*{Banque des Règlements Internationaux, 58e Rapport Annuel, Bâle, 1988, pp.3-9, 86-121, 238-246.} *{ pagination originale du document: p.3} 1. Un sentiment rétrospectif de consternation empreint d'un certain soulagement. L'année 1987 a été fertile en événements, mais elle a également été déconcertante, dans des domaines importants, au niveau de l'analyse économique. Si certaines évolutions que l'on redoutait se sont effectivement déroulées comme on l'avait craint, leurs conséquences immédiates n'ont cependant pas été aussi graves qu'on l'avait imaginé; de nombreux observateurs vont même jusqu'à qualifier de "bienfait déguisé" l'événement le plus spectaculaire de l'année, à savoir le krach des marchés boursiers. De l'avis général, il convient de tirer des leçons de ce qui s'est passé, mais il n'est pas facile de voir en quoi elles consistent. Les liens entre le monde réel et le monde financier sont-ils plus distendus aujourd'hui que par le passé? Certaines successions de faits survenus en 1987 ont-elles été purement fortuites ou doit-on penser qu'elles se reproduiront? Ces questions plutôt ambiguës mises à part, certaines évolutions ont été meilleures, d'autres pires, qu'on ne l'avait escompté, alors que d'autres encore ont été relativement conformes aux prévisions. Ce qui est surprenant malgré tout, c'est qu'au printemps de 1988 les perspectives économiques mondiales ne soient pas vraiment différentes de celles qu'on entrevoyait il y a un an. La balance des chances et des risques perçus, après avoir subi d'amples fluctuations, est pratiquement revenue à sa position antérieure; ni le pessimisme ni l'optimisme ne paraissent donc de mise actuellement. Cela veut dire également que la plupart des grands problèmes de politique économique qui se posaient alors sont toujours dans l'attente d'une solution. Avant de procéder à un inventaire, il serait peut-être utile de rappeler les craintes qui, rétrospectivement, peuvent paraître en partie justifiées, parce que les événements redoutés se sont effectivement produits, et en partie injustifiées, en ce sens que leurs conséquences ont été moins graves, ou ont été différentes, par rapport à ce qu'on avait généralement prévu. Les profondes perturbations affectant les marchés des capitaux ont longtemps figuré en bonne place dans tous les scénarios de crise. Et ces perturbations ont été plus que suffisantes en 1987, le "krach" du marché obligataire aux États-unis ayant été complètement éclipsé, et en partie racheté d'ailleurs, par l'effondrement des marchés des actions. Lorsque ce second krach s'est produit en octobre, nombreux sont ceux - sans parier des personnes directement concernées - qui ont été stupéfaits par son ampleur et sa soudaineté. Tous les marchés de titres du monde entier, petits et grands, ouverts aux non-résidents ont été touchés presque simultanément et (à l'exception du japon) dans des proportions identiques, indépendamment du niveau des cours, des ratios cours/bénéfices ou de l'évolution des cotations avant le choc. Le caractère uniforme de la chute des cours des actions, qui ont perdu d'un tiers à la moitié de leur valeur entre leurs niveaux records de 1987 et leurs creux postérieurs au krach, a pris tout le monde au dépourvu; on était beaucoup plus conscient du degré d'interdépendance à l'échelle internationale des marchés d'obligations que d'une globalisation analogue des marchés des actions; en outre, la période de hausse prolongée des marchés boursiers dans le monde avait revêtu une intensité nettement différente selon les marchés. *{ pagination originale du document: p.4} Le souvenir du krach boursier de 1929 (qui avait d'ailleurs été moins soudain) était encore dans toutes les mémoires, ne serait-ce qu'en raison de son association inquiétante avec la stagnation ultérieure de l'économie mondiale. Même ceux qui soulignaient que l'on avait acquis aujourd'hui une compétence beaucoup plus grande qu'au début des années trente dans la conduite de la politique économique ne pouvaient ignorer l'ampleur énorme de la richesse privée qui s'était trouvée anéantie d'un seul coup. On avait généralement prévu une contraction marquée des dépenses de consommation, en particulier aux États-unis, où les actions représentent 20 pour-cent du patrimoine financier des ménages. On n'excluait pas la possibilité d'effets secondaires sur les stocks et même sur l'investissement dans la production des biens de consommation. Or, l'accélération de la croissance économique du milieu de l'année s'est poursuivie dans une large mesure au quatrième trimestre, le PIB en termes réels enregistrant une progression de 4 pour-cent sur un an dans les sept plus grands pays industriels. Les prévisions de croissance ont de nouveau été révisées en hausse dans de nombreux pays. On ne saurait toutefois en conclure que la crise boursière ne laissera pas de traces, tant au niveau de l'évolution des portefeuilles privés que des possibilités de financement des entreprises industrielles; la diminution de l'offre de capitaux à risque - jamais très abondants - peut avoir une incidence à long terme sur la croissance; les dispositifs et réglementations régissant les marchés font à présent l'objet d'un réexamen attentif. Un autre sujet d'inquiétude, qui n'est pas sans rapport avec l'anticipation de perturbations sur les marchés des capitaux, concernait les perspectives de coordination des politiques économiques à l'échelle internationale en vue de réduire les déséquilibres extérieurs et d'accroître la stabilité sur les marchés des changes. La forte appréciation des monnaies des pays excédentaires vis-à-vis du dollar EU depuis le début de 1985, qui atteignait à fin 1986 près de 60 pour-cent pour le yen et plus de 70 pour-cent pour le deutsche mark (un peu moins en termes réels), avait provoqué dans ces pays un tel ralentissement, non seulement de la demande d'exportations mais également de l'investissement en équipements productifs, qu'elle avait ravivé les craintes d'une sévère récession en cas de baisse persistante du dollar EU. Certes, une telle récession aurait revêtu un caractère néfaste en soi, mais elle aurait, en outre, aggravé le déséquilibre des paiements courants dans le monde. Une amélioration dans ce domaine passait de toute évidence - et passe encore - par une expansion de la demande interne plus forte dans les pays excédentaires qu'aux États-unis. La poursuite de la baisse du dollar apparaissait également indésirable, en raison de son incidence sur la position relative des divers pays en matière de concurrence; il semblait préférable d'attendre que les importants ajustements de taux de change déjà réalisés agissent sur les flux de biens et de services, autrement dit que les effets temporaires de la courbe en J finissent d'exercer leur influence. *{ pagination originale du document: p.5} Avant toute chose, il paraissait impératif d'éviter une sous-évaluation substantielle du dollar EU, qui n'aurait servi qu'à perpétuer l'apparition de distorsions successives des taux de change. La décision solennelle prise à l'occasion de la réunion du Plaza en septembre 1985 ne visait-elle pas, après tout, à éviter de futures distorsions? Dans un tel contexte, l'accord du Louvre de février 1987 a marqué, par rapport aux accords précédents, un renforcement de l'engagement des sept principaux pays industriels en faveur d'une coordination des politiques macro-économiques et des interventions sur le marché des changes. Il a été conclu à un moment où les investisseurs privés étrangers se montraient nettement plus réticents à acquérir des obligations d'État américaines, provoquant ainsi un nouvel affaiblissement du dollar EU mais également une hausse des taux d'intérêt à long terme aux États-unis, après trois ans de baisse ininterrompue. Les interventions officielles effectuées par la suite ont atteint une ampleur sans précédent; ce faisant, la capacité des banques centrales de s'engager dans cette action toujours un peu hasardeuse a alors été portée, dans certains cas tout au moins, à ses limites maximales. Après avril 1987, le volume des interventions a diminué et les banques centrales ne sont guère intervenues pour soutenir le dollar avant la seconde quinzaine d'août. Les autorités paraissaient avoir réussi, au prix d'efforts considérables, à convaincre les marchés de leur détermination de maintenir les taux de change autour des niveaux existants. Presque au même moment, cependant, les responsables de la politique économique se sont trouvés devant un problème inattendu, causé par le fait que les marchés venaient de constater une amélioration de la stabilité des taux de change: le manque de cohérence entre les écarts de taux d'intérêt enregistrés sur les marchés obligataires et les anticipations de taux de change relativement stables pour les monnaies en question; les taux d'intérêt à long terme ont alors commencé à monter au japon et en Allemagne. Cette évolution n'a guère rencontré de résistance de la part des autorités, que ce soit au japon ou en Allemagne. Les banques centrales de ces deux pays considéraient, en effet, que leurs politiques avaient été plus expansionnistes que cela n'était justifié, tant dans une perspective à moyen terme que par rapport à leurs objectifs monétaires déclarés ou non. Tôt au tard, l'augmentation des rendements des obligations devait fournir une raison pour relever également, au moins légèrement, les taux à court terme. Aux États-unis, ces rendements, comme on l'a vu, avaient commencé à monter en janvier lorsque les banques centrales s'étaient substituées aux investisseurs étrangers privés sur le marché des changes (mais pas, bien entendu, sur le marché obligataire); puis ils s'étaient stabilisés de mai jusqu'à la mi-août, pour reprendre ensuite leur ascension, évolution que la Réserve fédérale "sanctionna" en relevant son taux d'escompte au début de septembre. Ces mouvements parallèles des taux d'intérêt paraissaient nettement "incoordonnés" et ont conduit les marchés à se demander si l'accord du Louvre constituait vraiment un pas en avant vers une coordination crédible des politiques économiques. *{ pagination originale du document: p.6} On oubliait généralement qu'entre temps des efforts importants avaient été accomplis dans la bonne direction sur le plan budgétaire, avec la mise en ouvre d'un important programme de relance au japon, l'application anticipée de mesures d'allégement fiscal en Allemagne et une forte réduction, même si elle était en partie fortuite, du déficit budgétaire aux États-unis. Le krach des marchés boursiers, qui paraissait lié, au moins par son déroulement chronologique, aux dissensions provoquées par le manque de coordination des politiques, la nouvelle baisse du dollar ainsi que l'absence de signes d'une amélioration en termes nominaux du déficit de la balance commerciale américaine semblaient justifier toutes les craintes et incertitudes à l'égard de l'accord du Louvre; on se demandait, en effet, s'il constituait bien la réponse appropriée aux problèmes de l'instabilité du marché des changes et des déséquilibres extérieurs. De nombreux observateurs ne manquèrent pas de rappeler qu'ils avaient toujours été convaincus de l'échec de cet accord; certains pressèrent même instamment les autorités de renoncer complètement aux efforts de coordination des politiques économiques, qu'ils considéraient comme fondamentalement vains. Ces craintes et désaccords au sujet de la coordination des politiques économiques, qui paraissaient au moins en partie fondés à la fin de 1987, ne le semblent plus quelques mois plus tard. L'accord du 22 décembre 1987, bien que plus discret que les précédents (il a été conclu sans aucune réunion préalable des ministres et gouverneurs de banques centrales), a été suivi d'interventions nettement moindres sur le marché des changes; la coordination des politiques, que l'on avait enterrée en novembre 1987, figure de nouveau au premier plan des préoccupations des autorités. L'instabilité s'est quelque peu atténuée sur les marchés des changes. Le caractère excessif des réactions engendrées par les statistiques mensuelles du commerce extérieur des États-unis témoigne cependant d'un malaise persistant, en ce sens que les opérateurs se demandent si les déséquilibres extérieurs ont été ramenés à des niveaux acceptables, c'est-à-dire des niveaux permettant un financement par des flux de capitaux privés sans risquer de provoquer des perturbations sur les marchés financiers. En ce qui concerne l'endettement, la décision prise par le Brésil au début de 1987 de ne plus assurer le service de sa dette à moyen et à long terme envers les banques commerciales est pratiquement venue confirmer les appréhensions les plus vives éprouvées dans ce domaine, à savoir que l'un des principaux pays débiteurs refuse d'honorer sa dette extérieure. Si cette initiative avait abouti, d'autres pays auraient pu faire de même, ce qui aurait engendré des risques systémiques, indépendamment du fait que l'engagement des banques vis-à-vis des pays débiteurs en difficulté avait été sensiblement réduit par rapport au montant de leurs fonds propres et de leurs réserves. Là encore, cependant, les conséquences ont été moins graves que prévu: non seulement aucune réaction en chaîne ne s'est produite, mais le Brésil lui-même est revenu sur sa décision à la fin de 1987 et assume de nouveau le paiement de ses intérêts. Entre temps, certaines banques qui n'avaient jusque-là guère ou pas constitué de provisions en regard des risques inhérents à de telles créances douteuses le font à présent de manière massive, même au prix de la publication d'un résultat d'exploitation négatif. *{ pagination originale du document: p.7} Les marchés boursiers ont alors répondu de manière assez favorable à cette attitude, ce qui prouve que pour une fois ils ont su se placer dans une perspective à long terme. D'autres développements intervenus dans ce domaine donnent à penser que la situation ne devrait plus se détériorer. En effet, certaines banques sont prêtes à faire des concessions substantielles pour mobiliser des actifs gelés ou leur substituer d'autres actifs de qualité supérieure. En outre, des efforts ont été entrepris pour élargir la gamme des options ouvertes tant aux créanciers qu'aux débiteurs. Certains indicateurs de la charge de l'endettement se sont également améliorés, sous l'effet de la baisse des taux d'intérêt jusqu'en 1987 ainsi que, dans certains cas, des augmentations récentes des cours des matières premières et de la vigueur de la demande en provenance des pays industriels. Bien que ces signes soient encourageants, il est indéniable qu'un long chemin reste à parcourir avant que les pays concernés ne retrouvent une croissance qui leur permette de résoudre leurs difficultés et que, pour ce faire, une reprise des flux nets de capitaux à destination de ces pays est indispensable. Or, comme l'une de ces conditions présuppose l'autre, il ne saurait y avoir de solution simple et unique. Tout au plus peut-on parvenir, au moyen d'approches ad hoc, à une série de compromis laborieux, conciliant des éléments disparates et même, en temps normal, inconciliables. Les problèmes de service de la dette des pays en développement ont toujours eu pour effet d'affaiblir leurs perspectives de croissance, et les résultats économiques enregistrés dans ce cas contrastent vivement avec ceux des autres pays en développement épargnés par ces difficultés. Dans l'ensemble, les pays en développement ont connu une croissance inférieure en 1987 à celle de 1986 (3,1 pour-cent, contre 4,1 pour-cent), mais le plus important c'est que le fossé entre leurs évolutions respectives s'est encore élargi. D'autres événements de 1987, dont on, pourrait également tirer des enseignements bénéfiques, n'entrent pas dans la catégorie assez inhabituelle des événements redoutés qui se sont effectivement produits, sans avoir toutefois les conséquences immédiates que l'on craignait. Alors que les prévisions de croissance à moyen terme étaient souvent relativement médiocres, on a assisté à une évolution assez favorable dans un certain nombre de pays, dont le Royaume-uni, le Canada et, surtout, le japon (avec une expansion du PIB comprise entre 3,6 et 4,2 pour-cent), ainsi que pour les nouveaux membres de la CEE, à savoir l'Espagne et le Portugal (où la production s'est accrue de 5 pour-cent ou plus). Cependant, les bons résultats obtenus par ces pays n'ont aucun dénominateur commun en ce qui concerne les politiques mises en ouvre. Alors que dans le cas de l'Espagne et du Portugal l'adhésion à la Communauté économique européenne peut avoir constitué l'élément déterminant, le Royaume-uni et le japon pourraient être cités comme des exemples d'efficacité de la politique de régulation de l'offre dans le premier cas et de la demande dans le second. L'étude de ces deux cas fait apparaître également que les politiques axées sur l'offre et la demande ont des horizons temporels différents. Entreprendre une action sur l'offre dans une économie exige avant tout des responsables de la politique économique du courage, de la constance, de la persévérance et de la patience, car les effets ne sont jamais immédiats. *{ pagination originale du document: p.8} L'exemple du japon, qui est parvenu à stimuler la demande au moyen de mesures budgétaires, a particulièrement surpris les observateurs en raison de la rapidité avec laquelle les résultats sont intervenus au niveau de la demande interne (les effets d'annonce ayant été apparemment très puissants), ce qui a permis de dissiper les craintes de récession suscitées antérieurement par la forte contraction des bénéfices des entreprises tournées vers l'exportation. Le cas du Canada ne correspond à aucun de ces deux schémas: l'essor vigoureux imprimé à la croissance est venu de l'investissement privé, en réaction probablement à une longue période d'intense utilisation des capacités productives et, peut-être, au raffermissement des cours des matières premières. En Europe continentale, à part les exceptions déjà mentionnées, les surprises provoquées par l'évolution de la croissance ont plutôt été mauvaises. En effet, la demande interne a généralement été supérieure à la croissance du PIB, phénomène qu'on attendrait uniquement de pays excédentaires engagés dans un processus d'ajustement, ce qui est d'ailleurs le cas pour certains d'entre eux. L'appréciation des monnaies européennes a continué d'exercer une incidence restrictive sur la demande d'exportations du reste du monde. Le marché européen considéré dans son ensemble constitue naturellement le plus grand "marché commun" existant, et son taux de croissance ne devrait pas, en principe, être déterminé par la demande externe. Pour l'heure, cependant, d'importants obstacles empêchent encore de bénéficier des avantages attendus d'un marché unifié. L'élaboration de la politique économique demeure un processus morcelé. On considère qu'un pays membre du SME s'exposerait à des difficultés s'il venait à enregistrer une croissance supérieure à celle de l'Allemagne, qui, pour sa part, n'entend pas tenir le rôle de locomotive, que ce soit dans le contexte européen ou à l'échelle internationale. Les autorités allemandes ne croient guère à l'efficacité de la régulation de la demande. Mais, dans le même temps, on est encore loin d'avoir achevé la tâche entreprise pour améliorer la situation de l'offre dans ce pays, comme l'a récemment admis le gouvernement lui-même en nommant une commission spéciale chargée d'examiner tous les aspects de la déréglementation. Avec une population en baisse, il ne peut y avoir un potentiel de demande de logements, élément qui a joué un rôle important au japon et au Canada dans la stimulation de la demande interne. Après avoir examiné les craintes qui se sont révélées à certains égards justifiées, et à d'autres injustifiées, puis passé en revue certains développements inattendus, il peut être également intéressant, en prélude à l'inventaire détaillé auquel il est procédé dans les différents chapitres de ce Rapport, d'énumérer les domaines dans lesquels l'évolution a été plus ou moins conforme aux prévisions en 1987 et où l'on n'a enregistré ni surprise ni déception. L'inflation a été dans l'ensemble maîtrisée, bien qu'on ait eu un aperçu plus exact - et moins favorable - de la tendance sous-jacente, dès lors que l'amélioration exceptionnelle de la stabilité due à la baisse des prix pétroliers et des cours des matières premières en général a cessé de faire sentir ses effets. L'expansion monétaire excessive dans un nombre relativement élevé de pays (les États-unis constituant la principale exception à cet égard) n'a guère eu d'incidence jusqu'à présent sur l'évolution des prix, les pressions de la demande étant restées modérées, sauf dans quelques cas, et le comportement des salaires ne s'étant guère modifié, bien que le climat se soit légèrement détérioré sur le plan des prix. *{ pagination originale du document: p.9} Le krach boursier a manifestement atténué les anticipations inflationnistes et contribué ainsi à préserver l'équilibre dans la plupart des économies. Dans le même temps, les fortes augmentations des prix de l'immobilier et des autres actifs immobilisés constituent généralement non seulement un indicateur avancé d'un excès de liquidité, même lorsque les prix à la consommation demeurent relativement stables, mais elles jouent également un rôle dans la formation des anticipations inflationnistes. Une crise sur les marchés boursiers n'est certes pas le meilleur moyen de freiner les attentes inflationnistes; la méthode consistant à éviter un excès de liquidité est assurément beaucoup plus efficace à cet égard. Ce n'est pas toujours chose facile, surtout lorsque les interventions des banques centrales sont appelées à jouer un rôle important pour améliorer la stabilité sur les marchés des changes et que les réserves de change s'accroissent rapidement. Il convient de noter cependant qu'on n'a pas enregistré, dans l'ensemble, d'accélération marquée de la croissance monétaire en 1987 par comparaison avec 1986, bien que le volume des interventions ait été nettement supérieur l'an dernier à celui de l'année précédente. Toutes ces questions sont examinées de manière plus approfondie dans les différents chapitres de ce Rapport, dont la présentation est la même que lors des deux années précédentes; deux chapitres, en effet, sont consacrés à chacun des sujets suivants: évolution économique "réelle", marchés des capitaux et problèmes de politique économique, l'un analysant la situation au niveau national et l'autre à l'échelle internationale. Ce principe général d'organisation n'a toutefois pas été appliqué de manière rigide et un certain chevauchement entre les chapitres a été admis lorsque cela paraissait justifié pour des raisons de cohérence. Une place plus importante qu'auparavant a été accordée aux pays en développement. La Conclusion du présent Rapport s'attache moins à résumer les principaux points qu'à donner un aperçu d'ensemble de la situation actuelle en ce qui concerne les efforts incessants mis en ouvre pour résoudre les problèmes qui assaillent l'économie mondiale. *{ pagination originale du document: p.86} IV. Évolution sur les marchés nationaux des capitaux. Faits saillants. En 1987, les marchés des capitaux ont traversé une période particulièrement agitée lorsque la hausse prolongée des obligations et des actions s'est brutalement interrompue. L'effondrement sans précédent, en octobre, des cours des actions sur les places boursières du monde entier a constitué le choc le plus marquant de l'année. Toutefois, auparavant déjà, les rendements des obligations à long terme avaient fait preuve d'une forte instabilité. L'agitation enregistrée sur les marchés des capitaux a vivement contrasté avec l'évolution généralement modérée de la croissance économique et de l'inflation dans les principales économies. L'instabilité des cours des actifs financiers reflétait en partie les incertitudes engendrées par la persistance des déséquilibres des paiements internationaux et, en particulier, le déficit de la balance des paiements courants des États-unis. La forte diminution des sources de financement privé de ce déficit, mise en évidence par les interventions substantielles des banques centrales, a suscité des doutes concernant son caractère soutenable aux prix en vigueur des actifs. S'il est vrai que l'accord du Louvre avait conféré une certaine stabilité aux marchés des changes pendant une partie de l'année, les observateurs s'interrogeaient parfois sur sa viabilité à plus long terme et sur la détermination des grandes économies de coordonner leurs politiques. Dans ce contexte, les prix des actifs ont apparemment été fortement influencés par les anticipations sur les modifications des politiques monétaires et budgétaires, les perspectives de croissance globale et l'évolution de l'inflation, de sorte qu'ils ont paru réagir quelquefois de manière excessive aux "nouvelles" contenues dans les dernières statistiques économiques. La meilleure explication de la crise mondiale des marchés des actions en octobre réside probablement dans la conjonction de trois facteurs: modification de l'évaluation des données économiques fondamentales du fait de la révision des anticipations de croissance de l'économie mondiale, réaction soudaine des marchés des actions à la perception d'une surévaluation antérieure - une "bulle spéculative" - et "défaillance" momentanée des marchés, c'est-à-dire que les divers établissements se sont trouvés dans l'incapacité de faire face normalement à la chute brutale des cours des actions et à la vive augmentation du volume des ventes. La nature de cette défaillance a fait l'objet d'études approfondies dans certains pays, et plus particulièrement aux États-unis et au Royaume-uni. Des divergences importantes apparaissent cependant dans les rapports publiés à ce jour, tant au niveau de l'analyse que des recommandations. En ce qui concerne ces dernières, on s'accorde seulement à reconnaître la nécessité d'accroître la capacité de conclure des transactions sur le marché des actions, de relever les coefficients de fonds propres des contrepartistes et, d'une manière plus générale, d'améliorer la coordination entre les marchés boursiers. *{ pagination originale du document: p.87} Devant la baisse rapide des cours des actions en octobre, les banques centrales ont veillé à assurer un approvisionnement en liquidités suffisant des marchés, afin que les contraintes de trésorerie ne se transforment pas en problèmes de solvabilité. Ces initiatives ont effectivement permis d'éviter le déclenchement d'une panique généralisée sur les marchés financiers. Certains d'entre eux, les deux plus importants notamment, se sont redressés depuis leurs creux de la semaine du krach; d'autres, en particulier en Europe continentale, sont demeurés orientés à la baisse; la plupart, cependant, ont généralement retrouvé une évolution ascendante au cours des premiers mois de 1988. Le processus de déréglementation et de restructuration financières s'est poursuivi l'an passé. La libéralisation croissante des opérations des banques et des établissements financiers non bancaires a fait davantage sentir la nécessité d'une plus grande cohérence, tant à l'intérieur qu'au-delà des frontières, en matière de surveillance et de réglementation de l'activité bancaire nationale et des marchés de titres. Des progrès notables ont été accomplis l'an dernier pour mieux harmoniser le contrôle prudentiel, sous la forme d'une proposition des autorités de surveillance des principaux pays industriels visant à appliquer aux banques des normes communes de fonds propres en fonction des risques encourus. L'extension des activités que les établissements financiers sont autorisés à effectuer sur les marchés nationaux et étrangers a également stimulé la concurrence, mettant ainsi à rude épreuve les efforts entrepris pour renforcer les normes de contrôle bancaire. L'intensification de la concurrence dans le secteur bancaire peut conduire à une plus grande prise de risque ou exacerber les difficultés des établissements dont la situation est déjà précaire. Dans le même temps, elle rend encore plus problématique le maintien d'un juste équilibre dans l'engagement indispensable des pouvoirs publics pour garantir la solidité du système financier et la préservation de son caractère concurrentiel. Persistance des déséquilibres épargne/investissement. Au cours des premiers mois de 1987, l'ordre a semblé régner sur les marchés des capitaux. Les taux d'intérêt à long terme ont baissé en Allemagne, au japon et au Royaume-uni et ne se sont tendus que modérément aux États-unis. En outre, l'accord du Louvre de février avait parfois conféré un certain calme aux marchés des changes. Cependant, la persistance des déséquilibres internationaux de 1986 est demeurée préoccupante tout au long de l'année. Ces déséquilibres traduisaient un ajustement inadéquat des décisions en matière d'épargne et d'investissement; en effet, parallèlement à l'insuffisance de l'épargne aux États-unis par rapport à l'investissement interne, le japon et l'Allemagne continuaient d'enregistrer un excédent. Les préoccupations suscitées par l'absence de signes d'amélioration suffisamment tangibles, le scepticisme à l'égard des réactions effectives et prévisibles de la politique budgétaire et la réapparition d'un certain pessimisme sur la capacité d'ajustement des déséquilibres à l'évolution des prix des actifs ont été autant d'éléments qui ont contribué à créer un sentiment de malaise sur les marchés des capitaux. *{ pagination originale du document: p.88} C'est ce qui explique que les prix des actifs financiers ont parfois semblé réagir de manière excessive à des événements individuels relativement peu importants. En 1987, l'écart entre l'épargne interne et l'investissement a continué de s'accroître aux États-unis, tant en valeur absolue que par rapport au PNB. En L'évolution des proportion du revenu, il s'est légèrement réduit en Allemagne et de manière déséquilibres... plus sensible au japon. Aux États-unis, malgré une diminution importante des besoins d'emprunt nets du secteur public (due en partie, il est vrai, à des augmentations temporaires des recettes), le déficit des paiements courants s'est élargi, pour s'inscrire à $161 milliards, en raison notamment d'une forte contraction de la capacité de financement nette des particuliers. Cette contraction a probablement été liée à la hausse des cours des actions, qui sont demeurés nettement au-dessus de leurs niveaux de fin 1986 jusqu'à la crise d'octobre. Ainsi, confirmant les constatations faites dans le Rapport de l'an dernier, l'évolution de 1987 a mis en évidence l'existence d'une relation négative entre les plus-values sur actions et le taux d'épargne des ménages aux États-unis, lequel est tombé au-dessous de 3 pour-cent au troisième trimestre avant de se situer à quelque 5 pour-cent par la suite. Mesurés par rapport au PNB, les emprunts nets du secteur public ont augmenté en Allemagne, tandis qu'ils ont diminué au japon, malgré l'adoption d'un programme de relance budgétaire. *{ pagination originale du document: p.89} Les inquiétudes générales suscitées sur les marchés des capitaux par l'évolution des déséquilibres internationaux ne se sont guère atténuées avant la fin de l'année. Ce n'est qu'à ce moment-là que des signes visibles d'amélioration, en termes nominaux, de la balance américaine des paiements courants sont apparus et que des mesures concrètes de politique budgétaire ont été annoncées aux États-unis pour résoudre le problème des déséquilibres. Le changement profond intervenu en début d'année dans le financement du déficit extérieur des États-unis - le secteur officiel venant se substituer au secteur privé - a renforcé les doutes concernant la viabilité de la structure en vigueur des prix des actifs en l'absence d'actions directes sur la désépargne publique. Ces doutes ont parfois été amplifiés par le manque de signaux clairs et cohérents de la politique économique, ce qui a accru l'inquiétude des marchés au sujet de la détermination de coopérer des principaux pays. La crise financière de l'an passé a été liée sans aucun doute à la poursuite du processus d'intégration des marchés financiers internationaux et de libéralisation des mouvements de capitaux au cours des dernières années. Une intégration financière plus poussée à l'échelle internationale peut parfois retarder, au lieu de favoriser, l'ajustement des déséquilibres internationaux. En principe, une plus grande mobilité des capitaux permet de mieux adapter la consommation à l'évolution des préférences, en augmentant les possibilités de financement extérieur des divers pays et/ou en réduisant le coût de ces ressources. Dans le même temps, cependant, elle peut également conduire à différer des ajustements internes nécessaires. Qui plus est, une grande mobilité du capital risque d'exercer sur les prix des actifs des pressions allant à l'encontre de l'ajustement externe. Face aux écarts de taux d'intérêt à l'échelle internationale, les flux de capitaux peuvent être le principal déterminant à court terme des mouvements de taux de change, quelle que soit la situation effective de la balance des paiements courants, comme en témoigne l'appréciation de la monnaie américaine au début des années quatre-vingt et, plus récemment, de la livre sterling. Avec le temps, cependant, ce qui tend à prévaloir c'est l'idée qu'on se fait de la viabilité du déséquilibre extérieur et de ses implications pour l'évolution escomptée du taux de change; cet élément détermine la prime exigée par les non-résidents pour détenir des actifs libellés dans la monnaie nationale. Dans ce cas, les doutes concernant ce caractère durable du déséquilibre peuvent contribuer à l'apparition de périodes de forte instabilité de cette prime et, partant, des prix des actifs, comme le donne à penser l'évolution enregistrée l'an dernier sur les marchés des changes et les marchés boursiers. Dans un tel contexte d'incertitude, le fait que l'épargne privée n'ait pas permis de soutenir l'ajustement externe est apparu particulièrement préoccupant. Un certain nombre d'observateurs, en particulier, ont émis l'idée, peu rassurante d'ailleurs, que le comportement de l'épargne, notamment aux États-unis et au japon, était peut-être en grande partie déterminé par des facteurs à long terme ou structurels et relativement insensible aux modifications des prix des actifs. Il a été fait remarquer que la baisse tendancielle du taux de l'épargne privée aux États-unis a eu des causes diverses, telles que l'augmentation du niveau de la consommation des personnes âgées, l'amélioration des systèmes d'assurance publics et privés et l'assouplissement des contraintes en matière de liquidité lié à un accès plus facile et moins coûteux au crédit. *{ pagination originale du document: p.90} En revanche, le niveau relativement haut du taux d'épargne privée au japon, malgré une certaine surévaluation due aux conventions comptables utilisées, a été attribué à plusieurs facteurs, notamment le taux de croissance élevé de l'économie, la cherté des logements et de l'immobilier associée à un accès limité au crédit, une forte tendance aux legs et, jusqu'à leur abolition récente, les mesures d'encouragement substantiel à l'épargne sous forme de dégrèvements d'impôts. Ces arguments, dans la mesure où ils sont corroborés par les faits, peuvent aider à comprendre pourquoi on ne peut s'en remettre uniquement aux mouvements des prix des actifs pour corriger les importants déséquilibres des paiements existants et pourquoi une forte "surréaction" de ces prix peut avoir lieu en l'absence d'ajustements sensibles de la situation financière nette du secteur public. Taux d'intérêt. Des ruptures importantes se sont produites l'an dernier par rapport à deux tendances suivies par les taux d'intérêt durant la majeure partie des années quatre-vingt. Tout d'abord, la longue période de baisse des taux à long terme a pris fin dans la plupart des pays industriels. Ensuite, l'instabilité des taux d'intérêt, en particulier les rendements des obligations, a augmenté dans plusieurs pays. Tant le mouvement de hausse que l'instabilité des rendements ont vivement contrasté avec la stabilité relative de l'économie réelle. Comme le montre le graphique ci-contre, les taux d'intérêt à long et à court terme se sont situés à leurs niveaux les plus bas dans la plupart des grands pays au premier semestre de 1987 - établissant ainsi, dans de nombreux cas, de nouveaux records de baisse depuis le milieu des années soixante-dix. Aux États-unis et au Canada, cela s'est produit vers le début de l'année, alors que dans les autres grands pays, à l'exception de la France, les creux ont été enregistrés en avril ou en mai, époque à laquelle les taux sont remontés en flèche au Canada et aux États-unis. Au second semestre, le fait notable a été l'évolution relativement parallèle des taux dans les pays considérés: hausse durant l'été, plafonnement de courte durée juste avant le krach boursier d'octobre, puis fléchissement qui s'est poursuivi jusqu'au début de 1988. Cependant, le Royaume-uni a été le seul pays où, au premier trimestre de 1988, les rendements des obligations ont été nettement inférieurs à leurs niveaux d'un an auparavant. En avril et mai, les taux ont eu tendance à se raffermir dans la plupart des pays. En raison de la persistance d'une inflation faible ou modérée dans de nombreuses économies, les rendements des obligations, corrigés de l'inflation, sont demeurés élevés par référence au passé. Les taux à court terme, en revanche, ont moins monté ou ont même fléchi, ce qui s'est traduit par des baisses en termes réels, en particulier en Allemagne et au japon. Comme le montre le tableau de la page 92, les courbes de rendements se sont généralement accentuées du fait de la montée des taux au troisième trimestre de 1987. *{ pagination originale du document: p.92} Ce mouvement s'est en partie inversé en cours d'année, mais il convient de noter que, pour l'ensemble des grands pays industriels, les de rendements d'obligations conservaient, au début de 1988, une marge sensiblement plus élevée par rapport aux taux des marchés monétaires qu'en 1986 et au début de 1987. L'année dernière, et surtout au premier trimestre de 1988, un contraste marqué est apparu entre la courbe de rendements relativement plate au japon et l'orientation nettement plus ascendante en Allemagne. L'évolution des rendements des obligations est déterminée à la fois par la situation macro-économique courante - production, inflation, politiques monétaire et budgétaire - et les anticipations des investisseurs au sujet des conditions futures. Du fait de l'importance des bailleurs de fonds étrangers sur de nombreux marchés obligataires nationaux, l'évolution escomptée es taux de change exerce également une forte influence à cet égard. Le facteur "anticipations" semble avoir joué un rôle particulièrement sensible l'an dernier, étant donné que l'augmentation et l'instabilité accrue des rendements des obligations ne peuvent être attribuées, de toute évidence, à une évolution inattendue de la croissance réelle ou de l'inflation. Bien que les attentes des agents économiques ne soient pas directement mesurables, il est toutefois possible d'identifier de manière assez précise des périodes au cours desquelles, l'an dernier, la modification du comportement des investisseurs a entraîné des variations des taux d'intérêt. Deux épisodes de ce genre, la chute du dollar en mars 1987 et l'effondrement des cours des actions en octobre, ont affecté simultanément les investisseurs du monde entier et occasionné des fluctuations de prix étroitement liées sur la plupart des marchés obligataires. L'incidence des anticipations des variations de taux de change s'est particulièrement fait sentir au premier semestre de 1987. Aux États-unis, les rendements des obligations ont évolué en sens inverse de la valeur du dollar; de même, dans les autres grands pays, les rendements ont fléchi lorsque la monnaie s'appréciait par rapport au dollar et ils se sont tendus en cas de dépréciation. *{ pagination originale du document: p.93} Cette évolution a pris un tour spectaculaire à l'occasion de la chute du dollar, en mars et avril notamment, qui s'est accompagnée d'une divergence marquée des rendements des obligations aux États-unis par rapport au japon et à l'Europe. Lorsque le dollar s'est stabilisé sur les marchés des changes en mai et juin, les taux à long terme se sont nettement ressentis de la baisse antérieure de la monnaie américaine. Les taux longs des titres du Trésor américain ont gagné près de 150 points de base entre janvier et mai, tandis qu'au japon les taux sur les titres comparables ont baissé d'environ un point de pourcentage. En Allemagne, les taux longs ont perdu quelque 50 points de base. Ces diverses évolutions donnent à penser que la faiblesse du dollar a parfois incité les investisseurs internationaux à réviser leurs jugements sur la valeur future de la monnaie américaine. Ils ont exigé une prime plus forte sur les taux d'intérêt du dollar par rapport aux taux des autres monnaies, de manière à compenser une dépréciation ultérieure ainsi que le risque plus élevé lié à la détention d'actifs en dollars dans un environnement moins sûr. Le tableau ci-après montre l'élargissement sensible des écarts de rendement durant l'année, en particulier dans le compartiment à long terme. Au deuxième trimestre de 1987, les écarts entre les taux à long terme des actifs en dollars et les rendements au japon et en Allemagne s'étaient accrus de 100 points de base ou davantage par comparaison avec 1986. Ces écarts se sont légèrement réduits entre la mi-mai et la mi-août, période marquée par une stabilité du dollar et un faible volume d'interventions, ce qui porte à croire que l'accord du Louvre inspirait davantage confiance. Néanmoins, après des accès de faiblesse de la monnaie américaine, provoqués à l'origine par la publication de chiffres décevants sur la balance commerciale des États-unis, les écarts se sont de nouveau élargis et se sont maintenus jusqu'au début de 1988. La prime sur les actifs en dollars, surtout dans le compartiment à court terme, donne à penser que le redressement du dollar et la stabilité dont il a ensuite fait preuve au début de cette année sont peut-être dus davantage à des écarts de taux d'intérêt induits par les autorités qu'à un changement d'attitude plus fondamental à l'égard de la monnaie américaine. *{ pagination originale du document: p.94} Compte tenu de la réticence du japon et de l'Allemagne à abaisser davantage les taux à court terme, situés déjà à leurs plus bas niveaux de l'après-guerre, la persistance de la prime pourrait introduire une certaine rigidité dans la structure mondiale des taux d'intérêt, une augmentation des taux aux États-unis constituant à l'évidence la seule marge de manouvre disponible. Au second semestre de 1987, l'inflation et les politiques monétaires se sont trouvées au centre des préoccupations des marchés d'obligations. Les rendements obligataires dans la plupart des grandes monnaies sont devenus sensibles à la hausse des cours de l'or, du pétrole et des matières premières industrielles. Le taux des fonds fédéraux aux États-unis est passé de quelque 6,4 pour-cent en avril à 7,2 pour-cent en septembre, signe d'un resserrement de la politique, et les rendements des obligations au japon ont enregistré une forte hausse vers la fin du printemps, la Banque du japon n'ayant pas procédé à un nouvel abaissement de son taux d'escompte. Ces perturbations se sont rapidement propagées aux divers marchés obligataires nationaux. Les anticipations de taux d'intérêt et d'inflation ont été vivement affectées par l'effondrement des cours des actions dans le monde en octobre 198t Les taux d'intérêt des obligations d'État ont fortement chuté sous l'effet de l'action entreprise par les banques centrales et de la recherche par les investisseurs de valeurs-refuges. Ce mouvement des taux s'est étendu à la plupart des autres obligations de haute qualité, les investisseurs considérant la récession et la déflation comme des éventualités plus probables que l'inflation. Les taux sont demeurés orientés à la baisse dans la plupart des pays jusqu'au début de 1988, en raison des anticipations croissantes d'un ralentissement de l'activité économique et de la persistance d'une inflation faible à modérée dans les principaux pays industriels. Au printemps, le mouvement de baisse s'est en partie inversé, par suite de l'apparition de signes d'une croissance plus vigoureuse que prévu et d'une résurgence des préoccupations inflationnistes. Les taux d'intérêt à long terme ont été particulièrement instables l'an dernier. Le tableau suivant montre, pour quatre pays, dans quelle mesure l'instabilité des rendements des obligations s'est accrue l'an passé. Il indique l'écart (maximum moins minimum) de ces rendements durant l'année, le pourcentage de cet écart par rapport au rendement moyen et la variation du rendement sur l'année. Dans leur évaluation de l'instabilité, les opérateurs ont probablement tenu compte des modifications des taux d'intérêt, tant en valeur absolue qu'en valeur relative, ainsi que de leur rapidité et de leur sens. L'écart en valeur relative devrait refléter grosso modo la manière dont les investisseurs perçoivent l'ampleur des mouvements des taux; il présente également l'avantage de mesurer techniquement la "Iargeur" de la distribution des taux d'intérêt. Les rendements des obligations se sont situés dans une large fourchette en 1987 et l'instabilité a été plus forte dans trois des quatre pays. Ce phénomène s'est manifesté de manière spectaculaire sur le marché obligataire japonais, puisque l'écart des taux y est égal à 50 pour-cent du rendement annuel moyen. *{ pagination originale du document: p.95} Il convient de noter également que, à l'inverse de 1982 ou 1986, cette instabilité accrue en 1987 s'est généralement accompagnée d'une hausse des rendements, ce qui a probablement amplifié ses effets sur les décisions des investisseurs. Cours des actions: évaluation des données économiques fondamentales, bulles spéculatives ou défaillance des marchés? La caractéristique la plus frappante de l'évolution enregistrée sur les marchés des capitaux en 1987 a été l'effondrement simultané des cours des actions sur les diverses Bourses du monde. Certes, ces cours n'ont pas été les seuls à subir le contrecoup des tensions financières, puisque les marchés d'obligations et de change ont également souffert de chocs importants durant l'année. Cependant, cette évolution offre un contraste particulièrement saisissant avec les cinq années précédentes de hausse ininterrompue à l'échelle internationale, durant lesquelles les marchés des actions ont paru relativement préservés des tensions économiques. L'une des questions essentielles soulevées par les événements d'octobre 1987 est de savoir si cette chute des cours des actions reflète une modification justifiée des anticipations des marchés concernant les perspectives de l'économie mondiale, une correction de la surévaluation antérieure - qui avait été alimentée par des bulles spéculatives et un optimisme excessif au sujet des données économiques fondamentales - ou une "défaillance" momentanée des marchés. *{ pagination originale du document: p.96} En fait, il est probable que tous ces facteurs ont joué un rôle. Bien que, dans son ensemble, le marché soit resté constamment orienté à la hausse au premier semestre de 1987, des différences sensibles ont cependant été observées entre les divers pays. Le tableau des indices nominaux des cours des actions présenté ci-contre montre que quatre des cinq plus grands marchés (États-unis, Royaume-uni, japon et Canada) et un groupe de pays plus petits, situés tant en Europe qu'en Extrême-orient, ont connu de vives hausses des cours au premier semestre de 1987, qui se sont poursuivies, dans certains cas, jusqu'au mois d'octobre. En revanche, dans les principaux centres d'Europe continentale (Allemagne, France, Italie et Suisse), l'augmentation des cours des valeurs mobilières à revenu variable a été relativement modérée ou nulle. Quoi qu'il en soit, indépendamment de leurs résultats antérieurs, pratiquement tous les pays ont été affectés par le krach, les creux observés par la suite reflétant des pertes de 25 à 50 pour-cent vis-à-vis des sommets de 1987. De même, à la mi-mai 1988, tous les marchés avaient retrouvé une tendance ascendante par rapport à ces creux, avec des gains moins importants toutefois pour l'Allemagne et la Suisse par comparaison avec la plupart des marchés. *{ pagination originale du document: p.97} La Bourse de Tokyo se distingue à cet égard puisqu'elle a enregistré l'une des plus fortes hausses au premier semestre de 1987, la perte relative la plus faible par rapport à son maximum de 1987 et, proportionnellement, l'un des redressements les plus spectaculaires après le krach. La hausse des indices des cours nominaux des actions depuis le début des années quatre-vingt revêt un caractère exceptionnel; pour la plupart des pays, cette hausse a été due en grande partie à la remontée des cours, en termes réels, des actions à leurs niveaux du début de la décennie soixante-dix, après une période de faiblesse prolongée qui a duré dans la majorité des cas de 1973 à 1982 . Les raisons de cette évolution des cours réels durant les années soixante-dix n'apparaissent pas très clairement, compte tenu du niveau généralement bas des taux d'intérêt réels. Elle pourrait s'expliquer par la conjonction de plusieurs facteurs économiques fondamentaux, tels que des perspectives de croissance médiocres, l'ampleur des risques et une baisse de la rentabilité des biens d'équipement à la suite du premier choc pétrolier, ainsi que par des erreurs d'évaluation liées à l'inflation, qui ont généralement amené les investisseurs à sous-évaluer les actions. *{ pagination originale du document: p.98} A partir de 1982, la reprise de la croissance réelle, la baisse de l'inflation et des taux d'intérêt et la modération des revendications salariales ont contribué à améliorer de manière substantielle les perspectives de gains en termes réels dans les pays industrialisés. Dans le même temps, il est probable que le ralentissement de l'inflation a permis d'éliminer des erreurs d'évaluation des actions, tandis que, dans certains pays, des mesures d'ordre fiscal étaient adoptées pour stimuler l'investissement en actions. Les effets conjugués de ces divers facteurs ont largement compensé la hausse parallèle des taux de rendement requis résultant de l'accroissement des taux d'intérêt réels; de ce fait, les cours réels des actions ont rapidement augmenté sur tous les grands marchés. Leur divergence d'évolution, amorcée en 1986, pourrait s'expliquer en partie par l'incidence des variations des taux de change réels (qui a généralement accru la rentabilité escomptée des secteurs d'activité américains, canadiens et britanniques soumis à la concurrence étrangère par rapport à ceux d'Europe continentale) et par les différences entre les taux de croissance internes (qui, là encore, ont eu tendance à jouer en faveur de la rentabilité relative au Canada et au Royaume-uni). Il convient de noter toutefois que la progression rapide des cours réels sur le marché boursier au japon s'est poursuivie en 1986-87, malgré la contraction des marges bénéficiaires des exportateurs. Causes de la crise boursière. On peut identifier trois causes probables de la chute brutale des cours des actions, l'automne dernier. Tout d'abord, les incertitudes concernant la solution du problème des déséquilibres des paiements internationaux. En octobre, les anticipations des marchés ont certainement été très affectées par les préoccupations croissantes suscitées par l'échec des efforts entrepris pour stimuler la demande interne dans certains pays et réduire le déficit budgétaire fédéral aux États-unis ainsi que par la réaction insuffisante, par rapport aux prévisions, des déséquilibres nominaux des paiements courants à la dépréciation antérieure du dollar. Ces constatations ont pu, à leur tour, alimenter les craintes d'une récession (et faire redouter ainsi une diminution de la croissance des bénéfices réels des entreprises), due soit à une hausse immédiate des taux d'intérêt réels aux États-unis destinée à soutenir le dollar, soit à un resserrement consécutif à la montée de l'inflation résultant d'une chute libre du dollar. Le fait que les déséquilibres commerciaux ont soudainement pesé de manière déterminante sur l'opinion peut avoir été lié à un sentiment de frustration croissante tenant à plusieurs facteurs: impossibilité apparente de résoudre cette question, prise de conscience de la modification survenue antérieurement dans le financement du déficit américain - le secteur officiel ayant pris le relais des capitaux privés - et menace permanente d'adoption de mesures protectionnistes par les États-unis. Ces préoccupations ont mis en évidence la nécessité d'une coordination des politiques économiques et accru l'inquiétude des marchés des capitaux devant l'apparition de tout signe pouvant traduire un manque d'harmonisation dans ce domaine. Enfin, la détérioration de la situation de l'endettement international au premier semestre de 1987 a probablement amplifié les incertitudes générales sur les perspectives d'évolution de l'économie. *{ pagination originale du document: p.99} L'analyse qui précède soulève cependant un certain nombre d'interrogations. La première concerne l'ampleur exceptionnelle et la portée globale du krach d'octobre, qui impliquent une uniformité peu banale quant à la manière avec laquelle les anticipations se sont soudainement modifiées dans un très grand nombre de pays; cela paraît en même temps sans commune mesure avec l'importance des informations publiées juste avant le choc boursier. Une seconde question porte sur les observations faites après le krach, qui laissent entendre que les investisseurs les plus importants comme les plus modestes considéraient que le marché américain des actions était surévalué avant le 19 octobre. Cette impression est corroborée au Royaume-uni (mais non aux États-unis eux-mêmes) par le volume exceptionnellement élevé des nouvelles émissions d'actions de sociétés durant l'été de 1987, ce qui semblerait indiquer que les entreprises estimaient, elles aussi, que le marché était d'une certaine manière surévalué. *{ pagination originale du document: p. 100} Ces observations donnent à penser qu'un deuxième facteur, en l'occurrence des bulles spéculatives, a joué un rôle dans la crise d'octobre en faisant monter les cours des actions, durant la période qui l'a précédée, à des niveaux supérieurs à ceux que justifiaient les données économiques fondamentales. Ce phénomène peut se produire lorsqu'une vive hausse des cours suscite des anticipations générales d'une poursuite de ce mouvement, au moins à court terme, ce qui déclenche alors un processus de surévaluation constante qui se nourrit de lui-même et peut même s'intensifier. Au fur et à mesure que la surévaluation s'amplifie, les pressions qui tendent à induire une correction à la baisse augmentent également, de sorte qu'il suffit d'un choc extérieur de faible ampleur pour provoquer un effondrement des cours. Un tel comportement semble conforme à l'évolution des cours observée en 1987 sur la plupart des grands marchés boursiers (sauf en Europe où ils ont atteint leurs niveaux records en 1986) et constitue l'une des explications les plus répandues de la crise. En outre, on pourrait faire remarquer que l'évolution institutionnelle au cours des années quatre-vingt a eu tendance à prolonger la durée des bulles spéculatives. Divers facteurs ont, en effet, contribué à la perception d'une liquidité accrue sur les marchés des actions: rapide progression du volume d'activité sur les marchés au comptant, ouverture de marchés d'opérations à terme sur indices d'actions, développement de techniques de couverture dynamiques, telles que les mécanismes de couverture de portefeuille et, plus récemment, instauration d'un fonctionnement vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour certains titres importants. De telles perceptions peuvent inciter les investisseurs qui reconnaissent l'existence d'une surévaluation persistante à poursuivre néanmoins leur activité sur le marché dans la mesure où ils estiment pouvoir en sortir rapidement lorsque la bulle éclate. Il serait toutefois risqué d'accorder une trop grande importance au rôle des bulles spéculatives, à la fois parce que les signes empiriques de leur existence sur les marchés des capitaux sont loin d'être évidents et parce qu'un examen de l'évolution des rendements au cours des années quatre-vingt ne permet pas d'aboutir à la conclusion d'une forte surévaluation des marchés avant le krach. L'"écart de rendement" indiqué dans les graphiques ci-après représente le rendement nominal des obligations à long terme moins le dividende (en pourcentage du nominal). Cet écart a été positif pendant de nombreuses années. Théoriquement, son ampleur paraît évoluer positivement selon les anticipations d'inflation et de croissance des gains réels et négativement selon le degré de risque relatif perçu sur les actions. En raison de différences dans les méthodes de mesure, une comparaison entre pays des écarts de rendement ne serait d'aucune utilité; toutefois, les comparaisons avec le passé pour les divers pays peuvent apporter certains enseignements sur la question de la surévaluation. Dans tous les pays représentés dans les graphiques, on constate un certain élargissement de l'écart de rendement avant la crise d'octobre, sans pouvoir en conclure cependant avec certitude que les anticipations que cela implique pour l'accroissement des gains réels étaient excessives, surtout si cet élargissement s'explique en partie par une intensification des anticipations inflationnistes dûment prise en compte dans les cours des actions. *{ pagination originale du document: p.102} Le ratio cours/bénéfices, qui était supérieur à 70 avant le krach pour le marché japonais (contre 22 pour les États-unis et 17 pour le Royaume-uni), a souvent été avancé comme une preuve de surévaluation, tant en valeur absolue que par rapport aux autres marchés. Si, au japon, ce coefficient a probablement reflété une certaine surévaluation, son ampleur cependant n'a sans doute pas été aussi prononcée qu'une comparaison brute des chiffres semble l'indiquer. Les procédures fiscales et comptables en vigueur au japon aboutissent généralement à une sous-évaluation des bénéfices d'exploitation et à une accumulation d'actifs occultes dans le cadre de placements à prix coûtant dans l'immobilier et sous forme d'actions. En outre, des niveaux de taux d'intérêt relativement faibles au japon justifient un rendement bénéficiaire relativement bas (ratio cours/bénéfices élevé). Par ailleurs, la prédominance de participations croisées inter-entreprises tend à amplifier l'augmentation de la capitalisation totale du marché engendrée par la valorisation du capital-actions des diverses entreprises. Dans la mesure où celle-ci n'est pas liée à un accroissement des bénéfices publiés, son incidence nette se traduit par une progression des ratios cours/bénéfices pour l'ensemble du marché. Le troisième facteur ayant probablement contribué à déclencher la crise boursière a été une défaillance momentanée de certains mécanismes de marché provoquée au départ par une baisse des cours. Plusieurs causes de cette défaillance peuvent être mises en évidence: insensibilité des ventes à la valeur fondamentale, signaux de cours erronés dus à un volume d'activité sans précédent et insuffisances parallèles des équipements et des procédures, incapacité ou refus, de la part d'investisseurs motivés par la valeur fondamentale, d'agir sur un marché secoué par une crise. Il est possible que, sous l'action de ces facteurs, les cours soient tombés à des niveaux tels que les perceptions des données économiques fondamentales en aient été elles-mêmes modifiées, validant ainsi les nouveaux cours. Il se peut également que l'amélioration généralisée de la vitesse des transmissions et des techniques opérationnelles ait eu des effets assez néfastes en augmentant la probabilité de cette crise. La section suivante examine de manière plus approfondie le comportement de la clientèle institutionnelle pendant la semaine du krach boursier. Le krach boursier d'octobre. Le lundi 19 octobre 1987, la Bourse de New York (NYSE) a connu sa plus forte chute en une journée, avec une baisse de 22,6 pour-cent de l'indice Dow Jones et une perte de valeur des actions de plus de $EU 500 milliards. Le lendemain, après une brève reprise, l'indice cédait environ 12 pour-cent en l'espace de deux heures. L'après-midi, le marché parvenait à se redresser, pour gagner 5,9 pour-cent sur l'ensemble de la journée, mais après avoir frôlé la suspension totale de l'activité et, pour reprendre les termes du Rapport Brady, encouru le risque d'un "effondrement général du système financier". Ce risque a pu être écarté, grâce surtout aux interventions massives des autorités monétaires. *{ pagination originale du document: p.103} Si les États-unis se sont trouvés au centre même du phénomène, à de rares exceptions près les marchés d'actions du monde entier ont été également touchés, nombre d'entre eux enregistrant des records de baisse absolus en une seule journée. En raison du caractère déstabilisateur exceptionnel et de l'ampleur sans précédent de la baisse des cours des actions, il est important d'analyser les facteurs institutionnels qui peuvent avoir contribué à la défaillance du marché, provoquant une accélération et, dans de nombreux cas, une surréaction de la chute des cours pendant ces jours critiques. À cet égard, les développements récents qui méritent une attention particulière sont l'interaction entre le marché boursier et celui des opérations à terme sur indices d'actions et l'institutionnalisation croissante des portefeuilles d'actions et de la négociation de ces titres. La crise boursière aux États-unis. Trois raisons notamment incitent à examiner de manière approfondie le rôle des marchés d'opérations à terme sur indices d'actions. Tout d'abord, au milieu de 1987, le volume quotidien en termes nominaux des contrats à terme sur actions a atteint une fois et demie celui de la Bourse de New York (NYSE). Deuxièmement, les marchés à terme d'instruments financiers sont devenus indispensables pour exécuter les nouvelles stratégies, regroupées sous l'appellation d'"opérations programmées", telles que la couverture de portefeuille et l'arbitrage sur indices. Troisièmement, tout en permettant d'effectuer des opérations sur des actifs qui sont d'excellents substituts d'actions, ces marchés sont soumis à des dispositions nettement différentes, en ce qui concerne l'effet de levier et la négociation des contrats, de celles qui sont appliquées au marché au comptant (c'est-à-dire des titres), ce qui pose de sérieuses questions au sujet de leur interaction. Une attention particulière a été accordée à la capacité potentielle des mécanismes de couverture de portefeuille d'amplifier les variations des cours, en liaison tout particulièrement avec l'effet de levier relativement élevé des marchés financiers à terme; il convient de préciser, en effet, que la stratégie mise en ouvre se traduit par des achats automatiques lorsque le marché est orienté à la hausse et par des ventes lorsqu'il est à la baisse, quelle que soit la valeur sous-jacente des titres. Cette capacité, qui est minimisée dans le Rapport de la "Commodities Futures Trading Commission" (CFTC), a été considérée comme importante dans ceux de la Bourse de New York (NYSE), de la Commission des opérations de Bourse (SEC) et de la Commission Brady. Les constatations effectuées donnent à penser que les mécanismes de couverture de portefeuille ont joué un rôle non négligeable dans la rapidité, et probablement l'amplification, de la baisse des cours. Des ventes d'un volume et d'une concentration inhabituels furent effectuées les 19 et 20 octobre sur les marchés financiers à terme par des investisseurs cherchant à couvrir leur portefeuille (voir tableau de la page suivante). Ces ventes ont contribué à la chute record des cours des instruments à terme et, par voie de conséquence, à une décote déstabilisatrice de ces instruments sur l'indice au comptant. *{ pagination originale du document: p.104} Cette décote a eu, à son tour, pour effet de détourner un volume de ventes sans précédent liées à la couverture des portefeuilles vers le marché au comptant. Les pertes massives enregistrées sur les encours des positions longues sur les contrats à terme d'instruments financiers (quelque $EU 6 milliards le lundi), conjuguées avec la nécessité immédiate de faire face aux variations des marges en raison de l'obligation du règlement quotidien au comptant par référence aux prix du marché ("marking-to-market"), peuvent avoir accentué les ventes forcées sur le marché boursier. En outre, il est apparu qu'un certain nombre de courtiers ont vendu des titres en prévision des pressions à la baisse exercées sur les cours par des ventes de couverture de portefeuille, ce qu'ils auraient sans doute fait s'ils avaient perçu une surévaluation du marché. On a estimé, compte tenu de la chute des cours durant la semaine précédente, que le "volant" de programmes non exécutés de couverture de portefeuille se chiffrait entre $EU 8 milliards et $EU 14 milliards à l'ouverture, le lundi. Le rôle de l'arbitrage sur indices pendant le krach a provoqué de vives controverses. En prenant des positions compensatoires sur les deux marchés, les arbitragistes sur indices veillent normalement à ce que la différence entre les instruments à terme et les indices au comptant corresponde aux coûts de portage des titres - taux d'intérêt à court terme moins dividende. *{ pagination originale du document: p.105} Durant la crise, toutefois, cet arbitrage n'a pu empêcher l'apparition d'une décote persistante et substantielle des instruments à terme par rapport à l'indice au comptant. Le lundi, cette situation était due aux retards dans l'exécution des ordres, aux restrictions sur les ventes à découvert et, d'une manière générale, à l'accroissement des risques. Le mardi, l'origine en a été les limites imposées à l'utilisation de cette stratégie par les membres de la Bourse de New York (NYSE). Le Rapport de cet organisme impute une partie de la responsabilité de la chute du lundi aux ventes particulièrement importantes d'arbitrage sur indices, malgré les difficultés d'exécution (voir tableau de la page précédente). En revanche, le Rapport Brady fait valoir que c'est précisément l'incapacité de l'arbitrage sur indices de combler la décote qui a précipité ce mouvement. Il souligne l'effet déstabilisateur de la décote sur les anticipations des autres investisseurs, soit qu'elle indique la valeur future de l'indice au comptant, soit qu'elle engendre des anticipations de nouvelles ventes d'arbitrage. Le Rapport de la SEC, pour sa part, est très réservé sur ce point. D'une manière plus générale, il ne serait pas raisonnable d'attribuer une grande part de la responsabilité du krach à l'arbitrage sur indices, étant donné que cette stratégie répercutait simplement de manière passive les pressions à la vente du marché à terme d'instruments financiers sur le marché au comptant. Il conviendrait plutôt d'examiner avec attention l'origine des ventes de couverture sur les marchés à terme d'instruments financiers - essentiellement pour la couverture de portefeuille - et les mécanismes qui ont amplifié de manière artificielle la décote sur les instruments à terme. L'un de ces mécanismes est l'interaction de dispositions fort différentes régissant l'action des contrepartistes sur le marché au comptant et sur le marché à terme d'instruments financiers. Les contrepartistes n'ont absolument pas réagi de la même façon devant les importants déséquilibres des ordres à l'ouverture du lundi. Les "spécialistes" de la NYSE retardèrent l'ouverture en raison de l'obligation qu'ils ont d'atténuer les fluctuations de cours, alors qu'à Chicago le système d'enchères continues à la criée par les contrepartistes entraina une chute immédiate des cours. Cette divergence de comportement entre les deux marchés contribua à majorer la décote, à donner un poids excessif à l'arbitrage sur indices, à intensifier le climat d'incertitude et, d'une manière plus générale, à favoriser des transferts déstabilisateurs d'opérations entre les marchés. En plus de ces différences, les marchés au comptant et ceux des instruments à terme ne disposent d'aucun mécanisme de compensation commun et n'imposent pas les mêmes dépôts de garantie. Le Rapport Brady, en particulier, considère que cette structure institutionnelle a engendré une demande de crédit excessive et masqué la véritable cote de crédit des emprunteurs potentiels; de ce fait, elle a amplifié les problèmes de liquidité, accru la difficulté pour les contrepartistes de prendre des positions à découvert, augmenté l'instabilité du marché et contraint les autorités monétaires à des interventions plus importantes. *{ pagination originale du document: p.106} Le krach d'octobre a aussi clairement mis en évidence le caractère déstabilisateur de la concentration croissante de la prise de décisions engendrée par l'institutionnalisation de plus en plus grande des marchés d'actions. Entre 1981 et le troisième trimestre de 1987, la part des portefeuilles d'actions détenue par les caisses de retraite et les fonds de placement s'est accrue de moins de 20 pour-cent à quelque 27 pour-cent. Cette tendance s'est accompagnée d'une augmentation des opérations groupées (grosses transactions), qui sont passées de quelque 30 pour-cent à 50 pour-cent environ du volume d'activité de la Bourse de New York. Les rapports font apparaître que les importants déséquilibres observés au niveau des ordres le lundi ont été provoqués par les ventes d'un nombre étonnamment faible d'institutions, alors que les offres d'achat étaient beaucoup plus dispersées (voir tableau ci-dessous). Les systèmes établissant la contrepartie du marché se sont ainsi trouvés soumis à des tensions considérables. Comme ces institutions sont également les utilisateurs finals des mécanismes de couverture de portefeuille, elles ont constitué le principal moyen de transmission du krach à l'échelle mondiale. Tableau d'ensemble de la crise. La dimension globale du krach est illustrée par les chutes de cours importantes, et bien souvent records, enregistrées les 19 et 20 octobre sur les places boursières mondiales. Une analyse du déroulement chronologique de la crise dans les divers pays montre clairement que l'effondrement des prix des actions a commencé aux États-unis. Parmi les principaux mécanismes de transmission aux autres centres financiers figurent les ventes effectuées sur les marchés étrangers par les investisseurs américains et d'autres non-résidents, essentiellement des établissements financiers, les réactions communes des intermédiaires financiers internationaux, contrepartistes notamment, opérant dans plusieurs centres et la révision, de la part des résidents sur leurs propres marchés, de leur opinion sur les perspectives d'évolution des actions, devant l'ampleur et la rapidité de la baisse observée sur le marché de New York, réputé le plus liquide au monde. A l'inverse de ce qui s'est passé aux États-unis, les rapports donnent à penser que les ventes massives des non-résidents ont joué un rôle important dans la chute des cours dans certains autres pays. Elles ont été effectuées essentiellement par des investisseurs institutionnels aux prises avec des problèmes de liquidité sur leur marché interne ou qui ont préféré se défaire d'avoirs marginaux, en particulier dans les pays où des plus-values de change substantielles pouvaient être réalisées. *{ pagination originale du document: p.107} Ces mêmes rapports font état de cessions opérées par des fonds communs de placement américains à Londres, le lundi matin, avant l'ouverture à New York. En octobre, les ventes nettes d'actions étrangères par les résidents américains se sont élevées à $EU 2 milliards, contre un montant net moyen de $EU 0,2 milliard d'achats mensuels entre janvier et septembre. Les institutions établies au Royaume-uni ont également procédé à des ventes particulièrement importantes, en raison de la forte proportion d'actions étrangères dans leurs portefeuilles. Le cours des actions des rares fonds accessibles aux investisseurs non résidents en Corée du Sud et à Taïwan, dont les marchés sont par ailleurs fermés aux étrangers, a fléchi beaucoup plus, selon les informations, que les indices de leur marché national. En fait, sur celui de la Corée du Sud, l'indice des cours a même enregistré une hausse durant la semaine de la crise, contrairement à ce qui s'est passé à Hong Kong et Singapour. La perception par les non-résidents d'une surévaluation peut également expliquer pourquoi ils ont été les seuls vendeurs nets au japon en octobre, à hauteur de Y 2.000 milliards, soit quatre fois et demie la moyenne mensuelle pour la période janvier-septembre. Des ventes de plus de Y 1.000 milliards ont été effectuées durant la seule semaine du krach. Les besoins de liquidités de précaution seraient en partie à l'origine des ventes importantes réalisées par les non-résidents dans les pays à monnaie forte dotés de mécanismes de compensation efficaces et de périodes de règlement courtes, tels que l'Allemagne, les Pays-bas et la Suisse, à la différence de l'Italie et même du Royaume-uni, la période de règlement dans ce dernier pays étant de deux semaines. *{ pagination originale du document: p.108} En Allemagne, les ventes des non-résidents ont atteint DM 3,6 milliards en octobre, contre des achats mensuels nets de DM 0,5 milliard en moyenne au cours des neuf mois précédents. Les systèmes de négociation se sont trouvés soumis à des tensions sur l'ensemble des places boursières, et les difficultés relatives rencontrées pour exécuter les ordres paraissent avoir en partie déterminé la répartition des ventes sur les divers marchés. C'est ainsi que la fermeture de Hong Kong aurait détourné des ventes substantielles vers laustralie et Singapour. L'augmentation des ventes a été la plus faible sur les places qui disposaient de mécanismes officiels de sécurité ("circuit breakers") - limites de prix et suspensions des transactions - appliqués de manière rigoureuse, comme au japon, en France et en Espagne. En revanche, le volume de l'activité a triplé sur certains marchés par adjudication dépourvus de dispositifs de suspension prolongée ou de limites de prix, comme en Allemagne et aux Pays-bas. Par comparaison, l'accroissement du volume de transactions n'a pas été particulièrement sensible sur les marchés entre courtiers (Londres ou NASDAQ aux États-unis), où il était difficile de contacter les contrepartistes par téléphone pour conclure des opérations, et le fonctionnement des mécanismes d'exécution automatique des transactions a été suspendu en raison des modifications rapides des cotations (NASDAQ). Les faits observés à l'échelle internationale permettent également de penser que les marchés à terme d'instruments financiers peuvent exercer, en période de crise, des effets déstabilisateurs sur le marché au comptant - même en l'absence de techniques d'opérations programmées, guère utilisées en dehors des États-unis. Hong Kong est le seul autre centre où les marchés à terme sur indices d'actions sont très développés, et leur volume d'activité avant le krach atteignait environ le double de celui des actions sous-jacentes. Or, c'est précisément là que la crise a pris des proportions systémiques: des pertes sans précédent liées à des positions à effet de levier élevé ont fait redouter des défaillances massives et conduit à une fermeture prolongée de la Bourse et des marchés à terme d'instruments financiers. Au Royaume-uni, à Singapour (indice Nikkei de Tokyo) et en Australie, où la création des marchés financiers à terme est encore très récente, l'effet déstabilisateur a été nettement moins important et s'est probablement limité à l'incidence négative qu'exerce sur les anticipations la décote souvent substantielle appliquée aux instruments à terme. L'attitude des responsables des marchés boursiers et des autorités monétaires face à la crise a été quelque peu différente selon les pays. Les autorités monétaires ont réagi en commun en assurant au système un approvisionnement en liquidités suffisant pour tenter d'empêcher que les problèmes de liquidité à court terme n'engendrent des défaillances en chaîne (voir Chapitre VI). Cette nécessité paraît avoir été davantage ressentie dans les pays où le système bancaire n'est pas à vocation universelle (États-unis, par exemple) et où les marchés à terme d'instruments financiers sont développés (États-unis et Hong Kong notamment). *{ pagination originale du document: p.109} Dans la plupart des pays, les autorités boursières ont relevé les dépôts de garantie sur les instruments financiers à terme pour chercher à rassurer les marchés vis-à-vis du risque-crédit. Toutefois, au japon, pour freiner les ventes "forcées" provoquées par les appels de marge, les autorités ont abaissé les coefficients des dépôts et assoupli les limites pour les prêts garantis par des portefeuilles d'actions. Ces dernières mesures semblent s'inscrire dans le cadre d'un programme de soutien plus vaste impliquant une concertation entre le ministère des Finances et les quatre grandes maisons financières. Ces diverses actions ont sans doute permis de réduire dès l'origine la nécessité d'une fourniture directe de liquidités. Enseignements et implications au niveau de la réglementation. Les expériences enregistrées sur le plan national et à l'échelle internationale durant le krach boursier d'octobre permettent de tirer un certain nombre d'enseignements. Tout d'abord, les gains attendus de la diversification internationale des portefeuilles avaient probablement été surestimés. Il est possible que le processus d'internationalisation des marchés des actions ait atténué l'incidence des divers facteurs qui, dans chaque pays, déterminent les cours, alors que, pendant des périodes critiques, les besoins de liquidités peuvent contraindre à effectuer des ventes généralisées, essentiellement par le biais d'intermédiaires financiers opérant sur plus d'un marché. Deuxièmement, l'existence de disparités d'un marché à l'autre dans les procédures de négociation, la réglementation et le cadre institutionnel pour des instruments assortis d'un degré de substitution élevé peut avoir des effets perturbateurs en temps de crise. Ces différences peuvent stimuler les flux incontrôlables entre les marchés, déformer les signaux émis par les prix et/ou les volumes, estomper la distinction entre les problèmes de liquidité et de solvabilité et, d'une manière plus générale, accroître l'incertitude et affaiblir la capacité du système financier de réagir à des chocs perturbateurs. Ces problèmes se sont manifestés à la fois au niveau national (sous la forme notamment de l'interaction entre les marchés au comptant et les marchés à terme d'instruments financiers) et à l'échelle internationale (avec, par exemple, la concentration des ventes des non-résidents dans un certain nombre de marchés et le report des ventes sur d'autres places à la suite de la fermeture de Hong Kong). Troisièmement, le regroupement éventuel de l'activité dans les mains d'un nombre limité d'institutions, même pour de grands marchés comme la Bourse de New York, peut soumettre à des contraintes excessives le système de contrepartie du marché, accentuer l'instabilité à court terme et exercer une incidence disproportionnée sur les variations des cours. Quatrièmement, l'adoption sur une grande échelle de stratégies de placement automatisées, insensibles aux valeurs fondamentales, peut contribuer à amplifier les fluctuations des cours. Enfin, la crise boursière a mis en évidence le fait que la liquidité n'est qu'en partie un élément lié aux mécanismes de marché (tels que systèmes de contrepartie et moyens de communication), puisqu'elle repose en définitive sur la perception de la valeur des actifs. Dans ce contexte, la prolifération des nouveaux instruments favorisant le transfert du risque peut, en rendant plus flou le lien entre le risque individuel et le risque systémique, induire les opérateurs à éprouver une fausse impression de sécurité. *{ pagination originale du document: p.110} Les rapports sur le krach d'octobre présentent une certaine identité de vues au sujet de ses causes. Tous mentionnent, en effet, les facteurs examinés précédemment, mais en leur accordant une importance tout à fait différente. La concordance est toutefois nettement moins évidente en ce qui concerne les recommandations sur la réforme à entreprendre. Les deux seuls domaines qui font vraiment l'unanimité portent sur la nécessité d'augmenter la capacité de transaction du système et le coefficient de fonds propres des contrepartistes. En outre, on s'accorde à reconnaître le besoin d'une plus grande harmonisation dans les méthodes de compensation et de contrôle entre marchés au comptant et marchés à terme d'instruments financiers, mais les avis divergent sur son ampleur souhaitable ou sur les possibilités d'y parvenir. Les mécanismes dits de sécurité, tels que limites de cours et suspension des transactions, suscitent des réactions totalement contradictoires. Certains leur attribuent un caractère déstabilisateur, dans la mesure où ils peuvent précipiter les ventes avant que les limites ne soient atteintes (limites de cours) et empêcher les opérateurs de se couvrir lorsque la nécessité s'en fait le plus sentir (limites de cours et suspension des opérations). D'autres les considèrent comme préférables au chaos que provoque inévitablement en période de crise l'absence de limites sur le volume des transactions. On admet généralement que, si des changements s'imposent, ils devront être coordonnés entre les divers marchés, à la fois au niveau national et, dans le meilleur des cas, à l'échelle internationale. C'est dans cet esprit que la Commission Brady a récemment proposé des limites de cours très larges sur les marchés au comptant et les marchés à terme d'instruments financiers, qui serviraient à déclencher des suspensions généralisées, mais temporaires, des opérations. Bien que les rapports de la CFTC, de la Bourse de Chicago (CME) et de la Bourse britannique n'en fassent guère mention, une plus grande cohérence a été recommandée au sujet de l'importance de l'effet de levier pour les actions et les instruments dérivés. On s'est également préoccupé des possibilités d'"harmoniser" les coefficients des dépôts de garantie, en relevant ceux qui s'appliquent aux instruments dérivés et en adoptant un système reflétant le risque net encouru par les opérateurs sur l'ensemble des marchés. En revanche, il n'y a guère de consensus sur la signification précise de cette "harmonisation" ni sur la faisabilité de ces propositions, en particulier celles qui concernent un système global. L'initiative prise en France, à titre expérimental, de les mettre en ouvre sur les marchés à terme d'instruments financiers et d'options pourrait constituer à cet égard un point de départ utile. S'agissant des nouvelles techniques d'investissement, les propositions concernant l'arbitrage sur indices vont de celles qui préconisent sa suppression pure et simple dans des situations de crise (NYSE) à celles qui veulent le rendre plus efficace (par exemple, Rapports Brady et de la Bourse britannique). En revanche, si l'on s'accorde à reconnaître que les mécanismes de couverture de portefeuille ont joué un rôle dans les événements d'octobre, on a fait valoir que, comme ils peuvent être appliqués de diverses façons sur différents marchés, on ne peut en décourager l'utilisation que de manière indirecte, en majorant leurs coûts (par exemple, par un relèvement des coefficients des dépôts de garantie sur les instruments financiers à terme). *{ pagination originale du document: p.111} Compte tenu de la grande diversité des recommandations formulées, il est encore difficile à ce stade de savoir quelles propositions seront finalement adoptées. Cette situation risque également de mettre les marchés boursiers en concurrence, des centres financiers essayant de tirer parti de toute restriction éventuelle imposée à des marchés rivaux. Comme cela s'est produit en grande partie en 1929, il est probable que l'évolution future de l'économie réelle décidera de la nécessité d'entreprendre ou non une action. Cependant, il conviendrait de ne pas sous-estimer les risques d'inaction ou de réactions non coordonnées dans ce domaine. Depuis la crise boursière, un certain nombre de mesures ont été prises de manière unilatérale par les autorités responsables des marchés boursiers. Certaines de ces mesures paraissent d'ailleurs compatibles avec les objectifs d'une approche coordonnée, notamment le renforcement de la capacité de transaction de la Bourse de New York et, probablement, le relèvement des coefficients des dépôts de garantie sur les marchés à terme d'instruments financiers. D'autres, cependant, ne font qu'accentuer la disparité existant entre les dispositions appliquées sur les différents marchés, comme l'illustre parfaitement l'introduction de limites de cours sur les instruments financiers à terme, mais non pas sur le marché au comptant aux États-unis. D'autres encore semblent s'attaquer aux symptômes plutôt qu'aux causes profondes; c'est le cas, par exemple, des restrictions imposées à l'arbitrage sur indices sans qu'il soit tenu suffisamment compte de la nécessité ressentie d'une plus grande convergence des mécanismes de contrepartie entre les marchés des actions et les marchés à terme d'instruments financiers. Marchés et flux financiers durant une période d'agitation Institutions et activité des marchés L'agitation récente sur les marchés des changes, des obligations et des actions a occasionné de lourdes pertes à de nombreux opérateurs, notamment aux intermédiaires financiers spécialisés dans les opérations sur titres. L'arrêt brutal du mouvement ascendant des cours des obligations a marqué le début d'un processus de désengagement généralisé des établissements financiers. L'effondrement des cours des actions a accéléré le phénomène de retrait des marchés ou les réductions d'activité. Ce repli a probablement été d'autant plus important que la période précédente avait été caractérisée par une longue et rapide expansion, tant au niveau national qu'à l'échelle internationale, soutenue par la tendance à la hausse des marchés et par la déréglementation. Il en était résulté une concurrence intense, des frais généraux excessifs, des capacités excédentaires sur un certain nombre de marchés et, dans quelques cas, des procédures inadéquates de contrôle des risques. Cette évolution est illustrée notamment par l'engorgement observé sur le marché des fonds d'Etat au Royaume-uni à la suite du Big Bang, où le nombre des contrepartistes s'était accru de cinq initialement à vingt-sept, ce qui était généralement considéré comme non viable à long terme. *{ pagination originale du document: p.112} L'incidence des pertes subies dans le cadre d'opérations sur titres par les établissements financiers a varié selon l'ampleur de leur engagement sur les marchés particulièrement touchés. Les fonds communs de placement ont accusé les pertes les plus lourdes; de même, la valeur, ainsi que le volume dans certains cas, des titres vendus s'est considérablement réduite à la suite des secousses boursières. Fait plus important, les pertes ont été particulièrement sévères pour les firmes de courtage, notamment aux États-unis et parmi celles qui, au moment du krach, exerçaient une intense activité de prise ferme, de contrepartie et d'arbitrage des risques. En ce qui concerne les banques, il se pourrait que les pertes sur titres aient été substantielles dans des pays comme l'Allemagne, la Suisse et le japon, où les banques détiennent de gros portefeuilles d'actions. Leur incidence immédiate a toutefois été assez limitée en raison de l'accumulation de gains antérieurs non comptabilisés. En outre, ces pertes ont parfois été en partie compensées par des plus-values sur obligations après la crise d'octobre et/ou des bénéfices d'arbitrages sur les marchés des obligations et des changes. Au Royaume-uni, où les banques effectuent des opérations sur titres depuis le Big Bang, des pertes considérables ont été enregistrées dans les activités de souscription et de contrepartie en matière d'actions. Aux États-unis, en revanche, les banques se sont trouvées protégées du fait de l'absence d'actions dans leurs portefeuilles. Les pertes encourues l'an dernier lors des désordres boursiers ont affaibli les entreprises financières, notamment les contrepartistes. Conjuguées à celles qu'ont subies les investisseurs finals et à une perception généralisée d'une plus grande instabilité des cours, elles ont eu des répercussions sensibles sur de nombreux marchés sur le plan de la profondeur, de la liquidité et du volume traité. En avril, l'activité avait retrouvé sur certains d'entre eux ses niveaux antérieurs à la crise. Malgré tout, les revenus de commissions étaient souvent nettement plus faibles du fait de la baisse des cours des actifs. En outre, on ne peut encore dire si leur croissance tendancielle antérieure va reprendre. Ainsi, dans la mesure où la poursuite de cette tendance était à la base des décisions des entreprises en matière de placements et de stratégies, il est possible que de nouveaux désengagements se produisent. Dans le même temps, la nécessité de se procurer des revenus dans un environnement relativement moins favorable peut amplifier les pressions concurrentielles dans certains domaines à risque élevé considérés comme potentiellement plus rentables. Les chocs financiers ont eu une incidence différenciée sur l'activité des marchés secondaires d'actifs (voir tableau de la page suivante). Sur les marchés d'obligations japonais, ce volume a nettement baissé depuis l'effondrement des cours des titres en mai 1987. Dans les autres pays, il a été vivement stimulé durant le mois du krach boursier et a retrouvé des niveaux semblables au Royaume-uni et en Allemagne au premier trimestre de 1988. En revanche, l'activité du marché obligataire américain a nettement fléchi en novembre et décembre et a continué de faire preuve d'une certaine faiblesse au premier trimestre de 1988. Après avoir été relativement soutenus en octobre, les marchés des actions ont été déprimés au cours des deux derniers mois de l'année. *{ pagination originale du document: p.113} Parallèlement, des informations ont fait état d'une diminution des opérations groupées aux États-unis et d'une détérioration sensible des indicateurs de la qualité du marché au Royaume-uni (tels que les écarts entre les prix acheteur et vendeur et l'importance des cotations). À l'exception du Royaume-uni (où le volume d'activité antérieur au krach se trouvait probablement grossi par la concurrence intense pour la conquête de parts de marché), le volume des opérations sur actions au premier trimestre de 1988 avoisinait la moyenne de 1987. De même, l'instabilité des cours des actions (mesurée par la fréquence des fortes variations journalières des cours) se situait de nouveau pratiquement à ses niveaux antérieurs à la crise (voir graphique de la page 115). Néanmoins, d'autres mesures de la qualité du marché effectuées tant à Londres qu'aux États-unis laissaient penser que le marché demeurait fragile. Sur les marchés des instruments financiers dérivés, l'activité a été relativement affectée par la crise boursière et présente un contraste saisissant par rapport à la croissance antérieure. Toutefois, la seule preuve d'une réduction durable de l'activité concerne les contrats à terme sur indices boursiers et les marchés d'options aux États-unis et à Hong Kong. Dans le cas des États-unis, au premier trimestre de 1988, le volume des opérations effectuées sur certains de ces produits caractéristiques était inférieur de moitié environ à son niveau de septembre, tandis qu'à Hong Kong l'activité sur les contrats à terme avait fléchi de 98 pour-cent. Cette chute traduit les pertes sévères subies tant par les arbitragistes que par les spéculateurs sur tous les marchés durant la crise d'octobre, les relèvements des dépôts de garantie appliqués ultérieurement et, aux États-unis, un recours moindre aux stratégies d'opérations programmées, en particulier aux mécanismes de couverture de portefeuille. La déception suscitée par les résultats des marchés d'instruments dérivés par rapport aux anticipations formulées au cours de la période de hausse du marché a été particulièrement vive dans le cas des options sur actions; on s'est alors rendu compte qu'une partie de la clientèle des particuliers, qui étaient les souscripteurs finals d'options soutenant le marché, n'avait en fait pas pleinement conscience des risques encourus. *{ pagination originale du document: p.114} Un domaine d'activité où l'agitation paraît avoir eu un effet de freinage d'une durée étonnamment courte est celui des restructurations d'entreprises, y compris les opérations impliquant un degré d'endettement élevé. Après une brève accalmie en novembre et en décembre, la vague des fusions et des acquisitions a repris. Aux États-unis, en janvier et février, un montant total de plus de $EU 70 milliards de transactions de ce type a été annoncé, contre moins de $EU 50 milliards au cours de la même période en 1987. Cette reprise s'explique en partie par les niveaux relativement plus attrayants des cours des actions, comme l'indique apparemment le choix de la période des tentatives d'offres publiques d'achats hostiles en Europe continentale, notamment en Belgique et en France, où ce genre d'initiatives était rare auparavant. Plus important cependant est le fait qu'elles ont été encouragées par la possibilité d'obtenir des financements à des coûts avantageux. Les investisseurs semblent s'être de nouveau tournés vers le marché des obligations déclassées (rendement élevé, faible qualité). L'écart de rendement entre ces titres et ceux des obligations du Trésor s'est sensiblement accru juste après le krach mais paraît être revenu depuis lors à des niveaux correspondant plus ou moins à ceux qui prévalaient au début de 1987. Un grand nombre de financements-relais ont été accordés par des maisons financières et des banques commerciales, attirées par les perspectives de rendement élevé sur ces opérations et poussées par la nécessité d'accroître leurs revenus. L'augmentation des engagements dans ce domaine peut constituer une source de préoccupations, compte tenu des risques élevés encourus. Flux de financement et endettement. Dans la plupart des pays, les nouvelles émissions d'actions ont reflété l'évolution des marchés: augmentation durant la phase ascendante, puis contraction spectaculaire à partir de la crise d'octobre, en raison de l'attrait nettement moindre des cours et/ou de la perception d'une plus grande illiquidité. En outre, les programmes de privatisations ont été temporairement différés dans un certain nombre de pays, notamment en France et en Allemagne. La principale exception à cette tendance générale a été constituée par les États-unis, où l'augmentation modérée des émissions brutes d'actions au cours des trois premiers trimestres a été éclipsée par la poursuite de l'évolution antérieure, marquée par des reprises d'actions liées à des rachats d'entreprises financés par l'emprunt. Par opposition au profond changement qui s'est produit sur les marchés internationaux des capitaux où les prêts bancaires ont été préférés au financement sous forme d'obligations (voir Chapitre V), la tendance déjà ancienne à la mobiliérisation des emprunts sur les marchés internes semble s'être poursuivie l'an dernier. Aux États-unis, la part des émissions d'obligations dans le total du financement externe des entreprises s'est encore accrue en 1987 En outre, comme mentionné précédemment, même le compartiment des obligations déclassées à risque élevé et de faible qualité paraît s'être redressé de manière étonnamment rapide à la suite des perturbations qui ont affecté le marché. *{ pagination originale du document: p.115} Les entreprises japonaises, en revanche, se sont montrées particulièrement actives dans le domaine des émissions d'obligations liées à des actions, malgré de fortes réductions notées de temps à autre dans le sillage des événements d'octobre. De plus, l'ouverture du marché du papier commercial au japon en novembre 1987 a conféré un nouvel essor au processus de mobiliérisation. Le Rapport de l'an dernier soulignait les risques inhérents à l'accroissement relativement rapide de l'endettement dans plusieurs grands pays industriels. L'augmentation, en particulier, des ratios endettement/revenu du secteur privé, si elle n'est pas compensée par une amélioration parallèle de la valeur et de la liquidité des actifs du bilan, se traduit généralement par une plus grande vulnérabilité aux mouvements défavorables des flux de trésorerie et des cours des actifs. Cette vulnérabilité sera d'autant plus grande que l'expansion des ratios d'endettement du secteur privé ira de pair avec une tendance analogue pour le secteur public. Dans l'ensemble, les risques associés à l'accumulation de l'endettement semblent s'être aggravés en 1987, du fait de la conjonction d'un recours accru au crédit et de la baisse des cours des actions. *{ pagination originale du document: p.116} La situation ne s'est pas modifiée de manière sensible depuis 1986 en ce qui concerne les ratios d'endettement du secteur public. Ce ratio a continué de fléchir au Royaume-uni et en France, alors qu'il est demeuré stable en Allemagne et au Canada et a encore augmenté aux États-unis et en Italie. Selon des chiffres provisoires, il pourrait avoir diminué au japon. De même, le ratio endettement/revenu du secteur privé n'a apparemment guère baissé; il s'est même accru, dans de nombreux cas, par rapport à son niveau déjà relativement haut, notamment dans le secteur des entreprises aux États-unis. Des préoccupations se sont fait jour au sujet de l'expansion très rapide des concours accordés aux particuliers au Royaume-uni, qu'il s'agisse des prêts à la construction ou des crédits à la consommation. Les prêts personnels se sont également développés de manière substantielle au Canada, en Italie et au japon. On s'est aussi préoccupé de la tendance au financement par le crédit d'activités spéculatives, essentiellement sur les marchés des actions et des biens immobiliers. C'est au japon que ces inquiétudes ont été les plus vives, au point d'inciter la banque centrale et le ministère des Finances à intervenir auprès des établissements financiers pour leur demander de ne pas octroyer de prêts pour des investissements immobiliers à caractère spéculatif. Dans un tel contexte, et à l'exception toutefois du japon, la baisse des cours des actions depuis le krach revêt une importance particulière. Bien que ses effets aient été atténués dans un certain nombre de pays, y compris aux États-unis et au Royaume-uni, par la hausse substantielle antérieure, l'effondrement des cours a entreiné une détérioration des bilans, tant des ménages que des entreprises. La crise a également affaibli la capacité des détenteurs de portefeuilles d'actions de compenser la diminution de leurs flux de trésorerie par la mobilisation de leurs actifs; ce problème a encore été aggravé par la perception croissante de l'instabilité et de l'illiquidité des marchés d'actions. Cette situation pourrait s'avérer particulièrement délicate dans le cas de restructurations d'entreprises impliquant un endettement élevé. La réglementation financière l'an passé: tendances et implications. Libéralisation financière. Le processus de déréglementation et de restructuration de l'activité financière s'est poursuivi dans tous les grands pays. Les contrôles, tels que le plafonnement des taux d'intérêt, la limitation des flux de capitaux et l'interdiction d'utiliser certains instruments, ne demeurent en vigueur que dans quelques grands pays et leur importance a été réduite l'an passé. Au japon, le montant unitaire minimum des dépôts bancaires assortis de taux d'intérêt liés à ceux du marché a été abaissé à Y 10 millions (quelque $EU 80.000). En outre, à compter du 1 er avril 1988, le gouvernement a aboli le système des comptes d'épargne exonérés d'impôts ("maruyu"), les mettant ainsi sur un pied d'égalité avec les autres formes de placement des ménages. En Italie, des assouplissements sont apportés aux restrictions sur les mouvements de capitaux avec l'étranger, conformément à la nouvelle législation approuvée en novembre dernier. *{ pagination originale du document: p.117} Au début de 1987, la France a achevé le démantèlement de l'encadrement du crédit. En Allemagne, le préavis fixé à l'émission d'euro-obligations en deutsche marks a été ramené de deux semaines à deux jours. L'an passé, plusieurs marchés des capitaux ont été ouverts et d'autres, déjà existants, étendus. En novembre, un marché du papier commercial a été instauré au japon. Il convient de noter que les banques commerciales ainsi que les maisons financières ont été autorisées à souscrire de tels instruments. Des contrats sur des obligations d'État japonaises ont commencé à être négociés sur le marché à terme d'instruments financiers au Royaume-uni. Un marché de contrats à terme et d'options s'est récemment créé en Suisse, tandis qu'en France la gamme des contrats à terme a été élargie. Du fait notamment de ces évolutions, l'Allemagne, qui a été l'un des pionniers dans le mouvement de libéralisation, présente la particularité de posséder un éventail d'instruments financiers à court terme relativement étroit. Ainsi, c'est le seul pays parmi les sept plus grandes nations industrielles à ne pas disposer de fonds communs de placement en instruments du marché monétaire ni, avec l'Italie, de marché actif pour le papier commercial ou les instruments financiers à terme. Certes, ces produits ne sont pas spécifiquement interdits en Allemagne, mais l'application d'un impôt sur la valeur des titres échangés rend le papier commercial peu compétitif, et, aux termes des dispositions légales sur le jeu, les contrats à terme n'ont pas force exécutoire. Des modifications sont toutefois prévues, et les mesures législatives actuellement à l'étude devraient permettre l'instauration d'ici 1989 d'un marché de contrats à terme et d'options ainsi que de fonds communs de placement en instruments du marché monétaire. Par suite de la suppression des contrôles directs sur l'activité financière, une plus grande attention est accordée aux autres contraintes, en particulier les restrictions appliquées aux activités que peuvent exercer les entreprises du secteur financier. Ces limites sont de plus en plus considérées comme une entrave à la concurrence et un obstacle empêchant les entreprises financières d'effectuer des activités complémentaires rentables; c'est la raison pour laquelle elles ont été relativement assouplies dans beaucoup de grands pays. Toutefois, dans certains pays, le démantèlement de ces contraintes ne progresse que lentement. Ainsi, ce n'est que récemment qu'ont été précisées au japon les nombreuses réglementations qui définissent les activités autorisées des diverses institutions financières. La différenciation entre activités bancaires et opérations sur titres s'est quelque peu atténuée avec l'autorisation donnée aux banques au japon de souscrire du papier commercial. Les banques à vocation nationale ou régionale, soumises pendant longtemps à l'interdiction d'emprunter au-delà de deux à trois ans, se trouvaient autorisées à fin 1987 à émettre des obligations à plus long terme liées à des actions; cette mesure facilitera la collecte des fonds propres supplémentaires requis pour répondre aux nouvelles normes internationales. Une disposition qui prendra effet en cours d'année permettra aux caisses mutuelles d'épargne et de prêt (Sogo) de se convertir en banques commerciales. *{ pagination originale du document: p.118} Toutefois, aucun calendrier n'a été fixé pour la suppression de nombreuses autres restrictions sur les opérations des banques, telles que les limites relatives aux échéances d'emprunt et de prêt et l'exclusion de la plupart des banques commerciales des opérations fiduciaires. L'octroi aux banques de pouvoirs élargis en matière d'activité sur titres est soumis à une étude complémentaire dans l'attente, probablement, des décisions prises aux États-unis sur cette question. Si des progrès modestes ont été accomplis aux États-unis l'an passé pour atténuer les barrières entre l'activité bancaire et les autres opérations financières, les perspectives de réforme en profondeur demeurent cependant incertaines. Les responsables de la réglementation bancaire ont accordé à certaines banques commerciales un pouvoir limité de souscrire du papier commercial, des obligations garanties par leurs fonds propres ou par des hypothèques immobilières ainsi qu'une gamme plus vaste de titres de dette des collectivités locales. L'utilisation de ces nouveaux pouvoirs a toutefois été différée, en vertu d'un moratoire du Congrès, jusqu'au 1er mars 1988; de ce fait, les banques ont fait preuve de prudence en raison de l'incertitude entourant les décisions éventuelles de l'autorité législative. Le projet soumis actuellement au Congrès vise à assouplir les restrictions contenues dans la loi Glass-steagall sur la séparation des activités bancaires et des opérations sur titres. L'abrogation de cette loi, sous réserve de la mise en place de contrôles prudentiels appropriés, a été appuyée par le Conseil d'administration de la Réserve fédérale et les autres responsables de la réglementation bancaire. Toutefois, la plupart des propositions actuellement à l'étude ne prévoient pas une abrogation complète; il est possible que la permission pour les banques d'acquérir des actions de sociétés soit rejetée ou différée. D'autre part, un projet de loi limiterait les nouveaux pouvoirs en matière de souscription aux domaines déjà approuvés par les autorités réglementant l'activité bancaire. Le Canada ainsi que de nombreux pays européens ont encore atténué les barrières entre les entreprises financières. Au Canada, le "Little Bang" a supprimé beaucoup de séparations entre les banques, les maisons de courtage, les sociétés de fiducie et les compagnies d'assurances. Toute entreprise, financière ou non, a été autorisée à effectuer des opérations sur titres; dès la fin de 1987, cinq grandes banques du Canada s'étaient associées à un établissement de courtage. En février 1987, l'Italie a autorisé les banques commerciales à établir des filiales opérant comme banques d'affaires. Au Royaume-uni, le "Big Bang" de 1986 avait déjà élargi l'activité financière en supprimant la distinction entre courtiers et contrepartistes et en permettant aux banques commerciales d'exercer une activité de courtage. La France a privatisé plusieurs grandes banques et entreprises financières et réduit ainsi de manière substantielle le rôle du secteur public dans l'activité financière. L'Allemagne a autorisé les banques et sociétés d'investissement japonaises à être chef de file d'un consortium pour les émissions d'euro-obligations en deutsche marks. En janvier dernier, la Commission des communautés européennes a présenté des propositions pour l'établissement d'une charte bancaire commune dans la CEE dont la mise en application est prévue pour 1990. *{ pagination originale du document: p.119} Ces propositions se traduiraient par une suppression de la plupart des contraintes géographiques entravant l'activité bancaire au sein de la CEE et favoriseraient, en outre, l'harmonisation des réglementations bancaires nationales. Le contrôle bancaire. Les risques que comporte l'extension des pouvoirs des entreprises financières et des marchés des capitaux ont longtemps constitué un sujet de discussion et, de plus en plus, une incitation au renforcement du contrôle bancaire. Ce renforcement s'est traduit de manière très explicite par la décision des banques centrales et des responsables du contrôle bancaire des principaux pays industriels de proposer une norme commune de fonds propres, fondée sur le risque, pour les banques opérant à l'échelle internationale. La proposition, élaborée par le Comité de Bâle des règles et pratiques de contrôle des opérations bancaires (Comité Cooke), a innové dans deux domaines. Tout d'abord, elle comporte une définition commune des fonds propres, qui accorde la primauté au capital social. Deuxièmement, pour un grand nombre des pays concernés, les coefficients de fonds propres des banques seraient explicitement liés pour la première fois à des formules mesurant le risque de leurs portefeuilles, y compris leurs engagements hors bilan. Il est prévu que d'ici 1992 les banques opérant à l'échelle internationale maintiennent un montant minimal de fonds propres égal à 8 pour-cent de leurs actifs pondérés en fonction des risques, dont 4 pour-cent constitués sous forme de capital social, de manière à offrir une marge de sécurité substantielle aux déposants. Cette proposition fait actuellement l'objet de consultations et d'examens, un accord définitif devant intervenir cet été. Quelle que soit la nature exacte de cet accord, les normes prudentielles de l'activité bancaire devraient être renforcées, dans la mesure où les systèmes bancaires de plusieurs pays seront contraints d'accroître leurs fonds propres ou de freiner l'expansion de leurs prêts afin de se conformer aux objectifs proposés. Tout aussi important, dans une perspective plus vaste, est le fait que les autorités de contrôle bancaire de douze pays dotés de systèmes bancaires différents sont parvenues à un accord de principe sur des normes communes, montrant ainsi l'exemple pour les efforts de coopération future entre responsables de la surveillance de l'activité financière. La proposition du Comité Cooke est également importante en ce sens qu'elle s'inscrit dans le cadre d'une tendance générale à une amélioration du contrôle exercé sur les marchés des capitaux et les entreprises financières. Les sept plus grands pays ont récemment procédé pour la plupart à un renforcement des normes de fonds propres des banques ou ont émis des propositions à cet effet. Au Canada, la responsabilité de la réglementation concernant les banques et compagnies d'assurances a été confiée à une autorité unique. Le Royaume-uni a décidé la mise en place progressive d'organismes autorégulateurs dans les divers secteurs de l'activité financière, y compris les marchés de titres internationaux, peu réglementés jusque-là. *{ pagination originale du document: p.120} Les dispositions appliquées à l'information de nature financière ont été renforcées en France, et les sanctions sur les opérations d'initiés ont été, ou vont être, durcies au Royaume-uni, au japon, en Allemagne, en France et en Suisse. Si ces actions s'éloignent quelque peu des tendances précédentes à la libéralisation, elles ne sauraient cependant en aucun cas être qualifiées de "reréglementation". Le fait de libéraliser les marchés pourrait plutôt inciter davantage les responsables des entreprises financières à faire preuve de prudence dans la conduite de leur politique, les forces du marché exerçant elles-mêmes un rôle de freinage et de contrôle. Le fait de demander aux banques, par exemple, de relever leurs ratios de fonds propres devrait amener ceux qui apportent ces fonds - actionnaires et créanciers ordinaires - à renforcer leur surveillance sur la gestion des banques elles-mêmes. Toutefois, l'intégration des marchés internationaux des capitaux peut entraver sérieusement les initiatives en matière de contrôle bancaire et souligner ainsi la nécessité d'un cadre général de consultation et de coopération entre les autorités nationales. Pour l'instant, de tels forums n'existent qu'à une échelle limitée, comme le Comité Cooke pour les autorités de contrôle bancaire et les contacts bilatéraux entre responsables nationaux de la surveillance des opérations sur titres. Quelques implications. Les quelques pages qui précèdent décrivent deux évolutions récentes sur le plan de la réglementation des marchés des capitaux: la tendance à accorder la priorité, en matière de libéralisation, à l'expansion des activités autorisées des entreprises financières et le renforcement du contrôle prudentiel. Ces deux évolutions sont, bien sûr, interdépendantes puisque le contrôle remplace les restrictions plus directes. Dans le même temps, il est déjà possible de déceler des domaines où des tensions ont commencé à se faire sentir entre la poursuite de la libéralisation et le maintien des normes prudentielles. Des tensions peuvent intervenir, par exemple, au niveau du dosage optimal des activités financières des divers établissements. Les autorités de contrôle bancaire ont longtemps considéré comme essentielles certaines divisions ou barrières. En effet, une protection peut être nécessaire pour se prémunir contre le risque commun de pertes de la part d'établissements du même groupe; en outre, des séparations nettes devraient exister pour éviter l'apparition de conflits d'intérêts. Les efforts mis en ouvre pour maintenir ces barrières peuvent cependant aller à l'encontre de mesures autorisant les entreprises financières à tirer profit d'une gamme plus large d'activités. Ces dernières initiatives visent à accroître l'efficacité et la concurrence ainsi qu'à favoriser la réalisation des objectifs prudentiels en stimulant l'investissement sous forme d'actions. Le problème consiste naturellement à trouver le juste milieu entre ces deux objectifs, à savoir le maintien de barrières prudentielles et l'extension des pouvoirs des établissements financiers. Pour que ces pouvoirs puissent être pleinement utilisés, leur combinaison au sein d'une entreprise doit procurer un certain avantage économique et être suffisamment libre de toute réglementation. *{ pagination originale du document: p.121} Les synergies ou économies d'échelle - c'est-à-dire les avantages économiques résultant de la conjonction d'activités différentes - entre les opérations bancaires et l'activité sur titres ou entre la finance et le commerce dépendent des liens opérationnels existant entre ces activités, tels que la mise en commun de ressources ou de listes de clientèle, la prospection conjointe des marchés ou la coordination des positions en matière d'investissement et d'arbitrage pour compenser les risques. Mais, de par leur nature, ces liens sont également ceux que les autorités de contrôle bancaire peuvent désirer atténuer pour éviter la propagation de pertes ou limiter les conflits d'intérêts. Ce dilemme apparaît clairement dans le débat qui se déroule aux États-unis sur la réforme de la loi Glass-steagall. Dans le cadre de cette réforme, il est proposé, pour des raisons d'ordre prudentiel, de n'autoriser la combinaison d'activités bancaires et d'opérations sur titres que sous la forme de sociétés holding et de réglementer les transactions entre la banque et sa filiale financière. Cette réglementation serait, dans certains cas, plus stricte que celle qui régit les transactions entre établissements de groupes différents, ce qui conduit à douter du caractère rentable de ces combinaisons. L'intensification de la concurrence est un autre avantage attendu de l'abaissement des barrières qui risque de créer des dilemmes pour les responsables de la réglementation. De nombreuses barrières qui, dans le passé, mettaient les établissements financiers à l'abri de la concurrence ont été supprimées ou sont en passe de l'être. Ces initiatives amplifient les tensions au niveau de la concurrence du fait de l'extension des domaines dans lesquels les entreprises sont autorisées à opérer. Si la concurrence comporte de toute évidence des aspects positifs, sous la forme notamment d'une plus grande efficacité dans l'affectation des ressources et l'offre de services financiers, son intensification ne peut que soumettre les entreprises à des contraintes plus sévères. En outre, dans le même temps, il est demandé aux banques de relever leurs ratios de fonds propres. Etant donné que l'expansion implique une absorption de ressources, l'aptitude des banques à entreprendre de nouvelles activités se trouve fortement limitée. Ces tensions sont de nature à élargir le fossé existant entre les grandes banques et les établissements de dimension modeste. Sur le plan international, les grandes agences d'évaluation financière font depuis peu une distinction entre différents groupes de banques: celles qui sont situées au Canada et dans les principaux pays européens, et qui disposent généralement d'abondantes ressources propres ou de parts importantes et protégées des marchés internes; les établissements sis au japon, dont le capital social est faible et qui doivent faire face à des problèmes d'ajustement du fait de la déréglementation; les banques aux États-unis, où le risque encouru vis-à-vis des prêts au Tiers Monde est relativement élevé, où de nombreux établissements intervenant sur le marché monétaire possèdent peu de fonds propres et où la concurrence est intense. Au sein même des États-unis, l'écart se creuse entre plusieurs banques régionales en pleine expansion, détenant peu d'actifs à risque et fortement implantées sur leurs marchés internes, et les banques des grands centres financiers. *{ pagination originale du document: p.122} Du fait de ces disparités, la concurrence peut entraver les efforts entrepris par les autorités de surveillance pour relever les normes prudentielles. L'intensification de la concurrence est susceptible d'aggraver les difficultés existantes dans l'activité bancaire et qui, dans certains cas, ont déjà nécessité des interventions des autorités de contrôle. La fourniture d'une assistance officielle à une institution faible peut, à son tour, soulever des problèmes de risque moral, par le fait que l'octroi d'une assurance ou d'une autre forme de garantie gouvernementale encourage généralement à prendre davantage de risques dans le reste de l'activité. En outre, compte tenu de l'ampleur des engagements interbancaires dans la plupart des pays et du fait que les banques sont très sensibles à une crise de confiance du public, la solidité du système bancaire peut dépendre de manière disproportionnée de l'établissement le plus faible. Un tel dilemme s'est posé aux États-unis au printemps lorsqu'une grande banque commerciale et un important organisme d'épargne ont sollicité l'aide des pouvoirs publics. Comme ces deux établissements étaient aux prises avec un problème d'insolvabilité plutôt que d'illiquidité, le crédit de la banque centrale ne pouvait résoudre entièrement les difficultés. La dimension de ces institutions et le volume de leurs transactions avec le reste du système financier présentaient des risques systémiques manifestes en cas de défaillance de leur part. En fait, les fonds de garantie publics assurant leurs dépôts se trouvaient eux-mêmes soumis à des contraintes, étant donné que dans un cas comme dans l'autre une défaillance aurait engendré d'importants engagements potentiels pour le fonds de garantie concerné. En définitive, les deux établissements ont bénéficié d'une garantie officielle pour l'ensemble de leurs engagements, y compris pour la part dépassant le montant maximal assuré. Du fait de la poursuite de la libéralisation de la réglementation financière et, partant, de l'atténuation des barrières entre les entreprises financières, les tensions entre la concurrence et la rentabilité, d'une part, et les normes prudentielles, de l'autre, vont vraisemblablement s'accentuer. Certes, il est encore trop tôt pour savoir si la libéralisation a désormais atteint les limites autorisées par les impératifs de sécurité et de solidité. Il n'est pas vrai non plus que la libéralisation soit toujours en conflit avec la stabilité; la suppression des contraintes sur les entreprises financières peut renforcer leur stabilité en permettant une diversification et une couverture des risques. Toutefois, les préoccupations d'ordre prudentiel imposent à la libéralisation des limites qui pèsent d'un poids de plus en plus lourd dans le débat de politique économique, et leur importance ne peut que s'accroître à l'avenir. *{ pagination originale du document: p.238} Conclusion. Comme l'indique le Chapitre 1, un examen rétrospectif des événements qui se sont déroulés l'an passé montre que la plupart des grands problèmes de politique économique qui se posaient il y a un an ne sont pas résolus. Le plus important est sans conteste, du point de vue des banques centrales, la persistance d'un déséquilibre élevé des paiements dans le monde industriel. La question qui se pose maintenant est de savoir si ce déséquilibre représente la même menace que l'année dernière pour la stabilité financière et les perspectives de croissance non inflationniste et, dans l'affirmative, comment il est possible d'y remédier. Qu'en est-il, en plus, d'autres problèmes qui exigent une action de la part des autorités? L'évolution récente sur les marchés financiers a mis en évidence l'importance de ces questions. Après une période de calme relatif au cours des deux premiers mois de 1988, les marchés ont commencé à nous rappeler que la stabilisation ne doit pas être considérée comme acquise. À part quelques brèves interruptions, les taux d'intérêt à long terme suivent une tendance ascendante aux États-unis depuis début mars et, à partir du milieu d'avril, les taux longs sur le deutsche mark se sont également inscrits en hausse. À plusieurs reprises, les marchés des actions se sont brusquement orientés à la baisse. Le dollar a lui aussi connu des accès de faiblesse. D'une manière plus générale, l'instabilité au jour le jour des prix des actifs financiers est demeurée élevée. Si les banques centrales sont parvenues à freiner le glissement du dollar et à contenir son instabilité à court terme et si, jusqu'à présent, les autres perturbations sont loin d'avoir revêtu la même ampleur ou la même rapidité que l'an dernier, tous ces développements donnent cependant une idée de l'incertitude qui subsiste dans les milieux financiers au sujet des perspectives d'évolution des variables macro-économiques essentielles, comme l'inflation et le taux de change du dollar. En outre, certains opérateurs se demandent si nous ne nous trouvons pas sur la même trajectoire qu'au printemps dernier. Il ne fait guère de doute que cette incertitude est due pour beaucoup aux déséquilibres des paiements courants des États-unis, du japon et de la République fédérale d'Allemagne. Si ces déséquilibres se situent à présent nettement au-dessous de leurs maxima - même en termes de dollars - ils sont encore amples et le resteront probablement par référence au passé. Compte tenu de l'importance du rôle des investisseurs étrangers sur le marché des obligations aux États-unis, la persistance de ces déséquilibres est directement responsable d'une partie de l'incertitude entourant les perspectives d'évolution des taux d'intérêt à long terme sur le dollar et se trouve, évidemment, à l'origine de la plupart des doutes au sujet de la valeur future de la monnaie américaine. *{ pagination originale du document: p.239} Mais le déficit extérieur américain est également important en tant que révélateur de ce qui est perçu comme des déséquilibres internes de l'économie américaine: dans la sphère financière, l'insuffisance de l'épargne privée pour le financement du déficit budgétaire; dans le secteur réel, la vigueur continue de la dépense intérieure qui, conjuguée à l'essor bénéfique des exportations, fait que l'économie s'achemine de plus en plus vers une surchauffe. Cette situation donne lieu à des anticipations inflationnistes qui, à leur tour, influencent les cours des obligations. Enfin, les agents économiques éprouvent, dans ces conditions, quelque appréhension à l'égard de l'action (ou de l'inaction) des responsables de la politique économique, tant aux États-unis que dans les pays excédentaires, ce qui ajoute encore aux incertitudes concernant l'évolution sur les marchés des capitaux et des changes. Quiconque douterait du bien-fondé de ces affirmations devrait observer, sur l'écran d'un opérateur, la vitesse et l'ampleur des variations des prix des actifs et des taux de change que provoquent la publication d'informations relatives au déficit commercial et aux chiffres sur l'emploi ou l'inflation aux États-unis ainsi que les déclarations de responsables de la politique économique des principaux pays. Dans un tel environnement, on comprend que, en présence de déséquilibres extérieurs dont la valeur en dollars n'a pas beaucoup varié par rapport à l'année dernière, de nombreux opérateurs du marché cèdent à la tentation de raisonner par analogie avec la séquence des événements qui a abouti à la crise du 19 octobre. Ils auront très probablement tort, non seulement parce que, d'une manière générale, l'histoire ne se répète jamais exactement, mais aussi pour des raisons plus spécifiques. En effet, par suite des mutations qui se sont produites au cours des douze derniers mois, le monde n'est plus tout à fait ce qu'il était il y a un an. Malheureusement pour ceux qui ont une prédilection pour les problèmes bien circonscrits, avec des solutions bien ficelées, aucune de ces mutations n'appareît franchement positive ou négative. Les progrès réalisés dans l'ajustement extérieur en volume ont certes été largement confirmés, mais l'ajustement paraît insuffisant aux États-unis sur le plan interne; la période qui s'est écoulée depuis la crise boursière d'octobre a certes démontré la capacité de résistance des marchés et des établissements financiers, mais le krach en soi suscite un certain nombre de questions encore sans réponse; les autorités ont certes fait la preuve de leur aptitude à gérer la crise et à unir leurs efforts, mais la coopération dans le domaine budgétaire n'a pas été à la hauteur des succès obtenus à cet égard sur les marchés des changes et au niveau de la politique monétaire; le risque que représente la situation de l'endettement international pour la stabilité financière globale a certes été réduit, mais le fardeau de la dette entrave encore considérablement les possibilités de redressement dans la plupart des pays endettés; enfin, les perspectives de croissance dans le monde industriel se sont certes améliorées, mais les anticipations inflationnistes se sont, à tort ou à raison, ravivées. Examinons brièvement chacune de ces évolutions. L'information la plus significative, et la plus favorable, en ce qui concerne le processus d'ajustement a été la confirmation générale par les statistiques des progrès encourageants réalisés en termes réels. Aux États-unis, l'augmentation de $21,5 milliards du déficit commercial non pétrolier en volume en 1986 a fait place, l'année dernière, à une baisse de plus de $11,5 milliards - du fait surtout d'un bond de 16 pour-cent en volume des exportations de biens manufacturés, soit deux fois et demie la croissance estimée des marchés d'exportation des États-unis pour ces produits. *{ pagination originale du document: p.240} La compétitivité internationale de l'industrie américaine s'est de toute évidence fortement améliorée. L'excédent commercial non pétrolier du japon, qui avait déjà fléchi de $20,5 milliards en volume en 1986, s'est encore réduit de $14,5 milliards en 1987 - et ce nouveau recul apparaît nettement plus marqué si l'on fait abstraction des importations exceptionnelles d'or en 1986. La valeur unitaire, en dollars constants, de l'excédent non pétrolier de l'Allemagne s'est contractée d'environ $6 milliards pour chacune des deux dernières années. Cet ajustement d'ensemble a été en grande partie neutralisé par l'évolution des termes de l'échange, dont l'incidence ne se fera cependant pas sentir éternellement, et l'on doit pouvoir s'attendre au moins à une légère réduction supplémentaire de la valeur en dollars des déséquilibres. "Au moins une légère réduction": cette restriction est malheureusement nécessaire, en raison des progrès inégaux des politiques d'ajustement interne mises en ouvre pour appuyer l'ajustement extérieur en volume. Ces politiques ont donné des résultats remarquables au japon, où la dépense intérieure s'est accrue de près de 7 pour-cent au dernier trimestre de 1987 par rapport à l'année précédente. Les résultats ont été bien plus modestes en Allemagne, où cette progression a été de 3 pour-cent. Le principal problème paraît être celui des États-unis, où la vigueur de la demande interne, dans le contexte d'une utilisation intensive des capacités dans les secteurs exposés à la concurrence internationale, requiert un nouveau resserrement budgétaire beaucoup plus important que celui qui a déjà été réalisé, faute de quoi la réduction du déficit de la balance des paiements courants des États-unis demeurera limitée. Le principal événement financier de l'année dernière - le krach boursier aux États-unis, suivi d'une baisse brutale, générale et considérable des cours des actions à l'échelle mondiale (sauf au japon) - appelle trois commentaires. Tout d'abord, les cours des actions se situent maintenant, à l'exception du japon, nettement au-dessous de leurs maxima précédents et semblent moins vulnérables au choc des "mauvaises nouvelles". En deuxième lieu, les marchés ont fait preuve d'une capacité de résistance remarquable: contrairement aux schémas habituels, ils se sont plus ou moins stabilisés, assez rapidement, à un plus bas niveau. Si la chute des cours a revêtu, par sa soudaineté et son ampleur, des proportions alarmantes, les événements ultérieurs n'ont pas confirmé toutefois les craintes de réactions en chute libre envisagées dans les scénarios pessimistes. En dépit de quelques lourdes pertes, les maisons financières ont traversé la tourmente sans trop de dégâts; le plus important, peutêtre, c'est qu'à quelques exceptions mineures près, les banques n'ont subi, à titre individuel, aucune répercussion grave et que la solidité des systèmes bancaires dans leur ensemble n'a été nullement éprouvée. En troisième lieu, cependant, tant la rapidité que la "globalisation" des réactions, qui se sont produites malgré des données fondamentales et des ratios cours/bénéfices fort différents, ont soulevé des questions qui restent encore sans réponse et interpellent à la fois les agents économiques, les gouvernements et les autorités de contrôle. *{ pagination originale du document: p.241} La réaction des autorités monétaires à la crise boursière a été rapide et efficace - au point que les historiens auront de la peine à déterminer si la stabilisation des cours doit être imputée à l'influence des mécanismes de freinage interne des marchés ou à la fourniture immédiate de liquidités par les autorités monétaires (ainsi qu'à certaines interventions plus directes) dans les jours qui ont suivi l'effondrement des cours. Sans doute cette stabilisation tient-elle à ces deux facteurs - ce qui constitue aussi, au demeurant, une bonne nouvelle. Autre évolution favorable, les interventions actives, visibles et coordonnées sur les marchés des changes se sont montrées progressivement plus efficaces pour atténuer l'instabilité excessive et contenir la pression à la baisse sur le cours de change du dollar. Cette efficacité peut s'expliquer en partie par le fait que les opérations financières pures "(trading") jouent désormais un rôle capital dans les transactions sur les marchés des changes et que les opérateurs agissent essentiellement, pour des raisons évidentes, dans une perspective à très court terme. Dans ces conditions, les interventions des banques centrales, même si leur ampleur paraît modeste en regard du volume global de l'activité du marché, seront probablement fort efficaces, au-delà même de ce qu'on peut attendre du traditionnel effet de "signal", ce qui ne veut pas dire pour autant que les interventions, à elles seules, puissent stabiliser les taux de change. Des progrès ont également été accomplis en matière de coordination des politiques monétaires, même si l'absence d'une orientation suffisamment différenciée des politiques budgétaires des États-unis et de l'Allemagne a montré les limites d'une action confinée au domaine monétaire. Le temps a contribué efficacement à atténuer le risque auquel est exposée la stabilité financière globale du fait de la situation de l'endettement international. Le montant des créances des banques sur les pays débiteurs en difficulté ne cesse de se réduire depuis quelques années par rapport à leurs fonds propres et les établissements de crédit sont de plus en plus nombreux à pouvoir constituer d'importantes provisions à l'égard du risque-pays. En revanche, le temps a moins joué en faveur des pays débiteurs. Certes, la balance globale de leurs paiements courants s'est sensiblement améliorée et certains d'entre eux tout au moins ont pu renforcer leurs réserves de change. Mais, dans l'ensemble, leur capacité d'assurer le service de la dette ne s'est pas améliorée au point de leur permettre de recouvrer, dans un avenir prévisible, une cote de crédit suffisante et d'accélérer par là même la formation de leur capital. Il n'empêche que les années qui se sont écoulées depuis 1982 n'ont pas été vaines. Les pays débiteurs se rendent davantage compte que leurs problèmes d'endettement extérieur s'inscrivent dans le cadre plus général de leurs problèmes internes. Nombre d'entre eux - les pays à revenu moyen - semblent disposés à redéfinir leur conception du développement interne en fonction de l'expérience acquise à l'échelle mondiale en ce qui concerne le rôle bénéfique des mécanismes du marché. Ces mêmes pays peuvent également tirer parti de l'intensification, au cours des douze derniers mois, du "processus d'apprentissage" du côté des créanciers - qui se traduit par une volonté plus affirmée de ne pas éluder les problèmes et de limiter les dégâts lorsque cela semble aller dans leur propre intérêt tout autant que dans celui des débiteurs. *{ pagination originale du document: p.242} Les résultats obtenus par le groupe des pays industriels sur le plan de la croissance se sont améliorés depuis le printemps de 1987, et les perspectives dans ce domaine sont également meilleures qu'il y a un an. Cette situation ne comporte pas cependant que des avantages. Si la vive reprise de l'activité a été remarquable au japon, la vigueur de la demande aux États-unis (moins par comparaison avec le taux d'expansion de la dépense intérieure dans les pays excédentaires que par rapport aux capacités productives) ne constitue pas véritablement une bonne nouvelle - non seulement pour des considérations de balance des paiements, mais aussi pour ses implications inflationnistes potentielles. jusqu'à présent, l'inflation d'origine interne est demeurée étonnamment modérée aux États-unis, malgré la baisse de la valeur externe du dollar, l'utilisation croissante des capacités et le recul constant du chômage. Toutefois, il ne serait guère avisé de miser sur cette bonne fortune pour 1 pour-cent venir, surtout dans un environnement de hausse des cours des matières premières et alors même que l'incidence de la dépréciation antérieure du dollar ne s'est peut-être pas encore fait pleinement sentir. Depuis le début du mois de mars, le marché obligataire américain a déclenché à cet égard un signal d'alarme. Cette configuration particulière ne s'applique ni au japon ni à l'Allemagne, mais ces deux pays ont enregistré une expansion très rapide de la liquidité interne, et ce quel que soit pratiquement le critère de comparaison retenu. Fait significatif, l'abondance des liquidités n'a pas empêché la hausse récente des taux d'intérêt à long terme, en particulier en Allemagne. Cette hausse pourrait peut-être s'expliquer par la conviction des investisseurs allemands que la stabilité des taux de change au sein de l'Europe est appelée à se poursuivre; elle pourrait signifier aussi que le marché, à tort ou à raison, ne projette pas sur l'avenir la stabilité actuelle des prix. Trois conclusions générales sembleraient se dégager de ce résumé des événements qui ont créé un nouvel environnement pour les décisions relevant de la responsabilité directe ou indirecte des banques centrales. Premièrement, le système financier occidental considéré dans son ensemble (et, au sein de ce dernier, le système bancaire) a mieux supporté les turbulences de l'année dernière qu'on aurait pu le craindre; il convient toutefois de tirer des enseignements de la crise boursière. Deuxièmement, si le processus d'ajustement externe est bien engagé en termes réels, il n'en reste pas moins que nous serons encore confrontés probablement pendant assez longtemps à des déséquilibres prononcés des paiements courants en valeur nominale; des politiques devront donc être conçues de manière à réduire le plus possible le risque de voir se déclencher, lorsque le marché prendra conscience de cette situation, des perturbations dont le système financier ferait volontiers l'économie. Troisièmement, en élaborant ces politiques, il importera de ne pas oublier que, si la croissance globale est fort satisfaisante dans le monde industriel, on ne saurait pour autant négliger les risques d'inflation. Quelques observations finales peuvent être faites sur chacun de ces trois points. *{ pagination originale du document: p.243} Des enseignements ont déjà été tirés de la crise d'octobre, qui, sans être profondément déstabilisatrice, a néanmoins été suffisamment grave pour susciter des réactions salutaires de la part de la communauté financière. Les institutions participant aux marchés des titres tiennent davantage compte de l'élément "coût" et vérifient de manière plus attentive notamment l'utilité des nouvelles techniques financières, renforcent les contrôles internes et découvrent, ou redécouvrent, les vertus de la spécialisation. Les autorités de contrôle bancaire ont acquis une plus grande expérience directe des répercussions de la mobiliérisation sur l'activité bancaire et elles adaptent leurs méthodes en conséquence. Les autorités de surveillance des opérations sur titres se sont pleinement rendu compte de l'interdépendance entre les divers compartiments des marchés des titres. Enfin, ces deux groupes de responsables sont conscients de la nécessité d'une coopération sur le plan interne ainsi qu'à l'échelle internationale. Au-delà de ces premières réactions salutaires, beaucoup reste à faire cependant. La vitesse vertigineuse à laquelle s'opère l'interconnexion des marchés sur le plan interne et par-delà les frontières nationales amène à se poser des questions quant au coût et aux avantages de certaines innovations et de la globalisation des marchés. Ces questions appellent à l'évidence des réponses, lesquelles ne devront toutefois pas se fonder sur des préjugés politiques mais sur une analyse technique minutieuse des événements; or, pour cela, il faut du temps. Il serait vraiment dommage de substituer à la conviction a priori selon laquelle les marchés financiers fonctionnent harmonieusement tant qu'ils sont livrés à eux-mêmes la conviction, également a priori, selon laquelle une action d'ordre législatif en faveur d'une "reréglementation" conjurerait le risque de voir se reproduire l'expérience du 19 octobre. Si l'on peut d'ores et déjà tirer une conclusion des rapports analytiques fascinants publiés aux États-unis, c'est que notre monde financier est devenu bien trop sophistiqué et beaucoup trop complexe pour qu'on puisse se contenter de réponses simplistes. La persistance d'un déficit élevé des paiements courants aux États-unis équivaut à une accumulation correspondante de créances nettes du reste du monde sur les États-unis. Les détenteurs étrangers d'actifs financiers seront-ils disposés à ajuster leurs portefeuilles en conséquence - et, dans ce cas, qu'en coûtera-t-il à la stabilité financière? C'est l'ampleur considérable, par référence au passé, des déficits prévus qui amène à se demander si cet ajustement peut se faire sans déstabiliser les marchés des capitaux. Cela étant, dès lors qu'on se réfère à une autre évaluation quantitative, établie à partir d'un autre point de vue, ce pessimisme ne se justifie plus. S'il est vrai que la part des créances privées sur les États-unis dans le total des actifs financiers détenus par les entreprises dans les autres pays industriels a fortement augmenté depuis l'apparition du déficit américain des paiements courants, elle ne dépassait sans doute guère 3,5 pour-cent à la fin de 1986; en outre, ce calcul ne tient pas compte du patrimoine financier considérable du secteur des ménages, pas plus qu'il n'inclut celui des pays non industriels. Le patrimoine financier accumulé hors des États-unis est énorme et continuera de s'accroître en raison de la persistance de taux d'épargne élevés. De surcroît, le processus de libéralisation des marchés des changes et des capitaux est loin d'être achevé et une proportion très importante d'actifs financiers échappe encore à la tentation de la diversification internationale, même dans les pays où les mouvements de capitaux bénéficient d'une totale liberté. *{ pagination originale du document: p.244} Il s'ensuit que les problèmes quantitatifs semblent plus maîtrisables que ne peut le laisser supposer la simple référence à un montant impressionnant de dollars. En contrepartie, il faut aussi, bien sûr, tenir compte du fait qu'un monde dominé par une grande mobilité des capitaux est également régi par des anticipations, qui constituent les déterminants essentiels des prix des actifs financiers. Si les investisseurs éprouvent le moindre doute sur la solidité de l'engagement pris par les autorités en matière de politique économique, ils ne voudront plus accroître leurs avoirs en dollars et pourront même être tentés de les céder. Si, en revanche, les détenteurs d'actifs financiers ont de bonnes raisons de croire que les autorités demeurent fermement attachées à la stabilisation du dollar et qu'elles poursuivent des politiques crédibles qui permettront une réduction progressive, même lente, des déséquilibres des paiements, ils seront fort probablement disposés à diversifier davantage leurs portefeuilles au profit des créances sur les États-unis. La première condition nécessaire à la poursuite de cette diversification est que les agents économiques aient confiance dans la détermination et la capacité des autorités des États-unis, ainsi que des pays excédentaires, de s'opposer à la pression à la baisse sur le dollar. Des progrès substantiels ont été accomplis dans ce sens depuis le printemps de l'année dernière (avec, il est vrai, quelques dérapages vers la fin de l'été), tant en ce qui concerne les interventions effectives que la différenciation des politiques monétaires, comme en témoignent les écarts de taux d'intérêt à court terme sur le marché et l'évolution divergente des chiffres de la masse monétaire. Cela étant, il reste à satisfaire une seconde condition, à savoir convaincre les agents économiques que des politiques adéquates sont mises en ouvre pour assurer des progrès réguliers sur le plan de l'ajustement extérieur. Même en posant comme hypothèse que les opérateurs des marchés financiers finiront par se rendre compte de l'ampleur de l'ajustement déjà réalisé en termes réels et que la réduction progressive des déséquilibres nominaux sera confirmée au cours des prochains mois, cette seconde condition revêt un caractère plus contraignant, car elle implique un appui résolu de la part de politiques budgétaires différenciées. Une telle stratégie budgétaire est également indispensable si l'on veut éviter une recrudescence de l'inflation aux États-unis. Des politiques expansionnistes ont été appliquées avec un succès notable au japon et de manière moins nette en Allemagne; aux États-unis, c'est l'orientation en sens inverse qui s'est révélée insuffisante. Pourtant, il est nécessaire, dans l'intérêt de l'équilibre interne et externe aux États-unis, d'améliorer le taux de couverture du déficit budgétaire par l'épargne interne et de freiner la dépense intérieure de manière à la maintenir largement en deçà des limites des capacités. Si une partie de cette tâche peut, et doit, être assumée par la politique monétaire, ce ne serait cependant pas aller dans le sens de la stabilité des marchés financiers que de s'en remettre uniquement à l'action des autorités monétaires. *{ pagination originale du document: p.245} À l'opposé, une expansion interne plus soutenue serait utile pour l'équilibre interne et externe en Allemagne. Et si, dans ce cas, une partie de cette tâche peut être assumée par la politique monétaire - ce qu'elle fait d'ailleurs déjà - l'augmentation des liquidités résultant d'une politique monétaire libérale a cependant des limites en termes d'efficacité comme en termes d'opportunité dans une perspective à plus longue échéance. Ce serait un véritable tour de force si la réalisation simultanée de plusieurs objectifs - équilibre externe, équilibre interne à court et à long terme et, en plus, stabilité financière - était obtenue par le maniement d'un seul instrument de politique économique. Compte tenu des difficultés politiques que comporte une modification des stratégies budgétaires et du délai d'attente inévitable imposé par les élections américaines, le défi majeur auquel doivent faire face les autorités monétaires des deux pays, comme d'ailleurs celles de bien d'autres, consiste à effectuer un périlleux exercice d'équilibre en essayant de deviner, pour reprendre une expression familière, "jusqu'où elles peuvent aller trop loin". Mais il s'agit là d'une situation à laquelle les banques centrales ont l'habitude, par tradition, de faire face.