*{Banque des Règlements Internationaux, 66e Rapport Annuel, Bâle, 1996, pp.3-9, 175-184.} *{ pagination originale du document: p. 3} 1. Politiques à moyen terme et changements structurels: dans l'attente des résultats. La situation économique dans le monde a évolué dans un sens généralement favorable en 1995, démontrant ainsi les bienfaits conjugués de l'application de politiques macro-économiques plus rigoureuses et du recours plus important aux mécanismes de marché à la fois dans les économies développées et en développement. Malgré divers chocs subis par les marchés des capitaux, dont la crise mexicaine en début d'année, le système financier international a continué de fonctionner sans à-coups et a su s'adapter à l'accroissement constant du volume des transactions. Ce résultat satisfaisant peut aussi être porté au crédit des politiques antérieures, les organes de surveillance ayant insisté de plus en plus sur la nécessité de meilleures procédures de gestion du risque au sein de chaque établissement ainsi que d'autres mesures pour assurer la stabilité du système. L'une des principales sources de préoccupation, durant la période sous revue, a été la crainte d'un ralentissement trop marqué de la croissance économique dans les pays industriels (chapitre 11). Pour une large part, la décélération de l'activité apparaît due à présent à la hausse des taux d'intérêt en 1994 et à un mouvement correspondant des stocks. Elle a pu, cependant, être amplifiée par des problèmes transitoires liés à la poursuite d'objectifs macroéconomiques à moyen terme ainsi que par des changements économiques structurels. Les premiers devraient se dissiper à mesure que les effets de l'assainissement budgétaire et de la stabilité des prix se feront pleinement sentir. En revanche, l'adaptation indispensable aux pressions économiques mondiales, qu'engendre l'interaction des mutations commerciales et technologiques, semble devoir mobiliser encore dans l'avenir l'attention des agents économiques et des décideurs. Sur les marchés des capitaux des pays industriels (chapitre V), les opérateurs ont généralement anticipé une croissance et des prix stables à moyen terme. Dans la plupart des cas, les rendements obligataires n'ont cessé de baisser en 1995, annulant pratiquement la hausse de l'année précédente; en outre, on a constaté une diminution des marges imposées en 1994 aux pays paraissant présenter un degré de risque plus grand, du fait de leur long passé d'inflation et de déficit public ou extérieur élevés. Les marchés des actions, aux États-unis en particulier, ont enregistré une progression marquée, anticipant la persistance d'un haut niveau de profit et de faibles taux d'intérêt nominaux. Même lorsque, au début de 1996, les rendements obligataires ont nettement augmenté tandis qu'aux États-unis comme au japon les indicateurs économiques se redressaient, les cours des actions sont demeurés bien soutenus dans les deux pays jusqu'à la mi-avril, dans l'espoir de bénéfices plus importants. La situation économique du monde en développement (chapitre III), y compris les pays précédemment sous planification centralisée, a également connu, dans l'ensemble, une évolution favorable en 1995. *{ pagination originale du document: p. 4} En Asie du Sud-est, la croissance est restée très soutenue, tandis qu'en Europe orientale et en Afrique subsaharienne les progrès de 1994 ont été consolidés. Si la production a continué de baisser dans l'ex-union soviétique, le mouvement s'est toutefois nettement ralenti: les effets positifs de la stabilisation macroéconomique et de la privatisation devraient bientôt se faire sentir. Même en Amérique latine, la croissance est restée satisfaisante dans la plupart des pays; l'Argentine et le Mexique ont constitué à cet égard deux exceptions importantes durant la majeure partie de l'année, ce qui était prévisible compte tenu de la crise mexicaine. Dans les économies en développement, l'inflation s'inscrit toujours à des niveaux généralement excessifs, alimentés bien souvent par des déficits budgétaires, mais une volonté officielle de contenir la hausse des prix se manifeste de plus en plus et des progrès sensibles ont, de fait, été obtenus dans certains pays. La formulation et la mise en ouvre des politiques économiques ont été rendues plus difficiles, ces dernières années, à la fois par les incertitudes conjoncturelles habituelles et par l'interaction des nombreux changements structurels en cours. Dans ce climat de plus grande incertitude, il importe encore davantage que les responsables des politiques fassent preuve de clarté et de transparence à l'égard de leur propre objectif. la poursuite de politiques à moyen terme soutenables. En ce qui concerne les pressions structurelles, il est également nécessaire d'encourager l'ajustement plutôt que la résistance. Dans la mesure où ces changements sont la conséquence de progrès technologiques, résister ne pourrait être que vain; une telle attitude reviendrait, en outre, à accepter des coûts économiques permanents dans le seul souci d'en éviter de temporaires. Pour des responsables tournés vers l'avenir, ce ne serait sans doute pas un très bon calcul. Poursuite de politiques macroéconomiques à moyen terme. En 1995, les responsables de la politique économique de nombreux pays se sont montrés davantage résolus à poursuivre des objectifs à moyen terme axés sur une situation budgétaire soutenable et des prix stables. Dans certaines économies en développement et plusieurs pays industriels à "risque plus élevé", cette attitude a résulté d'une discipline de marché renforcée, mise en évidence par les événements qui ont entouré la crise mexicaine. Dans divers pays d'Europe occidentale, le regain d'attention accordé aux critères de Maastricht pour la participation à l'union économique et monétaire a joué un rôle analogue. Aux États-unis, la détermination manifestée par la Réserve fédérale pour prévenir les pressions inflationnistes en 1994, et sa réaction prudente aux signes de ralentissement de la croissance l'an passé, ont été généralement interprétées par les marchés comme la confirmation de son engagement envers la stabilité à long terme des prix. Dans le même ordre d'idées, les autorités de nombreux pays industriels ont plus volontiers reconnu ouvertement qu'une situation budgétaire satisfaisante ne pouvait être obtenue sans s'attaquer au problème de l'augmentation rapide des charges de sécurité sociale. Les marchés des capitaux ont réagi de manière très positive à cet engagement plus marqué envers des objectifs à moyen terme. Comme on l'a mentionné précédemment, les cours des obligations et des actions ont enregistré, dans l'ensemble, une forte progression et la volatilité s'est quelque peu atténuée, réduisant ainsi la demande d'instruments dérivés sur les marchés organisés. *{ pagination originale du document: p. 5} Dans cet environnement, l'année 1995 a été aussi caractérisée par un volume d'émissions nettes de titres internationaux proche des plus hauts historiques et par la persistance d'afflux substantiels de capitaux privés vers les marchés émergents (chapitre VII). Si l'Asie du Sud-est et le Brésil en ont été les principaux bénéficiaires, le Mexique et l'Argentine ont retrouvé, pour leur part, l'accès aux marchés internationaux, le meilleur accueil ayant cependant été réservé aux emprunteurs du secteur public. Tous ces éléments peuvent paraître de nature à accélérer l'expansion de la demande, non seulement dans les économies émergentes mais également dans le monde industriel. Il serait imprudent, après avoir noté les effets positifs de ces modifications des politiques, de négliger certaines complications passagères qui ont pu accentuer le ralentissement récent de la croissance dans quelques pays industriels. Ainsi, l'engagement en faveur de la stabilité des prix a eu des conséquences disproportionnées sur les prix des actifs, fondés jusque-là sur des anticipations d'inflation persistante. Par ricochet, la faiblesse des prix de l'immobilier dans divers pays peut avoir concouru, ces dernières années, à l'absence constante d'un sentiment de confiance et au niveau généralement bas des dépenses de consommation. De même, les préoccupations concernant la valeur intrinsèque des garanties peuvent avoir incité les banques de plusieurs pays, dont le japon, à une prudence accrue envers les emprunteurs, qui s'est répercutée en particulier sur les petites et moyennes entreprises. Enfin, le resserrement budgétaire a été prononcé en 1995 dans la plupart des pays industriels en dehors du japon et a eu rapidement des conséquences directes pour les dépenses; l'épargne privée a même pu s'en trouver dynamisée, dans la mesure où la possibilité d'une action ultérieure des gouvernements en faveur des revenus est apparue plus hypothétique et une baisse de la fiscalité moins probable. Compte tenu des effets transitoires qui pourraient ainsi s'exercer, il importe d'autant plus que l'engagement à l'égard des objectifs à moyen terme soit crédible et que les avantages résultant de la diminution du niveau et de la volatilité des taux d'intérêt se matérialisent. Comme les marchés continuent d'être influencés par les incertitudes entourant la conclusion d'un accord budgétaire aux États-unis, la transition vers l'union économique et monétaire en Europe et la stabilité, dans un avenir proche, des gouvernements de plusieurs pays industriels, les retombées bénéfiques de politiques crédibles axées sur la stabilité à moyen terme ne deviendront manifestes que lorsque le calme sera revenu sur la scène politique. Cela demandera sans doute quelque temps, mais la poursuite d'objectifs à moyen terme n'en demeure pas moins souhaitable. Changements structurels sur les marchés des actifs réels et financiers. Au cours des dernières années, l'interaction des progrès de la technologie et de l'expansion du commerce international a eu d'importantes répercussions, à l'échelle mondiale, sur les prix relatifs, les structures de production et les perspectives d'emplois. *{ pagination originale du document: p. 6} Les échanges commerciaux ont encouragé les transferts de technologie et les innovations concurrentielles, tandis que les avancées technologiques ont favorisé le commerce en abaissant les coûts des communications et des transports. La déréglementation, souvent induite par ces tendances fondamentales, a encore stimulé les changements structurels, tout comme l'attrait de plus en plus grand exercé par le monde en développement y a accéléré l'investissement direct. Certes, ces évolutions auront en fin de compte des retombées bénéfiques partout; cependant, certains pays industriels n'en ont pas moins connu des problèmes d'ajustement. C'est aux États-unis que les effets de ces forces apparaissent le plus nettement. Bien que la libéralisation des marchés s'y inscrive dans une longue tradition et que des bénéfices records aient été enregistrés en 1995, les annonces de reprises, fusions et licenciements se sont poursuivies sans discontinuer. Même si le marché du travail, grâce à sa grande flexibilité, a contribué à un faible taux de chômage, la précarité de l'emploi n'a sans doute pas été étrangère à la récente faiblesse des revendications salariales et des dépenses de consommation. Salaires et prix ont, l'an dernier, légèrement moins progressé qu'on aurait pu s'y attendre compte tenu de leurs liens traditionnels avec le niveau de l'activité. En Europe occidentale et au japon, ces tendances se trouvent à un stade moins avancé et ne se sont pas manifestées de la même façon, surtout parce que le fonctionnement des marchés du travail y est assez différent. En Europe continentale, la reprise observée en 1994 n'a pas tenu toutes ses promesses en matière de création d'emplois, et, plus récemment, une nouvelle vague de restructurations et de pertes d'emplois semble s'être amorcée, avec ses incidences sur le chômage et la confiance des consommateurs. Par suite de la rigidité relative des marchés du travail et des produits, et d'une orientation plus marquée de la production vers des biens soumis à la concurrence internationale dont les prix relatifs ont fléchi, l'incidence de ces chocs pourrait être plus durable en Europe qu'en Amérique du Nord. Au japon, malgré la souplesse relative des salaires réels et une culture d'entreprise attachée au maintien de l'emploi, le taux de chômage a sensiblement augmenté en 1995, surtout chez les jeunes. Si cette situation traduit en grande partie les conséquences tardives de la "bulle" spéculative et la nécessité de nouvelles réformes structurelles, il se peut également que la réorientation des investissements directs du japon vers des pays aux coûts moins élevés ait contribué au caractère hésitant de la reprise. Une interaction analogue entre progrès technologique, déréglementation et concurrence internationale a également entraîné, ces dernières années, de profonds changements structurels sur les marchés mondiaux des capitaux (chapitres V et VIII); ce processus risque d'ailleurs de s'amplifier, surtout en Europe continentale et au japon. Dans les principaux centres financiers, l'année 1995 a été marquée, en particulier, par des fusions importantes entre sociétés financières, une symbiose de plus en plus étroite entre activités bancaires et opérations sur titres et l'utilisation plus systématique de nouveaux instruments financiers dans la gestion de portefeuille. L'intensification des pressions de la concurrence s'est également reflétée dans le volume record des prêts bancaires consortiaux, accordés bien souvent à des marges faibles et avec des clauses plus avantageuses, ainsi que dans la reprise prononcée de l'intermédiation bancaire internationale. *{ pagination originale du document: p. 7} Dans la plupart des pays, ces pressions s'exercent sur des systèmes financiers rentables et sains; malheureusement, ce n'est pas le cas partout. Dans les économies en développement, les réformes financières ont généralement porté en priorité sur la déréglementation des marchés domestiques (chapitre VII); néanmoins, les influences internationales et les pressions de la concurrence s'y font aussi de plus en plus sentir. Si la crise mexicaine a contraint certains pays à freiner le rythme prévu de leur intégration financière internationale, il n'y a cependant pas eu, en 1995, de remise en cause générale des mesures de libéralisation adoptées antérieurement. La crise a toutefois attiré l'attention sur les profondes imperfections structurelles des systèmes bancaires dans plusieurs de ces pays. Soumises pendant longtemps à des mesures administratives de contrôle du crédit, les banques n'y disposent encore que de moyens limités pour évaluer le risque et sont souvent, en outre, lourdement grevées de créances douteuses héritées de la période précédente. Les implications de cette fragilité financière, surtout en présence d'entrées ou de sorties massives de capitaux internationaux, ont constitué un sujet de préoccupation majeur pour les dirigeants des banques centrales et pour les autorités de tutelle des marchés émergents au cours des quelque douze derniers mois. Réactions dans les domaines monétaire et réglementaire en 1995. Bien que cela ne soit pas toujours bien compris, un engagement en faveur de la stabilité des prix à moyen terme n'empêche pas les autorités monétaires de chercher à atténuer les ralentissements conjoncturels. De même, un tel engagement ne leur interdit pas de réagir par des mesures appropriées aux effets des changements structurels dans l'économie, que ceux-ci aient une incidence passagère (affaiblissement de la demande) ou permanente (accroissement de l'offre). En fait, c'est pour toutes ces raisons que les conditions monétaires ont été notablement assouplies, l'an passé, dans la plupart des grands pays industriels (chapitre IV). Dans le même temps, le processus continu de changements structurels sur les marchés économiques et financiers complique, à coup sûr, la conduite de la politique monétaire. En présence des variations de la demande de monnaie qui en résultent, les banques centrales de plusieurs pays industriels se sont rendu compte que le contrôle d'un agrégat ne suffit plus pour assurer la maîtrise de l'inflation. C'est pourquoi, ces dernières années, elles ont été de plus en plus nombreuses, parfois après avoir tenté l'expérience d'un objectif de change, à fonder leurs décisions de taux d'intérêt sur des prévisions d'inflation explicites. Malheureusement, même dans un tel cadre, les changements structurels rendent plus complexe l'élaboration des politiques. Il devient plus difficile, notamment, d'évaluer le niveau de production compatible avec une inflation stable; en outre, le mécanisme de transmission de la politique monétaire est moins facile à percevoir, à cause des nouveaux circuits de financement, de l'impact croissant des variations de change et des flux commerciaux sur les prix ainsi que du recours plus systématique aux instruments dérivés dans la gestion des risques. *{ pagination originale du document: p. 8} Compte tenu de ces incertitudes, et des coûts qu'exigerait la réduction de l'inflation si, par mégarde, on la laissait se raviver, l'assouplissement de la politique monétaire en 1995 ne pouvait être que prudent et mesuré. Des mouvements notables de certains indicateurs financiers et prix d'actifs, l'an dernier, ont également compliqué l'évaluation de l'orientation monétaire. Ainsi, en Allemagne, sur la base des relations traditionnelles entre la courbe des rendements et l'évolution de l'économie, l'accentuation de la pente de cette courbe apparaissait prometteuse pour la croissance, à l'inverse d'autres indicateurs, plus négatifs. Aux États-unis, la progression exceptionnelle des cours des actions a amené certains observateurs à estimer que la politique monétaire pourrait finalement avoir été plus expansionniste qu'on ne le pensait initialement. Enfin, la vive appréciation, au début de 1995, des cours de change effectifs du yen, en particulier, et du mark allemand (chapitre VI) a pesé, en définitive, sur les décisions d'abaisser les taux courts au japon et en Allemagne. En fait, dans le premier cas, les implications du renforcement du yen sont apparues suffisamment sérieuses pour justifier les interventions effectuées avec succès, en août, sur les marchés des changes par les trois principaux pays. Les incertitudes entourant les conséquences possibles des mutations au sein des établissements et marchés financiers mondiaux, conjuguées aux préoccupations suscitées par la crise mexicaine, ont déclenché, durant l'année, de nouvelles initiatives visant à consolider les fondements du système financier international. S'agissant de la stabilité des institutions financières, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, en collaboration avec l'Organisation internationale des commissions de valeurs, a franchi une étape importante dans le domaine des risques de marché, en publiant deux documents encourageant les institutions financières à communiquer davantage d'informations sur leurs risques et leurs résultats sur les marchés dérivés. En outre, le Comité de Bâle a étendu l'accord sur les fonds propres aux risques de marché et autorisé pour la première fois l'utilisation des modèles internes pour déterminer les exigences prudentielles de fonds propres. La publication d'un document sur la réglementation des conglomérats financiers, préparé conjointement par les autorités de tutelle des banques, des opérateurs sur titres et des sociétés d'assurance, a constitué un autre fait marquant de la coopération en 1995. La capacité de remboursement des emprunteurs souverains a également fait l'objet d'une attention plus étroite, le Fonds monétaire international annonçant un programme de surveillance renforcée, parallèlement à des normes de communication d'informations et de transparence plus rigoureuses pour les pays désirant solliciter les marchés internationaux des capitaux. En ce qui concerne les efforts entrepris pour assurer le bon fonctionnement des marchés des capitaux, une étude conduite en avril 1995 par les banques centrales, en liaison avec la Banque des Règlements Internationaux, a fourni la première vue d'ensemble sur la nature et la dimension des marchés dérivés dans le monde. De plus, un rapport de mars 1996 du Comité sur les systèmes de paiement et de règlement des banques centrales des pays du Groupe des Dix a attiré l'attention sur le risque de règlement encouru par les banques dans leurs opérations de change, en suggérant des mesures que le secteur privé pourrait adopter pour réduire ce risque. *{ pagination originale du document: p. 9} Dans le prolongement de nombreuses initiatives antérieures, ces mesures devraient aider à la fois à prévenir les crises financières internationales et à en limiter les répercussions si elles devaient se produire. Il serait toutefois présomptueux de penser qu'il n'est plus nécessaire de rechercher de meilleurs moyens de gérer les crises. D'ailleurs, le communiqué du Sommet du Groupe des Sept de juin 1995 appelait explicitement à améliorer les procédures destinées à faire face aux crises de liquidité d'emprunteurs souverains et à élargir les Accords généraux d'emprunt. S'il convient d'attendre pour que ces efforts de réduction des risques systémiques et autres actions du même ordre produisent leurs résultats, une conclusion s'impose d'ores et déjà cependant: doter le secteur public de moyens financiers adéquats pour affronter les crises est certes indispensable, mais en laissant planer un doute quant aux circonstances dans lesquelles de telles ressources seraient, le cas échéant, mobilisées. En d'autres termes, emprunteurs souverains et prêteurs privés doivent comprendre qu'une attitude imprudente de leur part ne sera pas nécessairement corrigée par appel aux deniers publics. Si cette prise de conscience incite l'ensemble des participants à la prudence, elle constituera également la meilleure garantie d'un fonctionnement harmonieux du système financier international. *{ pagination originale du document: p. 175} IX. Conclusion: promouvoir la stabilité dans un monde en mutation En dépit d'une inflation généralement basse, d'une progression rapide des exportations vers les marchés émergents et, souvent, d'un dynamisme de l'investissement intérieur, la confiance a fait manifestement défaut l'an passé et au cours des premiers mois de 1996 dans la plupart des pays industriels. Cette situation résulte en partie d'une activité économique plus faible que prévu dans le monde industrialisé. En Europe continentale, le rythme de la production s'est considérablement ralenti, aggravant encore la condition déjà précaire de l'emploi. Aux États-unis, l'évolution conjoncturelle a également suscité des préoccupations pendant quelque temps, mais les indicateurs plus récents concernant ce pays ainsi que le japon vont dans le sens d'une poursuite de l'expansion pour le premier et d'une reprise pour le second. Un élément peut-être plus important a contribué à entretenir l'inquiétude: il est apparu que certaines forces fondamentales, parfois anciennes, exercent à présent de puissants effets sous des formes qui, à terme, généreront sûrement de nouvelles richesses mais risquent, dans un premier temps, de menacer la sécurité de l'emploi. Les débordements des politiques conduites durant les décennies 70 et 80 se font toujours sentir, bien que leur influence s'atténue peu à peu. Les conséquences de l'effondrement des prix de l'immobilier n'ont pas encore été totalement absorbées dans quelques économies industrielles, et le redressement, à des niveaux soutenables, des finances publiques est loin d'être achevé. Dans le même temps, la libéralisation des échanges et les progrès rapides de la technologie ont exercé des pressions continues à la baisse des prix relatifs sur de nombreux biens entrant dans le commerce international, amenant les ressources productives à s'orienter vers d'autres secteurs dans les pays industriels. Malheureusement, cela survient à un moment où des avancées technologiques et une intensification de la concurrence dans plusieurs secteurs de services - activité financière et télécommunications, en particulier - semblent dans l'immédiat ralentir la croissance de l'emploi, et non l'inverse. Enfin, du fait de la diminution générale du coût relatif du capital, une substitution s'est opérée au détriment du travail, surtout dans les pays où le marché du travail est fortement protégé et manque de flexibilité. En présence de ces forces profondes, les instruments dont disposent les décideurs des pays industriels peuvent paraître inadéquats: la politique monétaire, par exemple, ne peut compenser une montée du chômage d'origine structurelle sans s'exposer à une poussée d'inflation. Pourtant, les solutions ne font pas complètement défaut, à condition que les autorités commencent par en reconnaître les limites dans un monde incertain et cherchent davantage à éviter les évolutions les plus fâcheuses plutôt que d'envisager des progrès impossibles. En clair, il faut se garder d'écarts persistants par rapport à la stabilité des prix, de positions budgétaires insoutenables et de cours de change irréalistes, autant de situations dont la correction est extrêmement coûteuse. *{ pagination originale du document: p. 176} Il importe aussi d'accorder une plus grande attention à la solidité du système financier, compte tenu du rôle croissant et de plus en plus complexe qu'il joue dans une économie moderne guidée par le marché. Il va sans dire que ces enjeux impliquent la nécessité de favoriser le développement de la coopération internationale, non seulement au sein du monde industriel, mais également avec des pays où l'économie et le secteur financier connaissent une expansion très rapide. Maintenir la stabilité des prix. Au vu de l'expérience inflationniste des pays industriels durant les trois dernières décennies, il n'est pas surprenant que l'expression "stabilité des prix" ait été généralement interprétée comme signifiant une inflation très faible. Selon ce critère, la stabilité a été réalisée, ou presque, dans une grande partie de ces pays et du monde en développement. De plus, dans de nombreux cas, le recul de l'inflation a été plus marqué qu'on aurait pu le penser sur la base de l'expérience historique, ce qui peut s'expliquer par les puissants effets, évoqués précédemment, qu'exercent les échanges, la technologie et l'intensification de la concurrence. Ces forces désinflationnistes continueront à se faire sentir, tout comme les répercussions de l'excédent de capacités qui caractérise encore nombre de pays industriels, à part les États-unis. Il ne s'agit pas de nier que la menace inflationniste perdure. Les États-unis sont en permanence à la limite de la surchauffe. Les prix des céréales sont montés en flèche récemment, de même que ceux de l'essence en Amérique du Nord. Si le taux du chômage structurel en Europe ne diminue pas, avec le danger de conflits sociaux qui en découle, des pressions pourraient s'exercer dans le sens d'une solution génératrice d'inflation. Nombreux sont les pays en développement qui enregistrent encore une inflation élevée et sont proches de la saturation des capacités de production. En outre, si on laissait de nouveau l'inflation repartir, les anticipations inflationnistes pourraient fort bien se raviver avec une rapidité surprenante. Il apparaît pourtant que les forces qui affectent le niveau des prix sont plus équilibrées à présent qu'elles ne l'ont été des décennies durant. C'est donc peut-être le moment ou jamais de se souvenir du conseil de Keynes et Wicksell au début des années 20: devant les fluctuations désordonnées de l'étalon or, qui permettait au niveau des prix de dériver pendant de longues périodes dans un sens ou dans l'autre, ils étaient parvenus à la conclusion qu'il était non seulement souhaitable, mais possible, que les banques centrales s'opposent à la fois à l'inflation et à la déflation. En période de mutation sociale et économique rapide, avec les implications qui en résultent pour l'ordre social et les prix relatifs, il est d'autant plus important de rechercher la stabilité des prix afin de fournir, dans tous les domaines, un point d'ancrage aux décisions rationnelles engageant l'avenir. Il est vrai également que les deux plus importants problèmes macroéconomiques dans le monde industriel - auxquels il importe de s'attaquer sans tarder - ont des implications désinflationnistes. Le premier vient de ce que les déficits budgétaires sont presque partout excessifs et que les niveaux actuels des prestations au titre des systèmes de santé et de sécurité sociale impliquent une charge fiscale future tellement lourde qu'elle en devient irréaliste. *{ pagination originale du document: p. 177} La question n'est pas tant de savoir si les politiques insoutenables seront en définitive corrigées; elle porte plutôt sur le rythme auquel il convient d'effectuer l'ajustement budgétaire, en trouvant un juste milieu entre l'alourdissement du service de la dette induit par un retard dans l'action et les effets à court terme sur la demande, souvent indésirables, générés par une intervention opérée en temps opportun. Rétrospectivement, il apparaît que l'erreur la plus communément commise dans beaucoup de pays industriels a été d'opter pour un report des décisions, même si l'on ne peut ignorer totalement les dangers dus au fait qu'actuellement de nombreux pays s'emploient simultanément à freiner la demande. Bien que la situation budgétaire des États-unis soit fondamentalement meilleure que celle de plusieurs autres pays, le taux d'épargne privée y demeure très faible et les mesures prises pour y remédier auront également des implications pour la demande globale. Le second problème concerne la nécessité de réformes structurelles complémentaires sur les marchés du travail et des produits, tout spécialement en Europe continentale. C'est particulièrement le cas dans le secteur manufacturier, où les travailleurs, dont le coût est devenu trop lourd en raison de procédures rigides et de charges salariales et non salariales élevées, risquent fort d'être exclus du marché. De nouvelles perspectives d'emplois doivent aussi être aménagées dans le secteur des services, bien qu'il soit précisément, dans de nombreux pays, le plus encombré de réglementations entravant la concurrence et l'expansion. Si des progrès importants ont déjà été accomplis dans certains cas, l'adoption de nouvelles mesures relatives aux marchés du travail fournirait aux agents et aux secteurs d'activité davantage de moyens et d'incitations pour s'adapter à un monde en pleine mutation. En Europe, une flexibilité accrue sera également nécessaire pour compenser le renforcement des relations de change au sein de l'Union européenne. Comme pour l'assainissement budgétaire, des réformes devraient être entreprises sans tarder, compte tenu de leurs effets à double tranchant et du temps requis pour qu'elles soient pleinement efficaces. L'ajustement à la rigueur budgétaire, à la concurrence accrue des marchés des produits et à la diminution du chômage structurel peut être désinflationniste, mais ces changements, une fois achevés, déclenchent aussi des forces puissantes qui stimulent la demande. La poursuite, en particulier, de politiques macroéconomiques à moyen terme soutenables devrait permettre aux taux d'intérêt de rester orientés à la baisse. L'application d'un programme pluriannuel crédible d'assainissement budgétaire fondé sur une limitation des dépenses, plutôt que sur des augmentations d'impôts pouvant paraître politiquement indéfendables, constitue un élément essentiel à cet égard. Une baisse des prix des facteurs améliorera les bénéfices dans de nombreux secteurs et se traduira à terme par un accroissement de la production, de l'investissement et de l'emploi. Il est également probable que la progression de la productivité et la perspective d'une fiscalité moins lourde ramèneront la confiance, ranimant du même coup la demande. Enfin, les banques centrales peuvent aussi utiliser la politique monétaire pour ajuster la demande, si celle-ci ne parvient pas à suivre un rythme compatible avec la stabilité des prix; il faudrait qu'elles soient prêtes à le faire. *{ pagination originale du document: p. 178} Des modifications des cours de change peuvent également, dans certaines circonstances, s'avérer utiles pour corriger les déséquilibres macroéconomiques. Comme les États-unis bénéficient d'une position conjoncturelle plus favorable que l'Europe et le japon, l'appréciation tendancielle du dollar, l'an dernier, a permis de diriger l'expansion de la demande vers les régions qui en ont le plus besoin. Les limites potentielles de ce processus apparaissent toutefois dans la persistance tenace du déficit des paiements courants des États-unis et dans l'important excédent commercial de l'Union européenne, même si le solde de l'Allemagne demeure déficitaire. Au sein de l'Europe, malgré un environnement de change plus stable en 1995, les questions de cours de change continuent d'alimenter le débat à la lumière des événements de 1992 et 1993 ainsi que des décisions qui restent à prendre dans l'optique de l'union économique et monétaire. Les conditions économiques différentes, en particulier sur le plan budgétaire, font que les pays européens ne participeront vraisemblablement pas tous dès le départ à l'union monétaire. Dans ce cas, précisément, le maintien d'une souplesse du cours de change devrait être assorti d'un engagement formel et contraignant à l'égard de la stabilité des prix intérieurs. La flexibilité du change ne saurait constituer un palliatif à une discipline insuffisante. Les considérations de cours de change ont également joué un rôle essentiel dans la conduite de la politique macroéconomique de nombreux pays en développement, avec des résultats fréquemment, mais pas toujours, positifs. Certains se sont appuyés récemment sur un engagement de change pour réduire progressivement les anticipations inflationnistes: en Argentine, au Brésil et en Russie, ce choix a été dicté par l'hyperinflation. Parfois, des progrès substantiels ont été obtenus sur le front de l'inflation, au prix bien souvent d'une appréciation en termes réels. Quelques pays en développement ont essayé, ces dernières années, de concilier leurs objectifs intérieurs et extérieurs en laissant glisser la fourchette-objectif de leur monnaie. D'une manière plus générale, cependant, pour qu'une politique de "monnaie forte" soit efficace, il faut qu'elle s'accompagne de réformes dans divers domaines et, en particulier, d'une orientation budgétaire rigoureuse. Préserver la stabilité du système financier interne est également capital, faute de quoi l'idée s'accréditerait que les autorités seront incapables de réagir de façon adéquate aux pressions sur leur monnaie, ouvrant ainsi la voie à des attaques spéculatives. Plusieurs pays en développement commencent à accorder davantage d'attention à ces faiblesses structurelles, mais il leur sera sans doute nécessaire de poursuivre dans la voie des réformes pendant quelques années. Dans divers pays d'Asie du Sud-est et, à un degré bien moindre, dans ceux d'Europe orientale, le problème du cours de change se pose en des termes voisins, avec cependant quelques différences. Les cours de change réels sont soumis à des tensions à la hausse, dans un contexte caractérisé par des niveaux d'investissement élevés et des gains de productivité considérables dans le secteur exposé. En raison d'engagements de longue date envers une monnaie stable, généralement par rapport au dollar, cette appréciation en termes réels s'est traduite par une poussée d'inflation d'origine interne. Laisser le cours de change nominal s'apprécier aiderait certains d'entre eux à réduire les pressions inflationnistes internes, mais cela n'affecterait pas le processus par lequel les entrées de capitaux induisent une amélioration du cours réel et un déficit concomitant des paiements courants. La vulnérabilité potentielle créée par cette situation requiert une action tournée vers plusieurs objectifs: renforcement de la situation budgétaire, encouragement de l'épargne intérieure, constitution d'un niveau adéquat de réserves, absence d'endettement excessif à court terme et volonté de faire supporter par le change une partie des pressions si les flux de capitaux viennent à s'inverser. Maintenir la stabilité financière. Le système financier international continue régulièrement de s'accroître en importance, en complexité et dans sa dimension géographique. Les opérations transfrontières sur actions et obligations au sein des pays du Groupe des Sept (à l'exclusion du Royaume-uni) sont passées de 35% du PIB en 1985 à 140% environ l'an dernier. L'étude sur les marchés dérivés effectuée en avril 1995 par les banques centrales indique que l'encours notionnel des contrats sur produits dérivés dépassait $40 000 milliards pour les seuls marchés de gré à gré. En outre, les restrictions au droit d'établissement des institutions financières étrangères ont été quasiment levées dans les pays industriels et fortement atténuées ailleurs. Il s'agit là de développements salutaires, en ce sens qu'ils permettent une allocation plus efficiente du capital, tant au niveau interne qu'à l'échelle internationale, entraînent un abaissement des coûts des services financiers et offrent de nouvelles possibilités de couverture des risques de toutes sortes. Trois points, néanmoins, doivent être bien présents à l'esprit. Premièrement, le fait que le système a continué de fonctionner correctement face à divers chocs - crise mexicaine, défaillance de Barings, pertes de Daiwa dans l'activité de négociation - et aux difficultés rencontrées par le système bancaire japonais ne saurait justifier une attitude complaisante. En effet, les systèmes bancaires sont, ou seront, pratiquement partout sous pression, malgré une amélioration récente de la rentabilité. Deuxièmement, les marchés des capitaux demeurent sujets à des fluctuations de prix aussi amples qu'imprévisibles. Troisièmement, les interactions entre les différents secteurs et marchés revêtent des formes de plus en plus complexes, qui remettent constamment en cause la capacité des autorités réglementaires et des marchés eux-mêmes d'imposer aux participants une discipline efficace. En dépit de résultats satisfaisants dans plusieurs pays en 1995, les marges bénéficiaires du secteur bancaire s'inscrivent généralement en baisse depuis le milieu des années 80 dans les pays industriels, et les pressions qui visent à réduire les coûts iront sans doute en s'intensifiant. Les dépôts bancaires sont soumis à la concurrence croissante d'autres formes d'épargne, tandis que l'activité de prêt traditionnelle est menacée par des types d'intermédiation financière qui permettent de démembrer et de négocier séparément les composantes risque de prix et risque de crédit. L'apparition de la banque électronique ou "virtuelle" porte directement atteinte aux établissements bien "réels" engagés dans des opérations classiques avec la clientèle de particuliers. Tous ces développements commandent, par conséquent, de poursuivre la restructuration et la consolidation. *{ pagination originale du document: p.180} Les institutions financières doivent se montrer plus attentives aux pressions concurrentielles, afin d'assurer le déroulement harmonieux du processus d'ajustement. Il faut pour cela que les autorités leur signifient plus clairement qu'elles doivent compter avant tout sur elles-mêmes. La communication d'informations sur les bénéfices et sur les risques encourus doit être également renforcée, pour que la discipline de marché puisse jouer à plein. Enfin, la réduction des obstacles artificiels aux fusions et acquisitions, au-delà des frontières nationales en particulier, constituerait une initiative favorable, tout comme la déréglementation des marchés du travail permettrait une meilleure utilisation de la main-d'ouvre. Les risques potentiels inhérents à un système bancaire inefficient ne peuvent qu'inciter avec force à soutenir de telles décisions. Les systèmes bancaires des pays en développement seront confrontés un jour ou l'autre à des forces concurrentielles analogues à celles qui affectent le monde développé, mais nombre de ces pays doivent, en outre, faire face à des problèmes plus immédiats. La libéralisation s'est souvent effectuée dans un contexte défavorable: forte prédominance, dans les portefeuilles de prêts, des crédits dirigés, mauvaise diversification des créances, structures de coûts élevés et degré malsain de relation entre banques et établissements commerciaux. Par ailleurs, certains ont enregistré récemment une expansion rapide du crédit, liée souvent directement à la spéculation immobilière, avec les risques évidents qui en découlent en cas d'éclatement de la "bulle" des prix des actifs. Dans plusieurs cas, les banques sont également exposées à une érosion de leurs marges d'intermédiation lors du ralentissement de l'inflation ainsi qu'à des sorties de capitaux internationaux si la confiance vient à faillir. La prévention ou la gestion des crises financières est à présent l'une des questions essentielles qui se posent aux autorités. Pour le premier aspect, l'une des conclusions qui se dégagent est que la déréglementation du système financier, compte tenu en particulier des influences internationales, devrait être conduite graduellement et avec prudence. L'expérience de nombreux pays industriels, ces dernières années, souligne les dangers inhérents à ce processus. Un autre enseignement est qu'il faudrait sans doute, plus qu'on ne le fait généralement, interpréter une expansion rapide du crédit comme un signal de danger, surtout lorsque les prêts bancaires sont fortement concentrés sur certains secteurs. À cet égard, il pourrait être utile de permettre aux banques dotées d'un niveau de fonds propres suffisant de se diversifier vers l'étranger. Enfin, une assistance pourrait être apportée, parfois, à la restructuration des systèmes bancaires des pays en développement si l'on autorisait les banques étrangères à jouer un rôle plus important. En ce qui concerne la gestion des crises financières, les leçons tirées des expériences des pays développés et du monde en développement sont très voisines. Les difficultés financières doivent être traitées avec rapidité et détermination, en sachant que leurs coûts budgétaires seront substantiels mais moins élevés cependant que ceux qui résulteraient d'une temporisation. En outre, il importe au plus haut point que les décideurs s'emploient à conserver la confiance des marchés financiers pour éviter des pressions sur leur monnaie. Étant donné que cela peut nécessiter des mesures draconiennes, comme celles qui ont été prises récemment au Mexique et en Argentine, une autre conclusion s'impose: il serait préférable de prévenir l'apparition de tels problèmes, en mettant tout en ouvre pour améliorer la solidité du système bancaire national. La contribution du contrôle bancaire à cet égard est examinée plus loin. *{ pagination originale du document: p.181} La deuxième source de préoccupation est liée au fait que les développements sur les marchés financiers pourraient menacer la stabilité, si de gros intervenants se trouvaient pris au dépourvu par des variations soudaines des prix et acculés ainsi à la faillite. Si la volatilité à court terme n'a pas été particulièrement forte en 1995, des fluctuations notables ont cependant affecté les cours des obligations, et la brusque inversion de la valeur du yen au printemps n'est guère compatible avec l'évolution des données fondamentales. Autre sujet d'inquiétude: le regain d'appétit des investisseurs pour le risque, qui a semblé avivé par la réduction générale des rendements obligataires. Ce facteur peut avoir contribué à la vigueur des marchés des actions, au rétrécissement des différentiels d'intérêts sur les obligations de qualité inférieure et à la poursuite d'entrées de capitaux substantielles sur les marchés en développement. Il conviendrait donc de ne pas sous-estimer la possibilité d'un changement brutal de cet appétit pour le risque. En revanche, quelques bonnes nouvelles ressortent de l'enquête sur les marchés dérivés conduite en avril 1995; il appareit en effet que, si le marché est généralement très concentré sur certaines lignes de produits, ses divers segments sont dominés par des acteurs différents. En outre, le risque net (mesuré en termes de coût de remplacement) de l'ensemble des intermédiaires vis-à-vis des utilisateurs finals est limité, ce qui signifie que, en tant que groupe, ils assurent globalement la compensation des risques de prix assumés par les utilisateurs finals. Autrement dit, il semble peu probable qu'une ample variation des prix puisse en soi endommager le secteur financier en général, ce qui n'exclut pas que des établissements soient beaucoup trop exposés. Il serait utile de disposer d'informations actualisées concernant les opérations réalisées sur les marchés dérivés; dans cet ordre d'idées, il est envisagé que les banques centrales (sous la coordination de la BRI) collectent et publient des données agrégées, à partir des chiffres consolidés des principaux opérateurs dans le monde. Le troisième domaine de préoccupation, qui ne date pas d 1 hier, a encore pris de l'importance à la lumière de l'évolution enregistrée l'an passé. Les distinctions entre les divers instruments et les diverses catégories d'opérateurs continuent à s'estomper, ce qui rend plus difficile la détermination des rôles et intérêts respectifs de chacun. Cette complexité met durement à l'épreuve le pouvoir de discipline des autorités de tutelle et des marchés. Dans le monde développé, les responsables de la surveillance ont réagi à ces changements rapides en donnant une place plus grande à la diffusion d'informations, afin que la discipline de marché complète leur suivi prudentiel traditionnel. Des efforts additionnels des pouvoirs publics peuvent s'avérer nécessaires pour qu'un degré élevé de communication d'informations devienne, dans le secteur privé, une "norme" de bon comportement. De nouvelles initiatives sont également requises pour faire face à la disparition progressive des cloisonnements entre les différentes catégories d'institutions financières, dans le prolongement des progrès réalisés, ces dernières années, par le Comité de Bâle et l'OICV. Compte tenu des tendances déjà évidentes, qui favorisent la formation de gros conglomérats financiers internationaux, l'une des priorités importantes est d'officialiser la responsabilité de leur surveillance sur une base consolidée; ce qui ressort moins clairement, par contre, c'est de savoir s'il convient d'adopter le concept d'un "régulateur principal" désigné ou si de meilleures solutions existent. *{ pagination originale du document: p.182} Les discussions relatives aux problèmes du système financier dans le monde en développement reposent sur l'idée que, dans un certain nombre de pays, la surveillance a été inadéquate. Ce jugement ne résulte pas de divers cas de défaillances, conséquences somme toute normales d'un environnement concurrentiel, mais plutôt du fait que, dans quelques économies, on a laissé l'ensemble du système dériver et s'affaiblir peu à peu, avec les graves implications macro-économiques qui en découlent. À moyen terme, une action d'envergure doit être entreprise pour renforcer l'efficacité des agences de notation et la discipline de marché, en remédiant en particulier aux insuffisances des normes comptables et aux autres obstacles qui s'opposent à la transparence dans de nombreux pays en développement. Dans l'immédiat, cependant, les autorités ne peuvent se reposer essentiellement sur la discipline de marché: il importe également de renforcer notablement les procédures de surveillance. Un vaste programme d'éducation et de formation destiné aux autorités de contrôle, sur la base de certaines normes établies de saine gestion bancaire, ferait ouvre utile à cet égard et devrait être complété par des efforts visant à protéger à la fois les banques et les autorités de tutelle des influences politiques. Promouvoir la coopération financière internationale. Il est attristant de constater que, durant l'époque de l'après-guerre, la plupart des initiatives visant à renforcer la coopération financière internationale ont été prises sous la pression d'une crise financière. À l'exception des discussions en cours au sujet de l'union économique et monétaire en Europe, la période sous revue n'a été en rien différente. La crise mexicaine a conduit à un appel, lors du Sommet du G 7, visant à examiner deux domaines spécifiques où des améliorations sensibles pouvaient être apportées. Premièrement, il est convenu de voir comment élargir les Accords généraux d'emprunt, pour que le FMI puisse également disposer, en cas de crise, de fonds provenant de pays n'appartenant pas au G 10. Le second aspect concerne la possibilité de recourir à des procédures plus ordonnées pour résoudre les crises de liquidité d'emprunteurs souverains. Si, pour le premier point, les négociations se poursuivent, un rapport consacré au second a présenté quelques suggestions en vue d'adapter les méthodes actuelles à l'importance croissante des obligations et autres types d'instruments de dette qui, par le passé, n'étaient pas pris en compte dans les rééchelonnements. Plus précisément, il a été proposé qu'un soutien officiel soit apporté à une initiative privée destinée à assortir les instruments de dette souverains de clauses contractuelles, qui faciliteraient, en cas de crise, la consultation et la coopération entre débiteurs et créanciers ainsi qu'entre créanciers eux-mêmes. Ce rapport précise, en outre, qu'il n'est ni souhaitable ni réalisable d'appliquer aux pays souverains à endettement élevé des procédures plus formelles "cle mise en faillite". La question spécifique des pays lourdement endettés envers les institutions financières internationales fait l'objet de négociations directes. *{ pagination originale du document: p.183} Enfin, autre conséquence de l'affaire mexicaine, divers pays d'Asie sont convenus, au cours de la période sous revue, de s'accorder mutuellement des soutiens de liquidité limités sous la forme d'opérations de pensions contre avoirs de réserve. Les difficultés rencontrées dans la mise sur pied du montage financier en faveur du Mexique ont manifestement encouragé des pays à prendre en charge eux-mêmes leurs problèmes, ce qui constitue une évolution salutaire. Un thème qui revient tout au long de ce Rapport annuel est celui de la mondialisation des marchés, ceux des. capitaux en particulier. Il importe que les implications qui en découlent soient examinées par les décideurs et qu'elles se reflètent dans les dispositions institutionnelles. Durant l'année écoulée, la BRI a continué de favoriser les discussions et la coopération entre banques centrales dans des domaines d'intérêt traditionnels, tels que le maintien de la stabilité des prix et des marchés financiers, en accordant cependant une place de plus en plus grande aux développements enregistrés dans les principales économies émergentes. Une analyse plus détaillée de ces initiatives et d'autres actions analogues figure dans la partie suivante consacrée aux "Activités de la Banque". La BRI a également pris des mesures destinées à renforcer notablement ses contacts, à tous niveaux, avec les banques centrales du monde en développement. Ces contacts seront étendus, afin de conférer une dimension universelle à la formulation de politiques ayant une incidence à l'échelle mondiale. Dans le même temps, toutefois, il sera bien sûr nécessaire de respecter le caractère informel des procédures qui caractérise depuis toujours les discussions menées à la BRI. Un dosage équilibré entre les changements indispensables et des traditions qui ont fait leurs preuves parait être, à cet égard, la meilleure formule pour encourager la coopération des banques centrales dans les années à venir.