au japon, un important programme de relance budgétaire destiné à stimuler la demande interne continue à faire l'objet de discussions au sein du parti actuellement au pouvoir. Dans le passé, l'un des problèmes posés dans certains pays par la politique budgétaire venait de la tendance à y recourir de façon permanente, sans faire preuve cependant d'une détermination suffisante lorsque les circonstances l'exigeaient vraiment. L'un des buts de l'assainissement des finances publiques, et l'un des meilleurs arguments en sa faveur, était de restaurer l'efficacité des instruments de la politique budgétaire. En toute logique, il conviendrait de ne l'utiliser que lorsque le besoin s'en fait sentir, et il pourrait prochainement s'avérer que tel est le cas. *{ pagination originale du document: p. 6} Il ne semble guère possible de soutenir la demande globale par le biais de la politique monétaire, qui risquerait alors d'être sollicitée de manière excessive. Depuis longtemps, la croissance monétaire atteint pratiquement partout des rythmes élevés par rapport à ses niveaux antérieurs. Dans certains pays tout au moins, les marchés des capitaux ont réagi rapidement, et parfois violemment, à cette situation. Sur les marchés des biens, des délais de réaction "longs et variables" ont été trop souvent constatés pour ne pas exclure d'emblée les risques de périodes prolongées de forte expansion monétaire. Dans beaucoup de pays, les agrégats monétaires ne sont plus utilisés comme guides de la politique monétaire, du fait en partie des distorsions produites par l'innovation financière et à cause également de l'instabilité des fonctions de demande de monnaie d'une manière générale. Ces questions sont examinées en détail dans le Chapitre VI. L'idée selon laquelle certaines mesures monétaires s'imposent en période d'inflation, et d'autres lorsque l'inflation est maîtrisée, n'est guère convaincante. Ces deux situations apparaissent tour à tour, et les aspects quantitatifs doivent être pris en compte, non seulement pour maîtriser l'inflation mais aussi pour en prévenir toute résurgence. Une chose est sûre: si l'on attend que les signaux d'alerte fournissent des indications claires, cette attente sera certainement trop longue. Il est certain que cela rend encore plus malaisé, pour les responsables de la politique monétaire, de trouver un bon indicateur quantitatif lorsque ceux qui étaient utilisés précédemment ne sont plus fiables. Les taux d'intérêt, réels ou nominaux, ne peuvent pas se substituer à des indicateurs quantitatifs. Les taux du marché monétaire sont effectivement placés sous le contrôle des autorités et la seule question qui se pose à cet égard concerne la finalité de ce contrôle. Les autres taux d'intérêt, en particulier les taux à long terme, ne peuvent pas être suffisamment maîtrisés par les autorités. Un certain consensus paraît néanmoins exister sur le fait qu'une baisse des taux réels stimule la croissance et que toute action des banques centrales dans ce sens serait favorablement accueillie. La réalité de cet effet stimulant ne semble pratiquement pas faire de doute, bien que l'on manque de données empiriques pour étayer cette hypothèse. Le ralentissement de la croissance économique au cours des années soixante-dix est intervenu dans la plupart des pays en présence de taux d'intérêt réels négatifs. Le retour à une période relativement longue de croissance modérée s'est effectué alors que les taux d'intérêt réels étaient positifs et, selon le mode de calcul utilisé, relativement élevés. Comme d'habitude, les résultats ne sont pas concluants en raison des autres éléments qui n'ont été identiques ni dans le temps ni d'un pays à l'autre. La question de savoir si les banques centrales sont effectivement en mesure, en abaissant les taux nominaux à court terme placés sous leur contrôle, de maintenir les taux d'intérêt réels à des niveaux peu élevés sur une certaine période est tout autant sujette à controverses. Quelle que soit l'analyse effectuée, le rôle joué par la politique monétaire dans l'amélioration des perspectives de croissance sera modeste. Il est peu probable qu'on parvienne rapidement, au moyen de mesures de stimulation de la demande, à compenser la contraction qu'elle a subie dans les pays excédentaires du fait des importantes modifications de taux de change de ces deux dernières années. Aux États-unis, de nombreux observateurs paraissent en conclure que le déficit commercial ne pourra être ramené à des niveaux acceptables que si le dollar continue à se déprécier par rapport au yen japonais et aux monnaies européennes. *{ pagination originale du document: p. 7} Ils ont accepté l'idée d'une nouvelle baisse substantielle de la monnaie américaine. Si le déficit commercial des États-unis vis-à-vis des pays récemment industrialisés, qui ont réussi à maintenir une stabilité relative de leur cours de change par rapport au dollar EU, revêt un caractère important, il n'est toutefois pas considéré comme le cour du problème. Le raisonnement semble être fondé sur la logique suivante: l'idée de départ est que le niveau actuel du déséquilibre des paiements courants des États-unis atteint des proportions insoutenables; si, parmi les deux éventualités possibles, l'une - un écart de croissance suffisant - n'est pas réalisable parce que les pays excédentaires ne parviennent pas à stimuler suffisamment leur économie et que les États-unis ne sont pas disposés à accepter une récession dans le cadre du processus d'ajustement, alors la seule possibilité qui reste réside dans une nouvelle baisse du dollar. On pourrait toutefois parfaitement tenir le raisonnement inverse: si la dévaluation substantielle du dollar EU n'a pas encore eu d'incidence tangible sur le déficit des paiements courants des États-unis, en grande partie certainement à cause des effets de la courbe en J, il faudra également beaucoup de temps avant qu'un nouvel ajustement des taux de change ne parvienne à renforcer les facteurs de rééquilibrage. Au cours de ce processus, des phénomènes de surréaction se produiront tôt ou tard jusqu'à ce que le point de rupture soit atteint et que le cycle, désormais familier, recommence depuis le début, mais cette fois dans la direction opposée et peut-être à un rythme plus rapide. Au moment de la conclusion de l'accord du Plaza, un net consensus s'était dégagé pour reconnaître que la surréaction des taux de change est préjudiciable à tout le monde, et pas uniquement aux pays dont la monnaie s'apprécie. Si les taux de change sont affectés par des distorsions, ils transmettent des signaux erronés ou accroissent encore l'incertitude, car on pense que cette situation ne peut durer. Très peu de gens prétendent connaître avec précision le moment où commence la distorsion, mais ce n'est pas cette précision qui est importante. L'essentiel est que les responsables de la politique économique américaine reconnaissent -comme cela semble être actuellement le cas - que la dépréciation du dollar EU peut aller trop loin et nécessiter une action, même si le déficit commercial et/ou celui des paiements courants n'a pas encore été ramené à un chiffre "magique". Le Chapitre III présente de manière détaillée les résultats obtenus jusqu'à présent dans l'amélioration de l'équilibre des paiements courants entre les pays industrialisés. Si ces résultats peuvent paraître minimes, ils sont cependant loin d'être négligeables et montrent en tout cas que l'ajustement des taux de change agit lentement dans la direction souhaitée. Reste à savoir, ce qui constituait l'idée de départ du raisonnement, si l'on peut supporter encore longtemps des déficits des paiements courants américains guère inférieurs au niveau actuel. Cette question revêt d'abord un aspect politique. Si ce déficit n'est pas réduit rapidement, il est possible que le Congrès américain impose des lois à tendance nettement protectionniste. Cette menace doit être prise très au sérieux, ne serait-ce qu'à cause de son caractère tellement irrationnel. C'est une tâche difficile, pour les responsables de la politique économique, de montrer clairement que, en dehors d'une certaine satisfaction procurée par le fait "d'avoir montré ce dont on était capable", des mesures protectionnistes ne résoudront rien, et en tout cas pas le problème du déficit des paiements courants; elles auront, qui plus est, des répercussions néfastes pour le monde entier et pour les États-unis en particulier. *{ pagination originale du document: p. 8} Cette question du caractère supportable de ces déficits comporte également un autre aspect, qui concerne la possibilité de le financer pendant encore plusieurs années. Certains considéreront que les limites de ce financement ne sont pas très éloignées en se fondant sur le fait que, ces derniers temps, ce ne sont plus les investisseurs privés qui ont financé l'essentiel du déficit des paiements courants des États-unis, mais les banques centrales étrangères; ces dernières sont, en effet, intervenues massivement sur le marché des changes pour tenter d'empêcher, avec un succès mitigé, une nouvelle dépréciation du dollar EU. On peut certainement redouter que, si les marchés des capitaux ne constatent pas une diminution effective du déficit des États-unis, ils n'accepteront de le financer qu'au prix d'une baisse de la valeur de change du dollar ou d'une hausse des taux d'intérêt de la monnaie américaine, voire d'une combinaison de ces deux éléments. Cela étant, les autres possibilités de placement ne sont pas des plus nombreuses; en outre, il existe encore une confiance profonde, et totalement justifiée, dans l'économie des États-unis et dans ses perspectives de croissance à long terme. Il semblerait que le meilleur moyen de préserver ce capital-confiance serait précisément d'empêcher une nouvelle dépréciation du dollar, afin que le redressement réel, déjà amorcé, des résultats du commerce extérieur puisse se refléter aussi rapidement que possible dans une réduction du déficit commercial. Un dernier point mérite d'être souligné dans ce contexte, même s'il ne doit guère rencontrer d'écho auprès de ceux qui croient connaître tous les éléments qui déterminent l'ampleur des futurs soldes des paiements courants: si l'on considère les fluctuations erratiques de ces soldes au cours de ces huit dernières années environ, il paraît très difficile d'accepter l'idée que leur structure actuelle puisse rester en grande partie inchangée pendant plusieurs années encore. Dans le passé, d'autres dilemmes se sont déjà résolus d'eux-mêmes plus rapidement qu'on n'aurait alors osé l'imaginer, tels que la "pénurie de dollars" du début des années cinquante. Si l'exactitude des prévisions à court terme laisse beaucoup à désirer, la prévision à moyen et à long terme n'en demeure pas moins une entreprise encore plus hasardeuse. Sans vouloir faire intervenir dans le débat un "deus ex machina", il est bon de rappeler simplement qu'il n'est pas rare que les circonstances se modifient de manière plus fondamentale qu'on ne pouvait raisonnablement le prévoir. L'accord du Louvre traduit le consensus des principaux gouvernements sur l'opportunité de s'opposer à de nouveaux mouvements des taux de change, mais cet accord est trop récent pour garantir que ces gouvernements partagent également les mêmes points de vue au sujet des mesures à adopter pour préserver la structure actuelle des taux de change. L'initiative prise lors du sommet de Tokyo en faveur d'une meilleure coordination des politiques économiques, et qui reprenait les éléments déjà contenus dans l'accord du Plaza, en est toujours au stade de la mise en application. S'il paraît raisonnable de créer un nouveau cadre pour favoriser la coordination des politiques économiques dans une perspective à moyen et à long terme, chacun se montre toutefois hésitant lorsqu'il s'agit de prendre des engagements dont les implications sont difficiles à prévoir. *{ pagination originale du document: p. 9} En l'absence d'un tel cadre, il est cependant à craindre que cette coordination demeure essentiellement un exercice à court terme, dans des situations d'extrême urgence, fondé sur un modèle très simplifié de l'interaction entre les économies concernées ou, pire encore, sur différents modèles conçus par différents gouvernements. Il importe à présent au plus haut point que les pays excédentaires réagissent au défi constitué par les répercussions, décrites précédemment, qu'exerce la baisse brutale de la demande d'exportations sur l'investissement interne. S'ils se montrent à la hauteur de cette tâche, il est possible que les pays industrialisés parviennent à rapprocher leurs points de vue, plus qu'ils ne l'ont peut-être jamais fait depuis le début des années soixante, sur le rôle que peut et devrait avoir la politique économique. S'il est une question à laquelle doivent instamment répondre en 1987 les responsables de la politique économique, c'est encore une fois celle de la situation de l'endettement, domaine dans lequel des revers ont été enregistrés pour diverses raisons en 1986. L'impression qui prévaut généralement est que l'approche actuelle du cas par cas doit être encore renforcée et approfondie. Il apparaît clairement qu'un certain nombre de banques commerciales ne sont plus disposées à jouer le rôle qui leur avait été attribué dans le cadre de cette stratégie, et diverses solutions ont déjà été envisagées pour permettre dans certains cas aux institutions plus petites de se retirer. Certains pays endettés ont accompli de sérieux efforts pour améliorer la structure de leurs économies, et la quasi-totalité d'entre eux sont conscients de l'ampleur de la tâche qui les attend, notamment pour accroître l'efficacité du secteur productif, éliminer les distorsions dans la structure des prix et réformer la fiscalité. Aucune stratégie en matière d'endettement n'a de chances de succès si elle ne s'appuie pas sur une action énergique et tenace de la part des pays débiteurs. Cette action ne leur permettra pas toutefois de surmonter leurs difficultés actuelles si l'environnement économique extérieur n'est pas suffisamment favorable et s'ils ne disposent pas de financements externes adéquats, évitant de préférence de privilégier des formules qui augmentent le poids de leur endettement. Toutes ces questions et beaucoup d'autres points sont traités dans le cadre du présent Rapport, dont la structure est identique à celle de l'an dernier. Les six chapitres suivants sont consacrés tour à tour à l'évolution de l'économie réelle, aux marchés des capitaux et à la politique monétaire. Chacun de ces domaines est d'abord analysé sous l'angle de la situation interne, puis à l'échelle internationale. L'examen du problème essentiel est ensuite repris et complété par des conclusions dans le dernier chapitre de ce Rapport. *{ pagination originale du document: p. 220} Conclusion. Le défi devant lequel se trouvent placés aujourd'hui les pays industriels ne consiste pas simplement à réduire les déséquilibres de leurs balances des paiements courants. Ils doivent y parvenir sans provoquer des mouvements déstabilisateurs sur les marchés des changes et des capitaux, une recrudescence de l'inflation aux États-unis ou un glissement vers la récession dans ce pays ou dans d'autres et s'efforcer, en même temps, de ne pas mettre en cause les stratégies à moyen terme adoptées dans le domaine des finances publiques, de la politique monétaire et de l'ajustement structurel et, surtout, ne pas porter atteinte au libre-échange. Il s'agit là d'une tâche beaucoup plus redoutable qui, dans un monde de plus en plus interdépendant, n'a guère de chances de succès en l'absence d'une coordination, à un degré relativement élevé, des politiques économiques. Telle est, brièvement résumée, la principale conclusion du présent Rapport. Les déséquilibres considérables des paiements courants dans le monde industrialisé suscitent, à juste titre, de sérieuses préoccupations. Ils reflètent des écarts, en termes réels, entre la dépense et la production sur les différents marchés nationaux, qui ont d'ores et déjà entraîné une résurgence du protectionnisme et comportent un risque d'extension des conflits commerciaux. Ils se sont accompagnés d'une distorsion très prononcée dans l'affectation des ressources, qui peut avoir des conséquences importantes sur le potentiel de croissance du monde industriel. Ils créent un climat d'incertitude qui est le pire ennemi de l'investissement. Enfin et surtout, en raison de leur ampleur et de leur durée, ils entraînent une profonde modification de la position des pays concernés en matière de créances et de dettes internationales ainsi que de la composition des portefeuilles financiers. Conséquence de cette évolution, les investisseurs privés semblent déjà moins disposés à financer le déficit de la balance des paiements courants des États-unis aux taux de change et d'intérêt en vigueur. Ce changement d'attitude a contribué aux pressions qui ont pesé sur le dollar. Un nouveau recul de la monnaie américaine aurait, de toute évidence, des répercussions néfastes sur le monde en général: il provoquerait une hausse des prix et des taux d'intérêt aux États-unis et accentuerait le ralentissement de la croissance au japon et dans les pays d'Europe occidentale, ce qui entraînerait des conséquences dommageables pour les perspectives d'emploi dans le monde industriel. Certes, les forces du marché finiraient par établir une nouvelle structure des balances des paiements courants. Mais quand? Et ne risqueraient-elles pas d'engendrer une nouvelle série de distorsions des taux de change? Quels préjudices durables auraient été infligés entre temps au libre-échange? Et quel prix faudrait-il payer en termes de pertes de production et de bouleversements financiers pour cet ajustement induit par le marché? Et ce n'est pas tout. Quelles seraient les conséquences pour la situation de l'endettement international si l'on ne parvenait pas à réduire de manière ordonnée les importants déséquilibres actuels des paiements et à éviter les mouvements déstabilisateurs sur les marchés des changes? Les principales conclusions de ce Rapport au sujet de la situation de l'endettement sont exposées à la fin du Chapitre V. *{ pagination originale du document: p. 221} On se limitera ici à souligner deux d'entre elles. Tout d'abord, il n'est absolument pas possible de dégager les pays débiteurs de leur responsabilité première, à savoir rétablir leur cote de crédit internationale, en améliorant l'efficacité de leurs économies et en s'orientant vers une croissance diversifiée, propulsée par les exportations. Mais, en second lieu, comment pourraient-ils réaliser ce mode de croissance et résoudre, par là, leurs problèmes d'endettement, s'ils ne peuvent compter sur la poursuite d'une croissance économique soutenue et sur l'absence de nouvelles mesures protectionnistes dans les pays industriels qui constituent pour eux leurs principaux marchés d'exportation? Quiconque pourrait être tenté de négliger ces mises en garde, sous prétexte qu'elles se fondent sur un raisonnement par trop pessimiste, devrait examiner l'évolution récente des opérations en capital de la balance américaine des paiements, des taux d'intérêt à long terme du dollar, des prix à l'importation aux États-unis, ainsi que de l'activité économique dans les principaux pays excédentaires du monde industriel. Il s'agit de signaux que les responsables des politiques économiques ne peuvent se permettre d'ignorer. Si, en revanche, ces signaux sont reconnus pour ce qu'ils sont - c'est-à-dire une invitation à développer davantage la coopération entre les autorités - on peut raisonnablement espérer que la situation pourra être maîtrisée et que seront évités les dangers liés à un processus d'ajustement dans lequel le marché se trouve livré à lui-même. Il convient de garder à l'esprit deux faits encourageants, sur lesquels peuvent s'appuyer des mesures de renforcement de la coopération en matière de politique économique. En premier lieu, sous l'influence des modifications des taux de change intervenues depuis le printemps de 1985, les volumes des flux commerciaux ont nettement commencé à s'ajuster. Il est indéniable qu'en termes réels les excédents commerciaux du japon et de la République fédérale d'Allemagne ont tous deux régressé par rapport à leurs niveaux records antérieurs. Pour ce qui est des États-unis, le volume des exportations a commencé, lui aussi, à s'orienter dans la bonne direction même si, du côté des importations, les résultats ne sont pas encore probants. Ces évolutions ont évidemment été masquées par les effets de prix. La stabilisation des cours de change devrait tôt ou tard traduire cet ajustement réel en une amélioration perceptible des soldes du commerce extérieur et des paiements courants. De plus, comme les flux commerciaux réels ne répondent qu'avec lenteur aux modifications des taux de change, on peut penser que l'ajustement en volume continuera. Second élément encourageant, l'attitude des États-unis à l'égard de la valeur externe de leur monnaie a évolué, le laisser-faire ayant fait place à une préoccupation active. Il y a d'abord eu l'accord du Plaza, au terme duquel les États-unis ont reconnu la nécessité d'une politique délibérée en matière de change en vue de corriger les déséquilibres croissants des balances courantes. Puis, en février 1987, l'accord du Louvre, par lequel les principaux participants, y compris les États-unis, se sont engagés à stabiliser les taux de change "autour des niveaux actuels". Entre les deux accords, on constate une modification radicale tant dans les objectifs de politique économique que dans l'analyse qui les sous-tend. Au moment de l'accord du Louvre, le déficit commercial des États-unis se situait près de son niveau record, et c'est pourtant la stabilité des taux de change qui a été retenue comme objectif, car on s'est rendu compte que les dangers d'une nouvelle baisse du dollar l'emporteraient sur les avantages qui pourraient en découler pour la balance des paiements courants des États-unis. *{ pagination originale du document: p. 222} Comment ces deux faits peuvent-ils servir de point de départ à une nouvelle réflexion sur les politiques à suivre? Tout d'abord, en reconnaissant à la fois les avantages et les limites des interventions sur les marchés des changes. À cet égard, une comparaison entre la situation de 1985 et celle qui prévaut actuellement peut s'avérer utile. En février 1985, le dollar avait atteint un niveau tellement élevé que tout opérateur, si optimiste fût-il, ne pouvait que concevoir quelques doutes quant à son évolution future. Dès lors, il est possible que les interventions coordonnées effectuées à ce moment-là à l'initiative de la Deutsche Bundesbank aient pu donner le coup de grâce à l'euphorie ambiante. On peut en dire autant des interventions postérieures à l'accord du Plaza, qui ont permis de conforter le marché dans l'idée qu'on pouvait s'attendre à une nouvelle baisse du dollar. Dans les deux cas, les interventions ne sont pas allées à contre-courant; elles Ont, au contraire, accéléré un processus déjà amorcé et contribué à dégonfler ce qui s'était pratiquement transformé en "bulle" spéculative. La situation actuelle se différencie de celle de 1985 sous au moins un aspect très important: l'action des autorités vise maintenant à stabiliser le cours de change du dollar et non à l'orienter dans une certaine direction. De plus, cette stabilisation doit être réalisée à un moment où le déficit élevé et apparemment tenace de la balance des paiements courants des États-unis suscite des anticipations à la baisse du dollar dans l'esprit des agents économiques. Dans ces conditions, la stabilisation ne peut être réalisée par les seules interventions. L'efficacité de celles-ci, quand il s'agit de "lutter contre le vent", dépend en effet dans une très large mesure (et peut-être presque exclusivement) de leur effet d'annonce. Si elles sont interprétées par les agents économiques comme reflétant la décision des autorités de joindre le geste à la parole, c'est-à-dire comme une indication de leur volonté et de leur capacité de prendre des mesures appropriées pour orienter les données fondamentales de l'économie dans la bonne direction, elles rempliront alors leur rôle. Dans le cas contraire, elles risquent de perdre progressivement de leur efficacité. L'accord du Louvre a donné jusqu'à présent d'assez bons résultats en assurant la stabilisation de la valeur du dollar par rapport au deutsche mark et d'autres, plus modestes, en limitant son glissement vis-à-vis du yen. Ce succès relatif est dû principalement au fait que la politique monétaire est allée dans le même sens que les interventions, comme le montrent les mouvements des taux d'intérêt à court terme. Depuis février, l'écart de taux d'intérêt à trois mois en faveur du dollar sur l'euromarché s'est élargi sensiblement, tant par rapport au deutsche mark qu'à l'égard du yen. Ce résultat a été obtenu grâce au recul des taux d'intérêt en deutsche marks et en yens et à la hausse parallèle du loyer de l'argent en dollars - ce que le marché a interprété, à juste titre, comme une manifestation de l'effort délibéré de coopération des autorités monétaires. La question qui se pose maintenant est de savoir si ces mesures se révéleront suffisantes pour continuer à maîtriser la situation et, dans la négative, quels sont les moyens d'action complémentaires à mettre en ouvre. *{ pagination originale du document: p. 223} Pour y répondre, il convient de ne pas perdre de vue que, pour aider à maîtriser la situation, la coordination des politiques monétaires agit principalement en suscitant un volume suffisant d'entrées de capitaux aux États-unis pour y financer le déficit des paiements courants aux taux de change en vigueur, et en empêchant de cette manière une nouvelle baisse du dollar. Elle peut y parvenir directement, par un élargissement des écarts de taux d'intérêt et un ajustement des rythmes relatifs d'expansion monétaire, et indirectement, en mettant en évidence la détermination des autorités de poursuivre leurs efforts au niveau des politiques. Cependant, si cette coordination peut ainsi contribuer de manière significative au financement ordonné des déséquilibres existants, son incidence sur leur ampleur ne sera probablement pas décisive en l'absence d'un ajustement approprié des politiques budgétaires; elle ne permettrait donc pas d'éliminer la cause fondamentale de la faiblesse actuelle du dollar. Cela ne signifie pas que la coopération monétaire n'ait pas joué un rôle utile, ni qu'elle ne pourrait (ou même devrait) plus le jouer. En contenant les effets de la courbe en J, elle peut permettre aux ajustements considérables des cours de change qui sont déjà intervenus de se traduire par une réduction des déséquilibres des paiements courants et d'orienter ainsi les anticipations dans la bonne direction. Mais, aussi longtemps que l'ampleur et la persistance de ces déséquilibres doivent être considérées comme le problème majeur, du fait même de leur existence et en raison de leur incidence sur les taux de change, la seule coordination des politiques monétaires ne pourra fournir de solution. Il convient de ne pas oublier non plus qu'un nouvel élargissement des écarts de taux d'intérêt au moyen d'un relèvement des taux américains n'irait pas sans entraîner des coûts. À l'évidence, un relèvement des taux d'intérêt à court terme du dollar porterait atteinte à la capacité des principaux pays débiteurs d'assurer le service de leur dette extérieure et n'aurait guère d'effets bénéfiques, pour ne pas dire plus, sur les marchés des capitaux ni sur l'investissement interne aux États-unis. Étant donné le recul marqué des cours des obligations à long terme qui s'est déjà produit aux États-unis par le jeu des forces du marché, toute caution implicite apportée par les autorités à cette évolution sous forme d'un relèvement des taux à court terme Pourrait accélérer le mouvement de hausse des taux à long terme. De même, les possibilités d'obtenir, arithmétiquement parlant, une nouvelle baisse significative des taux du marché monétaire en Allemagne et au japon sont limitées, tandis que la très grande liquidité des marchés japonais des capitaux, comme en témoigne le véritable phénomène de "lévitation" qui affecte les cours de la Bourse de Tokyo, amène de toute façon à s'interroger sur l'opportunité d'une nouvelle expansion monétaire au japon. Quant à la croissance monétaire en Allemagne, elle a été, en tout état de cause, également forte. Pour conclure, si la coordination des politiques monétaires a permis aux autorités de parer au plus pressé, l'efficacité de sa contribution à la réduction des déséquilibres des paiements (et non simplement à leur financement) dépend dans une large mesure du soutien qu'elle peut escompter de la politique budgétaire. En outre, le recours exclusif à la politique monétaire comporte des coûts effectifs et potentiels que nous aurions tout intérêt à essayer de réduire le plus possible. *{ pagination originale du document: p. 224} Cela nous conduit tout droit au rôle que la politique budgétaire devrait jouer pour ramener les déséquilibres actuels des paiements à des proportions acceptables, c'est-à-dire à des niveaux que les bailleurs de fonds privés seraient disposés à financer sans qu'il en résulte de nouvelles tensions sur les cours de change ou les taux d'intérêt. Personne ne peut prétendre savoir de combien il faut réduire les déséquilibres actuels pour que le marché soit prêt à assurer ce financement. Mais on peut faire valoir que, à moyen terme tout au moins, cette réduction ne doit pas être nécessairement spectaculaire. Les écarts actuels de taux d'intérêt confèrent en fait une marge de sécurité confortable aux investisseurs qui raisonnent au-delà du court terme; la confiance dans l'économie et dans le système social et politique des États-unis demeure entière; enfin, les solutions de rechange au vaste éventail des possibilités de placements offertes aux États-unis sont limitées dans la pratique. Ce qui semble indispensable pour rétablir la confiance dans la valeur du dollar aujourd'hui, c'est que l'on se rende compte que le processus d'ajustement extérieur est amorcé et qu'une action est engagée sur le plan de la politique budgétaire. Comme on l'a souligné précédemment, la première de ces conditions sera probablement remplie lorsque les effets de la courbe en J auront disparu. Quant à satisfaire la seconde, la responsabilité en incombe aux gouvernements. La première exigence à cet égard serait de modifier progressivement le ratio épargne interne/investissement aux États-unis. Cela nécessiterait une action des autorités américaines débouchant sur une réduction crédible du déficit budgétaire au cours des prochaines années - notamment au-delà de l'exercice 1988 - et un relèvement du taux d'épargne, extraordinairement faible, des ménages américains; sans ces mesures, on ne peut guère espérer obtenir une contraction du déficit des paiements courants de ce pays plus forte que celle qui est déjà amorcée, sauf à envisager un nouveau recul du dollar conjugué à une récession. S'il est vrai qu'un resserrement budgétaire pourrait effectivement conduire à une baisse des taux d'intérêt américains - ce qui serait une bonne chose pour plusieurs raisons - la perspective d'un assainissement de la balance des paiements courants des États-unis aurait certainement une incidence favorable sur le dollar. Il est vrai également qu'un retour, en Allemagne, au rythme fort satisfaisant d'expansion de la demande intérieure enregistré l'an passé ainsi que son accélération au japon sont tout aussi indispensables que la modification de la politique budgétaire américaine si l'on veut améliorer les perspectives de croissance et mettre en place une structure plus supportable des paiements courants à l'échelle internationale. On ne voit guère comment, en l'absence de toute incitation budgétaire, on pourrait parvenir à un tel résultat, compte tenu des effets défavorables exercés sur l'investissement par le récent ajustement des taux de change et le contexte économique mondial en général. Les trois gouvernements concernés font tous valoir qu'ils ont déjà pris, dans le domaine budgétaire, des décisions qui influencent, ou vont bientôt influencer, leur économie dans la bonne direction. Ils ont probablement raison. Les autorités allemandes et japonaises peuvent également affirmer à bon droit que l'objectif à long terme d'assainissement budgétaire dans leur pays pourrait être mis à mal par l'adoption de nouvelles mesures; de même, l'administration américaine peut arguer que, étant donné la résistance du Congrès aux réductions de dépenses au-delà de ce qui est prévu pour le prochain exercice budgétaire, une nouvelle contraction du déficit nécessiterait un alourdissement de la fiscalité, qui irait à l'encontre des engagements pris de longue date par les autorités. *{ pagination originale du document: p. 225} Et l'on peut imaginer que les milieux financiers - qui ont démontré à maintes reprises dans le passé qu'ils étaient capables de changer leur point de vue lorsque, subitement et collectivement, ils prennent conscience d'une situation existant pourtant déjà depuis quelque temps -percevront l'amorce du processus d'ajustement extérieur réel et d'une modification dans l'orientation des politiques budgétaires nationales. Mais que se passera-t-il s'il ne le font pas? Ou encore s'ils jugent insuffisant l'ajustement observé dans ces deux domaines? Les gouvernements devront se rendre à l'évidence que l'intégration financière internationale (qu'ils ont, soit dit en passant, activement encouragée) a considérablement réduit leur indépendance sur le plan de la politique interne, qu'il s'agisse de pays débiteurs ou créanciers, ou meme des grandes économies. Cela ne signifie pas seulement que, s'ils souhaitent influencer le marché, ils devront parler d'une seule voix et avec plus de cohérence que dans le passé. Il leur faudra, en outre, peser les risques liés à l'adoption de nouvelles mesures budgétaires - et les inconvénients que ces mesures comporteraient d'un point de vue strictement interne - par rapport à ceux qu'ils encourraient sans aucun doute si les flux de capitaux privés continuaient à être insuffisants pour financer le déficit des paiements courants des États-unis. On peut soutenir qu'à très long terme ces deux types de risques se valent. Mais on ne peut s'empêcher de penser que les seconds, s'ils se concrétisaient, seraient à l'origine, dans un proche avenir, de difficultés plus graves, non seulement pour l'économie mondiale dans son ensemble, mais aussi pour les principaux pays pris individuellement. Se prémunir contre de tels dangers, par un renforcement de la coordination des politiques économiques, constituerait une entreprise à la fois souhaitable et réalisable.