*{Banque des Règlements Internationaux, 64e Rapport Annuel, Bâle, 1995, pp.3-8, 186-208, 225-231.} *{ pagination originale du document: p.3} 1.Profondes divergences au sein de l'économie mondiale. L'année 1993 a été marquée par des évolutions contrastées selon les pays et les régions. Dans le monde industriel, l'expansion s'est accélérée aux États-unis et l'activité a redémarré au Canada, au Royaume-uni et en Australie, alors que le japon et une grande partie de l'Europe continentale restaient enlisés dans la récession. Les contrastes sont peut-être encore plus prononcés pour les pays en développement et les économies en transition, la poursuite d'une croissance vigoureuse en Extrême-orient et dans le Sud-est asiatique tranchant fortement avec l'aggravation de la crise économique dans l'ex-union soviétique. La scène financière présente, elle aussi, des divergences marquées. La santé des institutions financières et des entreprises s'est améliorée, hormis au japon; cette tendance a surtout été évidente aux États-unis, où les banques ont à nouveau dégagé des bénéfices substantiels et où la situation des sociétés non financières s'est notablement renforcée. En revanche, les marchés des capitaux ont évolué de façon imprévisible. La réapparition de tensions au sein du mécanisme de change européen (MCE) a conduit à un très important élargissement des bandes de fluctuation, après quoi les marchés des changes sont devenus remarquablement calmes. Par la suite, un retournement brutal s'est produit sur les marchés obligataires dans plusieurs pays, mettant fin à une baisse prolongée des rendements. Cela a laissé de nombreux observateurs perplexes quant au caractère apparemment disproportionné d'un tel enchaînement de petites causes et de grands effets. Si ces événements n'ont pas vraiment fait naïve de risques systémiques, ils ont tout de même avivé la crainte que des risques mal évalués par les opérateurs financiers n'entraînent de lourdes pertes. Malgré le renforcement de l'activité aux États-unis, la croissance dans les pays industriels est restée globalement faible, avec une stagnation, voire une régression, de l'emploi total pour la troisième année consécutive. Le chômage est devenu le problème social majeur, surtout en Europe, où il a atteint dans plusieurs pays des niveaux inconnus depuis les années 30. Ce panorama décevant de 1993 masque cependant, à nouveau, une évolution cyclique nettement désynchronisée entre les principaux groupes de pays. L'expansion s'est accélérée aux États-unis, tandis que la reprise s'est affirmée au Royaume-uni, au Canada, en Australie et en Nouvelle-zélande (voir tableau au verso). Dans tous ces pays, l'économie a été stimulée par le bas niveau des taux d'intérêt et par des cours de change réels qui apparaissent très compétitifs par rapport à leur moyenne sur longue période. À l'inverse, dans la plupart des pays d'Europe continentale, la production a baissé et les signes d'un possible retournement conjoncturel ont été rares avant que l'année ne soit bien avancée. *{ pagination originale du document: p.4} La Suède et la Finlande connaissent ainsi leur troisième année de recul de la production, l'économie finlandaise étant la plus durement touchée du monde industriel. Depuis quelques années, les résultats économiques des pays en développement dépendent davantage de la réussite de leurs efforts de réformes internes que de la situation conjoncturelle de l'économie mondiale; cela s'est vérifié l'an dernier. On a observé, cette fois encore, une croissance vigoureuse dans le groupe de plus en plus nombreux des nouvelles économies industrialisées, qui paraissent relativement épargnées par les événements en Europe et au japon. Outre les exemples maintenant familiers fournis par l'Extrême-orient et le Sud-est asiatique, il convient de citer les bonnes performances de la Chine, du Viêt-nam, de l'Inde, de l'Argentine, du Chili ainsi que d'autres pays d'Amérique latine. Quelques-uns ont même été confrontés à des problèmes de surchauffe. Au niveau des régions, l'Asie s'est avérée une nouvelle fois la zone la plus dynamique. Le rythme de l'expansion s'est ralenti au Moyen-orient et en Afrique, mais semble s'être légèrement accru en Amérique latine. En Europe orientale et dans l'ex-union soviétique, on remarque un contraste saisissant entre les résultats économiques des pays qui récoltent les premiers fruits des réformes, comme la Pologne, la République tchèque, la Hongrie ainsi que la Slovénie, et ceux d'une grande partie de l'ex-union soviétique, où le processus de correction des déséquilibres structurels et macro-économiques est à peine engagé et où la production continue de diminuer. Les difficultés rencontrées par les pays industriels durant la phase de récession ont naturellement suscité un intense débat de politique macro-économique au niveau national et international, qui a été marqué par les différences de vues traditionnelles entre les responsables favorables à des politiques macro-économiques volontaristes et ceux qui émettent de sérieuses réserves à leur égard. *{ pagination originale du document: p.5} En la circonstance présente, cependant, les deux camps s'accordent sur les contraintes qui pèsent sur la conception des politiques macro-économiques. Lorsque le déficit budgétaire est élevé et que le ratio endettement/PIB augmente, le gouvernement n'a guère d'autre choix que d'entreprendre un programme crédible d'assainissement des finances publiques, quelle que soit la position conjoncturelle à court terme du pays. À défaut, il saperait la confiance dans l'évolution à plus long terme et risquerait fort de déclencher une hausse des rendements obligataires contraire à ses objectifs. Dans le domaine de la politique monétaire, il existe aussi des contraintes majeures. En premier lieu, les banques centrales ne contrôlent directement que les taux à très court terme du marché monétaire. Or, ceux-ci ne sont pas nécessairement liés de façon étroite aux mouvements des taux longs qui, dans de nombreux pays, jouent un rôle plus important dans les décisions d'investissement. En fait, une réduction inappropriée des taux courts peut s'accompagner d'une hausse des taux longs si les marchés y voient le signe d'un relâchement de la discipline anti-inflationniste à échéance plus lointaine. Néanmoins, malgré cette reconnaissance unanime des contraintes qui pèsent sur l'action des responsables et un engagement commun envers l'objectif final de stabilité des prix, les banques centrales se distinguent par des différences d'appréciation quant aux modalités de mise en ouvre de la politique monétaire en période de basse conjoncture. Ces différences se sont manifestées, en matière de taux d'intérêt, par la volonté des autorités japonaises et américaines de les abaisser à des niveaux très faibles (et, dans le cas des États-unis, de les y maintenir même après le redémarrage de l'activité), alors que les pays d'Europe sont demeurés réticents à accélérer le rythme de la détente monétaire tant que l'inflation se situait au-dessus des niveaux acceptables à long terme ou que le cours de change était encore vulnérable. La distinction entre ces deux approches trouve probablement ses origines moins dans les différences d'appréciation sur les objectifs de la politique monétaire que dans des points de vue différenciés sur la nature du mécanisme de transmission. Les partisans d'un assouplissement relativement rapide en période d'atonie de la demande sont généralement d'avis que l'on peut et doit utiliser des taux d'intérêt bas afin de stimuler l'économie, tandis que tout risque d'inflation susceptible d'en résulter sera maîtrisé grâce à l'excédent des capacités sur les marchés des facteurs et des produits. Ceux qui préconisent une détente plus prudente estiment que les effets à court terme de la politique monétaire sur la production sont incertains en raison des délais avec lesquels elle opère, alors que les risques à horizon plus lointain pour sa crédibilité sont, eux, importants. Il convient toutefois de ne pas surestimer ces différences. Il est généralement admis que, si les circonstances le permettent, les taux d'intérêt à court terme devraient être assez bas lorsque l'économie est déprimée. Il *{ pagination originale du document: p.6} est donc utile d'examiner plus attentivement les considérations qui, en dehors de toute préoccupation liée à l'inflation, ont pu amener les banques centrales à maintenir les taux courts à des niveaux supérieurs à ceux qu'aurait pu justifier la faiblesse de l'activité. Au sein du MCE, comme dans tout système de parités fixes mais ajustables, la bande de fluctuation étroite laissait à la plupart des banques centrales une marge de manouvre limitée pour agir de manière indépendante sur les taux courts du marché monétaire. L'élargissement notable des bandes de fluctuation (sauf entre le deutsche mark et le florin néerlandais), décidé le 2 août 1993, n'a modifié cette situation qu'en principe, car les banques centrales participantes n'ont manifestement pas renoncé à leur objectif et continuent de maintenir leur monnaie près de son cours pivot. Le Chapitre VII examine les raisons qui sous-tendent leur attitude et les avantages qui ont néanmoins été obtenus du fait de cet élargissement. Pour les devises flottantes également, les considérations de change peuvent jouer un grand rôle dans la détermination des taux courts. Des modifications, même mineures, dans les préférences des marchés peuvent se traduire par des effets de change cumulatifs marqués, toute variation initiale venant alimenter les anticipations, qui amplifient alors le mouvement. Ces effets de change constituent à leur tour un vecteur essentiel de la création et de la propagation des impulsions inflationnistes. Les variations de taux d'intérêt ont des répercussions potentielles importantes sur les cours de change, non seulement par leur incidence directe sur les écarts de rendement entre actifs de court terme, mais aussi parce qu'elles influencent les anticipations du marché sur l'orientation future de la politique monétaire. L'évolution de l'offre de monnaie et l'écart des trajectoires par rapport aux objectifs, que certaines banques centrales ont invoqués par le passé pour réfuter avec force une politique de taux courts à caractère anticyclique, ne semblent pas avoir constitué, ces derniers temps, un élément déterminant du guidage de l'action monétaire. Le dépassement, pourtant considérable, de l'objectif assigné à la variable intermédiaire M3 en Allemagne n'a pas été jugé de nature à exercer une influence dominante sur la politique, puisqu'il était attribuable à toute une série de facteurs spécifiques. De même, les craintes que des taux courts très bas puissent déclencher un nouveau cycle du prix des actifs n'ont pas joué de rôle majeur dans la gestion de ces taux: les prix des actifs financiers se sont redressés aux États-unis et au Royaume-uni, mais cela a été accueilli comme une contribution bénéfique à l'amélioration des bilans, tandis qu'au japon ils sont, pour l'essentiel, restés relativement déprimés. Le réglage des taux d'intérêt du marché monétaire devrait, en principe, prendre en compte les relations des taux courts avec les prix des autres actifs financiers et, par conséquent, avec les décisions des agents affectant l'économie réelle. Ces liens - ou "mécanisme de transmission" de la politique monétaire - peuvent fort bien varier selon l'époque et le pays. Les différences constatées - en dépit de la globalisation des marchés des capitaux - semblent fermement ancrées dans les structures financières nationales et tiennent à l'importance relative des taux courts ou longs ainsi que des taux fixes ou variables dans les contrats financiers. *{ pagination originale du document: p.7} Quoi qu'il en soit, l'assouplissement prononcé de la politique monétaire en Europe, pendant la période correspondant grosso modo à l'année dernière, aura sans doute une incidence appréciable sur l'activité, indépendamment de ces différences structurelles, car la réduction des taux courts est allée généralement de pair avec une diminution comparable dans le compartiment du long terme. Le Chapitre VI examine ces points plus en détail. La question qui se pose aux États-unis, en tant que pays le plus avancé dans le processus de reprise, est de savoir si des augmentations des taux courts décidées au moment opportun peuvent, en modérant les anticipations inflationnistes, limiter les pressions à la hausse sur les taux longs. Les mesures prises dans ce sens durant les premiers mois de 1994 par la Réserve fédérale, qui escomptait peut-être en partie des effets de cette nature, ont peu fait pour conforter cette hypothèse - tout au moins dans le contexte d'une économie dont la vigueur de la croissance a surpris. Elles ont cependant mis en jeu un autre facteur de grande importance pour les taux longs, à savoir le couplage, parfois quasi mécanique, des marchés obligataires à l'échelle internationale. De même que les taux à long terme sur diverses monnaies avaient pendant quelque temps baissé à l'unisson, sans tenir compte, pour l'essentiel, des niveaux et des mouvements des taux courts du marché monétaire interne, ils ont eu tendance, dans les premiers mois de 1994, à suivre ensemble l'exemple des États-unis dans la direction opposée. Ces relations paraissent particulièrement étroites en période de perturbations. Lorsque les marchés sont plus calmes, toutefois, les décalages conjoncturels et les différences qui en résultent en matière d'orientation monétaire semblent compatibles avec des écarts de tendance plus marqués sur les marchés obligataires. Aussi importante que soit l'application de politiques macro-économiques appropriées, la résolution de nombreux problèmes économiques pressants auxquels sont confrontés les pays industriels requiert, en outre, une action déterminée pour vaincre les rigidités structurelles et accroître la flexibilité des marchés. Face à l'intensification de la concurrence, les entreprises industrielles ont réagi, comme on pouvait s'y attendre dans une économie de marché, en s'efforçant par tous les moyens de réduire leurs coûts et leurs effectifs. Le défi à relever par les pays industriels consiste donc à renforcer l'aptitude de leur économie à absorber la main-d'ouvre excédentaire en créant de nouvelles activités. Cela exige une action sur le marché du travail, à la fois du côté de la demande en incitant les entreprises à recruter davantage et du côté de l'offre en faisant en sorte que la main-d'ouvre présente les qualifications requises et soit prête à accepter une rémunération correspondant au niveau d'équilibre du marché. Le Chapitre II examine pourquoi certaines économies pâtissent plus que d'autres d'un chômage élevé et persistant. On commence à déceler des modifications de comportement dans la plupart de ces pays. Remédier à certaines faiblesses structurelles révélées par la récession sera cependant une entreprise de longue haleine. *{ pagination originale du document: p.8} De toute évidence, les politiques structurelles revêtent également une importance capitale dans les pays en développement. La tâche ne consiste pas seulement à accroître les possibilités d'emploi, mais aussi à stimuler davantage l'épargne et l'investissement tout en améliorant l'allocation des ressources. Il est réconfortant de constater que, ces dernières années, un nombre croissant de pays ont pris des mesures décisives afin d'ouvrir leur économie et de soumettre l'allocation des ressources à la discipline des forces du marché. On relève d'ailleurs des preuves toujours plus nombreuses de l'efficacité de telles politiques sur la dynamique de croissance. Les exemples de réussite les plus spectaculaires sont fournis par les nouvelles économies industrialisées d'Extrême-orient et d'Asie du Sud-est. Leurs rangs s'étoffent maintenant de pays aussi divers sur le plan géographique que la Chine, l'Inde, le Pakistan, le Mexique, l'Argentine et la Pologne, pour ne citer que les plus importants dans leur région. Tous ont démontré le caractère erroné de l'opinion reçue selon laquelle les pays en développement ne pourraient pas bénéficier d'une croissance soutenue tant que le monde industriel serait en récession. Leurs chances de succès ne s'en trouveront que renforcées lorsque le rythme de l'activité s'accélérera dans les pays industrialisés. L'expérience récente des pays en développement souligne, en outre, les avantages de la stabilité macroéconomique. Bien que certains d'entre eux (le Brésil, par exemple) aient parfois pu associer expansion rapide et inflation, il est amplement prouvé qu'une hausse des prix élevée et persistante mine la viabilité de la croissance. La situation actuelle de l'ex-union soviétique, où une extrême instabilité macro-économique coexiste avec des distorsions structurelles prolongées, montre combien il est difficile de ranimer l'activité dans un tel contexte. Tout en analysant bon nombre des questions qui viennent d'être évoquées, le présent Rapport couvre un domaine beaucoup plus vaste. Parmi les autres sujets passés en revue, il faut mentionner le développement des échanges internationaux, avec les modifications structurelles intervenues dans la configuration du commerce mondial au cours des deux décennies écoulées, et la conclusion du Cycle de l'Uruguay (Chapitre IV); les tendances récentes de l'activité bancaire, des opérations sur titres et des instruments dérivés sur la scène internationale (Chapitre V); l'évolution dans la structure des mouvements internationaux de capitaux et l'attrait croissant des "marchés naissants" (Chapitre VII); enfin, les principales évolutions qui ont marqué les systèmes de paiement et de règlement durant les quelque dix dernières années, et plus particulièrement les mesures de protection contre le risque systémique (Chapitre VIII). *{ pagination originale du document: p.186} VIII. Systèmes de paiement et de règlement: évolution et gestion des risques. Faits saillants. Les systèmes de paiement et de règlement sont à l'activité économique ce que les routes sont à la circulation: des infrastructures nécessaires, mais dont on oublie l'existence jusqu'au jour où se produit un encombrement ou un carambolage. Toute transaction économique donne naissance à une obligation de règlement qui doit être exécutée par transfert de monnaie entre les parties au contrat. Il y a une dizaine d'années encore, l'organisation et les mécanismes de ce processus n'attiraient pas particulièrement l'attention des autorités, ni celle des participants au marché. Depuis, l'essor sans précédent des activités sur les marchés financiers nationaux et internationaux, avec l'apparition d'épisodes de difficultés financières, a suscité un grand intérêt pour les systèmes de paiement et de règlement. L'accroissement spectaculaire de la valeur des transactions a mis à rude épreuve les systèmes existants; conjugué à l'intensification de la concurrence dans le secteur financier, il a aussi modifié radicalement la dimension des risques de crédit et de liquidité qui leur sont liés. Plusieurs épisodes de turbulences, comme le krach boursier de 1987, ont fait ressortir leur potentiel de propagation et d'amplification des chocs financiers. En conséquence, la gestion de ces risques, au niveau de chaque établissement et du système dans son ensemble, constitue désormais une priorité pour les pouvoirs publics et les agents privés. Ces dernières années, toute une série d'initiatives ont été prises en vue d'assurer l'efficience et la solidité des dispositifs. Les banques centrales, auxquelles incombe en général la responsabilité de préserver l'intégrité du système de paiement, ont joué un rôle déterminant. Le moment semble venu de dresser le bilan de cette évolution dans une perspective à plus long terme. Le présent chapitre commence par définir les grandes lignes des principaux changements qui se sont produits dans la structure et le fonctionnement des systèmes de paiement et de règlement depuis une dizaine d'années. Il examine ensuite la nature des risques que comportent ces systèmes et analyse les mesures prises pour les maîtriser, en se concentrant sur le risque systémique, qui résulte des liaisons entre institutions ou marchés. Enfin, il cherche à délimiter le domaine commun entre, d'une part, le suivi des systèmes de paiement et de règlement et, d'autre part, la réglementation et le contrôle prudentiels des banques et des entreprises d'investissement. Transformation des dispositifs de paiement et de règlement. Les profonds changements qui se sont produits dans la structure et le fonctionnement des dispositifs de paiement et de règlement depuis le début des années 80 ont reflété la transformation du secteur financier en général. *{ pagination originale du document: p.187} Certains sont facilement perceptibles pour la petite clientèle des banques: élargissement de la gamme des instruments disponibles pour l'exécution des paiements; applications informatiques, guichets automatiques par exemple; nouvelles possibilités d'économiser sur les avoirs liquides, grâce aux cartes de crédit notamment; meilleure rémunération des encaisses de transaction; tarification spécifique de services jusqu'alors gratuits. Toutefois, cette évolution, aussi tangible qu'elle soit, est moins significative que pour les activités "de gros", qui portent sur les transactions de montant élevé entre banques, autres institutions financières et entreprises non financières. La période qui fait l'objet de la présente étude a connu un essor sans précédent de la valeur des paiements, induit par une forte hausse du nombre et du montant moyen des opérations économiques. Comme les transactions commerciales augmentent au rythme de l'activité économique, c'est l'expansion des mouvements financiers qui est responsable de cet essor. S'il est difficile d'obtenir des chiffres sur la valeur globale des paiements, on peut néanmoins en mesurer la tendance par la spectaculaire montée du ratio transferts interbancaires/PNB dans les pays du Groupe des Dix (graph. p. 187). *{ pagination originale du document: p.188} Le mouvement a été particulièrement marqué au japon, où ce ratio est passé de 20 environ en 1980 à 120 en 1990, avant de retomber quelque peu. De plus, les statistiques pour ce pays confirment qu'il s'agit d'un accroissement sans pareil: les estimations montrent qu'au milieu des années 70 le ratio était encore du même ordre de grandeur qu'au début du siècle. La valeur totale des paiements est à présent considérable dans tous les pays. Les chiffres indiquent, par exemple, qu'il suffit de quelque deux jours ouvrables et demi pour que les transferts interbancaires au japon représentent un montant équivalant au PNB annuel du pays. Dans le cas des États-unis et de l'Allemagne, il faut respectivement un peu plus de trois et quatre jours. En outre, à un degré plus ou moins grand selon les pays, ces chiffres sous-estiment la valeur des flux de paiements, puisqu'ils ne comprennent pas les virements entre comptes auprès de la même banque, ni ceux qui correspondent aux transactions, en rapide expansion, sur titres et instruments dérivés, lesquels transitent par des sous-systèmes distincts. L'augmentation des transferts interbancaires est due en bonne partie aux transactions sur les marchés monétaires domestiques, ce qui s'explique par la mise en place de nouveaux instruments de court terme et par l'accroissement de l'envergure et de la profondeur des marchés existants. Elle correspond toutefois davantage à une hausse vertigineuse des opérations sur devises, par suite de l'élimination du contrôle des changes et de l'internationalisation de la finance. *{ pagination originale du document: p.189} Une étude indépendante menée par les banques centrales du Groupe des Dix sur l'activité des marchés des changes montre que ~e montant journalier net des transactions y était proche de $EU 900 milliards en avril 1992, soit près du triple du chiffre de 1986 et douze fois environ le PIB total des pays de l'OCDE sur une base annuelle. Dans certains pays, les règlements liés aux opérations sur devises représentent la grande majorité des transferts interbancaires de fonds. Le cas extrême est celui de la Suisse, où la valeur traitée tombe à 10% seulement de son niveau normal les jours où les banques des États-unis sont fermées. La valeur totale des paiements a aussi été gonflée par la croissance rapide de l'activité sur les marchés des valeurs mobilières, surtout pour les titres de la dette publique. Comme pour les opérations de change, une partie importante de cet accroissement s'est effectuée sur les marchés internationaux et a porté sur des investissements transfrontières. En fait, la montée des flux de capitaux internationaux, qui a tant attiré l'attention au cours des dernières années, semble peu de chose, comparée avec celle de la valeur des transactions sous-jacentes, qui comprennent tous les achats et ventes entre résidents et non-résidents. Les systèmes de paiement et de règlement ont été profondément modifiés, afin de s'adapter à la forte augmentation du nombre et du montant moyen des transferts, et à la complexité croissante de l'activité financière. En particulier, dans tous les pays, on a eu tendance à les spécialiser davantage et à raccourcir les délais de règlement. *{ pagination originale du document: p.190} Le renforcement de la spécialisation a pris des formes diverses. Des dispositifs particuliers ont été élaborés pour les différents types de transactions financières, y compris pour la compensation et le règlement des opérations sur titres et instruments dérivés. Aujourd'hui, les paiements de faible montant liés aux transactions commerciales et à celles de la petite clientèle sont généralement traités par lots par des chambres de compensation informatisées. Dans chaque pays du Groupe des Dix, il existe actuellement au moins un système électronique interbancaire de transfert de montants élevés. Si certains peuvent aussi exécuter le volet de paiement des petites transactions, leur architecture a été conçue pour des opérations importantes, très dépendantes du facteur temps et donc de nature principalement financière, qui représentent la majeure partie des transferts. Un nombre croissant de ces dispositifs sont plus spécialement destinés à assurer le volet domestique des opérations sur les changes et l'euromarché. Le règlement s'effectue sur les comptes de la banque centrale. Les systèmes de transfert de montants élevés ont été soit créés, soit profondément modifiés en liaison avec la vague d'informatisation des années 80. Aujourd'hui, pratiquement tous offrent au moins le règlement même jour. *{ pagination originale du document: p.191} La plupart effectuent ce règlement sur une base multilatérale nette en fin de journée: les ordres sont accumulés pendant la période de traitement et seul le solde net de chaque participant vis-à-vis de tous les autres fait finalement l'objet d'un virement. Un nombre croissant de systèmes proposent également le règlement intrajournalier: dans les systèmes dits à règlement brut en temps réel (RBTR), les transferts de fonds sont exécutés individuellement dès émission des ordres correspondants. Comme analysé plus loin, la mise en place du RBTR s'explique dans une grande mesure par les problèmes de gestion des risques inhérents aux dispositifs dans lesquels le règlement sur une base multilatérale nette ne se fait qu'à intervalles fixes. L'évolution structurelle décrite ci-dessus s'est accompagnée de modifications de grande portée dans la nature des risques encourus durant le processus de règlement. Premièrement, l'essor des transactions financières a sensiblement élevé le niveau des risques de crédit et de liquidité auxquels s'exposent les participants. Le défaut d'exécution d'obligations de livraison ou de paiement peut entraîner des pertes considérables pour la contrepartie au contrat. Deuxièmement, l'intensification de la concurrence dans le secteur financier, conjuguée à l'utilisation par la clientèle de techniques plus élaborées de gestion de trésorerie, a eu pour effet de reporter les risques de crédit et de liquidité sur les intermédiaires, principalement les banques. Celles-ci offrent de plus en plus souvent, par exemple, des découverts dans le cadre de leurs services de paiement, et les gros clients en sont venus à trouver naturel d'avoir la disposition des fonds en cours de journée, que le règlement interbancaire ait eu lieu ou non. Troisièmement, la croissance rapide des transactions transfrontières et des opérations de change signifie que les risques s'internationalisent davantage. Cela a mis en évidence les problèmes dus à la coexistence de plusieurs systèmes nationaux de règlement, dont chacun obéit à des règles propres et à un cadre juridique distinct. Nature et gestion des risques au sein des systèmes de paiement. Risque systémique. Pour les autorités, le problème fondamental posé par les systèmes de paiement et de règlement ne réside pas tant dans le risque encouru individuellement par les institutions ou limité à des segments particuliers du marché. Il s'agit plutôt du risque systémique, c'est-à-dire de l'éventualité que le défaut d'exécution d'un participant ne provoque la défaillance d'autres, déclenchant ainsi une réaction en chaîne qui aboutirait à une crise financière généralisée. Les systèmes de paiement et de règlement peuvent devenir un puissant canal institutionnel de propagation des crises systémiques. En effet, le défaut de règlement - effectif ou redouté - d'une ou plusieurs institutions peut déclencher des perturbations financières et contribuer à leur diffusion. À leur tour, les dérèglements des systèmes de paiement peuvent avoir des répercussions sur l'ensemble de l'économie: toute l'activité économique repose sur la capacité de chaque agent à régler ses transactions et sur la confiance mutuelle dans la bonne exécution des engagements. *{ pagination originale du document: p.192} Plusieurs caractéristiques des risques inhérents aux systèmes de paiement et de règlement font penser qu'ils peuvent très facilement amplifier une perturbation donnée. En effet, comme à tout moment la valeur des transactions à régler est considérable et qu'il n'existe pas de synchronisation parfaite entre le paiement et l'encaissement ou entre le règlement et la livraison des titres, l'exposition aux risques de crédit et de liquidité, même de courte durée, peut être très grande par rapport aux fonds propres des participants. C'est particulièrement vrai pour les prestataires de services de paiement, comme les banques, dont la tâche consiste précisément à assumer des risques de liquidité qui, sans cela, incomberaient à leur clientèle. De plus, compte tenu du rythme auquel évolue l'activité financière, notamment au niveau de )a négociation, il est extrêmement difficile pour les participants de se faire une idée des risques indirects auxquels les expose la position de règlement de leurs contreparties vis-à-vis de tiers. L'importance et le caractère imprévisible des risques, conjugués au manque d'informations sur leur gravité et leur répartition, pourraient propager et amplifier les chocs financiers. L'aspect préoccupant est, en effet, que des participants, incapables de faire la distinction entre difficultés de trésorerie passagères et insolvabilité structurelle, refusent naturellement la disponibilité de leurs fonds et se retirent du marché. Cette réaction pourrait elle-même contraindre à des réalisations massives d'actifs, ce qui entraînerait une baisse générale des cours et saperait la solvabilité des institutions. À l'extrême, on pourrait alors voir s'installer un cercle vicieux enchaînant défauts de règlement, chute des cours et insolvabilité. Ainsi, une incapacité temporaire à honorer un règlement peut provoquer des défaillances, dans la mesure où les agents prennent leurs décisions sur la base d'informations incomplètes. La nécessité de prendre ces risques très au sérieux a été confirmée par la succession de faits constatée durant plusieurs épisodes de difficultés financières. Comme on le verra plus en détail ci-après, des signes annonciateurs de cette spirale de tensions se sont manifestés à la suite de la défaillance de la Banque Herstatt en 1974: bien que les positions aient été à l'époque très inférieures aux niveaux actuels, la faillite de cet établissement de taille moyenne, très actif sur les marchés des changes, a provoqué de graves perturbations au sein de CHIPS, principal système de règlement aux États-unis pour le volet en dollars des transactions. Au moment du krach boursier de 1987, le fait que les banques des grandes places aient réduit leur fourniture de crédits aux entreprises d'investissement a failli acculer certaines à la défaillance et exacerber ainsi la crise. Même dans le cas de la faillite de Drexel Burnham Lambert, institution financière non bancaire de taille moyenne, c'est seulement grâce aux efforts intenses déployés par les autorités et les participants au marché que l'on a pu éviter des problèmes systémiques; les contreparties refusaient de traiter avec les filiales de cette société, malgré les assurances données sur leur solvabilité par les autorités, et on a assisté au début d'une crise de confiance généralisée chez les opérateurs. *{ pagination originale du document: p.193} De telles réactions ont manqué de déclencher un tarissement général des liquidités et de paralyser les règlements dans toute une série de marchés, y compris ceux des titres d'État, des instruments dérivés et des changes. L'analyse qui précède indique dans quelles directions il faudrait s'engager pour réduire les risques inhérents au processus de règlement, indépendamment des mesures propres à préserver l'intégrité opérationnelle des dispositifs existants. La première consisterait à donner aux participants la capacité de mieux connaître et contrôler leurs positions directes vis-à-vis des contreparties, progrès qui serait éventuellement renforcé par des mécanismes de surveillance plus centralisés. Deuxièmement, il faudrait raccourcir les délais de règlement autant que la technique le permet. La troisième mesure serait une diminution des crédits "involontaires", résultant du manque de synchronisation entre paiement et encaissement ou du décalage entre livraison et règlement. La quatrième direction, d'une portée considérable, concernerait la mise en place de procédures, généralement sous forme d'un partage des risques, destinées à limiter les effets qu'un défaut de règlement d'un participant peut exercer sur la capacité des autres à honorer leurs obligations. La cinquième viserait à faire en sorte que les participants soient suffisamment incités à maîtriser les risques qu'ils encourent; dans ce contexte, il importerait, en particulier, de restreindre leurs possibilités de recourir à la banque centrale pour pallier un défaut de règlement. Enfin, sixième point, il faudrait lever les incertitudes juridiques susceptibles d'interférer avec le processus de règlement, par exemple en ce qui concerne les dispositions applicables à la compensation et à la liquidation judiciaire; cette imprécision constitue en elle-même une source de risque, dans la mesure où elle fait naître des doutes ou des idées fausses sur les positions effectives, donc sur les pertes éventuelles. Des mesures ont été prises au cours des dernières années pour réduire les risques. La complexité des systèmes de paiement et de règlement dans une économie moderne a conduit à adopter une approche sélective. Ainsi, on a principalement prêté attention aux domaines où les risques sont concentrés et où les effets systémiques potentiels des perturbations sont apparus de la façon la plus frappante. L'analyse qui suit porte sur quatre de ces domaines: les systèmes interbancaires de transfert de montants élevés et le règlement de trois types de transactions, sur titres, devises et instruments dérivés. Pour le premier, l'étude envisage le seul aspect du paiement; elle s'intéresse particulièrement aux risques encourus par les banques en tant qu'intermédiaires. Dans les trois autres cas, l'accent est mis essentiellement sur la relation entre le volet de la livraison et celui du paiement et, par conséquent, sur les risques supportés par les contreparties. Systèmes interbancaires de transfert de montants élevés. Dans les systèmes interbancaires de transfert de fonds, le règlement s'effectue habituellement sur une base multilatérale nette à intervalles fixes, le plus souvent en fin de journée. Ce processus permet une réduction des flux (généralement de 90% ou davantage) par rapport aux ordres bruts sous-jacents et comporte donc des avantages notables sous forme d'une diminution des soldes à régler et des coûts de fonctionnement. *{ pagination originale du document: p.194} Toutefois, il implique une accumulation de ces ordres, de sorte que tout défaut de règlement affecte nécessairement la masse des instructions en instance d'exécution. Or, le défaut de règlement entraîne une pénurie de liquidités pour les banques qui participent au système. En outre, il fait naître un risque direct de crédit dans deux cas: quand les banques ont déjà mis les fonds à disposition de leur clientèle en anticipant sur le règlement interbancaire ou quand les transferts entrent dans le cadre de transactions qu'elles ont conclues pour leur propre compte. jusqu'à une date récente du moins, la gestion des risques dans les systèmes de règlement multilatéral net s'est faite presque exclusivement sous forme de critères d'admission et, indirectement, par la réglementation et le contrôle prudentiels des participants. En général, les banques ne suivaient pas leurs positions en cours de journée et les montants des règlements n'étaient soumis à aucune limite: il n'existait pas de mécanisme automatique garantissant que l'ensemble des ordres initiaux conduirait à un règlement si un ou plusieurs participants étaient dans l'incapacité de s'acquitter de leurs obligations. La plupart des systèmes admettaient que la validité des ordres soit conditionnée à leur règlement définitif. Ces clauses dites "d'annulation", conçues à l'origine pour procurer une forme de protection aux participants, ne s'attaquent pas au problème essentiel, à savoir la pénurie de liquidités dans l'ensemble du système à la suite d'un défaut de règlement. Des dispositions aussi peu élaborées étaient acceptables dans un système financier caractérisé par des règlements interbancaires limités entre quelques institutions qui pouvaient négliger le risque d'une défaillance imprévue. Elles sont moins adaptées à la situation qui est apparue ces dernières années. Il suffit de prendre l'exemple du système CHIPS, dans lequel la valeur des positions multilatérales nettes intrajournalières augmente rapidement depuis le début des années 70 . Les simulations effectuées au milieu des années 80 ont révélé que, dans le cas d'un défaut de règlement imprévu d'un participant de grande taille, près de la moitié des intervenants seraient eux-mêmes incapables de faire face à leurs engagements et qu'un tiers de la valeur totale des transferts ne serait pas réglé. *{ pagination originale du document: p.195} En outre, on ne peut savoir à l'avance quelles institutions seraient affectées. De proche en proche, même les participants qui ne seraient pas contreparties directes de l'institution défaillante, ou qui auraient vis-à-vis d'elle une position débitrice nette, pourraient se trouver dans l'impossibilité d'honorer leurs obligations. Certes, si l'on tient compte de l'importance des volumes traités par comparaison avec la taille des banques, CHIPS représente probablement un cas extrême. Pourtant, l'exemple montre bien que, plus les positions intrajournalières augmentent, plus les participants dépendent d'une intervention d'urgence de la banque centrale pour le soutien de la liquidité. En d'autres termes, la banque centrale doit faire face à une forme de "passif éventuel" difficile à maîtriser et d'ampleur incertaine. Il existe plusieurs moyens d'améliorer la gestion des risques dans les systèmes à règlement multilatéral net, parmi lesquels le raccourcissement du délai de règlement, la mise en place d'un suivi en temps réel et le plafonnement des positions débitrices nettes bilatérales et multilatérales. La meilleure protection réside toutefois dans les dispositifs de mise en commun de ressources liquides et de partage des pertes entre participants, destinés à assurer le règlement malgré le défaut d'une ou plusieurs institutions. Ces mécanismes cherchent à dissocier illiquidité et insolvabilité, c'est-à-dire à résoudre les difficultés de trésorerie tout en laissant les tribunaux trancher quant aux pertes subies sur les contrats sous-jacents. Les mesures de gestion des risques adoptées ou envisagées couvrent toute la gamme des dispositions énumérées ci-dessus. Le rythme de leur mise en ouvre, s'il varie beaucoup entre pays, s'est accéléré ces dernières années . *{ pagination originale du document: p.196} Il existe un autre moyen d'atténuer les problèmes dus au règlement différé, à savoir l'instauration de systèmes à règlement brut en temps réel. Dans ce cas, les instructions sont exécutées dès réception, à condition que le donneur d'ordre ait des fonds suffisants sur son compte auprès de la banque centrale. Chaque transfert est donc "définitif", c'est-à-dire inconditionnel et irrévocable; cela permet le règlement définitif intrajournalier et élimine l'incertitude qui résulte des possibilités d'annulation. Les positions deviennent, en outre, transparentes, de sorte que, techniquement, les participants devraient pouvoir surveiller à tout instant leur compte de règlement et, le cas échéant, leurs limites de crédit. Les avantages évidents de ce dispositif, en termes de gestion des risques, sont cependant obtenus au prix d'encaisses intrajournalières plus élevées et de frais de fonctionnement plus importants pour les participants. Les risques résiduels que comporte le système RBTR dépendent dans une très large mesure des mécanismes existants pour faire face aux plus grands besoins de liquidité qu'il implique par comparaison avec les dispositifs de règlement multilatéral net. Dans le cas de figure extrême, si la banque centrale fournit un crédit intrajournalier illimité à un coût nul et sans exiger de garanties, le risque de règlement est totalement éliminé, mais c'est la banque centrale qui assume entièrement le risque de crédit; cette situation, qui était celle du système Fedwire aux États-unis jusqu'en 1986, n'incite guère les participants à gérer avec prudence la prise de risques. À l'opposé, si les soldes de règlement sont insuffisants et les facilités d'emprunt intrajournalier et procédures de traitement des transferts de fonds peu élaborées, il y a un risque que les ordres ne soient pas exécutés; des réactions en chaîne peuvent alors amener un blocage généralisé, avec des conséquences potentielles sur l'ensemble du système. D'ailleurs, les situations de quasi-blocage n'étaient pas rares aux premiers temps du fonctionnement de SIC, système suisse pour lequel la banque centrale n'offre pas de facilité de découvert intrajournalier: il est arrivé que les banques n'aient pas assez de fonds pour régler leurs ordres et que le système risque la paralysie. *{ pagination originale du document: p.197} Les participants, encouragés en partie par une tarification appropriée, ont fini par s'adapter en étalant leurs transferts sur la journée et en fractionnant leurs ordres de montant élevé. Le problème essentiel que pose le fonctionnement du RBTR est de trouver un équilibre entre deux contraintes: il faut que la banque centrale puisse fournir de la liquidité au système, mais aussi que les participants soient suffisamment incités à gérer leurs risques avec prudence. Dans les pays du Groupe des Dix, toutes les banques centrales offrent des facilités de découvert intrajournalier pour soutenir le RBTR, sauf en Suisse, où un petit nombre de banques assurent la grande majorité des transferts interbancaires, et au japon, où seule une faible fraction des transferts passe par le système de règlement brut et où s'est créé un marché du crédit interbancaire intrajournalier. Ailleurs, les découverts comportent généralement un taux d'intérêt nul, mais ils sont limités par des plafonds et/ou par la production de garanties reconnues. Dans le cas de Fedwire, les préoccupations suscitées par les conditions relativement laxistes de l'octroi du crédit intrajournalier, dont la valeur augmentait rapidement , ont conduit à toute une série de mesures de réduction des risques; ce programme, mis en place en 1986, a amené les établissements à s'imposer des plafonds et, depuis avril 1994, institué le paiement d'intérêts sur les découverts. On s'accorde de plus en plus à reconnaître les avantages du RBTR pour la gestion des risques, à condition que le système soit bien conçu. Plusieurs dispositifs de ce type ont été récemment mis en exploitation et d'autres devraient entrer en service dans un avenir proche ; les systèmes existants reçoivent certains perfectionnements, notamment par amélioration du mécanisme de file d'attente régulant le traitement des ordres. En outre, le RBTR a reçu l'aval d'un rapport, publié en 1992 et préparé par le Groupe de travail ad hoc sur les systèmes de paiement de la CE à l'intention du Comité des gouverneurs des banques centrales de la Communauté. Ce rapport examine les principales questions que soulèvent, dans le domaine des paiements, le marché unique et l'union économique et monétaire. Il recommande, en particulier, que les systèmes de paiement nationaux comportent "cles caractéristiques communes minimales". Comme le précise un document complémentaire diffusé à la fin de 1993, chaque État membre devrait disposer, dans les meilleurs délais, d'un système à règlement brut en temps réel pouvant traiter autant de paiements de montant élevé que possible. Règlement des transactions sur titres. Les deux principales sources de risques pour les opérateurs sur titres sont le délai qui sépare la négociation et le règlement ("délai de règlement") et le décalage entre l'exécution de la livraison et celle du paiement. Le délai de règlement a pour effet non seulement de compliquer l'évaluation des risques indirects, mais aussi d'exposer les contreparties au risque que la transaction ne soit pas réglée. *{ pagination originale du document: p.198} Au cas où cela se produirait, l'une des deux parties subirait une perte si le cours du titre avait, entre temps, évolué dans un sens défavorable ("risque de remplacement"). Ce risque peut être très important dans les périodes de turbulences sur les marchés, où les cours sont très volatils. Le raccourcissement du délai de règlement peut le diminuer fortement . En outre, à moins que le règlement des deux volets de la transaction ne soit simultané (grâce à une procédure de livraison contre paiement, LCP), la partie qui exécute son obligation la première court le risque que sa contrepartie ne remplisse pas la sienne. C'est le danger de loin le plus préoccupant, car, dans ce cas, la perte éventuelle est égale à la valeur totale de la transaction ("risque de principal"). Les opérateurs du marché et les pouvoirs publics avaient déjà pris conscience de ces risques lorsque les graves problèmes de règlement apparus au cours de la crise boursière mondiale ont inspiré aux autorités toute une série d'initiatives. Plusieurs rapports ont été publiés depuis par des organismes nationaux et internationaux en vue d'améliorer les procédures de gestion des risques, en particulier ceux du Groupe des Trente (1989), de la Fédération internationale des Bourses de valeurs (1989), de l'Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières (1992) et du Comité sur les systèmes de paiement et de règlement des banques centrales du Groupe des Dix (1992). Tous ces documents accordent une priorité au raccourcissement des délais de règlement et à la mise en place de systèmes LCP. Les délais de règlement ont toujours été assez longs sur les marchés des titres, ce qui s'explique surtout par la nécessité de traiter, confirmer et apparier les transactions ainsi que de transférer les certificats et titres de propriété correspondants. *{ pagination originale du document: p.199} Depuis quelques années, on a énormément travaillé à réduire ces décalages, processus qui a été facilité au plus haut point par la mise en place progressive de dépositaires centraux de titres (DCT). Cette méthode a permis l'immobilisation des titres physiques ou leur dématérialisation par inscription en compte courant, ce qui élimine tout transfert matériel. Toutefois, alors que le rapport du Groupe des Trente recommandait de ramener le délai à trois jours avant la fin de 1992, l'objectif s'est avéré trop ambitieux dans bien des cas, et tout particulièrement pour les opérations sur actions. et par la LCP La mise en place des DCT a également préparé celle de la LCP. Au milieu des années 80, (es dispositifs comportant un mécanisme LCP étaient encore très rares; le système américain de gestion de titres en compte courant (Fedwire) était l'une de ces exceptions. Aujourd'hui, cependant, la majorité des pays du Groupe des Dix possèdent au moins un système qui obéit à cette norme. On peut réaliser la LCP de différentes manières. L'une consiste à régler de façon simultanée et irrévocable les deux volets de la transaction sur une base brute; c'est le cas de Fedwire-titres comme de Cedel et Euroclear, les deux DCT internationaux. Il existe un procédé plus couramment utilisé, qui consiste à calculer pour chaque participant le solde net de tous les paiements et, lorsque cela est possible, certaines livraisons de titres; le volet de paiement est alors généralement réglé par un système de transfert de montants élevés. Dans un troisième dispositif, très proche de la LCP, un tiers (une banque) garantit le volet de paiement ("paiement garanti"),- c'est ainsi que fonctionne le Central Gilts Office (CGO) au Royaume-uni. Comme le montre bien ce dernier exemple, la mise en place de la LCP n'est pas seulement affaire de technologie; plus fondamentalement, elle peut exiger d'importantes ouvertures de crédit, généralement contre nantissement des valeurs sous-jacentes, et une utilisation active des facilités de prêt de titres. Le besoin de liquidités sous cette forme est particulièrement aigu dans le cas des opérations transfrontières, à cause des décalages horaires, d'un pays à l'autre, entre les cycles de traitement, à la fois de la livraison et du paiement. Les principaux fournisseurs de crédits sont les banques centrales, les banques participantes et les DCT. Les risques liés à leur activation doivent être adéquatement gérés si l'on ne veut pas annuler les avantages de la LCP. Certains risques proviennent aussi des méthodes de groupement des transactions et des modalités de résolution des défauts de règlement. Comme pour les systèmes interbancaires de transfert de montants élevés, une procédure communément utilisée pour résoudre un défaut de règlement consiste à annuler partiellement les transactions. De plus, l'annulation peut découler de difficultés de règlement propres au système de transfert de fonds qui gère le volet de paiement, et non pas d'un défaut d'exécution dans le cadre de la transaction elle-même. Afin de limiter ce risque, on a de plus en plus recours au RBTR pour régler le paiement, ce qui garantit son caractère irrévocable et définitif. On peut, en complément, mettre en place au sein du système des mécanismes de protection, sous forme d'accords de partage des pertes, éventuellement confortés par des garanties, mais jusqu'à présent très peu de systèmes ont adopté ces dispositifs. *{ pagination originale du document: p.200} Règlement des transactions sur devises. La plupart des transactions sur devises sont réglées deux 'jours après la date de négociation. Comme il n'est pas rare que les cours de change entre les principales monnaies varient sensiblement pendant cet intervalle, le risque de remplacement n'est pas négligeable. Toutefois, le risque de loin le plus grave provient de l'absence de simultanéité dans le règlement des deux volets de la transaction ("risque de règlement multidevise" ou "risque Herstatt"). Il suscite plus d'inquiétudes que dans le cadre des opérations sur titres, pour plusieurs raisons: les sommes en jeu sont beaucoup plus importantes; le risque a, par définition, une dimension internationale; il est plus difficile à gérer; il découle de transactions qui sont interbancaires dans une forte proportion - estimée à 80% environ, selon la dernière étude effectuée par les banques centrales du Groupe des Dix sur l'activité des marchés des changes. *{ pagination originale du document: p.201} Le risque Herstatt résulte d'une contrainte fondamentale liée au fait que les horaires de fonctionnement des systèmes interbancaires de transfert de montants élevés ne coïncident pas dans les pays des trois devises les plus négociées, à savoir le dollar EU, le deutsche mark et le yen . Comme le règlement s'effectue par principe dans le pays d'émission, l'une des parties à la transaction est exposée au risque de crédit. Dans le cas d'une opération yen/dollar, par exemple, la partie qui livre les yens ne recevra la contre-valeur en dollars qu'après un délai variant entre cinq heures et demie et dix-sept heures. Comme son nom l'indique, ce risque a été mis en évidence par la faillite de la Banque Herstatt en 1974. Cet établissement avait été déclaré en cessation de paiements après le règlement irrévocable du volet en deutsche marks d'opérations de change, mais avant celui du volet en dollars. En conséquence, ses cocontractants qui attendaient des paiements en dollars ont été exposés à un défaut de règlement, ce qui a gravement perturbé le fonctionnement du système CHIPS et a donné lieu à une perte de confiance généralisée chez les opérateurs. Les banques de New York en sont venues à refuser d'effectuer des paiements pour leur propre compte ou pour celui de leurs clients, ce qui a déclenché une réaction en chaîne dans l'ensemble du système. C'est seulement au prix de grandes difficultés que le marché a pu reprendre son fonctionnement normal. Selon les estimations, le montant journalier des transferts bruts est tombé d'un chiffre habituel de $60 milliards à $36 milliards environ pendant les trois jours qui ont suivi la faillite. Il existe plusieurs moyens d'améliorer la gestion du risque Herstatt. Premièrement, on peut rendre plus sûrs les mécanismes de règlement pour chacun des deux volets de la transaction. Ainsi, les mesures de limitation des risques adoptées par le système CHIPS doivent beaucoup à l'incident Herstatt . Deuxièmement, il est possible de réduire les flux de règlements entre contreparties découlant des transactions initiales. Plusieurs systèmes privés pour la compensation des opérations en devises, mis en place récemment ou prévus, bien qu'ils aient aussi pour objectif de limiter les risques traditionnels de crédit, impliquent également une diminution sensible des montants à régler . Troisièmement, des dispositifs de paiement en dehors du pays d'émission peuvent être institués pour limiter les flux internationaux de règlements interbancaires. L'un d'eux, qui repose sur les relations entre correspondants bancaires, compense les volets en dollars des transactions yen/dollar sur les comptes d'une banque privée de Tokyo; celle-ci peut consentir un découvert, qui est ensuite remboursé et réglé à New York pendant les heures d'ouverture du marché américain. Dernière solution, on peut mettre en place un véritable mécanisme LCF Cela exigerait, en général, le perfectionnement des services de banque centrale, en complément d'initiatives privées. Si les dispositifs de compensation et de règlement transfrontières peuvent apporter beaucoup à la gestion des risques, ils ne peuvent livrer leurs avantages potentiels que s'ils sont judicieusement conçus. En 1990, un rapport sur les systèmes interbancaires de compensation des banques centrales du Groupe des Dix ("Rapport Lamfalussy") a traité de ces problèmes. *{ pagination originale du document: p.202} Il recommande une série de normes minimales pour le fonctionnement des systèmes transfrontières de compensation multidevises et définit les principes d'une coopération entre banques centrales en matière de surveillance. Il souligne l'importance d'une base juridique solide et de procédures clairement définies pour la gestion des risques de crédit et de liquidité. En particulier, les systèmes "devraient permettre, pour le moins, d'assurer l'exécution en temps voulu des règlements journaliers dans le cas où le participant présentant la position débitrice nette la plus élevée serait dans l'impossibilité de s'exécuter". Ces normes ont servi de référence pour évaluer tous les dispositifs récents; étant donné leur portée, on les a aussi appliquées à toute une série de mécanismes de règlement purement internes. Les banques centrales du Groupe des Dix étudient aussi les moyens de développer leurs services, en vue de créer les bases de systèmes LCP La gamme des mesures possibles a été décrite dans un rapport publié en septembre 1993. Une première modification importante, bien que d'application limitée, consiste à mettre en place des procédures permettant, dans chaque pays, un règlement intrajournalier définitif dans les systèmes interbancaires de transfert de fonds, principalement en utilisant le RBTR. Une deuxième étape serait de prolonger leurs horaires de fonctionnement, afin de réduire ou d'éliminer les délais dus aux décalages horaires. En février 1994, par exemple, la Réserve fédérale a annoncé que le système Fedwire ouvrirait six heures plus tôt à partir du début de 1997. Ensemble, ces mesures faciliteraient l'organisation de la LCP par des agents privés, mais rien ne garantit que les participants seraient prêts à consentir les investissements nécessaires pour profiter des possibilités ainsi créées. La mise en ouvre de la LCP sur les comptes des banques centrales nécessite des liaisons opérationnelles entre elles. Les banques centrales pourraient offrir elles-mêmes des services de règlement multidevises, soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'une institution internationale spécialisée ("agent commun") qui réglerait de façon irrévocable et simultanée sur ses comptes les deux volets des transactions multidevises. *{ pagination originale du document: p.203} Ces services représenteraient toutefois une innovation de taille par rapport aux dispositifs existants; ils exigeraient une coopération beaucoup plus étroite et soulèveraient quantité de problèmes délicats, qu'il s'agisse de leurs conséquences pour la politique monétaire ou de l'équilibre à trouver entre l'intervention des autorités et la discipline du marché. Règlement des opérations sur produits dérivés sur un marché organisé ou de gré à gré. Dans le cas des instruments négociés sur un marché organisé, la gestion du risque est centralisée. Une chambre de compensation s'interpose comme contrepartie dans toutes les transactions entre ses membres, lesquels agissent pour leur propre compte et pour celui de leurs clients. Les positions de crédit sous-jacentes font donc, en fait, l'objet d'une compensation multilatérale. *{ pagination originale du document: p.204} Afin de se protéger contre le risque de défaillance, la chambre de compensation exige des participants un dépôt de garantie "(marge") et, comme dans le cas des contrats à terme d'instruments financiers, un règlement quotidien des sommes dues à ce titre ("marge de variation"). Quand les cours sont particulièrement instables, elle peut même procéder à des appels de marges intrajournaliers. Ces obligations doivent généralement être acquittées le lendemain. Les mécanismes supplémentaires de gestion du risque ressemblent, à bien des égards, à ceux que l'on a déjà observés dans certains systèmes de transfert de montants élevés: limites sur les positions des participants (plafonds multilatéraux), procédures de mutualisation des pertes éventuelles en cas d'insolvabilité (accords de partage entre membres) et mise à disposition de lignes de crédit (facilités permanentes octroyées par un établissement ou la banque centrale). Sur les marchés de gré à gré, par contre, la gestion du risque de crédit s'effectue sur une base bilatérale. Les participants recourent habituellement à des limites de crédit sur leurs positions mutuelles et à la compensation, comme le prévoit l'accord-cadre élaboré par l'ISDA pour les échanges financiers. Ils utilisent aussi, encore peu mais de plus en plus, les dépôts de garantie, modulables en fonction de la taille des positions ou de la solvabilité de la contrepartie. Le règlement quotidien des marges est rare. Un problème important qui se pose actuellement sur le plan prudentiel est de savoir s'il est souhaitable et possible de transposer le système de chambre de compensation aux produits de gré à gré. Par leur nature même, les dispositifs de ce type tendent à faire supporter les risques par la chambre de compensation, sur la solidité de laquelle repose toute la stabilité du marché. Ils impliquent aussi un fort accroissement des besoins de trésorerie à court terme pour faire face aux appels de marges quotidiens sur les contrats. Ces deux facteurs ont été mis en lumière pendant le krach boursier de 1987 aux États-unis. À l'époque, une crise de liquidités est apparue quand les appels et paiements de marges sont passés de moins de $1 milliard à quelque $4 milliards sur certains marchés phares, tandis que les graves difficultés financières d'une institution de premier plan participant à l'Options Clearing Corporation ont failli imposer la fermeture du marché. À la suite de cet incident, plusieurs grands opérateurs ont commencé à traiter les chambres de compensation à l'égal de leurs autres contreparties, en se fixant des plafonds à leur égard et en diversifiant leurs transactions sur plusieurs places. Pour les mêmes raisons, des mesures ont été prises en vue d'éviter une pénurie de liquidités dangereuse, notamment par un recours plus fréquent à la compensation des marges relatives à des contrats différents ("compensation intermarginale"). Il n'en demeure pas moins, comme le conclut le Rapport Lamfalussy, que les systèmes de compensation, s'ils sont bien conçus, peuvent apporter d'importants avantages en termes de gestion des risques. D'un autre côté, leur extension aux marchés de gré à gré se heurte à un certain nombre d'obstacles pratiques. En effet, une grande partie des produits de ce type sont confectionnés "sur mesure"; les prix ne sont pas affichés et il est extrêmement difficile, à cet égard, de se mettre d'accord sur des critères d'évaluation. *{ pagination originale du document: p.205} Les instruments sont souvent négociés d'un pays à un autre, ce qui pose des problèmes délicats d'ordre juridique et prudentiel. En outre, l'adoption d'un système de compensation multilatérale n'est pas forcément dans l'intérêt de tous les participants. Les opérateurs les mieux notés, qui dominent actuellement le marché, pourraient voir leur avantage comparatif entamé. Une telle initiative ne serait intéressante pour eux que si elle leur apportait un avantage sous forme d'un accroissement de l'activité sur un marché plus large, plus efficient et plus liquide. Évaluation générale. L'analyse qui précède montre que beaucoup d'efforts ont été déployés ces dernières années pour améliorer la gestion des risques dans les systèmes de paiement et de règlement. Ces risques sont mieux connus aujourd'hui et l'on a pris, ou l'on envisage de prendre, des mesures concrètes pour les maîtriser. Mais le progrès n'a été ni facile ni uniforme; de nombreux problèmes restent à résoudre. Plusieurs facteurs d'ordre purement économique ont retardé ce progrès. Les changements nécessaires coûtent cher: ils exigent en général des investissements lourds en équipements de pointe, qui risquent de diminuer la rentabilité des investissements réalisés antérieurement. En outre, ils peuvent obliger à immobiliser des sommes importantes sous forme de garanties. Si les coûts sont facilement quantifiables, les avantages ne le sont pas. De plus, les premiers sont généralement supportés par des intérêts particuliers, tandis que les seconds bénéficient à la communauté. Enfin, si la répartition des coûts est évidente, celle des retombées positives l'est moins. Par exemple, bien que les banques aient reconnu les mérites des systèmes RBTR, elles ont parfois opposé une certaine résistance à leur mise en place ou à leur utilisation active. De même, des considérations de coût expliquent en grande partie le peu de résultats obtenus dans l'introduction de mécanismes destinés à empêcher les annulations au sein des systèmes de règlement-titres et dans la création de dispositifs de compensation multilatérale pour les transactions transfrontières. Un autre obstacle au progrès vient de la difficulté d'adapter le cadre juridique aux nouvelles réalités du marché. Ce cadre n'a pas suivi les changements rapides qui se sont produits dans les dispositifs de paiement et de règlement. En conséquence, une grande incertitude règne quant aux droits et obligations des participants. Ainsi, la législation actuelle concernant la propriété, le transfert et le nantissement des valeurs mobilières remonte souvent à la période où les titres étaient uniquement détenus sous forme physique. De même, dans certains pays, les règles de liquidation judiciaire lui donnant effet à "0 heure" peuvent frapper de nullité toutes les transactions effectuées par une institution le jour de sa faillite, ce qui empêche un règlement définitif intrajournalier. Il ne faut pas s'étonner que le progrès ait été particulièrement lent dans le domaine des transactions internationales. C'est là que la concurrence est la plus forte et qu'une coopération active est vraiment indispensable. *{ pagination originale du document: p.206} C'est aussi là que se manifestent de la façon la plus évidente les frictions entre la nature transnationale de la finance et le caractère essentiellement national des législations, souvent fort différentes d'un pays à l'autre. Les problèmes complexes que posent les systèmes de compensation et de règlement transfrontières en matière de droit applicable et de conflits de juridiction illustrent bien ces difficultés. Réglementation et contrôle prudentiels. Il y a beaucoup de points communs entre, d'une part, la surveillance des systèmes de paiement et de règlement et, d'autre part, la réglementation et le contrôle prudentiels des banques et entreprises d'investissement. En particulier, leur préoccupation fondamentale consiste à veiller à la solvabilité des institutions financières et, au-delà, à la stabilité du système. Comme on l'a vu, c'est l'insolvabilité des participants, ou même la simple menace de défaillance, qui est généralement à l'origine des perturbations dans les dispositifs de paiement et de règlement. À son tour, la propagation des difficultés à travers ces mécanismes peut entraîner une multiplication des situations d'insolvabilité. Les purs problèmes de liquidité, à condition que l'on puisse les identifier comme tels avec certitude et sans ambiguïté, sont moins inquiétants. En novembre 1985, par exemple, une banque de New York, à la suite d'un incident technique portant sur ses transferts de titres, avait accumulé en cours de journée un découvert de près de $30 milliards sur son compte auprès de la banque centrale et avait dû lui emprunter, en fin de journée, plus de $20 milliards au guichet de l'escompte, soit près du double de son bilan et plus de vingt fois ses fonds propres. Cet incident a mis en évidence la vitesse et la facilité avec lesquelles un établissement peut ouvrir une position débitrice vis-à-vis de la banque centrale dans le cadre de tels dispositifs et l'ampleur des répercussions qui auraient découlé d'une impossibilité de le faire. En même temps, il a montré qu'il n'y a pas de problèmes insurmontables quand la solvabilité de l'institution est indiscutable. Si ces deux types de surveillance ont un domaine commun, leur démarche présente aussi des différences marquées. Les dispositions prudentielles s'appliquent au niveau de l'établissement; elles donnent une priorité, plus ou moins grande selon la sphère d'activité de celui-ci, aux risques qui subsistent après le règlement et s'intéressent peu aux risques intrajournaliers. Par contre, dans les systèmes de paiement et de règlement, la surveillance examine surtout les relations entre institutions; elle prête une attention particulière au risque de règlement, surtout intrajournalier. Cela dit, les profonds changements de nature des activités financières... s'atténuent depuis une dizaine d'années ont eu tendance à estomper certaines de ces distinctions. Bien que les dispositions prudentielles soient restées centrées sur la solidité financière des institutions, elles en sont venues à s'intéresser davantage à certains risques inhérents au processus de règlement des transactions et aux mécanismes qui visent en partie à les réduire. Deux exemples, choisis dans le domaine des normes de fonds propres, suffiront à le montrer: le traitement des opérations non dénouées et la prise en compte de la compensation de contrats. *{ pagination originale du document: p.207} Jusqu'à une date récente, les normes de fonds propres des banques ne tenaient guère compte du risque de crédit lié aux opérations non dénouées, de même qu'elles n'intégraient pas les risques de marché; en revanche, les exigences comparables imposées aux entreprises d'investissement mettaient l'accent sur ces deux catégories de risques. Comme les banques jouent un rôle de plus en plus actif dans la négociation des valeurs mobilières, la nécessité d'une plus grande harmonisation s'est fait jour. Ainsi, la Directive de la CE sur l'adéquation des fonds propres, de mars 1993, qui s'applique à la fois aux institutions de crédit et aux entreprises d'investissement, prend explicitement en compte certaines opérations non dénouées. Cette directive doit entrer en vigueur au plus tard en janvier 1996. Quant au problème posé par la prise en compte de la compensation de contrats dans la formulation des normes, il a acquis une grande importance avec l'utilisation accrue des procédures de compensation. En avril 1993, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a proposé d'amender son accord de 1988 sur les fonds propres, en s'inspirant notamment du Rapport Lamfalussy. Les amendements présentés admettent la compensation bilatérale pour tous les systèmes dont la validité est confirmée au regard de la loi en vigueur et qui se conforment aux normes minimales définies dans ce rapport. Le document offre aussi une analyse des critères qui pourraient guider le Comité dans son évaluation future des dispositifs multilatéraux. Étant donné l'analogie entre les deux types de surveillance, il ne faut pas s'étonner que, dans bien des cas, les deux fonctions soient, en tout ou en partie, assumées par la même institution, à savoir la banque centrale. À des degrés variables, toutes les banques centrales des pays du Groupe des Dix jouent un rôle actif dans la supervision du système de paiement, à titre d'autorité de tutelle de jure ou de facto. La majorité d'entre elles sont aussi concernées par le contrôle des banques. Historiquement, les deux fonctions découlent de leur rôle en tant que fournisseur en dernier ressort au système financier de moyens de paiement dénués de tout risque: cet octroi de liquidité est l'ultime ligne de défense contre les crises systémiques. Que la banque centrale soit ou non spécifiquement investie de la responsabilité prudentielle, l'accès à l'information concernant la solidité financière des participants au système de paiement est vital pour qu'elle puisse remplir sa mission de surveillance et assurer la gestion des crises. Il est difficile de faire la distinction entre insolvabilité et simple problème de liquidité; la tâche devient pratiquement impossible si l'on ne dispose pas à l'avance des renseignements nécessaires sur la situation financière des participants. L'absence d'information réduit considérablement la gamme des options ouvertes à la banque centrale. Ces problèmes ont pris une acuité nouvelle depuis que la nature de l'activité financière a connu de profonds changements: l'élévation rapide du niveau des risques de marché et de règlement et leur opacité souvent plus grande; la diversification des marchés et des participants, dont certains s'apparentent peu aux "interlocuteurs privilégiés" de la banque centrale que sont les banques; enfin, la vitesse accrue avec laquelle les perturbations peuvent se propager entre compartiments de marché, institutions et pays. *{ pagination originale du document: p.208} Les besoins en information de la banque centrale représentent une dimension essentielle du problème que pose l'organisation des lignes de défense contre le risque systémique. Cette question tient une place primordiale dans les actuels débats de politique prudentielle aux États-unis, où certains envisagent une redistribution des responsabilités de contrôle bancaire, à présent réparties entre plusieurs organismes, dont la banque centrale. Elle est aussi d'actualité en Europe. En effet, la création du marché unique des services financiers dans l'Union européenne signifie que la responsabilité du contrôle est transférée du pays d'accueil au pays d'origine et qu'il est possible de participer directement (c(à distance") aux systèmes de transfert de montants élevés dans un autre pays; cela rend encore plus vitale l'existence de réseaux appropriés d'échange d'information entre autorités nationales. Pour l'avenir, le contour exact de l'engagement des banques centrales dans la surveillance des systèmes de paiement et dans la réglementation et le contrôle prudentiels au sein de la future union monétaire européenne reste à déterminer. À mesure que la nature des activités financières continuera d'évoluer, les années à venir verront vraisemblablement une intensification de la coopération entre autorités prudentielles et responsables de la surveillance des systèmes de paiement et de règlement. On peut supposer que l'expansion progressive des marchés, donc des volumes négociés, augmentera encore les risques inhérents à l'exécution des transactions financières, qu'ils soient supportés par les contreparties ou les intermédiaires. La tâche urgente consiste donc à bâtir une série de lignes de défense, capables de maîtriser le risque systémique sans compromettre l'efficience des dispositifs existants, si possible même en l'améliorant. Dans le paysage financier actuel, cette tâche ne saurait être menée à bien sans une étroite coopération internationale. *{ pagination originale du document: p.225} Conclusion. Au moment où, après une période de récession prolongée, la reprise s'étend au sein du monde industriel, les politiques économiques vont avoir à relever un défi à la fois à court terme et à plus longue échéance. Dans l'immédiat, elles sont appelées à accompagner un raffermissement de la demande, tout en maintenant la crédibilité de leur orientation fondamentale anti-inflationniste. Dans une perspective à plus long terme, il leur faut améliorer le fonctionnement des mécanismes structurels des économies industrielles, pour pouvoir lutter avec plus d'efficacité contre le fléau du chômage et tempérer l'alternance conjoncturelle de surchauffe et de récession. Dans le monde en développement, un nombre croissant de pays démontrent que les politiques appropriées peuvent produire de bons résultats, malgré un environnement international défavorable. Il sera important de retenir les enseignements fournis par leur expérience, afin que les progrès accomplis dans les domaines de l'investissement, de l'emploi et de la croissance puissent bénéficier à un plus grand nombre. L'aspect le plus encourageant des récents résultats économiques des pays industriels réside dans le faible niveau de l'inflation. Si l'évolution favorable des termes de l'échange et la faiblesse de l'activité ont joué à cet égard un rôle important, la détermination affichée dans l'application de la politique monétaire a été capitale. Cela a contribué à éliminer les éléments de hausse des coûts qui ont tendance à maintenir l'inflation à un rythme élevé, même lorsque les pressions immédiates dues à une demande excessive se sont atténuées. Des interrogations subsistent cependant en ce qui concerne les bienfaits de ce succès. En quoi les progrès réalisés sur le front des prix - à condition qu'ils puissent être préservés - vont-ils améliorer les perspectives à plus long terme de croissance et d'emploi? Les efforts mis en ouvre pour parvenir à une plus grande stabilité des prix se sont fondés sur le souvenir du lourd tribut de l'inflation. Celle-ci peut, en effet, conduire à la spoliation des épargnants et tend à saper à la fois la volonté d'épargner et la capacité d'investir. Elle fausse les prix relatifs qui régissent l'allocation des ressources, dont une part excessive s'oriente vers des emplois de précaution qui n'accroissent pas nécessairement la productivité globale. La tendance naturelle à l'accélération de la hausse des prix contribue à l'incertitude et entraîne des distorsions des taux d'intérêt à long terme et des cours de change. Ces répercussions négatives de l'inflation contraignent tôt ou tard les autorités à recourir à des politiques restrictives, qui, dans un premier temps, exercent un effet de freinage sur l'activité réelle et l'emploi. Les exemples des années 70 - et d'autres apparus depuis dans le monde en développement - semblent confirmer que les pays qui obtiennent de meilleurs résultats sur le plan de l'inflation ont généralement plus de chances de réaliser une croissance durable. *{ pagination originale du document: p.226} Il ne faut pas en conclure, cependant, que l'adhésion de l'opinion publique à des politiques visant à préserver la stabilité des prix peut être considérée comme acquise. Au fur et à mesure que les souvenirs des coûts de l'inflation s'éloignent, l'idée qu'il est possible d'accroître la production et l'emploi en acceptant une hausse des prix un peu plus forte tend inévitablement à s'accréditer de nouveau. L'existence avérée d'un compromis à court terme entre inflation et croissance peut finir par faire oublier qu'un tel compromis n'existe pas à plus long terme. C'est donc aux banques centrales que revient la tâche délicate d'expliquer inlassablement le bien-fondé de la politique de stabilité des prix et les conséquences qu'entraîne son abandon. Une réduction de l'inflation est toujours l'aboutissement d'un long et douloureux processus, ce qui justifie d'autant plus l'intérêt de préserver cette stabilité lorsqu'elle a été conquise. Pour se prémunir contre les pressions résultant des retournements de l'opinion publique, de nombreux pays ont investi les banques centrales d'une plus grande responsabilité dans le maintien de la stabilité des prix, pour tenter ainsi de les soustraire aux exigences à court terme du processus politique. La poursuite d'une politique monétaire obéissant à des priorités clairement définies - dans les limites toutefois de ses capacités - revêt aujourd'hui un caractère encore plus important en raison du développement et de l'internationalisation des marchés des capitaux. Les marchés des instruments de long terme, qui tiennent une place particulière dans les décisions d'investissement, répondent aux impulsions de la politique monétaire d'une façon qui n'est pas toujours facile à prévoir. Les opérateurs de marché tentent de deviner les implications plus lointaines de chacune des mesures mises en ouvre. En fonction du point de vue des marchés sur la viabilité d'une modification donnée des taux d'intérêt à court terme, les taux longs peuvent évoluer dans un sens favorable, ou dans la direction opposée. Cela souligne l'importance d'une orientation monétaire claire à moyen terme. La tâche des banques centrales ne s'en trouve pas pour autant facilitée en ce qui concerne le dosage approprié des divers instruments dans des circonstances où la confiance qui peut être accordée aux indicateurs traditionnels est érodée. L'aspect le plus sombre des récents résultats économiques des pays industriels réside dans le niveau élevé et, dans certains cas, encore croissant du chômage. Une question se pose avec de plus en plus d'insistance: où se situe la faille de politiques économiques qui sont incapables, dans un premier temps, d'empêcher le chômage de prendre une telle ampleur, puis d'y remédier lorsqu'il s'est développé? Il n'apparaît guère surprenant que la faiblesse conjoncturelle de la demande soit tenue par beaucoup pour responsable du niveau actuel du chômage. Pour ceux qui soutiennent ce point de vue, la solution consisterait essentiellement à stimuler la demande globale, même au prix d'une légère augmentation de l'inflation sous-jacente. *{ pagination originale du document: p.227} Le chômage comporte, à n'en pas douter, une forte composante conjoncturelle. Cependant, les informations provenant des diverses études prises en compte dans le présent Rapport donnent à penser que sa tendance à long terme ne résulte pas essentiellement de l'action des politiques macro-économiques destinées à maîtriser l'inflation, mais de rigidités structurelles qui empêchent le marché du travail de fonctionner de manière efficiente. En termes positifs, il faudrait que le marché du travail soit tel que toute personne capable et désireuse de travailler au prix courant correspondant à sa qualification ait l'assurance de trouver un emploi. Dans la pratique, toutefois, des dispositions de caractère juridique ou autres, initialement conçues pour protéger les travailleurs pourvus d'un emploi, se sont retournées contre ceux qui sont sans travail. En outre, les mesures qui étaient censées atténuer les conséquences du chômage temporaire ont trop souvent tendance à le prolonger. La corrélation entre l'ampleur des rigidités de toutes sortes existant sur le marché du travail et le niveau du chômage apparaît de plus en plus clairement à l'échelle internationale. Il s'agit là d'un défi majeur pour les politiques d'ordre réglementaire et structurel. Malheureusement pour les perspectives d'aboutissement de telles réformes, les arrangements actuels reposent souvent sur un puissant consensus social. Ils représentent une bonne partie de ce qui demeure considéré comme des acquis sociaux importants. Le grand public y voit rarement des entraves au fonctionnement efficace du marché du travail, qui sont largement responsables de lourds prélèvements et d'une détresse sociale qui pourrait être évitée. La difficulté de susciter un changement d'attitude à l'égard de la réglementation du marché du travail est évidente. Il ne semble guère y avoir d'autre moyen que d'expliquer patiemment le pourquoi et le comment du fonctionnement de l'économie, de manière à préparer l'opinion publique aux aménagements qu'il faut absolument apporter aux arrangements actuels si l'on veut réaliser des progrès durables dans la lutte contre le fléau du chômage. Le problème de l'emploi est étroitement associé dans l'esprit du public - même si cette relation n'est pas nécessairement pertinente - à celui de la compétitivité internationale. Le débat sur les causes et conséquences des modifications de la compétitivité internationale a été abondamment nourri par la remarquable croissance, induite par les exportations, qu'ont réalisée tant de pays d'Extrême-orient et dasie du Sud-est. Il apparaît clairement que les déplacements récents des pâles de croissance et d'activité industrielle sont liés non pas aux dotations en ressources naturelles mais aux politiques économiques mises en ouvre, sur le plan à la fois réglementaire, structurel et macro-économique. La performance des économies d'Extrême-orient et le fait que, pour de nombreuses gammes de produits, elles aient nettement renforcé leurs parts de marché dans des pays parvenus à maturité industrielle ont contribué à alimenter les tendances protectionnistes. Parfois, cette attitude a été influencée par l'allégation selon laquelle la concurrence serait quelque peu "déloyale", puisque les salaires dans les pays en développement sont inférieurs à ceux de l'Europe et de l'Amérique du Nord. *{ pagination originale du document: p.228} Ce genre d'affirmation pose un nouveau défi aux responsables politiques. Seul un jugement très superficiel pourrait conclure que la progression de l'industrialisation crée du chômage dans les "vieux" pays développés; en effet, les nouveaux pays industrialisés importent globalement autant qu'ils exportent. L'expansion des capacités industrielles dans le monde représente, par conséquent, un bénéfice potentiel pour tous, et ce d'autant plus que le champ de la concurrence internationale est plus large. L'accord conclu dans le cadre du Cycle de l'Uruguay revêt une grande importance à cet égard, même si des efforts résolus doivent encore être accomplis pour en préciser quelques aspects et éviter des rechutes lorsqu'il aura reçu sa forme définitive. Certes, traduire les possibilités offertes en avantages concrets demande de la flexibilité - et plus l'économie sera capable de s'adapter, plus le bénéfice qu'elle en retirera sera grand. L'intérêt des investisseurs internationaux à engager des ressources dans un pays donné dépend avant tout de l'existence d'un environnement économique favorable. D'importantes réformes ont rendu attrayantes de grandes parties du monde en développement en tant que pâles d'investissement. Les afflux de capitaux étrangers tant en Asie qu'en Amérique latine ont d'ailleurs constitué l'une des caractéristiques marquantes du début des années 90, bien que des différences sensibles aient été observées à cet égard entre ces deux groupes de pays. En Asie, les entrées de capitaux ont été associées à un taux d'investissement élevé. En Amérique latine, ce taux ne s'est accru que récemment et demeure encore relativement bas. Comme le danger d'une inversion des flux financiers commande aux autorités d'assurer la stabilité macro-économique et de poursuivre dans la voie des réformes micro-économiques, les gouvernements se trouvent d'autant plus incités à maintenir des politiques de réformes que leur dépendance à l'égard des capitaux étrangers est plus grande. Beaucoup reste à faire, cependant, dans un certain nombre de pays en développement et d'économies en transition. La Chine, malgré ses résultats économiques impressionnants des dernières années, doit encore s'attaquer aux éléments essentiels du contrôle macro-économique, même si l'unification de son cours de change a constitué un pas important dans cette direction. Au Brésil, les autorités ont proposé un ambitieux programme de stabilisation - mais il devra être appliqué avec détermination et persévérance pour porter ses fruits. L'Inde a accompli une étape décisive en rompant avec ses politiques passées et a choisi de s'ouvrir sur l'extérieur; toutefois, là encore, les efforts devront être poursuivis pendant plusieurs années pour que la nouvelle stratégie acquière une dynamique propre. En Europe orientale, certains pays semblent avoir franchi le cap difficile, et leur revenu national commence à remonter; dans aucun cas, cependant, la production n'a retrouvé ses niveaux antérieurs, même si des progrès ont pu être accomplis sur le plan de la qualité. D'autres s'emploient toujours à restaurer leur stabilité macro-économique, tandis que, dans la plupart des États de la CEI, l'absence de politiques de stabilisation demeure une entrave aux efforts de réformes et que la production et l'emploi continuent régresser. *{ pagination originale du document: p.229} De nombreux pays en développement d'Afrique enregistrent toujours une diminution de leur revenu par habitant. Certains changements récents laissent toutefois présager de meilleurs résultats pour les années à venir. Le cours de change plus réaliste du franc CFA devrait permettre aux pays concernés d'améliorer leurs perspectives d'exportations. Divers pays d'Afrique du Nord ont pris des mesures similaires visant à l'adoption de cours de change plus appropriés. En Afrique du Sud, la première élection au suffrage universel a conduit à la formation d'un nouveau gouvernement, qui a affirmé son engagement en faveur de l'économie de marché et de réformes politiques. Si cette orientation peut être maintenue, les capitaux étrangers reviendront sans doute vers ce pays, après plusieurs années de sanctions économiques. Le dernier point développé dans cette Conclusion concerne la stabilité des marchés des capitaux, dans le contexte d'une liberté toujours plus grande des flux financiers, qui vaut à la fois pour les mouvements entre pays et pour un nombre croissant d'instruments et institutions. Il s'agit d'une question qui intéresse non seulement les institutions privées et les marchés, mais aussi les régimes de change tant en Europe qu'ailleurs. Dans une acception plus large, elle est également liée aux problèmes de régulation monétaire examinés précédemment. Les avantages offerts par la liberté des mouvements de capitaux ne sont pas en cause: les ressources financières peuvent être affectées là où elles sont le plus productives, et la discipline qui est, par là même, imposée aux gouvernements est tout compte fait salutaire. Dans une perspective globale, cependant, il convient de se demander quelles sont les conditions requises pour que la libéralisation totale des mouvements de capitaux soit bénéfique, et si ces conditions sont bien remplies. Ce que l'expérience récente a amplement démontré, c'est qu'il est indispensable que les politiques fondamentales soient stables et cohérentes, pour éviter que les flux financiers n'engendrent une instabilité des cours de change et/ou ne compromettent le réglage de la liquidité interne. L'évolution au sein du mécanisme de change européen (MCE) durant ces quelque deux dernières années donne à penser que des politiques crédibles centrées sur un objectif bien compris peuvent se montrer plus efficaces pour assurer le degré de stabilité de change désiré que des obligations d'intervention étroitement définies si celles-ci ne recueillent pas la confiance du marché. Dans le monde en développement, l'importance de politiques stables est tout aussi évidente, étant donné la sensibilité manifeste des mouvements de capitaux aux modifications de l'opinion des investisseurs internationaux. L'évolution enregistrée sur les marchés financiers a eu des répercussions qui dépassent le cadre des mouvements de capitaux transfrontières et des cours de change. En un certain nombre de circonstances, des perturbations sur les marchés des capitaux ont fait peser une menace sur les économies nationales des pays industriels. Ces marchés sont souvent sujets à des revirements d'opinion qu'il est difficile de justifier par des modifications des conditions économiques fondamentales. Le krach boursier de 1987 a été le premier grand événement à focaliser l'attention sur une nouvelle génération de marchés des capitaux née de leurs interactions au niveau international, des progrès de la technologie et du développement de nouveaux instruments financiers. *{ pagination originale du document: p.230} Les événements se sont précipités avec les turbulences de septembre 1992 sur les marchés des changes européens, qui n'ont pris fin qu'avec l'élargissement sensible des bandes de fluctuation à l'été de 1993. La récente chute des cours des obligations montre bien que la gamme entière des contrats financiers peut être affectée par de brusques changements d'opinion. Ces développements suscitent un certain nombre de questions qui retiennent de plus en plus l'attention, même en dehors des milieux spécialisés. L'innovation et la libéralisation financières ont-elles contribué à accroître l'instabilité des prix des actifs? La solidité du système financier est-elle menacée? L'innovation modifie-t-elle la réaction de l'économie au jeu des instruments de politique macro-économique? Que devrait-on faire, si quelque chose doit être fait, pour réglementer l'utilisation des nouveaux produits? Ce ne sont pas des questions auxquelles il est facile de répondre. Il faudra sans doute plusieurs années, pour le moins, avant de parvenir à un solide consensus. On peut néanmoins formuler quelques observations. Tout d'abord, il existe, à n'en pas douter, certaines conditions dans lesquelles les nouveaux instruments issus de l'innovation et de la libéralisation financières peuvent accroître la volatilité des prix des actifs. Pourtant, il n'y a aucune raison a priori pour que le fait de disposer d'une plus grande liberté d'action sur les marchés financiers rende les prix généralement plus volatils. En fait, les propriétés stabilisatrices des marchés devraient se trouver renforcées par une profondeur et une liquidité accrues, ainsi que par la possibilité de dissocier plus facilement les risques encourus et de mieux se couvrir contre ceux que l'on veut éviter. Cependant, par le biais des innovations, les changements dans la perception qu'ont les marchés des politiques fondamentales peuvent se traduire plus rapidement qu'auparavant par des variations des prix. C'est pourquoi il est d'autant plus nécessaire que la politique monétaire donne le sentiment de conserver une orientation stable. Une deuxième observation porte sur les implications, pour la solidité du système bancaire, des innovations sur les marchés des capitaux. Comme les nouveaux instruments conduisent à accorder une plus grande attention à la gestion des risques et à l'évaluation de leur coût et qu'ils élargissent les possibilités de couverture, ils devraient contribuer, en principe, à renforcer la solidité des institutions financières. L'expérience a toutefois prouvé que l'on pouvait en faire un usage incorrect. La dimension croissante des marchés dérivés, conjuguée à la complexité des stratégies appliquées pour la gestion des risques, montre bien qu'il est important de s'assurer que tous les intervenants gèrent leurs portefeuilles avec prudence et que le marché lui-même peut résister à des perturbations soudaines. Une troisième observation concerne les effets des innovations financières sur la manière dont l'économie réagit à l'action des instruments macro-économiques traditionnels utilisés par les banques centrales. D'une part, on n'a pas constaté d'affaiblissement de la capacité des banques centrales de contrôler les taux à court terme, et rien ne permet de douter que la réaction de l'économie aux modifications de taux d'intérêt continue d'aller dans la direction habituelle. *{ pagination originale du document: p.231} D'autre part, l'existence de moyens nouveaux ou moins onéreux de couvrir les risques sur les marchés des capitaux influe vraisemblablement sur le comportement des agents économiques, tout au moins à la marge; sinon, il serait difficile d'expliquer l'expansion des marchés dérivés. Il est malaisé de déterminer dans quelle mesure de telles modifications de comportement appellent les banques centrales à adapter les modalités d'application de leur politique. La question mérite en tout cas d'être approfondie, et fait déjà l'objet d'une attention particulière, étant donné la poursuite du développement de ces marchés. Enfin, comment les banques centrales devraient-elles réagir à l'accélération de l'innovation financière? C'est peut-être le point le plus délicat. Une réaction précipitée comporte des inconvénients évidents. La libéralisation et l'innovation sur les marchés des capitaux offrent d'énormes avantages aux intervenants sous la forme d'une allocation plus efficiente des ressources financières et de possibilités accrues de gestion des risques. Il est très important de préserver ces acquis. Toute action officielle devrait donc viser à permettre aux opérateurs de marché de mieux exploiter les qualités des nouveaux instruments sans compromettre leur propre solidité financière ni la stabilité du système dans son ensemble. Il est certain que beaucoup reste à faire pour renforcer les procédures de contrôle des institutions présentes sur le marché et adapter les normes d'adéquation des fonds propres à l'activité des teneurs de marché. Il faut également s'employer à améliorer la transparence du marché (à travers les règles de diffusion de l'information) et à accroître la solidité de son infrastructure (par exemple, en consolidant les systèmes de règlement). Au niveau macroéconomique, il serait erroné de supposer que la formulation de la politique économique se trouverait facilitée si l'on pouvait limiter l'utilisation des instruments financiers ou contrôler les mouvements de capitaux. L'intégration des marchés mondiaux est telle à présent que, si l'on supprime les symptômes des préférences des investisseurs sur un marché, ils se manifesteront tout simplement ailleurs. En fait, les innovations sur les marchés financiers démontrent la nécessité de politiques monétaires stables, mises en ouvre dans un cadre à moyen terme. Si les opérateurs de marché ont confiance dans l'environnement à moyen terme, leurs décisions d'investissement auront alors plus de chances d'aller dans le sens de la stabilité et risqueront donc moins d'avoir des effets néfastes. En outre, l'application de politiques crédibles confère une plus grande souplesse pour agir à court terme face aux fluctuations conjoncturelles.