*{Banque des Règlements Internationaux, 67e Rapport Annuel, Bâle, 1997, pp.3-9, 175-185.} *{ pagination originale du document: p. 3} 1. Introduction: des objectifs clairs mais des indicateurs ambigus. Si des explications plausibles peuvent être avancées pour plusieurs développements économiques et financiers enregistrés en 1996, ceux-ci ont néanmoins été surprenants à plus d'un titre. Les cours des actions ont fortement monté dans beaucoup de pays, face souvent à une stagnation de l'activité économique et à une inflation demeurée faible. En Europe, les écarts de rendements obligataires se sont réduits alors que les taux des obligations se sont tendus aux États-unis, contrairement à ce qui s'était passé en 1994 et 1995. L'appréciation du dollar est allée de pair avec le dynamisme continu de l'économie américaine, malgré la persistance d'un déficit commercial croissant. Au japon et dans les principaux pays d'Europe continentale, l'investissement n'a pas progressé autant qu'on pouvait s'y attendre à la suite de l'expansion des exportations. Dans certaines régions d'Amérique latine et d'Afrique, les perspectives de croissance soutenue se sont améliorées, tandis que, çà et là en Asie, les déséquilibres se sont accentués. Les flux de capitaux privés vers les marchés émergents ont largement dépassé leurs records antérieurs, les émissions d'obligations internationales ayant joué à cet égard un rôle prépondérant. Ces développements surprenants sont-ils le résultat de l'action de forces économiques fondamentales ou bien ne vont-ils pas s'inverser par la suite sous l'effet de telles forces? Pour être honnête, il faut bien avouer que nous ne le savons pas. L'évolution rapide de la technologie et la déréglementation, qui touchent aujourd'hui profondément tous les aspects de l'économie mondiale, obscurcissent de plus en plus notre perception de ce qui est possible et raisonnable. D'une part, ces mutations comportent la perspective positive d'augmentation des gains de productivité, d'amélioration des niveaux de vie et d'accroissement des profits. De l'autre, elles peuvent provoquer des difficultés transitoires et des effets pervers inattendus résultant de l'interaction des nombreuses forces en mouvement qui affectent l'économie réelle, le secteur financier et la société elle-même. L'alternance de phases d'optimisme et de pessimisme excessif est une caractéristique de la nature humaine qui peut également avoir joué un rôle, l'an passé. En outre, la capacité d'expliquer et de prévoir se heurte aux limites de notre connaissance; il existe de nombreux processus économiques que nous ne comprenons pas complètement, en particulier dans la sphère financière. Il est une chose, cependant, dont nous sommes sûrs. L'inflation, l'expansion monétaire excessive et le laxisme budgétaire contribuent à entretenir des idées fausses et des jugements erronés sous diverses formes, en particulier des distorsions dans l'allocation des ressources, qui ne manquent pas de se produire dans un monde où l'étalon de valeur et les prix relatifs fluctuent exagérément. Toutefois, c'est seulement lorsque l'inflation recule que les autres dommages plus profonds causés à l'économie ressortent avec plus d'évidence. En fait, certains des développements évoqués précédemment sont dus sans aucun doute aux excès de périodes bien antérieures, à l'accumulation de dette qui en est résultée et au processus engagé de restauration de l'équilibre macroéconomique. Les gouvernements, les banques et les marchés financiers continuent tous d'en ressentir les puissants effets. *{ pagination originale du document: p. 4} Dans les pays industriels, la nature même du rôle de l'État doit à présent être réexaminée à la lumière de références monétaires saines et des limites manifestes de la dette publique. Les gouvernements de nombreux pays, aux prises avec un endettement contracté à une époque où tout semblait gérable, ont été contraints de réduire encore leur déficit budgétaire en 1996, en dépit de l'atonie générale de l'économie et du faible niveau de l'inflation. Dans ce contexte historique, il faut convenir que les exigences des critères de Maastricht peuvent être considérées comme n'ayant joué qu'un rôle secondaire, bien qu'il soit certainement important en termes de calendrier. D'une manière plus fondamentale, divers gouvernements de pays industriels commençaient à s'interroger sérieusement sur la possibilité de conserver toutes les réglementations et d'honorer toutes les promesses antérieures destinées à protéger les travailleurs, les retraités et les autres bénéficiaires des systèmes de sécurité sociale. Les incertitudes qui en découlent tant pour les consommateurs que pour les investisseurs font durer ce processus d'assainissement budgétaire en freinant les dépenses, en diminuant les rentrées fiscales et en renforçant ainsi la nécessité de la rigueur budgétaire pour réaliser les objectifs en matière de déficit. Il est également devenu plus évident en 1996 que certains systèmes bancaires ne se sont pas complètement remis des excès antérieurs d'expansion du crédit. C'est tout particulièrement vrai au japon, où, plus de sept ans après l'éclatement de la bulle spéculative des prix des actifs, plusieurs institutions financières ont été mises en liquidation judiciaire, où le nombre et l'ampleur des faillites d'entreprises ont atteint des niveaux records et où la baisse des actions bancaires a accentué le recul général des cours. Si l'économie japonaise a montré des signes encourageants de reprise en 1996, des vents contraires venus de la sphère financière, conjugués à la nécessaire rigueur budgétaire, peuvent néanmoins faire redouter que la croissance ne soit encore freinée quelque temps. Des considérations analogues ont également avivé les craintes que suscitent les développements récents dans certaines économies émergentes: ces dernières années, le rythme d'expansion du crédit destiné à l'acquisition de titres et de biens immobiliers y a été très élevé, dans un contexte souvent caractérisé par des tensions inflationnistes et un déficit commercial croissant. Il se peut aussi que les marchés financiers soient encore marqués par les années de forte inflation. L'une des conséquences possibles est que cela crée une "illusion monétaire", qui conduit à confondre rendement nominal élevé de l'investissement et rendement réel; ainsi, lorsque les taux nominaux baissent par suite du recul de l'inflation, comme ce fut le cas en 1995 et 1996, on s'imagine, à tort, que les taux "réels" ont également diminué. Une seconde possibilité, complémentaire, est que les acteurs du marché finissent par s'habituer aux hauts niveaux de rendement réel, typiques des premiers stades de désinflation. Par comparaison, la faiblesse des taux, que l'on peut observer quand les banques centrales essayent de relancer une économie languissante, risque de paraître inacceptable. *{ pagination originale du document: p. 5} Quelle qu'en soit la raison, il semble qu'en 1996 les intervenants aient cherché résolument à retrouver une meilleure rentabilité, en encourant des risques de crédit et de marché plus élevés. Comme on l'a noté précédemment, les marchés émergents ont enregistré des afflux records de capitaux, avec des marges de risque généralement plus faibles. Les écarts de rendements obligataires entre la dette souveraine de premier rang et celle de qualité inférieure ont diminué de façon spectaculaire tant en Europe qu'en Amérique du Nord, bien que, dans ces régions, les emprunteurs n'aient fourni que depuis peu des preuves de probité budgétaire. Enfin, sur les marchés des titres internationaux, les investisseurs ont accepté des marges plus étroites, consenti des fonds à des emprunteurs jusque-là inconnus, allongé les échéances et testé de nouvelles monnaies ainsi que des instruments de plus en plus complexes. Deux grands enseignements peuvent être tirés de ces évolutions. L'un est déjà communément accepté: l'instauration de la stabilité des prix et d'une situation budgétaire soutenable doit figurer au premier rang des priorités. Les politiques macroéconomiques inadéquates causent non seulement des dommages dans l'immédiat mais ont aussi des répercussions durables. Le second enseignement est que la santé de l'économie et celle du système financier sont intimement liées. L'instabilité macroéconomique, sous la forme, par exemple, d'un excès de crédit et d'une inflation trop forte, peut fragiliser le système financier. Inversement, une déficience du système financier, quelle qu'en soit l'origine, peut avoir aussi des implications macroéconomiques. Ce dernier point a toujours été bien compris des autorités monétaires et de contrôle. D'ailleurs, le chapitre VIII du présent Rapport annuel analyse les efforts entrepris par les instances officielles, au cours des vingt-cinq dernières années, pour définir les points d'ancrage des politiques et les dispositions institutionnelles qui garantissent la stabilité des prix et celle du secteur financier. Le fait que le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, le Comité permanent des euromonnaies et le Comité sur les systèmes de paiement et de règlement ont été institués par les gouverneurs des banques centrales du Groupe des Dix et restent placés sous leur autorité atteste également de la conviction que la fragilité du secteur financier comporte des implications importantes pour la conduite de la politique monétaire. Il est tout aussi vrai que, à la lumière d'une réflexion plus sereine sur la crise mexicaine, les liens entre la stabilité des prix et celle du secteur financier ont été plus largement reconnus en 1996, tout comme les interdépendances entre pays industriels et économies émergentes. Cette prise de conscience constitue un grand pas en avant pour la conduite de la politique économique. Ainsi que le précise toutefois la Conclusion de ce Rapport, de nombreuses autres étapes restent à franchir avant que tous les problèmes résultant de ces interdépendances ne soient traités de manière appropriée. Évolution économique: signaux contradictoires pour l'orientation des politiques. Le niveau moyen de l'inflation a encore diminué en 1996 dans le monde industriel. Ce résultat était certes prévisible dans les pays où subsistent d'importants écarts de PIB, mais les tensions inflationnistes ont également été moins sensibles qu'on aurait pu s'y attendre aux États-unis et dans d'autres économies proches des limites de leurs capacités de production. *{ pagination originale du document: p. 6} Dans un tel environnement, et compte tenu de la difficulté de trouver la meilleure réponse possible à la rigueur budgétaire, à l'envolée des prix des actifs financiers et à des mouvements de change parfois prononcés, la politique monétaire n'a guère été modifiée durant l'année dans les grands pays industriels. Aux États-unis, la nécessité de bien évaluer la signification d'indicateurs contradictoires s'est fait particulièrement sentir. En outre, le problème d'interprétation a été rendu plus complexe par une évolution cyclique très marquée des stocks et un profil de croissance trimestriel permettant difficilement de discerner les tendances sous-jacentes. Le taux de chômage très bas, orienté à la baisse plutôt qu'à la hausse, plaidait pour un relèvement des taux officiels en vue de déjouer les tensions naissantes sur les prix. D'un autre côté, comme des arguments semblables étaient avancés depuis au moins deux ans sans qu'on observe de signes manifestes d'accélération de l'inflation, on pouvait se demander si le processus inflationniste ne s'était pas modifié de manière fondamentale. Divers développements enregistrés sur les marchés financiers ont également eu des implications contradictoires pour la politique monétaire aux États-unis. L'appréciation continue du dollar, avec son incidence désinflationniste, a rendu moins opportun un relèvement des taux, même si la détérioration du solde commercial qui en est résultée exclut de compter éternellement sur un tel soutien. En revanche, la poursuite de la progression du marché des actions aux États-unis, censée stimuler à la fois la consommation et l'investissement, a suscité des appels à un durcissement de la politique, alors que l'ascension des taux obligataires au début de 1996 donnait parfois à penser que le travail de la Réserve fédérale avait déjà été fait à sa place. En réalité, ce n'est qu'après avoir constaté l'accélération de la croissance économique et l'intensification des tensions sur les coûts de main-d'ouvre vers la fin de l'année que la banque centrale américaine a décidé, en mars 1997, de relever le taux des fonds fédéraux. Des problèmes analogues ont été observés au Royaume-uni en ce qui concerne l'interprétation des signaux et la valeur à leur accorder. La croissance s'est accélérée, le chômage a fléchi, le crédit s'est développé et les prix des actifs ont monté; pourtant, l'inflation est demeurée relativement stable. Une complication supplémentaire pour la formulation de la politique a été la vive appréciation de la livre sterling par rapport au mark et même au dollar. Si ses implications désinflationnistes immédiates ont été accueillies avec satisfaction, les autorités britanniques en ont néanmoins relativisé l'importance en tant qu'indicateur pour la politique monétaire: la revalorisation de la monnaie pouvait n'être que temporaire et n'atténuait en rien les effets de l'intensification des tensions inflationnistes dans le secteur abrité de l'économie. À l'inverse, le redressement du dollar canadien durant la majeure partie de 1996, dans le contexte pourtant d'un sous-emploi des capacités nettement plus marqué qu'au Royaume-uni, a été interprété par la Banque du Canada comme un resserrement potentiel des conditions monétaires qui justifiait une réponse de la politique. Sur le continent européen, les interrogations des autorités en 1996 concernant la conduite de la politique ont été d'ordre à la fois structurel et macroéconomique. Seules certaines économies de moindre dimension ont été soumises à des tensions inflationnistes. *{ pagination originale du document: p. 7} D'une manière plus générale, la faiblesse de la demande, l'an passé, a été exacerbée par l'impératif de rigueur budgétaire ainsi que par les incertitudes liées aux changements attendus des politiques et aux perspectives d'union économique et monétaire. Alors que les commandes de l'étranger étaient relativement soutenues, l'investissement n'a pas progressé en conséquence. Dans le même temps, les économies européennes ont également subi des chocs notables au niveau de l'offre. Le processus de restructuration industrielle entrepris pour faire face à la mondialisation et au progrès technologique s'est intensifié, ce qui a contribué, en raison des rigidités des marchés du travail, à faire monter le chômage, en Allemagne et en France, à ses niveaux les plus élevés de l'après-guerre. Compte tenu de toutes ces influences, et alors que les taux directeurs étaient déjà bas, la politique monétaire en Allemagne n'a été que légèrement assouplie au milieu de 1996. L'idée sous-jacente était que les problèmes rencontrés provenaient davantage de questions essentiellement structurelles que de la demande et que, par conséquent, une faible réduction des taux courts ne pourrait guère les atténuer. Néanmoins, l'expansion de la demande s'est trouvée quelque peu soutenue en Europe continentale par l'appréciation du dollar, la hausse des cours des actions, la baisse des taux longs dans les principaux pays, et même par des réductions encore plus marquées des taux à court et à long terme dans les autres pays. En Asie, le renforcement substantiel du dollar a constitué un aspect important des difficultés auxquelles cette région est confrontée en ce qui concerne le choix des politiques. L'incidence de la dépréciation du yen sur les exportations japonaises a contribué à soutenir la production, en présence de forces aussi négatives que le faible niveau de la confiance, la perspective d'un durcissement budgétaire notable sur les douze ou vingt-quatre prochains mois et le fait que les taux directeurs pouvaient difficilement être encore abaissés. Elle a toutefois enrayé la diminution tendancielle de l'excédent des paiements courants et ravivé les craintes de tensions commerciales avec les États-unis. Ailleurs dans cette région, la valeur effective de nombreuses monnaies s'est accrue en même temps que celle du dollar ainsi que sous l'effet de la poursuite des entrées de capitaux. La compétitivité s'en est trouvée affectée, à un moment où le volume et les prix des exportations des biens électroniques régressaient fortement. Si ces développements ont permis dans une certaine mesure d'atténuer la surchauffe dans plusieurs de ces pays, ils ont également conduit, parfois, à s'interroger sur le caractère supportable du déficit extérieur. Le risque de conflits entre équilibre interne et externe est relativement nouveau pour de nombreux pays d'Asie, ceux en particulier qui ont misé sur les exportations comme principal moteur de la croissance. En revanche, ce problème revêt un caractère endémique en Amérique latine. Depuis le début de l'actuelle décennie, les politiques de lutte contre l'inflation ont souvent utilisé le cours de change comme point d'ancrage nominal, orientation qui s'est généralement traduite par une appréciation marquée en termes réels, l'inflation interne n'ayant réagi qu'avec un certain retard. Cette politique a eu des implications négatives pour l'équilibre externe, en exposant ces pays au risque d'une perte de confiance tant sur le plan national qu'à l'étranger. Diverses économies d'Europe orientale sont confrontées à un dilemme identique. *{ pagination originale du document: p. 8} La Conclusion du Rapport examine différentes solutions de nature à atténuer ce genre de conflits. Évolution financière: mesures de renforcement du système financier. Une attention plus soutenue a été accordée, l'an passé, aux implications de l'intensification de la concurrence pour les institutions financières du monde entier. En particulier, les fortes hausses des prix des actifs et la recherche généralisée de meilleurs rendements sur les marchés internationaux des titres ont conduit à redouter les conséquences de revirements soudains d'opinion. En outre, les préoccupations lancinantes concernant la solidité des banques dans certains pays industriels se sont accompagnées d'une prise de conscience accrue des problèmes encore plus sérieux auxquels ce secteur est confronté dans les économies émergentes et en transition. Ces développements récents se sont inscrits dans le cadre d'une mutation technologique rapide et d'une déréglementation continue, deux éléments qui ont permis aux nouveaux arrivants (non bancaires en particulier) de poser un sérieux défi aux institutions financières en place. Pour des raisons analogues, la ligne de démarcation entre prêts et titres s'est encore estompée, de même que la distinction entre banques et autres catégories d'agents financiers. L'annonce, en novembre 1996, d'un "Big Bang" japonais en préparation, le nouvel assouplissement des restrictions imposées par la loi Glass-steagall aux États-unis et les efforts des institutions financières en Europe pour se préparer au passage à l'euro sont autant d'éléments qui vont dans le sens d'une intensification de la concurrence et indiquent que les restructurations financières sont loin d'être terminées. Dans ces conditions, il a été beaucoup question, l'an dernier, des moyens d'améliorer la capacité de résistance de chacune des grandes composantes structurelles du système financier international - participants institutionnels, marchés et infrastructures de marché - en vue de limiter les conséquences néfastes de chocs éventuels. Comme les années précédentes, une contribution significative à ces efforts a été apportée par les comités d'experts nationaux qui se réunissent à la BRI et concentrent chacun leur attention sur l'une de ces composantes. Les recommandations qu'ils formulent ont une autorité morale (plus que juridique), par le fait que leurs participants sont l'émanation nationale des secteurs qui risquent le plus d'être touchés. À cet égard, un fait nouveau et positif en 1996 a été la place de plus en plus grande des représentants des marchés émergents dans ces délibérations et dans les décisions auxquelles elles ont abouti. Des institutions financières saines constituent la pierre angulaire d'un système financier sain. Dans cette optique, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a lancé, l'an dernier, diverses initiatives visant à affiner les instruments réglementaires et prudentiels traditionnels. En outre, les institutions financières ont été encouragées à diffuser plus largement des informations sur leurs activités dans les domaines de la négociation des titres et des produits dérivés. Le principe fondamental est qu'un marché mieux informé imposera à ses participants la discipline appropriée. En encourageant ainsi des comportements prudents, on peut espérer que les forces du marché compléteront de plus en plus l'action des méthodes de contrôle traditionnelles. *{ pagination originale du document: p. 9} Une autre réalisation importante au cours de la période sous revue a été la diffusion aux fins de consultation, en avril 1997, d'un document contenant un ensemble de vingt-cinq Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace, complété par un Recueil en trois volumes de toutes les grandes publications du Comité de Bâle à ce jour. Ces principes constituent une évolution marquante, au moins à quatre égards: ils ont une portée globale et recouvrent tous les aspects du contrôle; ils sont destinés à toutes les banques, et non uniquement celles qui opèrent à l'échelle internationale; ils ont été établis en consultation étroite avec les autorités de contrôle de pays hors du Groupe des Dix; ils visent à servir de liste de références prudentielles à l'usage des autorités de contrôle nationales et des autres parties intéressées. Il est aussi admis depuis quelque temps que les défaillances dans les systèmes de paiement et de règlement pour les transactions de gros montant constituent une source potentielle de fragilité systémique. En 1996, le Comité sur les systèmes de paiement et de règlement a attiré l'attention sur le fait que les institutions financières encourent des risques de change beaucoup plus élevés qu'on ne le supposait antérieurement et a proposé une stratégie à ce sujet. Le Comité a également publié des documents sur la sécurité des mécanismes de compensation pour instruments dérivés, les systèmes à règlement brut en temps réel et les pratiques actuelles de diffusion d'informations dans les systèmes de règlement sur titres. Enfin, en association avec d'autres comités ayant leur siège à Bâle, il a réalisé une étude sur les implications systémiques et autres de l'utilisation de la monnaie électronique et entrepris de suivre étroitement l'évolution mondiale dans ce domaine. Le Comité permanent des euromonnaies concentre traditionnellement son attention sur le développement de nouveaux marchés et leurs implications pour la stabilité macroprudentielle. Il a non seulement apporté certaines améliorations aux données qu'il recueille sur l'activité bancaire internationale mais a aussi établi, en 1996, un cadre pour la collecte régulière de statistiques sur les marchés dérivés de gré à gré. Ce dispositif a été approuvé en janvier 1997 par les gouverneurs du G 10 et devrait entrer en vigueur d'ici fin juin 1998. Enfin, deux groupes d'étude constitués par le Comité ont entrepris d'examiner les conséquences, pour le risque systémique, des récentes modifications structurelles sur les marchés des capitaux du G 10 et des changements intervenus dans les méthodes de gestion de portefeuilles. De telles questions s'inscrivent, à l'évidence, dans le droit fil des travaux antérieurs du Comité, qui continuera, comme par le passé, à identifier les problèmes mais aussi à proposer des solutions. *{ pagination originale du document: p. 175} IX. Conclusion: des prix stables mais des structures financières changeantes. Divers signes attestent que l'économie mondiale est devenue moins inflationniste. Dans la plupart des pays européens ainsi qu'au japon, l'inflation s'est inscrite, ou maintenue, à des niveaux très bas l'an dernier. Aux États-unis, qui sont entrés dans leur sixième année d'expansion consécutive, la poursuite d'une forte croissance n'a été possible qu'en raison de l'absence de résurgence de l'inflation. De plus, hors du monde industriel, de nombreux pays ont encore réalisé des progrès spectaculaires dans la lutte contre l'inflation. Plusieurs causes sont à l'origine de ces résultats: progrès technologique et chute des prix du matériel informatique et de télécommunications; mondialisation, par le biais des échanges commerciaux et de l'investissement direct étranger; compressions des dépenses, après des périodes d'excès. Aucune de ces forces ne semble devoir disparaître prochainement. D'autre part, le niveau du chômage, mesuré ou latent, demeure généralement très élevé et pourrait s'accroître dans un proche avenir, sous l'effet des réformes structurelles et réglementaires nécessaires. Enfin, la réduction des dépenses publiques doit également continuer dans la majorité des pays industriels, non seulement pour faire face à des niveaux d'endettement excessifs, mais aussi pour dégager des ressources suffisantes permettant d'assurer les retraites et l'assistance médicale d'une population dont le vieillissement s'accentue. Grâce à ces forces omniprésentes, qui affectent aussi bien l'offre que la demande, l'inflation devrait généralement poser moins de problèmes dans les prochains temps qu'au cours des décennies précédentes. Il serait néanmoins fort imprudent de penser que les lois de l'économie ont fondamentalement changé. À terme, même si la politique budgétaire peut jouer un rôle positif ou négatif, le niveau général des prix demeure déterminé par la politique monétaire, qui a le pouvoir de réguler une demande excessive ou insuffisante. Aux États-unis, le durcissement récent traduit une volonté de s'opposer à une demande trop soutenue, tandis qu'en Europe continentale et au japon le fait d'avoir accepté un nouvel assouplissement des conditions monétaires, l'an passé, montre qu'on a estimé que la désinflation pouvait encore progresser. Dans de nombreuses économies émergentes, il est clair également que le net recul de l'inflation a été dû principalement à une orientation monétaire restrictive, s'appuyant souvent sur des politiques d'accompagnement budgétaire et de change. Dans un contexte d'inflation faible ou en baisse, de politiques budgétaires plus prudentes et d'un engagement généralement plus marqué pour la libéralisation des marchés et la restructuration, on peut raisonnablement miser sur une croissance solide et durable de l'économie mondiale au cours des prochaines années. C'est le point de vue que partagent actuellement les prévisionnistes tant publics que privés. En outre, les marchés des capitaux semblent anticiper de bonnes nouvelles. Les cours des actions, malgré leur repli du printemps de 1997, laissent encore entrevoir des perspectives de bénéfices sur de nombreuses places. *{ pagination originale du document: p. 176} Les afflux de fonds records enregistrés l'an passé vers les pays émergents, de plus en plus sous forme d'émissions d'obligations et d'actions ainsi que d'investissements directs, suggèrent que les marchés y escomptent des rendements plus élevés ou des risques plus faibles qu'auparavant. De surcroît, la convergence des rendements obligataires en Europe concorde avec un rapprochement analogue des perspectives en matière d'inflation et de finances publiques, assorti d'une confiance croissante dans l'introduction de l'euro, selon un schéma conforme pour l'essentiel aux modalités prévues. Pourtant, tout comme il serait prématuré de déclarer l'inflation vaincue, il serait également peu judicieux de penser que des données fondamentales saines garantissent de bons résultats à court terme. En fait, pour chacune des grandes régions du monde, des risques peuvent être identifiés. La principale préoccupation, peut-être, est qu'aux États-unis les tensions inflationnistes ne s'avèrent plus difficiles à maîtriser qu'on ne le prévoit actuellement et que l'expansion ne finisse par tourner court. Même un "atterrissage en douceur", obtenu grâce à diverses mesures de resserrement, pourrait avoir des implications notables pour les cours des actions et d'autres formes d'investissement plus risquées. En Europe continentale, les principaux risques sont liés aux réformes structurelles nécessaires, sur le marché du travail en particulier, et à la possibilité de turbulences d'ici l'avènement de l'union économique et monétaire. Il est donc très important que les pays européens désireux de participer à l'union monétaire poursuivent des politiques macroéconomiques et structurelles rigoureuses, pour ne pas susciter des doutes au sujet de leur participation, qui risqueraient de faire monter les taux d'intérêt internes et de détériorer leur situation budgétaire. Au japon, les préoccupations les plus évidentes concernent les conséquences néfastes de la faiblesse persistante du secteur financier ainsi que la nécessité de réformes structurelles et de rigueur budgétaire qui pourraient, à court terme, peser sur la demande. Dans de nombreux pays d'Amérique latine, d'Asie et d'Europe orientale, qui fondent leur stratégie de stabilisation sur un ancrage de change, le défi consistera à restaurer la compétitivité extérieure sans compromettre les bons résultats obtenus récemment sur le front de l'inflation. L'extrême fragilité des systèmes bancaires de beaucoup de ces pays constitue, à l'évidence, une autre source d'incertitude au sujet des perspectives macroéconomiques. Identifier ces risques ne remet pas en cause le consensus qui s'est fait sur la prévision d'une accélération de la croissance et d'une faible inflation: dans une distribution de probabilité, variance et moyenne sont deux choses différentes. Il s'agit plutôt de se demander si, avant de conclure une opération d'investissement, les opérateurs prennent dûment en compte ces préoccupations macroéconomiques dans leur évaluation des risques de marché et de crédit. Dans le cas contraire, la recherche de meilleurs rendements, analysée dans plusieurs chapitres de ce Rapport annuel, pourrait facilement se transformer en un repli généralisé vers des refuges plus sûrs si jamais de mauvaises nouvelles survenaient d'une source ou d'une autre. Les revirements d'opinion sur les marchés des capitaux ne sont certes pas un phénomène nouveau, mais des problèmes particuliers d'interprétation peuvent se poser si les prix des actifs augmentent dans un contexte de faible inflation et de structures financières changeantes. *{ pagination originale du document: p. 177} Cette question, ainsi que d'autres qui concernent la recherche de la stabilité des prix dans l'environnement actuel, est examinée ultérieurement. De tels changements d'opinion peuvent aussi avoir des implications pour la solidité du système financier et pour l'économie en général. Comme il n'existe aucune méthode reconnue pour déceler ex ante une situation d'"exubérance irrationnelle", il importe d'autant plus d'élaborer un cadre destiné à préserver la stabilité du système financier, quelles que soient la nature des chocs ou l'ampleur de la hausse des prix des actifs auxquels ce dernier pourrait être exposé. Ce point, qui intéresse aussi bien les dirigeants de banques centrales que les autres autorités de contrôle, est également approfondi ci-après. Recherche et maintien de la stabilité des prix. Les récents progrès enregistrés sur le front de l'inflation dans la majeure partie du monde industriel, de nombreux pays émergents et certaines économies en transition constituent, à l'évidence, des motifs de satisfaction. Les coûts de l'inflation ne font actuellement aucun doute, en particulier pour les décideurs des pays industriels, qui, pendant vingt ans, se sont efforcés de retrouver la maîtrise de l'inflation. Le fait, cependant, de revenir à un rythme de hausse des prix moins élevé comporte certains dangers et risque d'aggraver des incertitudes déjà existantes au sujet de l'orientation monétaire. Peut-être allons-nous devoir reconsidérer sous un jour quelque peu différent les objectifs, canaux de transmission et instruments de la politique monétaire. Dans les pays industriels comme dans la plupart des économies émergentes, il est communément admis à présent que le principal objectif de la politique monétaire doit être la stabilité des prix internes. Cela évite les distorsions que l'inflation engendre à plus long terme mais permet également un ajustement anticyclique automatique des conditions monétaires. Un financement inflationniste, loin de stimuler la production et l'emploi, sauf à très court terme, risque en fait d'aboutir au résultat inverse (graphique VIII.2). Le seul problème que pourrait poser la permanence d'une faible inflation est que les agents économiques, et même les décideurs, finissent par oublier ce message et cherchent de nouveau à pousser la demande au-delà des limites soutenables. Ce risque d'"oubli des leçons du passé", dont les coûts pourraient se répercuter sur plusieurs décennies, plaide fortement en faveur d'un mandat clair donnant mission aux banques centrales de garantir la stabilité des prix et leur accordant une autonomie d'action dans un cadre de responsabilité à l'égard du public. On pourrait être tenté également de modifier les objectifs, si le cours de change réel s'apprécie sensiblement dans le contexte d'une politique monétaire désinflationniste et d'une détérioration du solde commercial. Une conséquence relativement bénigne, telle qu'elle est apparue au Canada durant la dernière décennie, est que le cours nominal baisse ensuite de manière graduelle à mesure que l'activité économique ralentit; la compétitivité se trouve ainsi restaurée, même s'il faut alors renoncer à une partie des gains de désinflation réalisés antérieurement, lorsque la monnaie était forte. C'est ce qui pourrait se passer également pour le dollar si le solde extérieur des États-unis ne s'améliore pas. *{ pagination originale du document: p. 178} Comme la production tourne pratiquement à pleine capacité, cependant, une augmentation de la demande extérieure devra s'accompagner de mesures de freinage de la demande intérieure pour éviter une poussée inflationniste. Une conséquence plus préoccupante de l'appréciation du cours de change réel, fréquemment observée par le passé en Amérique latine, tient au fait que la politique est soudainement modifiée de manière radicale pour favoriser un redressement des comptes extérieurs à travers la dépréciation de la monnaie. Un tel changement de cap risque davantage de se produire si la faiblesse du système financier national incite à suivre une politique de croissance. Autre effet encore plus pernicieux: le marché lui-même peut finir par être convaincu que le déficit extérieur n'est plus soutenable, ce qui peut fort bien déclencher une crise de change. En pareil cas, les prix intérieurs pourraient augmenter de manière spectaculaire parallèlement à la baisse de la monnaie. Si ce conflit de politique entre équilibre intérieur et extérieur peut être sérieux, et se trouve souvent aggravé par des entrées de capitaux, il ne saurait justifier l'abandon de l'objectif de stabilité des prix. Une telle attitude ne ferait qu'exposer le pays à une succession de phases d'inflation et de dépréciation, ce qui, à terme, déstabiliserait fortement les anticipations inflationnistes en les orientant à la hausse. En fait, il s'agit là du problème fondamental, résultant des antécédents d'inflation eux-mêmes, qui rend si difficile l'abaissement de l'inflation dans de nombreux pays d'Amérique latine et engendre une appréciation notable en termes réels chaque fois que la politique monétaire poursuit un tel but. Les pays d'Asie ont été protégés contre un tel enchaînement, au moins jusqu'à une date récente, grâce à une tradition de prix plus stables. L'enseignement à en tirer au sujet de la politique à suivre semblerait être qu'un bon résultat en matière d'inflation doit être défendu avec la plus grande détermination, en utilisant un dosage aussi équilibré que possible des politiques monétaire et budgétaire. Inversement, lorsque les antécédents d'inflation sont médiocres, il importera de privilégier l'action budgétaire ainsi que d'autres mesures pour restaurer la crédibilité, limitant ainsi les effets néfastes qu'une politique monétaire rigoureuse exerce généralement sur l'équilibre extérieur. Même si l'objectif de stabilité des prix est fermement arrêté, d'autres incertitudes liées au fonctionnement du mécanisme de transmission peuvent compliquer la conduite de la politique monétaire. La première de ces complications est la nécessité de définir plus précisément ce que l'on entend par stabilité des prix. Si l'on semble s'être accordé, dans les pays industriels, sur une fourchette d'inflation comprise entre 0 et 2% environ, des arguments peuvent être avancés en faveur d'objectifs moins ou plus ambitieux. Dans de nombreuses économies émergentes, et certains pays industriels, la question plus pertinente est celle du rythme auquel il convient d'abaisser des taux d'inflation considérés comme encore trop élevés. La réponse à ces questions dépend de deux considérations intimement liées: avec quelle rapidité les prix et salaires internes répondent-ils à une action déterminée sur la demande et à quel rythme peut-on amener les anticipations inflationnistes à s'ajuster? Des réformes des marchés du travail et des biens, destinées à accroître la flexibilité des prix, peuvent aider à atteindre le premier de ces objectifs et limiter ainsi les pertes de production à court terme associées à la réduction de l'inflation. *{ pagination originale du document: p. 179} Dans le même temps, ces réformes peuvent aussi abaisser le chômage structurel, qui constitue un coût permanent pour n'importe quelle économie et un fardeau particulièrement lourd en Europe aujourd'hui. Une politique budgétaire d'accompagnement est également bénéfique à double titre: elle renforce la crédibilité de la politique monétaire dans l'immédiat, tout en répondant à la nécessité d'une stabilisation budgétaire à moyen terme. En outre, les effets conjugués de ces séries de réformes peuvent parfaitement donner par synergie des résultats beaucoup plus positifs, en contribuant notamment à résoudre le conflit, déjà évoqué, entre équilibre intérieur et extérieur. Ces dernières années, les incertitudes concernant la manière de réagir aux mouvements des prix de certains actifs ont représenté une difficulté supplémentaire. Dans plusieurs pays industriels, des hausses rapides des cours des actions se sont produites alors que, parallèlement, l'inflation demeurait relativement faible. Dans divers pays d'Asie, les prix de l'immobilier, dopés par la création de crédit, se sont également envolés. Si ces gains de patrimoine et ces réductions du coût du capital sont de nature à intensifier les pressions de la demande, l'échelonnement dans le temps et l'ampleur de ces effets restent difficiles à évaluer. Résister trop énergiquement à ces influences, surtout si l'inflation est déjà basse, peut conduire à une déflation plus généralisée. En revanche, ne pas s'y opposer suffisamment fait courir le risque d'un effondrement brutal, comportant en outre des implications systémiques potentielles, comme cela s'est passé au japon au début de la décennie. La réponse à ce dilemme réside peut-être moins dans une réaction discrétionnaire de la politique monétaire que dans la mise en oeuvre de normes prudentielles destinées à limiter l'octroi de prêts garantis par des actifs dont le prix est fortement gonflé. En fait, l'expérience récente semble montrer que les problèmes les plus sérieux auxquels ont été confrontés les marchés des actifs et les systèmes bancaires, tant dans le monde industriel que dans les économies émergentes, sont apparus à la suite d'une déréglementation trop rapide ou mal conçue des marchés des capitaux. Dans certains pays, la conduite de la politique monétaire, ces dernières années, a dû tenir compte également de variations de change notables. Indépendamment de la question de l'équilibre extérieur analysée précédemment, un cours de change nominal qui, par exemple, s'apprécie exerce généralement une pression à la baisse sur les prix intérieurs. Doit-on alors. réagir en modifiant les taux directeurs? L'idéal serait que la réponse soit inscrite dans un cadre de prévision d'inflation explicite qui ferait apparaître les raisons de cette appréciation. Si elle est due à un choc expansionniste, tel qu'une amélioration des termes de l'échange ou un accroissement des exportations, le mieux serait de ne pas toucher aux taux d'intérêt. Si ce n'est pas le cas, en revanche, les taux pourraient être abaissés, ou moins relevés qu'il n'aurait été nécessaire autrement. Comme les prévisions ne sont faites que périodiquement, certains pays ont choisi de répondre de façon systématique aux mouvements de change enregistrés dans l'intervalle, en assignant un objectif intermédiaire à un indice des conditions monétaires, c'est-à-dire à une moyenne pondérée de taux d'intérêt et de cours de change. Cette approche est raisonnable dans deux hypothèses: si les chocs de cours de change ne reflètent pas normalement des forces agissant de manière *{ pagination originale du document: p. 180} indépendante sur les conditions inflationnistes et si la variation de change dure suffisamment longtemps pour avoir des effets sur l'économie interne. Inutile de préciser que les banques centrales ne reconnaîtraient pas toutes la validité de ces hypothèses dans leur cas particulier. Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls facteurs qui compliquent la conduite de la politique macroéconomique dans les circonstances actuelles. Dans plusieurs pays industriels, par exemple, la question de savoir si le taux de chômage "naturel" a changé reste empreinte d'incertitude. En outre, comme les encours d'avoirs et d'engagements ont rapidement augmenté ces dernières années, il se peut que de nouvelles formes d'interaction soient apparues en réponse aux modifications des taux d'intérêt. Dans quelques pays anglophones, en particulier, le niveau élevé de l'endettement des ménages assorti d'une échéance relativement courte pourrait entraîner une réaction d'une intensité inhabituelle au resserrement monétaire. Dans certaines économies émergentes, la croissance bute sur des limites structurelles et environnementales, et les déficiences des données nécessaires à la mise en ouvre d'une politique monétaire efficace apparaissent de plus en plus clairement. Compte tenu de ces diverses incertitudes, deux conclusions sembleraient justifiées pour l'orientation de la politique. Premièrement, étant donné la facilité avec laquelle les choses peuvent évoluer dans un sens défavorable et les conséquences asymétriques de politiques erronées, peut-être faudrait-il que les objectifs macroéconomiques fondamentaux soient fixés de manière plus rigoureuse. Vu sous cet angle, un objectif cherchant simplement à stabiliser le ratio dette publique/PIB doit être considéré comme inadéquat, étant donné que, tôt ou tard, une autre récession surgira inévitablement et le fera remonter. De même, un objectif de réduction de l'inflation manquant d'ambition manque également de crédibilité et peut faillir à son rôle d'ancrage si des chocs inflationnistes surviennent. Deuxièmement, les décideurs devraient s'engager publiquement et de façon plus déterminée à l'égard de leurs objectifs fondamentaux; des déviations temporaires par rapport aux trajectoires recherchées risqueraient alors moins d'être interprétées comme un abandon définitif de l'objectif. Depuis ces dernières années, de nombreuses banques centrales font d'ailleurs preuve d'une plus grande transparence en ce qui concerne à la fois leurs objectifs et leur analyse du mécanisme de transmission de la politique monétaire. De surcroît, on a également constaté, plus récemment, une tendance à une transparence accrue dans la mise en ouvre de l'orientation monétaire, comme en attestent le recours grandissant aux adjudications à taux fixe et les annonces explicites des intentions des autorités à l'égard des taux d'intérêt à court terme. Parallèlement à la volonté de plus en plus marquée d'agir sur les taux d'intérêt avant que n'augmente l'inflation mesurée par les statistiques, il semble que l'on commence à accepter l'idée que des avertissements sur les modifications à venir des politiques sont de nature à susciter des réactions plus précoces et pondérées sur l'ensemble des marchés à long terme. Ces tendances peuvent même aboutir à une situation où les changements opérés auront une telle efficacité préventive qu'ils pourront tout aussi bien être suivis d'un retour à la situation initiale ou par de nouveaux pas dans la même direction. Cela signifierait que l'action requise a vraiment été engagée rapidement et constituerait un développement positif dans la recherche tant de la stabilité des prix que de la stabilisation conjoncturelle. *{ pagination originale du document: p. 181} Recherche et maintien de la stabilité financière. La libéralisation des marchés des capitaux, comme celle de tout marché lié à la production et à la consommation, comporte un bon et un mauvais côté. La déréglementation financière contribue à accélérer la croissance économique, par le biais d'une allocation plus efficiente des ressources et d'une prestation de services financiers à un meilleur coût. Pourtant, les secteurs ainsi libéralisés sont également davantage exposés à des mésaventures coûteuses, surtout dans un climat d'instabilité macroéconomique. Dans un grand nombre de pays industriels et d'économies émergentes, l'argent des contribuables destiné à soutenir et recapitaliser des systèmes bancaires défaillants a représenté, ces dernières années, une part notable du PIB. Trop souvent, les effets macroéconomiques qui en ont résulté, en termes de baisse de production et d'augmentation du chômage, ont été nettement plus coûteux. Si nous n'avons pas encore été confrontés aux pertes économiques que pourrait provoquer une défaillance majeure dans les systèmes de paiement, qui traitent actuellement des montants de plusieurs milliers de milliards de dollars par jour, quelques cas limites cependant, apparus au cours des récentes décennies, ont constitué autant de signaux d'alerte. Les récents accès d'instabilité financière ne sont pas tant dus aux nouveaux instruments qu'aux carences habituelles des marchés bancaires libéralisés. Les turbulences enregistrées ont eu leur origine, pour une bonne part, dans des variations brutales des prix des actifs engendrées par une expansion de crédit excessive, fréquemment accompagnée, mais pas toujours, de tensions inflationnistes généralisées et d'entrées de capitaux. Une autre difficulté assez commune est venue des déficiences dans la gestion des institutions financières, provoquées par une discipline interne et externe insuffisante, résultant dans une large mesure d'une interférence excessive de l'État et d'une proportion trop importante de prêts dirigés. Très souvent, également, la déréglementation s'est faite sans que les responsables des établissements et du contrôle aient reçu une formation adéquate. Tous ces problèmes se sont posés avec une acuité particulière dans les systèmes financiers des économies émergentes. Comme si les carences habituelles ne suffisaient pas, d'autres difficultés peuvent provenir d'une vive intensification de la concurrence mondiale, dans un environnement où les banques sont déjà en surnombre et où les rentes de situation sont menacées par les nouvelles technologies. La négociation électronique a réduit les marges sur les opérations de change, et de plus en plus d'établissements disposent aujourd'hui des compétences nécessaires pour faire jeu égal dans le compartiment classique des marchés dérivés. La proximité géographique avec la clientèle, offerte par les succursales, est de moins en moins indispensable. Les instruments complexes du gré à gré posent de sérieux défis aux marchés organisés. L'intermédiation traditionnelle doit faire face à la concurrence aiguë des prêts contre garanties et de la titrisation. Enfin, la déréglementation et l'encouragement actif de la concurrence internationale entre les différentes catégories d'institutions financières ne peuvent qu'intensifier les pressions en faveur d'une adaptation. *{ pagination originale du document: p. 182} En fait, il semble que nous soyons déjà bien engagés dans la voie d'un monde où rien ne fera obstacle à l'activité de banque universelle et où la concurrence des marchés des titres sera sensiblement plus forte. En Europe, toutes ces tendances devraient encore être accentuées par l'introduction de l'euro. En soi, un besoin d'adaptation n'est pas une mauvaise chose; c'est, en effet, le processus de concurrence qui procure les avantages évoqués précédemment. Cette adaptation doit cependant se faire de manière ordonnée. Il faut laisser aux établissements la possibilité de répondre aux pressions concurrentielles en élevant leur efficacité, même si cela doit entraîner une diminution de l'emploi. Le capital produisant un rendement insuffisant devrait être retiré et il faut laisser les entreprises fusionner, même avec des partenaires étrangers, ou disparaître. Le problème, qui vaut pour de nombreux marchés émergents et peut-être encore plus pour certains pays industriels, vient de ce que ces conditions préalables ne sont pas toujours remplies actuellement. Le danger qui en résulte est que l'ensemble du système financier s'affaiblisse et que les établissements sous pression aient de plus en plus tendance à encourir des risques plus élevés pour "se refaire". Que cela soit ou non une explication possible du goût accru du risque constaté de nos jours sur les marchés des capitaux, cette attitude correspondrait en tout cas aux schémas de comportement observés dans les systèmes bancaires des pays industriels au cours des vingt dernières années. Que faire encore, outre la réalisation d'un environnement macroéconomique plus stable, pour renforcer le système financier dans des circonstances aussi changeantes? Premièrement, les institutions financières doivent être mieux dirigées. Cela requiert un dosage judicieux comportant plus de discipline interne, plus de discipline de marché et plus de discipline prudentielle. Comme chacune de ces approches a ses inconvénients, elles ont toutes un rôle important à jouer. Deuxièmement, l'infrastructure de marché doit être consolidée, en particulier dans les économies émergentes, mais ailleurs également, pour réduire les risques de contagion entre marchés et entre pays. Troisièmement, il faut enclencher un processus pour que tout cela devienne réalité: se contenter d'identifier les problèmes et les solutions appropriées ne suffit pas, il faut des actes. La première tâche consiste à améliorer la gestion des institutions financières, ce qui implique, bien évidemment, que propriétaires et dirigeants mettent respectivement en jeu leurs ressources et leurs postes. Les normes de fonds propres contribuent dans une large mesure à réaliser le premier objectif et devraient être appliquées à tous les établissements, qu'ils opèrent au niveau national ou à l'échelle internationale. C'est d'ailleurs ce qui se passe de plus en plus puisque l'accord de Bâle sur les fonds propres recueille une adhésion croissante dans le monde. En outre, il faudrait admettre que chaque nouvelle mise en faillite d'une société financière conduit à surveiller avec plus d'attention le rendement du capital investi et à retirer celui-ci si ce rendement est insuffisant par rapport au risque perçu. Sous l'angle systémique, certaines faillites peuvent avoir un côté salutaire. S'agissant des dirigeants, il est important de noter que la plupart des pertes opérationnelles qui ont eu un vif retentissement, ces dernières années, s'accumulaient, en fait, depuis fort longtemps sans avoir été détectées. *{ pagination originale du document: p. 183} De toute évidence, certains systèmes internes de gestion des risques présentent encore des déficiences dans des domaines critiques, en particulier lorsque les opérations sont effectuées dans des centres géographiquement éloignés. Les dispositifs d'intéressement des opérateurs et autres agents des banques favorisent également des comportements imprudents si les gains (en termes de profits ou de volumes) sont récompensés mais que les pertes sont supportées par l'établissement. Il faut, enfin, renforcer les contrôles internes sur la concentration du risque dans une activité spécifique, telle que les prêts immobiliers, afin de limiter l'exubérance qui naît inévitablement quand un secteur connaît un essor exceptionnel. Dans le même ordre d'idées, il importe d'accorder davantage d'attention aux positions sur les nouveaux instruments ainsi qu'au risque de règlement, étant donné que les volumes de transaction continuent d'augmenter rapidement. La discipline de marché se fonde sur la diffusion d'informations suffisantes aux contreparties et autres intervenants qui seraient affectés si une institution financière se trouvait en difficultés ou était mise en faillite. L'exigence la plus fondamentale est que tous les établissements se conforment à des principes comptables garantissant que les états financiers reflètent totalement, fidèlement et clairement leur situation. Dans de nombreux marchés émergents, tel n'est pas le cas, et, même dans les pays industriels, les différences entre normes comptables rendent les comparaisons difficiles. Les efforts poursuivis par le Comité international de normalisation de la comptabilité (CINC) bénéficient de l'encouragement sans réserve de la BRI et du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, qui a également constitué un groupe de travail sur les questions comptables pour collaborer aux travaux du CINC dans le domaine bancaire. Le renforcement de la discipline de marché par la diffusion d'informations requiert cependant davantage qu'une bonne comptabilité. 12expérience acquise dans la diffusion des statistiques sur l'activité des marchés dérivés pourrait inspirer une démarche équivalente dans de nombreux autres domaines. L'idée sous-jacente est d'intervenir officiellement auprès de quelques établissements renommés, pour les persuader d'améliorer leurs pratiques en matière de communication d'informations, afin que ceux qui ne suivent pas cet exemple donnent l'impression d'avoir quelque chose à cacher. Un processus similaire de pressions collégiales devrait s'amorcer, avec la mise au point définitive, en septembre 1997, des Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace. En outre, les agences de notation sont appelées à jouer un rôle important, en aidant le marché à faire appliquer les normes établies soit par les autorités de contrôle, soit par les organismes autorégulateurs du secteur financier. Ces agences se sont d'ailleurs intéressées davantage, ces dernières années, aux institutions financières des marchés émergents. Même si les forces du marché apportent une précieuse contribution, il faut reconnaître qu'elles n'exerceront jamais, à elles seules, une discipline suffisante. Premièrement, les marchés sont eux-mêmes soumis à des revirements d'opinion excessifs, comme le précisent plusieurs chapitres du présent Rapport annuel. Deuxièmement, les informations sont forcément tardives et de qualité inégale. Enfin, dans de nombreux pays, les dispositifs de sécurité offrent une large couverture ou sont tellement imprécis qu'ils donnent cette impression, de sorte qu'ils n'incitent guère les marchés à exercer une discipline, même lorsque les informations nécessaires sont disponibles. *{ pagination originale du document: p. 184} Par conséquent, les autorités de contrôle auront toujours un rôle à jouer, même si la discipline qu'elles imposent finit par perdre son caractère direct de réglementation traditionnelle et se fait sentir, de manière indirecte, à travers leur action en faveur d'une amélioration de la gestion interne et de la discipline de marché. Les changements structurels, à la fois dans le temps et dans l'espace, posent de nombreux défis aux autorités de contrôle. S'agissant de la dimension temporelle, la rapidité avec laquelle ils surviennent permet de moins en moins à ces dernières d'actualiser leurs réglementations dans le détail, en particulier lorsqu'elles manquent d'effectifs. Le désir de ne pas se laisser déborder par des pratiques de marché en constante évolution est l'une des raisons qui ont incité les autorités à admettre le recours aux modèles internes pour le calcul des exigences de fonds propres en regard des risques de marché. Tôt ou tard, elles seront également amenées à décider si des modèles semblables doivent être appliqués à l'évaluation du risque de crédit; elles devront aussi répondre à la question encore plus vaste de savoir quels dangers présenterait le fait de synthétiser en un seul chiffre la mesure de tous les risques. Toujours dans la dimension temporelle, les degrés d'exposition au risque peuvent à présent varier de manière quasi instantanée et les crises surgir tout aussi vite. Il n'est pas certain que les canaux d'information entre toutes les instances officielles chargées de ces problèmes soient à la hauteur de la tâche. Enfin, pour ce qui est de leur dimension spatiale, étant donné que le chevauchement des institutions financières et des instruments ne cesse de s'accentuer, l'existence d'organes réglementaires distincts pour les différentes catégories d'institutions peut être une source de complications. Dans certains pays, notamment en Scandinavie, une structure globale de surveillance a été constituée; dans d'autres, cette question fait l'objet d'un vif débat. Pour tenir dûment compte de ces tendances, une coopération plus étroite se développe entre le Comité de Bâle, l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et l'Association internationale des contrôleurs d'assurance (AICA) dans le cadre de l'Instance conjointe sur les conglomérats financiers. En raison, toutefois, des différences dans les dispositions prudentielles nationales et dans la culture propre aux activités des banques, entreprises d'investissement et compagnies d'assurances, des progrès rapides sont difficiles. La deuxième tâche importante pour le renforcement du système financier international consiste, comme on vient de le voir, à améliorer l'infrastructure sur laquelle il repose. Les systèmes de paiement et de règlement dans le monde doivent être rendus imperméables au risque, afin de garantir l'exécution en temps voulu de toutes les transactions. De même que dans le domaine prudentiel, une importance accrue doit être, et est actuellement, accordée à la diffusion d'informations et à l'exercice de la discipline de marché. Les opérateurs sur titres peuvent à présent s'appuyer sur un questionnaire pour évaluer la sécurité des dispositifs de règlement locaux. D'autre part, les intervenants des marchés des changes ont été instamment invités à rechercher des moyens de réduire les risques de règlement qu'ils encourent. *{ pagination originale du document: p. 185} La dernière tâche, plus générale, se pose en termes de stratégie. Une fois l'action définie, comment la mener à bien? Le rapport diffusé récemment par le Groupe de travail des suppléants du Groupe des Dix sur la stabilité financière dans les économies de marché émergentes est particulièrement instructif à ce sujet. Ce document conclut à la nécessité d'élaborer des normes et accords internationaux établissant des principes de saines pratiques, dans le cadre d'un processus de consultation internationale faisant intervenir des experts nationaux possédant une expérience et une connaissance étendues de ces questions. À cet égard, les efforts du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et du Comité sur les systèmes de paiement et de règlement constituent l'illustration, par excellence, de la manière dont un tel mécanisme peut fonctionner et de la façon d'intégrer de plus en plus au processus des experts de marchés émergents. Il incomberait alors aux autorités nationales d'adopter et d'appliquer les normes. Des institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale seraient appelées à soutenir cette démarche, en suivant les évolutions et en fournissant les conseils, l'assistance technique et la formation nécessaires à l'adoption et à la mise en ouvre de principes et pratiques fiables. En outre, elles devraient, de concert avec d'autres qui possèdent l'expérience ou la connaissance appropriée, suggérer des améliorations à ceux qui ont mission d'élaborer ces normes. Le défi qui se pose pour les toutes prochaines années consistera à faire avancer ce processus, permettant ainsi d'accroître l'efficience et la sécurité du système financier mondial.