*{Banque des Règlements Internationaux, 68e Rapport Annuel, Bâle, 1998, pp.3-10, 173-183.} *{ pagination originale du document: p. 3} 1. Introduction: distinguer les symptômes des causes. La récente crise asiatique a fait l'objet, à juste titre, d'une attention considérable. Si certaines difficultés avaient été prévues, la surprise est venue de plusieurs éléments qui n'avaient eu aucun précédent récent: la soudaineté de cette crise, son extension à un nombre de plus en plus grand de pays et l'ampleur de l'effondrement des cours de change et des prix des actifs. Le choc a été d'autant plus rude qu'on s'accordait peu à peu à voir dans l'Asie le modèle du futur. Il n'est pas absolument sûr, en outre, que le pire soit passé. Alors que les marchés financiers se sont quelque peu stabilisés, l'impact de cette crise sur les entreprises des pays concernés et sur les institutions qui leur ont octroyé des prêts ne s'est pas encore fait pleinement sentir et les coûts sociaux qu'elle engendre restent difficiles à évaluer. Rétrospectivement, ses causes internes n'apparaissent que trop clairement et on aurait pu et dû en prévenir l'apparition: expansion excessive du crédit avec, comme conséquence, un développement exagéré du stock de capital, systèmes bancaires insuffisamment contrôlés, bulles des prix des actifs et régimes de change beaucoup trop rigides sont autant de facteurs qui ont joué un rôle plus ou moins important dans chacun des pays touchés. Ce serait une erreur, néanmoins, de conclure que toutes les difficultés auraient pu être facilement évitées si seulement les politiques internes avaient été un peu mieux adaptées. Ces faits se sont produits dans un contexte de déséquilibres macroéconomiques internationaux, qui ont largement contribué aux événements d'Asie et risquent encore d'avoir d'autres prolongements. Une influence extérieure a joué un rôle important à cet égard: les décalages entre les situations conjoncturelles des principaux pays industriels, qui ont duré beaucoup plus que prévu. La vigueur de la demande intérieure aux États-unis a fortement contrasté avec la stagnation des dépenses en Allemagne et leur baisse au japon (chapitre II). Dans une large mesure, le redressement récent du dollar vis-à-vis du mark et du yen pourrait n'être qu'un reflet logique de ces décalages conjoncturels. Pourtant, ils sont eux-mêmes dus à des situations internes inhabituelles. Aux États-unis, la faiblesse inattendue de l'inflation intérieure a permis à la reprise de se poursuivre et de n'entraîner qu'une réaction très modérée de la politique monétaire. Au japon, les conséquences néfastes des difficultés du secteur financier continuent à se faire sentir, avec des niveaux de taux d'intérêt exceptionnellement faibles et une forte expansion de la liquidité bancaire. Dans plusieurs pays européens, en outre, les taux sont également restés proches de leurs plus bas niveaux. Dans de telles circonstances, il n'est pas surprenant que les afflux de capitaux dans d'autres parties de l'Asie se soient intensifiés, créant des tensions sur les cours de change réels et un alourdissement des déficits commerciaux(chapitre III). *{ pagination originale du document: p. 4} Le raffermissement marqué du dollar par rapport à ses creux de 1995, conjugué à la forte position concurrentielle d'une Chine en plein renouveau, a exacerbé ces tensions, compte tenu de la décision prise par les autorités de nombreux pays asiatiques de rattacher leur monnaie au dollar. Les marchés ont fini par réagir en provoquant d'importantes dépréciations nominales, qui n'ont fait que s'amplifier quand les faiblesses internes sont devenues de plus en plus évidentes. À certains égards, ce processus n'est pas sans rappeler les crises du MCE au début de l'actuelle décennie, lorsque les divergences conjoncturelles entre une économie américaine aux prises avec les difficultés du secteur financier et une Allemagne engagée dans la réunification ont mis les monnaies alignées sur un mark en hausse en position d'être attaquées l'une après l'autre. Au moment où les décalages conjoncturels s'accentuaient entre les principaux pays industriels, l'inflation constatée a généralement convergé à un niveau relativement bas. Ce phénomène s'explique notamment par le fait que les mouvements de change ont amené la demande à se déplacer des pays confrontés à de plus fortes tensions inflationnistes vers ceux qui disposaient de capacités excédentaires supérieures. Mais cette convergence traduit également l'action de forces plus profondes: en particulier, la détermination plus résolue des autorités à maintenir un bas niveau d'inflation (chapitre IV), le resserrement budgétaire en Europe et en Amérique du Nord, la perméabilité accrue des marchés à la concurrence potentielle du fait de leur intégration de plus en plus grande à l'échelle internationale et les effets cumulés de l'investissement massif dans les technologies informatiques et les secteurs qui s'y rattachent. Même si elle ne s'étend pas davantage, la crise asiatique et l'incidence qu'elle exerce sur les prix mondiaux des produits électroniques, du pétrole et des autres matières premières accentueront ces tendances désinflationnistes. Quelle qu'en soit l'origine, ces pressions désinflationnistes ont provoqué une réaction extrêmement positive des marchés des capitaux, abstraction faite de la crise asiatique. Cette crise elle-même, qui a déclenché une recherche généralisée de la qualité vers la fin de l'année dernière, est apparue plus récemment porteuse d'effets secondaires bénéfiques, en termes de désinflation, pour certains pays industriels. En conséquence, les rendements des obligations de premier rang ont baissé pendant la majeure partie de l'année, puis de façon particulièrement marquée durant les premiers mois de 1998. Les marges appliquées aux emprunteurs, qui s'étaient également rétrécies en 1997, se sont accrues avec le développement de la crise asiatique mais, à la date d'avril 1998, ce mouvement s'était largement inversé. D'ailleurs, les capitaux internationaux ont commencé à refluer vers un certain nombre de pays qui étaient parvenus à repousser les attaques spéculatives au moment des turbulences en Asie. Enfin, après une détérioration en octobre, les marchés des actions de la plupart des pays industriels ont rapidement atteint des niveaux records (chapitre V), indiquant ainsi que les effets de la baisse de l'inflation et des taux d'intérêt prévalaient encore sur les préoccupations que pouvaient avoir les investisseurs à propos des risques encourus ou d'un possible ralentissement de l'expansion des bénéfices. Cet optimisme des milieux financiers repose en partie sur quelques convictions qui peuvent ou non s'avérer justifiées: une "nouvelle ère" de gainsde productivité et d'augmentation des profits serait déjà discernable dans les récentes statistiques sur l'économie américaine; une vague de restructurations en Europe irait dans le même sens; les rendements demeureraient suffisamment élevés dans de nombreuses économies émergentes pour compenser les risques encourus. *{ pagination originale du document: p. 5} Cependant, la vive progression des prix des actifs financiers peut aussi masquer des évolutions sous-jacentes potentiellement plus préoccupantes. La première est l'accroissement prononcé de la liquidité mondiale, qui ressort clairement de la récente accélération de l'expansion monétaire dans plusieurs pays et de la faiblesse atypique des taux d'intérêt déjà évoquée. La deuxième concerne les répercussions des modifications observées actuellement dans la structure de l'intermédiation financière internationale. Le secteur des services financiers est manifestement entré dans une période de forte intensification de la concurrence, et certaines banques peuvent avoir été tentées de s'engager dans des opérations comportant un risque inhabituel pour compenser la baisse de rentabilité de leurs activités d'intermédiation. Dans le même ordre d'idées, il convient de prendre en considération le développement croissant, en termes de taille et de présence internationale, des investisseurs institutionnels non bancaires, tels que compagnies d'assurances, fonds de pension ou organismes de placement collectif. La diminution tendancielle des taux d'intérêt nominaux sur les actifs de première qualité peut avoir incité à la fois les propriétaires et les gestionnaires de ces fonds à vouloir préserver leurs rendements sans tenir suffisamment compte de l'augmentation des risques encourus. La crise asiatique, comme celles qui l'ont précédée au Mexique et dans les pays nordiques, a souligné une nouvelle fois la complémentarité entre stabilité macroéconomique et stabilité financière. Aucune ne saurait suffire à elle seule. De plus, transiger avec l'une augmente considérablement le risque de compromettre l'autre et peut comporter d'importants effets multiplicateurs. Il est vrai que l'engagement des autorités à l'égard de la rigueur budgétaire et de la stabilité des prix bénéficie depuis deux décennies d'un soutien croissant du public. Ces objectifs ont à présent valeur de norme dans la plupart des pays industriels et sont également de plus en plus acceptés dans les économies en développement. Cependant, la nécessité de renforcer les systèmes bancaires et financiers a fait l'objet d'une reconnaissance plus tardive; d'ailleurs, dans certains pays, elle se heurte encore à une forte résistance d'ordre politique, dictée par des sentiments nationalistes et des intérêts bien ancrés. Au cours des dernières années, les divers comités d'experts nationaux qui ouvrent sous l'égide de la BRI ont consacré une attention croissante aux questions ayant une incidence sur la stabilité du système financier international. En raison de la mondialisation des marchés financiers, les représentants des économies émergentes jouent un rôle de plus en plus grand dans les organismes qui recommandent l'adoption de normes et pratiques internationales. La mise en application des réglementations ne peut qu'être facilitée par une participation des pays directement concernés à leur élaboration; personne, cependant, ne doit se faire d'illusions sur l'ampleur des problèmes qui restent à surmonter et des difficultés qui subsistent. Si la crise asiatique a permis d'accélérer les initiatives nécessaires à une réforme financière au niveau mondial, alors ses coûts élevés auront au moins eu, en contrepartie, un effet bénéfique important. *{ pagination originale du document: p. 6} Processus de contagion et réactions des autorités. Après la dépréciation initiale du baht thaïlandais en juillet 1997, une vague de pressions spéculatives a déferlé sur un grand nombre de monnaies et de pays de la région. Rétrospectivement, là encore, une telle dynamique n'aurait pas dû surprendre dès lors qu'un facteur déclenchant avait mis le processus en route. Plusieurs des pays touchés présentaient une composition des exportations similaire à celle d'autres économies de la région (chapitres III et VI) et leurs prix (en particulier pour les produits électroniques) s'étaient mis à baisser récemment, ce qui les rendait relativement vulnérables à une dépréciation compétitive. Beaucoup venaient de bénéficier d'importantes entrées de capitaux étrangers à court terme. En outre, nombre d'entre eux passaient pour avoir des institutions financières fragiles, même si le manque de transparence quasi général ne permettait pas d'aboutir à des conclusions tranchées. Dans un tel contexte d'incertitudes, il n'était que trop facile pour les investisseurs de perdre confiance dans la région asiatique tout entière, d'autant plus que les politiques mises en ouvre pour faire face à la crise apparaissaient inadéquates dans les pays les plus durement touchés (chapitre VII). Un facteur particulièrement important a été le niveau élevé des engagements à court terme en devises des résidents, ce qui pouvait sembler compréhensible après une décennie de stabilité des monnaies, et les efforts déployés pour couvrir leurs positions au fur et à mesure que l'extension de la crise augmentait les probabilités de pertes. Finalement, alors que même les crédits commerciaux se raréfiaient dans certains cas, les événements ont pris la tournure habituelle d'une crise de liquidité ou d'une ruée sur les guichets bancaires. D'une manière générale, les dommages causés à ce jour par les hausses de taux d'intérêt et les dépréciations de change sont plus ou moins lourds en fonction de la solidité des données fondamentales, en particulier la situation relative des systèmes bancaires nationaux. C'est l'Indonésie qui a le plus souffert, alors que Singapour, Taiwan et Hong-kong ont été les moins sévèrement touchés. Dans ce dernier cas, les autorités sont parvenues à préserver le lien avec le dollar EU, établi dans le cadre de la caisse d'émission, au prix toutefois de taux d'intérêt nettement plus élevés pendant quelque temps et d'une baisse de la valeur des actifs. Comme beaucoup d'autres, elles ont été bien soutenues par les déclarations réitérées des autorités chinoises écartant toute dévaluation du renminbi. Une telle mesure n'aurait fait que renforcer l'enchaînement vicieux du processus de contagion dans la région et au-delà. D'autres parties du monde étaient alors déjà affectées à des degrés divers. En Europe orientale, la couronne tchèque avait dû être dévaluée et un plan d'austérité imposé au moment de la crise thaïlandaise. Le rouble russe avait également été l'objet d'attaques spéculatives, qui n'ont pu être contrées qu'au moyen de relèvements très marqués des taux d'intérêt. Au Brésil, la monnaie et la Bourse avaient aussi été soumises à de fortes pressions à l'automne de 1997, enrayées cependant par de sévères mesures de resserrement budgétaire etmonétaire. *{ pagination originale du document: p. 7} De nombreux autres pays, parmi lesquels la Pologne, la Grèce, l'Estonie et l'Afrique du Sud, ont rencontré, à un moment donné, des difficultés analogues. Par la suite, les marchés asiatiques semblent avoir recouvré une certaine stabilité; les cours de change se sont parfois redressés, permettant généralement une légère baisse des taux d'intérêt. Il est, certes, prématuré d'en conclure que la crise est terminée, en particulier pour les pays dotés d'un système financier fragile ou dont la monnaie s'est fortement appréciée en termes réels ces dernières années. Les pays industriels ont été, pour l'instant, moins éprouvés par ces événements que certains ne le redoutaient initialement. Cela tient en partie au fait que les exportations en provenance d'Asie n'ont pas encore réagi à la baisse des cours de change mais s'explique également par la réduction des prix des matières premières ainsi que par l'accroissement de la dépense, lié à la détente générale des conditions sur les marchés mondiaux des capitaux au cours des quelque douze derniers mois. Le japon constitue peut-être à cet égard une exception notable et préoccupante, car les sérieux problèmes internes s'y trouvent encore amplifiés par les difficultés d'autres parties de l'Asie, qu'ils contribuent à leur tour à aggraver. Après un départ prometteur en 1997, la demande intérieure japonaise s'est fortement contractée à la suite du resserrement brutal de la politique budgétaire en avril. La confiance des consommateurs et des entreprises a été de nouveau ébranlée par une série de chocs: montée du chômage et craintes de restructurations dans l'industrie, crise asiatique et diminution concomitante des exportations vers cette région, fragilité du système financier japonais. Le rationnement du crédit, en particulier pour les entreprises de moindre dimension qui n'ont généralement pas d'autres sources de financement, pèse déjà sur l'économie, et les engagements substantiels des banques nippones envers des débiteurs asiatiques à la solvabilité incertaine ne peuvent qu'amplifier de tels effets. Les autorités ont réagi en adoptant deux programmes de relance plus ambitieux, qui ont complété les nombreux efforts déjà mis en ouvre dans ce domaine. Compte tenu toutefois du consensus existant sur la nécessité d'épargner davantage pour faire face aux pressions démographiques et du caractère temporaire des allégements fiscaux octroyés jusqu'à présent, l'incidence sur la dépense ne s'est pas encore fait pleinement sentir. La liquidité du système bancaire a également été sensiblement accrue pour répondre à l'élargissement des primes de risque, surtout pour les institutions financières du pays. Après avoir temporisé plusieurs années, à cause de l'hostilité de la population envers le recours à des fonds publics pour soutenir le secteur financier, les autorités ont finalement entrepris de s'attaquer à ce problème fondamental. En mars 1998, un montant de Y13 000 milliards a été affecté à la recapitalisation des banques et Y17 000 milliards supplémentaires à l'amélioration du système de garantie des dépôts. L'efficacité de la première de ces mesures reste à déterminer, car on ignore encore sur quels critères se fera la distinction entre "bonnes" et "mauvaises" banques et quelles solutions seront trouvées pour résoudre une fois pour toutes les difficultés de ces dernières. En Europe continentale, les répercussions de la crise asiatique sont relativement plus difficiles à cerner. Si une part notable du commerce extérieur de l'Europe est réalisée avec l'Asie, les commandes à l'exportation n'ont pas encore nettement commencé à diminuer et les effets liés à l'investissement direct étranger (d'Asie vers l'Europe et vice versa) paraissent faibles pour l'instant. *{ pagination originale du document: p. 8} Le fait que les engagements des banques européennes envers l'Asie sont presque aussi élevés que ceux de leurs homologues japonaises pourrait constituer un motif de préoccupation, quelque peu atténué cependant par la meilleure santé financière des premières. Il n'en reste pas moins que le choc de cette crise arrive à un mauvais moment, tout au moins pour quelques pays. La France pourrait présenter encore une certaine vulnérabilité, alors que la demande intérieure vient tout juste de relayer les exportations comme moteur de la croissance. En Allemagne, on ne discerne encore guère de signes d'un processus analogue, même si le chômage a baissé récemment plus que prévu dans la partie occidentale du pays. En outre, l'Europe tout entière est soumise à un durcissement budgétaire substantiel et prolongé, dans le cadre notamment des efforts mis en ouvre pour satisfaire aux critères de Maastricht. Par ailleurs, les incertitudes concernant d'autres mesures - instauration prévue de la semaine de travail de 35 heures en France et en Italie et réforme de la sécurité sociale et de la fiscalité en Allemagne - continuent de se faire sentir. Malgré tout, l'accélération de la croissance en Europe continentale au cours de 1997 atteste que de puissantes forces ont contribué à la poursuite de l'expansion. Non seulement les taux longs ont baissé et les marchés des actions progressé, mais les monnaies d'Europe continentale se sont affaiblies par rapport à celles des pays plus avancés dans le cycle économique. En fait, comme les opérateurs étaient de plus en plus convaincus que l'euro serait mis en ouvre à la date prévue et dans un large groupe de pays, l'effet de convergence sur les prix des actifs dans les pays périphériques a été stupéfiant. Dans certains d'entre eux, la principale préoccupation concerne à présent la détente excessive des conditions financières et la menace de tensions inflationnistes plus généralisées. Paradoxalement, la crise asiatique pourrait avoir contribué à accentuer cette inquiétude si la décision de la Bundesbank de renoncer à tout resserrement monétaire supplémentaire était due, en partie tout au moins, à la crainte des répercussions que les développements en Asie pourraient avoir sur une économie allemande manquant encore de dynamisme. Les implications macroéconomiques de la crise asiatique, tant pour les États-unis que pour le Royaume-uni, pourraient ne pas être dans l'ensemble mal venues, compte tenu surtout des engagements plus modestes de leurs banques envers les pays touchés. Dans les deux cas, grâce à la forte expansion de la demande intérieure, la production a atteint, et pourrait dépasser, des niveaux qui apparaissaient jusque-là incompatibles avec une inflation stable. À ce jour, les signes manifestes d'inflation sont moins nombreux que prévu, en raison peut-être des gains de productivité, mais un fléchissement de la demande extérieure consécutif à la crise asiatique pourrait être considéré comme une protection contre une telle éventualité. Le fait est également que, dans ces économies, la hausse de la valeur externe de la monnaie a contribué de manière notable à contenir l'inflation. Il est possible, en outre, qu'un statut de valeur refuge, lié aux événements d'Asie et à l'euro, ait favorisé son appréciation. L'une des implications des bons résultats enregistrés parallèlement dans la lutte contre l'inflation est qu'aux États-unis et, à un degré moindre, au Royaume-uni les taux d'intérêt ont été maintenus à des niveaux plus bas que cela n'aurait été possible autrement. *{ pagination originale du document: p. 9} Une complication indirecte viendrait toutefois des répercussions que pourrait avoir l'élargissement du déficit commercial sur la monnaie, ce qui remettrait en cause les acquis en matière de désinflation. En fait, les premières indications à cet égard pourraient apparaître lorsque l'appréciation du dollar et de la livre sterling cessera. Un autre problème est que la faiblesse inhabituelle des taux d'intérêt pourrait contribuer à porter les prix des actifs à des niveaux qui risqueraient d'être insoutenables en cas de montée des tensions inflationnistes et des taux d'intérêt. Si l'une ou l'autre de ces hypothèses se vérifiait, même longtemps après, cela confirmerait ce que le bon sens semble suggérer: les effets définitifs de la crise asiatique seront néfastes pour toutes les parties concernées, mais certaines en souffriront plus que d'autres. La conclusion évidente à en tirer est que les efforts visant à prévenir les crises doivent demeurer au premier rang des priorités, tant des pouvoirs publics que du secteur privé. Prévention et gestion des crises. Le fait que des crises financières et monétaires ont continué à se produire, et sont même devenues plus fréquentes au cours de l'actuelle décennie, montre clairement que les mesures préventives adoptées jusqu'ici étaient inappropriées. Pourtant, des efforts importants ont été entrepris ces dernières années et des progrès notables ont été accomplis dans certains domaines. Les communiqués qui ont suivi les Sommets du Groupe des Sept, à Halifax, Lyon et Denver, y ont contribué de manière déterminante, comme l'ont fait les documents publiés après le Sommet de Birmingham. Pour qu'une action préventive soit mise en ouvre pour empêcher l'apparition d'une crise, opérateurs de marché et autorités de contrôle doivent d'abord pouvoir accéder facilement aux informations qui peuvent aider à prévoir la crise. L'an passé, de plus en plus de pays se sont engagés à suivre la norme spéciale de diffusion des données établie par le FMI. Un accord est déjà intervenu, en outre, sur un certain nombre de modifications utiles (en particulier, extension de la couverture par pays, ventilation en fonction du risque final et périodicité trimestrielle) dans les statistiques semestrielles de la BRI sur la ventilation par échéance, secteur et nationalité des prêts bancaires internationaux. Au surplus, il importe de reconnaître que l'amélioration de l'information constitue une condition nécessaire, mais non suffisante, de la prévention. Ce qu'il faut aussi, c'est la capacité d'envisager la crise et la volonté d'agir à l'avance, comme l'a clairement démontré l'expérience asiatique. En dépit de la diffusion de données de la BRI révélant la vulnérabilité croissante de certains de ces pays à un renversement soudain des entrées de fonds bancaires à court terme, le volume de ces concours n'a fait qu'augmenter (chapitre VIII). D'autres problèmes évidents, tels que l'alourdissement des déficits des paiements courants et la baisse de rentabilité de l'investissement, ont été également ignorés. Cela montre que l'utilisation de l'information compte tout autant que sa diffusion. Diverses initiatives ont déjà été prises pour aider à prévenir les crises en renforçant les systèmes financiers, tant au niveau national qu'à l'échelle internationale. Un rapport sur la fragilité financière dans les marchés émergents, préparé conjointement par des représentants des économies émergentes et des pays du Groupe des Dix, propose une stratégie pour la formulation de pratiques et principes sains à cet égard. *{ pagination originale du document: p. 10} En outre, ce document, largement approuvé par plus de cinquante pays, énonce des recommandations spécifiques concernant la mise en ouvre de cette stratégie avec le concours des institutions financières internationales et d'autres instances. Dans le même ordre d'idées, les Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace, élaborés par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire en collaboration avec des autorités prudentielles de pays hors G 10, ont été présentés lors de l'Assemblée de la Banque mondiale et du FMI, à Hong-kong. Ces principes ont reçu un accueil très favorable auprès de la communauté financière internationale, et le Comité ouvre actuellement à promouvoir leur application effective avec l'aide notamment de ces deux institutions. Dans le cadre d'un objectif analogue de renforcement du système financier international, le Comité sur les systèmes de paiement et de règlement et le Comité permanent des euromonnaies, qui se réunissent l'un et l'autre à la BRI, ont publié des études et des recommandations couvrant une vaste gamme de sujets. Ceux-ci concernent, entre autres, le risque de règlement dans les opérations de change, les mécanismes de règlement sur titres et instruments dérivés, la liquidité du marché en période de tensions et le problème de l'an 2000. La grande diversité des thèmes abordés souligne la complexité des questions traitées ainsi que l'ampleur de l'effort qui sera nécessaire pour réduire sensiblement les vulnérabilités existant actuellement au sein du système financier international. La communauté internationale, sous l'égide du Fonds monétaire international, a cherché à stabiliser la situation en Asie au moyen de plusieurs programmes de soutien de liquidité d'une ampleur croissante. Ces dispositifs étaient assortis non seulement des conditions classiques d'action sur la demande et d'une réforme financière, mais aussi de mesures axées sur l'offre afin de favoriser la croissance àr plus long terme. Dans certains cas, des efforts ont également été entrepris pour encourager les banques étrangères à reconduire ou à restructurer les dettes d'emprunteurs asiatiques venant à échéance. Si l'on s'est interrogé sur la pertinence de quelques-unes de ces initiatives officielles, ainsi que sur les modalités de leur mise en ouvre, la complexité, voire la nouveauté, de la tâche entreprise par le FMI ne doit cependant pas être sous-estimée. Plusieurs des pays touchés étaient pourtant déjà dotés de politiques budgétaires relativement saines, mais leur vulnérabilité à l'égard d'une détérioration de la confiance des marchés pour d'autres motifs était, malgré tout, exceptionnellement élevée. En outre, c'est la première crise de l'après-guerre où les principaux créanciers internationaux sont des banques et où les principaux débiteurs sont des emprunteurs du secteur privé. Les principes permettant de gérer et de résoudre une crise de cette nature n'étaient pas connus d'avance et font d'ailleurs toujours l'objet de discussions. Dans ce domaine, et dans celui de la prévention des crises, il faudra des années pour que toutes les leçons soient bien assimilées et sans doute encore plus longtemps pour qu'elles soient toutes acceptées et mises en pratique. Cela étant, la Conclusion du présent Rapport annuel envisage cependant certaines recommandations de politique, suggérées par les nombreux événements surprenants de la période sous revue. *{ pagination originale du document: p. 173} IX. Conclusion: identifier les risques et les mesures préventives. En dépit des événements traumatisants d'Asie, les perspectives économiques pour le reste du monde restent considérées, dans l'ensemble, comme positives. La période prolongée d'expansion aux États-unis et au Royaume-uni devrait se poursuivre, d'après les prévisions. L'union économique et monétaire européenne est en voie d'être instaurée selon le calendrier prévu avec une large participation, en présence de signes qui dénotent un renforcement de la croissance et de la confiance. De sérieux effets de contagion ont pu être évités jusqu'à maintenant hors d'Asie et divers observateurs pensent, en outre, que le pire est peut-être passé dans cette région, étant donné que les marchés des capitaux y ont recouvré une certaine stabilité. Dans la plupart des pays industriels, les marchés des actifs ont atteint de nouveaux sommets, dans le contexte d'une succession extraordinaire de fusions et d'acquisitions ainsi que des financements qu'elles génèrent. Sur un plan plus fondamental, les événements d'Asie ont même été interprétés de manière positive par certains, qui y voient une confirmation de la prédominance du modèle de croissance économique fondé sur les forces du marché, de plus en plus à la mode depuis les années 70. À l'image de la mode, cependant, les circonstances économiques peuvent changer très rapidement, et une certaine humilité doit être observée en matière de prévisions et de jugements. Une bonne raison d'agir ainsi, clairement illustrée par la crise asiatique, est que le monde économique et financier constitue un environnement très incertain, dans lequel les perceptions des risques de liquidité, de marché et de crédit peuvent, en se conjuguant, engendrer des effets multiplicateurs et avoir des issues imprévisibles. De surcroît, si les développements économiques ont des répercussions sociales et politiques, les résultats peuvent être encore plus incertains. Une seconde raison qui incite à l'humilité vient de ce que, trop souvent, le succès semble receler des germes d'échec. En somme, le jugement des marchés comme des décideurs pèche communément par excès d'optimisme. Le Mexique, par exemple, a été largement félicité et récompensé par les marchés au début des années 90 pour ses efforts de déréglementation et de rigueur budgétaire, tout comme l'ont été de nombreux pays d'Asie (dont le japon) pour leurs très hauts niveaux d'épargne et d'investissement. Or, ces pays ont été soumis par la suite à de brusques revirements d'opinion des opérateurs. Pour le Mexique, il est apparu que la déréglementation, en particulier dans le secteur financier, avait engendré un essor de la consommation et une situation insoutenable des paiements courants. Pour plusieurs pays d'Asie, les marchés se sont rendu compte qu'une épargne abondante ne constituait pas un avantage inconditionnel si elle s'accompagnait d'investissements non rentables susceptibles de peser pendant des années sur les prix des actifs. *{ pagination originale du document: p. 174} Dans ces deux cas de figure, comme dans beaucoup d'autres, l'alternance de phases d'expansion et de récession semble avoir suivi une dynamique très voisine. À partir de données fondamentales internes saines sont apparus des excès en matière de dépenses, alimentés par le crédit intérieur. Dans un tel environnement, les perspectives de profits ont d'abord attiré l'attention des prêteurs étrangers les plus avisés, que les moins avisés ont ensuite imités. Les modifications structurelles des systèmes financiers ont conféré à ces développements une impulsion supplémentaire. Dans les économies émergentes, la déréglementation a souvent facilité l'accès au crédit, tandis que, dans le monde industriel, l'intensification de la concurrence a amené de nombreuses institutions financières à se tourner vers de nouveaux marchés, dans l'espoir de compenser ainsi la baisse de la rentabilité dans leur propre pays. Finalement, lorsque cet optimisme excessif s'est dissipé chez les emprunteurs et les prêteurs, le choc a été soudain, brutal et coûteux pour toutes les parties concernées. Un excès d'optimisme analogue peut également affecter les décisions des autorités. Que ce soit dans les économies émergentes ou dans les pays industriels, il est toujours difficile de moduler les politiques par petites touches pour éviter les crises; cela devient encore plus complexe quand l'opinion publique est convaincue que les perspectives économiques demeurent excellentes. Même un franc succès des décideurs dans la lutte contre l'inflation peut comporter des dangers s'il encourage incidemment la formation de bulles des prix des actifs et réduit simultanément la marge de manouvre disponible pour s'y opposer. Lorsque les taux d'intérêt nominaux et même réels baissent, en raison de l'atténuation des tensions inflationnistes, les investisseurs peuvent fort bien chercher ailleurs une meilleure rémunération. Malheureusement, les actions du marché national comme les placements à l'étranger ne procurent des rendements plus élevés qu'au prix d'un accroissement correspondant des risques. Les autorités qui se guident essentiellement sur les mesures traditionnelles de l'inflation s'accordent à penser qu'on peut en général ignorer une hausse des prix des actifs, sauf s'il se confirme qu'elle se répercute sur les prix à la consommation. Cet argument est certes fondé, mais il conviendrait, en même temps, de tenir compte des effets qui peuvent en résulter pour la solidité des systèmes financiers s'ils alimentent, à travers le crédit bancaire, une bulle des prix des actifs qui éclatera tôt ou tard. Dans une telle situation, les autorités peuvent être confrontées à un dilemme: relever les taux d'intérêt pour éviter la formation de la bulle et être légèrement en deçà de l'objectif d'inflation, ou bien ne rien faire et arriver finalement bien au-dessous. Une telle option peut être assez risquée si, comme l'expérience japonaise semble le montrer, la relance de l'économie se révèle particulièrement difficile lorsque le faible niveau de l'inflation ne permet guère de réduire les taux d'intérêt réels. Si la montée des prix de l'immobilier, qui a souvent accompagné le dynamisme des marchés des titres dans les économies industrielles occidentales, n'a atteint nulle part l'ampleur observée en Asie, l'accélération récente de l'expansion monétaire au sein des pays industriels mérite cependant une certaine attention. À l'évidence, l'enseignement qu'on peut en retirer n'est pas qu'il faudrait renoncer à la croissance économique, à la déréglementation et à un faible niveau d'inflation, à cause des risques que de tels objectifs peuvent comporter. Trois conclusions plus pertinentes paraissent justifiées. *{ pagination originale du document: p. 175} Premièrement, une meilleure compréhension de la dynamique des processus macroéconomiques peut aider à prévenir les problèmes, avant que leurs effets déstabilisateurs ne deviennent trop importants. Deuxièmement, la libéralisation des marchés doit être poursuivie avec détermination mais aussi avec prudence. Troisièmement, des efforts doivent être accomplis pour renforcer partout la solidité des systèmes financiers, afin qu'ils puissent résister à des chocs qui seront sans doute d'autant plus rudes que les marchés seront libéralisés. Politiques macroéconomiques: perspectives et enseignements. La persistance d'un décalage conjoncturel entre les grands pays industriels a engendré certaines tensions. Ainsi, la vigueur relative de la demande aux États-unis (de même qu'au Royaume-uni) s'est traduite par une vive appréciation de la monnaie et une détérioration concomitante du solde des paiements courants. Cette évolution a été compensée par des excédents croissants au japon et en Europe continentale. En outre, les prévisions du FMI et de l'OCDE indiquent que les États-unis constitueront la principale contrepartie de la réduction attendue des déficits commerciaux en Asie, ce qui portera le déficit courant américain à des niveaux quasi records en termes de PIB. Cette situation comporte deux sortes de dangers. Tout d'abord, les marchés risquent de perdre patience devant l'accumulation de la dette extérieure américaine et de faire chuter le dollar. Un tel mouvement inverserait les gains importants, en termes de désinflation, résultant de son appréciation et augmenterait la probabilité d'un resserrement monétaire aux États-unis pour faire face à l'apparition de tensions sur les capacités. Dans cette hypothèse, on pourrait également assister à une diminution des prix des actifs, qui aurait des répercussions substantielles sur la confiance et la dépense des consommateurs américains, compte tenu de la part accrue des actifs financiers dans les portefeuilles des ménages. Le second danger inhérent à la vigueur du dollar réside dans la possibilité d'un recours à des mesures protectionnistes aux États-unis. Si cette tentation a pu être réfrénée jusqu'à présent grâce au dynamisme de l'économie, elle pourrait facilement resurgir en cas de ralentissement marqué de la croissance. Toute menace pesant sur la poursuite d'une croissance non inflationniste aux États-unis pourrait également avoir des répercussions plus vastes. Si le renforcement récent de la demande en Europe est susceptible d'accroître la résistance de ces économies à une appréciation de leur monnaie, il n'en va pas de même pour le japon. En outre, une hausse généralisée des taux d'intérêt, qu'elle ait son origine aux États-unis ou en Europe, pourrait inciter les investisseurs à se désengager davantage des économies émergentes et à effectuer enfin une réévaluation du risque de crédit sur l'ensemble des marchés. Il est difficile de prévoir toutes les implications d'une telle démarche, dans un monde où l'expansion des dépôts interbancaires internationaux a quasiment quadruplé, pour s'inscrire à plus de $700 milliards l'an passé, et où les émissions de titres internationaux ont atteint récemment des records absolus. Il convient de préciser qu'il s'agit là d'un scénario et non d'une prévision. Une prévision serait, à juste titre, plus nuancée sur la question des paiements courants des États-unis; il importe de noter, en effet, que le ratio endettement extérieur net/PIB, bien qu'en hausse, demeure modeste (et le service de la dette encore plus) et que, pour l'instant, la position sans égale du dollar comme monnaie de réserve mondiale doit contribuer à en préserver la valeur. *{ pagination originale du document: p. 176} Mais c'est en essayant d'identifier les risques que l'on est amené à considérer les politiques qui permettraient de les éviter. En principe, cela reviendrait à stimuler la demande dans les économies industrielles à croissance lente et à faire l'inverse ailleurs. Or, dans de nombreux pays, de sérieux obstacles s'opposent à la réalisation de telles politiques. S'en remettre à l'action budgétaire pour soutenir la demande, par exemple, pourrait parfois aller à l'encontre des objectifs à moyen terme d'assainissement des finances publiques, tandis qu'un assouplissement monétaire risquerait d'alimenter la hausse des prix des actifs. Au sein des économies émergentes d'Asie, des réactions rapides, comportant avant tout un engagement politique, aux prescriptions du Fonds monétaire international seraient le meilleur moyen d'améliorer les perspectives de croissance là où cet engagement fait encore défaut. Une telle attitude aiderait à restaurer la confiance, permettant alors une détente des taux d'intérêt et un redressement des cours de change, tombés à des niveaux excessivement bas. Comme le service de la dette, tant intérieure qu'extérieure, deviendrait plus supportable, les marges imposées aux emprunteurs ne pourraient que diminuer et l'accès au crédit étranger s'en trouverait facilité. À l'évidence, les chances de parvenir à de tels engagements politiques augmenteraient si la portée des recommandations du FMI pouvait se limiter au rétablissement de la stabilité financière et aux mesures traditionnelles nécessaires à l'équilibre de la balance des paiements. Pour restaurer la liquidité de nombreuses économies asiatiques, il faudrait également procéder rapidement à une restructuration transparente, et politiquement neutre, des systèmes bancaires nationaux. Si l'on n'a pas enregistré pour l'instant, abstraction faite de l'Indonésie, un rationnement du crédit d'une ampleur comparable à ce qui s'était passé au Mexique, il importe de limiter le risque d'une telle éventualité dans le reste de l'Asie. D'aucuns pourraient, certes, objecter que cette restructuration contribuerait en soi à un rationnement du crédit, mais l'histoire semble prouver le contraire. Fermer les banques les plus faibles et recapitaliser les autres une fois pour toutes ne devrait pas nécessairement causer de problèmes, même si une telle entreprise est assurément délicate. En fait, le rationnement du crédit apparaît le plus souvent lorsque les autorités laissent subsister des incertitudes sur la solidité des banques, en particulier quand s'y ajoutent les incertitudes des banques elles-mêmes sur la solvabilité de leur clientèle. Enfin, force est d'admettre qu'on ne peut compter d'emblée sur des politiques optimales, auxquelles, de toute façon, il faudra du temps pour faire sentir leurs effets. Dans l'hypothèse d'une période transitoire, peut-être longue, de croissance lente, la Banque mondiale et d'autres instances ont eu parfaitement raison de souligner la nécessité d'alléger le fardeau des plus défavorisés qui supportent le poids le plus lourd de la crise asiatique. Relancer la croissance au japon ne sera pas chose facile, après pratiquement une décennie d'atermoiements face à des problèmes fondamentaux du même ordre que ceux qui viennent tout juste d'apparaître dans d'autres pays d'Asie. *{ pagination originale du document: p. 177} Durant cette période, la confiance des consommateurs ainsi que la situation financière des entreprises et du secteur bancaire se sont fortement détériorées. En fait, l'expérience japonaise devrait constituer un cas d'école illustrant la nécessité d'agir avec détermination pour restaurer rapidement la stabilité après l'éclatement d'une bulle. Il n'est pas encore trop tard, cependant, pour restructurer le système bancaire, sur la base des suggestions faites précédemment, et pour stimuler davantage l'économie, grâce à des allégements fiscaux permanents en faveur de ceux qui paraissent le plus en mesure de dépenser ce surcroît de revenu dans les conditions actuelles. C'est d'autant plus nécessaire que l'assouplissement monétaire semble de plus en plus entravé par l'augmentation marquée de la préférence des résidents pour la liquidité (en raison notamment des préoccupations sur la solidité des banques) et par les craintes d'une aggravation des tensions commerciales avec les États-unis, par suite de l'affaiblissement du yen. Cette appréhension peut très bien être infondée, étant donné que le déficit courant des États-unis est essentiellement d'origine interne, puisqu'il résulte d'une situation de plein emploi et d'un taux d'épargne relativement bas, mais elle paraît être néanmoins une réalité politique. Un développement récent, lié à la crise asiatique, contribuera à soutenir la demande au japon et dans de nombreux pays. La chute des prix du pétrole et d'autres matières premières constitue, en effet, un choc positif des termes de l'échange pour tous les grands pays industriels, et pour beaucoup d'économies émergentes, qui permet d'accroître le revenu disponible. Elle aidera, en outre, à réduire le déficit commercial des États-unis en valeur absolue, même si elle continue de renforcer les excédents au japon et en Europe. En contrepartie, son coût sera supporté par un nombre limité de pays, en particulier les principaux exportateurs de pétrole, qui pourront avoir du mal à s'adapter Au Mexique comme en Russie, les exportations pétrolières représentent encore un tiers environ des recettes de l'État, de sorte que la modération budgétaire passera nécessairement par d'importantes compressions des dépenses publiques. En Arabie Saoudite, au Venezuela, au Nigeria et en Indonésie, des problèmes analogues se poseront. Dans l'ensemble, comme les perdants sont contraints de s'adapter, et non les gagnants, le recul des prix des matières premières risque fort de freiner la demande mondiale. L'union monétaire étant en bonne voie, les perspectives de croissance économique non inflationniste en Europe, et les implications qui en résultent pour la politique monétaire, doivent être appréciées de plus en plus en termes agrégés. Si les taux d'intérêt sont actuellement fixés, en Allemagne et en France, à des niveaux qui conviennent à chacun de ces deux pays, les taux appropriés pour l'ensemble de la zone UEM pourraient être légèrement supérieurs, compte tenu de la situation conjoncturelle plus avancée de certains autres pays membres. Cette conclusion appelle toutefois trois réserves importantes. Premièrement, le processus actuel d'assainissement budgétaire et d'ajustement structurel en Europe atténuerait la nécessité d'un tel resserrement monétaire. Deuxièmement, un affaiblissement du dollar par rapport aux monnaies européennes aurait de nouveaux effets désinflationnistes. Enfin, l'incidence globale de la crise asiatique sur l'Europe reste à évaluer. La seule chose, peut-être, qui soit parfaitement claire, c'est que la Banque centrale européenne devra suivre avec beaucoup de soin l'évolution de la situation conjoncturelle, tant avant le ler janvier 1999 que par la suite. *{ pagination originale du document: p. 178} Aux États-unis comme au Royaume-uni, la conjonction de tensions sur le marché du travail, d'une détérioration du solde commercial et d'une flambée des prix des actifs financiers porterait à croire que les risques d'inflation augmentent. Un nouveau durcissement monétaire pourrait donc paraître recommandé, même si cela comporte d'autres risques. Un relèvement des taux d'intérêt, en particulier aux États-unis, accentuerait les difficultés auxquelles sont confrontées les économies émergentes lourdement endettées et pourrait avoir des effets d'une ampleur imprévisible sur le marché des actions ainsi que sur le cours de change. En l'occurrence, un degré supplémentaire de rigueur budgétaire aiderait à répondre aux exigences conjoncturelles à court terme ainsi qu'aux préoccupations à long terme sur le caractère soutenable de la situation des finances publiques. Dans aucun de ces deux pays, cependant, une telle éventualité n'apparaît très probable. Libéralisation financière et changements structurels. Comme si la conduite de la politique macroéconomique n'était pas suffisamment difficile, les décideurs doivent de plus en plus former leurs jugements dans un contexte de libéralisation et de changements structurels des marchés des capitaux. Trois évolutions importantes appellent l'attention. Premièrement, la concurrence s'intensifie dans le monde pour la prestation de services financiers, alors que les établissements bancaires traditionnels se trouvent déjà soumis a pressions particulièrement intenses. Cette situation pourrait fort bien avoir des implications pour le mécanisme de transmission de la politique monétaire. Deuxièmement, les variations brutales des flux de capitaux internationaux vers les économies émergentes compliquent sérieusement la formulation de leurs politiques internes. Troisièmement, l'instauration de l'UEM offrira un cadre nouveau pour la conduite de la politique macroéconomique en Europe. Ces trois évolutions ont également des implications pour les politiques prudentielles, qui sont examinées ci-après. Les intermédiaires financiers non bancaires reçoivent une proportion de plus en plus importante de l'épargne du monde industriel. Or, comme il apparaît que les régimes de retraite par répartition, en Europe et ailleurs, ne disposeront vraisemblablement pas des ressources adéquates pour répondre aux besoins futurs, cette tendance risque fort de s'accentuer. On peut raisonnablement penser que les gestionnaires de tels fonds auront un comportement différent de celui des banquiers traditionnels, sans qu'il soit nécessairement meilleur ou pire. Ainsi, la tendance croissante des épargnants privés à investir à long terme dans des fonds en actions peut avoir contribué à l'essor récent des marchés de ces titres dans le monde. Au surplus, il n'est pas facile de prévoir quelle pourrait être l'attitude de ces épargnants en cas de correction prononcée des cours boursiers. Il est vrai également que l'intermédiation bancaire traditionnelle est de plus en plus menacée par les marchés des titres et que, pour tenter de se protéger, les banques y renforcent leur présence. Le rétrécissement généralisé des marges, que la crise asiatique n'a que momentanément interrompu, témoigne de l'ampleur de ces forces concurrentielles et permet de comprendre pourquoi l'expansion du crédit a été aussi rapide dans certains pays. *{ pagination originale du document: p. 179} En outre, la suppression de fait des restrictions de la loi Glass-steagall aux États-unis, la mise en ouvre du "Big Bang" au japon à compter du ler avril 1998 et le nouvel élan que l'avènement de l'euro va probablement conférer à la concurrence internationale laissent encore présager une accentuation de ce processus de changements structurels et d'intensification de la concurrence. Les marchés émergents ont peut-être déjà été touchés par ces tendances et par la course aux rendements qui en résulte. Les entrées de capitaux internationaux, sous forme essentiellement de crédits bancaires à court terme, sont passées d'un niveau quasiment égal à zéro, en 1989, à un record de près de $170 milliards, en 1996, et ont été suivies, plus récemment, d'importantes sorties. Faire face à ces renversements a été extrêmement difficile, car les afflux ont généralement contribué à l'explosion des dépenses alors que les retraits ont précipité la crise. Une plus grande flexibilité à la hausse des cours de change aurait certainement aidé à atténuer ces mouvements, en équilibrant davantage les possibilités de gain ou de perte sur les marchés des changes, mais l'expérience mexicaine du début des années 90 nous a montré que ce n'est pas forcément la solution. Les récents développements en Asie ont relancé le débat sur les avantages et inconvénients des contrôles sur les mouvements de capitaux, débat alimenté en outre par la proposition, faite parallèlement, d'amender les statuts du Fonds monétaire international, afin de lui conférer un mandat explicite visant à encourager la libéralisation de ces mouvements. Les partisans d'une intensification des contrôles font valoir que, bien souvent, les pays qui enregistrent un taux d'épargne élevé rencontrent déjà des problèmes pour effectuer une allocation correcte de leurs propres ressources. Ils soulignent également les difficultés à court terme liées à l'instabilité macroéconomique et partent généralement du principe que les marchés internationaux sont enclins à des comportements déstabilisants. En revanche, l'approche du FMI porte essentiellement sur l'objectif à long terme d'efficience micro-économique dans l'allocation du capital et se fonde sur la conviction qu'il existe des moyens moins perturbateurs de faire face aux problèmes macroéconomiques qui peuvent se poser dans l'immédiat. Dans la mesure où ces problèmes résultent d'un comportement grégaire des banques, comme cela semble avoir été le cas récemment, les remèdes possibles sont examinés ci-après dans le cadre de la prévention et de la gestion des crises. Il n'y a certainement pas de réponse simple à ce problème récurrent, qui requiert un compromis sur le long terme entre efficacité et stabilité. Cependant, un consensus paraît s'établir sur le fait que l'abandon des contrôles, certes souhaitable, doit être effectué avec la plus grande prudence et que les entrées de capitaux d'échéance longue sont préférables aux apports à court terme. Si la proposition d'amendement des statuts du FMI était acceptée, il est probable qu'elle aurait pour effet immédiat d'accroître fa pression exercée sur les économies émergentes pour qu'elles renforcent leur système financier, condition préalable à toute libéralisation ultérieure des mouvements de capitaux. Ce ne serait pas une mauvaise chose. Le troisième changement structurel important affectant les marchés des capitaux est l'introduction de l'euro, dont le processus est bien engagé. La Banque centrale européenne devra prendre en compte, dès son instauration, un certain nombre d'éléments de caractère transitoire pour la conduite de la politique monétaire. *{ pagination originale du document: p. 180} Il faudra du temps pour en comprendre parfaitement le mécanisme de transmission dans le marché intégré, et l'intensification espérée de la concurrence risque fort de provoquer de nouvelles modifications des structures financières. Il est probable que le comportement des agrégats monétaires s'en trouvera rapidement affecté et qu'il sera alors nécessaire d'adopter un dosage plutôt éclectique d'objectifs monétaire et d'inflation, au moins pendant quelque temps. À mesure que la crédibilité de la BCE se renforcera, les effets qui en résulteront pour le processus de formation des salaires et des prix évolueront, eux aussi, mais dans un sens favorable. La conduite à plus long terme de la politique macroéconomique dans la zone euro sera influencée, de toute évidence, par l'introduction de la monnaie unique. Les pays où les salaires et les prix s'écartent de ceux de leurs concurrents ne pourront plus recourir à une dépréciation de leur monnaie. En conséquence, les ajustements indispensables devront provenir de modifications appropriées des salaires et des prix internes pour empêcher une montée du chômage. Le rôle d'ancrage joué par un objectif d'inflation transparent pour l'ensemble de la zone monétaire facilitera sans doute un tel ajustement, mais des réformes beaucoup plus vastes des marchés du travail et des produits seront aussi nécessaires. Malheureusement, si des progrès significatifs ont été réalisés dans quelques pays, les résultats enregistrés à ce jour en Europe sont très mitigés. Il faut espérer que l'introduction de l'euro servira également de catalyseur pour stimuler les changements structurels requis à une échelle européenne plus large. Prévention et gestion des crises. Les crises mexicaine et asiatique ont présenté des similitudes, au sens où les difficultés de balance des paiements, conjuguées à la faiblesse des systèmes financiers internes, ont eu des effets catastrophiques. Elles ont été différentes, cependant, car la première a été caractérisée par une consommation excessive et la seconde par un investissement excessif. En outre, la crise mexicaine a eu pour protagonistes un débiteur souverain et des créanciers non bancaires, tandis qu'en Asie il s'agissait essentiellement de débiteurs du secteur privé et de créanciers bancaires. S'il est vrai que deux crises ne sont jamais identiques, ce qui complique la recherche de mesures destinées à la fois à les prévenir et à les résoudre, certaines initiatives positives peuvent être néanmoins recommandées. La prévention des crises exige, avant tout, des systèmes financiers internes sains. Si les Principes fondamentaux de Bâle pour un contrôle bancaire efficace constituent des éléments essentiels pour apporter des améliorations dans ce domaine, leur mise en ouvre sera cependant difficile. Il existe actuellement, tant dans les banques qu'au niveau des autorités de contrôle, une forte pénurie de personnel qualifié, ce qui nécessitera un effort de formation considérable et des ressources importantes pendant de nombreuses années. Un autre problème, peut-être encore plus délicat, réside dans la résistance politique aux réformes, de la part de ceux qui bénéficient du système existant. Si la discipline de marché ainsi que les pressions collégiales des autorités prudentielles et des responsables politiques des pays plus avancés en la matière ne sont pas suffisantes pour surmonter de tels obstacles, des retraits d'agrément pourraient alors être envisagés pour les banques relevant de juridictions dotées de normes prudentielles inadéquates. *{ pagination originale du document: p. 181} Il est possible, également, que des normes internationales soient nécessaires dans d'autres domaines pour assurer la solidité des systèmes financiers. Les comités qui, dans le cadre de la BRI, rendent compte aux gouverneurs des pays du Groupe des Dix s'emploient actuellement à évaluer la nécessité et la faisabilité de l'élaboration de lignes directrices ou de principes dans certains secteurs. Ce qui est indéniable, par exemple, c'est le besoin de normes comptables claires, comparables à l'échelle internationale et transparentes. Si la signification des données comptables des entreprises n'apparaît pas nettement, il est impossible d'évaluer la qualité des crédits ou la solidité des banques qui les ont accordés. Des doutes dans l'interprétation des comptes des banques elles-mêmes ne peuvent qu'accentuer l'opacité, indésirable, dans de nombreuses économies émergentes, voire dans quelques pays industriels. Ces deux problèmes doivent être traités en urgence. D'une manière plus générale, il importe instamment d'améliorer, dans tous les pays, la transparence et la communication financière dans le secteur privé comme dans le secteur public. La prévention des crises demande davantage, cependant, que l'existence, au départ, d'un système financier sain. Elle requiert également des indicateurs adéquats signalant toute atteinte à la stabilité macroéconomique, qu'elle résulte d'évolutions nouvelles au sein du système bancaire ou qu'elle ait d'autres origines, ainsi qu'un ensemble d'incitations pour garantir que ceux qui sont chargés d'agir le font avant que la crise n'éclate. Le problème des indicateurs est cependant délicat, pour les raisons déjà mentionnées. De dangereux excès se produisent généralement à partir de données fondamentales saines, et il n'est pas facile de savoir à quel moment on est allé trop loin. Si un certain nombre de modèles empiriques ont été élaborés pour prévoir aussi bien les crises de balance des paiements que celles du système bancaire, leur défaut commun est d'annoncer bien souvent des crises qui n'arrivent jamais. Ce genre d'incertitudes peut expliquer la réticence des pouvoirs publics à effectuer des prévisions dans ce domaine ainsi que le peu d'empressement des agences de notation à réagir rapidement aux premiers signes de difficultés. La question des incitations à agir préventivement est tout aussi délicate. Il suffit de voir comment la discipline de marché a fonctionné lors des crises mexicaine et asiatique. En effet, les capitaux ont continué d'affluer, en dépit de statistiques largement diffusées montrant clairement l'augmentation spectaculaire du volume des tesobonos et d'autres titres de dette à court terme, pour le Mexique, et des prêts bancaires internationaux à court terme, pour l'Asie. Ces données ont été généralement ignorées, bien que, dans le cas de l'Asie, certaines indications montrent que des institutions financières non bancaires ont retiré des fonds avant l'éclatement de la crise. Des études doivent être entreprises d'urgence pour comprendre les mécanismes qui ont conduit les banques à accroître encore leur exposition envers des pays d'où émanaient pourtant des signaux d'alerte, émis d'ailleurs parfois à l'intérieur même des banques. La réponse tient peut-être au fait que les montants en jeu étaient relativement faibles sous l'angle du prêteur, alors que, sous celui du bénéficiaire, leur ampleur était inquiétante. Si l'existence de tels effets externes était avérée, elle plaiderait en faveur d'une certaine forme d'intervention des autorités. *{ pagination originale du document: p. 182} Le secteur public doit également reconsidérer ses propres structures d'incitation, pour voir s'il y a lieu de les améliorer au moins dans trois domaines. L'une des causes possibles de l'ampleur des prêts bancaires internationaux à l'Asie a été l'existence de filets de sécurité officiels, tant pour les débiteurs que pour les créanciers, qui semblaient atténuer pratiquement toute forme de risque. La plupart des emprunts extérieurs étant effectués par des banques résidentes, le risque de crédit habituel était réduit, un soutien officiel étant escompté en cas de difficulté. Les préoccupations concernant le risque de liquidité peuvent avoir été apaisées par les diverses mesures de soutien de liquidité mises en place auparavant par la communauté financière internationale, même si elles étaient nécessaires à ce moment-là. Enfin, le fait que la plupart de ces prêts à l'Asie étaient à court terme et libellés en devises a affaibli également la perception des risques de marché. Une deuxième question concernant le secteur public est de savoir si les spécifications précises des ratios prudentiels de fonds propres ont rendu les prêts interbancaires à court terme particulièrement attrayants. En ce cas, les divers arguments en faveur de telles spécifications doivent être reconsidérés. Troisièmement, il convient de se demander si des incitations adéquates existent, tant dans les pays prêteurs qu'emprunteurs, pour amener les autorités de contrôle elles-mêmes à intervenir rapidement avant que la crise n'éclate. Dans le monde moderne, les autorités prudentielles doivent disposer, comme c'est le cas pour les autorités monétaires, d'un mandat clair et cohérent ainsi que des pouvoirs nécessaires à la réalisation de leurs objectifs, en assumant la responsabilité de leurs actions. Si ces conditions ne sont pas remplies, et elles sont loin de l'être partout, les autorités de contrôle peuvent être amenées, elles aussi, à faire preuve de passivité. Bien que la crise asiatique ne soit pas encore définitivement terminée, certaines observations concernant la gestion des crises s'imposent déjà. Tout d'abord, les prêteurs du secteur privé doivent assumer leur part de responsabilité en maintenant leurs concours à des clients auxquels ils ont auparavant consenti beaucoup trop facilement des crédits. Il ne s'agit pas uniquement d'éviter des problèmes de risque subjectif mais d'admettre une simple réalité. Les flux de capitaux sont actuellement si importants que les ressources du secteur public sont tout simplement insuffisantes pour colmater toutes les brèches qui pourraient apparaître avec leur reflux. Il importe donc que la charge soit mieux répartie. Deuxièmement, force est de reconnaître que la menace d'un gel unilatéral des paiements pourrait amener les banques plus rapidement autour de la table de négociation. Une telle menace serait plus crédible si les institutions financières internationales faisaient savoir à l'avance qu'elles sont disposées à fournir les nouveaux financements nécessaires sous forme de "prêts sur arriérés" aux pays dont les politiques internes paraîtraient acceptables. Les ministres et gouverneurs des banques centrales du Groupe des Dix ont souscrit à la proposition appelant le FMI à reconsidérer ses politiques dans ce domaine. Enfin, après la crise mexicaine, les suppléants du G 10 avaient formulé diverses recommandations visant à faciliter la gestion des crises. Comme aucune d'elles n'a encore été mise en application, il convient de se demander ce qui pourrait et devrait être fait maintenant à cet égard. *{ pagination originale du document: p. 183} Les questions liées à la gestion des crises continueront d'exiger une grande attention, étant donné que les mesures de prévention ne s'avéreront jamais totalement fiables. Il ne s'agit pas là d'un aveu d'impuissance mais d'un constat réaliste. Il est à espérer qu'il encouragera les décideurs à redoubler d'efforts pour favoriser la stabilité des prix et la stabilité financière, en les incitant aussi à prévoir des solutions pour le cas où les événements ne prendraient pas la tournure souhaitée. Compte tenu des interactions parfois déconcertantes entre les facteurs économiques, politiques et sociaux, il ne serait vraiment pas prudent de supposer que tout ira pour le mieux.